Barré Lambot 30 ans d'architecture

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BARRÉ LAMBOT ARCHITECTURE

Une extraordinaire architecture – de l’ordinaire. Un art de la fonctionnalité aimable – ou de l’habitabilité heureuse. Une tradition de la modernité – à moins qu’il ne s’agisse (et ce serait plus fort) d’une modernité de la tradition. Voici quelques formules qui me viennent à l’esprit pour évoquer le travail d’Agnès Lambot et Philippe Barré. Un travail d’architectes s’il en est, qui loin de se cantonner à l’architecture du bâtiment, repose sur l’exigence inlassable de requalifier l’environnement immédiat, de s’effacer dans le milieu urbain, pour finalement faire paysage – métropolitain. C’est qu’ils font depuis longtemps partie du paysage nantais… Voyez plutôt. Que regardent-ils en bord de Loire ? Quatre immeubles – ordinaires pourrait-on dire… Et pourtant… Lequel est le leur ? Cherchez l’erreur. Vous tournez alors le regard au dos de l’ouvrage. Et vient un indice. Un deuxième, qui ressemble un peu à l’un d’entre eux. Mais non, les balcons sont filants. Si ce n’est lui, c’est donc son frère. Retour à la première de couverture. Ce sont bien eux les deux frères, discrets, d’une même architecture. Vous ne l’aviez pas remarqué ? L’immeuble est discret en un premier sens : celui de l’inaperçu, de la réserve, ou de la politesse, ici faite à trois autres protagonistes (logements, CHU, faculté). Et pourtant… Il se distingue clairement à qui veut bien l’observer, le voici discret en un second sens, presque mathématique : celui de la discontinuité, de la différence et de la distinction. Mais qui sont ces deux personnes qui paisiblement tournent le dos à l’Île de Nantes, à l’école d’architecture et à tant de bâtiments brillants récemment construits ? Ce sont eux assurément, Philippe et Agnès et qui semblent crier à la cantonade ou la postérité : « L’architecture sera discrète ou ne sera pas ! »

Pascal Amphoux Enseignant à l’Ensa Nantes

JOCA SERIA ISBN 978-2-84809-314-7

Photo de couverture © Philippe Ruault

9 782848 093147

29,90 €

Projeter signifie s’insérer inévitablement dans une expérience vivante en se mesurant directement à elle sans aucun alibi. Gorgio Grassi L’architecte comme métier et autres écrits, Éditions Pierre Mardaga, 1983. — Agnès Lambot Architecte D.P.L.G Née le 18 mars 1962. Diplômée de l’école d’architecture de Nantes le 7 mars 1988.
 Architecte conseil de l’État depuis 2008. — Philippe Barré Architecte D.P.L.G. Né le 3 avril 1962. Diplômé de l’école d’architecture de Nantes le 7 mars 1988.
 Vice-Président de l’Ordre des Architectes des Pays de la Loire depuis 2013. Enseignant à l’Ensa de Bretagne 1998 – 2003 et à l’Ensa de Nantes depuis 2013. L’agence BARRÉ LAMBOT a été créée par Agnès Lambot et Philippe Barré en 1989 à Nantes.


BARRÉ LAMBOT ARCHITECTURE

Une extraordinaire architecture – de l’ordinaire. Un art de la fonctionnalité aimable – ou de l’habitabilité heureuse. Une tradition de la modernité – à moins qu’il ne s’agisse (et ce serait plus fort) d’une modernité de la tradition. Voici quelques formules qui me viennent à l’esprit pour évoquer le travail d’Agnès Lambot et Philippe Barré. Un travail d’architectes s’il en est, qui loin de se cantonner à l’architecture du bâtiment, repose sur l’exigence inlassable de requalifier l’environnement immédiat, de s’effacer dans le milieu urbain, pour finalement faire paysage – métropolitain. C’est qu’ils font depuis longtemps partie du paysage nantais… Voyez plutôt. Que regardent-ils en bord de Loire ? Quatre immeubles – ordinaires pourrait-on dire… Et pourtant… Lequel est le leur ? Cherchez l’erreur. Vous tournez alors le regard au dos de l’ouvrage. Et vient un indice. Un deuxième, qui ressemble un peu à l’un d’entre eux. Mais non, les balcons sont filants. Si ce n’est lui, c’est donc son frère. Retour à la première de couverture. Ce sont bien eux les deux frères, discrets, d’une même architecture. Vous ne l’aviez pas remarqué ? L’immeuble est discret en un premier sens : celui de l’inaperçu, de la réserve, ou de la politesse, ici faite à trois autres protagonistes (logements, CHU, faculté). Et pourtant… Il se distingue clairement à qui veut bien l’observer, le voici discret en un second sens, presque mathématique : celui de la discontinuité, de la différence et de la distinction. Mais qui sont ces deux personnes qui paisiblement tournent le dos à l’Île de Nantes, à l’école d’architecture et à tant de bâtiments brillants récemment construits ? Ce sont eux assurément, Philippe et Agnès et qui semblent crier à la cantonade ou la postérité : « L’architecture sera discrète ou ne sera pas ! » Pascal Amphoux Enseignant à l’Ensa Nantes

JOCA SERIA ISBN 978-2-84809-314-7

Photo de couverture © Philippe Ruault

9 782848 093147

29,90 €

Projeter signifie s’insérer inévitablement dans une expérience vivante en se mesurant directement à elle sans aucun alibi. Gorgio Grassi L’architecte comme métier et autres écrits, Éditions Pierre Mardaga, 1983. — Agnès Lambot Architecte D.P.L.G Née le 18 mars 1962. Diplômée de l’école d’architecture de Nantes le 7 mars 1988.
 Architecte conseil de l’État depuis 2008. — Philippe Barré Architecte D.P.L.G. Né le 3 avril 1962. Diplômé de l’école d’architecture de Nantes le 7 mars 1988.
 Vice-Président de l’Ordre des Architectes des Pays de la Loire depuis 2013. Enseignant à l’Ensa de Bretagne 1998 – 2003 et à l’Ensa de Nantes depuis 2013. L’agence BARRÉ LAMBOT a été créée par Agnès Lambot et Philippe Barré en 1989 à Nantes.


BARRÉ LAMBOT ARCHITECTURE Photographie Philippe Ruault Textes Jean-Louis Violeau

ÉDITIONS JOCA SERIA


ISBN 978-2-84809-314-7 © agence Barré Lambot, 2018 www.barre-lambot.com © éditions joca seria, 2018 www.jocaseria.fr


ENTRETIEN AVEC AGNÈS LAMBOT ET PHILIPPE BARRÉ

ANNÉES DE FORMATION QUI A CRÉÉ LES CRÉATEURS ? VOS ANNÉES ÉTUDIANTES… Agnès Lambot : La même promo, mais des amitiés et des ateliers différents en première année, avant que les choses ne se cristallisent l'année suivante et qu'apparaissent des enseignants marquants, JeanJacques Treuttel, Jacques Scavennec, Jean-Pierre Braun… Sans oublier la grève, cette année-là, en 1983, contre la réforme des études, un moment toujours formateur qui permet les rencontres hors des routines, en particulier avec Alain Dumont, aujourd'hui architecte à Brest et qui à l'époque est très sensible au fait politique. Philippe Barré : En troisième année, un petit groupe se dessine vraiment autour d'une envie commune d'architecture et de la passion pour une discipline. Nous partageons le même logement avec Alain Dumont, et nous partageons les engagements, chacun créant à sa manière une forme d'émulation auprès de l'autre.

— Jean-Louis Violeau MARS 2018, NANTES, QUAI DE TOURVILLE

AL : Sans oublier les cours du sociologue Claude Leneveu qui nous ont marqués au début de nos études… Avant cela, je m'étais plutôt cantonnée à tenir le bar lors des fêtes étudiantes, mais toujours avec entrain ! Cette grève change la donne : elle rassemble tout le monde, et comme nous sommes entre la deuxième et la troisième année, nous sommes très présents à l'École.

