La Russie d'Aujourd'hui

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Distribué avec

L’art engagé prend ses quartiers dans la cité Le groupe « Voïna » descend dans la rue pour ses « performances » politiques. P. 7

Promenade orthodoxe

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux

Nous avons constitué pour vous un itinéraire autour de six fameux sites orthodoxes dans le centre de Paris. P. 8 service de presse

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Mercredi 18 mai 2011

Assaut créatif sur les usines en friches

Santé Le Kremlin s’attaque à la refonte d’un système à deux vitesses, dont le secteur public est le parent pauvre

Sauver le régime de soins L’État a décidé d’investir 19,3 milliards d’euros dans l’amélioration des infrastructures et des services médicaux. Enjeu : la sauvegarde d’un système de santé public et gratuit.

Depuis quelques années, la Russie s’est éveillée au concept d’industrie créative. Les projets de réhabilitation des friches industrielles se font une place dans le monde des affaires.

Galina Masterova

La russie d’aujourd’hui

Quand Evguenia Ivanovna a été hospitalisée récemment, sa fille Zoïa savait intuitivement qu’il lui faudrait régler « au noir » une partie des frais à l’infirmière, bien que l’hôpital soit public. Elle a donné 500 roubles (12 euros). Ce n’est pas tant le montant qui pose problème, disent les sociologues, que la nature de ces potsde-vin. Sur le papier, le système de santé russe est gratuit. Ce papier, c’est la Constitution russe, rédigée en 1993, qui stipule que chaque citoyen a droit à la gratuité médicale. En réalité, la médecine russe fonctionne à double vitesse, mêlant des services de santé privés et un système public à la traîne. Ce dernier, ravagé par des années de financement insuffisant, se caractérise par des hôpitaux décrépits dont le personnel déprimé et lamentablement sous-payé encourage souvent une rémunération ad hoc de son travail.

spécialement pour la Russie d’aujourd’hui

photoxpress

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Veronika dorman

Il ne suffit pas d’investir dans les équipements : c’est tout le système qui est à repenser pour notamment enrayer le déclin démographique.

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Corruption Dans les milieux d’affaires, les victimes se rebiffent

Photo du mois

Halte aux extorsions et place à la rébellion

Le jour de la Victoire

Vladimir ROuvinskiy

La russie d’aujourd’hui anna artemeva

En 2006,Yana Iakovleva était une femme d’affaires ambitieuse, copropriétaire de Sofex, une entreprise de produits chimiques. Elle pensait maîtriser les rouages du business russe. Mais quand des membres d’une unité

Iakovleva a été emprisonnée à tort pendant plusieurs mois.

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Candidats obligés aux présidentielles

C’est le 9 mai (non le 8, la faute au décalage horaire) que la Russie commémore la victoire des alliés contre l’Allemagne nazie. Le 66ème anniversaire a

été célébré en présence de vétérans de la Seconde Guerre mondiale, comme ici à Moscou. Consultez notre dossier sur larussiedaujourdhui.fr/9mai

Plongez dans le Baïkal

De nombreux jeunes diplômés russes partent à l’étranger pour acquérir une précieuse expérience, voire pour émigrer définitivement, accentuant le déficit de cadres en Russie.

L’université de Tcheliabinsk et le géant industriel américain Emerson ont fondé un laboratoire de recherche en commun pour diversifier l’économie régionale. Un projet qui devrait faire des émules.

Le splendide et gigantesque lac Baïkal offre à ses visiteurs sa nature sauvage et les met en contact avec l’ancienne et riche culture sibérienne. Laissez-nous vous y guider !

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service de presse

Innovation en province

photoxpress

Tentés par l’expatriation

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Opinions

reuters/vostock-photo

Yana Iakovleva a passé sept mois en prison pour avoir refusé de céder à la corruption. Désormais, elle lutte contre ce fléau et vient en aide aux entreprises les plus vulnérables.

de police spécialisée dans la lutte contre la corruption se sont présentés avec des documents pour réquisitionner sa société, ce fut un véritable choc. Les policiers se sont comportés comme s’ils saisissaient un bien qui leur appartenait. À cheval sur ses principes,Yana a refusé de payer pour échapper à la tentative d’extorsion. Cette noble action lui a valu d’atterrir en prison, un univers qu’elle connaissait pour avoir donné des cours de réinsertion dans un centre de détention pour femmes. « C’est une guerre terrible qui est livrée contre les femmes et hommes d’affaires, conduite en premier lieu par certains fonctionnaires russes », affirme Yana Iakovleva.

En sortant de la gare Kourskaïa, traversez la place bruyante, en évitant les chiens errants, longez la petite décharge improvisée, faufilez-vous entre les kiosques déglingués de gadgets bon marché, entre deux murs aveugles, au bout de la rue, vous y êtes. Winzavod, centre d’art contemporain. Une oasis exubérante au cœur d’un quartier industriel lugubre proche du centre. Briques rouges et architecture industrielle, graffitis et jeunes branchés, c’est l’un des clusters artistiques de la capitale, né dans la foulée des Biennales d’art contemporain de 2005 et 2009 et fondé sur le modèle occidental de la transformation d’une fabrique abandonnée en un haut lieu culturel. Moscou, jadis capitale mondiale du prolétariat, abrite nombre d’usines désaffectées, partiellement ou totalement, souvent situées dans les quartiers du centre, car la mégapole a depuis longtemps avalé ses premières couronnes.

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Poutine et Medvedev n’ont pas d’autre choix que d’être candidats l’un contre l’autre, estime le politologue et journaliste Georgy Bovt. Loin de provoquer un schisme, leur mise en concurrence pourrait être un facteur stabilisateur pour le régime. PAGE 6

legion media


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Politique & Société

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

Halte aux extorsions et place à la rébellion

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Émigration La jeunesse a soif d’ailleurs

Sous l’attrait de l’étranger : la fuite des talents

mesures de Medvedev contre la Corruption

De nombreux jeunes Russes s’expatrient pour acquérir une précieuse expérience, voire pour émigrer définitivement. Un grave problème de déficit de cadres se profile pour la Russie.

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Réduire la charge fiscale dont le niveau élevé peut conduire les entrepreneurs à enfreindre la loi afin de préserver une certaine rentabilité.

Max Seddon

Spécialement pour la Russie d’aujourd’hui

Anton, 25 ans, occupe un poste clé à Moscou, dans un important groupe pétrolier. Mais il postule pour un emploi à Londres, qui sera moins rémunéré, ou pour une formation à l’étranger. Car pour lui, « la Russie est trop triste, surtout en hiver ». Les pays occidentaux attirent les jeunes diplômés russes qui y trouvent de plus grandes chances, de meilleures formations, ou tout simplement un climat plus doux. Cette dernière raison peut paraître dérisoire, mais nombreux sont ceux qui plient bagage pour vérifier si l’herbe est effectivement plus verte ailleurs. « Chaque année, je demande à mes étudiants ce qu’ils veulent faire dans 3 où 4 ans. En septembre 2010, ils ont été une bonne moitié à répondre qu’ils projetaient de déménager à l’étranger, notamment en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Irlande et en Argentine », note Alexandre Auzan, professeur d’économie. Dmitri Medvedev s’en inquiétait en juillet 2008, lors d’un sommet du G8 : « Nous devons créer de bonnes conditions pour nos citoyens. C’est le manque de telles conditions qui les pousse à partir ». Selon les dernières indications, ce discours n’a pas convaincu. D’après Sergueï Stepachine, président de la Cour des comptes de Russie, plus de 1,25 million de Russes ont quitté le pays ces dernières années, ce qui, couplé à la chute de la natalité et au niveau élevé de mortalité, entraîne une importante baisse démographique. L’émigration continue inquiète les autorités, alors que la Russie connaît une croissance constante sans précédent, avec un PIB

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Le parquet doit réagir face aux cas de corruption publiés dans la presse. Il s’en saisit parfois mais ne fait pas toujours redescendre l’information vers les médias.

anna artemeva

Yana Iakovleva est aujourd’hui une militante emblématique de la lutte contre la corruption. suite de la premiÈre PAGE

« Ils peuvent s’attaquer à n’importe quel entrepreneur, engager des poursuites pénales pour finalement lui extorquer de l’argent. Et la victime comprend qu’elle va devoir se battre contre cette machine bureaucratique jusqu’à sa mort », explique la femme d’affaires. Aujourd’hui âgée de 39 ans, elle a passé sept mois de sa vie en prison et attend toujours son jugement. « Je n’arrivais pas à croire ce qui m’arrivait. Ma réputation, et tout ce pour quoi j’ai toujours travaillé menaçait soudain de s’écrouler ». Mais son cas a fini par attirer l’attention des défenseurs des droits de l’homme. Cinq ans plus tard,Yana est devenue une figure emblématique de la lutte contre la corruption. Les entrepreneurs en détention provisoire se compteraient par milliers, même si aucune statistique officielle n’existe. Rares sont ceux qui ont été acquittés. Les investisseurs étrangers ne sont pas les seuls à craindre les fonctionnaires russes en quête de pots-de-vins et spécialistes des arrestations abusives. Selon une récente étude menée par le gouvernement, 17% des entrepreneurs russes ont l’intention d’émigrer, tandis que 50% disent vouloir refuser de céder au chantage. Au lieu d’abandonner son pays, Iakovleva a créé sa propre organisation, le Comité Solidarité Business, pour soutenir les entrepreneurs victimes de ces

pratiques. Récemment, Yana a également été nommée à la présidence d’un centre anti-corruption russe qui collabore depuis peu avec le syndicat des PME russe Delovaïa Rossia. « Il s’agit de l’union de deux forces, car les autorités sont à la fois contre la corruption et contre le monde des affaires », a annoncé Boris Titov, à la tête de Delovaïa Rossia, et qui co-préside le centre anti-corruption avec Iakovleva. Galina et Evgeni Konovalov font partie des tout premiers entrepreneurs à s’être adressés au centre. Leur société implantée à Krasnodar a subi une descente des autorités locales. « En 2008, nous avons appris que le propriétaire avait mystérieusement été remplacé, et lorsque nous sommes allés porter plainte au tribunal, mon mari a été arrêté sur de fausses accusations », raconte Galina Konovalov. Les avocats lui ont dit que son cas était sans espoir, mais cette même année, le couple a enregistré deux victoires : en février, le tribunal

a reconnu plusieurs violations à l’encontre de l’accusé, et en mars, l’entreprise a été rendue aux époux Konovalov. Pour autant, l’affaire contre Evgeni n’est toujours pas classée, et les biens de la société ont été vendus au cours de la procédure judiciaire. Le centre anti-corruption est la première initiative incitant les entreprises à combattre elles-mêmes le fléau dont le noyau « ne faiblit pas et prend l’économie à la gorge », pour reprendre le discours du 31 mars de Dmitri Medvedev. « Chaque année, près de 70 000 entreprises sont victimes de corruption en Russie. Les sommes versées en pots-de-vin peuvent atteindre jusqu’à 10% des dépenses totales. Il s’agit effectivement d’un racket à grande échelle et qui touche toutes les institutions du pays », précise le président de Delovaïa Rossia, Boris Titov. Yana Iakovleva estime que le droit pénal constitue actuellement la voie principale de saisie des entreprises : « Auparavant, ces pratiques concernaient principalement les tribu-

