DECRYPT'AGE #9 Magazine d'actualité ISCPA LYON juin 2020

Page 1

DECRYPT' AGE 11 juin 2020 - n°9

GEORGES FLOYD

SYMBOLE D’UNE DIVISION AUX ETATS-UNIS

SPACE X

9

Une entreprise privée dans l’Espace

10

ANONYMOUS

De l’«hacktivisme» au média


PHOTO D’ARCHIVE C

e mardi 2 juin, un grand rassemblement avait lieu à Paris afin de protester contre les violences policières suite au décès de George Floyd aux ÉtatsUnis. L’organisatrice de l’événement, qui a rassemblé plus de 20 000 personnes, n’est autre que la sœur d’une victime de violences policières. Assa Traoré, qui se bat depuis maintenant 4 ans pour que justice soit rendue à son frère, Adama Traoré. Pour rappel, le jeune homme s’était fait arrêter pour un contrôle, avant de subir un plaquage et succomber à une insuffisance respiratoire sans que les forces de l’ordre ne s’en préoccupe, d’où l’indignation de l’opinion publique à la suite de cet évènement. La mort de Floyd outre-Atlantique a donc rappelé ce fâcheux évènement et c’est la sœur d’Adama Traoré qui s’est montrée comme la figure de proue de ce rassemblement. Elle est intervenue, point levé : « ce n’est plus seulement le combat de la famille Traoré mais le combat de nous tous » avant de surenchérir « vous avez participé à la liberté de certains êtres-humains. Il faut que notre police cesse de se comporter, en toute impunité, comme une mafia face aux personnes racisées ». Multipliant les interventions télé, les manifestations, et luttant depuis quatre ans maintenant pour contre les violences policières, la Franco-Malienne pourrait devenir une icône du mouvement en France et même à l’international. Un

© @Swelly

Assa Traoré lève le poing lors du rassemblement organisé à Paris pour lutter contre les violences policières

© UPI / MAXPPP

rôle encore inoccupé dans l’Hexagone qui pourrait lui laisser une place parmi les grands défenseurs des droits civiques. Des années avant elle, on se rappelle bien évidemment Martin Luther King. L’Américain est souvent considéré comme l’un des précurseurs du mouvement des droits civiques des noirs américains aux États-Unis. L’occasion de se remémorer en premier lieu de son discours prononcé le 28 août 1963 devant le Lincoln Memorial à Washington, D.C. Ce jour-là, MLK avait un rêve : celui, qu’un jour, l’égalité pour tous existe et ce, peu importe la couleur de peau ou l’origine. Cinquante ans plus tard, le problème existe encore et ce sont de nouvelles figures qui viennent défendre ce que lui ou d’autres, comme Rosa Parks et Malcolm X par exemple, préconisaient déjà au XXème siècle. Les mobilisations massives observées à travers le monde récemment montrent que la cause se répand et que de plus en plus de personnes y sont sensibles. C’est pourquoi le combat continue et ainsi Assa Traoré pourrait, d’ici plusieurs années, devenir une figure de cette lutte.

Elliot Rogliardo

Martin Luther King prononçant son célèbre discours « I have a dream » à Washington aux États-Unis en 1963

2 DECRYPT’ÂGE


SOMMAIRE

ÉDITORIAL

CULTURE..................................................4 Les Barbapapas fêtent leur anniversaire

ENVIRONNEMENT...........................5 France : Emmanuel Macron mise sur la voiture électrique

POLITIQUE...........................................6 Georges Floyd : symbole d’une Amérique divisée

CONFLIT..................................................8 Les antifa’ : héros ou terroristes ?

SCIENCES..............................................9 Space X : le privé dans l’Espace

MÉDIA....................................................10 Les anonymous sont-ils devenus un média ? Interview de François Jost

ECONOMIE..........................................11 Le revenu universel a le vent en poupe

