La Russie d'Aujourd'hui

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70 ans après, l’amour perdu réapparaît Un vétéran russe de 1941-45 retrouve la trace de sa « fiancée » française. P. 8

Style russe pour maisons de luxe La styliste-graphiste Evgenia Miro, installée à Paris, crée des motifs pour les grandes marques.

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux

P. 7 ARCHIVES PERSONNELLES

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 17 avril 2013

Consommation Tendance produits naturels

Chômage ? Les Russes s’en sortent bien, merci !

Des fermes bio pour alimenter un marché croissant Les Russes optant pour un style de vie plus sain, l’alimentation bio n’est plus perçue comme un mode de consommation extravagant. En amont, les fermes biologiques se multiplient. ALINA OUKOLOVA

ALAMY/LEGION MEDIA

Contrairement à l’idée reçue d’une Russie jamais remise de sa brutale transition vers le capitalisme, certains paramètres de son économie font des envieux en Europe. En particulier un taux de chômage (4,8%) en baisse, quand la moyenne de la zone euro flirte

rotation des effectifs et de graves déficits de main d’œuvre qualifiée dans certains secteurs. D’ailleurs, tout n’est pas rose : inégalités et marché noir sévissent.

désormais avec les 12%. Le chômage est la hantise de nombreux Français, alors qu’un récent sondage indique que ce souci diminue dans l’esprit des Russes. Le marché du travail n’est pas dicté par les employeurs qui, en conséquence, se plaignent d’une importante

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Crise chypriote Les avoirs russes touchés par le prélèvement sur les comptes bancaires

Moscou fait (en partie) les frais de l’accord En dépit des risques de pertes élevées pour de nombreuses entreprises russes présentes à Chypre, Moscou s’est rallié au plan d’aide international visant à éviter le naufrage de l’île. PAUL DUVERNET LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

AFP/EASTNEWS

Le ministre des Finances chypriote lors de sa visite à Moscou.

Où en est le partenariat ?

Églises en bois

À la veille du colloque France-Russie à l’Assemblée nationale, le politologue Arnaud Dubien fait le point sur les relations bilatérales.

La vieille Russie vit encore dans ces beaux exemples d’architecture traditionnelle. Suivez notre guide !

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LEGION-MEDIA

Après avoir tempêté contre la gestion de la crise chypriote par les autorités européennes, la Russie a décidé de mettre la main à la pâte. Le 25 mars, Vladimir Poutine a fait savoir par son porteparole Dmitri Peskov que Moscou acceptait de restructurer le prêt de 2,5 milliards d’euros accordé à l’île en décembre 2011. Aux termes de l’accord avec les autorités de Nicosie, le gouvernement russe effacera 10% du prêt dont la durée, selon le ministre des Finances russe Anton

Silouanov, sera rallongée de cinq ans et dont le taux annuel sera abaissé de 4,5% à 2,5%. En fait, l’assouplissement consenti par Moscou permet de débloquer le plan de la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), qui prévoit le versement d’une aide d’urgence de 10 milliards d’euros en échange d’un prélèvement sur les comptes bancaires. La réaction initiale de Moscou à la crise chypriote avait été de claquer la porte, alors que Chypre semblait opter pour des mesures conduisant à un gel de l’argent russe dans l’île, voire à des « expropriations » (un terme largement employé par la presse russe). Le ministre des Finances chypriote Michael Sarris était rentré bredouille d’une visite à Moscou le 20 mars. Et Nicosie s’était fait tancer par la chancelière allemande Angela Merkel pour avoir quémandé de l’aide et à Moscou, et à Bruxelles. Chypre était devenue une pierre d’achoppement entre la Russie et l’U.E.

Les rayons d’aliments « organiques » ou « bio » prennent du volume dans les supermarchés russes. Les produits sans fertilisants ni additifs ont toujours existé en Russie mais il y a seulement cinq ans, les seuls fruits et légumes de ce type provenaient des potagers des datchas privées. L’agriculture fermière avait disparu dans la première moitié du XXème siècle au profit de la production industrielle réalisée dans les kolkhozes. Mais depuis quelques années, on assiste à un regain d’intérêt pour le terroir qui se manifeste par l’acquisition de terres agricoles et la culture de produits du sol ou la production de viande organiques destinés à la vente.

ITAR-TASS

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Boris Akimov, le fondateur du magasin d’alimentation biologique Lavka, explique qu’il y a quatre ans, il avait du mal à trouver des agriculteurs susceptibles de lui assurer la fourniture régulière de ce type de nourriture de plus en plus recherché. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. LA SUITE EN PAGE 4


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Politique

ENTRETIEN AVEC ARNAUD DUBIEN

Un partenariat à l’abri de l’écueil syrien ORGANISATEUR DU COLLOQUE « FRANCE-RUSSIE : LES PERSPECTIVES DU PARTENARIAT STRATÉGIQUE » LE 18 AVRIL À L’ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISE, ARNAUD DUBIEN ÉVOQUE LES PRINCIPAUX AXES DES RAPPORTS BILATÉRAUX Non, il n’y a pas de revirement. C’est vrai qu’il y a eu des inquiétudes à Moscou (moindres toutefois qu’en 2007 lors de l’élection de Nicolas Sarkozy) car les socialistes n’ont pas vraiment montré un grand intérêt pour la Russie au cours des deux dernières décennies. Le Kremlin, on le sait, préfère la famille gaulliste et les interlocuteurs qu’il connaît déjà. Mais il y eu des signaux positifs. François Hollande a nommé Jean-Pierre Chevènement – l’un des rares russophiles à gauche – comme envoyé spécial pour la Russie. Le président français a montré, lors de sa visite à Moscou [les 27 et 28 février dernier, ndlr], qu’il mettait l’accent sur la diplomatie économique.

Chinois dans des domaines vraiment sensibles relevant de la souveraineté nationale : le choix de Kourou pour le lancement de Soyouz ou l’achat des Mistral à la France reflètent au fond la conviction que Paris a une politique étrangère et de sécurité indépendante, ce qui rend possibles de tels partenariats. Lors de son passage à Moscou, FrançoisHollandeadéploréqueles investissements russes en France restent très modestes par rapport aux investissements français en Russie. À quoi est-ce dû ? Tout d’abord, les choses commencent à changer. L’acquisition de Gefco par les Chemins de fers russes (RZD) pour 800 millions d’euros crée un précédent. D’autre part, la France n’est pas à la remorque par rapport au reste de l’Europe. Les Russes réalisent assez peu d’investissements industriels à l’étranger de manière générale, hors CEI (Communauté des États indépendants). Il est vrai que la France n’est pas immédiatement perçue comme une terre d’investissements : il faut donc faire de la pédagogie, expliquer par exemple que la France est la première destination pour les investissements américains en Europe. Y a-t-il un refroidissement des relations depuis l’arrivée au pouvoir de M. Hollande ?

BIOGRAPHIE POSTE : DIRECTEUR DE L’OBSERVATOIRE FRANCORUSSE SERVICE DE PRESSE

On observe une pause dans les grands contrats entre la France et la Russie. Qu’est-ce qui peut relancer la dynamique ? Je pense que les impulsions doivent désormais venir des grandes entreprises. Mais n’oubliez pas que le calendrier des investisseurs ne coïncide pas forcément avec le calendrier politique. Actuellement, les annonces sont moins spectaculaires, mais c’est aussi dû au fait que les grandes entreprises françaises sont déjà solidement implantées en Russie. L’un des gisements de croissance pour les exportations françaises en Russie réside à l’avenir dans les PME, qui, traditionnellement, suivent le sillon tracé par les grands groupes. Les régions russes représentent également un marché très important et encore peu exploré. Les Français ne peuvent évidemment pas gagner tous les grands contrats car les Russes mènent une politique prudente qui vise à ne pas placer tous leurs œufs dans le même panier. Des entreprises allemandes, italiennes, canadiennes ou chinoises remportent également de grands succès. Le contexte politique est plutôt favorable à la France : on observe, depuis l’automne 2012, un sérieux refroidissement entre Moscou et Berlin, et l’Italie n’a pas de gouvernement. Enfin, les Russes ne travailleront jamais avec les Américains ou les

Diplômé de l’Institut national des langues et civilisations orientales et de Sciences Po-

