Place publique nantes #54 (extraits à feuilleter)

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#54 Nov. Déc.

Place Publique

2015

Place #54 Publique

De quoi Nantes est-elle la capitale ?

NANTES/SAINT-NAZAIRE

p. 90 LE CAFARD D’UN NANTAIS DANS LA GRANDE GUERRE p. 133 ENTRE NANTES ET SAINT-NAZAIRE, AFFRES ET MYSTÈRES DU PÉRIURBAIN p. 138 LA CITÉ SCOLAIRE DE SAINT-NAZAIRE ET SES ŒUVRES D’ART

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LA REVUE URBAINE | Novembre-Décembre 2015

DOSSIER | P. 5 | AVANT LES ÉLECTIONS RÉGIONALES, LA PLACE DE LA MÉTROPOLE QUESTIONNÉE

De quoi Nantes est-elle la capitale ?

PATRIMOINE | P. 90 | UN « SELFIE » CENTENAIRE ET DES IMAGES DU DÉPARTEMENT À LA FIN DU 19e SIÈCLE

Adolphe Moitié, le maire photographe 10E


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6 numéros 50 €

HORIZON 2023-2025 LE PROJET DU QUARTIER DE LA SANTÉ SUR L’ÎLE DE NANTES

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LA REVUE URBAINE NANTES / SAINT-NAZAIRE

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HANGAR 32 épuisé

DU 3 JUILLET AU 17 DÉCEMBRE 2015

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Du 3 juillet au 30 août, tous les jours de 14h à 19h Du 1 septembre au 17 décembre, du vendredi au dimanche de 14h à 18h er

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Nantes/Saint-Nazaire. La revue urbaine Tour Bretagne Place Bretagne BP 72423 - 44047 Nantes Cedex 1 www.revue-placepublique.fr

Directeur de la publication : Philippe Audic

DOSSIER

| SOMMAIRE ÉDITO 2 Place publique

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Fondateur : Thierry Guidet Directeur : Franck Renaud renaud.placepublique@gmail.com Chargée de diffusion :

Marine Jaffrézic diffusion@revue-placepublique.fr Tél. 06 75 06 32 67

Comité de rédaction :

Pierre-Arnaud Barthel, Philippe Bataille, Goulven Boudic, Paul Cloutour, Alain Croix, Laurent Devisme, Benoît Ferrandon, Thierry Guidet, Philippe Guillotin, Didier Guyvarc’h, Marie-Hélène Jouzeau, Martine Mespoulet, Jean-Claude Pinson, Laurent Théry, Jean-Louis Violeau, Gabriel Vitré. Ont contribué à ce numéro : Dominique Amouroux, Cécile Arnoux, JeanMarc Ayrault, Lionel Block, Goulven Boudic, Jean-Pierre Branchereau, Nadine Cattan, Gilles Cervera, Jennifer Chéruel, Alain Croix, Marc Dumont, Jérôme Dyon, Renaud Epstein, Benoît Ferrandon, Gildas Fouasson, Delphine Gillardin, Thierry Guidet, Philippe Guillotin, Véronique Guitton, Didier Guyvarc’h, Nicolas de La Casinière, Marc Lefebvre, Jean-Bernard Lugadet, Jean-Yves Martin, Jean-Luc Moreau, Daniel Morvan, Yves Morvan, Gilles Pinson, Jean-Claude Pinson, Jean Renard, Franck Renaud, Dominique Romann, Stéphane Thépot, Martin Vanier, MarieLaure Viale. Place publique est une revue éditée par l’association Mémoire et débats.

Administrateurs :

Soizick Angomard, Philippe Audic, Jo Deniaud, Suzy Garnier, Jean-Luc Huet, Jean-Claude Murgalé, Bernard Remaud, Françoise Rubellin.

Direction artistique : Bernard Martin éditions joca seria, Nantes. info@jocaseria.fr Concept graphique : Rampazzo et associés, Paris/Milan. Impression : Offset 5, La Mothe-Achard (85) ISSN 1955-6020

Place publique bénéficie du soutien de La Poste, de RTE et de la Chambre de commerce Nantes/Saint-Nazaire. Diffusion presse Nantes et Saint-Nazaire : SAD Diffusion librairie : Joca Seria/Pollen

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DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ? Martin Vanier : « Cette notion de capitale ne colle plus à nos réalités urbaines » Alain Croix et Didier Guyvarc’h « Capitale ? est-ce que j’ai une gueule de capitale ? » Jean-Pierre Branchereau Pays de la Loire, la fabrique d’une région Jennifer Chéruel Des réseaux pardelà les frontières administratives Benoît Ferrandon Un rayonnement de proximité Jean Renard La Vendée et l’aimant nantais Goulven Boudic Les rapports entre Nantes et la Région : derrière l’idylle apparente…

LA CARTE LE TERRITOIRE 79 Gildas Fouasson Parcs d’activités : des communes bousculent la hiérarchie

LES FORMES DE LA VILLE 84 Philippe Guillotin Tréfimétaux

à Couëron : mémoire ouvrière, patrimoine industriel

PATRIMOINE 87 Maurice Digo Un Nantais

dans la Grande Guerre 90 Nicolas de La Casinière La Loiratlanticul 92 Lionel Block Adolphe Moitié, commerçant, maire de Nantes et photographe

si recherchées 51 Thierry Guidet Fusion Bretagne-Pays

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de la Loire, beaucoup de bruit pour rien Stéphane Thépot Toulouse et Montpellier : deux métropoles, une région et un accord Jean-Marc Ayrault : « Une région sans métropole, c’est un point faible » Gilles Pinson : « Nantes, capitale de pas grand-chose » Nadine Cattan Une métropole qui « réseaute » avec toute la France Yves Morvan Nantes, ville ouverte versus Rennes, ville autocentrée Alain Croix Quand Rennes demande asile aux Pays de la Loire

SIGNES DES TEMPS 106 Le bloc-notes de Franck Renaud

Critiques de livres 120 Thierry Guidet Robinson Crusoé était un esclave malgache 122 La chronique de Cécile Arnoux 126 La chronique d’architecture de Dominique Amouroux

CONTRIBUTIONS 133 Jean-Yves Martin Affres et mystères

du périurbain nantais 141 Marie-Laure Viale À la Cité scolaire de Saint-Nazaire, les premiers pas du 1 % artistique 147 Jérôme Dyon, Jean-Bernard Lugadet, Marc Lefebvre et Dominique Romann L’étoile ferroviaire nantaise peut mieux faire

INITIATIVES URBAINES 154 Marc Dumont Projets urbains NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 | PLACE PUBLIQUE | 1


ÉDITO |

Quels rapports la capitale des Pays de la Loire, chef-lieu de LoireAtlantique et métropole nantaise entretient-elle avec sa région et au-delà ? La place de Nantes et son influence passées au tamis de multiples regards.

L

e bandeau qui illustre la couverture de ce numéro #54 de Place publique Nantes/ Saint-Nazaire se compose d’un drapeau, souvent méconnu, celui de la Région des Pays de la Loire, et d’une carte comme celles que l’instituteur qui portait encore la blouse accrochait au tableau noir. Nantes y domine ses voisines (Angers, Rennes, Le Mans, Tours…), au moins par le choix de la typographie.

Capitale, un bien grand mot Alors que les électeurs sont appelés aux urnes les 6 et 13 décembre pour élire un nouveau conseil régional, nous avons choisi de questionner Nantes, la place de la métropole Nantes/Saint-Nazaire dans son environnement immédiat et plus lointain, en nous interrogeant : de quoi Nantes estelle la capitale ? Il y a bien sûr un peu de malice derrière cette question et d’ailleurs, le géographe Martin Vanier nous avoue sa perplexité dès l’ouverture du dossier. Pour lui, la position de capitale, de ville qui domine, née de l’aménagement du territoire tel qu’il fut pensé dans l’aprèsguerre, ne correspond plus aux réalités urbaines d’aujourd’hui. Il en profite au passage pour tailler en pièces un dogme né voilà trente ans avec la décentralisation, celui des territoires, mis à mal par les

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organisations en réseaux et la fluidité des échanges. Une incursion dans l’Histoire et un détour par les notions d’espace administré et d’espace vécu, avec les historiens Alain Croix et Didier Guyvarc’h, montrent combien le statut de Nantes a fluctué et ses frontières administratives se sont avérées mouvantes, du duché de Bretagne jusque récemment. Un point de repère quand même, fort de deux siècles et installé, grosso modo, dans les limites du département : Nantes rayonne sur… le Pays nantais. Construire les Pays de Loire, en 1972, n’allait donc pas de soi, d’autant que longtemps Angers, idéalement située au carrefour de la région, a contesté le leadership régional de Nantes, explique le géographe Jean-Pierre Branchereau. Puis, avec le temps et les équipements, la région s’est structurée autour des voies de communication : autoroute Nantes-Angers, TGV, TER… Aujourd’hui, dans ses échanges (humains, financiers, économiques…) avec les autres villes, la métropole nantaise déborde largement de l’aire régionale. Cartes à l’appui, l’Agence d’urbanisme de la région nantaise montre que les liens ne cessent de s’affirmer au sein du pôle métropolitain Loire-Bretagne qui regroupe Angers, Brest, Nantes, Rennes et Saint-Nazaire. Avec, pour Nantes, un bémol puisqu’elle reste, en matière de flux de salaires, très dépendante de Paris et semble peu concernée par les autres métropoles françaises. À ce propos, et c’est là tout le charme d’un dossier où l’on réunit des analyses en provenance de divers horizons, l’expertise


de l’un peut ne pas être totalement partagée par l’autre. Ainsi, dans la dernière partie du dossier, la géographe Nadine Cattan, qui a mené une étude pour la Datar sur les systèmes urbains et métropolitains, affirme que Nantes est connectée à vingt-neuf villes et métropoles françaises. Des liens qu’elle qualifie de « robustes » qui autorisent la métropole à s’afficher en « porte d’entrée à l’échelon national et international ». Une certitude : les cartes réalisée par la direction prospective du Département témoignent de l’assise… départementale de la métropole ; une forme de clin d’œil à l’Histoire et à Nantes capitale du Pays nantais ! Elles nous disent également qu’il fait bon vivre en Loire-Atlantique : un retraité sur deux quittant la métropole s’installe dans une autre commune du département. Un pourcentage bien supérieur à celui des autres métropoles françaises. Quelques-uns choisissent cependant de s’installer – un peu – plus au sud. Le géographe Jean Renard précise l’intensité des liens avec la Vendée, aimantée par Nantes. Le politologue Goulven Boudic jette un regard rétrospectif sur la décentralisation en Pays de la Loire, analyse la relation entre Nantes et la Région et les liens noués avec Rennes. Il interroge un avenir très proche – et nous aurons le début de la réponse en décembre : quid du « couple » métropole-région dont la loi réorganise les compétences ? Avec un paramètre supplémentaire en Pays de la Loire : quelle majorité sortira des urnes après onze années de présidence socialiste ; comment

s’organisera le dialogue entre la Région et Nantes si alternance il y a ? Nantes sait se faire remarquer. Elle collectionne les labels, les titres et les honneurs qui fabriquent de l’image. Le sociologue Renaud Epstein les recense, explique en quoi ils servent l’attractivité et raconte le savoir-faire nantais en la matière. Le redécoupage des régions a fait les gros titres en 2014. Les Pays de la Loire et la Loire-Atlantique se sont retrouvés au cœur d’un « mercato territorial » que Thierry Guidet détaille : rattachement du département à la Bretagne, fusion de la région avec Poitou-Charentes, création d’une région Grand Ouest associant Pays de la Loire et Bretagne (posant au passage la question de la capitale qu’il aurait alors fallu désigner, que nous illustrons avec le cas de Toulouse et Montpellier)1… Pour finalement ne rien changer. Tant comme Premier ministre que comme député, Jean-Marc Ayrault n’a jamais souhaité que les cartes des régions soient rebattues. S’il s’est toujours montré (relativement) discret sur ce nouvel acte de la réforme territoriale, le député de Loire-Atlantique est sorti de sa réserve pour Place publique. Il nous a reçu, serein et tranquille, dans sa permanence de Preux à Saint-Herblain. La réduction du nombre de régions ? Il « trouve ça un peu artificiel » et craint pour la gouvernance de régions immenses où les administrations seront saupoudrées. C’est dit et c’est la première fois. Place publique a sollicité plusieurs universitaires que leurs travaux ont conduit à Nantes. Comparaison avec Bordeaux,

intensité des relations avec les autres métropoles françaises, coopération ou compétition avec Rennes… Autant de regards, parfois rudes, sur la métropole et son rayonnement. Des pistes aussi pour demain. Notre dossier se termine sur un texte nourri de faits, mais à lire au second degré : l’historien Alain Croix s’est glissé dans la peau de Rennais sollicitant le rattachement… aux Pays de la Loire et à leur capitale nantaise ! Et parmi nombre de points communs, les deux villes se sont débarrassées de leur cours d’eau dans leur centre. Rennes a couvert, Nantes a comblé. Alors, de quoi Nantes est-elle la capitale ? n

1. Place publique faisant aussi œuvre de mémoire, les lecteurs peuvent consulter en complément du dossier plusieurs autres numéros de la revue : Nantes est-elle bretonne ? (Place publique n° 10) ; Est-ce Pétain qui a séparé Nantes de la Bretagne (Place publique n° 11) ; Nantes est-elle ligérienne (Place publique n° 14) ; Nantes-Rennes : le grand rapprochement ? et Nantes en Bretagne, 25 ans de sondages (Place publique n° 17) ; Université : le grand enjeu pour Nantes et Rennes (Place publique n° 25) ; Nantes-Paris : je t’aime… moi non plus (Place publique n° 38).

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LE DOSSIER

LE DOSSIER DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ?

6 Martin Vanier : « Cette notion de

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capitale ne colle plus à nos réalités urbaines » Alain Croix et Didier Guyvarc’h « Capitale ? est-ce que j’ai une gueule de capitale ? » Jean-Pierre Branchereau Pays de la Loire, la fabrique d’une région Jennifer Chéruel Des réseaux pardelà les frontières administratives Benoît Ferrandon Un rayonnement de proximité Jean Renard La Vendée et l’aimant nantais Goulven Boudic Les rapports entre Nantes et la Région : derrière l’idylle apparente… Renaud Epstein Des médailles si recherchées Thierry Guidet Fusion Bretagne Pays de la Loire, beaucoup de bruit pour rien Stéphane Thépot Toulouse et Montpellier : deux métropoles, une région et un accord Jean-Marc Ayrault : « Une région sans métropole, c’est un point faible » Gilles Pinson : « Nantes, capitale de pas grand-chose » Nadine Cattan Une métropole qui « réseaute » avec toute la France Yves Morvan Nantes, ville ouverte versus Rennes, ville autocentrée Alain Croix Quand Rennes demande asile aux Pays de la Loire


De quoi

NANTES

est-elle la capitale ?


DOSSIER | DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ?

Martin Vanier : « Cette notion de capitale ne colle plus à nos réalités urbaines » RÉSUMÉ > Un « couple » montré du doigt : la « capitale » et le « territoire » sont dépassés pour le géographe Martin Vanier. Depuis vingt ans, les réseaux ont pris le dessus. Mais les politiques n’ont pas encore composté leur ticket pour grimper dans le train du changement.

MARTIN VANIER est géographe, professeur à l’université Joseph-Fourier de Grenoble et consultant auprès des collectivités locales. Il vient de publier Demain les territoires. Capitalisme réticulaire et espace politique (éditions Hermann, 2015).