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PB : Il y avait alors une différence de conditions et d'origines sociales assez nette entre nous… L'École était alors très différente de ce qu'elle est devenue : un cursus rapide en 5 ou 6 ans et des étudiants jeunes et brillants. À l'époque, au début des années 1980, les études d'architecture rassemblent des gens de conditions et d'âges bien plus divers, des étudiants de 35 ans aux parcours un peu sinueux, de la médecine au droit, jusqu'aux jeunes comme nous, frais émoulus du lycée. Et puis des cibistes, des lecteurs du Monde, des passionnés de R12 tunées et quelques aventuriers… Étudiant boursier, moi qui sortais d'études techniques, j'étais très impressionné. L'École « commence » vraiment pour moi en troisième année avec CharlesHenri Arguillière qui massacre mon projet de mairie au Château de Rezé ! Mon petit, tu as oublié le peuple dans ta mairie ! J'avais voulu y transposer l'Arche de la Défense, il avait bien raison. Je découvre, dans la douleur, le poids des symboles. AL : J'ai aussi un souvenir très clair de nos voyages à ce moment-là, dès la première année, Barcelone, les Pays-Bas, Paris… Et puis le travail sur les références, encouragé par Scavennec. Sans oublier 1985 et la participation, en groupe, à la Biennale de Venise, qui fut un moment initiatique . Nous sommes alors bercés par le post-modernisme. PB : L'année suivante, c'est l'arrivée décisive de deux enseignants italiens, Aldo de Poli et Marino Narpozzi, accompagnés par Thierry Roze, Philippe Duboÿ, Michaël Darin et Jean-Jacques Treuttel. En 4 e et 5 e années, nous étions tous regroupés dans le petit bâtiment annexe à l'école de la Mulotière , comme une enclave ou un phalanstère, en tout cas un atelier à part entière où se trouvaient rassemblés les « architectes de la ville », une tendance au sein de l'École. Des amis pourtant proches,

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je pense par exemple au nazairien Stéphane Tardif, ne juraient chacun que par leurs enseignants. La bataille était rude et parfois caricaturale entre le camp toujours fidèle à l'apport des sciences humaines, et l'autre camp qui avait fait sa mue vers un enseignement plus « disciplinaire », revenu aux questions architecturales et urbaines. Sans oublier une troisième « école », portée par les enseignants préoccupés par les ambiances et les questions mathématiques et structurelles, en particulier les frères Péneau, Jean-Pierre et Daniel. Ces colorations étaient très marquées car à l'époque, l'enseignement n'était pas semestrialisé et l'année entière se déroulait donc au sein de la même filière. LA PARTICIPATION À LA BIENNALE DE VENISE A DÛ VOUS APPARAÎTRE ALORS COMME UNE OUVERTURE… PB : Un moment-clé-en effet : 1985, dirigée par Aldo Rossi, la Biennale confirme nos intuitions urbaines en même temps qu'elle nous projette vers un impératif, « faire des concours ». Avec Isabelle Guillet et Bruno Plisson, nous planchons donc sur la Villa Farsetti, en Vénétie. Et nos professeurs français nous poussent à cet exercice, modelant leur enseignement sur les exigences du concours public : dessiner une perspective, projeter une axonométrie, faire un rendu… Tandis que les enseignants italiens nous font travailler sur des projets « à la manière de », Aldo Rossi en particulier, en revisitant les typologies canoniques : le théâtre, le marché, le logement, un palais des congrès… Avec des figures obligées, le mail, la cour, le monument, et un mode de représentation imposé, le rotring ou le tire-ligne. Je regrette simplement que ces exercices ne soient pas arrivés plus tôt dans notre cursus.


ENTRETIEN AVEC PHILIPPE BARRÉ ET AGNÈS LAMBOT

AL : En parallèle, Jean-Jacques Treuttel nous embarque tous sur une exposition sur l'architecture des années 1930 à Nantes qui va se tenir à ce moment-là dans le passage Pommeraye. Et chacun d'inventorier, photographier, redessiner… DIPLÔME POURQUOI AVOIR CHOISI LE SITE DE CLISSON POUR VOTRE DIPLÔME COMMUN ? AL : Philippe avait déjà développé en 5 e année un projet à Clisson : un théâtre sur l'une des folies de Clisson… PB : … et le diplôme offre alors l'occasion de prolonger ce travail tout en s'orientant résolument vers le projet, alors que la plupart des diplômes menés jusqu'ici sur Clisson – et à l'époque ils étaient très nombreux – étaient tournés vers les recherches historiques. Comment lier l'analyse urbaine au projet et rompre ainsi l'effet de schizophrénie séparant mémoire, parfois de près de 250 pages, et projet ? La Maison du jardinier, le château, les folies, les frères Cacault, Mathurin Crucy et François-Frédéric Lemot, toutes ces figures et tous ces lieux avaient été explorés sous tous les angles et nous avons pensé qu'il était temps de passer au projet. Notre mémoire ne comptait qu'une centaine de pages, mais nous avons cherché à y croiser en permanence analyse et projet, sous la direction de Philippe Duboÿ et Thierry Roze. Mario Toran, alors en poste à la DRAC, nous a aussi beaucoup accompagné avant de décéder trop tôt, malheureusement. COMMENT CONCEVOIR UN PROJET « CONTEMPORAIN » À CLISSON ? PB : Nous étions habités par cette question, et nous l'avons traduite par un mur-hôtel, sur la rupture

de pente et face à la Garenne-Lemot : une prise de position contemporaine dans le site. AL : Nous y avons aussi restitué nos lectures, je pense en particulier au Culte moderne des monuments de l'historien Aloïs Riegl : qu'est-ce que le patrimoine ? UNE RUPTURE DE PENTE AVEC UNE INSCRIPTION CONTEMPORAINE… ON PEUT PENSER DANS LA FOULÉE À VOTRE INSTITUT D'AMÉNAGEMENT DE LA VILAINE, LIVRÉ À LA ROCHE-BERNARD QUELQUES ANNÉES PLUS TARD, EN 1998… PB : Et à la salle des sports de Vertou, dans le parc des Échalonnières, achevée dix ans plus tard : un « hôtel sportif » reposant sur un mur-socle en gabions. AL : Ces différents programmes nous ont aussi permis de réfléchir dès le diplôme sur le statut des bâtiments et sur la correspondance entre une forme, une fonction et une représentation. Sur ce plan-là, l'enseignement des « italiens » a été décisif. L'édifice doit exprimer quelle fonction il remplit et de quelle symbolique il se réclame, du logement, plus silencieux, à l'édifice public, plus expressif. Aldo Rossi, entretien avec Bernard Huet, paru dans l'album de l'exposition Aldo Rossi par Aldo Rossi, architecte, Centre Georges Pompidou, Paris, 1991. Pour moi, l'invention est un mode de vie et ne doit pas être un problème. Je ne peux ni ne veux me poser le problème d'inventer une nouvelle architecture. (…) Des centaines et des milliers de gens peuvent voir la même chose, mais chacun la perçoit de façon particulière – c'est un peu comme ça pour l'amour : on rencontre beaucoup de gens et rien ne se passe, puis on va tomber amoureux d'une personne bien précise.

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RÉFÉRENCES QUELLES SONT ALORS VOS RÉFÉRENCES? PB : Patrick Berger pour sa recherche raffinée d'une architecture « silencieuse », en particulier pour son mince immeuble de logements rue Quincampoix, et puis Luigi Snozzi pour son travail sur plus de 30 ans sur les édifices publics ponctuant la petite ville de Monte Carasso dans le Tessin. Orienter, questionner le rapport au site, se positionner dans la pente, émerger : toutes ces questions se posaient déjà à nous à Clisson. Vingt ans plus tard à Angers, nous nous sommes par exemple posé à notre échelle sensiblement les mêmes interrogations avant de dessiner l'immeuble de bureaux Linéo près de la gare. Pour Nouvelle Vague aussi, finalement, à Malakoff : un premier jalon, un signal, le grand-paysage… AL : Tout le travail de Lemot à Clisson n'aura consisté au fond qu'à révéler le paysage par le jeu d'implantations de ses bâtiments, par les correspondances et les échanges qu'ils suscitent. PB : Le bois et la brique, Alvar Aalto et Louis Kahn, nous ne les découvrirons qu'après l'École, au fil de voyages par exemple, alors qu'ils sont aujourd'hui devenus pour nous des évidences. Tout comme Fernand Pouillon ou Louis Arretche que nous regardons attentivement au fil de notre collaboration professionnelle avec Thierry Roze et Benoît Carrié au sortir du diplôme. VOUS RECONNAÎTRIEZ-VOUS DANS UNE FORME DE « CLASSICISME MODERNE », SI L'ON S'AUTORISE L'USAGE DE CETTE CATÉGORIE UN PEU ICONOCLASTE ? VOUS PENCHERIEZ DU CÔTÉ MALLET-STEVENS PLUTÔT QUE DU CÔTÉ LE CORBUSIER…

PB : C'est notre pente en effet. Ajoutons-y Henri Sauvage, Auguste Perret, peut-être Georges-Henri Pingusson, Michel Roux-Spitz aussi, et le tableau serait presque complet. AL : Sans oublier les voyages : nous allons voir Alvaro Siza au Portugal, Peter Zumthor dans les Grisons, Vienne-la-rouge… PB : Je ne retrouve que plus tard Le Corbusier et sa « promenade architecturale », après avoir fait le tour de ces premières références et entamé un post-diplôme à l'école de Paris-Belleville où rayonne alors la figure d'Henri Ciriani. Aldo Rossi, entretien avec Bernard Huet, paru dans l'album de l'exposition Aldo Rossi par Aldo Rossi, architecte, Centre Georges Pompidou, Paris, 1991. « Qu'est-ce que la modernité ? Je crois que cette invention de la modernité » – appliquée à l'architecture – est une déformation critique, liée à un moment précis de l'histoire de l'architecture ; est-ce qu'on se demande aujourd'hui, en peinture, en poésie ou au cinéma, si une œuvre est moderne ? (…) En répondant que je ne pouvais être postmoderne parce que je n'avais été moderne, je voulais simplement dire que je suis architecte et que je fais de l'architecture, comme ont toujours fait les architectes. CONSTRUIRE LA VILLE EUROPÉENNE ET D'ALDO ROSSI, VOUS AUREZ PLUTÔT RETENU LE MONUMENT OU LE TISSU ? AL : Le tissu, le tissu urbain et la complexité de la ville. PB : Sans oublier la construction du vide : entre le