Année noire. Ô grande année 2020. Que nous vous eussions fait pour être aussi brutale avec nous ? Les premiers mois de l’année ne présageaient déjà rien de bon. L’accélération des feux australiens dévastant les terres « d’Ozie », avant qu’un machiavélique virus ne prenne la vie de près de 350 000 personnes et plonge le monde entier dans un chaos total sans précédent. Au milieu de l’année, le paysage semblait se dégager et de nouveau être au beau fixe. La plupart des pays annonçaient leur sortie de confinement, la vie sociale, sportive et culturelle reprenait du poil et la chaleur estivale arrivait plus vite que prévu, pour le plus grand bonheur de tous. Mais non. Il a fallu qu’un certain Derek Chauvin vienne casser l’ambiance, en 8 minutes 46 seulement. 8 minutes 46 de trop. 8 minutes 46 où un policier bloque la respiration d’un citoyen américain avec son genou, et l’asphyxie avec un sang-froid glaçant. En 8 minutes 46, Derek Chauvin venait de révolter toute un État, tout un pays et le monde entier par la même occasion. Pourtant, les États-Unis auraient pu envoyer une belle image de marque au monde, avec le lancement de la fusée Falcon 9 de Space X vers l’espace. Premier vol depuis le sol américain depuis 2011 et première historique pour une société spatiale privée. Derek Chauvin, bon patriote américain, aurait été fier de voir son pays faire la Une de tous les journaux pour cette actualité. La Une de tous les journaux, ce policier l’a fait. Malheureusement, l’Histoire retiendra de juin 2020 uniquement l’énième bavure policière aux États-Unis et la révolte de toute une planète, prolongeant une année noire déjà bien trop longue.

Kenny Lauterbach

8 10 6

Rédacteur en chef : Kenny Lauterbach Rédacteurs : Ugo Maillard, Léa Grillet, Margaux Levanto, Léo

Mourgeon, Nathan Vacher, Christopher Coustier, Thibault Ajaguin, Inès Pallot, Elliot Rogliardo : Léo Mourgeon : Léa Grillet, Elliot Rogliardo

Maquette

S.R.


CULTURE

Hup hup hup, Barbanniversaire

Les barbapapas ont entamés en 2017 une nouvelle série de 52 épisodes diffusée sur TF1 © Alice Taylor

Il y a 50 ans naissait une famille pour le moins atypique et colorée. Tous les matins sur TF1, en livres ou encore en sac à dos, les Barbapapas se transforment à volonté, ronds ou carrés. Retour sur une famille qui a marqué des générations entières.

A

nnée 1970, Annette Tison, architecte française et Talus Taylor, mathématicien américain, se promènent dans le jardin du Luxembourg. Ce dernier entend alors un enfant réclamant quelque chose ressemblant à « baa baa paa paa », ne comprenant pas le français Talus demande à sa femme la signification de ces onomatopées. Annette lui explique alors qu’il s’agit d’une sucrerie que lui appelle coton candy, en français « barbapapa ». C’est autour d’un café que le couple dessine sur la nappe les premiers traits d’un personnage en forme de poire rose très minimaliste qui leur rappelle la friandise. Pour ce qui est des couleurs et des noms des autres membres de la famille, le mystère restera entier. Les auteurs ne donneront jamais de détails quant à la création finale du premier livre à l’origine du célèbre dessin animé. La mort de Talus ne sera que peu médiatisée en 2015, quant à Annette, son décès en 2013 passera inaperçu. Pourtant, depuis 50 ans, cette famille est devenue l’un des dessins animés les plus populaires du petit écran. Et pour cause, les barbapapas incarnent à eux seuls, les valeurs d’une famille progressiste et écolo, et dévoilent aux enfants comme aux plus grands, les fondements d’un urbanisme et d’une architecture nouvelle.

Une vision avant-gardiste de la famille Si l’on se plonge dans les aventures de la famille Barbapapa, on y découvre une famille aux idéaux nouveaux pour l’époque (1970). Bien que le titre de l’œuvre, axé sur le nom du père sonne assez patriarcal, les visions familiales traditionnelles sont bouleversées. Dans la majorité des épisodes, les garçons : Barbidur, Barbibul, Barbidou et Barbouille, s’occupent des tâches ménagères, de la cuisine. Pendant que les filles, Barbalala,

4 DECRYPT’ÂGE

Barbotine et Barbabelle bricolent et font de la mécanique. Des activités bien loin des personnages qui partagent le petit écran à cette heure. Candy ou alors Albator restent très ancrés dans les stéréotypes respectifs de la princesse et du corsaire super masculin. Le monde, la famille espère d’ailleurs bien le changer, à petite échelle certes, mais l’univers coloré des Barbatrucs s’installe dès ses débuts dans une optique écologiste avant l’heure.