PLACE PUBLIQUE > Si nous vous posions la question « De quoi Nantes est-elle la capitale ? », quelle réponse vous vient à l’esprit ? MARTIN VANIER > (long silence) Je dois avouer ma perplexité, parce que cette notion de capitale ne me convient plus beaucoup pour signifier ce que sont les fonctions de la métropole vis-à-vis des territoires qui l’entourent ou sont plus éloignés encore. Pourquoi ce désagrément ? Parce que cette notion même de capitale, c’est-à-dire de ville tête, par conséquent d’un rôle structurant et dominateur, ne me semble plus convenir à une compréhension des fonctionnements en réseaux que nous connaissons depuis vingt ans. Et par conséquent, à chaque fois, je dis oui, là il y a un domaine dans lequel Nantes joue un rôle important, essentiel, mais en même temps je ne peux pas lui attribuer le titre de capitale. Ce n’est pas dû à Nantes, c’est dû au fait que la notion même de capitale ne colle plus à nos réalités urbaines. PLACE PUBLIQUE > Vous rejetez donc le terme de « capitale » et vous préférez aujourd’hui mettre en avant les réseaux dans lesquels une ville s’inscrit… MARTIN VANIER > C’est la notion de réseaux qui compte

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DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ? | DOSSIER

et de place dans ces réseaux, de connexions, mais pas celle de domination attachée à la notion de capitale, laquelle n’est plus adaptée. La capitale, c’est la façon dont une ville dit son rôle hégémonique et exclusif. Il n’y a pas deux capitales, il n’y en a qu’une dans un registre donné et dans un territoire donné dès lors que l’on considère que ce qui compte, c’est la surface, le territoire, et par conséquent la capacité à tenir le territoire puisqu’une capitale est nécessaire pour le tenir. PLACE PUBLIQUE > Le « territoire » n’échappe donc également pas à votre critique… MARTIN VANIER > Le couple « capitale-territoire » doit être mis en débat. Je comprends bien que certains continuent à estimer que l’économie, les solutions collectives, les ambitions, la culture, tout ça passe par leur « saisissement » dans un territoire… C’est-à-dire un espace délimité qui vaut surtout par l’entre soi que ceux qui y sont admis arrivent à faire reconnaître pour les autres, pour ceux qui ne sont pas dans le territoire. Le territoire, c’est ce qui permet de dire : « Nous c’est nous » ; les autres, voilà, ils sont ailleurs. À partir du moment où on se projette dans un monde de territoires, il est légitime qu’à chaque territoire corresponde une capitale, puis quand c’est plus petit, on dira un chef-lieu. Puis ensuite on décrétera toute une gamme de puissance urbaine, qui va de la métropole à tout ce qu’on veut pour hiérarchiser ces statuts des villes en fonction de leur aura territoriale, de l’amplitude de leur influence territoriale. C’est complètement daté, c’est vraiment la façon dont on a à la fois construit la France dans les trois derniers siècles et surtout dont on a pensé l’aménagement du territoire après la guerre, dans les années 50, 60 et 70. Les géographes dessinaient alors des cartes avec des territoires et la villecentre qui le contrôlait. Mais aujourd’hui, c’est terminé ! Depuis vingt ans, ce sont les systèmes en réseaux, les systèmes à distance, les systèmes de flux et de circulation qui transgressent ces territoires et organisent tant le monde de l’économie que beaucoup d’autres. Ces systèmes se veulent par nature ouverts et non pas limités et les hiérarchies – pour autant qu’elles aient encore un sens – y sont constamment redistribuées et s’avèrent finalement moins intéressantes que les effets de connexion et de

réseaux. La connexion a pris le pas sur la domination. Il faut mieux savoir dans quels réseaux on est plutôt que de quel territoire on est la capitale. PLACE PUBLIQUE > Justement, dans quels réseaux voyezvous Nantes ? MARTIN VANIER > Je pense que Nantes est très clairement inscrite dans un réseau d’innovation technique et productif, parmi lequel les activités aéronautiques sont significatives mais pas exclusives. Nantes est bien située, bien reconnue, bien identifiée comme une ville de conception, d’assemblage et de contribution à des chaînes de valeur sur des produits à haute valeur ajoutée. C’est peut-être moins vrai pour l’instant, et c’est un problème, pour les réseaux d’innovation proprement scientifique et à fondement universitaire. Nous n’avons pu que constater que Nantes est plutôt passée à côté de toutes les grandes dernières opérations qui permettaient de labelliser ces places : opération Campus1, Investissements d’avenir et reconnaissance de ces grands pôles, qui ont plutôt servi une demidouzaine de métropoles en France, mais pas Nantes. C’est un peu le problème de ce réseau Ouest français qui n’a pas su négocier ce moment. Pourquoi ? Parce que les opérations étaient en quête de configurations, d’alliances universitaires, de plates-formes de grande dimension. Pour Nantes et Rennes, ça devait signifier une alliance qui n’a pas été suffisamment travaillée en amont. Cela dit, je pense que Nantes joue un rôle très important dans un réseau à caractère culturel, patrimonial et identitaire. Je précise que l’identité ne me pose aucun problème à partir du moment où il s’agit d’une ressource qui circule sur des réseaux ouverts et ne s’enferme pas sur un territoire. Je pense que Nantes est une connexion absolument essentielle, une place effervescente au plan de l’art, de la culture, des événements urbains, des spectacles, de tout ce qui raconte la ville festive. Et ça, ce n’est pas si facile à construire ! Si on doit comparer par exemple la réputation et le rayonnement dans ce domaine avec celui d’une ville qui m’est

1. Il s’agit de la mise en œuvre en 2008 d’un plan en faveur de l’immobilier universitaire : douze campus d’excellence ont été sélectionnés, aucun dans l’Ouest.

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NANTES


| DOSSIER

« Capitale ? est-ce que j’ai une gueule de capitale ? »

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RÉSUMÉ > S’interroger, c’est déjà y répondre… sans parvenir à se prononcer : de quoi Nantes est-elle la capitale ? Comment expliquer la difficulté persistante à définir la ville et ses prétentions ? Car si la métropole jouit d’une image flatteuse, elle ne dispose pas, ou si peu, des attributs d’une capitale.

TEXTE > ALAIN CROIX ET DIDIER GUYVARC’H S’agissant de Nantes, qu’en est-il du décalage entre espace vécu et espace administré ? Ou, en quelque sorte, de quoi Nantes est-elle la capitale ? Il est rare qu’une question porte aussi évidemment la réponse. En effet, le simple fait de poser la question pointe ce qu’il faut bien qualifier d’incertitude, voire de mystère. La question ne se serait très certainement pas posée pour Bordeaux ou pour Strasbourg, par exemple… Ce n’est donc pas l’évidence de cette incertitude qu’il faut approfondir, mais ses raisons : pourquoi ne savons-nous pas vraiment de quoi Nantes est ou serait la capitale ? Un premier élément de réponse tient certainement dans une notion pourtant en principe très simple, celle d’espace administré par Nantes. Si l’on sort des catéchismes militants, Nantes n’a jamais été, ou en tout cas jamais été la seule capitale de la Bretagne ducale, ni d’ailleurs de la province de Bretagne au temps de la monarchie française : Place publique a déjà proposé un dossier sur cette question2 et il est révélateur qu’il ait fallu la belle fiction historique de Philippe Hamon3, Nantes, capitale de la région Bretagne-et-Loire, pour rêver d’un tel rôle… En réalité, la seule fonction indiscutable est celle de

ALAIN CROIX ET DIDIER GUYVARC’H sont historiens. Ils appartiennent au comité de rédaction de Place publique.

1. Extrait, à un mot près, du film Hôtel du Nord de Marcel Carné, 1938. 2. Nantes est-elle bretonne ?, Place publique n° 10. 3. Nantes, capitale de la région Bretagne-et-Loire, Place publique n° 19

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DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ? | DOSSIER

Pays de la Loire, la fabrique d’une région RÉSUMÉ > De quoi les Pays de la Loire sont-ils le nom et comment Nantes a-t-elle endossé les habits de capitale ? Au fil des cinquante dernières années, la région s’est d’abord structurée autour du développement de ses voies de communication : autoroute, TGV, TER…

TEXTE > JEAN-PIERRE BRANCHEREAU « Dans ces régions de l’Ouest […] Nantes apparaît différente, autonome par sa mentalité. Sa géographie a fait de ce lieu de passage, d’abri et d’échanges, un “melting pot” […] ll en est résulté une entité particulière, qui surprend lorsque l’on ne comprend pas ce qui en détermine la nature et les réactions. » Dans cette page du Monde1, consacrée aux Pays de la Loire, Jean-Joseph Régent, alors président de la Chambre de commerce et d’industrie de Nantes, aborde les rapports de Nantes à ses territoires en termes d’isolement et de spécificité. La région, dont Nantes est devenue capitale, n’a alors que sept ans. Sa légitimité est déjà contestée même si ses limites sont esquissées dans la littérature géographique depuis le début du 19e siècle. Constituée au départ de la Loire-Atlantique, de la Vendée et du Maine-et-Loire, elle va ensuite intégrer la Mayenne détachée de Rennes et la Sarthe auparavant tournée vers la Normandie. Un demi-siècle plus tard, la problématique des rapports entre Nantes et ses territoires ne

JEAN-PIERRE BRANCHEREAU est géographe et ancien enseignant à l’Institut de formation des maîtres des Pays de la Loire. Il est l’auteur de Géographie économique des régions Centre et Pays de la Loire (Ellipses, 1984).

1. Numéro daté du 19 décembre 1979.

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AUJOURD’HUI NANTES


DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ? | DOSSIER

Des réseaux par-delà les frontières administratives RÉSUMÉ > Les échanges entre Nantes et les autres villes de la zone Loire-Bretagne ne cessent de grandir, même si la métropole reste économiquement dépendante de Paris. Revers de cette médaille ancrée à l’Ouest, la ville n’entretient que peu de liens avec les autres métropoles françaises.

TEXTE > JENNIFER CHÉRUEL L’Auran développe depuis plusieurs années une série d’analyses portant sur l’intensité des liens qu’entretient la métropole nantaise avec les autres villes françaises. Ces travaux s’appuient sur l’étude de différents flux entre aires urbaines1 de l’espace LoireBretagne : migrations résidentielles, navettes domiciletravail, liens intra-entreprises (entre sièges d’entreprises et établissements secondaires) et salaires. Ces analyses mettent en lumière, au-delà des périmètres administratifs, le fonctionnement du territoire, les interdépendances qui structurent son développement et les réseaux dans lesquels l’agglomération nantaise s’inscrit. Elles ont notamment permis d’éclairer les dynamiques à l’œuvre à l’échelle de l’espace Pays de la Loire-Bretagne et de conforter la réalité du Pôle métropolitain Loire-Bretagne (PMLB) créé en 20122. La plupart de ces analyses ont été réalisées dans le cadre de partenariats en particulier avec les agences d’urbanisme d’Angers, Brest, Rennes et Saint-Nazaire.

JENNIFER CHÉRUEL est chargée de missions à l’Auran.

1. Une aire urbaine est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain de plus de 10 000 emplois et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. L’aire urbaine de Nantes compte 114 communes et 897 713 habitants en 2012. 2. Le Pôle métropolitain Loire-Bretagne (PMLB) est un pôle métropolitain au sens de la loi du 16 décembre 2010. Il est né des coopérations multilatérales entre les agglomérations d’Angers, Brest, Nantes, Rennes et Saint-Nazaire.

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DOSSIER | DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ?

Évolution de la population du grand Ouest entre 2007 et 2012

Évolution annuelle du nombre d'habitants par commune entre 2007 et 2012

Taux annuel d'évolution du nombre d'habitants entre 2007 et 2012 % +5

2 000

+

+3 +1 0

200

-1

20

-

-3 -5

Maximum = + 1 715,8

Maximum = + 15,02

Minimum = - 1 321,8

Minimum = - 9,74

Sources : INSEE - Populations municipales

La croissance démographique de l’aire urbaine de Nantes s’est établie à 1,1 % par an depuis 2007 : elle a atteint 900 000 habitants en 2012.

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AURAN


DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ? | DOSSIER

Les flux de salaires entre Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en 2012 : Nantes Métropole a distribué 2,7 milliards d’euros de salaires à des actifs demeurant en dehors de son territoire.

Nantes au cœur des échanges

Depuis 2007, Nantes Métropole a gagné 4 500 habitants chaque année, soit une croissance démographique de 0,8 % par an – contre 0,5 % en France. Dans le même temps, la population de son aire urbaine, bassin de vie de 114 communes, a cru au rythme annuel de 1,1 % pour atteindre près de 900 000 habitants en 2012. Cette évolution s’inscrit dans le dynamisme démographique du grand Ouest et classe l’aire urbaine de Nantes au quatrième rang des agglomérations françaises les plus dynamiques derrière Rennes, Toulouse et Montpellier. Au cœur d’un territoire qui attire, Nantes est le principal nœud d’échange de l’espace Loire-Bretagne. Ainsi, sur les 40 600 personnes ayant déménagé entre 2003 et 2008 de l’une à l’autre des cinq grandes agglomérations du PMLB (Angers, Brest, Nantes, Rennes et Saint-Nazaire), les trois-quarts ont quitté ou

se sont installés à Nantes (contre 40 % pour Rennes). À l’échelle de l’espace Loire-Bretagne, c’est 38 % de la population qui a transité par Nantes.

La métropole redistribue les richesses

Au sein de son aire urbaine, Nantes Métropole concentre 80 % des emplois et moins de 70 % des habitants, entraînant des mouvements pendulaires quotidiens d’actifs vers l’agglomération centrale. Ainsi, elle reçoit tous les jours 96 000 personnes venues travailler dans l’une de ses 24 communes. Cœur économique de l’aire urbaine, Nantes Métropole a distribué en 2012 près de 2,7 milliards d’euros de salaires à des actifs résidant à l’extérieur de son territoire, majoritairement en Loire-Atlantique. Avec un gain annuel de 8 % de la masse salariale produite, l’agglomération nantaise connaît la deuxième plus forte croissance parmi les dix premières NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 | PLACE PUBLIQUE | 25


DOSSIER | DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ?

En 1960, en France, la moitié des étudiants en médecine originaires de Vendée étudient à Nantes.

À l’université de Nantes, 10 % des étudiants sont Vendéens.

Place publique (n° 52) à partir du rapport d’activités de 2013, confirme l’origine et le poids de relatif de la Vendée, en nombre de patients pour mille habitants par commune. Dans le domaine de l’enseignement il y a eu également un renforcement des relations lié à l’accès des jeunes vendéens à l’enseignement supérieur à partir des années 1960 suite à la renaissance de l’université de Nantes et à la création de l’académie. En 1960 on comptait en France 90 étudiants en médecine originaires de Vendée, 24 étaient inscrits à Paris, 12 à Bordeaux, 12 en d’autres villes et déjà 42 à la faculté de médecine de Nantes qui avait survécu à la disparition de l’université sous l’Empire. Entre les deux guerres il existait une franche hostilité lors des monômes et chahuts de rentrée à la faculté mixte de médecine et pharmacie entre les étudiants originaires de Bretagne et les Vendéens, ces derniers ayant leur propre association. Les relations ont explosé à partir des années 1960. Les jeunes vendéens des classes populaires jusqu’alors quasi exclus de l’accès à l’enseignement supérieur vont peupler en grand nombre les bancs des amphithéâtres des facultés de sciences, et surtout des lettres et sciences humaines. Une fois encore c’est la Vendée qui arrive en tête quant au nombre d’étudiants fréquentant les établissements nantais, largement devant le Maineet-Loire et le Morbihan. L’effet de proximité joue, en dépit des formations offertes à La Roche-sur-Yon tant par l’université de Nantes que par l’Institut catholique d’études supérieures. Pour l’année universitaire en cours, on compte 3 668 étudiants inscrits à l’université de Nantes et dont les parents résident en Vendée, soit 10,4 % des effectifs de l’université. Sur ce total 46 %, soit 2 062, sur le campus du Tertre en lettres, droit ou sciences économiques, 836 sont inscrits en santé (19 %) et 474 en sciences. Il faut y ajouter les étudiants vendéens des diverses grandes écoles et en classes préparatoires. En 1993-1994 on comptait 3 843 étudiants d’origine vendéenne, soit 12 % des effectifs de l’université. Il y a donc une certaine stabilité. Il faudrait y ajouter les 775 étudiants inscrits sur le campus de La Roche-sur-Yon, la majorité sont des Vendéens. L’examen des lieux de résidence des étudiants de Vendée montre une coupure au sein du département,

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les étudiants originaires de la plaine et du marais poitevin fréquentent plus volontiers les universités de Poitiers et de La Rochelle. Mais les voies de circulation vers Nantes, tant le chemin de fer que les axes routiers, favorisent Nantes. On pourrait ajouter, pour être complet, la fréquentation par les Vendéens des stades nantais, en particulier pour le football. Les clubs de supporters vendéens du FCN sont nombreux et fidèles.

Une économie arrimée à l’estuaire

C’est toutefois au sein de la sphère économique que l’intensification des rapports et relations entre la métropole et le tissu industriel vendéen a été la plus considérable et provoque le plus de conséquences. Le temps d’un « isolat choletais » tournant le dos au grand port industriel et colonial de la porte nantaise voisine n’est plus. Le système productif localisé reposant sur des ateliers en milieu rural à partir des industries de la chaussure et de la confection s’est étiolé avec les délocalisations vers les pays du tiers-monde. Mais, avec une capacité d’adaptation qui leur est reconnue, les industriels de la Vendée ont su se tourner vers les grands donneurs d’ordre de l’estuaire (chantiers navals et aéronautique). Une vaste aire de sous-trait ance d’ateliers d’électronique, de mécanique, de plasturgie et du meuble, couvrant l’ensemble du bocage vendéen et pas seulement le nord-est industriel, s’est mise en place. Ce renversement dans la nature des entreprises et des liens avec l’estuaire exprime l’intensification des rapports entre la Vendée et la métropole, et conduit progressivement à l’intégration du nord des bocages vendéens dans le territoire métropolitain. On peut parler d’un arrimage des bocages vendéens et aussi du Choletais à Nantes, ce dont l’augmentation des navettes domicile-travail témoigne. Le constat est sans appel. La métropole est plus que jamais la capitale de la Vendée. n


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Les rapports entre Nantes et la Région : derrière l’idylle apparente... RÉSUMÉ > Une évidence… contestée : alors même que les lois de décentralisation étaient discutées au début des années 80, Angers se serait bien vue couronnée capitale des Pays de la Loire à la place de Nantes. Et aujourd’hui, avec des cartes de l’organisation territoriale rebattues, le couple région-métropole pourrait connaître des déchirements.

TEXTE > GOULVEN BOUDIC Dans la structuration du débat français autour de l’organisation territoriale et de la décentralisation, une opposition classique et centrale est rapidement apparue autour de deux couples censés partager la scène politique entre conservateurs et réformateurs ou entre anciens et modernes. D’un côté le couple « commune-département » ; de l’autre « métropole-région ». Il s’agissait en effet de prendre acte du caractère inachevé, inadapté, pour ne pas dire dépassé d’une organisation territoriale inscrite dans des cadres, des imaginaires et des découpages eux-mêmes archaïques. Car la métropolisation n’est pas simplement une question juridique, elle relève d’une rupture avec la société rurale et marque l’entrée dans la société de l’urbanisation. Parlant du local, ce débat ne reléguait pas pour autant la question de l’État, puisque c’est en définitive toujours de lui dont il était question. Les « départementalistes » ainsi reprenaient souvent à leur compte quelques-uns des objectifs essentiels de la philosophie jacobine : stricte égalité entre les territoires, découpage garant de l’égale application de la loi, etc. Quant aux « régionalistes », c’est la dénonciation de l’hypertro-

GOULVEN BOUDIC enseigne la science politique à l’université de Nantes. Il est membre du comité de rédaction de Place publique.

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Olivier Guichard, figure du gaullisme, fut le premier président élu de la Région et la dirigea de 1986 à 1998.

François Fillon a présidé les Pays de la Loire de 1998 à 2002.

François Fillon devenu ministre, Jean-Luc Harousseau lui succède jusqu’en 2004. Il est le seul Nantais a avoir présidé l’exécutif régional.