Moscou, parent pauvre de l’accord sur Chypre SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Situation inédite : l’ensemble des Russes, des libéraux aux interventionnistes, des conservateurs aux progressistes, tous se sont emportés contre Bruxelles et Berlin, accusées d’éponger la dette chypriote avec l’argent russe qui s’y trouvait brusquement pris en otage. Pour Natalia Orlova, économiste en chef chez Alfa Bank, l’irritation des autorités russes s’explique non seulement par le volume des fonds concernés, mais aussi par l’attitude des Européens. « Moscou s’attendait évidemment à être préalablement consultée sur cette affaire. La Russie, comme d’ailleurs la communauté internationale dans son ensemble, a été mise devant le fait accompli, avec un accord instituant une taxe sur les dépôts [bancaires] », souligne Orlova. Taxe tout à fait inédite par ailleurs en Europe. Selon les estimations, l’argent russe placé sur des comptes bancaires chypriotes s’élève à environ 34 milliards d’euros, soit un tiers du total des dépôts bancaires de l’île et 90% de ceux réalisés par des étrangers. L’économiste Anders Aslund estime que près de 3 milliards d’euros venant de comptes russes « sont

Banques chypriotes

ALIONA REPKINA

probablement déjà perdus, et que le reste sera sujet à de rigoureux contrôles ». PourValeri Mironov, de l’École Supérieure d’Économie, « si le scénario du pire se réalise (gel des gros comptes, limites sur les transferts de capitaux hors de Chypre), les pertes pour les résidents russes pourraient grimper jusqu’à 30 milliards d’euros, soit 1,5% du PIB russe ». Devant un tel risque, Moscou fait le dos rond et opte pour un certain pragmatisme. Pourquoi

un tel revirement ? Selon Oleg Viouguine, président de la banque MDM, « la situation est devenue suffisamment claire pour que la Russie accepte de restructurer son prêt ». La Russie essuie les plâtres, mais c’est pour la bonne cause : il faut rapatrier les fonds russes opérant depuis Chypre. Il s’agit de « désoffshoriser » l’économie russe, selon l’expression employée par le Premier ministre Dmitri Medvedev. Chypre est le paradis fiscal préféré de la com-

Paris, Arnaud Dubien collabora à l’Institut de relations internationales et stratégiques et fut rédacteur en chef des lettres confidentielles Russia Intelligence et Ukraine Intelligence. Il est membre du Club de Valdaï (spécialisé sur la Russie).

munauté d’affaires russes. Invariablement depuis dix ans, la modeste île méditerranéenne arrive en tête du classement des investissements étrangers en Russie. Une anomalie qui s’explique facilement : ce sont en réalité des capitaux russes injectés depuis des sociétés de portefeuille installées à Chypre pour payer moins d’impôts et profiter d’une juridiction plus libérale. Cet argent fait un mouvement aller et retour, soit in fine un aller simple vers l’île. En 2011, les banques et sociétés russes ont investi directement 22,4 milliards de dollars à Chypre (un tiers du total des investissement russes à l’étranger), tandis qu’au retour, la somme tombait à 13,5 milliards. Une partie de la différence s’explique par les dividendes versés aux actionnaires situés à Chypre et qui ne retournent pas dans leur patrie. Parmi les principales sociétés russes dont les sociétés de portefeuilles sont basées dans l’île, on peut citer les quatre principaux aciéristes du pays : Severstal, MMK, Evraz et NLMK. Des secteurs entiers basent leurs opérations dans l’île, comme l’immobilier/BTP. Selon Svetlana Kara, partenaire chez Praedium Investment Capital, « autour de 80% des actifs immobiliers russes sont entre les mains de sociétés enregistrées à Chypre ». Le vice-premier ministre Igor Chouvalov fait valoir que « ce qui arrive est un bon signal pour ceux qui sont prêts à transférer leur capital vers des banques russes, sous une juridiction russe. Nos banques sont très stables ».

On a le sentiment d’une bonne volonté mutuelle dans le domaine commercial, mais ce n’est pas aussi évident en matière politique. La vraie pomme de discorde était et reste la Syrie. C’est le dossier qui cristallise les divergences politiques entre Paris et Moscou. Je pensais que la visite de Hollande allait permettre de trouver un compromis, d’autant que de nombreux dirigeants occidentaux – y compris à Washington – s’émeuvent de la montée en puissance des islamistes sur le terrain. Mais l’annonce tonitruante, dans la foulée, de livraisons d’armes françaises à l’op-

position syrienne a tué dans l’œuf l’hypothèse d’un compromis. À l’inverse, la Russie a fait preuve de bonne volonté sur le dossier malien, dossier moins sujet à controverse mais de la plus haute importance pour Paris. Je peux me tromper, mais le différend sur la Syrie ne paraît pas « contaminer » le reste de la relation politique bilatérale ni la coopération économique entre nos deux pays. Comment expliquez-vous la position antagoniste Moscou sur la Syrie, qui l’éloigne du camp occidental ? La position russe est basée sur des principes et non sur de supposés intérêts commerciaux ou militaires. Ni la modeste « base navale » russe de Tartus (qui n’en est pas une en réalité), ni les intérêts économiques bilatéraux ne la justifient. Les Russes sont persuadés que les Occidentaux font fausse route et jouent un jeu aussi dangereux qu’incompréhensible avec les islamistes. L’affaire libyenne a été, vue du Kremlin, un contre-modèle absolu. Moscou estime que l’éclatement de la Syrie aura des conséquences très négatives dans toute la région, avec peut-être des répercussions dans le Caucase. Propos recueillis par Paul Duvernet

Sondage Élus et fonctionnaires mal perçus

L’étalage de la richesse ? Image de la corruption Les Russes sont de moins en moins tolérants envers l’opulence affichée par certains élus ou fonctionnaires, et perçue comme étant en rapport avec une activité criminelle. OLGA DORONINA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Les sondages sociologiques effectués en mars par le Centre Levada indiquent que seuls 13% des Russes estiment normal qu’un fonctionnaire ou un député soit « riche ». Un tiers des sondés (33%) considèrent cette situation comme mauvaise, alors qu’une majorité (44%) la jugent carrément criminelle. La signification de « riche » dans ce sondage est laissée à l’appréciation des personnes interrogées. L’écrasante majorité (62%) se prononce pour une limitation des revenus des fonctionnaires. Elles sont 20% à se prononcer également pour l’institution d’une limite du patrimoine immobilier, estimant que la possession de biens nuit à l’impartialité. Selon DenisVolkov, sociologue au Centre Levada, « les citoyens sont convaincus que les fonction-

naires et les élus sont exclusivement guidés par l’enrichissement personnel. De là vient la faible autorité de la Douma. C’est un cercle vicieux : d’un côté, les gens considèrent que les hommes politiques corrompus doivent être démasqués, et de l’autre, ils ne croient pas à l’efficacité de la campagne anti-corruption menée par le pouvoir ». Le directeur de l’Institut de sociologie politique, Vyatcheslav Smirnov, estime que ces mêmes fonctionnaires sont dans une grande mesure responsables du du mécontentement grandissant : « Ce ne sont pas seulement les nantis qui sont détestés, mais aussi ceux qui affichent leur richesse. Les fonctionnaires d’État n’en ont pas conscience et ne cherchent pas à cacher leur situation financière ». Le politologue conclut que la quête d’enrichissement doit rigoureusement devenir un facteur d’exclusion de la fonction publique. larussiedaujourdhui. fr/22987

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NATION, ARGENTINE • FOLHA DE SAO PAOLO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS, AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE. EMAIL : REDAC@LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)


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Société

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Emploi La Russie connaît un taux de chômage deux fois moindre

Un marché du travail à faire pâlir d’envie les Européens À l’heure où le taux de chômage enregistre des records en France et en Europe, le marché du travail russe a de quoi faire des jaloux. Les offres d’emploi progressent, avec des nuances. BENJAMIN HUTTER LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Au bout de quelques jours à Moscou, quand un touriste européen a épuisé ses questions sur l’eau du robinet, la situation politique et la profondeur du métro, il en vient à s’interroger sur le taux de chômage. C’est normal : en France, 67% des personnes interrogées affirment en avoir discuté en mars 2013 selon l’Ifop. Chaque mois, les statistiques annoncent une augmentation du nombre de chômeurs. En février 2013, ils étaient plus de 3 millions dans l’Hexagone selon Eurostat, soit 10,8% de la population active. En Espagne, c’est pire : le pays compte 26,3% de chômeurs, dont 58,4% ont moins de 25 ans. En Russie, c’est l’inverse. Selon un communiqué du ministère du Travail le 5 avril, « le nombre de personnes inscrites auprès des services d’aide à l’emploi a encore reculé de 1,75% en mars, soit une baisse de 19 400 personnes ». Au total, 1,1 million de Russes sont enregistrés comme chômeurs – soit trois fois moins qu’en France. Le nombre total de per-

sonnes sans emploi en Russie s’élèverait toutefois à 4,3 millions de personnes, soit 4,8% de la population active, selon l’agence de statistiques Rosstat.