Chiffres clés

17%

des entrepreneurs russes ont l’intention d’émigrer, et 50% déclarent vouloir refuser de céder à la corruption.

70 000

entreprises sont touchées chaque année par les demandes de pots-de-vin qui peuvent atteindre 10% de leurs dépenses totales.

35%

C’est la diminution du nombre de poursuites liées aux délits économiques en 2010, selon le ministère de l’Intérieur.

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Mettre fin à l’anarchie dans l’établissement des normes. Souvent, les ministères adoptent des dispositions légales en contradiction avec une législation existante. Le ministère de la Justice doit y mettre bon ordre.

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Créer une institution responsable des investissements qui suivra et solutionnera les problèmes des investisseurs.

5

Avant le 15 mai, consolider un graphique de la privatisation des gros portefeuilles d’actions au sein du domaine fédéral.

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Les ministres et représentants de l’administration présidentielle doivent quitter les conseils des chefs des entreprises nationales avant le 1er octobre 2011.

naux d’arbitrage parce que la qualité de la justice et l’indépendance des juges étaient faibles ». De nouveaux amendements du Code pénal atténuant les sanctions en cas de délits économiques sont entrés en vigueur le mois dernier. Les amendes devraient remplacer les peines de prison. « Nombre de nouvelles lois ont été adoptées. Le problème, maintenant, est de les faire respecter », insisteYana. « Jusqu’à mon arrestation, je n’imaginais pas qu’une entreprise puisse avoir pour rôle d’ agir sur la société, ni qu’elle soit amenée à dénoncer des injustices ».

Préparé par Veronika Dorman

un personnage secondaire

ben laden n’est pas mort

vedomosti

gazeta.ru

Moskovski Komsomolets

En Russie, nous savons que la liquidation d’un Bassaïev n’a pas réduit la terreur dans le Caucase du Nord. La structure en réseau du terrorisme moderne ne repose pas sur une direction centrale - les combattants sont financés par des sources différentes et visent des objectifs ciblés. La mondialisation est aussi celle des méthodes et les kamikazes du métro moscovite ressemblent à ceux qui faisaient exploser les bus israéliens il y a 20 ans. Ils n’ont rien à voir avec Al-Qaida et n’ont pas d’objectifs planétaires. La déclaration de guerre au terrorisme mondial remonte à George Bush mais le symbole de ce terrorisme a été éliminé par Barack Obama.

Ben Laden a créé l’image de l’ennemi idéal, du mal absolu. Tout gouvernement raisonnable se devait de soutenir les Américains dans leur volonté d’en débarrasser la planète. Le leadership des États-Unis, après la fin de la Guerre froide, a revêtu une forme concrète. Dix ans plus tard, le « terrorisme international » quitte la scène politique, mais les questions qui troublent l’ordre mondial ne sont pas résolues. Les institutions internationales du XXème siècle sont inadaptées. L’Amérique va devoir chercher de nouveaux moyens d’assurer sa domination. Ben Laden, légende vivante, puis morte, restera dans l’Histoire comme un moment de transition.

Que nous donne la mort de Ben Laden, au-delà de la satisfaction morale ? Les débats sur les conséquences de cette mort portent en fait sur la vielle querelle du rôle de l’homme dans l’Histoire. Ben Laden a su faire du djihadisme mondial un modèle international. Il est moins l’organisateur de la terreur que son idéologue et inspirateur. Il continuera à tuer longtemps après sa mort. Il est devenu le symbole de ceux qui ont la vocation du martyre. Le ben-ladisme vivra et vaincra tant que n’apparaîtra pas un anti-Ben Laden, un leader spirituel qui pourra apporter une réponse moins sanguinaire aux questions de jeunes gens qui se sentent laissés pour compte.

La rédaction

Fedor Loukianov

ticle de Dmitri Orekhov, 62,5% des lecteurs de Novaya Gazeta attribuent la vague d’émigration actuelle à la situation personnelle, notamment l’activité, l’âge, la connaissance de langues étrangères, la situation familiale et le niveau d’éducation. Dans l’espace russophone du site LiveJournal, il existe même une communauté nommée « Time to go ? » où l’on s’échange expériences et conseils en matière d’émigration. Le point de vue d’Anna, 32 ans, commissaire d’exposition dans un important centre d’art de Moscou, tranche avec cette vision. Après plusieurs stages en Europe, elle est finalement rentrée en Russie : « Cela peut paraître paradoxal, mais vous trouverez plus de possibilités de carrière ici si vous le voulez vraiment. Quitter le pays pour un temps permet d’acquérir de l’expérience et d’élargir ses horizons, mais cela vaut vraiment la peine de rentrer ».

« Partir pour toujours ? » Les sondages montrent que quatre russes sur cinq n’envisagent pas de quitter le pays.

Le nombre d’émigrants potentiels russes n’a pas augmenté depuis 2000, d’après le Centre Levada. Mais les moins de 35 ans sont deux fois plus nombreux à vouloir partir. Certains citent les chances de carrière et un salaire plus élevé comme principales raisons d’émigrer, tandis que la plupart mettent en avant les facteurs culturels et de meilleures conditions de vie.

Mikhail Rostovsky

afp/east news

Le Président Dmitri Medvedev redoute que l’élimination d’Oussama Ben Laden n’ait des répercussions sur la sécurité dans son pays, Al-Qaida opérant aussi sur le territoire russe. La presse s’interroge sur les effets réels de cette décapitation du « terrorisme mondial », sur la capacité du monde à affronter le nouvel ordre (ou désordre) qu’il a instauré et sur l’avenir du djihadisme.

une mort symbolique

« Quitter le pays permet d’acquérir de l’expérience [...] mais cela vaut la peine de rentrer »

Sondage

lu dans la presse la mort de Ben laden laisse les russes sceptiques

en forte progression annuelle depuis 1998, un niveau de pauvreté réduit de moitié et une économie en hausse de 7% par an en moyenne. Mais selon les experts, c’est l’atmosphère du pays le fait fuir. « La raison principale est le manque d’air frais, ainsi que le décrivait Blok dans son poème consacré à la mort de Pouchkine », estimait récemment Dmitri Orekhov dans le journal d’opposition Novaya Gazeta. « Il devient de plus en plus pénible pour une personne libre et indépendante de respirer dans la Russie de Poutine. On n’y trouve pas sa place ». D’où vient donc cette atmosphère ? Comme le montrent les résultats de l’étude accompagnant l’ar-

1,25 million de Russes ont quitté le pays ces dernières années.


Santé

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

chiffres clés

Ria-Novosti(2)

Le gouvernement russe doit investir 19,3 milliards d’euros dans la réforme du système de santé.

10 Millions

51,6%

de Russes, soit près de 10% de la population totale du pays, sont affectés par un handicap. Les handicapés constituent la minorité la plus conséquente de toutes.

des Russes meurent d’incidents cardio-vasculaires, 24,4% de cancers, 10,2% des suites d’accidents, victimes d’homicides ou d’abus d’alcool.

2015

C’est l’échéance que s’est fixée le gouvernement russe pour enrayer le déclin démographique qui sévit depuis des décennies et constitue une menace pour l’avenir du pays.

Elle l’a dit

Tatiana Golikova

Cure nécessaire pour le système de santé... et la démographie suite de la première page

C’est l’une des grandes contradictions de la société russe : elle compte de très bons médecins et chercheurs originaires d’un pays où, à quelques centaines de kilomètres de Moscou, les familles des patients sont tenues d’acheter à leurs frais les pansements, seringues, poches de solution saline et tout le nécessaire pour un séjour hospitalier. La presse décrit des hôpitaux où les instruments sont stérilisés dans des casseroles posées sur des serpentins électriques. Le gouvernement russe se lance donc dans une immense réforme qui prévoit une injection de 19,3 milliards d’euros pour doter les hôpitaux du pays d’équipements dernier cri, et revaloriser les salaires du personnel médical. La Russie devrait accroître ses dépenses de santé de 3,9% à 5%

par an pour se rapprocher de l’Union européenne. Le piteux état du système de santé, doublé d’indices de mortalité alarmants, ont servi de catalyseur. « La Russie a un taux de natalité de pays développé, c’est-à-dire bas, et un taux de mortalité de pays en développement, c’est-à-dire élevé », commente Macha Lipman, une spécialiste du centre de réflexion Carnegie de Moscou. Elle ajoute qu’il y a « plusieurs causes à la forte mortalité, dont l’une est la mauvaise qualité du système de santé ». Les démographes les plus pessimistes prédisent que la population russe pourrait chuter de 142 millions à 100 millions en 2050. Mais il n’y a pas de tendance irréversible : si les Russes s’investissaient dans une vie plus longue et plus saine, ils seraient peut-être enclins à avoir plus d’enfants.