Jacques Auxiette a gagné la région à la surprise générale en 2004. Son mandat s’achève à la mi-décembre.

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phie centralisatrice parisienne qui a accompagné leur progressive montée en puissance, sur un fond plus général de déploiement du keynésianisme (ici dans sa version « spatiale »), à travers l’évocation conjuguée de Paris, du désert français et de l’ardente nécessité de l’aménagement du territoire.

L’État, instituteur de la décentralisation

Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de rappeler que le fait régional en France, globalement, ne s’est pas tant constitué contre l’État, qu’au sein même de celui-ci. Au point de faire de l’État le véritable instituteur des premiers cadres institutionnels et politiques régionales dont les régions actuelles sont les héritières directes. De la même façon que l’État modernisateur gaulliste a su accompagner la montée en puissance du fait régional, pour mieux dépasser aussi les archaïsmes supposés de la notabilité politique, il a su reconnaître et favoriser la montée en puissance des grandes villes et des grands maires urbains. Le mandat exercé dans une grande ville est devenu une étape décisive dans l’accès au cursus politique national. On peut aussi rappeler de ce point de vue le rôle de la Datar qui, dans les années 60, consacre en même temps que l’idée de la régionalisation celle des métropoles d’équilibre (dont Nantes-Saint-Nazaire). Cette structure du débat traverse en fait les différents moments de la décentralisation, depuis le début des années 80 jusqu’aux dernières lois adoptées sur l’organisation territoriale. Preuve de la résilience, de la résistance, ou, diront leurs défenseurs, de la pertinence de leurs arguments et de leurs positions, les départements et les communes ont largement survécu aux diverses tentatives d’organisation de leur dépassement ou de leur dépérissement. Pour autant, à l’échelle de la région des Pays de la Loire, l’articulation métropolisation-régionalisation n’a peut-être pas été si évidente que cela. Certes, Nantes a pu bénéficier du rôle majeur et de la relative bienveillance d’Olivier Guichard, dans un rôle bien connu de courtier des intérêts locaux auprès de l’État gaulliste. La refondation d’une université nantaise en est un exemple. Mais les relations de la métropole nantaise avec la Région, sa position même de capitale

régionale n’ont pas toujours correspondu à la simplicité idyllique suggérée par le discours réformateur. Nantes, capitale régionale des Pays de la Loire, et partant siège du conseil régional ? La question est discutée du côté de ceux qui prônent le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Mais, on l’a peutêtre oublié, cette situation a également été contestée du côté des « partisans » des Pays de la Loire, au nom de considérations géographiques et politiques.

Les « partisans » des Pays de la Loire ont contesté la place de Nantes comme capitale.

Une capitale régionale contestée par Angers

Montée en puissance du fait régional oblige, la question est posée au début de l’année 1982, alors même que les lois de décentralisation sont encore en débat à l’Assemblée, qui vont faire des régions de véritables collectivités territoriales. C’est la localisation même du futur Hôtel de région qui cristallise le débat. Arguant à la fois du caractère excentré de la métropole nantaise et, a contrario, celui, central, de sa propre cité, le maire d’Angers, Jean Monnier, n’hésite pas à coaliser élus sarthois et mayennais. Il annonce la mise à disposition d’un terrain angevin, révélant par là même son intention de faire d’Angers, au détriment de Nantes, la capitale des Pays de la Loire. Il faudra dès lors la pleine mobilisation des élus nantais, menés par le maire Alain Chénard, pour faire échouer cette tentative. Au-delà des circonstances, l’anecdote dit bien que les relations entre Nantes et l’institution régionale n’ont jamais été simples. Même si les motivations partisanes n’en sont pas d’ailleurs systématiquement la cause, elles peuvent aussi jouer leur rôle. Depuis la loi du 5 juillet 1972 qui crée les conseils régionaux et sa mise en œuvre effective, en 1974, aucun président de la Région n’a été nantais, à l’exception de Jean-Luc Harousseau, qui assura le remplacement provisoire de François Fillon, devenu ministre en 2002 – Jean-Luc Harousseau fut candidat malheureux face à Jean-Marc Ayrault aux municipales de 2001. Vincent Ansquer, qui porta l’institution sur les fonts baptismaux en 1974, était élu en Vendée. Olivier Guichard, figure tutélaire du gaullisme, de la décentralisation et du fait régional qu’il incarna de 1974 à 1998, s’implanta à La Baule. François Fillon, président de 1998 à 2002, faisait alors

Le maire d’Angers annonce la mise à disposition d’un terrain pour accueillir l’Hôtel de région.

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L’acte III de la réforme territoriale a vu les scénarios les plus divers se succéder pour Nantes et les Pays de la Loire, parfois « partagés » entre trois nouvelles régions : finalement, le statu quo prévaudra.

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Fusion Bretagne-Pays de la Loire, beaucoup de bruit pour rien RÉSUMÉ > La Bretagne « réunifiée ». Les Pays de la Loire « démembrés ». Les perspectives de fusions les plus folles et les plus sages ont agité les élus, et une partie de l’opinion, au cours du printemps et de l’été 2014. Tout cela pour rien. Et si les vraies questions étaient ailleurs ?

TEXTE > THIERRY GUIDET Drôle de jeu. Un jeu de rôle où les postures obligées masquent les convictions profondes. Une partie de billard à on ne sait plus combien de bandes où la trajectoire de la boule finit par échapper même aux plus habiles. Tout commence dans la salle des fêtes de l’Élysée le 15 mai 2012 lors du discours d’investiture du nouveau président de la République François Hollande : « Je crois à la démocratie locale et j’entends la revivifier par un nouvel acte de décentralisation susceptible de donner des libertés nouvelles pour le développement de nos territoires ». On avait connu les lois Defferre en 1982 sous le gouvernement de Pierre Mauroy, un an après l’élection de François Mitterrand. Ce qu’on a appelé l’acte I de la décentralisation. Les Régions deviennent des collectivités locales de plein exercice. L’État leur cède des compétences en matière de développement économique et d’entretien des lycées. En 2004, sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, on vivra l’acte II de la décentralisation avec de nouveaux transferts de compétences en matière de formation, de gestion des routes, des aéroports, de logement social. Quant au RMI, le revenu minimum d’insertion, il devient l’affaire des Départements. Et la

THIERRY GUIDET est journaliste. Fondateur de Place publique, il est membre du comité de rédaction de la revue.

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Toulouse et Montpellier : deux métropoles, une région et une entente RÉSUMÉ > Cas de figure unique de la réforme territoriale : la région issue de la fusion de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon compte deux métropoles. Les maires de Toulouse et de Montpellier, de bords politiques opposés, se sont accordés pour garder la main. À méditer localement, car si la Loire-Atlantique avait rejoint la Bretagne, quel tour aurait pris la rivalité entre Rennes et Nantes ?

TEXTE > STÉPHANE THÉPOT

STÉPHANE THÉPOT est journaliste. Il est le correspondant du quotidien Le Monde à Toulouse.

Dentiste de métier et historien par passion, le maire divers gauche de Montpellier a convoqué le cardinal de Richelieu à une conférence de presse organisée dans un café de la place du Capitole à Toulouse, capitale désignée de la grande région Midi-Pyrénées LanguedocRoussillon. Philippe Saurel est en campagne pour les élections régionales. Ce socialiste dissident explique qu’il n’est pas en guerre contre Toulouse et son maire (LR). Il précise même avoir prévenu « par politesse » Jean-Luc Moudenc – qui n’est pas candidat – de cette incursion. De fait, les deux élus affichent une complicité réelle depuis leurs victoires respectives de mars 2014, en dépit des sondages et des pronostics qui ne les présentaient pas comme des favoris et au-delà de leurs étiquettes politiques. En digne successeur du tonitruant Georges Frêche, ancien maire de Montpellier et président de la région Languedoc-Roussillon, Philippe Saurel commence donc par instruire les journalistes, trop souvent penchés sur le présent immédiat pour se préoccuper du passé, d’un épisode de l’histoire de France passé aux oubliettes comme un vulgaire fait divers. Sous le règne de Louis XIII, troublé par les guerres de religion, le duc Henri de Montmorençy, gouverneur

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du Languedoc, fut décapité à Toulouse sur ordre de l’inflexible cardinal. Dans la cour intérieure du Capitole, la statue du bon roi Henri IV peut encore contempler la plaque qui commémore l’exécution de son filleul, le 30 octobre 1632. Pour les touristes et les passants, les chiffres en lettres latines sont devenues aussi incompréhensibles que des hiéroglyphes. Pour les manuels d’histoire scolaire, la mort du duc marque la fin de l’ère féodale et les vrais débuts de la monarchie absolue. Aux yeux de Philippe Saurel, ce n’est pas un vulgaire « putschiste » complotant avec le frère du roi qui a été mis à mort par Richelieu pour crime de « lèse-majesté », mais un hérault de « la liberté des provinces » contre Paris. On pourra sourire de cette récupération d’un grand aristocrate à la cause des « sans-culottes » du maire de Montpellier, s’inspirant ouvertement du mouvement espagnol Podemos pour régler ses comptes avec le Parti socialiste à travers ses listes de « citoyens du Midi ». Les historiens sont assurément mieux placés que les journalistes pour juger de l’importance de la dissidence que s’efforce d’organiser Philippe Saurel dans les 13 départements de la future région. L’anecdote souligne surtout le goût de soufre de nos vieilles terres « cathares » pour les hérétiques de tout poil.

L’Hôtel de Région de Montpellier, signé de l’architecte Ricardo Bofill.

Une région dessinée par l’Histoire

Dans un style beaucoup plus mesuré, Dominique Baudis s’était passionné pour l’histoire des comtes de Toulouse à l’époque des croisades, publiant une trilogie1 de romans historiques consacrée à ses lointains prédécesseurs lorsqu’il dirigeait la ville. L’ancien journaliste avait repris la plume avec un plaisir non dissimulé pour raconter la geste de ces grands féodaux dont les possessions s’étendaient des berges de la Garonne à la rive droite du Rhône. Suspecté de sympathie envers le catharisme qui dénonce les turpitudes de l’Église romaine, le seigneur de Toulouse s’est vu confisquer ses terres par le roi de France allié au pape, non sans avoir tenté de récréer un petit royaume en Terre sainte pour protester de sa bonne foi. La nouvelle région issue de la fusion de Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon retrouvera peu ou prou les anciennes possessions de Raimond de Saint-

L’Hôtel de Région à Toulouse fut le premier construit en France et a été inauguré en 1985.

1. Raimond le Cathare, Grasset, 1996 ; Raimond d’Orient, Grasset, 1999 et La Conjuration, Grasset, 2001.

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DOSSIER | DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ?

L’enjeu des futurs élus régionaux : trouver l’équilibre entre les grandes villes et leurs hinterlands.

Dissident socialiste, le maire de Montpellier a applaudi à la fusion.

Gilles, comte de Toulouse, duc de Narbonne et marquis de Gothie (entre autres titres). François Hollande et Manuel Valls ont visiblement balayé ici les craintes de François Mitterrand et Gaston Defferre, qui redoutaient que la décentralisation lancée en 1982 aboutisse à la renaissance des anciennes « baronnies » médiévales. Ils pensent sans doute avoir trouvé l’antidote idéale avec la création des métropoles. La dissidence du maire de Montpellier vient à peine troubler le jeu de cet équilibre politique subtil à trouver entre les grandes villes et leurs hinterlands qui sera le véritable enjeu du mandat des futurs élus régionaux. Philippe Saurel est très fier de raconter comment, avec le soutien de son ami devenu Premier ministre, il a réussi à inscrire au forceps Montpellier sur sa liste des dix premières métropoles créées par la loi. La nouvelle région sera la seule à compter deux métropoles sur son territoire. Mais au lieu d’entrer en concurrence, les maires de Toulouse et Montpellier ont préféré jouer la carte de la coopération pour mieux se prémunir d’une éventuelle tutelle de la grande région sur le nerf de la guerre : le développement économique. Quelle que soit la couleur politique du futur exécutif régional, les élus de Toulouse et Montpellier se préparent à une cohabitation forcée. L’un est classé à droite de l’échiquier politique, l’autre à gauche, mais leurs intérêts bien compris les placent au centre de tous les enjeux. Dominique Baudis, dont Jean-Luc Moudenc se réclame l’héritier à Toulouse, fut le premier président élu de la région Midi-Pyrénées en 1986. Le maire de Toulouse abandonnera toutefois la région pour cause de cumul des mandats à son homologue de Rodez et se consacrera à la création du district du grand Toulouse, embryon de la métropole actuelle.

De l’empereur Frêche au dauphin Saurel

À Montpellier, George Frêche a suivi le chemin inverse. Promoteur d’un « grand Montpellier » qui irait jusqu’à la mer, le maire de la ville a lâché sa mairie pour prendre les rênes d’une région qu’il tentera de rebaptiser « Septimanie ». Philippe Saurel, qui se pose en successeur naturel de l’empereur de Montpellier, fut l’un des rares à applaudir une fusion redoutée sur les bords de la Méditerranée par la plupart des élus socialistes de Languedoc-Roussillon. Martin Malvy, président (PS) 56 | PLACE PUBLIQUE | NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015

sortant de Midi-Pyrénées, doit déployer des trésors de diplomatie pour persuader ses amis politiques qu’ils ne seront pas « annexés » par Toulouse. Ancien maire de Figeac (Lot) et président de l’Association des petites villes de France jusqu’aux dernières élections municipales, il se pose en garant de la défense des territoires contre l’appétit supposé des urbains. La tension entre villes et « campagnes » est encore attisée par l’influence régionale des radicaux de JeanMichel Baylet. Affaibli localement par la perte de son siège de sénateur, puis de la présidence du département du Tarn-et-Garonne, le président du PRG est paradoxalement renforcé nationalement par son statut de dernier allié politique du PS. Il a pesé de tout son poids pour sauver les départements de la réforme territoriale. Le patron de La Dépêche du Midi est aussi devenu incontournable à Montpellier en rachetant le groupe de presse Midi-Libre. Interrogé sur ses relations avec Jean-Michel Baylet, le très prolixe Philippe Saurel qui a lancé aux journalistes un vibrant appel « à la presse » pour le défendre contre les pressions dont il serait victime pour se retirer de la compétition, se fait soudain beaucoup plus discret. « Je garde le silence », se contente de répondre l’intrépide successeur du duc de Montmorençy. n


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Jean-Marc Ayrault : « Une région sans métropole, c’est un point faible » RÉSUMÉ > De ses presque deux années à Matignon, Jean-Marc Ayrault garde le sentiment du travail bien fait avec la loi métropole, « la plus claire de l’ensemble des réformes territoriales ». Alors que Place publique l’interroge dans sa permanence de Saint-Herblain sur la place de la métropole nantaise, le député de Loire-Atlantique revient sur cette loi et égratigne le redécoupage des régions.

PLACE PUBLIQUE > Vous avez porté la loi du 27 janvier 2014, renforçant le rôle des métropoles, en tant que Premier ministre. Plus d’un an et demi après, quel bilan en tirez-vous ? JEAN-MARC AYRAULT > C’est un peu tôt pour tirer un bilan. Dans le processus de réforme de l’organisation territoriale du pays, j’ai pensé très vite qu’il fallait commencer par la loi sur les métropoles. On avait abordé avec Marylise Lebranchu1 toute la réforme territoriale, mais on s’es vite rendu compte que tout mettre dans un projet de loi, c’était impossible. On butait sur des difficultés énormes, notamment sur une question : faut-il supprimer un échelon et si oui, lequel – c’était le département qui aurait été en discussion ? Puis toute une série d’autres questions s’ouvrait : quid des compétences de la Région, des Départements, des métropoles… On a vu qu’on allait entrer dans la complexité et on a compris qu’on ne pouvait pas tout mettre dans la même loi, que ça demanderait beaucoup plus de maturation. Commençons donc par ce qui apparaît indispensable et en même temps relativement évident, créer en France de véritable métropoles.

JEAN-MARC AYRAULT est ancien Premier ministre (2012-2014), député socialiste de LoireAtlantique. Il a été maire de Saint-Herblain (19771989), puis de Nantes (1989-2012) et président de Nantes Métropole.

1. Ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique.

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C’est une histoire assez longue et assez ancienne, puisque lorsque la Datar2 a été créée, la question des métropoles d’équilibre a été assez vite posée et a ensuite été suivie de réponses du type mise en place des communautés urbaines. À l’époque ceux qui réfléchissaient à l’avenir du pays voyaient que les villes pouvaient jouer un rôle moteur dans son développement, même si il a fallu beaucoup de temps pour que ça soit le cas. Notre volonté, était donc de donner aux métropoles une vraie reconnaissance, pas seulement celle du fait urbain, mais de leur rôle dans le développement et l’aménagement du territoire. Pour moi, si un couple doit aller de pair, c’est bien les métropoles et les régions. Les régions ont besoin des métropoles. Car là où il n’existe pas de métropole dans certaines régions, c’est plutôt un point faible. Et là ou il n’y a pas de grandes villes, c’est davantage encore un point faible. Alors un an et demi après, nous n’en sommes qu’au début.

« Réduire le nombre des régions, je trouve ça un peu artificiel. »

PLACE PUBLIQUE > Justement, dans les relations entre métropoles et régions, voyez-vous des difficultés poindre ? L’exemple du partage du développement économique est souvent mis en avant… JEAN-MARC AYRAULT > Il faut se mettre d’accord ! La Région ne peut pas à elle seule se substituer à la métropole, mais la métropole ne peut pas ignorer le reste du territoire régional. Je pense que la Région doit jouer pleinement son rôle stratégique, en matière économique, universitaire, touristique, d’aménagement… S’agissant du territoire métropolitain, rien ne peut se faire sans la métropole et ses responsables. Il faut établir un accord, avec ce qui relève de la Région et ce qui relève de la métropole. Avec la Région actuelle, on y était arrivé. Par exemple, pour la santé, il paraissait évident que ça devait être piloté par la métropole en raison de la présence d’un hôpital universitaire, présidé par le maire, de son imbrication avec le territoire où il est implanté. Dans d’autres domaines, comme l’agroalimentaire ou des métiers liés à la technologie de l’industrie, la Région est mieux placée. Il faut être pragmatique sur cette question, avec un dialogue intense, un accord per2. La Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale a été créée en 1963.