Mais contrairement à la France où les services à la personne n’ont pas subi de crise, les offres d’emploi dans ce secteur sont en forte baisse (-24% en mars).

Les indicateurs sont au vert

Les Russes peu angoissés

« La Russie est bien sortie de la crise, tant en termes de croissance que sur le marché du travail », souligne Olga Koulaeva, spécialiste de l’emploi au Bureau de l’Organisation internationale du travail à Moscou (OIT). « Le taux de chômage avait atteint son maximum en février

Qu’en pensent les principaux intéressés ? Ioulia, 29 ans, estime que le chômage n’est pas un vrai problème à Moscou. « J’ai quitté mon poste d’assistante de production dans une chaîne de télévision et n’ai eu aucun mal à me reconvertir », témoigne-t-elle. Un mois après sa démission, elle était embauchée comme directrice de projet dans une galerie d’art. Roma, 42 ans, a déjà travaillé dans trois banques différentes ces deux dernières années, dans les services financiers. « Dans mon entourage, personne ne reste au chômage plus de trois mois », affirme-t-il. Une atmosphère générale que reflètent les résultats d’un sondage mené par le Centre de recherche sur l’opinion publique de Moscou (VTsIOM). En décembre 2012, 58% des personnes interrogées affirmaient que pendant les deux ou trois derniers mois, aucun de leurs proches n’avait perdu son travail : ils étaient 67% à le dire en mars 2013. Notons qu’ en avril 2011, 51% des personnes interrogées affirmaient discuter du chômage contre 36% seulement le mois dernier.

Si le taux d’emploi apparaît satisfaisant, il pourrait cependant être en décalage par rapport à la réalité 2009, touchant 9,4% de la population active, soit 7,1 millions de personnes. Fin mars 2012, il était déjà retombé à 6,5%, retrouvant ainsi son niveau d’avant la crise », rappelle-t-elle. L’offre d’emploi est à la hausse. Le portail Superjob.ru affirme qu’elle a augmenté de 2,2% en mars 2013. Les postes les plus recherchés ? Ceux de vendeurs (23,2% des postes vacants), d’ouvriers dans l’industrie énergétique (8,6%) ou encore dans le secteur de la construction (6,6%).

GETTY IMAGES/FOTOBANK

EN CHIFFRES

4,8%

2,2%

50%

Selon l’agence dela statisique Rosstat, 4,8% de la population active serait sans emploi en Russie.

Le nombre d’offres d’emploi a augmenté de 2,2% sur le portail Superjob.ru en mars 2013.

La moitié de la population active travaillerait au noir, selon la vice-première ministre Olga Golodets.

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Inégalités et marché noir Tout n’est pourtant pas si rose. Car derrière ce faible taux de chômage se cachent des inégalités géographiques et un marché noir qui a pris des proportions énormes. Certaines régions ont largement décroché de la locomotive moscovite.

« Dans le Nord-Caucase, le chômage se situe à 14,9% et à 32,3% en Tchétchénie », souligne Olga Koulaeva. Et si le taux d’emploi apparaît satisfaisant, il pourrait être en décalage par rapport à la réalité. « En Russie, la moitié de la population active travaille au noir », déplorait Olga Golodets, vice-première ministre, lors d’une conférence à la Haute école d’économie le 3 avril. Selon elle, 86 millions de personnes travailleraient aujourd’hui en Russie, dont seulement 48 millions légalement. « Cela vient du fait que dans de nombreuses régions du pays, il est difficile de trouver un emploi déclaré convenable », analyse Olga Koulaeva.

Coopération bilatérale Un Forum économique entre autres initiatives visant à rapprocher les communautés d’affaires des deux pays

Les chantiers du « Dialogue franco-russe » EKATERINA KOURKOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

En général, les relations franco-russes sont surtout mises en lumière lors de la signature de gros contrats – ou quand éclatent des conflits géopolitiques, ce qui est fort heureusement très rare. Au quotidien, des acteurs plus discrets œuvrent pourtant dans l’ombre pour renforcer la coopération entre les deux pays : c’est le cas du Dialogue franco-russe, créé en 2004, qui se présente comme une plateforme ouverte pour la discussion entre les sociétés civiles russe et française. Sa priorité ? Renforcer le partenariat économique entre les deux pays. Un forum économique russo-français sera ainsi organisé à Paris, à la veille du G20 de Saint-Pétersbourg en juin. Objectif annoncé : promouvoir la coopération économique et les investissements mutuels entre les deux pays – une priorité rappelée par le président russe et son homologue français François Hollande lors de leur rencontre à Moscou le 28 février dernier. Vladimir Poutine avait alors souligné la baisse du commerce bilatéral entre 2011 et 2012 : « Les experts sont unanimes : ce déclin est principalement dû à la crise de la zone euro ».

Priorité au « Grand Paris » et au « Grand Moscou » Le Forum mettra donc l’accent sur le développement des marchés financiers et la réglementation bancaire, le commerce et la coopération économique franco-russes ainsi que le partenariat concernant les petites et moyennes entreprises (PME). « Les sujets de discussions ne manquent pas, souligne Vladimir Iakounine, co-président de l’association. Le système économique et financier mondial n’est pas en bon état et jusqu’à maintenant, personne n’a proposé de plan pour sortir de cette crise ». On imagine que l’un des éléments clés de ce « dialogue franco-russe » concernera la collaboration autour des projets de « Grand Paris » et de « Grand Moscou », qui visent à transformer l’agglomération des deux capitales en grandes métropoles mondiales. Les autorités moscovites sont particulièrement intéressées par l’expérience française en matière d’infrastructures de transport et de divers autres secteurs sociaux. Le chef de l’Union russe des industriels et entrepreneurs, Alexandre Chokhine, y voit l’amorce d’une coopération toujours plus étroite. Selon lui, il convient de trouver le moyen de pousser plus loin l’intégration économique des deux pays. « Ce dialogue franco-russe est le premier pas vers un plus grand rapprochement », estime-t-il. L’Union russe des industriels et entre-

ILS L’ONT DIT

Vladimir Iakounine CO-PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DIALOGUE FRANCO-RUSSE

"

Les axes de travail de l’association sont aussi variés que le sont les relations entre nos deux pays. Il faut créer les conditions optimales pour développer un partenariat stratégique, une coopération industrielle, économique et culturelle entre la France et la Russie, mais aussi approfondir nos relations dans le domaine de la science, de la culture, de l’éducation, du tourisme et du sport".

Thierry Mariani

SERVICE DE PRESSE

Lors d’une réunion le 27 mars à l’ambassade de la Russie en France, l’association Dialogue franco-russe a annoncé la tenue d’un forum économique consacré aux deux pays en juin 2013.

Vladimir Iakounine à l’assemblée générale du Dialogue.

Les bases du dialogue posées en 2004

Le caractère apolitique de notre association favorise la multiplication des projets. Nous réunissons l’ensemble de la société civile, des hommes d’affaires aux artistes en passant par les universitaires".

"

L’association « Dialogue francorusse » a été créée le 9 décembre 2004 à Paris au cours de la visite du représentant du Gouvernement de la Fédération de Russie Mikhail Fradkov en France. Le président de la Féderation de Russie Vladimir Poutine et le président de la République Française Jacques Chirac ont officiellement donné

leur accord pour que l’activité de l’Association soit placée sous leur propre patronage. L’association a pour but l’encouragement au développement des relations de partenariat entre les deux pays dans la sphère politique, l’élargissement de la collaboration économique et le soutien aux projets d’envergure d’intérêt public.

Au-delà de l’économie, la jeunesse des deux pays et l’éducation seront à l’ordre du jour d’un forum spécial

preneurs et son homologue français, le MEDEF international, ont crée un Conseil du partenariat d’affaires qui fait partie de l’association Dialogue franco-russe.