Idéaux écologistes Annette Tison et Talus Taylor ont insufflé à leurs personnages une vision écologiste et consciente de la détresse du monde qui les entoure. Dès leurs débuts, la famille refuse de vivre en HLM, et décide de se construire une maison atypique, alimentée en énergie renouvelable en pleine nature. Plus tard, les bulldozers tenteront de détruire leur maison idéale, manque de chance les Barbapapas, malléables à souhait se battront et repousseront ces envahisseurs. Ils aiment les animaux, tentent de les comprendre et les protègent dans de nombreuses aventures. Pourtant, excédée par la nature humaine, la surconsommation et la pollution, la famille s’exile dans l’espace le temps d’un épisode en 2010. Depuis les années 1970, ces ectoplasmes continuent de transmettre aux enfants des valeurs progressistes, dans un monde coloré qui n’en demeure pas moins violent et réel.

Léa Grillet

Le saviez-vous ? En 2018, l’écrivain et philosophe Aurélien Bellanger déclare sur France Culture « tout ce que les français savent de l’urbanisme, ils l’ont appris dans Barbapapa ». En référence à l’épisode La maison de Barbapapa où l’on découvre la maison bulle de la famille, inspirée des architectes Antti Lovag et Henri Mouette et qui n’est pas sans rappeler le Palais Bulle de Pierre Cardin …


ENVIRONNEMENT

La voiture électrique, l’avenir de l’industrie automobile en France ? Les particuliers pourront bénéficier d’une prime à la conversion de 7 000€ pour l’achat d’un véhicule électrique, et les entreprises et collectivités d’une prime à 5 000€. © iStock

Emmanuel Macron a présenté le plan de relance pour le secteur automobile, fortement touché par la crise du coronavirus, en impulsant la voiture électrique. Depuis le XIXe siècle, cette dernière est l’invention qui fait rêver ingénieurs et nations, mais n’est pas pour autant un remède pour la planète.

«

Faire de la France la première nation productrice de véhicules propres en Europe », voilà l’ambition du chef d’État Emmanuel Macron. Suite à la crise sanitaire du Covid-19, de nombreux secteurs sont en difficulté en France, y compris l’automobile. Le 26 mai, Emmanuel Macron annonçait un plan de soutien « massif » de près de 8 milliards d’euros pour aider la filière. Un engagement à forte influence environnementale avec des mesures en faveur des véhicules propres, électriques et hybrides, comme des primes à la conversion considérables allant de 2 000 à 7 000€ pour l’achat d’un de ces types d’automobiles. D’autres mesures, comme l’implantation de 100 000 bornes de recharges électriques pour 2021, sont aussi prévues. Un fort espoir pour la voiture électrique qui en fait jaser plus d’un depuis plusieurs siècles.

Depuis le XIXe siècle, la voiture électrique attise la convoitise Le premier prototype n’est pas tout récent, bien au contraire. En 1834, Robert Anderson, un homme d’affaires écossais, construit une carriole électrique. Cette dernière n’est pas en capacité d’aller sur la route, il s’agît alors d’un essai parmi tant d’autres. Beaucoup de scientifiques, chercheurs ou électriciens se penchent sur l’invention de la voiture électrique. Mais le problème rencontré par tous était la batterie, non rechargeable. Et c’est un Français qui a trouvé la solution : Gaston Planté ! En proposant des électrodes en plomb plongées dans l’acide sulfurique pour recharger un système capable de la stocker. Né alors l’accumulateur électrique en 1859. Son invention est développée seulement 20 ans après, et le système est toujours

utilisé de nos jours. Nous devons là-aussi cette invention au français Gustave Trouvé. Après avoir amélioré le moteur électrique pour plus d’efficacité, il les installe sur un tricycle. L’ingénieur vient alors d’inventer le tout premier véhicule électrique. Nous sommes en 1881. Plus facile à démarrer et sans émettre un nuage de fumée noir, la voiture électrique connaît son âge d’or au début du XXe siècle. La Poste française livrait son courrier avec un véhicule électrique, le Mildé. Mais l’arrivée de l’essence bon marché, sa faible autonomie et son incompatibilité avec les réseaux routiers ont stoppé nettement son succès. D’autant plus avec le krach boursier de 1929 et la Seconde Guerre Mondiale. Depuis le début des années 2010 seulement, le marché de l’automobile électrique reprend réellement.