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manent, qui ne se règle pas par un texte de loi. Ça se règle par la conférence territoriale, ou par une relation spécifique entre la Région et la métropole. On peut se mettre d’accord sur un mandat ou la moitié d’un mandat, sur un certain nombre d’objectifs communs, qui fait quoi, qui finance quoi, ça c’est possible, encore faut-il qu’il y ait une volonté politique. PLACE PUBLIQUE > La région des Pays de la Loire et la métropole nantaise sont deux collectivités du même bord politique. Que se passe-t-il si, par exemple, une majorité de droite est élue à la Région en décembre ? JEAN-MARC AYRAULT > Je ne souhaite pas que ça change, c’est évident et c’est plus facile quand les deux collectivités sont de même sensibilité, partageant des valeurs communes, des objectifs essentiels. Mais ça ne règle pas tout, les réalités institutionnelles font que ça peut parfois être conflictuel. Moi, j’ai été maire de Nantes en 1989, j’ai connu un président de conseil général de droite, une Région de droite, notamment présidée par Olivier Guichard et – je ne pense pas que Jacques Auxiette dirait le contraire parce qu’il était élu d’opposition sous Guichard –, ce que je veux dire donc, c’est que avec Olivier Guichard, nous avions de vraies divergences, par exemple s’agissant du logement social, il ne voulait rien faire, il n’est jamais intervenu. Mais sur tout ce qui était économique, universitaire, de stratégie métropolitaine, il y avait un accord. Avec une dimension originale en Pays de La Loire, le fait Nantes-Saint-Nazaire, la réalité métropolitaine du point de vue de la vie, en particulier économique, c’est les deux : les grands comptes industriels sont à Nantes mais aussi à Saint-Nazaire. La relation Nantes Saint-Nazaire est d’ailleurs intéressante, car elle tourne le dos à une autre époque, que j’ai connue sur sa fin, où il y avait une rivalité permanente. Les Nantais voyaient d’un mauvais œil que le port soit à Saint-Nazaire et plus à Nantes, les Nantais ne pardonnaient pas à Saint-Nazaire. Aujourd’hui c’est fini, dès 1989 avec le maire de Saint-Nazaire Joël Batteux, on part avec l’idée de travailler ensemble et on avance. Ce qui apparaissait comme quelque chose de théorique, aujourd’hui est une réalité.

suite de la réforme territoriale a porté sur les fusions de régions. La région associant Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées comptera deux métropoles avec Toulouse et Montpellier. Le cas de figure aurait aussi pu se produire avec Nantes et Rennes. Est-ce gérable ? JEAN-MARC AYRAULT > Montpellier ou Toulouse n’ont pas vocation à animer tout le territoire de cette immense région. Il faut trouver un équilibre, qui fait quoi, car il n’est pas possible de disposer d’une métropole unique dans une région de cette taille. Le rayonnement d’une métropole ne se décrète pas sur le papier. Si la région Loire-Bretagne avait vu le jour, Nantes n’avait pas vocation à rayonner sur tout le territoire. Une métropole comme Nantes rayonne sur son territoire d’influence ; la Vendée c’est évident, le Choletais, le Maine-et-Loire, l’aire Nantes-Saint-Nazaire, la totalité du département, mais il ne faut pas lui demander d’être la métropole de Poitiers, même pas de La Rochelle ! Si j’ai réagi à l’époque, c’est qu’à la tête de l’exécutif on voulait à tout prix nous marier à quelqu’un et si ce 3. Pour Nouvelle organisation territoriale de la République, adoptée en juillet 2015.

« Les grands comptes industriels sont à Nantes et à Saint-Nazaire. »

PLACE PUBLIQUE > Après votre départ de Matignon, la NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 | PLACE PUBLIQUE | 59


DEMAIN 3

NANTES


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Gilles Pinson : « Nantes, capitale de pas grand-chose » RÉSUMÉ > Nantes a peu à craindre du rapprochement de Bordeaux de Paris grâce à la Ligne à grande vitesse qui mettra les deux métropoles à égalité de temps. Mais elle a manqué l’opportunité de rejoindre la Bretagne qui lui aurait apporté les réseaux économiques qui lui manquent.

PLACE PUBLIQUE > En 2017, la ligne à grande vitesse mettra Bordeaux à deux heures de TGV de Paris. Nantes a-t-elle à y perdre ? GILLES PINSON > Il existe déjà une relation assez étroite entre Bordeaux et Paris, même si aujourd’hui on est au mieux à trois heures et quart de TGV. Je pense cependant que Nantes n’a pas grand-chose à craindre de ce rapprochement futur ni à y perdre, et ce pour deux raisons. La première, c’est qu’il y a une tendance presque naturelle des Parisiens à identifier plus facilement Bordeaux, plus que Nantes, comme un lieu de résidence alternatif, un lieu où on peut refaire sa vie, un lieu où on peut changer de mode de vie. Bordeaux jouit de son image de ville patrimoniale, au climat clément, où les Parisiens pensent pouvoir s’installer sans trop renoncer à l’urbanité. Donc ce pli est déjà pris malgré le relatif enclavement de Bordeaux. L’autre raison qui m’amène à dire que Nantes n’a pas grand-chose à craindre, c’est que justement l’enclavement peut être, à certains égards, une bonne chose, une qualité que Bordeaux risque de perdre. Quand vous êtes à trois heures et quart de Paris, comme c’est actuellement le cas, il est difficile pour, par exemple, un professeur d’université, de faire la navette, d’être un prof TGV. Plus difficile en tout état de cause que quand vous êtes à deux heures. Bien sûr, l’enclavement peut générer un enracinement, une territorialisation des pratiques et des identités des catégories supérieures, et cela peut être posi-

GILLES PINSON est professeur de science politique, enseignant à Sciences Po Bordeaux et chercheur au Centre Émile Durkheim de l’université de Bordeaux. Ses travaux portent sur les politiques et la gouvernance urbaines.

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« Nantes diffuse beaucoup plus au-delà de son aire de base.  »

« La Ligne à grande vitesse permettra probablement une ouverture croissante pour Rennes. »


DE QUOI NANTES EST-ELLE LA CAPITALE ? | DOSSIER

Nantes, ville ouverte versus Rennes, ville autocentrée RÉSUMÉ > Comparer Nantes et Rennes demeure un exercice risqué. L’universitaire rennais Yves Morvan, qui connaît également Nantes sur le bout des doigts, a relevé le défi. Il note de nombreuses similitudes entre les deux métropoles et donne un léger avantage à Nantes, plus ouverte sur l’extérieur et qui sait capitaliser sur une image positive.

PLACE PUBLIQUE > Quand on parle de métropole aujourd’hui pour l’Ouest, pensez-vous d’abord à Nantes ou à Rennes… ou aux deux ? YVES MORVAN > Rennes est devenue une métropole, moins rapidement que Nantes. Si on tente une définition, ce qui caractérise une métropole, c’est la présence d’un certain nombre de fonctions dominantes – en matière de formation, de recherche, d’accueil d’entreprises, de présence d’entreprises innovantes… – et l’intensité des liens entre tous ces acteurs. Pour les deux villes, c’est un peu la même chose. Il faut également relever dans les deux cas une forte polarisation de la population, des entreprises et des richesses. Nantes représente 75 % du PIB de la Loire-Atlantique et Rennes, environ 70 %du PIB de l’Ille-et-Vilaine. De plus, cette concentration s’accroît. Là où on peut constater une différence entre les deux métropoles, c’est au niveau de l’intensité des réseaux développés depuis la ville : Nantes diffuse beaucoup plus au-delà de son aire de base, alors que Rennes est plutôt « autocentrée », tournée vers la Bretagne.

YVES MORVAN est professeur émérite de sciences économiques de l’université de Rennes 1 et a présidé le Conseil économique, social et environnemental de Bretagne. Il est membre du comité de rédaction de Place publique Rennes/ Saint-Malo.

PLACE PUBLIQUE > La ligne à grande vitesse va rapprocher Rennes de Paris en mettant la métropole à moins d’une heure et demie de Paris en TGV. Un avantage décisif par rapport à Nantes ? NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 | PLACE PUBLIQUE | 71


LA CARTE ET LE TERRITOIRE


PARCS D’ACTIVITÉS : DES COMMUNES BOUSCULENT LA HIÉRARCHIE | LA CARTE ET LE TERRITOIRE

Parcs d’activités : des communes bousculent la hiérarchie RÉSUMÉ > Après la crise, les ventes de terrains repartent à la hausse dans les parcs d’activités. Elles dessinent une nouvelle hiérarchie géographique des implantations d’entreprises. Le nord et le sud de l’agglomération nantaise ont le vent en poupe.

TEXTE > GILDAS FOUASSON

GILDAS FOUASSON appartient au service innovation à la direction prospective du Département de LoireAtlantique.

Les ventes de foncier sur les parcs d’activités économiques de Loire-Atlantique ont atteint 1 018 ha de 2007 à fin 2014. Le premier enseignement est la large couverture du département : des ventes ont eu lieu sur 130 des 189 communes du département dotées d’au moins un parc d’activités1 – des implantations se concrétisent ainsi sur les deux tiers des communes équipées. Le second enseignement montre que la hiérarchie qui apparaît n’est pas celle, plus coutumière, du nombre d’établissements ou d’emplois : Montoir-deBretagne (111 ha), Carquefou (59 ha), Ancenis (55 ha) surprennent peu, avec leur forte base industrielle et logistique. Héric (54 ha), Le Bignon (39 ha), La Chevrolière (36 ha) sont peut-être plus inattendues. Elles témoignent ainsi du très fort développement à l’œuvre sur les communautés de communes d’Erdre et Gesvres, au nord de l’agglomération nantaise, et de Grandlieu au sud, lieux privilégiés au cours des dernières années pour le desserrement d’entreprises de l’agglomération nantaise mais aussi pour de nouvelles implantations. Ces six communes totalisent plus du tiers des superficies vendues au cours des huit dernières années. Les

1. Trente-deux communes n’en ont pas.

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 | PLACE PUBLIQUE | 79


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LES FORMES DE LA VILLE


LES FORMES DE LA VILLE | TRÉFIMÉTAUX À COUËRON : MÉMOIRE OUVRIÈRE, PATRIMOINE INDUSTRIEL

Tréfimétaux à Couëron : mémoire ouvrière, patrimoine industriel TEXTE > PHILIPPE GUILLOTIN

PHILIPPE GUILLOTIN est l’ancien directeur de l’Auran, l’Agence d’urbanisme de la région nantaise. Il appartient au comité de rédaction de Place publique.

Cet article est le troisième d’une nouvelle rubrique, Les Formes de la ville, réalisée en collaboration avec l’Agence d’urbanisme de la région nantaise. Elle donne à voir et à

comprendre les métamorphoses de la métropole nantaise, car, on le sait depuis Baudelaire et Gracq, la forme d’une ville change plus vite que le cœur d’un mortel.

La première usine fut construite par la Société des fonderies et laminoirs de Couëron, en bord de Loire, en 1861. Elle avait pour vocation de traiter le minerai de plomb. En 1930, elle comptait parmi les sites français les plus importants dans le traitement du plomb. Elle eut plusieurs raisons sociales dont celle de Société des mines et fonderie de Pongibaud à partir de 1879 avant de s’appeler Tréfimétaux en 1964. À la fin des années 1970, l’usine devient déficitaire. En 1986, elle se consacre exclusivement aux activités de relaminage. En décembre 1988, elle cesse définitivement son activité. Après des années de luttes sociales, la fermeture définitive de l’usine entraîna le licenciement de ses 160 derniers ouvriers. La construction de la tour à plomb eut lieu entre 1875 et 1878. Elle s’élève à près de 70 m de hauteur et son diamètre est de 11,30 m. Elle était destinée à la fabrication des plombs de chasse. Au niveau le plus haut se trouvait un équipement pour fondre le plomb et des « poêles » percées à la taille de plombs souhaitée. La chute des billes de plomb mêlé d’antimoine et d’arsenic permettait d’obtenir des plombs de chasse parfaitement sphériques recueillis dans une cuve remplie d’eau placée à un niveau inférieur. Cette activité fut interrompue vers la fin des années 1950. La tour est une des dernières de France, classée monument historique depuis le 11 février 1993. Après la fermeture de l’usine, le site fut occupé par différentes activités plus légères qui retardèrent la maîtrise foncière. Une dépollution du site fut aussi engagée en raison de l’ingestion

par le sol au fil des décennies de plomb et d’arsenic mais aussi du mercure. Dès 1987, la ville de Couëron se porte acquéreur de la Tour à plomb et des 2 780 m² composés de sept bâtiments pour un franc symbolique. Un projet de reconversion du site se fait jour. Mais c’est après les élections de 1995 que la réflexion se développe pour trouver une destination à cette friche de plusieurs hectares idéalement située à proximité du centre-ville, témoin de la vie sociale et ouvrière couëronnaise. Jean-Pierre Fougerat, alors nouveau maire de Couëron, a l’intuition qu’il faut conserver cette mémoire, et lui redonner une autre vie. Une des premières idées est d’accueillir une maison des syndicats, comme une revanche sur le temps. Très vite apparaît l’idée d’aller plus loin et la volonté de construire un projet culturel d’importance, ouvert à tous. Il faudra dix-huit ans et trois mandats municipaux pour mener à bien le réaménagement. La reconversion du site s’inscrit dans la continuité du réaménagement des bords de Loire, entrepris en 2001 par Couëron et Nantes Métropole. La première étape de l’aménagement fut de procéder à la démolition d’une partie des bâtiments afin de dégager de nouveaux espaces. La réhabilitation a été progressive et a cherché à garder le caractère industriel, sol en béton, structures métalliques apparentes, murs de pierre, briques, toits en tuiles… L’Espace de la Tour à plomb (ETAP), nouvel espace culturel et associatif de Couëron a ainsi ouvert ses

84 | PLACE PUBLIQUE | NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015


TRÉFIMÉTAUX À COUËRON : MÉMOIRE OUVRIÈRE, PATRIMOINE INDUSTRIEL | LES FORMES DE LA VILLE

L’usine de traitement du plomb, avec sa tour de 70 m, a été construite au bord de la Loire à la fin du 19e.

portes en décembre 20091. Il accueille une salle d’exposition, la Cour carrée, un café-concert, le Magasin à huile, des locaux syndicaux et associatifs. Au cœur du site la place des Douze femmes en colère rappelle l’occupation en 1975 du bureau du directeur de l’usine par des épouses d’ouvriers. Le réalisateur René Vautier en fit un film. De nombreuses associations y sont hébergées dont certaines de façon permanente. Le site est devenu un lieu de réunion avec de nombreuses salles de réunions, d’exposition, de rencontres artistiques on y trouve même des studios d’enregistrement et de répétition pour les musiques actuelles. Depuis mai 2014, la grande halle de l’ancienne usine, au pied de la Tour à plomb, autrefois dénommée « le palais de la sueur » par ceux qui y travaillaient, accueille, sur 1 300 m2, la Médiathèque Victor-Jara, du nom du chanteur populaire chilien assassiné en septembre 1973 au Stade national, dans les jours qui suivirent le coup d’État qui renversa Salvador Allende. La réhabilitation de l’usine Tréfimétaux de Couëron est devenue une référence en matière de conservation de la mémoire ouvrière et de mise en valeur du patrimoine industriel. n

1. Maîtrise d’œuvre : Sophie Blanchet, architecte urbaniste, La Rochelle ; Benoit Garnier, architecte urbaniste, Nantes ; Speeg & Michel, concepteurs lumière ; Acoustibel, Bet acoustique ; Ates, Bet structure ; Itf, Bet fluides ; Ecb économiste Opc ; Zéphyr, paysagistes, Nantes ; Sogreah consultance, Be environnement, Saint-Herblain.

L’Espace de la Tour à plomb, lieu culturel et associatif, a ouvert en 2009.

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 | PLACE PUBLIQUE | 85


PATRIMOINE

87 Maurice Digo Un Nantais dans la Grande guerre 90 Nicolas de La Casinière La Loiratlanticul 92 Lionel Block Adolphe Moitié, commerçant, maire de Nantes et photographe


MAURICE DIGO, UN NANTAIS DANS LA GRANDE GUERRE | PATRIMOINE

MAURICE DIGO, UN NANTAIS DANS LA GRANDE GUERRE

« La gnaule ne produit plus aucun effet sur les loques que nous sommes »

RÉSUMÉ >  Nous poursuivons la publication des carnets de guerre du Nantais Maurice Digo, tout juste un siècle après leur rédaction, mois pour mois, sur le front de Champagne avant de filer vers la Lorraine. Ces passages ont été sélectionnés par Véronique Guitton et Delphine Gillardin, des Archives municipales de Nantes où est conservé le manuscrit.