Des projets pour la jeunesse

CO-PRÉSIDENT DU DIALOGUE FRANCO-RUSSE

Au-delà de l’économie, la jeunesse des deux pays ne sera pas oubliée. Côté français, deux manifestations viendront compléter le programme d’échanges

cette année, comme l’a demandé l’Office franco-russe de la jeunesse à Vladimir Iakounine et au député français Thierry Mariani. L’Office, qui a déjà organisé des camps d’été pour les étudiants au lac Seliger dans la région de Tver en Russie, souhaite en effet organiser un événement lié à la « jeunesse des régions » pour l’été 2013 : un forum devrait se tenir à ce sujet en août près de Strasbourg, sans que plus de précisions n’aient été apportées à ce stade. Par ailleurs, le Dialogue franco-russe sera l’un des organisateurs du Forum international de la jeunesse intitulé « Nouveaux paradigmes dans le monde de l’éducation : dialogue européen », qui se tiendra les 26 et 27 novembre prochains à Paris. Ce projet a été lancé par le mouvement des jeunes Youth Time pour discuter des valeurs communes et des fondements du système éducatif, deux thèmes aujourd’hui majeurs dans le cadre du Forum économique. Pour 2014, ses organisateurs espèrent qu’il acquerra véritablement un statut international. « Avec ce forum, nous tenterons de penser l’éducation audelà de son acception formelle et institutionnelle », déclare Ioulia Kinash, chef du mouvement de jeunesse Youth Time. « Nous voulons mettre l’accent sur l’éducation en tant que processus continu, quotidien, qui trouve une application dans sa carrière professionnelle mais forme également les valeurs et l’identité de la société ».


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Économie

La demande prédit un bel avenir aux fermes bio La situation s’est améliorée : l’agriculture de ferme gagne en popularité et ce sont désormais les fermiers qui appellent Lavka pour proposer des livraisons de produits bio. M. Akimov affirme que 99% des cultivateurs russes actuels sont d’anciens citadins qui ont quitté la ville pour créer leur propre ferme. C’est le cas deVladimir Lounyachin, de l’oblast de Penza à environ 600 km au sudest de Moscou : grâce à un prêt de 230 000 euros obtenu de Rosselkhozbank, la banque agricole, il a construit un restauroute doté de son propre verger de pommes et d’un potager. Les ventes de fruits et légumes permettent de dégager un chiffre d’affaires mensuel d’environ 15 000 euros. Selon le directeur du Festival gastronomique de Moscou, Igor Goubernskii, de telles réussites pourraient être beaucoup plus nombreuses en Russie où l’on ne compte pour l’instant que 200 initiatives du même type. Le mouvement est freiné par l’absence de normes et d’un vrai soutien de l’État.

L’un des principaux problèmes des fermiers concerne le taux élevé des prêts subventionnés : 5 à 6%, contre 2 à 3% en Europe, alors que l’investissement initial dans une ferme peut s’élever à 385 000 euros. Fondateur de l’organisme Ferma at Home, Maxime Livsiun explique qu’un taureau aux enchères pour la reproduction représente environ 23 000 euros, soit un coût semblable à celui la formation des sols et la préparation à la semence de dix hectares. Il existe pourtant une forte demande de produits agricoles. Le commerce des aliments biologiques se développe sur l’Internet ; les magasins de type Lavka et Priamo s Fermy (« en provenance directe de la ferme »), qui sont devenus des leaders de la filière, ont créé des sites où il est possible de commander des produits au producteur et de se les faire livrer à domicile. Les produits fermiers sont aujourd’hui proposés dans les rayons des grandes chaînes d’hypermarchés et de supermarchés. Les sondages d’opinion montrent que 60% des résidents

NATALIA MIKHAYLENKO

Votre potager bio en ligne !

60% des habitants de Moscou et SaintPétersbourg sont prêts à payer plus cher pour des aliments bio

Le complexe de serres situé dans le village d’Ostrovtsy, près de Moscou, accueille le projet iOgorod : n’importe qui peut louer un terrain, puis regarder par webcam des agronomes professionnels cultiver les produits qu’ils ont choisis, des tomates aux fraises en passant par la roquette et le basilic. La récolte est livrée à domi-

cile par un service de messagerie. iOgorod a opté pour l’agriculture biologique : pas d’herbicides chimiques ni de pesticides, de l’eau artésienne pour l’irrigation, et uniquement des engrais naturels. Le plaisir est loin d’être bon marché - le loyer mensuel pour six ares est de 150 euros. Cinquante parcelles ont déjà été louées.

des deux capitales que sont Moscou et Saint-Pétersbourg sont prêts à payer plus cher pour de la nourriture « naturelle ». Or, un kilo de pommes de terre cultivé à l’aide d’engrais et de traitements chimiques contre la doryphore coûte un peu plus d’un

euro, tandis que le prix des pommes de terre « bio », cultivées sans produits chimiques s’élève à plus de 2 euros le kilo. « Avoir un style de vie sain, c’est un peu la nouvelle marotte des Russes, en particulier dans la capitale, où le niveau des revenus

est plus élevé que dans les régions. Il n’est pas exagéré de dire que c’est cette mode qui a donné naissance à cette agriculture fermière. Aujourd’hui, les produits fermiers se trouvent dans toutes les chaînes de magasins à Moscou et Saint-Pétersbourg », indique un spécialiste qui a souhaité garder l’anonymat. Selon l’organisme Ekocluster, le volume des produits biologiques vendus en Russie, importés ou produits localement, atteindra 120 millions de dollars en 2013, soit une hausse de 20% par rapport à l’année dernière. On s’attend à l’avenir à une croissance des ventes de produits biologiques de 20-30% par an. Un projet de loi du ministère de l’Agriculture prévoit l’homologation des producteurs bio.

Relations bilatérales Le marché français attire quelques affaires mais reste sous-exploité

L’Hexagone ouvre la chasse aux investissements russes De passage à Moscou, le directeur de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), Serge Boscher, s’est montré optimiste quant aux perspectives futures. IOULIA KOUDINOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

« Les entreprises russes créent des emplois en France », martèle Serge Boscher, qui veut tordre de coup à l’idée reçue selon laquelle l’argent russe dans l’Hexagone se limite à l’achat d’immobilier sur la Côte d’Azur. « Une trentaine d’entreprises russes, implantées en France sur une quarantaine de sites, emploient plus de 1 000 salariés ». La cuvée étrangère 2012 fut exceptionnelle, si l’on en croit les chiffres de l’AFII. « Jamais les Américains ni les Italiens n’ont autant investi en France », se félicite le directeur général. Et les Russes ? « 100% d’augmentation, et ils dépassent pour la première fois les investissements indiens ». Mais c’est surtout grâce à un seul très gros investissement : celui réalisé par les Chemins de fer russes (RZD) avec l’achat de 75% de Gefco à PSA pour 800 millions d’euros [notre dernier numéro, ndlr]. « Cette acquisition massive aura un effet d’amorçage et devrait conduire les grands groupes russes et même les PME à regarder la France d’un œil plus bienveillant », remarque un diplomate russe. Reste que RZD est une entreprise d’État. Pour l’instant, les grands groupes privés russes n’ont pas encore engagé de sommes importantes en France. « Certes, mais

SERVICE DE PRESSE

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Serge Boscher, directeur général de l’AFII, en visite à Moscou.

EN CHIFFRES

1 000

emplois ont été créés ou maintenus par la trentaine de sociétés russes implantées dans l’Hexagone.

1,2

milliards d’euros investis par des sociétés russes en France au total. Soit un dixième des fonds français investis en Russie.

les grandes sociétés russes n’ont pas encore vraiment de présence globale, répond Serge Boscher. Ces groupes auront justement à cœur d’être présents dans le monde entier. Le mouvement d’internationalisation va nous apporter de l’activité ».

L’ambassadeur de France à Moscou Jean de Gliniasty souligne quant à lui la diversification des investissements russes, qui visent désormais les secteurs de l’agroalimentaire (Net Cacao repris par ICC Group), du transport (Transaero et RZD) et de l’industrie mécanique (reprise de Sambre et Meuse par Ouralwagonzavod). Le secteur des technologies de l’information, qui attire beaucoup d’investissements étrangers, reste largement ignoré par les sociétés russes. Une exception : celle de Dr. Web, un éditeur d’antivirus mondialement connu, originaire de Saint-Pétersbourg, qui s’est implanté à Strasbourg en 2008. « C’est logique : Strasbourg se situe au cœur des deux principaux marchés européens, la France et l’Allemagne », remarque M. Boscher, qui en profite pour décliner les avantages comparatifs de l’Hexagone par rapport à ses rivaux européens.