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ENTRETIEN AVEC PHILIPPE BARRÉ ET AGNÈS LAMBOT

monument et le tissu, comment construire le vide ? Cette question est revenue en permanence au fil de nos projets récents, avec ce souci de faire vivre tout en la maintenant une forme de « ville européenne », quelle que soit la puissance de formatage de la ville générique. Comment faire encore une ville – contemporaine – sur la ville ? Face à la Loire, à Malakoff ou sur l'Île de Nantes, bref face au vide, quel qu'il soit, quelle est la bonne échelle et quelle est la bonne hauteur ? Bref, à quoi se mesure-t-on ? Comment se saisir, par exemple à Malakoff, de la grammaire des tours stigmatisées du début des années 1970 pour lui faire franchir la voie ferrée jusqu'au nouveau quartier d'Euronantes et lui redonner ainsi une forme de dignité ? AL : Ou comment, comme sur l'îlot Saverne au cœur de Nantes, enrouler un cœur d'îlot à l'aide d'un manteau de briques qui appartient à la ville. PB : On comprend très clairement cette dissociation privé / public et le rôle de ce « manteau » en regardant attentivement les immeubles du quai de la Fosse. On y passe en effet de la façade de pierre de tuffeau, qui donne sur l'espace public, à l'enduit banal qui donne sur le cœur d'îlot. En se retournant vers le cœur d'îlot, on y passe sur 3 à 4 mètres de la pierre à l'enduit et ne subsiste plus dès lors que le marquage des fenêtres : un avant et un arrière. Pour nous, ces variations subtiles du public au privé et ces questions de représentation sont au cœur de notre définition de la « ville européenne ». C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons toujours refusé les architectures-manifestes. AL : La façade ne peut être que l'expression esthétique de ce qui se passe à l'intérieur.

aujourd'hui : une fente dans une façade est possible ! Si elle se justifie. Jusqu'à une liberté dans la maladresse, aussi, mais alors une liberté par rapport à la règle. AL : Les artistes et leur enthousiasme nous ont aussi sur ce plan beaucoup apporté en nous donnant une forme d'assurance. L'expérience de la galerie Paradise et le regard décalé qu'elle a suscité nous ont permis ainsi de sortir de l'univers parfois un peu clos de notre activité. LIBRES PROPOS SUR LA « PROFESSION » ET SON EXERCICE COMMENT LES PERCEVEZ-VOUS AUJOURD'HUI VOS CONFRÈRES, « LES ARCHITECTES » ? PB : Je regrette vivement qu'une partie d'entre eux souhaite visiblement se délester du poids de la construction et du chantier. C'est pour cette raison que je me suis engagé au sein de l'Ordre des architectes, pour défendre l'architecture comme métier. Je regrette aussi l'effacement relatif des enjeux portés par les édifices publics – dont nous sommes tous les premières victimes, du fait de la rareté des concours et de l'effet de concurrence exacerbée qui en résulte. Je regrette enfin l'essoufflement de la promotion privée qui encourage de plus en plus une forme de production générique s'éloignant ainsi, dans les « nouveaux quartiers », de la ville européenne que nous venons d'évoquer, s'éloignant de son site, de son histoire et de son territoire. Par ailleurs, je ne vois pas d'avancée majeure ces dernières années sur la distribution des logements, leur flexibilité ou leur surface ; je perçois même plutôt une suite de régressions, combattue vaillamment ceci dit par quelques-uns d'entre nous, le duo Lacaton-Vassal en particulier, mais qui demeurent très isolés.

PB : Même si nous nous sentons peut-être plus libres

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AL : Et les « grands ensembles » de demeurer à jamais nos exemples contrariés combinant l'échec urbain et les avancées certaines sur les qualités du logement. Je suis architecte-conseil de l'État, affectée actuellement au Val d'Oise, et lorsque je visite les opérations des débuts de la Ville nouvelle de Cergy-Pontoise, je vois de très beaux logements expérimentaux articulant des typologies variées, du collectif à l'individuel en passant par l'intermédiaire. Mais très vite, sitôt passée la moitié de la décennie 1980, je relève une baisse générale de la qualité. C'est un phénomène historique – et économique ! Les années 2000 avaient entraîné un renouveau de la réflexion sur le logement, mais depuis le début des années 2010, l'impératif économique est revenu au galop : des immeubles de 16 mètres de large et de moins en moins de pièces éclairées naturellement, voilà. Tout cela manque de générosité. LORSQUE VOUS VOUS ÊTES RAPPROCHÉS, AU MILIEU DES ANNÉES 2000, DU MONDE DE LA PROMOTION IMMOBILIÈRE, LA FINANCIARISATION DU LOGEMENT N'EN ÉTAIT ENCORE QU'À SES DÉBUTS… PB : Lorsque nous avons conçu cet immeuble où nous sommes installés quai de Tourville, en 2005, c'est la première fois que nous avons travaillé avec un promoteur. Nous y avons réinvesti l'expérience acquise sur quinze années de commandes publiques. Le promoteur venait simplement chercher chez nous notre capacité à développer des surfaces en site contraint et historiquement constitué, et à exprimer une position critique sur le programme d'un bâtiment orienté face à la Loire. Nous avons pu ainsi développer la densité des bureaux sur un même site. AL : Et des logements mieux travaillés en prenant au mot le promoteur qui recherchait une valeur ajoutée

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sur ce programme. 50% de vitrages, c'est aussi cela que les clients achètent ! ET CETTE MARGE DE LIBERTÉ VOUS SEMBLE AVOIR ÉTÉ AUJOURD'HUI RÉDUITE… PB : Elle est demeurée intacte sur les site « à enjeux », en premier lieu sur les territoires de projets urbains pilotés par des sociétés d'économie mixte qui sont la vitrine des métropoles. Mais 60% de la production des principaux promoteurs se réalise dans le diffus et non sur ces territoires en renouvellement urbain. Même si le devenir de ces territoires du diffus est parfois piloté par la puissance publique par le biais de l'outil foncier qu'est la Zone d'aménagement concerté, sur une ZAC en deuxième et même en première couronne de métropole, on ne fait guère d'efforts pour imposer des contraintes qualitatives aux promoteurs… AL : Sans parler du prix de sortie : comment écouler des logements sur ces territoires au-delà de 4 000 euros le mètre carré ? L'économie commande. PB : C'est donc aux villes de reprendre résolument la main sur leur foncier, par exemple en laissant partir à prix volontairement modéré de vastes emprises majeures sur lesquelles elles ont jusqu'ici la main. Ce n'est plus possible de laisser partir des terrains à 1 600 euros le mètre carré – et parfois plus ! Il reste tout de même une arme, fatale, aux mains de la ville : la signature du permis de construire… Le foncier est la question la plus cruciale aujourd'hui. FAIRE DE L'URBANISME, C'EST DIFFICILE ! VOUS VOUS Y ÊTES FROTTÉS… AL : C'est très exigeant en effet, et pour ma part,


ENTRETIEN AVEC PHILIPPE BARRÉ ET AGNÈS LAMBOT

je n'avais probablement pas assez bien mesuré la temporalité nécessaire à la réalisation d'une opération d'urbanisme. Entre un premier dessin et l'achèvement, vingt ans s'écoulent avec de constants allers-retours et pas toujours un rôle décisif dans la prise de décision. L'écoute des élus et de l'aménageur sont souvent flottantes ! UNE OPÉRATION D'URBANISME RÉUSSIE DÉPEND SOUVENT DU LIEN DIRECT ET INTIME TRESSÉ ENTRE UN MAIRE ET SON ARCHITECTES-URBANISTE… AL :: Et il faut bien reconnaître que nous ne l'avons jamais eu, ce lien ! C'est effrayant : sur 20 ans, l'architecte-urbaniste demeure tandis que les élus passent, et tout peut-être régulièrement remis en question. Ce rôle nécessite beaucoup de stratégie politique, et ce n'est pas mon point fort ni mon envie. Heureusement, notre ami paysagiste Guillaume Sevin est plus chevronné que nous dans cet exercice. PB : Les études sur le « grand paysage », comme celle que nous avons menée avec notre collègue barcelonais Carlos Llop sur le littoral nazairien et pornichétin, me semblent moins contraintes, plus sensibles aussi et plus propices à une libre réflexion que l'urbanisme opérationnel. Peut-être en restera-t-il quelque chose ! QUELS SONT LES ÉDIFICES AUXQUELS VOUS AURIEZ AIMÉ VOUS CONFRONTER SANS EN AVOIR EU L'OPPORTUNITÉ ? PB : Un musée, bien entendu, comme tout architecte qui se respecte ! Mais aussi un hôpital, un lieu fondamental pour tous qui a donné naissance à une commande spécifique, presque routinière, bref à un « créneau » comme on dit dans notre jargon