Mercredi 3 novembre 1915 : La lampée de gnaule du matin ne produit plus aucun effet sur les loques que nous sommes. Là où il y a des piquets, les guetteurs s’y amarrent et dorment debout sous l’averse. Après une journée calme, alerte vers 5 heures. En moins d’une minute, les batteries allemandes déchaînées, prennent sous leur feu tous les ouvrages du secteur, seule la proximité de la première ligne ennemie maintient dans la nôtre un calme relatif. A 5 h 15, un mur de fumée noire, extrêmement haut et dense, s’avance lentement vers nous, puis à droite, chez les Coloniaux, de grandes lueurs, au ras du sol annoncent l’attaque des « Flamenwerfer ». La peur me serre la gorge. Cette muraille noire et fulgurante qui s’avance gagne cependant vers la droite, puis atteint les premières tranchées du Mont Têtu desquelles monte une clameur déchirante. Ensuite c’est la fusillade générale, le tir fauchant des petits calibres, les barrages de 75 trop courts. À ce moment-là, seulement, nous savons que le bataillon est en dehors de l’objectif. Les officiers regagnent leurs abris, seul, le sergent Foucault, reste avec le groupe avancé. Dimanche 7 novembre : De minuit à 3 heures, construction d’un réseau en avant des lignes. À quelques mètres de nous, les Allemands se livrent à une besogne identique et nous donnons, les uns et les autres, l’effort maximum, car il suffirait d’un gradé un peu piqué pour gâcher tout. Lundi 8 novembre : Travail de nuit pénible et dangereux : 300 mètres de NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 | PLACE PUBLIQUE | 87


PATRIMOINE | PHOTOGRAPHIE

Adolphe Moitié, commerçant, maire de Nantes et photographe TEXTE > LIONEL BLOCK

LIONEL BLOCK est responsable des fonds d’archives figurées des Archives départementales de Loire-Atlantique.

92 | PLACE PUBLIQUE | NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015

Lieu de mémoire et d’histoire, les Archives départementales collectent, classent, conservent et communiquent les archives publiques, produites ou reçues par les administrations des collectivités et de l’État, à l’échelon départemental et régional. Les archives de Loire-Atlantique ont également vocation à collecter certaines archives privées ayant un intérêt historique, quels que soient leur support et leur typologie. Ces fonds privés sont enrichis de manière régulière du fait d’achats, de dons, de legs ou de dations. Ainsi, au nombre de ces archives « entrées par voie extraordinaire », l’ensemble des photographies collectées aux Archives départementales représente environ 50 000 unités documentaires, réparties en fonds de familles (ou de photographes amateurs), fonds documentaires, fonds d’entreprises et fonds de photographes professionnels. Parmi ces fonds de famille, celui d’Adolphe Moitié constitue un exemple particulièrement remarquable. Né en 1851 à Crespières (Seine-et-Oise), Adolphe Moitié arrive à Nantes dans les années 1870 lorsque son père, jardinier du parc du château de Wideville, en région parisienne, est nommé professeur d’arboriculture à l’école d’agriculture de Grand-Jouan à Nozay. L’histoire familiale veut que, d’abord engagé comme simple commis chez Félix Poupart, il se lie d’amitié avec ce dernier et en devienne son associé en 1880. Épicier spécialisé dans le commerce en gros de produits coloniaux, il fait l’acquisition de plusieurs ma-


PHOTOGRAPHIE | PATRIMOINE

gasins, le dernier au 15, quai de Versailles, près de la rue qui porte aujourd’hui son nom. Sa présence parmi les membres de la Chambre de commerce de 1908 à 1928 témoigne de sa prospérité et de son implication dans la vie économique du département. Parallèlement à cette activité marchande, Adolphe Moitié s’engage dans la vie politique nantaise. Il est conseiller municipal entre 1900 et 1910, puis second adjoint de Paul Bellamy qu’il remplace à la tête de la municipalité lorsque ce dernier démissionne en 1928. Maire jusqu’à la fin du mandat, il se retire de la vie publique l’année suivante et meurt à Nantes en 1934. Adolphe Moitié pratique aussi très tôt la photographie à une époque où elle est encore très largement réservée aux élites bourgeoises, militaires ou ecclésiastiques. Il entre ainsi à la Société nantaise de photographie le 26 mai 1886. Quelques-uns de ses clichés, où l’on distingue d’autres photographes, témoignent d’ailleurs de sorties en groupe et peut-être entre membres de la société. À partir de 1889, il n’apparaît plus sur la liste des sociétaires, mais n’abandonne pas pour autant la pratique de la photographie qu’il poursuit jusqu’au début du 20e siècle. Des vues dont il est l’auteur, plus de 1 000 négatifs au gélatino-bromure d’argent, sur plaque de verre de tous formats, ont été donnés aux Archives départementales entre 2001 et 2009 par la famille Grandjouan. L’ensemble constitue le fonds Adolphe Moitié. Des dires même de la donatrice, de nombreuses autres

plaques ont certainement été perdues, dispersées ou détruites. Représentatif des fonds de famille, celui-ci se décline de manière caractéristique en une trilogie : portraits et photographies de la famille et de la maisonnée (ici infiniment déclinés en vues très académiques ou au contraire costumées, dont il ne faut pas négliger la portée ethnologique), villégiatures en France ou à l’étranger et, enfin, monuments et reflets de l’activité en Loire-Atlantique. C’est là que réside principalement la richesse profonde de ce fonds, par le reflet qu’il offre de la vie à Nantes et dans le département au tournant des 19e et 20e siècles. Les photographies d’Adolphe Moitié portent en effet un regard aiguisé sur des situations ou des paysages en pleine évolution. À ces critères objectifs, le fonds Adolphe Moitié a par ailleurs le mérite d’ajouter de véritables qualités esthétiques. Construites comme de véritables tableaux, ses photographies sont remarquables par la forte présence de l’eau, un parfait contrôle de la lumière et un grand sens de la composition. n

Les fonds photographiques sont pour partie visibles sur le site Internet du Département à l’adresse : archives. loire-atlantique. fr, rubriques « Archives numérisées ». La rubrique « Inventaires » fournit la cote des documents originaux, uniquement consultables en salle de lecture, 6, rue de Bouillé à Nantes, les lundis et du mercredi au vendredi de 9 heures à 17 heures, et les mardis de 13 h 30 à 19 heures (17 heures pendant les vacances scolaires).

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 | PLACE PUBLIQUE | 93


SIGNES DES TEMPS

106

Bloc-notes

108

Critiques de livres

120

Exposition par Thierry Guidet

122

La chronique de Cécile Arnoux

126

La chronique d’architecture de Dominique Amouroux


SIGNES DES TEMPS | LIVRES

QUESTIONS URBAINES

Les nouvelles prisons à la loupe QUESTIONS URBAINES 108

Didier Cholet (dir.) Les nouvelles prisons. Enquête sur le nouvel univers carcéral français

POLITIQUE 109

Jacques de Certaines et Yves Morvan (dir.), Bretagne en crises ?

LITTÉRATURE 110 111 112 112 113 113

Marie-Hélène Prouteau, La Petite Plage Éric Pessan, Aussi loin que possible A. Igoni Barret, Love is power, ou quelque chose comme ça Bruno Tessarech, L’atelier d’écriture Anna Glazova, Expérience du rêve Virginie Gautier, Ni enfant ni rossignol

BIOGRAPHIE 114

Philippe Forest, Aragon

SOCIOLOGIE 115

André Rousseau, Pour une sociologie de la crise catholique. France 1960-1980

HISTOIRE 117

Élie Durel, Héloïse et Abélard

118

NOUS AVONS REÇU

108 | PLACE PUBLIQUE | NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015

Le nouvel univers carcéral français fait ici l’objet d’une approche scientifique. Un collectif d’universitaires s’y emploie, sous la direction de Didier Cholet et l’ouvrage, publié aux Presses universitaires de Rennes, est préfacé par Jean-Marie Delarue, ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté. Les universitaires, surtout manceaux, un peu moins angevins, y analysent sans passion ni parti pris les prisons de dernière génération. Des prisons au cube. Plus souvent des parallélépipèdes exilés en bordure des cités. L’analyse est une expertise, précise, étayée autant par des paroles de détenus que des maires enquêtés ou des salariés de la pénitentiaire. La dernière prison du Mans, celle de Nantes-Carquefou et bien sûr celle de Vezin sont très présentes. Cette dernière fut construite dans une « dent creuse » laissée par les abattoirs : tout un symbole ! Aux confins de Rennes mais n’impactant pas les populations puisqu’édifiée dans une zone économique à forte densité et coupée du village centre par la voie ferrée. La prison idéale, sauf pour les prisonniers ! Les anciennes prisons comme celle de Jacques Cartier à Rennes – dont l’avenir est loin d’être scellé – sont nommées, d’où « on entendait du bruit, il y avait de la vie, les klaxons, les voitures. On entendait les gens qui parlaient, c’était en plein centre. On avait la vue, on pouvait voir les gens par la fenêtre chez eux ou même dans une cellule… » Les nouvelles prisons sont sécurisées comme il se doit, donc coupées, leurs murs cernés par « un glacis de dix mètres ». Les fenêtres des cellules ont des doubles systèmes de sécurité, les


SIGNES DES TEMPS | EXPOSITIONS

Robinson Crusoé était un esclave malgache L’Utile. Ironie de l’histoire, c’était le nom de ce navire de la Compagnie des Indes, parti de Bayonne en 1760. Il longe les côtes ibériques, caresse les rivages africains, double le cap de Bonne-Espérance. Il mouille à l’île de France, l’actuelle Maurice, cingle vers Madagascar où il doit charger du riz et des bœufs pour ravitailler les colonies françaises de l’océan Indien. En dépit des consignes, le capitaine Lafargue profite de son escale pour acheter 160 esclaves qu’il compte bien revendre à son profit sur l’île Rodrigues. Un détour rendu périlleux par les cartes imprécises et la navigation de nuit. Le 31 juillet 1761, vers 22 h 30, l’Utile s’échoue sur un récif de corail. Les vagues malmènent le navire, 70 esclaves et 18 marins se noient, 210 rescapés parviennent à rejoindre à la nage l’île de Sable. L’île de sable ? Un îlot tout au plus, de 1 750 mètres de long sur 750 mètres de large dont le point culminant n’excède pas les 6 mètres. Il se trouve à près de 500 kilomètres de Madagascar et de l’île de France. Les survivants creusent un puits qui les alimente en eau saumâtre. Ils pêchent, capturent des tortues et des oiseaux de mer, bâtissent un four et une forge, dorment sous des tentes faites avec les voiles, marins d’un côté, captifs plus loin.

Quinze ans de solitude

Comme dans Robinson Crusoé, le roman de Daniel Defoë dont l’action se déroule près d’un siècle plus tôt, l’épave du navire échoué est une ressource précieuse. Elle permet à l’équipage de construire au bout de deux mois une embarcation de fortune, baptisée La Providence. Il n’y a pas de place pour tous. Les esclaves restent sur l’île, mais, c’est promis, on reviendra les chercher. Oui, mais quinze ans plus tard… Après, il est vrai, trois tentatives avortées. En 1776, la corvette commandée par Jacques Marie de Tromelin – dont l’île porte aujourd’hui le nom – secourt les rescapés : il ne reste plus que sept femmes et un bébé de 8 mois. Les autres ? Ils sont morts ou ont pris le large à bord de radeaux dont on ignore s‘ils sont un jour arrivés à bon port. Les survivants seront, quand même, déclarés libres et l’enfant, baptisé… « Tout homme qui a quelque sentiment d’humanité frémit quand il sait qu’on a laissé périr misérablement ces pauvres Noirs, sans daigner faire aucune tentative pour les sauver », s’exclame alors l’abbé Rochon, astronome de la Marine royale. D’autres voix s’élèvent en ce 18e sicèle finissant qui voit monter le sentiment anti-esclavagiste. 120 | PLACE PUBLIQUE | NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015

Pour autant, cette lamentable histoire reste largement méconnue. Elle justifie pleinement que la Musée d’histoire de la ville de Nantes lui consacre une exposition, la première après tout sur ce sujet depuis les remarquables Anneaux de la mémoire (19921994) qui marquèrent un tournant dans le rapport de Nantes à son passé négrier. Ce qui a rendu possible une telle exposition, ce sont les missions archéologiques sous-marines et terrestres conduites à Tromelin entre 2006 et 2013 par le Groupe de recherche en archéologie navale (Gran) et l’Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap). Ces travaux ont permis de mieux connaître les conditions de la survie des esclaves abandonnés. Ils justifient qu’après Nantes l’exposition soit présentée notamment au Musée de la Compagnie des Indes (Lorient), au Musée d’Aquitaine (Bordeaux), au Musée basque (Bayonne), mais aussi à La Réunion puis dans les Antilles. Le caractère itinérant de l’exposition a fortement influencé sa scénographie. L’Atelier Pascal Payeur, déjà intervenu au Château pour Miroir, mon beau miroir (2008) et La soie et le canon (2010), a dû concevoir une installation mobile supportant le voyage. Le propos s’énonce en trois temps.

Étranges étrangers

L’histoire, d’abord. Sans disposer de beaucoup d’objets originaux – et pour cause – l’exposition rappelle les faits, donnant à voir une maquette du Dromadaire, un navire construit à Nantes, très semblable à l’Utile ; une Vue du port de Bayonne, de Joseph Vernet ; des fers d’esclaves issus de la collection du Musée d’histoire de Nantes… L’archéologie ensuite. Une coquille de triton a servi de louche. Des restes de l’Utile ont permis de confectionner des haches et des burins. Une maquette donne une idée de l’habitat édifié pour se protéger des tempêtes tropicales : une douzaine de bâtiments en pierre construits autour d’une cour centrale. Au total, 734 objets ont été mis au jour par les chercheurs. Enfin, une troisième séquence, mémorielle, fait écho à l’émotion exprimée par certains contemporains. Elle est prolongée par une exposition de planches originales de la bande dessinée de Sylvain Savoia, Les esclaves oubliés de Tromelin (Aire libre, Dupuis). Le livre retrace le drame mais il est aussi un journal en images des fouilles. Ces trois approches, historique, archéologique, mémorielle, pourront attirer des publics variés. Mais il en est une autre, qui les réunit et les transcende, et qu’on qualifiera, faute de mieux, d’humaine. Comment ces femmes et ces hommes ont-ils tenu pendant quinze ans ? Comment se sont-ils aimés (cet enfant de 8 mois…) ?


EXPOSITIONS | SIGNES DES TEMPS

Vue aérienne de la pointe ouest de l’île Tromelin formée d’une langue de sable constamment modifiée par l’océan. © TAAF / Benoît Gysembergh

Comment se sont-ils gouvernés sans s’entretuer ? Comment ont-ils enterré leurs morts ? Étranges étrangers à nous si lointains dans l’espace, dans le temps, et si proches cependant. n T.G. Tromelin. L’île des esclaves oubliés. Au Musée d’histoire de Nantes, château des ducs de Bretagne. Jusqu’au 30 avril 2016. Ouvert tous les jours de 10 heures à 18 heures. Tarifs variés selon les jours et les formules, de la gratuité à 12 €. Diverses manifestations (conférences, projections de films, animations pour le jeune public, visites guidées…) sont organisées pendant l’exposition (www.chateaunantes.fr).

Cuillères ayant été fabriquées et utilisées par les esclaves naufragés. © DACOI/Jacques Kuyten.

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015 | PLACE PUBLIQUE | 121


SIGNES DES TEMPS | LA CHRONIQUE DE CÉCILE ARNOUX

Les pièces longues, lentes, étirées et instrumentales de Serpentine

ration de Vincent Dupas, lui-même touché par bien des groupes de la troisième ville des États-Unis. Pour contrecarrer le bruit de la ville, et surtout nourris par le lac Michigan qui offre une bouffée d’air aux citadins, Vincent et Evan, sous le nom de Serpentine, vont créer quatre pièces lentes, longues, étirées très empruntes de sons ambients. Alors que le Nantais porte guitare baryton et électrique, basse, tamboa, cloches et field recording (concept d’enregistrement de sons extérieurs ou micro pour enregistrer le monde), Evan s’adonne à la contrebasse, aux claviers et autres cloches. De la superposition de tous ces sons résulte une musique hypnotique, une forme de transe très lente, une série de ritournelles lumineuses et résonnantes. On imagine aisément des décors sonores et visuels, et une attitude qui serait celle d’un promeneur allant de rue en rue en prenant le temps. Largement inspiré par les Américains de Labradford, comparaison qu’il assume totalement, le Nantais s’est risqué à faire tout l’inverse de ce qui le caractérise : une musique instrumentale, des morceaux très longs qui dépassent parfois les 12 minutes, des pièces assez peu rythmées. Il a laissé de côté la mélodie de la musique folk pour aborder et travailler davantage les ambiances et les atmosphères d’une musique plutôt rock, « slowcore », mais plus que çà encore. Ce nouvel essai témoigne de l’intuition et de la verve musicale d’un musicien toujours aussi curieux et zélé. Attention, seules 100 copies de cet album sont mises en vente. n

On parlait déjà sur ces pages en début d’année de My Name is nobody. L’illuminé nantais du folk qui compose des ballades à la fois nostalgiques et heureuses, rajoute un nouvel album à son actif. Et de huit ! Depuis ses débuts, à savoir 2002, Vincent Dupas n’a cessé de multiplier les collaborations et les expériences musicales. Avec plusieurs projets dont les énervés de Fordamage, l’univers plus neurasthénique de Faustine Seilman et depuis peu, le groupe Hawaïan Pistoleros, Les Volleyeurs pour lequel il réarrange des tubes actuels à sa sauce, Vincent Dupas s’est imaginé enregistrer un disque dans une ville qui n’est pas la sienne, Chicago. Parti deux mois pour se laisser transporter par cette cité si bruyante et foisonnante, imaginé au départ comme une intention à mener en solo, il s’est finalement acoquiné avec Evan Hydzik, musicien par ailleurs du groupe Dark Dark Dark, rencontré en France via l’un des musiciens dont la petite amie était assistante américaine à Nantes ! Une affaire de rencontre avec Dark Dark Dark pour lequel Vincent Dupas fera une tournée française, remplaçant au pied levé le bassiste. C’est dire si le langage avec ces Américains est commun. Chicago donc. Ville ô combien vénérée pour sa scène musicale avant tout multiple – folk, country, jazz, contemporaine, expérimentale, post-rock –, cette cité plurielle va nourrir l’inspi-

Summer in the Polar Vortex, My Little Cab Records – http://serpentineinthepolarvortex.bandcamp.com