« Ce qui différencie la France, c’est sa créativité, sa capacité à innover, son style de vie et le développement de l’industrie des services ». Il cite également les autres points forts que sont le crédit d’impôt recherche, la taille du marché et l’accroissement de la population, un coût plus faible de l’électricité et la productivité de la main d’œuvre. Mais la France fait aussi face à une concurrence accrue. La Russie connaît une croissance bien supérieure à celle des économies de l’Eurozone, qui se battent pour attirer de l’investissement étranger. Et l’Hexagone n’a pas que des avantages. Surtout au niveau de l’image. Les médias russes présentent souvent la France comme un pays connaissant un sérieux problème d’insécurité, en proie à des grèves incessantes et avec un climat politique très agité. Ce sont peutêtre des clichés ou des exagérations, mais à l’AFII, on est conscient qu’un important travail de communication s’impose. Et certains problèmes sont tout à fait réels. De l’aveu de Serge Bloscher, la France « souffre d’une instabilité réglementaire et législative ». Ce qui, soit dit en passant, est un aspect que connaissent mal les hommes d’affaires russes. La législation sociale reste trop compliquée et plus rigide que dans les pays concurrents. Sur ce point, le ciel devrait s’éclaircir, selon M. Bloscher : « Nous attendons avec impatience l’accord sur la sécurisation de l’emploi, en cours de transposition législative, et qui devrait apporter davantage de flexibilité aux employeurs ».


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Dossier

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Tourisme Des banlieues de Moscou aux rivages de l’Arctique, ces joyaux du patrimoine architectural résistent au temps, pour l’instant...

LORI/LEGION MEDIA

Les églises en bois, icônes fragiles de la vieille Russie Rien n’est plus typique de la Russie traditionnelle, aux yeux du visiteur étranger, que les églises et autres édifices en bois. Mais Dieu sait combien de temps ils seront préservés. PHOEBE TAPLIN LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Pour voir de vieilles églises en bois dans les régions éloignées et naturelles avant qu’il ne soit trop tard, Richard Davies, auteur du livre Églises en bois : voyager dans le Grand Nord russe (mer Blanche), suggère de séjourner dans l’une des villes septentrionales du pays : Arkhanguelsk, Kargopol ou Onega. Davies signale qu’il existe un nombre croissant d’hôtels à Kargopol, ainsi que d’agences de voyage permettant de louer une voiture et d’accéder plus facilement aux églises et villages isolés figurant dans son livre. Il recommande également Petrozavodsk comme point de départ pour visiter les superbes églises de Kiji. L’artiste russe Ivan Bilibine a écrit : « Je n’ai jamais vu une fantaisie architecturale plus frappante que celle de Kiji... Vous ne pouvez pas vous empêcher de penser que vous êtes vraiment sur le seuil d’un royaume de conte de fées ». Nombre d’églises photographiées par Davies sont situées sur la côte de la mer Blanche ou

le long des fleuves Dvina et Onega. Plusieurs musées d’architecture en bois sont plus accessibles. Mikhaïl Milchik, directeur adjoint de l’Institut de recherche de la restauration de Saint-Pétersbourg, les juge importants, car ils contribuent à populariser la culture populaire, tout en servant principalement de « rappel de ce que nous avons perdu ». Il qualifie l’architecture en bois de « partie la plus originale et la plus unique de l’héritage culturel de la Russie ».

Des quartiers périphériques de la capitale offrent certains des plus beaux édifices dans un cadre villageois Dans son livre, Richard Davies reconnaît l’importance de faire connaître ces beaux édifices qui ont besoin de restauration et recommande la collection Malye Karely, près d’Arkhanguelsk. L’église à cinq coupoles de l’Ascension et d’autres joyaux de l’architecture du XVIIème siècle ont trouvé ici un nouveau foyer pittoresque, au prix cependant d’une perte d’authenticité. Le Musée Vitoslavitsy, près de Veliki Novgorod, présente une autre grande collection dans un cadre évocateur. Les bâtiments

en bois restaurés de toute la région s’étendent sur la rive marécageuse de la rivière Volkhov. On trouve des musées similaires à Souzdal et à proximité deVologda, dans le village de Semenkovo , ce qui nécessite un court trajet en taxi depuis la ville. Cet ensemble ethno-architectural offre des spécimens de bâtiments en bois des deux derniers siècles, assortis d’explications en anglais, ainsi qu’un musée vivant du beurre, le tout dans un cadre de prairies en fleurs où paissent les chevaux. L’église toujours en service de Saint-Tikhon, dans le cadre attrayant du parc Sokolniki au nord de Moscou, est d’une architecture complexe. L’édifice actuel est une reconstitution d’un bâtiment du XIXème siècle, mais ses poêles en céramique et ses bancs peints lui donnent une apparence plus ancienne. De l’autre côté de la forêt de Timiryazevsky, vous découvrirez l’église en bois de Saint-Nicolas. Calquée sur les dessins du grande architecte « art nouveau » Fedor Chekhtel, elle a été consacrée en 1916, une période délicate pour les édifices religieux (à la veille de la Révolution). Nombre des admirables monastères de Moscou comprennent des chapelles en bois, souvent de simples structures recouvrant

un puits. On en trouve un exemple dans le village de Kosino, à l’est de Moscou. La chapelle en bois Saint-Tikhon n’a rien de particulier, mais l’atmosphère de ce jardin reclus au bord du Beloïe Ozero (« lac blanc ») mérite le détour. (Conseil : prendre un bus depuis la station de métro Vykhino puis marcher autour du lac). Des banlieues telles que Kosino se dégage une impression de vie villageoise si vous arrivez à ignorer le bruit du périphérique de Moscou, mais pour goûter à la vraie paix en milieu rural, vous devrez vous éloigner un peu plus. Pour une excursion d’une journée depuis Moscou, vous pouvez

IL L’A DIT

William Broumfield

essayer Mélikhovo, là où Anton Tchekhov avait sa datcha, à quelques pas de laquelle se situe l’église en bois restaurée. Quel que soit le plaisir éprouvé par les visiteurs à la vue de ces constructions, anciennes ou récentes, leur intérêt devrait contribuer à attirer l’attention sur le sort de quelques-uns des trésors architecturaux de la Russie, aujourd’hui menacés de disparition. Milchik dresse une liste des églises déjà perdues ou sur le point de l’être, symboles de la culture russe en voie de disparition et se pose la question, vitale : « Résisteront-elles au temps ? »

LORI/LEGION MEDIA

La célèbre église de la Transfiguration sur l’île de Kiji.

PHOTOGRAPHE D’ARCHITECTURE ET PROFESSEUR

"

Les rigueurs du climat du Nord ont produit un environnement qui exclut ou réduit la lumière naturelle. D’où l’envie de créer des formes vives qui captent et reflètent la lumière, que ce soit la tour ou les coupoles de l’église, ou la décoration en bois sur la façade d’une maison. Ces formes réaffirment les aspirations innées de l’âme”.

Voyager dans le Grand Nord russe

Le livre de Richard Davies, Wooden Churches - Travelling in the Russian North (Églises en bois - Voyager dans le Grand Nord russe), paru en 2011, est disponible en anglais dans les librairies parisiennes Shakespeare & Company et Galignani.


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Opinions

NATALIA MIKHAYLENKO

LES RUSSES NE SONT PAS PRÊTS À LÂCHER DEPARDIEU Victor Erofeev ÉCRIVAIN

G

érard Depardieu est le premier Français célèbre à avoir pris la nationalité russe : une première historique. Ce geste tout à fait surréaliste est plus profondément sensé... et insensé qu’il n’en a l’air. Pour le comprendre, une immersion dans les tréfonds de l’âme française s’impose. L’âme française, tout comme la nôtre, est contradictoire, mais à sa manière. D’un côté, elle est rebelle, révolutionnaire et caractérielle. C’est une vraie républicaine, à l’image de Marianne. D’un autre côté, l’âme française est ambitieuse, jusqu’à l’orgueil, et peut vite tourner à l’égocentrisme, à l’élitisme et au contentement de soi. Le Français est prêt à défendre les principes démocratiques les plus radicaux, il n’en sera pas moins ravi de se retrouver en compagnie des rois, princes, oligarques, stars hollywoodiennes et autres personnalités influentes. Il n’apprécie pas le pouvoir chez les autres, mais son

propre pouvoir lui réchauffe l’âme. En résumé, le Français est patriote lorsqu’il s’agit de défendre son pays si beau, si débordant de richesses artistiques et de sophistication, mais il devient fou de rage quand la France commet des impairs, fait des cour-

C’était une sorte d’épice rare destinée à relever le plat quotidien français. Aujourd’hui, il n’y a plus que Depardieu pour estimer que la Russie avance en boîtillant vers un avenir meilleur, mais son geste révèle que la France aussi s’est mise à boîter. Elle a élu un