La voiture électrique : pas la solution miracle Si la voiture électrique est souvent perçue comme la solution idéale pour lutter contre le réchauffement climatique, la réalité en est tout autre. La construction d’un de ces engins requière beaucoup d’éléments chimiques, comme le lithium, le cobalt ou le néodyme. Rares, coûteux et polluants à extraire. Pour 4 kg de néodyme requis à la conception d’une voiture électrique, 91 tonnes de roches sont extraites. Une importante quantité d’eau est utilisée et les métaux et produits chimiques non-conservés sont dans la plupart du temps rejetés. De plus, la France n’autoproduit pas les batteries et moteurs mais importe d’Asie. Le plan de relance prévoit la relocalisation de ces productions pour réduire l’emprunte carbone due aux expéditions. Plus de trois années seront nécessaires pour que le bilan carbone des voitures électriques s’équilibre à celui des voitures thermiques et une importante pollution à sa construction à ne pas négliger. Emmanuel Macron, qui investit énormément et voit dans ce secteur l’avenir, prend-il la bonne direction ?

Margaux Levanto

DECRYPT’ÂGE

5


POLITIQUE

LE DOS © AFP

Les États-Un divisés apr de Georg

Plus d’une semaine après le décès un policier blanc à Minneapolis, le policières se multip Le slogan «Black Lives Matter» était déjà employé au temps de Luther King, comme ici en 1963

L

undi 25 mai, une nouvelle bavure policière a enflammé les États-Unis. Celle qui a entraîné le décès de George Floyd, un afro-américain de 46 ans, au moment de son interpellation à Minneapolis. Les images insoutenables de sa mort se sont vite répandues sur les réseaux sociaux. On l’a tous vu… plaqué au sol, étouffé par le genou de l’ex-policier Derek Chauvin, alors qu’il répétait tant bien que mal ne plus pouvoir respirer. Des milliers de personnes réclamant justice se sont rassemblées à Minneapolis, et un peu partout aux États-Unis, dès le lendemain. Les manifestations se sont rapidement transformées en émeutes : des commerces ont été pillés et incendiés dans la nuit du jeudi 4 au vendredi 5 juin, à proximité du commissariat où travaillaient Derek Chauvin. George Floyd ajoute son nom, bien malheureusement, à la trop longue liste des noirs américains, victimes de bavures policières volontaires. L’ampleur de la situation a, une fois encore, médiatisée le mouvement #BlackLivesMatter (Les vies noires comptent), créé en 2013 pour combattre les violences et le racisme envers les Noires.

La lutte pour les droits civiques La lutte des afro-américains pour leurs droits civiques remonte bien avant la création d’Internet et des hashtags. Lors de la Première Guerre Mondiale, l’immigration européenne est stoppée net pendant que le secteur industriel est débordé par la demande d’armement. Le besoin accru d’ouvriers entraîne alors l’embauche des Noirs du Sud du pays, dans les usines du Nord. La migration est telle que la population noire de Chicago passe de 44 000 à 234 000 personnes entre 1910 et 1930. New York est la deuxième ville la plus concernée par la migration noire, voyant sa population de couleur passer de 60 000 à 328 000 personnes, sur la même période.

6 DECRYPT’ÂGE

En route dans l’espoir d’un avenir meilleur pour leurs enfants, les afro-américains se heurtent à la répulsion et l’hostilité de la population Blanche. Les familles noires sont contraintes de s’entasser dans des quartiers isolés, de vivre dans des logements délabrés, et de supporter les emplois les plus humiliants. Évidemment très mal payés. La bêtise raciste du Sud arriéré des États-Unis, a rapidement progressé dans la totalité du pays.

Face à la situation, plusieurs organisations et mouvements luttant pour le respect des droits civiques, ont émergé. À leurs têtes, des intellectuels, mais aussi de simples citoyens engagés. À l’image de Marcus Garvey, Malcom X ou encore Martin Luther King Jr. Entre séparatisme racial radical, panafricanisme et militantisme pacifique, les solutions proposées pour s’émanciper de la suprématie blanche sont nombreuses. Mais c’est le mouvement pacifique des droits civiques mené par M. Luther King, qui contribue à crédibiliser très sérieusement la cause pour la fin des inégalités de traitement. Son célèbre discours « I have a dream… », lors de la marche pour l’emploi et la justice de 1963 à Washington résonne encore. Ainsi, les grandes lois de 1964 et 1965, interdisant la ségrégation et rétablissant le droit de vote de Ces scènes de chaos sont de tous les citoyens, ont pu entrer en grandes villes vigueur au Sud du pays. Parallèlement, son charismatique homologue Malcom X, partisan de l’usage de la force et plus en phase avec la colère, réussi à attirer une partie de jeunesse activiste Noire vers le Black Panther Party.