122 | PLACE PUBLIQUE | NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015

Le trio Sidony Box se fait quartet et s’énerve Créé voilà six ans, Sidony Box est très vite devenu une figure incontournable du jazz ligérien. Porté au tout début par une folle envie de jouer et de mettre beaucoup d’énergie dans leur concert, le groupe sera repéré par les professionnels de la musique, notamment par le réseau de l’Afijma (Association des festivals innovants en jazz et musiques actuelles) qui compte pas moins de 70 adhérents dont des structures européennes. Le trio va, de fait mais pas que, briller en France et en Europe. Parallèlement, le label Yolk sortira le tout premier disque en janvier 2011 sous forme de box, un bien beau coffret noir et blanc. Le noir et le blanc, tiens. Le contraste sied à merveille au groupe. Après maintenant quatre disques, Sidony Box travaille les différences. Son approche du jazz est nouvelle, fait appel aux cultures musicales de chacun des trois membres, guitariste, batteur et saxopho-


LA CHRONIQUE DE CÉCILE ARNOUX | SIGNES DES TEMPS

Les puissantes promesses de Bantam Lyons

niste. Il en résulte une musique hybride, mutante qui s’inscrit dans le jazz autant que dans le rock. Elle n’est pas jouée à trois mais à quatre sur cette nouvelle galette. L’Italien Gianluca Petrella du combo Indigo 4, groupe qui a enregistré deux disques pour le compte du label culte Blue Note, rencontre les trois allumés de Sidony Box lors des Rendez-vous de l’Erdre en 2013. Rencontre fructueuse puisqu’elle a provoqué de nouveaux concerts et cet album qui sort cet automne sur Naïve. « Here comes a new challenger » invite donc le tromboniste qui est tout sauf un challenger. Il est convié à s’énerver et à improviser le temps de six morceaux. Et l’énergie qui caractérise le groupe n’est nullement mise à mal. Elle est bien au contraire décuplée. Outre le fait qu’elle soit plus importante puisqu’incarnée par quatre personnes, elle reste « l’énergie de Sidony Box », même si l’entame « Zèbre », certaines parties de « Sunglasses » ou de « Clementine » marquent des « pauses » ou ralentissent la cadence. La nouveauté et la mutation temporaire vers le quartet a cela d’intéressant qu’elle illumine le couple « saxo-trombone ». Les sonorités s’en trouvent quelque peu modifiées. On a le sentiment que la guitare et la batterie s’adaptent, jouant légèrement différemment, peut-être davantage sur les ambiances à l’image de l’avant-dernier titre de l’album « October » divine figure de style proche de la pop. Ce disque « live » enregistré à la salle Capellia de La Chapelle-sur-Erdre le 21 novembre 2014 est un beau moment de jazz, il lui donne un souffle fort. On imagine ce que devait être le concert… n Here comes a new challenger, Naïve, 2015 – www.sidonybox.com

Brest-Nantes. Le canal ou la RN165, c’est selon. Un chemin quoiqu’il en soit qu’empruntent depuis quelque temps pas mal de jeunes groupes de rock. Slow Sliders, Djokovic, Baston, Bantam Lyons… au point de monter un collectif de groupes du nom de Granada. Rien à voir avec la ville de Grenade, bien entendu, la simple preuve d’un sens aigu de la dérision, et de l’humour partagé par les groupes de ce collectif. Bantam Lyons, un peu plus de deux ans d’existence, serait la tête des têtes, du moins le groupe le plus avancé en termes de notoriété, concerts, disque… Découverte du Printemps de Bourges pour les Pays de la Loire en avril dernier, ce quartet emprunte le patronyme d’un personnage présent dans Ulysse et Dubliners de James Joyce. Après un tout premier « ep » (comprenez « extended play », format court d’un disque) intitulé « I want to be Peter Crouch », en référence à un footballeur anglais, les Bantam Lyons viennent nous mettre l’eau à la bouche avec un nouvel « ep » sorti le 16 octobre sur le tout récent label nantais Kshantu. Annonçant un album pour février prochain, ce disque aux cinq pistes toutes aussi puissantes les unes que les autres pourraient bien vous séduire pour peu que vous vénériez les Canadiens d’Arcade Fire ou les Anglais de Wedding Present. Cinq titres, à peine 23 minutes d’une puissance rare. Puissance première, la voix ! Pouvant tomber dans des abysses mélodiques comme crêter dans des aigus, le spectre vocal du chanteur, associé à des chœurs enjoués et convaincus, porte les chansons, leur confère une force hors pair. Deuxième point fort, la guitare. Tour à tour jouée en arpège ou en rythmique, avec souvent des effets comme de la réverbération, elle mène le bal. Troisième adresse, basse et claviers qui donnent de l’épaisseur aux mélodies, créent des nappes, cadencent aussi parfois ou octroient de la profondeur. Quatrième habileté, la batterie et ses rythmiques diverses et appuyées, tout en finesse même lorsqu’il faut taper dur. Ajoutée à cela un sens de la mélodie bluffant et une puissance sonore maîtrisée, Bantam Lyons dispose de quelques atouts pour pondre des chansons que l’on retient. Chansons qui donnent aussi la chair de poule tant par leur ligne mélodique et harmonique que par l’interprétation fragile, pleine d’émotion et convaincue à la fois. On réécoute ce disque en pensant à l’album que l’on attend. n Bantam Lyons, Kshantu/L’Autre Distribution, 2015 – www.bantamlyons.com En concert le 26 novembre au Pôle étudiant de l’université de Nantes et le 4 décembre aux Rockeurs ont du cœur, Stereolux (Nantes).

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SIGNES DES TEMPS | EXPOSITIONS

La musique sans frontière de Ronan Robert et Simon Mary

si le titre fait apparaître une paronomase, c’est pour mieux résumer le propos et le parti-pris pour le choix des instruments. Ces dits instruments que sont violon, alto, violoncelle, contrebasse et accordéon marquent fortement le propos musical, sous forme de monologues ou de dialogues. Là, le jeu est précis et adroit, chacun trouve sa place, chacun forme un bel ensemble. Comme un film muet présenterait les épisodes d’une série, ou un documentaire exposerait des contrées, ce disque fait défiler 14 saynètes sans voix, qui évoquent (entre autres) tant la Bretagne que la Roumanie, deux terres aux sonorités plus que proches. Les ressemblances sont telles et la fusion si intelligente que l’on ne sait pas toujours où l’on est. Au-delà donc des territoires, il vous faudra vous fixer sur une musique sans frontière et sans rattachement à une contrée. Quai n° 1, quai n° 2, Ma yourte bulgare nous rappellent au bon souvenir des premiers disques de Tiersen quand La fille de Batz nous fait penser à Rachel Grimes. Sans véritable étiquette finalement, À cordes & accordéon est un album gracieux, émouvant, heureux, mélancolique, divin ! n À cordes & accordéon, Coop Breizh, 2015 – www.ronanrobert.com

Derrière ce projet tout récent, Ronan Robert, accordéoniste de renom, qui démarre la musique comme professeur de musique traditionnelle dans les années 70-80. C’est en 1998 qu’il devient musicien professionnel avec le groupe Carré Manchot. Mais, si l’on met en parallèle sa carrière et ce disque, le tournant reste sans nul doute sa rencontre avec l’accordéoniste Richard Galliano autrement dit avec le jazz. Une première approche et envie de mélanges musicaux qui en amènera d’autres, les musiques classiques et traditionnelles lui ouvriront l’esprit au fur et à mesure des rencontres. Voilà donc un parcours qui continue à se construire avec les collaborations. La musique de Ronan Robert n’est pas singulière mais plurielle et c’est bien ce qu’il ressort de ce nouveau projet À cordes & accordéon, projet pour lequel Ronan Robert signe les compositions et le contrebassiste nantais Simon Mary les arrangements. Simon Mary, un nom qui revient régulièrement… Musiques traditionnelles, jazz, chanson, théâtre, conte… Mukta, Philippe Katerine, Didier Squiban, E’Joung Ju, Alexis HK, Mederic Collignon, Miossec, Steve Potts, Daniel Givone, Théâtre Nuit, Simon Nwambeben… tous ont fait appel au talent de Simon Mary. Voilà en bref les pedigrees bien fournis des deux têtes pensantes de ce projet et de cet album, qui ont ceci en commun qu’ils sont portés par le goût de la collaboration et de la curiosité tant humaine que musicale. Revenons au disque. Certes, l’artwork de la pochette évoque clairement l’esprit musette et les années 20, mais ce n’est que pour mieux brouiller les pistes. Et 124 | PLACE PUBLIQUE | NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2015


HOMMAGE| SIGNES DES TEMPS

La disparition de Guy Goureaux, chrétien et militant laïque

Guy Goureaux est mort le 18 octobre à l’âge de 85 ans. Sa trajectoire personnelle est emblématique de celle de ces chrétiens de gauche qui ont joué un rôle important dans les mutations idéologiques et politiques de l’Ouest. Même s’il est, pour l’heure, malaisé de discerner ce que sera leur postérité aussi bien dans l’Église catholique qu’au sein de la gauche française. Né dans le village normand de Mézidon (Calvados), Guy Goureaux suit des études de mathématiques et de physique à Caen et à Paris. Son doctorat de physique en poche, il est l’un des pionniers de la toute jeune université de Nantes où il devient professeur en 1962, puis directeur du département de physique avant, en 1988, d’assurer les fonctions de doyen de la faculté des sciences. À côté de ce cursus académique, Guy Goureaux est un militant. À l’Unef, le syndicat étudiant, en pleine guerre d’Algérie, ainsi qu’à la Jec, la Jeunesse étudiante chrétienne. Ce qui le conduit en

1963, à fonder à Nantes le Cercle Jean XXIII1, du nom du pape qui convoqua le Concile Vatican II. « Le surprenant Jean XXIII »… comme l’a écrit Guy Goureaux dans un article du dossier de Place publique consacré à Mai 68 (n° 9, mai-juin 2008) intitulé « Pour les catholiques, une décennie de révélations ». Ces années-là sont en effet le moment de la radicalisation politique pour nombre de militants catholiques. Dans l’Ouest, bastion religieux et conservateur, l’enjeu est d’importance : la gauche n’a de chance de sortir d’une position structurellement minoritaire que si le champ politique cesse d’être ordonné par les clivages religieux et notamment la fameuse question de l’« enseignement libre ». Lieu de débat, occasion de rencontres entre intellectuels et militants paysans – comme Bernard Lambert – et ouvriers tel Gilbert Declercq, université populaire de théologie… Le Cercle Jean XXIII est tout cela à la fois, simultanément cause et effet du basculement religieux qui affecte l’Ouest. Et comme pour mieux signifier que les temps ont bien changé, Guy Goureaux devient administrateur puis vice-président de la Fédération des amicales laïques de Loire-Atlantique. Ce catholique laïque au pays de la guerre scolaire se permet de signer avec le philosophe Jacques Ricot une Autopsie de l’école catholique (éditions du Cerf, 1975). Tout naturellement, ces engagements se complètent d’un investissement dans le champ proprement politique au moment où le Parti socialiste, refondé en 1972, apparaît comme la force par qui l’alternance peut advenir. En 1976, Guy Goureaux, nouveau candidat PS, obtient un premier mandat de conseiller général en battant le sortant, l’ex-socialiste André Routier-Preuvost, maireadjoint d’André Morice. En 1977, quand Nantes bascule à gauche, il devient adjoint d’Alain Chénard. Quand la droite revient en 1983, il siège dans l’opposition avant, en 1989, de figurer dans l’équipe de Jean-Marc Ayrault. Il siège également au conseil régional de 1977 à 1986. Tous ces mandats ont compté assurément pour Guy Goureaux. Mais quand on lui demandait ce qu’il avait le mieux réussi, une autre réponse lui venait à la bouche : « Avoir entrepris et entretenu pendant plus de dix ans un débat public, engagé, franc, sans compromis entre chrétiens progressistes et marxistes, chrétiens et laïques anticléricaux, catholiques et non-catholiques, et avoir participé à instaurer respect réciproque, amitié et collaboration entre ces militants2. » n T.G. 1. Guy Goureaux, Le Cercle Jean XXIII. Des catholiques en liberté (Nantes, 1963-1980), éditions Khartala, 2004. 2. Jean Amyot d’Inville et Denis Roux, Les têtes de Loire-Atlantique, 1992.

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SIGNES DES TEMPS | LA CHRONIQUE D’ARCHITECTURE DE DOMINIQUE AMOUROUX

Collaborateur de Place publique dès le numéro 2 de la revue, Dominique Amouroux a quitté Nantes. Il livre ici une ultime chronique d’architecture, parcours personnel dans une ville remodelée.

Nantes : reprendre pied sur le site même de son collapsus Mai 2015 : de la gare à la rue Jules-Polo, j’emprunte un itinéraire peu usité. Je remonte les rues Écorchard et Stanislas-Baudry, emprunte la rue Gambetta, traverse en diagonale le cours SaintPierre, longe le quai Ceineray puis le marché de Talensac. Je marche et me questionne : « Que ferais-je visiter à des amis ? ». Ce n’est qu’une façon indirecte de me demander ce qui va constituer ma mémoire personnelle de cette ville qui est mienne depuis le 1er septembre 1999 mais qui jour après jour redevient « votre » ville. Assurément une foule considérable d’images ! Car, au cours de ces deux dernières décennies, Nantes nous a donné à voir comment une ville anesthésiée par un choc industriel majeur peut secouer sa torpeur, reprendre pied sur le site même de son collapsus, cautériser ses plaies, renaître, s’offrir quelques bijoux puis se tonifier, se regonfler d’énergie avant de partir à la conquête de ses marges et diffuser ses ondes créatives au-delà de son propre territoire… En seize années, cette ville veuve de ses chantiers navals, cette cité engoncée dans le refus de sa mémoire, cette métropole frileuse en matière d’architecture, cette ville-centre ignorant la Loire s’est inventée un présent et a constitué le socle utile aux décennies

Le Tripode sur l’ïle Beaulieu dynamité en 2005.

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suivantes. De fait, pendant les années 2000 à 2015 elle a bénéficié des ferments qui lui avaient été massivement injectés entre 1989 et 1999. Nous mésestimons l’énergie déployée par les acteurs de ces évolutions politiques, financières, administratives, territoriales, urbaines et architecturales pour conduire une telle mutation dans un temps aussi resserré. De surcroît, ils l’ont pilotée en restant fidèles à une certaine tempérance locale, ce qui les a protégés de l’exhibition de la nouvelle puissance financière caractéristique de ces années-là. Puis, la tête déjà ailleurs ou atteints par l’âge, la majorité d’entre eux s’est effacée, ce qui a immédiatement mis à nu la difficulté de piloter le développement d’une métropole. « L’architecture ça suffit ! », interjeta Jean-Marc Ayrault courroucé à la poignée de défenseurs du Tripode : édifier la ville contemporaine éprouve les élus bâtisseurs qui se trouvent placés au centre d’un faisceau de contestations venues du public, des professionnels et des financiers.

La grande peur de la nouveauté

Le public rechigne devant la nouveauté. Pour preuve le nouveau palais de justice. Signe de reconquête, objet architectural accompli, manifestation d’une relation culturelle fine avec le savoir du travail du métal dans lequel s’illustrèrent les chantiers, croisement fertile de l’histoire des constructions de la justice et d’une caractéristique de l’architecture classique nantaise, il inaugure le siècle en cristallisant toutes les oppositions. Contre quoi épidermes et pupilles se hérissent-ils alors ? Contre le noir, la rigueur du bâtiment et quelques malfaçons temporaires dont Jean Nouvel est tenu responsable en lieu et place des entreprises. Une majorité de Nantais ne voit pas la relation aux « temples de

Le palais de justice de Jean Nouvel inaugure le siècle en cristallisant les oppositions.


LA CHRONIQUE D’ARCHITECTURE DE DOMINIQUE AMOUROUX | SIGNES DES TEMPS

la justice » classiques, ignore les citations typologiques, récuse cette illustration de la justice sanction, reste aveugle devant cette implacable rigueur qui vacille cependant sur ses bases par le simple jeux d’un reflet et s’effondre dans le vide abyssal que ce dernier ouvre dans le sol. Contestation cette même année 2000, mais mezzo voce, non contre le bâtiment « aux dimensions d’une riche demeure de collectionneur » que réalise Jean-Claude Pondevie mais contre le choix politique d’exiler le FRAC (Fonds régional d’art contemporain) à Carquefou et donc de priver le public nantais d’une possibilité d’accéder aisément à un pan de la culture contemporaine. Contestation, également feutrée et plus tardive, contre la démolition du Tripode, remarquable architecture tertiaire dont on oublie de prévenir l’architecte qui en est l’auteur au mépris de la loi. Ce projet constitue un bel exemple de valorisation foncière municipale masquée sous différentes raisons sanitaires et fonctionnelles puis par une désintégration explosive télévisée. Mais au cours de ces années, la contestation la plus marquante aura été celle conduite contre les projets successifs de modernisation du musée Dobrée par une partie de la population résidant entre le cour Cambronne, le boulevard Guist’hau et les abords de ce musée. Elle mettra en échec l’adroit projet de Dominique Perrault. Elle alimentera également l’opposition à l’édification du Mémorial de l’abolition de l’esclavage au nom de sa détestation des pensées progressistes. Autre manifest ation d’un groupe de pression, celle des commerçants qui décrièrent durement chaque avancée de la piétonisation du centre ville bien que tous les exemples français et européens démontrent l’impulsion apportée aux commerces par ce type d’aménagement.