L’apport contradictoire d’un fils d’ouvrier communiste, enfant de Mai 68 et incarnation de la « francitude »

Les relations francorusses sont comme un mille-feuille dont il faut savoir apprécier les quatre couches

bettes, par exemple devant les États-Unis, autrement dit, quand elle n’est pas digne de son statut à la fois divin et voltairien. Depardieu incarne cette tourmente idéologique. Fils d’un ouvrier communiste qui écoutait Radio Moscou, il conserve l’image d’une Russie incarnant le modèle du communisme international, mue par l’attente d’un bonheur futur. Le communisme a séduit de nombreuses célébrités françaises, de Picasso à Aragon.

président socialiste et fait le choix de tuer sa poule aux œufs d’or en menaçant d’infliger aux riches un impôt si élevé qu’il frôle l’absurde. Les riches se sont affolés, cherchant la fuite dans tous les sens. Depardieu s’est fait prendre dans une affaire fiscale révélant une France qui n’est plus ce qu’elle était. Et l’acteur, fils non seulement d’ouvrier communiste mais aussi de Mai 68, mettant en scène des comé-

dies de mœurs antibourgeoises à souhait, incarnation par excellence de la « francitude », esprit bohème, joyeux luron, clown de service... bref, le comédien a lui aussi senti que rien n’allait plus dans son pays. Depardieu s’est affolé et est tombé dans nos filets, les filets russes. Le Kremlin, justement lassé des discours sur cette classe intellectuelle qui fuit le régime autoritariste et répressif pour se réfugier à l’étranger, a touché le gros lot dans cette histoire. Depardieu a porté un sacré coup aux médias français, ostensiblement antirusses. Pensons à ces journalistes qui tournaient en dérision les tentatives (certes souvent drôles) d’une Russie s’efforçant de devenir un pays civilisé, fervent ennemi du despotisme. Voyons un peu comment les Français perçoivent la Russie. Pour moi, les relations entre les deux pays ressemblent au millefeuille. La couche du dessus est la moins bonne. C’est la couche politique. La France, malgré des périodes de rapprochement avec la Russie, est toujours encline à la considérer comme un empire despotique et menaçant. La seconde couche est en contradiction avec la première. Les Français connaissent et apprécient la culture russe. Voilà pourquoi Depardieu s’est fondé sur la culture, faisant référence, entre autres, à Valeri Guerguiev. La troisième couche, c’est le mythe éternel de la Russie, avec son folklore, le faste du Kremlin, le bœuf Stroganoff, le Transsibérien, la balalaïka ou les beautés russes en kokochnik traditionnel. Quatrième couche : la légendaire hospitalité, l’amitié russe, les toasts et les longs discours, les filles faciles. C’est la couche positive, accessible même aux journalistes français. Mais la Russie, c’est aussi l’anti-France, dans le bon et le mauvais sens. Elle tient non pas sur ses pieds mais sur la tête, comme dans les tableaux de Chagall. Et c’est la raison pour laquelle elle est si attirante. Si on n’est pas trop regardant sur les apparences, on se trouve face à un succulent gâteau. Il ne faut pas lâcher Depardieu. Peut-être va-t-il nous amener le début d’un nouvel ordre et la découverte du bonheur. Il faut tout faire pour ne pas décevoir notre acteur fétiche, il faut astiquer le pays jusqu’à ce qu’il brille, le tailler, le coiffer, planter des buissons de roses, créer une société civile, lancer dans l’espace un paquet de fusées et de satellites... Sinon, il risque de nous échapper, le bougre !

La mort de Margaret Thatcher, c’est la fin d’une époque. Pour les Russes, celle qu’on a surnommée la Dame de fer représentait la première tentative sérieuse de l’Occident de s’entendre avec l’URSS. Sa poigne, son conservatisme, son respect des traditions et sa défense acharnée des intérêts de son pays en avaient fait une héroïne naturelle pour un grand nombre de Russes. On considère aussi que son héritage reste palpable à ce jour. Préparé par Veronika Dorman

Andreï Lankov POLITOLOGUE

U

n remaniement surprenant a eu lieu début avril au sein des plus hautes sphères du pouvoir en Corée du Nord. Ces derniers jours, l’attention des médias était tout entière focalisée sur l’escalade de la tension, ignorant d’importants faits nouveaux à l’intérieur du pays. L’an dernier, les hauts responsables militaires nord-coréens ont commencé à perdre de l’influence, sous la pression du Parti du travail. Les autorités ont continué d’apporter un soutien de façade à la politique de Songun (doctrine donnant la priorité à l’armée), mais les forces militaires ont subi une purge sans précédent. Des quatre généraux qui escortaient la dépouille de Kim Jong-il lors de ses funérailles, trois ont disparu soudainement sans laisser de traces. Le quatrième a été relégué à un poste civil insignifiant. De nombreux officiers supérieurs de l’armée nord-coréenne ont été limogés. L’armée est tombée sous le contrôle de bureaucrates civils. C’est ainsi que Choe Ryong Hae, apparatchik du Parti du travail, s’est vu décerner le titre du vicemaréchal. Choe, un ex-secrétaire de province, est devenu l’officier le plus gradé du parti, devant les militaires de carrière. Mais la plus grande surprise fut le retour de Pak Pong-ju au poste de Premier ministre. Pak est l’un des auteurs des réformes économiques de 2002 – à ce jour, la tentative la plus radicale de restructurer une économie anachronique. La réaction hostile des autorités au « réformisme » de Pak lui a valu d’être écarté en 2005. Il doit son retour à Kim Jongun. Que signifient ces changements ? Le limogeage des généraux mentionnés, considérés

comme des jusqu’au-boutistes, ouvre la voie à des changements et à une tentative d’imiter la Chine. On dit souvent que des réformes économiques en Corée du Nord ne sont pas compatibles avec l’histrionisme du pays sur la scène internationale. Les auteurs des réformes seront plutôt obligés de trouver un moyen d’empêcher l’émergence d’une opposition active. Or, il pourrait être logique pour le pays d’attiser de temps à autre les tensions : après tout, rappeler « la menace extérieure » toujours présente à la population est un bon moyen de la rendre plus docile. En d’autres termes, cette rhétorique du « danger imminent » est un instrument pour stabiliser l’État. Selon un autre argument populaire, le sauvetage de l’économie nord-coréenne nécessitera des investissements étrangers importants. Les tensions nuisent donc aux affaires. Mais de telles affirmations ne se vérifient pas nécessairement. L’argent en provenance de la Corée du Sud et des États-Unis pourrait être bénéfique pour la croissance économique, mais de tels investissements représentent en même temps une menace, car nul doute qu’ils s’accompagneraient de la diffusion d’informations confirmant la prospérité de la Corée du Sud. Au cours des premières étapes des reformes, ces données pourraient avoir des effets destabilisants pour Pyongyang. Allons-nous assister à une réforme de l’économie nord-coréenne, combinant une évolution progressive vers une économie de marché avec des tentatives épisodiques d’intimidation ? Il serait prématuré de se ranger aujourd’hui à une telle conclusion. Mais celle-ci s’apuie sur une hypothèse qui n’est sans doute pas si improbable qu’on le croit. Andreï Lankov est un spécialiste de la Corée.

Victor Erofeev est un écrivain et une figure de la vie intellectuelle russe. Publié dans Ogoniok

LU DANS LA PRESSE LES ADIEUX À LA DAME DE FER

CORÉE DU NORD : LE JEU ET L’ENJEU

LA PREMIÈRE DES MOHICANS

UNE GRANDE DAME

UN CORDE AU COU

Éditorial GAZETA.RU / 08.04

Mikhail Gorbatchev NOVAÏA GAZETA / 09.04

IZVESTIA / 09.04

Les relations amicales entre Thatcher et Gorbatchev ont réellement favorisé la « détente des tensions internationales ». Ce qui contraste avec l’influence qu’a pu avoir sur les relations entre les États-Unis et la Russie l’amitié entre George Bush Junior et Vladimir Poutine. La rhétorique diplomatique russe est encore tributaire aujourd’hui du monde créé par Thatcher, entre autres dirigeants des grandes puissances du XXème siècle. Nos fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et le président lui-même continuent régulièrement d’accuser l’Occident de considérer la Russie dans l’esprit de la Guerre froide, en prenant pour acquis qu’elle est terminée.