Dépenses de santé jusqu’à 2020

Le gouvernement construit une série de centres médicaux dans tout le pays, en mettant l’accent sur la lutte contre les maladies cardio-vasculaires et les cancers. Dmitri Pouchkar, 47 ans, est le principal urologue de la Russie. Ce chirurgien de réputation internationale est à l’avant-garde de l’utilisation de technologies pour le traitement du cancer, et en Russie, c’est un pionnier de la médecine préventive pour les hommes. Il a obtenu des financements du ministère de la Santé et du Développement social pour importer des équipements opératoires robotisés dans quatre hôpitaux du pays, mais il estime que le problème n’est pas seulement financier. « Il revient à la société elle-même de délivrer le message », dit-il. « La société, c’est tout le monde, le président, le Premier ministre, les travailleurs. Une société unie doit

Services Le programme Text4Baby propose une aide par téléphone aux jeunes mamans

Emma Burrows

la Russie d’aujourd’hui

Ces dernières années, la Russie a connu un mini-baby boum, en partie grâce à la loi de 2007 qui octroie un « capital de maternité », soit une aide financière directement versée à la naissance du deuxième enfant. Le taux de natalité a ainsi augmenté de 21% depuis 2005, et en 2009, la population russe a progressé pour la première fois depuis 15 ans. Le gouvernement a également lancé une initiative visant à moderniser les maternités. Que se passe-t-il quand bébé rentre à la maison ? Tapez Text4Baby. Lancé aux États-Unis, ce programme s’adresse aux femmes enceintes et aux jeunes

mères à faible revenu n’ayant pas accès aux informations sanitaires. Trois fois par semaine, des textos les informent sur des sujets tels que les soins prénatals, les vaccinations ou encore la sécurité des sièges-auto pour bébé. Véritable révolution, le programme a réuni plus de 135 000 abonnés aux États-Unis en une seule année. Une perfomance qui a conduit la Russie à une collaboration bilatérale pour importer ce programme. La version russe est prévue pour septembre 2011. Sur un des plus importants marchés de téléphonie mobile au monde, le projet a tout de suite reçu un appui massif, y compris du gouvernement russe. Des experts du Centre Kulakov, qui fait partie du ministère de la Santé, devraient jouer un rôle prépondérant dans la diffusion des messages. Pour Judy Twigg, spécialiste de la santé en Russie et professeur à l’Université du

gETTY IMAGES/FOTOBANK

Pour de meilleurs soins néonatals, un texto à la fois Après son succès au États-Unis, Text4Baby débarque en Russie dans l’espoir d’améliorer les soins des futures mamans à l’aide des téléphones mobiles.

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Les futures mères peuvent désormais recevoir des conseils par SMS.

Les médecins doivent développer des qualités d’écoute et de conseils, les patients, savoir poser des questions. Commonwealth deVirginie à Richmond, « il ne s’agit pas seulement de changer le système de santé. Les campagnes d’information publiques jouent un rôle crucial ». De nombreux défis ont dû être surmontés pour mener à bien le projet Text4Baby. Il a fallu notamment coordonner l’action des organisations gouvernementales

et non gouvernementales pour assurer la mise en œuvre de cette plateforme de soins à distance. Des experts linguistiques ont également été sollicités pour la rédaction de messages à la fois courts et clairs. Pour Elena Dmitrieva, directrice du programme Text4Baby en Russie, la difficulté majeure a été d’inciter les médecins à développer des qualités d’écoute et de conseil, et à adopter une approche plus humaine. Les patients devront eux aussi changer leur comportement visà-vis de la médecine, devenir plus actifs et poser de nombreuses questions.

déclarer que nous comprenons ce que cela signifie d’être un bon docteur et à quel point c’est important ». Le système soviétique, gratuit pour tous, se concentrait sur les spécialistes et les soins, négligeant la prévention. Les Russes sont aujourd’hui peu nombreux à faire confiance à leur système

ministre de la santé et du développement social

"

Comparés à l’année 2002, les investissements de santé ont augmenté de 5%. Par rapport à l’année 2007, cette augmentation atteint 53,6%. La Russie est l’un des seuls pays à avoir accru ses efforts financiers dans ce domaine pendant la crise. La santé est d’ailleurs celui qui reçoit le plus d’aides de l’État en Russie. Pour autant, les principaux problèmes sont moins une question d’argent que de gestion ».

de santé. Les classes aisées préfèrent se faire soigner à l’étranger. Soulignant l’aspect moral du problème, Pouchkar conclut : « Il est impossible de réformer en un an, mais nous pouvons commencer par reconnaître qu’il y a de bons et de mauvais médecins. Nous devons absolument soutenir les bons ».

Investissements Rénovation des hôpitaux

Régime prescrit : fortes injections financières Des hôpitaux souvent délabrés et insuffisamment financés : la réforme, avec l’aide de l’industrie pharmaceutique, est devenue une priorité pour le Kremlin. Ben Aris

Business New Europe

La Russie va investir 107,5 millions d’euros dans les hôpitaux de 55 régions russes. La plus grosse tranche, 11 millions d’euros, est destinée à la région de Krasnodar, tandis que Moscou et Saint-Pétersbourg, les deux villes les plus peuplées, recevront respectivement 8,4 et 8,6 millions d’euros. Le gouvernement a prévu de consacrer 3,2 milliards d’euros à la réforme de la santé sur la période 2008-2013. La gestion des hôpitaux a déjà été restructurée et la rémunération des médecins revue à la hausse. Le nombre de Russes à avoir reçu des soins sophistiqués a été multiplié par cinq (290 000 personnes) ces cinq dernières années. Mais il reste beaucoup à faire. « Pour atteindre le niveau de l’Union européenne en 2020, la

Médecine 2.0 Poser des questions à un médecin via Internet, c’est rassurant, mais les consultations de visu sont plus efficaces. Pourtant, les hôpitaux russes en voie de modernisation valorisent la communication patients-médecins sur la Toile. Lisez davantage sur larussiedaujourdhui.fr

Russie doit augmenter ses dépenses de santé de 15% par an », explique Lev Iakobson, un universitaire. Au cœur de la réforme : le développement des industries pharmaceutiques et d’équipement médical russes, auquel l’État a déjà alloué 950 millions d’euros. En outre, le Kremlin a lancé sa campagne « la carotte ou le bâton » pour encourager les entreprises internationales pharmaceutiques à augmenter leurs investissements en Russie. Le bâton, ce sont des taxes accrues sur les produits médicaux importés (6,1 milliards d’euros en 2010), et la carotte offre des avantages fiscaux aux entreprises qui produisent en Russie. Du coup, la multinationale pharmaceutique AstraZeneca construit une nouvelle usine et un centre de recherche (101 millions d’euros) dans la région de Kaluga, tandis que le finlandais Orion dit être en pourparlers avancés pour une acquisition, suivant l’exemple de Novartis et GlaxoSmithKlein, qui ont déjà des usines de fabrication en Russie.


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Économie

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Hautes technologies Une région de l’Oural adopte le modèle américain de collaboration entreprises-universités

Tcheliabinsk en tête de la course à l’innovation

CHIFFRES CLÉS

50

millions de dollars ont été investis par Emerson dans la création d’un laboratoire de recherche au sein de l’Université d’État du SudOural.

L’Université d’État du Sud-Oural (UESO) s’est associée au géant industriel américain Emerson pour former une technopole unique en son genre en Russie.

70%

Paul duvernet

la russie d’aujourd’hui

des équipements électroniques d’apprentissage et de formation utilisés dans l’enseignement supérieur russe sont mis au point par l’UESO.

service de presse(2)

On connaissait déjà la ville aux sept collines, celle aux mille clochers. Tcheliabinsk pourrait être surnommée celle aux dix mille cheminées… d’usines. Située juste derrière la chaîne de l’Oural, à l’entrée de la Sibérie, la ville est connue pour ses usines qui crachaient tanks, tracteurs et bulldozers à un rythme inégalé jusqu’à l’effondrement de l’URSS. Tcheliabinsk se réadapte lentement aux réalités économiques actuelles et mise sur les hautes technologies pour se diversifier et sortir du marasme. Le coup de pouce est venu du groupe américain Emerson Process Management, qui a inauguré le 12 avril dernier un laboratoire baptisé PlantWeb destiné à la recherche appliquée et à la formation des étudiants de l’Université d’État du Sud-Oural (UESO) aux technologies d’automatisation et de commandement à distance et sans fil d’usines de toutes tailles. Emerson a déjà investi 50 millions de dollars dans un laboratoire au sein de l’université. Simultanément, le groupe américain a renforcé sa présence industrielle dans la région en ouvrant une nouvelle ligne

Une ligne de production de compteurs de pression mis au point par le groupe Emerson.

« Investir dans les cerveaux. C’est ça le plus important. Nous investissons dans l’éducation » pour la production de capteurs et de compteurs à pression, des équipements utilisés dans de nombreuses industries. Emerson est présent dans la région de Tchéliabinsk depuis 2004, date à laquelle le groupe a racheté Metran, le principal producteur russe de compteurs à pression.