SSIER

nis (encore) rès la mort ge Floyd

© Reuteurs

s d’un afro-américain, asphyxié par es manifestations contre les violences plient aux États-Unis.

La radicalisation comme solution Cependant, le tournant majeur dans les relations noirsblanches aux USA se fait d’une toute autre façon. La hausse du chômage due aux fermetures des usines, aboutit à la paupérisation des quartiers Noirs. S’en suit le développement d’activités frauduleuses et criminelles, liées notamment au trafic de drogue. Les jeunes afro-américains adhérent de plus en plus aux idéologies du Black Panther Party. Le concept de « Black Power » incluant de se servir d’armes pour se défendre des brutalités policières. Pour endiguer le phénomène, les autorités municipales aux mentalités déjà pourries par le racisme, sont déployées dans les ghettos.

Commencent alors une série d’« étés chauds et longs », pendant lesquels des émeutes, le plus souvent causées par des altercations entre policiers et jeunes Noirs, éclatent dans les quartiers de Harlem, Watts et Détroit de 1964 à 1968. Pour exemple, on peut se référer à cette nuit du 23 juillet 1967. La police de Détroit décide d’intervenir dans un bar de la ville, où d’anciens combattants afro-américains de la guerre du Vietnam s’étaient retrouvés, evenues habituelles dans les pour célébrer leur retour. s américaines invraisemblable, la © Reuteurs Scène police décide juste d’interpeller toutes les personnes présentes au sein de l’établissement, soit 85 individus. Et en bonne représentante des valeurs blanches américaines, décide d’effectuer de rudes arrestations sur la rue principale. Après une heure de harcèlement, les personnes arrêtées sont emmenées au commissariat le plus proche.

La gestion de la crise de Donald Trump est très critiquée. Beaucoup se plaignent de son silence et de son parti pris. Les habitants du quartier, présents lors de la scène se mettent à saccager des magasins de la rue. C’est le début de l’émeute de Détroit. Et il faudra attendre l’intervention de la garde nationale pour contenir la rébellion. Cette militarisation du maintien de l’ordre a inspiré le président américain actuel Donald Trump, qui a décidé d’utiliser les mêmes méthodes d’interventions la semaine dernière. Martin Luther-King avertissait déjà : « Nous ne pouvons être satisfaits tant que le Noir est la victime des horreurs indicibles des brutalités policières ». C’est sur ce principe que repose le mouvement plus récent « #BlackLivesMatter », appelant à lutter contre les pulsions racistes, d’une poignée de meurtriers en uniforme. Après deux-cent cinquante ans d’esclavage et plus d’un siècle de lutte contre la discrimination, il est triste de constater que la vie des Noirs reste dénigrée et privée de dignité… Bien qu’ils ne soient pas les seuls à faire les frais de la haine raciale aux États-Unis. Au-delà des frontières américaines, le mouvement #BlackLivesMatter se répand comme une traînée de poudre, ravivant d’anciens scandales raciaux dans différents pays. Au Royaume-Uni, des milliers de jeunes manifestants ont marché dans les rues londoniennes, rappelant le « scandale Windrush », qui a empêché des milliers de Noirs d’origine jamaïcaine du Thibault Ajaguin pays d’obtenir la nationalité britannique.

DECRYPT’ÂGE

7


CONFLIT

Antifa, les héros devenus terroristes ?

© Reuters

Pour gagner une guerre il faut un ennemi. Trump a choisi les mouvements antifa

De sauveur à danger de la démocratie, la mouvance antifasciste divise. « Terroristes » pour Trump, ces groupuscules militent depuis bientôt 100 ans pour des valeurs humanistes. Alors, pourquoi leur image a changé du tout au tout ?