Pourquoi avons-nous réussi à trouver un terrain d’entente ? Entre autres parce qu’une relation personnelle s’est établie peu à peu, la confiance s’est instaurée. Le plus important est que Thatcher n’a jamais remis en cause nos intentions, s’opposant à ceux qui considéraient que la perestroïka n’était qu’une tentative d’« endormir la vigilence de l’Occident ». Et pendant l’étape critique de la perestroïka, quand il a fallu entreprendre des actions réelles pour soutenir les réformes dans notre pays, c’est elle qui a soutenu activement notre participation au sommet du G7 à Londres et a beaucoup œuvré aux préparatifs de cette rencontre.

Quel rôle a joué Thatcher dans l’histoire des réformes en Russie post-soviétique ? Franchement, un rôle très négatif. L’appel à une privatisation de masse débridée, à la dissolution des institutions représentatives et au changement constitutionnel, tout cela témoignait d’un terrible manque de tact. En somme, Eltsine a accompli ses transformations révolutionnaires et libérales conformément aux exigences de la défunte lady. Et les conséquences de ces réformes, profondément néfastes pour la Patrie, nous continuons à les digérer aujourd’hui. Inutile de pleurer Thatcher, elle va continuer à diriger le monde et la Russie depuis sa tombe.

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Boris Mejouev

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Culture

Haute couture & design Le style russe de la créatrice plébiscité par les marques de luxe

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Evgenia Miro, telle une ambassadrice culturelle

Récit d’un enfant traqué

Elle a eu droit à sa première exposition personnelle à Moscou. C’est une consécration pour cette designer-graphiste née en Ukraine et installée depuis quatre ans en France. MARIA AFONINA

TITRE : LE BAPTÊME DES BARREAUX AUTEUR : É. KOTCHERGUINE ÉDITION : NOIR SUR BLANC TRADUIT PAR JULIE BOUVARD

Evgenia Miro devant sa réalisation « Un bouquet de Noël ».

une artiste symboliste. « L’homme vit en action dans un mouvement perpétuel, explique-t-elle. Tout est lié au rythme ». Ses créations pour Hermès sont devenues sa carte de visite en France, mais ses ambitions vont bien au-delà. Miro collabore avec les directions artistiques d’autres grandes marques de luxe françaises (les porcelainiers de Limoges ou les émailleurs de la maison « Émaux de Longwy »), mais aussi avec Wedgwood en Grande-Bretagne, ainsi qu’avec des maisons italiennes et russes. Pour l’instant, c’est la France qui lui donne les moyens de ses ambitions. La Mairie de Paris a mis un studio à sa disposition, que la créatrice veut transformer en atelier, « un grand espace blanc offrant plusieurs plans de travail pour mener de front plusieurs projets à la fois ».

ARCHIVES PERSONNELES

« Au début c’était difficile. Je menais 15 projets simultanément, en dormant trois heures par nuit ; je devais livrer 15 modèles en un mois et demi, se souvient la créatrice, vêtue d’une élégante veste bleue. Mais je me suis adaptée ». Evgenia Miro est venue à Paris sur l’invitation de la maison Hermès. Alors qu’elle poursuivait ses études artistiques à Londres, elle eut l’occasion de montrer ses esquisses aux représentants d’Hermès dans la capitale britannique, et obtint une recommandation pour le siège à Paris. La lettre s’est égarée, mais Evgenia ne s’est pas découragée. Dans les bureaux moscovites de la célèbre maison, ses travaux furent tant appréciés qu’on lui proposa de créer une ligne. « Pour ce premier contact, on m’a commandé quinze compositions sur le thème de la Russie. J’avais très envie de montrer la richesse et la variété de la culture russe et j’ai donc créé quinze lectures totalement différentes du thème russe », raconte Miro. Hermès a ensuite produit des foulards dessinés par Miro en huit coloris (« Alphabet russe », « Zabavouchka »), ainsi que des bracelets en émail, des broches et de la vaisselle. Autre thème important : le temps. À propos de son exposition à l’espace artistique Oblaka (« Nuages ») à Moscou où était présenté un grand panneau blanc décoré de motifs sophistiqués, l’artiste explique avoir « dessiné cela pour une amie. Ce sont des des-

SONYA ANOUFRIEVA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

L’exposition des œuvres d’Evgenia Miro à l’espace artistique Oblaka (« Nuages ») à Moscou.

sins à la plume et au stylo à bille, créés à des moments différents de ma vie. C’est la variété des émotions, des voyages, des humeurs. Quand j’ai commencé à travailler sur le panneau, le premier bout

de carton découpé a tout de suite fait naître l’idée de la représentation graphique, comme un espace concave et convexe. Pour moi, le temps, c’est l’infini ». Evgenia Miro se définit comme

Peinture Nikita Makarov inspiré par les cités auxquelles sont attachés de grands noms

Les associations russes des villes européennes Le jeune artiste (28 ans), qui a collaboré à la réalisation des fresques de la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, transpose sur ses toiles ses impressions parisiennes – entre autres. ANASTASIA MALTSEVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

SERVICE DE PRESSE(2)

Esprit éclairé, doté d’un talent inné, Nikita Makarov, issu d’une famille de l’intelligentsia moscovite, se distingue par son ouverture au monde, probablement due à une enfance essentiellement passée en Europe, plus précisément en Allemagne. Mais l’« âme russe » qui l’habite l’a poussé à revenir faire ses études sur sa terre natale. Sa personnalité et son œuvre sont imprégnées de littérature russe, en particulier de la période de l’âge d’argent. Il faut dire que certaines de ses aïeules ont été les muses de grands écrivains et représentants de l’élite intellectuelle de cette époque, comme Konstantin Balmont et Maximilien Volochine. « Paris me fait songer à Gazdanov et Gueorgui Ivanov. L’Italie à Bounine, Hippius, Merejkovski et bien sûr Gogol.

Le midi chaud à Bari, 2012.

L’Allemagne à Khodasevitch.Venise, c’est Diaguilev, Stravinski, Brodski », raconte l’artiste. Cette facilité avec laquelle Nikita Makarov voyage d’une grande ville européenne à une autre, les appréhendant à travers le prisme de la littérature russe, sans cette naïveté du tou-

riste mais avec cette part d’âme slave, ont donné lieu à l’exposition « L’Histoire de plusieurs villes », présentée au Centre d’éducation esthétique du Muzeïon (Musée des Beaux-Arts Pouchkine) à Moscou. Les œuvres du peintre sont accompagnées de citations d’écrivains russes : « Il avait l’habitude de ces promenades, ces voyages par dessus de la Seine ; il allait plus loin, là où s’érigeaient ces immeubles austères des quartiers pauvres de Paris, où s’illuminaient les vitres sales des bars misérables, où des gens mal vêtus buvaient leur vin rouge au comptoir de zinc ». Cet extrait du roman L’Histoire d’un voyage de Gaïto Gazdanov est accolé au tableau parisien « Rue Saint-Séverin ». L’exposition révèle l’image que l’Europe a gardée de la Russie de l’époque. Venise se souvient de Diaguilev, Stravinski et Brodski. L’Allemagne, de Khodasevitch, l’Italie, de Bounine et du couple Merejkovski-Hippius. À travers les rues et les places de Paris ou les canaux de Venise, les toiles nous invitent au voyage. C’est par des touches hardies que le peintre nous livre les impressions recueillies au cours de ses pérégrinations. Mais aussi par des détails pittoresques et touchants : les personnages, les bouquets éclatants, la lumière à travers les cimes des arbres donnent à ses toiles une atmosphère chaleureuse et chatoyante.