Le PDG d’Emerson David N. Farr était sur place pour l’inauguration, qui coïncidait avec la conférence « Journées de l’innovation », organisée par le gouverneur régional Mikhaïl Iourevitch. Très confiant dans ses opérations russes, David N. Farr a expliqué vouloir « investir dans les cerveaux. C’est ça le plus important. Nous investissons dans l’éducation ». Il ambitionne de développer des partenariats avec d’autres universités russes. Ce type de partenariat, courant aux États-Unis, est une première en Russie, où grandes univer-

Assurance-crédit Un marché de niche en passe d’exploser

La Coface flaire un fort potentiel à l’Est Pour son deuxième exercice en Russie cette année, l’assureur français pense doubler son chiffre d’affaires, grâce à la prise de conscience du risque survenue après la crise. Paul duvernet

la russie d’aujourd’hui

La filiale de Natixis a mis sur le marché russe ses primes d’assurance-crédit en juin 2010 et réalisé cette première année un « chiffre d’affaires modeste : 6 millions d’euros, admet Didier Bourgeois, directeur régional Russie et CEI (Communauté des États indépendants) à la Coface (Compagnie Française d’Assurance pour le Commerce Extérieur). Nous pensons doubler notre chiffre en 2011 », ce qui ne veut pas dire tous les ans ; « difficile de dire si le taux va évoluer de manière linéaire à 10, 15, 20% par an ». Aujourd’hui, le segment de l’assurance-crédit pèse 40 millions d’euros et est largement dominé par l’allemand Euler Hermes, représenté en Russie par Rosno (les deux groupes appartiennent à Allianz). Euler Her-

Didier Bourgeois, directeur régional de la Coface pour la CEI.

mes a une position dominante sur le marché russe, qui s’explique par la prépondérance des exportations allemandes en Russie. L’autre concurrent de Coface est une co-entreprise entre le russe Ingosstrakh et le belge Office National Du Ducroire (ONDD). « Nous sommes la seule société d’assurance internationale à proposer ces produits sous notre propre nom », précise Didier Bourgeois, qui

attribue à la Coface un avantage concurrentiel solide avec ses services d’intelligence économique très développés. « Notre travail s’appuie sur une base de données de 750 000 entreprises russes sur un total de 4 millions d’entités juridiques en Russie. Cette activité existe tout d’abord pour les besoins de notre assurance, mais nous la proposons aussi à des clients tiers qui veulent se conforter sur le risque d’un client russe donné ». Cette activité a représenté un quart du chiffre d’affaires de la Coface en Russie l’année dernière. Les clients russes ne constituent que 25% de l’activité de l’assureur, mais la proportion devrait monter à 40% à terme. « Le niveau de risque en Russie est assez élevé car dans une crise comme la dernière, les entreprises s’arrêtent vite de payer leurs fournisseurs », note Yves Zlotowski, économiste en chef de Coface. Le marché russe est cependant « difficile en raison d’une faible transparence des entreprises, même par rapport à des pays émergents comme la Turquie et l’Inde ».

sités et grandes entreprises se regardent le plus souvent en chiens de faïence. Ces dernières se plaignent du fait que les universités forment des étudiants selon des technologies complètement dépassées et décalées par rapport aux demandes du marché. Les universités craignent d’être instrumentalisées mais souffrent en même temps de sous-investissement. Le recteur de l’UESO, Alexandre Chestakov, se félicite du partenariat avec Emerson qu’il qualifie de « gagnant-gagnant ». Selon lui, l’UESO met en place

100% de croissance des ventes, c’est l’objectif que s’est fixé Emerson pour ses équipements en Russie et dans l’ex-URSS au cours des quatre prochaines années.

un modèle « pionnier » pour les universités russes, et rappelle que l’UESO a également la particularité d’avoir monté un centre de compétences avec le fabricant de puces américain Intel : « Nous sommes la seule des 38 universités d’État russes à posséder un super-ordinateur d’Intel de dernière génération ». Tcheliabinsk réussit donc l’exploit de mettre sur pied un « mini-skolkovo » (en référence à la future technopole moscovite ultra médiatisée). Sans publicité et quasiment sans aide fédérale. Un exemple qui devrait faire des émules.

Internet L’achat en ligne en ébullition

L’américain PayPal mise sur le marché russe Les internautes russes, dont le nombre croît de façon exponentielle, n’hésitent pas à faire et régler leurs achats en ligne, décuplant la taille marché et attirant les gros acteurs. Ben Aris

Business new europe

Le service de paiement en ligne américain PayPal a balayé d’un revers de main les avertissements concernant la corruption en Russie. Car en fait, il compte bien se faire une place sur un marché Internet considéré comme l’un des plus dynamiques au monde. Le nombre d’internautes double environ tous les 18 mois en Russie. Selon les experts, ils pourraient être 50 millions à surfer sur la Toile d’ici à la fin de l’année 2011. Mais pour le paiement des achats en ligne, les difficultés demeurent. « Le faible taux de pénétration des cartes de crédits signifie qu’il est impossible pour certains d’effectuer des opérations de retrait en ligne, même si le client a les moyens », expli-

que Simon Dunlop, entrepreneur sur Internet. De nombreux sites acceptent les paiements via un téléphone mobile : le client envoie sa commande par SMS à un numéro spécial, et le coût de la transaction est alors inclus dans les frais de téléphone. Un service toutefois très onéreux. PayPal est pourtant très confiant, et mène déjà des négociations avec les fournisseurs de téléphonie mobile et Internet locaux. En 2009, Yandex.Money et Web Money étaient les principaux systèmes de paiement en ligne en Russie, représentant 90 % du marché russe, révèle l’Association pour la monnaie éléctronique (EMA). PayPal a donc du pain sur la planche. Créé en 1998, WebMoney est officiellement enregistré à Belize, en Amérique centrale, où vit son propriétaire et administrateur du site. Initialement conçue pour des clients russes, la société a connu un essor fulgurant et compterait aujourd’hui plus de 14 millions d’utilisateurs dans le monde entier.

En BREF Total a foi dans l’Arctique et la Caspienne Le patron de Total pour la Russie, Pierre Nerguararian, a fixé des objectifs très ambitieux à son groupe dans la région. Total espère multiplier par trente sa production d’hydrocarbures en Russie au cours de cette décennie, grâce aux gisements dans les régions de l’Arctique et de la Caspienne. Pierre Narguararian situe la production du groupe français entre 300 000 et 400 000 barils par jour aux alentours de 2020. Les partenaires de Total en Russie sont Gazprom, Novatek et Lukoil.

Sberbank convoite Cetelem Selon le quotidien Kommersant, la première banque russe Sberbank mènerait des négociations avec BNP- Paribas pour le rachat des opérations de sa filiale Cetelem en Russie. Spécialis é e d a n s l e c ré d i t à l a consommation et automobile, Cetelem, après avoir tenté en vain d’acquérir le leader national de la spécialité, Rousski Standart, est en volume le septième acteur sur le marché du crédit à la consommation russe, où la compagnie française opère depuis 2007. Sberbank occupe une place de leader et mène une politique d’expansion agressive dans tous les segments.

getty images/fotobank

Affaires à suivre conférence sur la « modernisation de l’économie russe » Le 19 mai, délégation économique et commerciale de la russie en france, 49 rue de la faisanderie, Paris

La conférence sera centrée sur les « Opportunités des Zones économiques spéciales (ZES) d’innovation et de production ». Elle permettra d’examiner les perspectives offertes à la Russie par ces ZES et leur cadre réglementaire et administratif. ›› www.medef-champagneardenne.fr

Forum d’affaires franco-Russe 3 et 4 juin, hôtel président, 24 rue Bolchaïa Iakimanka, Moscou

Le forum « Partenariats PublicPrivé au service du développement des infrastructures régionales et municipales » propose un échange d’expériences et des rencontres avec plus de 400 décideurs locaux. ›› www.ppp-forum.com

Tous les détails sur notre site

larussiedaujourdhui.fr


Régions

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

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Tourisme Dans son écrin de beauté, le mythique et gigantesque plan d’eau place les visiteurs au contact de la riche culture sibérienne

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Le lac Baïkal entre nature et civilisation

RAISONS DE SE RENDRE AU LAC BAÏKAL

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C’est le plus grand lac d’eau douce au monde et le plus profond. Il abrite 848 espèces animales et 133 espèces végétales endémiques.

2

Il est l’une des destinations touristiques les plus réputées pour ses circuits aventure : randonnées pédestres et VTT, baignade, rafting, équitation, excursions en jeep, pêche, ou encore séjour exotique dans une yourte confortable au bord du lac.

3

C’est un lieu mythique à la fois du bouddhisme et du chamanisme en Russie. Des centaines de visiteurs viennent découvrir les danses rituelles des chamans, ou méditer dans un monastère bouddhiste.

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La route menant au lac Baïkal vous fera découvrir des paysages splendides et profiter des équipements offerts par la Sibérie.

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Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

En 1996, le lac Baïkal a été classé au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO, et nominé au concours des sept merveilles naturelles du monde en 2008. LEGION MEDIA

Surnommé « la perle de Sibérie » et connu dans le monde entier pour ses richesses naturelles, le lac Baïkal demeure un lieu intemporel mais menacé par le développement. EVA HUA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Niché dans le sud de la Sibérie, loin des destinations touristiques classiques, le lac Baïkal offre à ses visiteurs un paysage exceptionnel, avec ses 12 000 mètres carrés de pureté et de charme naturel. Sur ce site cohabitent

des dizaines d’espèces de flore et de faune sauvages uniques, dont les fameux phoques sans oreilles ou encore l’omul, un poisson qui constitue l’une des principales ressources alimentaires des riverains. Réputé le plus profond du monde (1 637 mètres), le lac Baïkal constitue aussi la cinquième réserve d’eau douce de la planète. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1996, il est ainsi devenu un lieu d’expédition pour les scientifiques. Ce qui a provoqué un engouement touristique

pour la région, et certains habitants craignent que les nombreux voyageurs ne détruisent à terme la beauté sauvage du site. Aujourd’hui, la haute saison touristique débute en juin pour se terminer en août. Une période qui offre aux visiteurs des conditions idéales pour la randonnée, le vélo, le camping, le canoëkayak et la pêche. Mais l’activité favorite reste le traditionnel « bania », un sauna à la russe, avec toute la culture qui lui est propre. En hiver, les touristes peuvent profiter des promena-

des en traîneau et de la pêche sur glace. Pour certains, le lac Baïkal sera l’une des escales du voyage à bord du Transsibérien. Le plus souvent, les voyageurs descendent à Irkoutsk et choisissent le village le plus développé de la région, Listviyanka. Ce lieu est presque devenu le confluent de deux continents, car on y croise de nombreux Asiatiques et Européens. L’île d’Olkhon, située à environ 30 0 km au nord d’Irkoutsk, reste l’un des sites les plus purs et sauvages de la

Un super-télescope au fond du lac pour scruter les trous noirs du cosmos Le lac Baïkal est sur le point d’accueillir l’un des plus grands télescopes du monde, qui devrait aider à percer l’un des mystères de notre galaxie. ANTON KOUTOUZOV

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

MEDIA LEGION

télescope russe reste moins cher que ses analogues étrangers. Deux télescopes comparables sont déjà en activité dans le monde : Antares en Méditerranée et Amanda en Antarctique. Selon Igor Belolaptikov de l’Ins-

titut russe des recherches polaires, l’observation ne peut se faire que dans une direction, et les objets les plus intéressants sont précisément dans la future ligne de mire du télescope du Baïkal.