ET UNE ÉGLISE ? PB : Une église nous a échappé un jour, il y a vingt ans, à Saint-Herblain dans la ZAC Armor près de la médiathèque : nous avions gagné sur le papier, avec un beau projet élancé et œcuménique en référence à Alvaro Siza, mais perdu au final car nous étions trop chers. Le spirituel et le sacré m'ont toujours attiré, mais pas au prix d'une salle polyvalente ! Le musée et l'église, c'est d'abord l'espace pour l'espace, la matière pour la matière, la lumière pour la lumière, le sacré et la déambulation. QU'EST-CE QUE LA RECONNAISSANCE, POUR UN ARCHITECTE ? PB : Que l'on vienne te voir, sans te connaître et sans entregent, simplement pour ce que tu as déjà fait. Et il y a toujours de très belles surprises, alors que l'on a parfois trop tendance, l'âge venant, à penser que les jeux sont faits. Mais la meilleure manière de répondre au doute existentiel, qui nous habite tous, consiste à ne jamais renoncer à répondre à des concours publics anonymes. Plutôt que le coup d'éclat, notre idéal demeure l'exercice tenace, au long cours et inscrit. BIEN REPRODUIRE PLUTÔT QUE MAL INVENTER ? PB : Nous tenons à nous inscrire dans une filiation, assumant nos références. Poser une pierre à l'édifice en s'appuyant sur une histoire, c'est la meilleure manière de traverser les générations et d'affronter le risque de la destruction qui pèse inexorablement sur toute architecture.

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— page précédente COMPLEXE SPORTIF, SAINT-SÉBASTIEN-SUR-LOIRE, 1994


MORCEAUX CHOISIS


26 VILLA L. — LES SABLES D'OLONNE

(…) Ne me dites pas comment habiter, vous n'avez pas le droit. Si je veux faire autrement, si je ne veux pas de la salle de bains à côté de la chambre, si je ne veux pas déjeuner à 12h30 dans la cuisine mais à 16 heures dans le salon, si je ne veux pas ma vie ma maison en tranches en cases, si je ne veux pas que la chambre soit le lieu où dormir mais le lieu où j'aurai enfin une conversation sérieuse avec ma fille, si je veux une pièce qui ne sert à rien, si je ne veux pas de produit industriel fini, une maison potentiellement reproductible sur la quasi-totalité du territoire via un réseau d'entreprises agrées. Si je ne veux pas de maison traditionnelle de promoteur, pas de pavillon standard, parce que je n'ai pas de famille idéale. Quelle famille dans quelle maison ? Je mets où et comment ma femme et mes enfants ? Je n'aspire pas, forcément, à ce que ma maison ait un toit à deux pentes d'ardoises ou de tuiles, qu'elle soit couverte d'un enduit dans les tons pierre, que la façade soit munie de deux chiensassis recevant chacun une jardinière. (…) (…) Chez moi, c'est le seul espace certain, qui ne menace pas de s'effriter ou de se dissoudre, à moins que la fin du monde.(…)

Choix du commanditaire : Extrait de Gros œuvre de Joy Sorman – Gallimard 2009

Villa L. Les Sables d'Olonne

1992


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HÔTEL DES POSTES, LES HERBIERS

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— page précédente PÔLE MULTIMODAL BEAUSÉJOUR, TRAMWAY LIGNE 3, NANTES 2000


MORCEAUX CHOISIS


BUREAUX IMMEUBLE DEURBROUCQ CHU Nantes 2001

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Le projet de réaménagement de l'immeuble Deurbroucq, occupé par la direction administrative du CHU, intéresse le rezde-chaussée, actuellement occupé par l'accès d'un parking, une salle de réunion et un hall réduit. Dans l'emprise du parc de stationnement actuel, seule la rampe d'accès aux étages est remaniée. Le projet propose un hall de plus grande taille, avec un poste d'accueil, une salle de conseil d'administration et son foyer, des salles de réunion de différentes tailles, un bureau particulier pour le président et tous les locaux utiles au fonctionnement de l'ensemble. Un soin particulier est apporté à la mise en valeur de la salle de conseil d'administration. Les murs des panneaux acoustiques et le sol sont revêtus de chêne clair afin de donner une ambiance chaleureuse. Toutes les salles de réunion sont aménagées sur le même principe : moquette au sol et murs clairs munis de panneaux acoustiques ainsi que les plafonds de type « dalles de plâtre ajourées peintes ». Le hall de grande hauteur est marqué par un sol en dalles de soliste et les murs reçoivent un revêtement de bois. La façade principale reçoit devant de larges vitrages une grille ouvragée toute hauteur qui s'inspire du dessin des ferronneries des balcons environnants.

EP

-0,34

-0,34

EU EV

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TRENTE HABITATIONS : ÎLOT NORKIOUSE Rezé

Pour imaginer le niveau de qualité urbaine dont la ville de Nantes aurait pu bénéficier, il nous semble utile d'en découvrir une vision globale en amont et en aval du fleuve. La saulaie peupleraie implantée sur des rives sableuses fluctuant au gré des marées s'impose en vérité écologique éclatante, c'est-à-dire en densité végétale, unité de

ALAIN GUNST, GLOSE D'USAGE NATUREL DES SENS TERRIENS.

2006

substance permettant toutes les variétés de nuances. Alors que le déni de cette vérité ronge inexorablement la partie ouest de la ville, par un bric-à-brac d'exploits aidé par les ponts et chaussées en délire, la partie est résiste encore au rien, grâce à une configuration paysagère unique : collines de Chantenay, pointe portuaire de l'île, port de Trentemoult, sans oublier les chantiers navals sur les deux rives, et plus loin le port au bois. On s'aperçoit, depuis le haut Chantenay en face, que les rares bâtiments qui constituent de la ville sensible, en accord avec la géographie primitive, sont les hangars à bateaux perpendiculaires au fleuve, et bien entendu les navires eux-mêmes. Parfois ces hangars deviennent industries, artisanats, et dans le meilleur des cas, ils deviennent habitables. Ce qui est évidence au Danemark, en Hollande, à Londres, en Norvège, échapperait-il à l'entendement nantais au long cours ? Pas à celui des architectes Barré Lambot, habitués des voyages, qui proposent de border l'échelle géographique du fleuve par une dimension assez juste d'habitations mixtes, individuelles groupées et collectives, en accord avec la Nantaise d'habitations, société d'HLM capable par le passé d'inviter Dominique Perrault et Bruno Plisson pour effectuer des logements duplex en bandes ouvertes et des garages exemplaires à proximité. Les trente logements de Norkiouse réalisent une ébauche réussie de tissu urbain parfaitement intégré à la substance paysagère et

60 — page précédente TRENTE HABITATIONS : ÎLOT NORKIOUSEÀ REZÉ 2006


industrielle locale, les trois n'étant en rien contradictoires.

reste en travers, c'est le boulon fixant le bardage, à l'entrée.

Au contraire, ils apportent aux habitants une qualité

Je parle alors de Deacon, le sculpteur anglais. Peine perdue.

poétique de vie urbaine que tous reconnaissent. L'une

Bon, si la qualité urbaine est à ce prix, d'un boulon en travers,

des bandes de logements est à l'emplacement exact

ça passe. Une autre habitante, infirmière de jour, cette fois,

des anciens chantiers Bézier. La place centrale réservée

vivant en couple avec un jeune enfant, apprécie beaucoup

aux piétons est un lieu convivial, situant le projet aux

son logement individuel, la lumière naturelle, son jardin,

premières loges du spectacle fluvial. On comprend que

l'environnement. Les espaces intérieurs pratiques. Pas de

la surélévation générale du bâti évite le rare danger

défauts alors ?

d'inondation, et cette contrainte libère un vaste espace

Si, minimes, dans les finitions pressées par les délais,

pour les voitures mises à couvert, ne perturbant pas la vie

l'escalier bois à poncer, des raccords de peinture, des

piétonne de la place ouvrant sur le fleuve. Les claustras de

petits joints. Après quelques heures passées là, je me

planches créent une transition heureuse, rythmée entre

sens quelque part, dans un lieu qui génère le sentiment

les sols semi-publics et l'habitat privé.

d'un caractère et d'une échelle justes. Le paysage urbain y

Pour aller plus avant dans la critique constructive de ce qui

est pour beaucoup, mais la matière rythmée, la dimension

déjà me touche, j'interroge une habitante qui sort promener

et la couleur du projet, blanche avec accents colorés, fait

ses deux chiens minuscules. Anne-Marie Pruvôt est

substance habitable, enfin. La hauteur des collectifs ne

infirmière de nuit, c'est dire qu'elle apprécie le calme diurne

dépasse pas celle des maisons du village, et ces maisons

de ce lieu, place rectangulaire, au sol travaillé entre les

ne sont nullement gênées par la configuration ouverte du

deux bandes de collectifs. Elle aime les matières du garage,

projet, perpendiculaire au fleuve. Ma satisfaction d'avoir

planches à claire-voie, l'ambiance générale, la double

passé une bonne matinée n'a d'égale que ma perplexité :

orientation de son séjour, avec vues latérales sur la Loire et

Pourquoi diantre cette réussite urbaine et sociale évidente

le paysage urbain. La salle de bains lumineuse l'enchante. Ce

n'est-elle pas généralisée ?