V

ivre et mourir de son image. Au pays de l’oncle Sam, les «Antifa» désignent des humains ou des groupes qui ont pris à bras-le-corps différentes luttes : le racisme, l’homophobie ou encore la lutte contre le capitalisme. L’antifascisme outreAtlantique n’a aucune figure de proue, ni hiérarchie, ni structure établie. Le New-York Times souligne dans ses colonnes que la mouvance antifasciste s’inscrit dans une «constellation de mouvements militants qui se sont rassemblés ces dernières années pour s’opposer à l’extrême droite». «Il est faux de dire que la plupart des gens qui ont causé ces dégradations s’identifient comme Antifa ou antifascistes. Il n’y a aucune preuve de cela», explique Mark Bray, auteur du livre «L’antifascisme». Il voit même «une manœuvre de la droite pour délégitimer ce mouvement de protestation».

Allemagne. Bien qu’il n’existe pas de réelle connexion entre les organisations antifascistes, on peut remonter la généalogie de l’Antifa américaine jusqu’à l’Allemagne de Weimar, où fut créé en 1932 le premier groupe décrit comme « antifa ». La bataille d’idées est remportée par ces mouvements de lutte politique au terme de la Seconde Guerre Mondiale. Hormis en Espagne où Franco et Saint-Lazare résistent, les fascistes sont battus et les mouvements antifa sortent de cette période avec la gloire d’incarner le rôle de défenseurs de nos démocraties.

Une défaite d’influence

Une victoire idéologique

Les antifa, forts de cette victoire n’abandonnent pas leur engagement. Ils vont donc devoir se transformer pour combattre et défendre une nouvelle cause. Très vite, les membres du mouvement qui, répétons-le, est hétérogène, vont s’orienter vers la quête de l’égalité et de la justice sociale. C’est lors de cette transition post fascisme que le mouvement va souffrir de nombreuses critiques. Pour Pierre-André Taguieff, l’antifascisme actuel n’est que la caricature de lui-même : glorifier le régime de Castro ou de Mao et vouer un combat sans fin aux ÉtatsUnis, symbole du libéralisme à outrance, ou encore à l’extrême droite, vue comme l’héritage du fascisme.

Le militantisme antifasciste né dans les années 1920, années durant lesquelles les antifascistes ont été impliqués dans des batailles de rue contre les chemises noires de Benito Mussolini ou encore brunes de l’Allemagne. Dans le monde anglo-saxon, des mouvements similaires naissent également avec l’Union britannique des fascistes et des organisations américaines pro-nazies telles que les Amis de la Nouvelle

Trump s’est lancé dans une bataille contre la mouvance antifasciste aux États-Unis. Un siècle après leur création, les Antifascistes ne parviennent pas à dépasser leur gloire d’antan et à trouver une place légitime dans le monde d’aujourd’hui : le président des États-Unis semble en capacité d’étouffer le mouvement. Ugo Maillard

8 DECRYPT’ÂGE


SCIENCE

Space X et son Crew Dragon rejoignent l’ISS © NASA

L’amarrage du Crew Dragon à l’ISS est entièrement automatique. Cette photo fut prise lors d’un test en mars 2019

Après 6 ans de développement, la société américaine Space X est parvenue à envoyer des hommes dans l’Espace. Le vaisseau Crew Dragon s’est amarré le 31 mai dernier à la Station Spatiale Internationale. Alors en attendant la fin de la mission (celle-ci étant une réussite uniquement si les deux astronautes reviennent sur Terre sains et saufs), retour sur ce lancement historique.

C

’est fait. Après une longue attente, les Américains ont retrouvé leur capacité à effectuer des vols habités en toute indépendance. Cela n’était pas arrivé depuis 2011 et la dernière mission de la navette spatiale Atlantis. Le 30 mai dernier, dans un événement très médiatisé, les astronautes Douglas Hurley et Robert Behnken ont décollé à bord du vaisseau Crew Dragon de Space X direction la Station Spatiale Internationale. Après son décollage, le vaisseau a été renommé Endeavor, un clin d’œil aux deux astronautes qui avait effectué leur premier vol spatial à bord de la navette du même nom. © Léo Mourgeon

La navette Endeavour est aujourd’hui exposée au California Space Center de Los Angeles