Un engin 100 fois plus grand captera la lueur d’objets très éloignés émise dans l’épaisseur aquatique mis d’enregistrer que les neutrinos nés dans notre atmosphère. Le nouveau télescope, perfectionné et 100 fois plus grand, repérera des objets plus éloignés. En raison des conditions naturelles uniques du lac Baïkal, le

SERVICE DE PRESSE

Le futur super-télescope, qui entrera en service d’ici six ans, devrait offrir une vision plus précise des phénomènes cosmiques. Orienté vers le grand trou noir au centre de notre galaxie, il pourrait en extraire des neutrinos, ces particules issues de différentes réactions atomiques et porteuses d’informations. « En une année de travail, on ne parvient à récupérer que quelques dizaines de particules uniques », explique Alexandre Avrorine, ingénieur en chef du projet. Mais elles peuvent fournir nombre d’explications sur la formation du cosmos. Le phy-

sicien russe Pavel Tcherenkov a découvert qu’à travers une certaine épaisseur d’eau ou de glace, ces particules émettent une légère lueur bleue. Ce qui explique le choix d’un plan d’eau comme base du futur télescope. Les anciens modules n’ont per-

L’eau du Baïkal, gelée pendant 6 mois, supportera la plateforme.

Les femmes russes ont des enfants de plus en plus tard, à l’instar des Européennes.

redac@larussiedaujourdhui.fr

région. Accessible en bus ou en taxi, Olkhon est la plus grande des 27 îles qui entourent le lac Baïkal. Pour atteindre Khoujir, la capitale de l’île, il faut compter une demi-journée sur des routes rocailleuses, ainsi qu’une traversée en bac. Pourtant, ceux qui se sont aventurés sur l’île d’Olkhon ne l’ont jamais regretté. Le temps semble y avoir retenu son souffle, protégeant ses quelques 1 500 habitants de la vie stressante et mouvementée des grandes villes et de la civilisation. Ici, l’électricité n’est installée que depuis 2005. Les peuples de Sibérie se différencient des autres habitants de la Russie par leur exposition permanente aux éléments naturels. Ils disent vivre en harmonie avec la nature, respecter les traditions. Sa situation géographique fait d’Olkhon le lieu idéal pour rencontrer de tels individus, de même que les peuples du Baïkal comme les Bouriates d’Asie. Selon leur culte, le Rocher Shamanka aux alentours serait sacré. En respect pour les croyances locales, les touristes ne peuvent pas prendre de photos des chamans ni endommager les marquages sur les arbres, ou autres symboles sacrés. L’île d’Olkhon offre aussi des paysages contrastés : des montagnes rocheuses et des forêts, mais aussi des steppes à perte de vue, et même un petit désert. Mais ces lieux préservés ne sont pas pour autant dépourvus de tout confort : de nombreux hôtels accueillent aujourd’hui les touristes, et l’île a son propre musée. Elle offre également des aires de jeux pour enfants, une bibliothèque comportant des livres en anglais et en allemand, et un zoo. L’hôtel Nikita, dirigé par Nikita Bencharov, résident de l’île et fervent écologiste, reste de loin le plus connu de la région. Contrairement aux stéréotypes sur les

Russes et la vodka, Nikita Bencharov a privilégié un accueil pour le moins différent de la tradition : l’alcool au sein de l’établissement est interdit. À la place, le gérant offre à ses visiteurs une délicieuse cuisine sibérienne, dans la plus pure tradition. Les habitués de la vie chère de Moscou sont souvent étonnés par les prix locaux : 750 roubles (20 euros) pour une nuit d’hôtel et trois repas au buffet en libre-service. Si vous choisissez de prendre une chambre au Nikita, vous recevrez un repas offert par l’établissement. Le développement du tourisme dans la région, notamment l’hébergement, a cependant contribué à la destruction des ressources naturelles. Le risque serait qu’à terme, le tourisme submerge l’île et la fasse disparaître. Mais, donnant raison aux anciennes légendes, c’est l’esprit du lac qui attire les visiteurs, venus de plus en plus nombreux du monde entier contempler le site et communier avec la nature : le signe, peut-être, que quelque chose restera éternel...

DÉCOUVERTE

Voyage rétro autour du Baïkal Les amateurs de voyages ferroviaires pourront, dès le 14 août prochain, embarquer pour « l’Odyssée transsibérienne », du nom de la nouvelle liaison en train Moscou-Pékin. Le trajet empruntera notamment la fameuse ligne historique Krougobaïkalskaïa, construite sur les rives du lac Baïkal. Tous les détails sur larussiedaujourdhui. fr/12242

larussiedaujourdhui.fr/lettres


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Opinions

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.fr communiqué DE ROSSIYSKAYA GAZETA distribué AVEC LE FIGARO

Deux candidatures inéluctables

ces sacrés Russes

Un voisinage d’enfer François Perreault

T

Georgy Bovt

spécialement pour la russie d’aujourd’hui

L

es analystes politiques de Russie et du monde entier s’interrogent : qui sera donc le locataire du Kremlin en 2012, pour six ans contre quatre actuellement (en raison d’ un amendement à la Constitution, adopté au tout début de la présidence de Dmitri Medvedev et portant le mandat présidentiel à six ans, et à cinq ans pour les députés de la Douma) ? Les membres du tandem dirigeant semblent tout faire pour maintenir le suspense à son paroxysme. Les observateurs politiques continuent de s’enflammer, et ne tarissent pas de commentaires sur les divergences supposées entre Poutine et Medvedev. Les deux hommes se sont retrouvés dans une situation complexe, découlant des particularités de la politique russe. Quand un président sortant ne se représente pas, il se produit une vacance qui n’a rien à voir avec la situation américaine. Ce n’est pas un « canard boiteux » (lame duck), c’est un cheval mort, dont le cadavre est piétiné. La politique russe est traditionnellement centrée sur le premier personnage de l’État (ou, dans le cas présent, sur les deux premiers personnages). L’ensemble de la bureaucratie s’articule non pas autour des institutions, des lois et des règles écrites, mais avant tout autour du Chef, de son style, de ses désirs, ses habitudes, ses caprices, ses points forts et faibles. Dès que le Chef part ou laisse entendre qu’il part, il cesse d’exister. Ainsi, si Medvedev déclare aujourd’hui qu’il ne se présentera pas, cela signifiera en pratique que la Russie se retrouvera sans président à un an du scrutin. Si c’est Poutine qui annonce qu’il quitte la politique, cela provoquera une situation dans laquelle toute la machine hiérarchique gouvernementale, déjà peu efficace, cessera com-

dmitry divin

25% des Russes préféreraient que ni Poutine, ni Medvedev, ne soit candidat au scrutin de 2012 plètement de fonctionner. Une machine, qui plus est, bâtie selon les principes d’une stricte centralisation. Poutine et Medvedev ne le comprennent que trop bien, et ne souhaitent visiblement pas prendre un tel risque. Sans oublier qu’ils ont tous deux des ambitions politiques et des visées personnelles sur le siège présidentiel. Une autre question, moins évidente, serait de savoir quelle conception les membres du tandem avaient de cette situation quand ils l’ont créée en 2008. Comment Poutine avait-il prévu les événements ? Medvedev, « gardant au chaud » le siège présidentiel, devait-il quitter volontairement le pouvoir, en laissant entendre qu’il ne prétendait pas

à un deuxième mandat ? Ce n’est pas un hasard si, au début de la présidence de Medvedev, des rumeurs laissaient entendre qu’il devait renoncer au pouvoir avant terme, afin d’éviter la perpétration d’un « président impuissant ». Mais pourquoi Poutine discréditerait-il la présidence, qu’il avait lui-même consciencieusement renforcée et à laquelle, selon l’hypothèse énoncée plus haut, il comptait revenir ? Poutine n’imaginait-il pas qu’en conservant si longtemps le fauteuil de Premier ministre et, constatant que Medvedev s’acquittait de ses fonctions et des engagements pris, il risquait de se retrouver sur le bas-côté bien avant 2012 ? Une telle hypothèse rend toutefois incompréhensible cette forme d’« exil » pour un homme politique encore relativement jeune. Il se peut que le scénario de la « tandemocratie » et la façon d’en sortir en 2012 n’aient pas été pensés en détail en 2008. Il se peut que les circonstances aient entraîné des ajustements imprévus du programme. On ignore

une fausse malédiction Konstantin Simonov

the moscow times

D

epuis des années, les analystes parlent de la malédiction que seraient les ressources naturelles pour la Russie. Le débat a désormais gagné l’ensemble de la population. Selon des sondages récents, 50% des Russes ont conscience de la principale conséquence de la malédiction : les prix élevés du pétrole, profitables à court terme, ont un impact négatif sur le développement à long terme du pays. La logique est simple : l’aubaine des pétrodollars obtenus grâce à des prix anormalement élevés a corrompu l’élite dirigeante, la privant de toute ambition de diversifier l’économie au-delà de l’exportation de ressources naturelles. Il n’y a pas de fatalité : une économie diversifiée n’empêche pas de nombreux pays d’exploiter à fond leurs matières premières. Par exemple, les États-Unis. L’année dernière, ils ont dépassé la Russie en devenant le premier producteur de gaz naturel. Ils occupent aussi la deuxième place au monde pour l’extraction de charbon et la troisième pour la production de pétrole. Mais les partisans de la théorie