qu'elle ne comprend pas, c'est le bardage extérieur, qu'elle

La frilosité, l'incompréhension et le manque de culture ne

nomme plusieurs fois tôle ondulée.

sont pas seuls responsables. Prolongeant cette expérience,

Je rectifie qu'il s'agit d'éternit à grandes ondes, marquant

je parcours le chemin de Loire où quelques péniches

bien le caractère mimétique avec les artisanats proches.

habitables se lovent dans les massettes, angéliques et

Et devant son incrédulité, j'en prends la défense, en me

phragmites, avant d'écrire ces lignes sur une table généreuse

référant aux expériences du Nord, dont la Norvège et le

de bois vernis. La matière des gabions, la simplicité des sols

Danemark, depuis longtemps en avant-garde de l'habitat

de béton blanc strié, la puissance végétale vernaculaire et

social.

les palmiers humoristiques rythment le temps de vivre et

Je soutiens que l'onde favorise une meilleure isolation, et

font contrepoint d'un bienfait local : l'air du fleuve, source

qu'elle cligne de l'œil aux ondes de Loire. Révélation positive

d'inspiration profonde avant la haute mer.

pour mon interlocutrice habitante. La seule chose qui lui

61


62 VILLA F. — MESQUER

entre les pins, sans modifier la topographie du sol. Les architectes retrouvaient là quelques-uns des principes qu'ils avaient exprimés dans l'une de leurs premières constructions, en 1992 au Château-d'Olonne en Vendée, où ils avaient procédé à l'extension d'une Villa L longée par sa piscine privée. Ici, flanqués de chambres et de salles de bains à chacune de leurs extrémités et pourvus au centre d'un vaste séjour, les espaces intérieurs tout en longueur autorisent l'indépendance de chaque vacancier. Le volume décalé abrite deux chambres, sans doute pour des amis de passage. Bardant uniformément façades et toitures jusqu'à former carapace opaque une fois les lieux vidés de leurs occupants, les lames verticales de pin ou de mélèze soulignent la simplicité des volumes. En vieillissant, elles épouseront la tonalité de la forêt. Et une fois vidée de ses occupants, la maison de vacances se transformera pour l'hiver en une antique salorge mystérieuse et impénétrable, de celles qui jouxtent l'étier, tout près, juste en deçà de Sorlock et Kercabellec.

Pour nos weekend de havre, nous souhaitions un geste épuré et en symbiose avec la pinède du site. Cette réinterprétation d'une longère voisine, fonctionnelle et totalement fondue dans le paysage nous a immédiatement séduit. Outre les qualités biophyliques apportées par le bois, le dessin des volumes intérieurs et leurs prolongements extérieurs par de larges baies vitrées confèrent à la Villa F toute la qualité de vie attendue.

Paroles de commanditaires

Le familier et l'étranger coexistent encore une fois dans cette maison, mais comment en circonscrire la fiction ? Avec cette mystérieuse Maison F éclairée par la mer toute proche mais protégée par sa carapace de lames verticales de mélèze dans les pins à Mesquer en 2007, on retrouve dans les combles du département, tout près du Morbihan, une mystérieuse villa composée de deux pavillons recouverts de panneaux de bois. Elle est ceinte de la clôture de la maison familière, celle que l'on retrouve avec plaisir après une excursion sans surprise sur la plage, la promenade entre toutes préférées, celle qui nous ramène en quelques heures à notre point d'attache. Éclairés par la mer qu'ils voilent encore, ses deux pavillons figurent encore aujourd'hui, dix ans après leur édification, la pointe avancée d'un renouvellement contemporain de la typologie désormais séculaire de la villa balnéaire, cette fois imprégné du souci du durable et de la mise en scène du végétal. Les deux corps de bâtiments articulés perpendiculairement par une terrasse en platelage bois se glissent

Chez-soi à la mer par Jean-Louis Violeau

Villa F. Mesquer

2007


63


LOGEMENTS TRIPODE, ÃŽLOT B Nantes 2009

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Cet ensemble immobilier s'implante en limite ouest de l'îlot, face au futur quartier d'affaires. La situation privilégiée sur le futur bassin de la Loire contribue à la volonté d'offrir aux logements des vues dégagées sur la ville. 137 logements « type studio » d'une surface de 21 m2 s'organisent sur 11 niveaux et sont desservis par deux ascenseurs et des circulations éclairées naturellement. Une salle de réunion s'installe en façade ouest au 11e étage. Les occupants bénéficient au premier étage d'un vaste jardin accessible, dessiné par Florence Marty, architecte paysagiste. Cette mixité des programmes bureaux / logements aux principes structurels communs est identifiée formellement pour les logements par un gabarit distinct, par la peau des façades constituée de panneaux alu teinte champagne, par la ponctuation des façades, grâce notamment à la mise en place de salons double hauteur, et par le rapport au sol côté bassin traité par un socle en verre, contenant une brasserie. Le dispositif de façade porteuse, combiné à une tablette filante extérieure au droit des planches, offre à l'ensemble des logements une bonne qualité d'usage.

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BUREAUX TRIPODE, ÃŽLOT B Nantes 2009

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— page précédente PAVILLON 1924, LINAS-MONTLHÉRY 2014


MORCEAUX CHOISIS


RATIONALISME CONTINGENT ET PLAISIR TACTIQUE

Le seuil des années 2010 a vu le duo Barré Lambot franchir résolument le pas des grands programmes après avoir patiemment mûri pendant deux décennies une architecture exigeante de logements, d'équipements publics et de programmes civiques. 
Ce qui demeure étonnamment c'est la consistance et la permanence de leurs architectures, quels que soient les types de programme auxquels elles répondent. Par un jeu subtil, en premier lieu sur les matériaux, leurs textures et leurs effets, elles déjouent les figures obligées en autorisant les variations sans céder aux effets d'époque. Les formes sont simples, très rarement chahutées, mais les effets sont variés. Ce bonheur d'expression leur permet d'esquiver le paradigme dominant, à chaque fois revisité comme en suspension, décroché. PENSÉE MOBILE Voilà ce que nous dit le travail de Philippe Barré & Agnès Lambot : pour que l'architecture soit manifeste dans sa vérité, le plan doit imposer sa raison à la façade. En cela, ils n'ont jamais été postmodernes. Ainsi va le « post ». Déjà dépassé, c'est son destin. Ont-ils été pour autant « modernes » ? Si le « moderne » est le contingent plutôt que l'éternel et le transitoire plutôt que l'immobile, alors peut-être oui. Dans le grand bruissement de la vulgate, on les aura à leurs débuts qualifiés de « néo », néo-modernes. Par dérision sans doute, car chez eux priment plutôt la fidélité à une posture d'évitement des grands paradigmes obligés, ainsi qu'une attention tranquille à la responsabilité des formes. Ils ne croient pas en un âge héroïque de l'architecture (moderne) et se refusent à endosser un habit accueillant et syncrétique mais définitivement académique. Leur architecture se trouve plutôt nourrie par

— Jean-Louis Violeau

104

l'exercice d'une pensée mobile, inquiète aussi parfois.


Philippe Barré et Agnès Lambot ne s'évertuent pas à

d'un art de vivre que des raisons urbaines, disciplinaires

toujours penser des choses nouvelles mais ils ne cessent

aussi, constructives souvent. Se retrouve d'ailleurs dans

de penser autrement les mêmes choses. Ils ne cherchent

l'entretien qu'ils ont donné sur leur parcours ce mélange

pas à casser systématiquement les codes institués par

d'obsessions, de continuités et de détours tactiques. Ils

leurs aînés. Ils ne cherchent pas à « tenir un discours »,

ne goûtent guère le maniérisme, ni l'exagération, et encore

lieu d'une épreuve de force ou d'intimidations diverses. Ils

moins l'analogie, les formes analogiques trop littérales. Ils

ne cherchent pas non plus à chambouler en permanence

n'ont pas non plus un système solidifié. Malgré quelques

les rôles respectifs de chaque acteur dans la fabrique de

airs de famille, par exemple le long du quai Tourville, pour

la ville. Bref, ils ne sont pas dans la ville disruptive – mais

constater l'absence de solidification stylistique il suffit

au fond, qui s'y trouve de son plein gré ? Ils cherchent

d'aller jusqu'à Montlhéry et sa luciole mystérieuse éclose

simplement à lier la recherche et l'imaginaire.

près du circuit pour y accueillir des événements dans le Pavillon 1924. Ou bien encore aller au bout de la Bretagne à

UN IMAGINAIRE RATIONALISTE

Roscoff pour y découvrir un nouveau bastion, l'observatoire

Quel est donc l'imaginaire des Barré Lambot ? Il s'écarte

de la biologie marine qui étonne dans la manière qu'il a de

volontairement des illusions, celles qui font passer le

conjuguer présence et absence dans ce cadre historique

vrai pour le faux. L'architecture est certes tournée vers

somptueux. Sa proue avance face à la mer tandis que le zinc

le plaisir et l'agrément, mais elle ne doit pas s'arroger

et le béton granit esquivent la question patrimoniale.