L’appel au privé : une bonne nouvelle ? Mais ce lancement avait quelque chose d’historique : c’est la première fois qu’une société privée, en l’occurrence Space X, envoyait des hommes dans l’Espace. Cette confiance envers le privé dont la National Aeronautics and Space Administration (NASA) a fait preuve est née d’une succession d’événements historiques qui témoignent de la difficulté, en constante augmentation, des agences publiques américaines à exercer des vols spatiaux. Pendant la guerre froide, la NASA était chérie par les différentes administrations de la MaisonBlanche. La conquête spatiale américaine avait bien entendu

un but scientifique, mais c’était surtout un moyen d’affirmer la supériorité du modèle capitaliste face au communisme soviétique. Une bataille «remportée» par les Etats-Unis le 20 juillet 1969 lorsque Neil Armstrong devient le premier homme à marcher sur la Lune. Dès lors cette prouesse exécutée, l’intérêt du monde pour la conquête spatiale n’a cessé de décroître. La NASA, qui fut tant admirée, a reçu de moins en moins de financement de la part du gouvernement, son allocation passant de 4,5 % du budget fédéral en 1966 à 0,5 % aujourd’hui. © Maison Blanche

Evolution du budget de la NASA en pourcentage du budget fédéral (chiffres officiels)

Mais la passion de cette génération de scientifiques est toujours restée intacte, malgré la frustration qu’elle ait pu connaître. Depuis le retrait progressif de la navette spatiale, effectif en 2011, l’Agence ne dispose plus de moyens d’envoyer des astronautes en orbite et se sert donc des navettes russes Soyouz. En 2004, elle lance donc le projet Orion, un vaisseau censé remplacer les navettes. Mais la complexité du développement et le manque d’argent force la NASA à lancer un appel d’offres en 2006. C’est alors que la société privée Space X est chargée du programme Commercial Crew Développement, qui aboutira au véhicule spatial Crew Dragon. Les membres de la NASA doivent alors apprendre une nouvelle façon de travailler, main dans la main avec les industriels dont le but est à la fois humaniste et économique. Peut-on donc dire que la participation historique des entreprises privées est une bonne nouvelle du point de vue américain ? En premier lieu, elle témoigne de la fragilité financière de la NASA et de l’instabilité des attributions par les gouvernements successifs. Mais la réussite des industriels outre-Atlantique est aussi une preuve du bon fonctionnement du système libéral. Si on place cet élément dans le contexte de la guerre froide, c’est une victoire pour les Etats-Unis. Léo Mourgeon

DECRYPT’ÂGE

9


MEDIA

Anonymous : «hacktivistes» ou média ?

© Tom Roberts

Un peu oublié ces dernières années, Anonymous a fait son retour sur le devant de la scène en marge de l’éclosion du mouvement #BlackLivesMatter des suites du décès de Georges Floyd à Minneapolis. Entre prise de position et information, le mouvement «hacktiviste» peut-il être considéré comme un média à part entière aux États-Unis ?

«

Nous sommes Anonymous. Nous sommes légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n’oublions pas. Redoutez-nous. ». Une devise qui annonce déjà la couleur sur ce groupe. Souvent présent lors de gros conflits, le mouvement « hacktiviste » surgit régulièrement de l’ombre pour monter au créneau et défendre la liberté d’expression ou les droits fondamentaux. Cette fois-ci, c’est pour s’allier au mouvement #BlackLivesMatter. Plusieurs menaces ont été proférées à l’encontre de la police de Minneapolis ainsi qu’à Donald Trump, notamment par le biais d’une vidéo partagée massivement sur les réseaux sociaux. Vidéo qui a par ailleurs été supprimée à de nombreuses reprises par YouTube, Facebook ou encore Twitter, en vain tant la viralité faisait resurgir l’extrait rapidement sur les différentes plateformes. Mais avant toute chose, il faut bien comprendre ce que représente « Anonymous ». Ce n’est pas un groupe, c’est un mouvement, un peu comme une bannière que chacun peut endosser. Ainsi, n’importe qui peut se revendiquer comme tel et c’est notamment pour cela qu’il y a une très grande part d’ombre autour d’eux.