niyaz karim

de la malédiction tendent à minimiser la place des États-Unis dans la production mondiale des ressources naturelles pour ne pas contredire leur théorie. Norvège, Canada et Australie sont autant de bons exemples prouvant que des démocraties stables et des institutions publiques efficaces conjurent la malédiction de la dépendance des matières premières. Il y a dix ans, analystes et observateurs économiques insistaient sur la nécessité d’augmen-

ter les impôts sur le gaz et le pétrole afin de stimuler les investissements dans les industries de transformation et les autres secteurs. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la Russie a fait des progrès dans la diversification de son économie. En plus des industries de transformation, elle est dotée d’un fort secteur tertiaire, dont la croissance est le signe d’une économie développée. Un autre indicateur de la diversité, c’est la répartition du nom-

par exemple si les deux hommes ont pris en compte un facteur crucial de la politique moderne au sein d’un monde changeant : la lassitude de l’électorat face à un pouvoir qui s’éternise. La mentalité moderne privilégie l’évolution permanente. Selon certains sondages, 25% des Russes préféreraient que ni Poutine, ni Medvedev, ne figure dans la liste des candidats au scrutin présidentiel de 2012. Le problème ne réside pas tant dans l’identité des candidats que dans leur message. La priorité du message permettrait de stabiliser le pays, actuellement en proie à de grandes difficultés en raison de la crise mondiale et de la stagnation du programme de modernisation. Une campagne opposant Poutine et Medvedev, centrée sur les principaux points de divergence les séparant, permettrait au pays de maintenir le cap sur son développement, et de conserver intact son système politique. Georgy Bovt est un commentateur politique basé à Moscou.

bre d’employés par secteur. 10,5 millions de Russes travaillent dans le secondaire, soit dix fois plus que dans le primaire. Près de 12 millions de personnes travaillent dans le commerce, 6 millions dans l’éducation, 5 millions dans la santé et les services sociaux, 1,2 million dans l’hôtellerie et la restauration, et 1,1 million dans la banque et la finance. Contrairement à la croyance populaire, les secteurs de transformation et des services battent à plate couture celui des matières premières pour ce qui est du nombre d’employés. Mais ils produisent peu de richesses pour le pays, comparés au gaz et au pétrole. Si toutes les ressources naturelles de Russie venaient à disparaître, il est peu probable que les employés se mettent subitement à travailler mieux ou que les élites se ruent sur les réformes. Il faut cesser de recourir à la théorie de la malédiction des matières premières pour expliquer tous les maux de la Russie. Oui, ils y sont en partie liés. Mais ce n’est pas la raison principale pour laquelle la Russie se traîne derrière les autres puissances économiques. Nous ferions mieux de laisser de côté les malédictions et nous concentrer sur le développement et la modernisation politique et économique des institutions russes. Konstantin Simonov, directeur de la Fondation de la sécurité énergétique nationale.

Spécialement pour la russie d’aujourd’hui

out a commencé mystérieusement, dans la nuit de dimanche à lundi. Jean-Pierre est réveillé en sursaut par des bruits sourds, réguliers, émanant du logement d’en bas. Une heure durant, les murs tremblent sous le choc, puis, plus rien. Quelques jours plus tard, Jean-Pierre, de retour du bureau, note d’étranges traces de ciment dans la cage d’escalier de son immeuble, de plus en plus nombreuses au fil des jours. Il ne le sait pas encore, mais une aventure traumatisante, qui va le marquer à vie, vient à peine de commencer : le voisin du dessous a décidé de rénover son appartement. Nuit après nuit, c’est désormais le même cirque : les bruits sourds commencent vers les trois heures du matin, puis vers six heures la scie sauteuse rejoint le concert. Neuf heures marque l’arrivée de la perceuse, jusqu’au départ de Jean-Pierre au travail. Le concert est quotidien, et ne semble pas connaître de pause le weekend. Le niveau de tolérance de Jean-Pierre est dépassé lorsque notre ami prend une violente décharge électrique sous la douche : toute la robinetterie est visiblement sous tension, sans nul doute à cause des travaux. Encore engourdi par les 220 volts, Jean-Pierre descend, toujours dégoulinant, au quatrième étage. Le spectacle est terrifiant. Trois pauvres bougres d’origine tadjike

œuvrent à détruire entièrement l’ancien appartement, en vue d’en refaire un tout neuf. Embauchés par le proprio, ils vivent visiblement dans le chantier, probablement gratuitement, contre les travaux qui sont probablement tout aussi bénévoles. Dans ce qui était la salle de bains, une mer de câbles pendouille dans les flaques d’eau saumâtre, tandis que l’un des ouvriers prend une pause cigarette à côté de l’entrée du gaz de ville. En voyant le tuyau central du radiateur d’où coule une eau tiédasse dans un seau, notre camarade comprend pourquoi le chauffage ne fonctionnait plus chez lui depuis une semaine. Dans un sabir tadjiko-russe, le chef de chantier Djamchid, très sympa, conseille Jean-Pierre. C’est tout simple : pour la durée des travaux, il suffit de relier à la terre la tuyauterie sous tension avec la boîte électrique. Un fil d’environ cinq mètres zigzaguera ainsi dans tout l’appart de Jean-Pierre, mais c’est quand même plus sécurisant. Au fait, la durée des travaux ? Pas plus de six mois, juré, craché. Un an plus tard, lorsque les ouvriers s’en vont, Jean-Pierre s’est habitué. Effectivement, il ne prend plus le jus grâce aux conseils de Djamchid ; et il suffit simplement d’enjamber le câble pour aller de la salle de bain au salon. Quant aux bruits nocturnes, ils n’ont plus aucun effet sur notre petit camarade. D’ailleurs, sa première nuit calme a été terrible : il a été incapable de s’endormir. François Perreault est expatrié à Moscou depuis cinq ans.

La chronique « Ces sacrés Français » de Natalia Gevorkyan est exceptionnellement absente ce mois-ci, son auteur étant en congés. Vous la retrouverez dans le prochain numéro.

Sondage

Présidentielle de 2012 : qui choisira ? Le futur président russe sera-t-il choisi par les électeurs, par le tandem Poutine-medvedev, ou par poutine tout seul ?

source:levada.ru

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Culture

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Musique Denis Matsuev, le pianiste sibérien qui a conquis la scène mondiale, donne un récital à Paris le 20 mai

L’«ours» aux doigts de velours retrouve la patrie de son cœur Denis Matsuev avait 14 ans quand il fit résonner son piano dans les murs de la Sorbonne. Deux décennies plus tard, il retourne en virtuose accompli dans un pays spécial pour lui. ALENA TVERITINA

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Denis Matsuev impressionne à plus d’un titre : par son art bien sûr, mais aussi par une carrure typique de sa Sibérie natale et par son charme. L’homme demeure tout aussi charismatique lorsqu’il troque son costume à queue-de-pie de concertiste pour un style plus décontracté, dans un pub anglais du centre-ville de Moscou : « Pourriez-vous baisser la sono pour ne pas gêner l’enregistrement de la conversation ? », s’enquiert-il auprès du serveur tandis que je prends place à sa table. Pour l’entretien, Denis a accepté de quitter un instant le studio où il enregistre son nouvel album - il en a déjà sorti 16 ou 18, il ne sait plus exactement. Le jeune pianiste (35 ans) donne plus de 160 concerts par an. Nous entamons la discussion sur le prochain : « Cette fois-ci, je m’envole avec un programme romantique. Une sonate de Schubert, la sonate № 23 de Beethoven dite l’« Apassionata », une Mephisto-Valse de Liszt, et la deuxième sonate de Rachmaninov : quelques-uns de mes morceaux préférés ». Un programme

foot mais ses parents s’interposent. Son agilité et sa virtuosité séduisent le jury. Six mois plus tard, la carrière de Denis est lancée. Le virtuose se produit au siège de l’OTAN et de l’ONU, au Palais de Buckingham et au Centre Carnegie, devant le Pape et la Reine d’Angleterre : « C’est à ce moment que j’ai réalisé que la musique pouvait réellement devenir mon métier », dit-il aujourd’hui. Mais il n’en aura confirmation qu’en remportant le concours Tchaïkovski en 1998. Le musicien défend son art : depuis 2008, Denis Matsuev dirige la Fondation New Names, et assiste à son tour les jeunes talents. L’avenir de la musique classique le

Une sonate de Schubert, la sonate n°23 de Beethoven, une Mephisto-Valse de Liszt, et la 2ème sonate de Rachmaninov : c’est le programme à découvrir le 20 mai au Théâtre des ChampsÉlysées.

Retrouvez la video sur larussiedaujourdhui.fr

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Pour la police pétersbourgeoise, la nuit du 14 juin 2010, qui a coïncidé avec le 82ème anniversaire de la naissance de Che Guevara, fut tourmentée. Neuf jeunes artistes masqués, vêtus de noir et armés d’un pot de peinture blanche prirent d’assaut le pont Liteyni de Saint-Pétersbourg. Il ne leur fallut que 23 secondes (sur les 40 que prend le levage des ponts de la ville le soir, ou leur abaissement au petit matin) pour y peindre un énorme phallus de 65 mètres, à la verticale, juste en face du siège du FSB (ex-KGB).

faire a eu des suites juridiques non négligeables. Pour certains, les autorités ont fait ce qu’elles auraient dû faire depuis longtemps : traduire les responsables en justice. Oleg et Leonid ont passé quatre mois en

« Un graffiti géant, c’est un symbole de protestation digne d’un prix », estime le collectionneur Erofeev détention provisoire. Sans la lourde caution versée par le célèbre artiste de rue britannique Banksy, ils seraient encore derrière les barreaux. Ils sont en attente de jugement.