pour autant le droit de mentir. Les perspectives du duo

Les architectes ont généralement une conscience très vive

ne cherchent jamais à brouiller les repères entre le réel et

du « style » des autres, mais ils sont souvent réticents à

l'irréel, et l'attention qu'Agnès et Philippe portent au choix

l'idée de leur en voir appliqué un, peut-être parce que cela

des matériaux et à leur authenticité ne laisse aucun doute

au fond n'existe pas, parce qu'ils n'adhèrent à un style (ou

sur le sujet.

une manière) bien plus souvent par nécessité plutôt que par

Un héritage rationaliste assumé, c'est certain, et la saveur

goût. Le style, c'est un mot du dissensus, un mot sur lequel

d'une architecture réglée avec toutefois une prise de

nous ne sommes pas, nous ne serons jamais tous d'accord.

distance progressive qui s'exprime par exemple dans

Parce que c'est un mot où se combattent des valeurs, et

leurs derniers projets d'immeubles nantais de belle

qui fait surgir des convictions sur ce à quoi l'on tient. Et

hauteur, frôlant la barre fatidique de l'IGH, où apparaissent

les choses résistent toujours aux mots qui voudraient

les prémisses d'un souci de l'ornement qu'on ne leur

les emprisonner, surtout les choses de l'architecture,

connaissait guère jusqu'ici. Mais il arrive fréquemment que

gouvernées qu'elles sont par l'opiniâtreté muette de la

le style des auteurs évolue en changeant de genre...

matière. Comment ça tient ? C'est en somme le juge de paix.

PLAISIR TACTIQUE Chez eux, le plaisir est tactique : il s'entoure de raisons et trouve sur son chemin des explications, aussi bien celles

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L'EXPÉRIMENTATION ET LA DÉFORMATION Quelques impératifs cependant évitent par leur constance à l'ensemble d'apparaître comme désordonné. Philippe Barré et Agnès Lambot ne sont tentés ni par la rupture ni par l'avant-garde – qui par définition se déplace. L'avantgarde agit régulièrement suivant un double mouvement, liquider (les aînés, les références épuisées…) et / pour théoriser (un nouveau mode d'agir). Et pour finir, ce sont les positions (et leur exposé) plus souvent que les œuvres qui sont « d'avant-garde ». Ce n'est pas le camp des Barré Lambot. Ils penchent plutôt vers l'expérimentation et la déformation. Brillants et discrets, ils feignent de rester à l'intérieur d'un code apparemment classique, conservant les apparences d'une écriture respectueuse de certains impératifs tout en parsemant leurs bâtiments de quelques étrangetés qui n'ont cependant jamais rien d'hystérique. Le tact, sans exclusive. DÉPASSER LES GENRES D'une manière générale, statut et genre sont des interrogations récurrentes dans le travail des Barré Lambot. D'où leur penchant sans doute pour le neutre et l'esquive des paradigmes dominants, le neutre comme principe actif et réfractaire, sourdement réfractaire, renoncement au devoir-être, moderne, classique… Les grands systèmes, ou les systèmes suffisamment grands, ont pour tout architecte qui s'y inscrit une fonction de protection, à la manière d'un contrat féodal : ils vous couvrent, on les défend. Les architectures des Barré Lambot rappellent plutôt la « noble réserve » qu'évoquait l'historien Manfredo Tafuri à propos de celles d'Aldo Rossi – à ses débuts seulement, as time goes by – qui comptèrent parmi leurs influences majeures tout au long de leur scolarité à Nantes à la fin des années 1980.

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Échapper aux genres et dépasser les styles : leur bâtiments

famille jusqu'au Vorarlberg en Autriche. Ils se recueillirent

ne sont jamais « datés » et rarement « griffés ». Et ils n'ont

en chemin dans la chapelle imaginée par Peter Zumthor

jamais « gesticulé ». Toujours stérile. Vous ne les trouverez

chez lui, dans les Grisons à Sumvitg, alors qu'il approchait

pas non plus sur les pistes parfois délirantes du numérique.

la cinquantaine. On y entre par le côté, une grande porte

Lorsqu'ils ont travaillé avec des artistes, régulièrement, ils

percée dans un généreux volume cubique décalé, et la

n'ont jamais cherché un quelconque effet de sidération. Et

clarté y vient d'en haut. Bois, silence et lumière. La feuille

rares sont chez eux les effets tectoniques gratuits, plutôt

se dessine sous les bardeaux. Saint-Benoît s'inscrit dans la

l'équilibre et la sobriété, et parfois même une forme de

pente comme le souvenir d'un lieu visité en été. Les Barré

détachement : plutôt que le conflit esthétique, Philippe

Lambot sont des amoureux de la discipline, architecturale,

Barré et Agnès Lambot cherchent à rassembler autour de

qui s'en sont un peu émancipés avec le temps. Même si

leurs propositions le public le plus large possible par un

la citation de Giorgio Grassi est toujours là sur le site

ancrage dans la réalité sensible. Le neutre, faut-il rappeler

internet, « projeter signifie s'insérer inévitablement dans

ici cette phrase célèbre (et ambiguë) de Barthes prononcée

une expérience vivante en se mesurant directement à elle

lorsqu'il donna un cours sur la notion au Collège de France

sans aucun alibi possible », épitaphe sur laquelle s'ouvre la

(1977-78), « tout d'un coup, il m'est devenu indifférent de ne

présentation de l'agence. Mais on prend des libertés, avec

pas être moderne ».

la collection. Ils iront en avant, découvrir d'autres cités.

En d'autres termes, fallait-il se rêver rossien avant de devenir corbuséen ? Les œuvres architecturales ne se succèdent pas sans garder trace de ce qui les a précédées. Rossi ne remplace pas Le Corbusier comme le pneu gonflable a remplacé le pneu plein, puisque leur relation à Rossi ne périme pas notre relation à Le Corbusier, mais en quelque sorte l'implique et la contient. FORMALISME APAISÉ Plutôt que des distances, prendre ses aises avec le formalisme, en toute simplicité, à l'image du Bâtiment B dont la forme est née en 2013 d'un plan libre à l'allure elliptique : un anneau de portiques crée un cœur vide qui devient un espace complémentaire et ouvert à tous les acteurs s'occupant d'une filière-bois. Lyrique sans être exaltée, la goutte d'eau est un symbole silencieux. Ce plan s'inspire librement de la déformation de celui d'un glorieux aîné. Les Barré Lambot employèrent en effet leur été 2009 à un « pèlerinage » en

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PÔLE SERVICE Typologie Nantes

47°13'50.2"N 1°37'42.6"W

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Le projet du Pôle Service se situe sur la ZAC Armor à SaintHerblain, proche du Zénith. La topographie significative du terrain, incite à la création d'un socle en rez-de-chaussée marqué par un muret en limites ouest et sud du terrain. À l'ouest, un cheminement piéton en béton balayé est créé sur ce socle, permettant de relier le parking de l'opération au nord et l'espace public. Le bâtiment est occupé à l'ouest, par un immeuble de bureaux en étages et au sud, par une zone de restauration en rez-de-chaussée. Cette dernière est organisée sur trois plateaux suivant la déclivité du terrain. Les façades des deux étages de l'immeuble de bureaux sont revêtues de panneaux métalliques perforées orientables pour gérer l'ensoleillement de l'ouest, du sud et à l'est.

— Programme : bureaux et commerces Maître d'ouvrage : REN Surface : 3 850 m2 Livraison : 2012



MALAKOFF Grand paysage Nantes

47°12'49.2"N 1°31'57.6"W

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Par Jean-Louis Violeau

Comme tant d'autres « quartiers », d'habitat social conçus au tournant des décennies 1960-1970, Malakoff est une utopie abîmée. Petit rappel utile, Malakoff aura d'abord été brièvement un quartier de modestes fonctionnaires vendéens. Ensuite tout se dégrade, d'abord lentement, puis inexorablement. Les pansements que l'on a cherché à coller dans les années 1990 (réfection des caves et halls d'entrée, amélioration des espaces publics, ouverture d'équipements) ne tiennent pas. À partir de 1998, notamment sous l'impulsion de Daniel Asseray adjoint jusqu'en 2001, on passe à la vitesse supérieure avec le Grand Projet de Ville, et le périmètre s'élargit à la semifriche du Pré-Gauchet. Geste inaugural, décision fondamentale, consacrant le séjour du plus grand nombre. Aussi, lorsque Nantes Habitat proposa en 2010 au duo Barré Lambot une intervention sur quatre tours, rue d'Angleterre et rue du Luxembourg, plutôt que de détruire ou nier, les architectes accompagnés du plasticien Alain Gunst choisirent de réinterpréter. Un changement de décor : la double peau métallique se trouve justifiée par la grande hauteur, l'exposition aux intempéries ainsi que l'intervention en site habité, mais ici pas de polémique à l'image de celle qui court en cette année 2018 autour du projet de réhabilitation par l'agence RVA

des prestigieuses – un temps du moins – tours Nuages d'Émile Aillaud situées en lisière de La Défense. Austères, les tours conçues par l'architecte nantais Jean-Luc Pellerin n'étaient revêtues d'aucune célèbre mosaïque – et le plasticien Fabio Rieti n'était le gendre que de l'architecte parisien… On pouvait donc à loisir changer la matérialité des parois de ces tours sans nier leur identité, au contraire, et ce bien avant qu'à Nantes les dysfonctionnements, thermiques notamment, aient atteint le même paroxysme qu'à Nanterre où les mosaïques des façades sont depuis longtemps rapiécées au fil de l'eau. Auparavant inertes, ces tours « réagissent » désormais à leur environnement, à la météo et à la couleur du temps. Un changement de décor, donc, mais pas seulement puisque les plans des appartements ont également été profondément modifiés, invitant notamment les habitants à redécouvrir ce qui est probablement l'atout-maître de leurs logements : les vues qu'ils offrent sur l'extérieur, et sur la Loire en particulier. Crever l'écran, ou comment redécouvrir le grand paysage en intervenant simplement sur le plan du logement. Il persiste toujours une forme d'inaptitude de l'image à restituer la sensation intérieure. — Programme : logements Maître d'ouvrage : Nantes Habitat Surface : 29 234 m2 Livraison : 2013