Profiter de la concurrence parisienne

Paradoxalement, les créateurs, que l’on pense altruistes et généreux savent se montrer poujadistes. Ainsi, à la suite du choix des concepteurs du Mémorial des « artistes » locaux s’insurgèrent contre ce projet confié à des concepteurs non nantais. Cette défense d’un pré carré local n’a pas épargné les architectes lorsque, s’est engagé l’aménagement de l’Île. Les interventions de Dominique Perrault (étude préalable), d’Alexandre Chemetoff (plan d’aménagement), de Jean Nouvel (Palais de justice), de Patrick Bouchain et Loïc Julienne (aménagement du Lieu Unique), de Nicolas Michelin (Habiter les Quais 1) inquiétèrent jusqu’aux meilleurs des architectes locaux qui voyaient dans ces commandes une prise de pouvoir de leurs confrères parisiens. Ils oubliaient alors qu’eux-mêmes tiraient ou tireraient une partie de leurs revenus de concours emportés dans d’autres régions et qu’affronter les meilleurs professionnels stimule les équipes, élève les compétences et donc prépare de futures victoires. D’ailleurs, dix ans plus tard lors de l’inauguration du groupe scolaire Aimé-Césaire, une visite de la presse parisienne, tous titres confondus, attesta que les journalistes avaient mémorisé les réalisations d’architectes nantais comme les plus significatives de l’aménagement de l’Île. Mais la contestation la plus déterminante – bien que la moins publique – est sans doute celle des financeurs. Ils entendent déjouer les règles urbaines et les contraintes architecturales qui ne leur conviennent pas, cherchent à assurer une rentabilité optimale notamment par la densification des opérations, mettent en concurrence les différentes zones d’aménagement développées dans l’agglomération. La différence de hauteur et de masse bâtie

Le Lieu Unique, aménagé par des architectes parisiens : de quoi inquiéter localement.

Le Fonds régional d’art contemporain « exilé » à Carquefou.

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CONTRIBUTIONS

133 JEAN-YVES MARTIN GÉOGRAPHE AFFRES ET MYSTÈRES DU PÉRIURBAIN NANTAIS

140 MARIE-LAURE VIALE HISTORIENNE DE L’ART À LA CITÉ SCOLAIRE DE SAINT-NAZAIRE, LES PREMIERS PAS DU 1 % ARTISTQIUE

147 JÉRÔME DYON JEAN-BERNARD LUGADET MARC LEFEBVRE DOMINIQUE ROMANN L’ÉTOILE FERROVIAIRE NANTAISE PEUT MIEUX FAIRE


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Affres et mystères du périurbain nantais JEAN-YVES MARTIN > GÉOGRAPHE

RÉSUMÉ > « Périurbain» : le mot se veut en vogue et est mis à toutes les sauces, même si les élus des communes qu’il désigne, à la lisière des villes et de leurs banlieues, lui préfèrent “rural” et le bon air qu’il insuffle. Entre Nantes et Saint-Nazaire, le long de la rive nord de l’estuaire, près de 40 % de la population vit dans ces zones parfois délaissées. Visite critique de « l’envers du décor métropolitain ».

Depuis peu, le périurbain s’invite au débat public. Incontournable, lorsqu’il est question de fracture territoriale, de France périphérique, de relégation sociale, de malaise identitaire et/ou culturel, ou de retrait socio-politique sous la forme d’abstention massive et de poussée du vote d’extrême droite. Ainsi placé au centre de préoccupations diverses, il fait davantage l’objet de recherches et de publications académiques de sociologues, de politistes, d’urbanistes et de géographes. Mais, elles restent généralement très techniques et bien trop confidentielles. L’émergence du périurbain ne fait pour autant guère reculer bien des confusions. Elle véhicule toujours nombre de lieux communs et clichés, n’ayant qu’un rapport parfois lointain avec les réalités. De plus, le débat, à peine amorcé, tourne rapidement à la polémique, plus porteuse de récusation en compétence et d’attaques ad hominem1, que signe d’une volonté affirmée d’y voir simplement plus clair. De telle sorte qu’au fond, cette question liminaire reste entièrement posée : de quoi le mot périurbain n’est-il donc qu’avec peine le nom ? Quelques éléments d’analyse, à partir d’une triple

expérience de géographe et d’enseignant, de citoyen résidant depuis plus de trois décennies et d’ex-élu municipal et communautaire. Ce, au cœur d’un triangle délimité au sud par l’estuaire de la Loire, à l’est par la forêt du Gâvre, à l’ouest par la Grande Brière, et au nord par le canal de Nantes à Brest. Soit 21 communes moyennes et petites, appartenant aux communautés de communes de Loire et Sillon, des Pays de Blain et de Pontchâteau-Saint-Gildas des Bois, entre l’urbain dense des deux agglomérations de Nantes et de Saint-Nazaire. Alors que le pourcentage national de population périurbaine est d’environ 20 %, il serait, selon l’Addrn (Agence d’urbanisme de la région nazairienne), de 39,4 % dans le Nord-Loire estuarien2, ce qui ne peut, assurément, que susciter l’attention.

JEAN-YVES MARTIN est docteur en géographie et ancien professeur agrégé au lycée Jacques-Prévert de Savenay (1978-2006). Ex-élu local (La ChapelleLaunay et Communauté de communes de Loire et Sillon) et syndic de Brière (2008-2014), il est membre de la commission du débat « Nantes, la Loire et nous ».

1. Comme le géographe Christophe Guilluy (Fractures françaises, 2010 ; La France périphérique, 2014 chez Flammarion) en a fait récemment les frais, dans la presse nationale (Le Monde, Libération) où de la part d’universitaires qui répugnent visiblement à le considérer comme leur pair. 2 . Addrn, Familles en campagne, la fabrique individuelle de l’étalement urbain, 2015.

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CONTRIBUTION | AFFRES ET MYSTÈRES DU PÉRIURBAIN NANTAIS

Séverac Le Gâvre Saint-Gildas-des-Bois Guenrouët

95 000 23 750

Missillac Saint-Reinede-Bretagne

France 64 406 810

Drefféac

La Chevalleraie

Sainte-Anne

Pontchâteau

Campbon Bouvron

Crossac

La Chapelle-Launay

Savenay

Prinquiau

Saint-Nazaire

Blain

Quilly

Paimboeuf

Malville

Bouée

Lavau-sur-Loire

Nantes

Entre Nantes et Saint-Nazaire, sur la rive nord de l’estuaire, le « périurbain » compte 21 communes petites et moyennes appartenant à trois communautés de communes.

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AFFRES ET MYSTÈRES DU PÉRIURBAIN NANTAIS | CONTRIBUTIONS

Donnons à cette trop brève incursion de géographie critique dans le vert labyrinthe du périurbain nantais la forme d’une mini-série en trois épisodes3. D’abord, pour tenter d’extraire le périurbain de son carton d’« affaire classée » dans le rural. Pour souligner, ensuite, que « sous le dôme » – ou le dogme – du développement durable, règne le syndrome Nimby – de l’anglais Not in my back yard, littéralement « Pas dans mon arrière-cour », qualifie souvent l’opposition de résidents à un projet d’infrastructures. Et décrire, enfin, ce qui se masque si soigneusement derrière le mot de gouvernance : la « mort en marche » d’une démocratie intercommunale zombie.

Épisode 1/3 : Périurbain, un dossier froid au feu des polémiques

Ce dossier encore froid est loin d’être une affaire définitivement classée. S’il se réchauffe au feu des polémiques, le terme même de « périurbain » reste étrangement méconnu ou écarté dans l’espace concerné. Ses habitants eux-mêmes l’ignorent et les élus du cru lui préfèrent, s’agissant de leurs petites et moyennes communes – que ce soit dans l’édito de leur bulletin municipal mensuel, ou leur discours annuel des vœux – celui de « rural », plus traditionnel et, estiment-ils, plus valorisant. Mais qui présente cependant l’inconvénient assumé d’entretenir une confusion inextricable entre agriculture, verdure et nature, déniant toute dimension véritablement urbaine à l’étalement métropolitain. Façon aussi, de rejeter, en bloc, le soupçon infamant qu’elles soient des « communes dortoirs », ce qui mériterait pourtant d’être examiné de plus près. Dans la presse nationale – la presse locale l’ignorant tout autant – les rares articles à son propos sont immanquablement illustrés, soit par une photo de la proche banlieue pavillonnaire de l’entre-deux guerres, soit par celle d’un lotissement récent de la troisième couronne de l’agglomération parisienne. À croire que le périurbain commencerait juste au-delà du périph’ parisien. Les deux titres monopolistiques de la presse locale, en dépit de leur proximité tant proclamée, ne le traitent guère mieux. En fait, tel qu’il est vu, d’assez loin, par ses rédactions urbaines : sans rubrique attitrée, et laissé, non sans conséquences, aux bons soins aléatoires des

seuls correspondants locaux de presse. Autre incidence plutôt fâcheuse : du fait du découpage géographique des éditions, on n’y sait quasiment rien, par la presse, de ce qui se passe dans la métropole nantaise. Le périurbain constitue pourtant la troisième dimension de la ville à trois vitesses4, après les « quartiers » en banlieue des grandes villes et ceux de la gentrification des centres métropolitains. Sa définition par l’Insee – à base de statistiques démographiques et de mobilité – est incompréhensible pour le commun des mortels, et, de fait, totalement inopérante. Elle nécessiterait d’être révisée, avec comme piste : le périurbain en tant que face cachée de la métropolisation, envers du décor métropolitain. Il paraît alors opportun de revenir aux fondamentaux du triptyque d’Henri Lefebvre5, définissant trois « espèces d’espaces », ou plutôt trois types de représentations de l’espace. Car le périurbain ne s’inscrit pas seulement dans l’espace conçu des agences d’urbanisme, grandes et moyennes entreprises du secteur aménagement et BTP, entrepreneurs, promoteurs et agents immobiliers, bailleurs sociaux, bureaux d’études, technostructures territoriales et services techniques à tous niveaux (État, Région, Département, collectivités)… Ni ne se réduit non plus à l’espace perçu, imaginé et exprimé dans les représentations socio-culturelles – y compris à travers certains clichés que nous venons d’évoquer. Il est, avant tout, l’espace vécu au quotidien par ses résidents, non seulement les familles jeunes avec enfants récemment installées dans l’urbain diffus6, mais les « natifs » plus anciens enracinés de longue date, depuis plusieurs générations, dans les centres plus denses des petites villes et des bourgs. Une fabrique complexe de sa diversité sociale et générationnelle, avec une mixité in situ, marquée surtout ici par la sur-représentation des classes populaires (ouvriers et employés) et la sous-représentation des classes dites « intellectuelles supérieures ». Pour autant, le périurbain ne mérite 3. Adoptant, successivement, les titres de trois séries télévisées : Cold case, Under the dome, Walking dead. 4 . Jacques Donzelot, La ville à trois vitesses, Éditions de la Villette, 2009. 5. Henri Lefebvre (1901-1991), La production de l’espace, Anthropos, 1974, réédition 1986. 6. Addrn, op. cité, 2015.

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« Les architectes, sans rien imposer à l’artiste, souhaiteraient une composition largement traitée, les taches de couleurs ayant plus d’importance que le dessin. Ils suggèrent également que l’artiste pourra utiliser une valeur importante en étudiant des ajours dans le voile, ces ajours prennent la valeur d’une œuvre sculptée dont le rythme complétera celui de la surface colorée. Il reste bien entendu qu’il s’agit, avant tout, d’une œuvre de plein air accompagnant l’architecture, et non pas d’un tableau accroché sur un mur. » (Extrait d’un courrier de l’architecte Charles Le Maresquier au peintre Nicolas Untersteller. Fonds Baizeau, Construction de la cité scolaire Aristide-Briand, Archives municipales de Saint-Nazaire)


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À la Cité scolaire de Saint-Nazaire, les premiers pas du 1 % artistique MARIE-LAURE VIALE > HISTORIENNE DE L’ART

RÉSUMÉ > Les balbutiements du 1 % artistique après-guerre sont passés par la Cité scolaire de Saint-Nazaire. Elle abrite encore quatre des cinq œuvres commandées à des artistes entre 1953 et 1970. Et témoigne ainsi des idéologies croisées de l’art, de l’architecture et de l’éducation.

La destruction de Saint-Nazaire en 1943 et la nomination de Noël Le Maresquier comme architecte en chef de sa reconstruction entraînent une redéfinition urbaine de la ville. Un de ses projets importants consiste à remblayer un marais central et à concevoir à sa place un complexe exceptionnel de parcs sportif et paysager avec, à sa frontière est, une cité scolaire. C’est dans ce dessein idéologique – une éducation démocratique dans un cadre hygiénique – qu’un programme d’œuvres d’art conçues au titre du 1 % est conduit. Son analyse révèle un réseau d’acteurs sur le terrain : François Blancho, maire et ancien secrétaire d’État du gouvernement du Front populaire, Noël Le Maresquier1 et Charles Lemaresquier, architectes, père et fils, enseignants en architecture et patrons d’un atelier à l’École nationale supérieure des Beaux-arts (ENSBA) et le peintre Nicolas Untersteller, directeur de l’ENSBA. Tandis qu’à Paris, Jacques Jaujard, directeur général des Arts et des Lettres, refond le projet du 1 % et le porte jusqu’à la signature de l’arrêté en 1951. Les liens qui unissent ces différents acteurs, impliqués à Saint-Nazaire et à Paris, révèlent leur ambition commune de former des équipes mixtes, d’architectes et

d’artistes, parmi les élèves de l’ENSBA grâce à la réforme du concours d’Art monumental par Untersteller en vue de répondre aux milliers2 de commandes 1 % qui s’annoncent.

Le 1 % en gestation depuis 1936

La crise de 1929 engendre la création d’organisations professionnelles puissantes3 dont la Confédération des travailleurs intellectuels et le Syndicat national des sculpteurs statuaires. Ils obtiennent de l’État un texte assurant aux artistes un minimum de travail dans un cadre éducatif. L’idée de consacrer un crédit spécial pour la réalisation de décorations monumentales dans les grandes constructions de l’État fait l’objet d’un projet proposé par Jean Zay en 1936. Son objectif est de confier la décoration des immeubles de l’instruction publique et des bâtiments civils à des artistes en chô-

Formée à l’École des Beaux-arts de Nantes et à l’université de Rennes 2, MARIE-LAURE VIALE a réalisé plusieurs inventaires d’œuvres du « 1 % artistique » dans les lycées des Pays de la Loire et à SaintNazaire. Doctorante en histoire de l’art et de l’architecture, elle en a fait son sujet de thèse étudiant la mise en place du 1 % en 1951 dans les établissements scolaires. Elle est soutenue par le Grand Café, centre d’art contemporain de SaintNazaire et y a présenté son travail lors des Journées européennes du patrimoine en septembre.

1. Noël Le Maresquier a modifié son nom de famille, le scindant en deux. 2. L’inventaire des œuvres 1 % réalisé en 2011 dénombre 12 500 pièces. 3. Alain Chatriot, La Lutte contre « le chômage intellectuel » : l’action de la Confédération des travailleurs intellectuels (CTI) face à la crise des années 30, Le Mouvement Social, n° 214, 2006.

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INITIATIVES URBAINES

154 Marc Dumont Projets urbains


INITIATIVES URBAINES

Des tours pleines d’idées

PROJETS URBAINS > MARC DUMONT MARC DUMONT est professeur en urbanisme et aménagement de l’espace à l’Université Lille I Sciences et technologies. Il est membre du comité de rédaction de Place Publique Rennes/Saint-Malo. À travers ces projets urbains d’ici et d’ailleurs, il partage sa veille des innovations insolites, surprenantes et toujours instructives de la manière de faire la ville.

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En Seine-Saint-Denis, une expérimentation de l’immobilière 3F vaut le détour. C’est à l’Île Saint-Denis, sur une tour de 14 étages de 80 logements, que le groupe immobilier a déployé un mur entier de cellules photovoltaïques, sur 250 m² et de manière presque invisible. Grâce à une production avoisinant les 20 000 kW/h annuels, l’immeuble fonctionne désormais en autoconsommation, mais seulement pour toutes ses parties communes. La puissance relative des capteurs de ce « gratte-soleil » limite donc en partie l’intérêt du recours à cette technologie. Elle présente cependant l’avantage de créer des emplois locaux et d’engager une démarche plus soutenue d’inversion de tendance dans le bâtiment, secteur fortement générateur de gaz à effet de serre. Lyon, ville fluviale, inaugure de son côté une intéressante résidence fabriquée à partir de conteneurs maritimes. L’association Habitat et Humanisme est à l’initiative de ce programme de logement sociaux peu coûteux et construits en moins de six mois. Les nouveaux logements accueillent des familles monoparentales et des personnes en réinsertion, un bonheur pour plusieurs d’entre elles que de pouvoir enfin disposer d’un logement plutôt que vivre en foyer. Toujours dans l’habitat, Bordeaux prend de la hauteur avec une foule de petits gratte-ciel en prévision. La tour In Nova doit être construite d’ici un an et demi dans le quartier en pleine effervescence de la gare Saint-Jean et sera l’une des plus hautes de la ville après celle de la cité administrative. Suivra la réalisation d’une tour en bois de 17 étages dont l’appel à projet vient d’être lancé par la structure en charge de l’aménagement du périmètre Euratlantique, puis, rue Saget, d’une tour réalisée par Jacques Ferrier, et encore une autre sur les Bassins à flot.


INITIATIVES URBAINES

Au travail, les habitants ! Les financements participatifs ont le vent en poupe, mais on se demande parfois s’ils ne viennent pas excessivement pallier les déficiences de l’intervention publique, comme à Lassalle dans les Cévennes. Les habitants de cette petite commune se sont récemment mobilisés pour conserver leur unique – et vitale – station-service, menacée de fermeture à cause des contraintes de mise aux normes environnementales dont le coût ne pouvait être supporté par son propriétaire gérant. Sur place, tout le monde s’est activé : un promoteur immobilier a créé avec un groupe de commerçants une sarl ouvrant son capital aux habitants et collecté les premiers fonds. Un prêt viendra compléter la somme nécessaire pour les travaux, c’est le prix à payer pour le maintien de cette station qui est aussi un vrai lieu de vie… Démarche différente à Grande-Synthe (Nord), où les habitants sont encouragés, après un premier pas de la mairie, à faire de la ville un immense potager. La collectivité, fière de son titre de « ville zéro phyto », a prêté outils, scies et gants, et mis à disposition des habitants tous les plans nécessaires. En s’appuyant sur les sept maisons de quartier, elle incite tous ses habitants à décorer les jardinières, planter pour que d’autres récoltent, à partager leurs savoirs et investir les lieux de récupération des eaux pluviales ou de compostage pour les bricoler à leur manière.