Revendiquée par les activistes du collectif artistique Voïna (la guerre), l’œuvre intitulée « Pénis prisonnier du FSB » fit la une des journaux russes. Si les autres actions du collectif comme « Partouze au Musée biologique » ou « À l’assaut de la Maison Blanche » sont passées inaperçues, cette fois, les exécutions des jeunes artistes attirèrent l’attention du pays tout entier. Créé en 2007,

PLUCER.LIVEJOURNAL.COM

L’action « révolution du palais »

Improvisation politico-artistique : Leonid Nikolaev, un seau bleu sur la tête, singe le gyrophare des autorités. Le conducteur est furieux.

À L’AFFICHE DANSE « DELHI » D’IVAN VIRIPAEV JUSQU’AU 1ER JUIN THÉÂTRE LA COLLINE, PARIS

Un débat agité sur l’art

Sur Internet, une polémique est née lorsque des artistes qui n’avaient rien à voir avec Voïna prirent l’initiative de nominer son œuvre phallique pour un prix national organisé par l’État : celui de l’Innovation... qui lui a été attribué ! Andreï Erofeev, responsable de l’exposition « Attention ! Religion ! », lui aussi récemment appelé à comparaître devant un tribunal, a déclaré : « Un graffiti géant, c’est un symbole de protestation digne d’un prix ». Les militants de Voïna ont boycotté la remise de ce prix décerné par le ministre russe de la Culture, ennemi juré du collectif. De son côté, le ministère a souligné qu’il n’avait pas pris part aux délibérations du jury ni au choix du lauréat. De grands artistes russes se sont joints à la polémique. Le peintre Ilya Glazounov, dont la galerie est située dans l’enceinte du Kremlin, s’est indigné : « Dessiner un sexe sur un pont, de l’art ? Cela n’a rien à voir avec l’art ! ». Mais le critique d’art Joseph Backstein voit les choses autrement : « Les actions des groupes artistiques ne sont pas toutes univoques. Beaucoup ont un caractère provocateur, mais Voïna renvoie à la Russie des signaux forts ». Oleg Vorotnikov enfonce le clou : « Nous voulons bousculer la société ».

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ANASTASIA GOROKHOVA

TITRE : LA TÊTE DE MON PÈRE ÉDITIONS : BORÉAL AUTEUR : ELENA BOTCHORICHVILI TRADUIT PAR BERNARD KREISE

Du grand classique

L’art engagé prend ses quartiers dans la cité le collectif d’une soixantaine de membres est dirigé par le philosophe Oleg Vorotnikov et sa femme, la physicienne Natalia Sokol, ainsi que Leonid Nikolaev, un ex-employé de bureau. À ce jour, son plus gros coup a été réalisé sur la place du Palais de Saint-Pétersbourg pour dénoncer la réforme du ministère de l’Intérieur. Un soir, le fils de deux ans d’Oleg et Natalia jette son ballon sous une voiture de police. Pour le récupérer, quatre activistes du collectif renversent le véhicule. On ne sait combien de voitures ont subi le même sort aux mains du groupe cette nuitlà. Motif des artistes militants : montrer comment réformer la police russe - de façon radicale et sans compromis. L’af-

Roman en noir et blanc

AFFICHE

Expression Un groupe d’artistes russes, s’inspirant de l’art de rue, « bouscule » la société

Entre un phallus de près de 60 mètres sur un pont et une voiture de police renversée dans la rue, le collectif Voïna donne du fil à retordre aux autorités. Et reçoit un prix officiel !

le petit musicien venu d’Irkoutsk que j’étais a fait résonner son piano dans les murs ancestraux de la Sorbonne. Je ne l’oublierai jamais ». La France, pour Matsuev, c’est aussi le jour où Alexandre, le petit-fils de Serguei Rachmaninov, lui a proposé d’interpréter les pièces inédites du grand compositeur russe. Composées pendant ses années d’études au conservatoire, les œuvres auraient été envoyées par Rachmaninov à Tchaïkovksi, dont le secrétaire les auraient perdues. « Je les ai enregistrées sur le piano de Rachmaninov, dans sa propriété en France. Le disque a eu un succès fou, et il a marqué le début de ma collaboration avec la Fondation Rachmaninov ». La suite ? Lorsqu’on l’interroge sur ses rêves, Denis Matsuev répond avec aplomb : « Que cette folie ne s’arrête jamais ».

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à découvrir le 20 mai à Paris, au Théâtre des Champs Elysées. Les critiques internationales le présentent souvent comme « le nouvel Horowitz » (The Times), ou le baptisent « l’ours de la scène » (La Scena Musicale) mais un ours aux doigts de velours - ce qui ne semble pas le contrarier du tout. Tout a commencé il y a plus de trente ans, dans la ville sibérienne d’Irkoutsk, lorsque le petit garçon de trois ans pose la main sur le clavier du piano familial et, sans même apercevoir les touches, reproduit l’indicatif de la météo, diffusée à la télévision. « À la maison, la musique faisait partie du quotidien, se souvient Denis. Maman enseignait à l’école de musique. Papa était pianiste et compositeur. Il dirigeait l’orchestre d’un théâtre dramatique et donnait des cours au conservatoire. Oui, j’avais l’oreille absolue, j’étais capable de mémoriser une sonate en quelques jours. Mais je n’ai jamais travaillé dix heures par jour pour y arriver. J’étais un petit garcon comme les autres : j’aimais le hockey, le football ». En avril 1991, un événement fait basculer la vie du jeune Matsuev, alors étudiant au conservatoire. Une fondation russe consacrée à la découverte de jeunes musiciens (« New Names » - nouveaux noms) organise une audition à Irkoutsk. À l’époque, le pianiste en herbe semble s’intéresser davantage à ses entraînements de

laisse songeur : « Tout est commercialisé. Les directeurs de maisons de disques préfèrent produire un artiste connu qui interprétera des œuvres connues. Investir dans de jeunes talents sans savoir si l’on va y gagner, c’est plus rare ». C’est dans ce but que Denis organise en 2005 le Festival Crescendo : « On disait l’école russe de la musique disparue. Nous avons prouvé le contraire. Le Festival connaît un immense succès et les jeunes talents qui y ont participé il y a quelques années sont aujourd’hui des artistes reconnus ». Fort de sa propre expérience, Denis Matsuev se focalise sur les jeunes : « En août dernier, j’ai participé à un festival féerique à Annecy, qui accueillera cette annéeValery Gergiev,Yuri Bashmet parmi d’autres célébrités, mais aussi des jeunes talents ». Le pianiste russe dit s’être « toujours senti proche de la France, mon premier voyage à l’étranger. C’était dans le cadre d’un échange scolaire. Cela remonte à 1989, quand

Composé de sept brèves pièces en un acte, le spectacle oscille entre mélodrame et vaudeville. Au cœur de l’action, une danse mystérieuse joue à l’Arlésienne avec le spectateur dans cette mise en scène de Galin Stoev, qui se consacre ici pour la quatrième fois à une œuvre de Viripaev. › www.colline.fr

TRILOGIE RUSSE DU 1ER AU 7 JUIN OPÉRA NATIONAL DU RHIN, STRASBOURG

Le ballet s’ouvre sur le célèbre Sacre du printemps et se poursuit par deux trésors enfouis, à savoir Chout de Prokofiev et Le Baiser de la fée de Stravinsky. Confiées respectivement à trois pointures de la chorégraphie Garry Stewart, Virginia Heinen et Michel Keleminis - ces trois œuvres réunies promettent un spectacle riche en surprises. › www.operanationaldurhin.eu TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITE

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La Tête de mon père est le cinquième roman d’Elena Botchorichvili, jeune auteure russophone d’origine géorgienne et émigrée au Québec, tout comme le narrateur, auteur de cette longue lettre en réponse à son fils, conduit en Géorgie pour son voyage de noce et qui veut en savoir plus sur ses racines. Point de départ des souvenirs, une blessure : « Entre le pays où je suis né et moi il n’y a pas des années et des distances, il y a la mort de mon père, sa tête enterrée séparément de son corps sous un arbre arraché avec ses racines dans un village qui n’existe plus… ce sentiment me déchire en morceaux ». Ce sont pourtant des moments de vie lumineux que le narrateur choisit ensuite d’évoquer : ses parents, couple improbable, dont l’insouciance et la fantaisie rappellent les héros de Fellini ; la mère, interprète d’un rôle unique et sulfureux, autant que le permettait le cinéma de l’époque, « la plus grande de toutes les actrices méconnues » ; le père, « citoyen soviétique on ne peut plus ordinaire », rédacteur des discours officiels qui, un jour, ne revient pas d’une banale promenade et dont la tête est enterrée à quarante pas de la datcha qu’il a reconstruite avec les rondins de sa maison natale. Le narrateur déroule le film des souvenirs en noir et blanc comme son sentiment de haine et d’amour pour l’URSS, comme la relation orageuse des parents, entre disputes et réconciliations, comme le cinéma de l’époque auquel il fait référence, comme la nostalgie d’un temps révolu, comme l’URSS même : « Dans le film noir et blanc de l’Union soviétique… les gens travaillaient tous ensemble, ils étaient joyeux… Un sentiment d’unité et d’égalité face à notre avenir, un sentiment de désolation et d’impasse nous unissait. Et la joie de vivre pouvait atteindre des sommets incroyables… ce sentiment d’unité entre les gens, quelle que soit son explication me manque. Cette frénétique joie de vivre me manque ». La forme « sténographique » (ainsi que l’auteure définit ses romans) permet le « montage » cinématographique d’une narration parfaitement adaptée aux chamboulements de l’Histoire et aux mécanismes de la mémoire : discontinuité, oublis, répétition d’images, d’objets, de bouts de phrases qui reviennent en boucle, points d’ancrage emblématiques qui campent les personnages et contribuent à donner son charme à ce court roman qui évoque des pans tragiques de l’Histoire avec la légèreté, la drôlerie et la poésie d’un film d’Otar Iosseliani. Christine Mestre

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Loisirs

LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR COMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETA DISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO

À TABLE !