GRAND AIR Oxygène La Baule

47°17'11.7"N 2°22'31.3"W

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Le nouveau gymnase pour le lycée Grand Air à La Baule vient s'implanter sur un site exceptionnel en prolongement d'un gymnase existant, entre un espace boisé classé sur le flanc de la dune et un plateau sportif. Le bâtiment se développe en trois séquences successives : Un volume simple de bois s'articulant avec le bâtiment existant grâce à la mise en place d'un patio de double hauteur, distribue les différents espaces techniques, mais également les vestiaires et les gymnases. Ce dispositif permet de s'écarter de l'existant pour minimiser les problèmes structurels et de garder la luminosité du gymnase existant. Le nouveau gymnase tout en bois, particulièrement lumineux grâce au dispositif d'ouïes continues sur les façades, donnant une identité forte à cet équipement tout en l'élançant. Le mur modulable permettant l'escalade et faisant fond de scène au gymnase, animant l'intérieur de la salle comme les abords du plateau sportif.

Le projet de nouveau gymnase se résume en une pièce de bois lumineuse, gardant le lien de la dune et son bois avec le plateau sportif, par sa transparence. Lisible et généreux, il garantit un réel plaisir d'usage à ses occupants.

— Programme : gymnase Concours public 2009 Maître d'ouvrage : Région des Pays de la Loire Surface : 1 508 m2 Livraison : 2013



BÂTIMENT B Goutte d'eau Nantes

47°12'19.9"N 1°33'46.8"W

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Par Jean-Louis Violeau

Là où le bois n'est souvent employé aujourd'hui qu'en simple vêture, il organise au Bâtiment B un tout cohérent. La façade s'y enroule pour dessiner une goutte d'eau ou si l'on préfère une coque de bateau. Elle dessine un monde en soi, une forme introvertie donc une forme d'utopie. Mariant le Douglas et le chêne, elle s'assume par sa rythmique régulière, et même parfois autoritaire. Harmonieuse et progressive avec ses ventelles verticales, éludant par avance une alternance compromettante entre nord et sud, elle offre aussi l'avantage, d'un seul tenant, de résoudre l'hypothèque toujours inquiétante du vieillissement du matériau. Pour franchir harmonieusement le temps, le bois préfère la verticale à l'horizontale… Le Bâtiment B est un meccano trompeur qui donne l'apparence du brut tout en étant extrêmement travaillé, dans ses détails et dans ses habillages. La forêt de bois s'est donc éclaircie progressivement, mais pour autant le Bâtiment B ne s'efface pas dans le paysage de l'Île de Nantes. Il est au cœur de l'Île, mais il ne lutte pas non plus, il se pose, au diapason du parking des Machines où dorment les autos, et s'oriente sur la trame des rues qui le contournent et face aux Nefs ouvragées. Il offre un écho mesuré à leur vaste esplanade, clairière organiquement liée à la respiration de l'Île qui communique le sentiment soudain

de l'espace ouvert sur les rives d'un territoire allongé au bord du fleuve. Sa mezzanine rappelle l'entresol des riches immeubles du quai de la Fosse que l'on devine au-delà du pont Anne-deBretagne. À l'arrière, il étire son entrée destinée au public vers l'abri des bus qui voit le C5 relier directement la pointe de l'Île et le quai des Antilles à la gare sud. L'ensemble du plan s'étire ainsi pour libérer l'espace public – comme d'autres prestigieux aînés ont pu le faire, trouvant un parvis devant le Centre Pompidou à Paris ou dessinant une nouvelle place à Porto autour d'une Casa da Musica. À Nantes aussi, le Bâtiment B devient un îlot sans tangenter les limites de la parcelle. Façade avant / façade arrière ? Ce n'est pas la question, guère d'importance, ou plutôt aucune pertinence : ne pas se disperser à la pointe extrême d'une cité que Julien Gracq avait décrite comme une « longue hésitation, jamais tranchée, entre la ville et la campagne ». — Programme : bureaux Concours 2010 Maître d'ouvrage : Atlanbois, ADI Surface : 1 527 m2 Livraison : 2013



LINÉO VERSANT SUD Skyline Angers

Par Jean-Louis Violeau

47°27'44.1"N 0°33'44.7"

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À l'ouest, le trajet vers Paris par le train est étonnamment balisé désormais. Avant-poste, la tour Nouvelle Vague sonne le départ, Linéo l'escale angevine, sans oublier les tribunes du stade de football de La Suze, œuvre des débuts qui a vu récemment ses murs repeints de rouge, marqueur obligé. En arrivant de la mer, Linéo se dresse désormais face au train comme une alternative à l'architecture environnante de casernes et de petits immeubles de faubourg couverts d'ardoises. Le quartier est en mutation, c'est un signal. Un immeuble mitoyen conçu par Nicolas Michelin vient de s'y accoler. Sa relative banalité souligne encore le caractère pionnier de son voisin. Le monolithe vitré voit sa régularité perturbée par des loggias parées de bois. Quel est son statut, et quel est son genre ? En clair, s'agit-il d'une tour ? Régulière ou chahutée ?

— Programme : bureaux et logements Concours 2012 Maître d'ouvrage : OCDL Surface : 6 090 m2 Livraison : 2014



PAVILLON 1924 Lanterne

Linas-Montlhéry

48°37'28.0"N 2°14'40.6"E

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L'espace événementiel pour l'autodrome de Linas-Monthléry se situe au centre de la piste de l'autodrome. Le pavillon appelé «1924» , date de création de l'autodrome, s'implante au centre de gravité d'une clairière existante. La forêt existante crée le fond de scène du bâtiment et suffit à l'insertion du bâtiment dans le site. Son diamètre de 35,60 m offre une façade continue. Une rampe douce en périphérie du volume, propose la découverte du site à travers une «maille » d'aluminium perforée. Cette promenade extérieure culmine à 8 mètres au-dessus du sol sans excéder la hauteur de la rampe de la piste environnante. Une large terrasse en attique, offrant des vues sur l'ensemble du site, sera le lieu des manifestations festives en lien avec le pavillon et son parvis. Un balisage lumineux ponctuera la nuit ce parvis depuis la voie d'accès. Le pavillon sera ainsi perçu comme une lanterne lumineuse.

— Programme : showroom Concours 2012 Maître d'ouvrage : Groupe Utac Ceram Surface : 865 m2 Livraison : 2014



NOUVELLE VAGUE Belle hauteur Nantes

Par Jean-Louis Violeau

47°12'58.1"N 1°31'59.9"W

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Comme un paratonnerre attire la foudre, avec la Tour Bretagne, Nantes a longtemps entretenu un rapport contrarié à la hauteur. La Tour Bretagne est une sorte de « degré zéro du monument », le signe pur et presque vide de la hauteur. C'est l'inutilité de la Tour Bretagne qui fait qu'elle peut servir sans fin en tant que signe, à la fois comme état zéro et état de plénitude maximale, l'un et l'autre alternant. Mais sans doute fallait-il en passer d'abord par ce purgatoire, car aujourd'hui Nantes se présente un peu comme un paradis renouvelé de la hauteur, sur un autre mode qui serait plutôt celui de la rentabilité. La ville est insolente, elle se permet à nouveau des tours. Sur le Pré-Gauchet, dans une proximité spatiale qui leur permet d'entretenir des rapports visuels singuliers, celles-ci dessinent progressivement un nouveau paysage, en particulier à l'extrémité du mail PabloPicasso. Chronologiquement,

le promoteur Vinci y a d'abord ouvert en 2014 les portes des 85 logements de la Nouvelle Vague. Sa façade est rythmée par l'alternance graphique de claustras posées sur des balcons filants. « Sans maquillage, ont dit d'elle ses architectes, le béton juste lasuré est un véritable hommage au travail réalisé ». 97 000 heures ont été nécessaires au gros œuvre, près de 11 000 m3 de béton y ont été coulés, 855 tonnes d'acier posées et 303 pieux enfoncés – n'oublions pas que le secteur est marécageux ! Vous savez, c'est là que se trouvaient le Point P, le dépôt des bus et le centre de tri. Il y a une dizaine d'années, guère plus . — Programme : bureaux et logements Concours 2010 Maître d'ouvrage : ADIM Surface : 17 300 m2 Livraison : 2015