Il a quatre ans. De son père, arrêté comme ennemi du peuple, il n’a déjà aucun souvenir lorsqu’à son tour sa mère est arrêtée comme espionne. C’est à elle qu’Édouard Kotcherguine, devenu un célèbre scénographe, dédie ce récit autobiographique publié soixante ans plus tard. En 1942, le petit garçon arraché à sa famille est évacué du blocus de Léningrad vers la Sibérie dans un orphelinat-prison pour les enfants des ennemis du peuple. Il ne parle que le polonais, la langue de sa mère – il décide de se taire et de se faire si discret qu’on l’appelle le Passe-muraille. Il est chétif et ne peut rivaliser avec les plus forts – il distrait ses camarades en fabriquant des cartes à jouer ou en dessinant avec du fil de fer le profil de Staline et de Lénine. Il décide en 1945 de s’évader pour retrouver sa mère à

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Saint-Pétersbourg. Commence alors un incroyable périple, avec pour tout bagage, au fond de ses poches, pour gagner sa vie, deux bobines de fil de cuivre, l’une pour « le Moustachu », l’autre pour « le Chauve ». Entre cavales et orphelinats, avec la faim et le froid, les autorités qui le traquent, les dangers qui le menacent, le voyage dure six ans. Jamais très loin des voies ferrées et des gares où grouille une foule chatoyante et bruyante : soldats estropiés ou valides rendus à leur famille ou en partance pour le futur front oriental, femmes qui attendent le retour improbable d’un fils ou d’un mari, ouvriers, cheminots, voleurs, personnages cruels et veules, parfois lumineux et bons comme Mitiaï, compagnon d’infortune, comme le Khanty qui lui apprend l’art du feu ou comme Oncle Siao, le Chinois qui l’initie à la technique du pochoir et à l’art du tatouage. À travers ses yeux d’enfant en cavale, Édouard Kotcherguine donne un témoignage nouveau, étonnant et rare sur la Russie pendant la période stalinienne. Tout contribue à donner à ce récit d’apprentissage un parfum de liberté qui triomphe du malheur : l’exploit du jeune garçon qui parvient à échapper à l’administration totalitaire et le portrait des personnages rencontrés, brossée avec l’acuité espiègle de l’artisan des profils en cuivre. Jusqu’à la langue, savoureux idiolecte émaillé de mots d’enfants, d’emprunts à l’argot des voleurs et des camps, qui contraste fortement avec la langue de bois emblématique de l’époque. Christine Mestre


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LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO

Loisirs

Histoire Fait prisonnier et envoyé en France par les Allemands, il avait fui, rejoint la Résistance et trouvé l’amour au milieu de la guerre

Nikolaï n’a jamais oublié sa « fiancée » française NADEJDA GAVRILOVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Dans la petite ville de Berezovsk, non loin d’Ekaterinbourg dans l’Oural, NikolaïVassenine habite une maison douillette, entouré de sa famille, ses trois enfants, cinq petits-enfants et sept arrière-petits-enfants. Mais cet ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, âgé de 94 ans, membre de la Résistance française et Chevalier de la Légion d’honneur, vit encore avec le souvenir de la jeune Française dont il était tombé amoureux en 1944. Le soldat Nikolaï Vassenine qui, à 20 ans, avait déjà participé à la guerre russo-finlandaise de 1939, fut fait prisonnier par les Allemands le 6 juillet 1941, près de Minsk. Grièvement blessé, il fut envoyé dans un camp de prisonniers de guerre en France. « Là-bas, je creusais des trous destinés à des poteaux télégraphiques, raconte Nikolaï. Les Allemands construisaient une ligne Paris-Berlin et nous creusions entre les villes :VerdunLille-Lyon-St-Rambert-d’Albon. Je me suis enfui avec un camarade, nous avons contacté les maquisards et fait la guerre avec eux. Mon camarade est mort ». Le vieil homme se souvient du premier maquisard qu’il rencontra, l’arme au poing : Adri Weld, proviseur du lycée local, devenu par la suite son ami. Les résistants n’ont pas accepté immé-

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diatement le soldat soviétique évadé, qui fut longuement mis à l’épreuve avant de convaincre ses compagnons qu’il ne les trahirait pas.Vassenine fit ses preuves lors d’un long combat au côté des résistants, qui l’affectèrent ensuite à un détachement. « StRambert était le point d’ancrage des Allemands, se rappelle le vétéran. Nous avons fini par le prendre avec notre détachement, et j’ai brûlé un drapeau allemand ». Ses compagnons - Émile Sauvage, Jean Ray, Jean Banneau et Abel Sivache - lui donnèrent un nom français : Nicolas Boutier. Son détachement, dont il finit par prendre le commandement, fut nommé d’après lui « le groupe Nicolas ». À l’arrivée des Alliés, Nikolaï se vit aussi confier le poste de commandant de la ville de St-Rambert-d’Albon. C’est à la suite d’une blessure que Nikolaï rencontra Jeanne, la fille du capitaine Georges Monot. Jeanne était chargée de s’occuper du blessé, hébergé dans la maison de sa famille. Les soins rapprochèrent les deux jeunes gens. Elle jouait du piano, lui, ne parlant pas français, l’accompagnait en fredonnant. La barrière de la langue limitait les conversations. « Je ne l’ai jamais appelée par des noms doux. Je n’étais pas si sentimental. Mais elle n’avait pas besoin de mots pour comprendre que je l’aimais », s’émeut le vieil homme. Après son rétablissement, Nikolaï demanda au capitaine la main de sa fille, qui lui fut refusée : le prétendant était non seulement russe, il était pauvre. Nikolaï dut rentrer seul au

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1) Nikolaï Vassenine dans sa maison près d’Ekaterinbourg. 2) Une photo du soldat Vassenine en 1939. 3) Le diplôme de la Légion d’honneur décernée à M. Vassenine.

foyer. Sur ordre de Staline, il fut envoyé en exil pour quinze ans dans la région sibérienne de Tchita. Tel était le sort réservé à tous les citoyens soviétiques qui avaient été faits prisonniers de guerre mais étaient rentrés au pays. Nonobstant leurs exploits militaires, ils étaient accusés d’avoir trahi la Patrie et envoyés dans la taïga, au goulag, pour creuser des carrières, construire des usines, tracer des routes. Pendant de longues décennies,

À L’AFFICHE

Le monde des échecs va voir la naissance d’un nouveau supertournoi dédié à la mémoire du quatrième champion du monde, Alexandre Alekhine. La participation d’une dizaine de champions au tournoi Mémorial est attendue, y compris celle de plusieurs têtes de liste mondiales, comme Viswanathan Anand et Vladimir Kramnik.

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TATIANA ANDREEVA(3)

Un vétéran russe de la Seconde Guerre mondiale, âgé de 94 ans, a retrouvé, 70 ans plus tard, la trace de la jeune fille dont il était tombé amoureux dans la France occupée par les nazis.

Le salon Art Monaco tient cette année sa quatrième édition, qui présentera plus de 4 000 œuvres de 65 galeries, dont les travaux de nouveaux artistes et de grands noms à la renommée mondiale tels que Damien Hirst, Roy Lichtenstein, Andy Warhol, Picasso et Miro. Le salon accueillera la première internatio-

nale de l’artiste abstrait moscovite Alexeï Firsov, qui développe son propre style artistique, le « lavisme », fondé sur des pâtes assurées et vivantes, une gamme de couleurs vives et une texture dense. › www.artemonaco.com

JOURNÉES DU FILM RUSSE À AJACCIO DU 3 AU 5 MAI ÉSPACE DIAMANT, BOULEVARD PASCAL ROSSINI, AJACCIO

Dans le cadre des échanges culturels entre la Corse et la Russie, et pour la deuxième année consécutive, l’association « KalinkaMachja » organise à Ajaccio les Journées du film russe. Forte du succès de l’édition 2012 auprès des spectateurs corses, « KalinkaMachja » reconduit cette manifestation qui a pour ambition de faire découvrir à un large public les multiples facettes de la Russie et de l’âme slave. www.cinema-russe-ajaccio.com

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE

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Vassenine garda le silence sur ce qu’il avait vécu en captivité et dans les rangs de la Résistance française. Mais sa femme et ses enfants ont toujours su qu’en France, il avait trouvé l’amour. Avant de mourir, son épouse, ZinaidaVassenina, l’avait aidé dans ses recherches. Les démarches entreprises pour retrouver Jeanne Monot ont abouti, mais Zinaida est morte avant que les nouvelles n’arrivent, il y a quelques semaines.

Le résultat des recherches doit beaucoup au journaliste et historien militaire français Laurent Brayard. Jeanne Monot est toujours en vie. Après le départ de Nikolaï, en 1945, la jeune fille avait donné naissance à un garçon, Pierre, qu’elle aurait eu avec un résistant français, mort en 1944. Mais Laurent Brayard n’exclut pas que NikolaïVassenine soit le père. Jeanne a fini par épouser Robert Brunet, résistant lui aussi.

« Aujourd’hui, Jeanne est très malade, et ne se souvient plus de rien, rapporte Brayard. Elle vit dans un établissement spécialisé et son fils, Pierre Brunet, est son tuteur ». Hélas, Nikolaï ne pourra réaliser son rêve de revoir celle qui aurait pu partager sa vie : l’état de santé des anciens amoureux ne leur permet pas de voyager et de se retrouver. Mais rien n’interdit à leurs enfants de nouer entre eux des liens hérités de l’histoire.


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