Reconversion L’apparition de centres artistiques génère une nouvelle économie

Oukha, la mère des soupes russes

Assaut des industries créatives sur les friches SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

L’État n’a pas encore mis en route de politique économique et culturelle pour une « industrie créative » en Russie, fondée notamment sur la petite et moyenne entreprise, explique Elena Zelentsova, directrice de l’agence de conseil Industries créatives. Ce qui n’empêche pas l’essor de divers centres artistiques d’un type nouveau pour le pays, hybrides, polyvalents, résolument modernes. À Moscou, Winzavod, Strelka, Artplay, Garage, Proekt Fabrika ou encore Flakon, ont investi avec succès des fabriques, s’appropriant des milliers de mètres carrés de hangars. Ces entreprises sont souvent financées par de richissimes mécènes comme Alexandre Mamut et Serguei Adoniev (Strelka). D’autres (Artplay et Winzavod) affichent des résultats équilibrés en souslouant leurs locaux. De vastes espaces d’exposition accueillent des rétrospectives prestigieuses (Ilya Kabakov en 2008 à Winzavod) ou des exposventes pour artistes débutants : le salon annuel « Student Artfair » de Artplay expose des étudiants, en sollicitant galeristes, experts et médias. Ces clusters réunissent des professionnels sous les mêmes toits et ambitionnent de sortir la Russie de son « provincialisme culturel » pour l’intégrer à la scène internationale. Ils entendent promouvoir et populariser l’art contemporain et ses applications. L’innovation et le design, leur valeur marchande, et les problématiques socio-économiques connexes, sont le ressort de spécialistes qui se sont investis d’une mission civilisatrice. L’Institut média, design et architecture Strelka, présidé par Ilya Oskolkov-Tsentsiper, a ouvert l’an dernier un programme d’en-

Jennifer Eremeeva

SPÉCIALEMENT POUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Winzavod. Fondé en 2007, dans une ancienne brasserie, et dirigé par Sofia Trotsenko, ce centre d’art contemporain se consacre à tous les arts visuels, en réunissant, autour des ses six espaces d’exposition, des galeries privées, des showrooms, des boutiques et un café.

Le diaporama sur larussiedaujourdhui.fr

RUSLAN SUKHUSHIIN(2)

Strelka. L’Institut médias, architecture et design occupe l’un des bâtiments d’une splendide ancienne usine de chocolat, Octobre rouge, en plein cœur de Moscou, qui accueille par ailleurs des galeries de photo et d’art, des restaurants branchés, quelques rédactions de magazines et de chaînes de télévision.

seignement supérieur. « Avant de pouvoir parler d’une industrie, il faut former une couche solide de professionnels de haut niveau », explique-t-il, installé dans le café cossu de Strelka, autour duquel se structure la vie du centre, tissée de manifestations ouvertes au public. « Notre système éducatif ne prépare pas à penser globalement. Nous faisons appel à des spécialistes de renommée mondiale, Rem Koolhaas ou Reinier De Graaf ». Mais il ne suffit pas de former des créateurs performants. Il faut aussi instruire la société dans son

ensemble et susciter une demande pour ces produits nouveaux. « Nous devons éduquer le regard. L’art contemporain ne va pas de soi », explique Alena Saprykina, directrice artistique d’Artplay, qui rassemble les grandes agences de design et architecture. Les clusters accordent une place de choix aux projets interactifs afin de ne pas devenir des réserves introverties d’experts, mais des fabriques culturelles populaires, des lieux ouverts de transmission. Malgré tous ces obstacles et la crise économique de 2008, les centres moscovites se félicitent d’être

en développement constant, la demande restant largement supérieure à l’offre. Le centre de réflexion Strelka a été choisi par la mairie de Moscou pour l’aider à la restructuration de l’immense parc Gorki, au centre de la capitale. « Il y a deux ans, nous avions l’impression à être les seuls à avoir besoin de cette aventure, ni la société, ni les autorités n’étaient particulièrement intéressées », se réjouit Ilya. « Le pouvoir comprend qu’il faut évoluer, se moderniser, mais il ne sait pas comment s’y prendre, et c’est là que nous intervenons ».

Promenade Six lieux de culte dans le Paris orthodoxe

Au XIXème siècle, les immigrés orthodoxes de Russie célébraient leur culte à l’ambassade russe de Paris, qui ne pouvait accueillir tous les fidèles. Aussi, dès 1847 commence l’édification de la cathédrale Saint-Alexandre Nevsky, achevée en 1861. Depuis, les contructions se sont multipliées et Paris est aujourd’hui considérée comme l’une des principales capitales orthodoxes de l’Occident. On y compte pas moins de vingt lieux consacrés à l’orthodoxie, dont dix sont russes. Le temps d’une balade, découvrez six de ces sites les plus emblématiques. Préparé par Maria Tchobanov

NIYAZ KARIM

D’une cathédrale à l’autre 3 Dérobée derrière de lourdes portes, la paroisse St-Séraphin de Sarov élève ses deux bulbes bleus au milieu de nombreuses petites cours boisées.

6 Installée dans une ancienne chapelle protestante allemande, la paroisse St-Serge a été décorée par le peintre Dmitri Stelletsky.

2 La cathédrale des Trois Saints Docteurs et de St-Tikhon-de-Zadonsk recèle la relique de la Sainte Vierge d’Iversky, protectrice des Moscovites.

5 L’église St-Leu-StGilles détient une des reliques orthodoxes les plus importantes : celle de la Sainte Impératrice Eléna, mère de l’Empereur Constantin.

1 La paroisse de la Sainte-Trinité et des nouveaux martyrs russes regroupe les orthodoxes de différents pays de l’Est : Russie, Ukraine, Roumanie...

4 La cathédrale StAlexandre Nevsky est devenue dès 1917 l’un des grands sites orthodoxes de Paris. Picasso y a célébré son mariage avec Olga Kokhlova.

Il y a deux façons de préparer l’oukha, la plus ancienne des soupes de Russie. La première, celle que j’ai expérimentée sur les rives du lac Baïkal en 1990, consiste à attraper un poisson d’eau douce, le jeter dans une marmite d’eau claire comme du cristal et faire bouillir jusqu’à ce que les yeux sortent des orbites. C’est le signe que la cuisson est bonne. À consommer immédiatement. Et c’est tout. Mais nul besoin d’aller jusqu’en Sibérie et apprendre à pêcher, ni même trouver le courage de faire face à des yeux de poisson. Il peut être utile, toutefois, de devenir ami avec le poissonnier du coin qui vous fournira le poisson le plus frais possible. L’oukha se cuisine depuis des siècles, et comme tous les plats russes, elle a évolué, en s’adaptant aux cuisines et aux rives où elle était préparée. À l’origine, elle n’avait rien à voir avec le poisson. C’était un brouet épais et gras, préparé à partir de res-

tes de bœuf et de cochon, y compris les oreilles, les pieds et autres tendons. Le mot « oukha » est devenu synonyme de bouillon, puis simplement de soupe de poisson, consommée par les paysans comme par les nobles. À la table du tsar, l’oukha « ambrée » de safran précieux était cuisinée avec de la perche ou de l’esturgeon. Les chefs français qui travaillaient dans les cuisines de l’aristocratie russe se sont employés à perfectionner l’apparence et la saveur du bouillon lui-même, en le clarifiant avec du blanc et de la coquille d’œufs et en l’expérimentant avec d’autres types de poisson. Certains chefs russes tiennent à l’ajout de pommes de terre et autres légumes ; pour d’autres, les seuls ingrédients de l’oukha sont le poisson et l’eau. J’ai assisté à des débats violents sur l’utilisation de rondelles de citron et le droit de mélanger différents types de poissons. Il y a beaucoup de poissons dans la mer, et autant de recettes de l’oukha.

ITAR-TASS

Ingrédients :

2 litres de bouillon de poisson (voir ci-dessous) 750 g de poisson blanc désossé et écaillé : brochet, perche, flétan, en cubes de 5 cm de coté. 750 g de filet de saumon, en cubes de 5 cm. ½ racine de persil ou de navet, en cubes de 2 cm. ½ racine de céleri, en cubes 1 c. à soupe d’huile d’olive 2 poireaux ou un gros oignon 2 feuilles de laurier 15 grains de piment de Jamaïque 4 c. à soupe de gros sel 1 c. à soupe de poivre noir en grains 1 botte de persil plat frais 1 botte d’aneth frais Rondelles de citron (si vous osez !)

Préparation :

• Faites revenir le poireau ou oignon dans une marmite à soupe à fond épais, à feu moyen. • Quand ils sont translucides et souples, ajoutez les racines en cubes et faites sauter jusqu’à ce qu’elles soient tendres (5-7 min.) • Ajoutez le bouillon de poisson, laurier, poivres et sel. Augmentez le feu et portez à ébullition. • Réduisez le feu, couvrez, et laissez mijoter pendant 30 minutes. • Ajoutez le poisson, en le faisant légèrement pocher à feu doux, 7-8 minutes.

• Enlevez le laurier et ajoutez le persil et l’aneth hachés • Servez immédiatement. Les russes accompagnent généralement la oukha avec des tourtes au poisson, ou le koulibiak au saumon. Bouillon de poisson

Ingrédients :

2 têtes de poisson, sans les yeux et les branchies (d’où la nécessaire bonne entente avec le poissonnier) 2 litres d’eau 1 botte de céleri ½ oignon jaune 2 c. à soupe de gros sel 1 c. à soupe de poivre en grains 3 clous de girofle écrasés Tiges d’herbes fraîches : persil, aneth, ciboulette, estragon, etc. 3 blancs d’œuf et coquilles

Préparation :

• Placez tous les ingrédients sauf les œufs et les coquilles dans une marmite à soupe. • Portez à ébullition, réduisez le feu, laissez mijoter à feu doux pendant une heure en écumant la surface de toute mousse qui s’accumule. • Enlevez du feu. • Tapissez une passoire avec de la gaze ou un torchon propre et passez le bouillon dans une marmite propre. D’autres recettes sur larussiedaujourdhui.fr

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