QUATUOR Matière Roubaix

50°42'14.2"N 3°09'55.2"E

238

Ce projet d'immeubles de bureaux d'éco -quartier d'excellence opte pour une architecture située, voulue par la Ville de Roubaix et sa respectueuse du gabarit et de la Métropole. — rupture d'échelle. Programme : bureaux Un dispositif en gradins s'élève Concours 2011 depuis le boulevard d'Halluin pour Maître d'ouvrage : ADIM Surface : 20 000 m2 culminer à l'angle nord-ouest de Livraison : 2015 la parcelle en harmonie avec la Tour Mercure tout en ménageant des vues sur la flèche de l'église Saint-Joseph à proximité. Les quatre immeubles s'organisent en « peigne » sur le quai de Dunkerque, offrant une grande perméabilité visuelle. Ils sont posés sur un socle de parking constitué de deux niveaux dont le rez-de-chaussée bas dispose d'une hauteur de plancher à plancher de 3,40 m pour permettre la réversibilité de ce parking en bureaux. La matérialisation de cet ensemble immobilier est assurée par la mise en œuvre de briques en parement de façade, garante d'une architecture située en prolongement de l'histoire du quartier mais en le replaçant dans une perspective de développement cohérent



TREMPOLINO Morceau de ville Nantes

Par Jean-Louis Violeau

47°12'32.9"N 1°35'14.5"W

290

De la vitesse de lecture dépendent beaucoup de choses en architecture. La taille des œuvres comme la vitesse de leur lecture font partie de leur sens. Déblayons. Trempolino, il y a trois manières de le « visiter ». Vu du boulevard c'est d'abord un signal qui répond de manière heureuse à une autre rotonde qui, après elle, a poussé un peu malheureuse et un peu plus haut sur la ligne 1 du tramway à la Croix Bonneau. Béton banché, il fallait oser là où un peu plus haut on se sera cantonné au crépi blanchi. En passant vite, depuis son automobile, l'attention visuelle portée à l'oblique vers les bas-côtés oscille en permanence entre le détail et la généralité. À l'angle sud du triangle dessiné par les boulevards de l'Égalité, René-Coty, et la rue du Bois Hercé, ce nouveau promontoire marque ensuite le début de la profonde rupture de pente qui conduit vers les lointains aux quais et aux berges de la Loire. L'on y entre en ville, parfois à

reculons, et comme à regret. On devine immédiatement la qualité des vues qu'offrent les étages. Enfin, vu du cœur de l'îlot ainsi redessiné, comme prise en écharpe c'est une échancrure de domesticité qui est venue se substituer aux anciens bâtiments de l'association du même nom, Trempolino : soixante logements pour Nantes Habitat, une crèche et des locaux d'activités. Mixité, aménités, proximités, nous y sommes, mystérieusement dirigés. S'y discerne à peine le « vivre ensemble » d'un groupe restreint dans lequel la cohabitation n'exclut pas la liberté individuelle. Ce qui est aimé, ce sont des concomitances, le mouvement vivant de son jardin central prolongé par les logements encore éveillés, la vie quotidienne liée à une juxtaposition de figures et d'espaces typiques. — Programme : Logements et activités Concours 2013 Maître d'ouvrage : Nantes Habitat Surface : 3 796 m2 Livraison : 2017





326 VILLA T.V. — LA BERNERIE

Les inquiétudes sont régulièrement surmontées par petits et grands plaisirs des sens. Parfois inattendus. La douceur et la chaleur du béton n'est pas des moindres... Au départ la découverte d'un site admirable, face à la mer dans la baie de Bourgneuf, avec sa pente assez forte jusqu'à la falaise, son alignement de grands arbres, occupé par une ancienne maison de pêcheurs, et un horizon sans fin. Nous avons choisi Philippe Barré et Agnès Lambot car leurs réalisations correspondent à notre sensibilité : simplicité, rigueur, esthétique des volumes et des matières. Une « patte » qui s'adapte au contexte, toujours là, mais jamais dans la répétition formelle. Nous n'avions pas mesuré l'ampleur de l'aventure architecturale qui nous attendait... mais nous savions une chose : les multiples contraintes, événements et choix qui émaillent le projet au fil de l'eau ne mettraient pas à mal sa qualité finale. Philippe veille... il tient le cap des fondamentaux : volume, proportions, lumière, lignes intérieures...

Paroles de commanditaires

Villa T.V. La Bernerie

2018


327



TABLE DES MATIÈRES 11 REMERCIEMENTS

50 CONCOURS STADE MARCEL SAUPIN Nantes

90 EXPOSITION GALERIE D'ARCHITECTURE Paris

23 MORCEAUX CHOISIS DE 1989 À 1999

52 CONCOURS ÉCOLE BEAUX-ARTS Caen

96 FEYDBALL PLAYGROUND V.A.N. 2015 Nantes

24 STABULHOME Montsireigne

56 CENTRE SECOURS GOUZÉ Nantes

103 MORCEAUX CHOISIS DE 2009 À 2019

26 VILLA L. Les Sables-d'Olonne

60 LOGEMENTS NORKIOUSE Rezé

104 RATIONALISME CONTINGENT Jean-Louis Violeau

28 HÔTEL DES POSTES Les Herbiers

62 VILLA F. Mesquer

30 59 LOGEMENTS P.L.A. Nantes

64 MAISON G. Nantes

32 INSTITUT D'AMÉNAGEMENT DE LA VILAINE La Roche-Bernard

66 SALLES SPORTIVES Vertou

13 ENTRETIEN

34 ÉQUIPEMENT POLYVALENT D'ANIMATION Grandchamp 39 MORCEAUX CHOISIS DE 1999 À 2009 40 SALLE DES FÊTES Bain–de–Bretagne 42 IMMEUBLE DEURBROUCQ CHU Nantes 44 SIÈGE SOCIAL SAMO Nantes 46 CONCOURS MÉDIATHÈQUE Quimper 48 HÔTEL DE VILLE Muzillac

68 MAISON A. Nantes

176 ÉCOLES DES MINES Nantes 186 LOGEMENTS QUADR'ÎLE Nantes 196 CONCOURS LOGEMENTS ÎLOT DUGAS MONBEL Lyon

280 LOGEMENTS PASSAGE LOUIS-LEVESQUE Nantes 288 MAISON S. La Boulinière 290 LOGEMENTS TREMPOLINO Nantes

198 CONCOURS COLLÈGE Vertou

302 LOGEMENTS BEPOS Angers

108 MAISON T. Saint­–Herblain

200 LOGEMENTS ET BUREAUX LINÉO VERSANT SUD Angers

310 LOGEMENTS CARRÉ DE LA SOIE Villeurbanne

110 INSTITUT GÉNOMIQUE MARINE Roscoff

210 PAVILLON 1924 AUTODROME Linas Montlhéry

118 PÔLE SERVICE ZAC ARMOR Saint­–Herblain

218 SDIS 85 Fontenay­–Le–Comte

128 VILLA L2. Olonne-sur-Mer

70 LOGEMENTS PLACE LABORDE Saint–Nazaire 130 CONCOURS SDIS 72 Rennes LOGEMENTS TRIPODE Nantes 132 LOGEMENTS MALAKOFF 74 Nantes BUREAUX TRIPODE Nantes 140 MAISON C. 76 Vannes HORS LES MURS 142 78 LOGEMENTS GAO PARADISE Nantes CENTRE D'ARTS Nantes 154 GYMNASE 86 LYCÉE GRAND AIR EXPOSITION ALAP La Baule PALAIS DE TOKYO Paris 162 BÂTIMENT B. Nantes

226 LOGEMENTS ET BUREAUX NOUVELLE VAGUE Nantes 238 BUREAUX QUATUOR Roubaix 252 LOGEMENTS EKO GREEN Nantes

316 LABORATOIRES IRIS 2 Angers 324 MAISON D. Saint­–Pierre de Quiberon 326 VILLA T.V. La Bernerie 328 INTERVIEW Version anglaise 334 CONTINGENT RATIONALISM Version anglaise 336 ACTUALITÉ

258 MAISON DES SCIENCES DE L'HOMME BRETAGNE Rennes

340 DISTINCTIONS EXPOSITIONS PUBLICATIONS

270 LOGEMENTS PORTENEUVE Nantes

342 PARTENAIRES

278 CONCOURS LOGEMENTS ÎLOT TARDIEU Nantes

348 CRÉDITS



CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES © Philippe Ruault

À l'exception de : © Mathieu Bernard-Reymond Quadr'Île : p. 192 et 193 © Agathe Barré Trempolino : p. 292, 293 et 300 © Paradise p. 78 et p. 84 (DR) p. 188 et 213

Achevé d’imprimer en novembre 2018 sur les presses de l'imprimerie Offset 5 à La Mothe-Achard (85) Dépôt légal 4e trimestre 2018.



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