Agriculture urbaine : les idées fusent Des formes de cultures très originales se développent en ce moment en milieu urbain où, par exemple, l’apiculture devient une véritable niche pour start-up en herbe. Ainsi, après Urban Farm au Luxembourg, en Suisse, dans le canton de Vaud et à Genève, deux petites sociétés (Bees4You et CitizenBees)

ont contacté de grands groupes comme Migros (équivalent du groupe Auchan en France) pour les convaincre d’implanter des ruches sur les toits de leurs centres commerciaux ou de grands locaux d’entreprises situées en zones suburbaines. Les résultats sont éloquents, avec près de 600 kg de miel récoltés sur la période estivale. Plus étonnant encore est la composition de ces ruches, bardées de capteurs en tous genres qui permettent un suivi en temps direct de leur production, sur un ordinateur connecté à Internet. Et les salariés, pendant leur pause, peuvent observer des ruches situées sur leurs terrasses à l’extérieur. L’apiculture urbaine est, certes, ludique, mais pas anecdotique : le rôle des abeilles est important pour l’équilibre des écosystèmes. Mieux ! Elles filtrent parfaitement toutes les pollutions pourtant largement récoltées par les fleurs. La nature, toujours plus technique, c’est aussi celle que proposent ces étranges cultures produites en aéroponie, dans les fermes Aerofarms, en proche banlieue de New York. Ici, tout pousse sans lumière et… sans terre ! Le principe est simple : des tissus imperméables sont couverts de graines qui germent et se développent sous l’effet d’éclairages LED et d’une brume d’eau et d’engrais bio. Chaque semis et récolte viennent nourrir une gigantesque base de données électronique gérée par l’équipe de nouveaux agriculteurs composés d’horticulteurs, d’informaticiens, d’ingénieurs ès-LED ! Une source de big data qui permet de régler toujours plus finement l’alimentation en nutriments et en oxygène des plants. Plus de 200 variétés de légumes verts sont produites (épinards, choux, salades…) dans ces incroyables fermes hightech qui se déploient dans d’anciens sites industriels comme dans l’ancienne usine d’acier de Newark. Les débouchés sont prometteurs, spécialement pour les zones urbaines menacées à terme par la sécheresse.

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INITIATIVES URBAINES

De grands projets sous contrainte financière

Bouger en ville, un vrai challenge

La crise est partout, les collectivités territoriales n’ont plus un sou. Qu’à cela ne tienne, de plus en plus de villes cherchent des solutions pour maintenir leurs projets urbains, ou faire mieux avec moins. À Nice, la requalification complète de la promenade des Anglais vient d’être lancée après son inscription au patrimoine de l’Unesco. Au programme : pistes cyclables, refonte de l’éclairage urbain, nouveaux palmiers… Voilà qui devrait donner une nouvelle touche à ce front de mer vieillissant, avec une programmation en tranches successives plutôt que d’un seul tenant, pour des raisons économiques. Un projet au final fort différent ce que laissaient entrevoir les visions pharaoniques des signatures prestigieuses ayant répondu aux appels à idées lancées par l’agglomération et la ville (Michel Corajoud, Zaha Hadid…). Marseille lance aussi la première phase du réaménagement de la partie du Vieux Port destinée à être réservée aux piétons : les quais y seront libérés de leurs barrières pour permettre un large usage de l’espace par les passants et visiteurs, dégagés aussi d’une partie des activités nautiques. Mais certaines réalisations passent à la trappe comme le glacis, petit échangeur routier couvert permettant d’accéder aux voies de carénage, et qui avait été imaginé par l’architecte Norman Foster. Toujours au Sud, Nîmes s’était engagée depuis quelques mois dans un vaste débat sur le financement du transport public, visant à trouver des idées permettant d’économiser tout en ne réduisant pas l’offre de transport. Les solutions qui ressortent de ces états généraux sont connues : augmentation des tarifs de manière « raisonnée », suppression de la gratuité au profit de tarifs dits solidaires (Lille vient de faire de même), mais aussi donner la priorité des investissements aux axes les plus fréquentés, en élargissant également sur ces segments les horaires de desserte ou encore… encourager davantage la marche ! Le compte est bon, mais les usagers s’y retrouvent-ils vraiment ?

Comment mieux se déplacer ? Après la mise en œuvre de sites Internet et calculateurs en tous genres, pas nécessairement très utilisés, la tendance semble plutôt à l’heure des « challenges ». En Nord-Pas-de-Calais, par exemple, dont les réseaux routiers sont saturés aux heures de pointe et où les habitants parcourent en moyenne 30 kilomètres par jour pour aller et revenir de travailler, l’Ademe (Agende l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la Région et la Chambre de commerce ont mis en place sur une courte période un concours incitant les salariés à venir autrement qu’en voiture sur leur lieu de travail. Des référents mobilités à leur accueil vérifient les moyens utilisés. Treize prix récompensaient les plus ingénieux et multimodaux d’entre eux ! D’autres challenges similaires ont été lancés comme celui du maximum de kilomètres parcourus à vélo en libre-service, à Paris et à Lille où, muni de son mobile, il suffisait de cliquer sur les QR Codes implantés en différents lieux de la métropole et d’accumuler le maximum de kilomètres pour partager ensuite son record sur Facebook. L’idée est originale et anticipe le passage progressif aux plans de mobilité rendus obligatoires pour les entreprises de plus de 250 salariés depuis la loi sur la croissance verte votée cet été. Changer les mobilités passe aussi par de petites mesures, mais redoutablement efficaces. Paris vient ainsi enfin de généraliser le « cédez-le-passage cycliste au feu rouge » dans la plupart de ses arrondissements – mesure notable pour rendre plus fluide l’expérience cycliste dans la capitale –, et l’agglomération de Grenoble se distingue avec la généralisation des zones 30 km/h. Cette étonnante mesure voit se réduire la vitesse automobile sur l’ensemble du territoire de 43 de ses 49 communes, à l’exception de quelques grands axes maintenus à 50 km/h. n

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Vient de paraître

Plus d’un Terrien sur deux vit désormais en ville. D’où un impérieux besoin de nature que partagent les citadins un peu partout dans le monde. L’histoire et la géographie de Nantes en font un terreau fertile pour qu’y prospère ce désir de nature. Mais la présence de la nature dans la ville est bien loin de se cantonner aux parcs et aux jardins. Elle imprime de nouveaux modèles d’urbanisme, renouvelle l’architecture, crée des métiers inédits, contribue à limiter le réchauffement climatique, donne droit de cité aux animaux sauvages, crée du lien social et des activités partagées… Si bien que nous passons d’un modèle à un autre. Ville aux cent jardins, Nantes est peut-être en train de devenir une ville dans un jardin. Ce hors-série de la revue Place publique a été réalisé avec le concours intellectuel et financier de l’Auran, l’Agence d’urbanisme de la région nantaise, qui a mené de nombreuses études sur la question de la nature en ville. Il a été rédigé par Thierry Guidet, journaliste et fondateur de Place publique. Place publique / Agence d’urbanisme de la région nantaise En vente en kioque et en librairie au prix de 5 €


L’AGENDA

QUESTIONS PUBLIQUES MARTIN VANIER : POUVOIR DES TERRITOIRES CONTRE PUISSANCE DES RÉSEAUX Le géographe Martin Vanier nous propose avec son dernier ouvrage Demain les Territoires. Capitalisme réticulaire et espace politique (éditions Hermann, 2015) une relecture du modèle qui marque trente années de décentralisation française et qui s’épuise, celui des territoires. Les réseaux, privés comme publics, dopés par le numérique, prennent le pouvoir et relèguent ces territoires dans les marges. Tout l’enjeu est de les sortir de ce mauvais pas pour les renouveler. Ce qui ne peut passer que par une alliance avec les réseaux. > Mercredi 30 novembre à 18 heures, au CCO, tour Bretagne, à Nantes. Entrée libre Questions publiques est un cycle de rencontres co-organisées par le Conseil de développement de Nantes Métropole, le CCO et Place publique.

POÉSIE ET ÉCOLOGIE AU LIEU UNIQUE La 21e Conférence des parties de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, plus connue sous son acronyme de COP21, inspire la Maison de la Poésie de Nantes : elle en profite pour s’interroger sur les liens entre conscience environnementale et esthétique littéraire, avec des lectures, conférences, entretiens et lectureconcert au Lieu Unique autour de de l’habitat, la ruralité, le paysage, l’agriculture… Des interventions assurées par Augustin Berque (orientaliste et philosophe), Jean-Christophe Bailly (auteur), Michel Deguy (poète, essayiste), Benoît Vincent (auteur, botaniste), Emmanuelle Pireyre (auteure) & Toog (musicien), Jean-Claude Pinson (auteur associé à l’événement), Olivier Domerg (poète) et David Christoffel (auteur, artiste sonore). L’ambition de cette journée : « Nous voudrions demander si la poésie, comprise en son sens le plus large, est en mesure de fournir aujourd’hui quelques-uns des linéaments d’une sagesse nouvelle ». > Samedi 28 novembre de 10 heures à minuit, au Lieu Unique. Entrée : 5 € (tarif plein), 3 € (étudiants et demandeurs d’emploi), gratuit pour les abonnés. Programme détaillé sur www.maisondelapoesie-nantes.com

LE COURS DE NANTES HISTOIRE Le cours public de l’association Nantes Histoire a repris et consacre son cycle de conférences pour cette saison 2015-2016 à un thème plus que jamais d’actualité : « Hommes et migrations : des mouvements au cœur de l’histoire ». Les prochains rendez-vous : > 9 novembre : « L’expansion arabo-musulmane en Méditerranée occidentale » avec Christine Mazzoli-Guintard, maître de conférences d’histoire médiévale à l’université de Nantes. > 16 novembre : « Les Latins en Méditerranée orientale au Moyen-Âge (11e-15e siècle) » avec Michel Balard, professeur émérite d’histoire médiévale de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. > 23 novembre : « Sortir du royaume : récits de fuite des protestants des provinces atlantiques françaises au 12e siècle » avec Didier Poton, professeur d’histoire moderne à l’université de La Rochelle. > 30 novembre : « Les traites négrières, une migration comme les autres ? » avec Didier Guyvarc’h, maître de conférences d’histoire contemporaine à l’université de Rennes 2. > 7 décembre : « 70 millions d’Irlandais dans le monde ? » avec Jean Guiffan, professeur honoraire d’histoire (khâgne) au lycée Clemenceau à Nantes. > 14 décembre : « L’engagisme a La Réunion et dans l’Océan indien au 19e siècle » avec Virginie Chaillou-Atrous, docteur en histoire contemporaine de l’université de Nantes. > 4 janvier 2016 : « Émigration des Européens aux États-Unis, de la Révolution au 19e siècle » avec Mathilde Larrère, maître de conférences d’histoire contemporaine à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée. Chaque lundi à 18 h 15 précises, salle Bretagne, 23, rue Villebois-Mareuil à Nantes. L’adhésion annuelle à l’association (15 €) donne l’accès gratuit au cours. Hors adhésion : 3 € chaque séance, gratuit pour les étudiants de moins de 25 ans. Le programme du cours et des activités est disponible sur www.nantes-histoire.org

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LA 23e FÊTE DE TISSÉ MÉTISSÉ Des têtes d’affiche avec Magic System, les quatre amis d’enfance d’Abidjan, HK & Les Saltimbanks qui franchissent toutes les frontières musicales ou encore la pop étonnante de Liz Cherhal, mais aussi des coups de cœur (Minuit, Inüit…) et des artistes locaux pour la 23e édition de la fête de Tissé Métissé à la Cité des congrès. Sans oublier les débats, les rencontres et les expositions autour de thématiques comme les discriminations dans l’accès aux stages, les jeunes et la politique, un retour sur les attentats de janvier et l’après-Charlie...

LES RENCONTRES LITTÉRAIRES MEETING À SAINT-NAZAIRE

> Samedi 28 novembre de 16 heures à 1 heure à la Cité des congrès de Nantes. Tarifs : de 16 € (tarif plein) à 8 € (demandeurs d’emploi et carte blanche) sur réservation, gratuit pour les enfants de moins de 6 ans. Renseignements : www.tisse-metisse.org, tél. 02 51 84 25 80.

37 PRISE POUR LE FESTIVAL DES 3 CONTINENTS e

Géant du cinéma sud-coréen, avec plus de 100 films à son actif – dont Ivre de femmes et de peinture, Prix de la mise en scène à Cannes en 2002 –, le réalisateur Im Kwon-Taek est l’invité d’honneur de la 37e édition du Festival des 3 continents. Vingt-cinq de ses films, dont de nombreux inédits, seront diffusés et le réalisateur assurera une master class. Les 3 continents programment également une sélection de films « Figures de l’adolescence » (Argentine, Guinée, Japon, Allemagne…) et se souviennent que dans quelques semaines, début janvier, ce sera le cinquantième anniversaire de la conférence tricontinentale de solidarité avec les peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine qui se déroulait à Cuba. L’occasion de revisiter les rapports du cinéma avec la politique, les utopies...

Après « Dire la vie » en 2014, la 13e édition des rencontres littéraires internationales Meeting s’attache au T de la MeeT, la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs de Saint-Nazaire en invitant à « Traduire la vie ». Parmi les auteurs et traducteurs qui se retrouvent dans l’alvéole n°14 de la base sous-marine, Antoine Volodine, la journaliste Florence Aubenas, André Markowicz (qui a traduit l’intégralité de l’œuvre romanesque de Dostoïevski), Françoise Morvan, Lyonel Trouillot, figure de proue de la vie littéraire haïtienne, et bien d’autres. Comme chaque année, la revue bilingue de la Meet convoque également deux villes, Séoul et Port-au-Prince, avec des textes originaux. > Du jeudi 19 au dimanche 22 novembre au LIFE dans l’ancienne base sous-marine de Saint-Nazaire. Entrée libre. Après Saint-Nazaire, le programme de Meeting se poursuit du 23 au 27 novembre à Paris et en Ile-de-France, à consulter sur www.meetingsaintnazaire.com

> Du mardi 24 novembre au mardi 1er décembre dans plusieurs salles à Nantes et dans la métropole, ainsi que dans plusieurs communes de Loire-Atantique. Programme détaillé sur www.3continents.com

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PROCHAIN NUMÉRO

PLACE PUBLIQUE # 55 PARUTION LE 9 JANVIER 2016 DOSSIER

Nantes, la gare redessinée

En quinze ans, la fréquentation de la gare de Nantes doit doubler : de 11,6 millions d’usagers aujourd’hui, elle devrait donc passer à plus de 23 millions en 2030. Régulièrement saturée, vieillissante, elle entame sa mutation cette année. Un chantier programmé pour s’achever en 2019. L’aspect le plus spectaculaire de ces travaux tient dans la réalisation d’une passerelle de béton et de verre, jetée à 10 mètres au-dessus des voies, reliant les gares nord et sud. Elle a été confiée à l’architecte Rudy Ricciotti, celui du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille. Au-delà de cette seule rénovation, ce sont aussi des quartiers qui bougent à la faveur des travaux, au nord comme au sud, en imaginant la gare comme point de départ d’une promenade conduisant jusqu’à la Loire. Place publique regardera comment ailleurs, à Rennes, en Europe et sur d’autres continents, les gares s’insèrent dans des paysages urbains redessinés. Nous monterons également dans le train Nantes-Pornic en compagnie d’une sociologue. Et nous irons encore voir du côté de Saint-Nazaire, là où la gare « historique », celle qui menait aux paquebots, a été reconvertie en théâtre. Sans oublier la gare actuelle, qui attend ses travaux de modernisation.

D’ici là, suivez l’actualité de Place publique sur Twitter et sur Facebook @revPlacePubliqu

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Place Publique

6 numéros 50 €

HORIZON 2023-2025 LE PROJET DU QUARTIER DE LA SANTÉ SUR L’ÎLE DE NANTES

www.revue-placepublique.fr

LA REVUE URBAINE NANTES / SAINT-NAZAIRE

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HANGAR 32 épuisé

DU 3 JUILLET AU 17 DÉCEMBRE 2015

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Du 3 juillet au 30 août, tous les jours de 14h à 19h Du 1 septembre au 17 décembre, du vendredi au dimanche de 14h à 18h er

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#54 Nov. Déc.

Place Publique

2015

Place #54 Publique

De quoi Nantes est-elle la capitale ?

NANTES/SAINT-NAZAIRE

p. 90 LE CAFARD D’UN NANTAIS DANS LA GRANDE GUERRE p. 133 ENTRE NANTES ET SAINT-NAZAIRE, AFFRES ET MYSTÈRES DU PÉRIURBAIN p. 138 LA CITÉ SCOLAIRE DE SAINT-NAZAIRE ET SES ŒUVRES D’ART

9 782848 092515

LA REVUE URBAINE | Novembre-Décembre 2015

DOSSIER | P. 5 | AVANT LES ÉLECTIONS RÉGIONALES, LA PLACE DE LA MÉTROPOLE QUESTIONNÉE

De quoi Nantes est-elle la capitale ?

PATRIMOINE | P. 90 | UN « SELFIE » CENTENAIRE ET DES IMAGES DU DÉPARTEMENT À LA FIN DU 19e SIÈCLE

Adolphe Moitié, le maire photographe 10E


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