Les codes du journalisme couplé à l’illégalité du « Hacking » Se pose alors la question de savoir si nous pouvons considérer Anonymous comme un média dans ce cas de figure. Le mouvement « hacktiviste » présente ici plusieurs aspects d’un média. Ils enquêtent même s’ils le font à l’aide de moyens controversés comme le « hack » pour accéder à des données tenues secrètes et informent à la manière de WikiLeaks en les faisant fuiter au public. Ainsi, Anonymous n’est autre que des supposées centaines voire milliers de personnes qui agissent chacun dans l’ombre et sans réelle organisation ni hiérarchie pour la liberté d’expression, mais aussi pour contester. Dans ce cas de figure là, peut-on donc considérer Anonymous comme un média ? La réponse à cette question est complexe et tout dépend du point de vue sur lequel on se base. D’un côté, le mouvement informe à sa manière et à l’image du compte Twitter associé à Anonymous, suivi par maintenant 7,4 millions de personnes, cela témoigne d’une certaine fascination, mais aussi d’une réelle confiance. Par le passé, le mouvement avait déjà fait irruption sur la scène mondiale pour prendre la défense de WikiLeaks. En effet, en 2010, des attaques « DDOS » contre le site de la plateforme de paiement « PayPal » qui avait bloqué l’accès au compte de WikiLeaks avaient été orchestrées et revendiquées par Anonymous. Mais surtout, ce n’est pas la première fois que le mouvement s’associe au #BlackLivesMatter. Il faut remonter à 2014 pour retrouver une trace d’un engouement similaire. Et il était déjà question de violences policières aux États-Unis. Peu après la mort de Michael Brown à Ferguson (Missouri), des membres revendiqués d’Anonymous avaient eu un rôle militant actif dans la dénonciation des autorités. Une prise de position très ancrée pour ce personnage presque mythique qu’est Christopher Coustier Anonymous.

Peut-on considérer Anonymous comme un véritable média ?

François JOST

Sémiologue et professeur en sciences de l’informationcommunication à la Sorbonne Paris III.

10 DECRYPT’ÂGE

Le fait de révéler des informations n’est pas le propre d’un média : un témoin, un lanceur d’alerte le font aussi. Et toute personne qui a un compte Twitter ou Facebook et déverse continuellement sa vision du monde ou des infos de bouche à oreille. Un média suppose une institution ou une organisation qui met en forme les nouvelles du monde pour les adresser à un public. Dans les messages des Anonymous nous avons une adresse directe d’une personne, comme il en existe toute sorte sur internet. En fait, nous sommes dans la configuration d’une lettre anonyme ou d’un communiqué

d’activiste, d’une menace voulant créer la peur. Du fait même de l’anonymat, on ne peut dire si c’est le même groupe que celui qu’on a appelé par le passé « Anonymous ». Ce «type de journalisme» peut-il être considéré comme dangereux à termes ? Il peut être dangereux dans la mesure où cela jette le discrédit sur les médias, qui sont en tant que tels une condition de la démocratie. Cela renforce également chez les gens les idées complotistes (on nous cache des choses, on nous ment, etc.…)

Propos recueillis par Christopher Coustier


© Cryptoast

ECONOMIE

Le revenu universel, le modèle d’après ?

Le revenu universel (également appelé revenu de base) est une somme versée à tous les citoyens, sans condition

La crise du Coronavirus a fait naître des aspirations à un nouveau modèle économique ; celui du revenu universel. Retour sur l’histoire de ce fonctionnement. L’heure est à la réflexion sur le «monde d’après». Le revenu universel est au cœur du débat pour cette société postcoronavirus. Et vendredi 29 mai, le gouvernement espagnol est le premier à franchir le pas. Il a approuvé la création d’un revenu minimum vital de 1108 € par mois pour environ 2,5 millions de ses citoyens les plus pauvres. Avant la pandémie, la question d’un revenu universel était déjà sur la table, car cela faisait partie de l’accord conclu entre les socialistes au pouvoir et le parti de gauche radicale Podemos. Et selon une étude de l’Université d’Oxford, 70% des Européens soutiennent ce concept de revenu universel de base. En Allemagne, le projet de revenu universel n’en est qu’à l’étape de pétition, celle de la styliste Tonia Merz, qui a recueilli plus de 460 000 signatures. Elle a même été envoyée au Bundestag. Quant à l’Écosse, elle est en discussion active avec le gouvernement britannique sur ce sujet, n’ayant pas d’autorité sur cette question-là. Face à la crise du Covid-19 en France, dix-neuf présidents de conseils départementaux ont relancé la demande d’un revenu de base avec un plan, le 11 avril dernier. Et La Fondation Jean-Jaurès a revu l’initiative du revenu universel de base (portée en 2017 par Benoît Hamon) au lendemain des crises sanitaires et économiques actuelles. Elle a proposé un revenu de base inconditionnel compris entre 725 et 1000 € par mois pour les ménages les plus pauvres de France. Mais pourtant, cette idée de procurer à tous un revenu universel sans conditions, est déjà relativement ancienne.

Les États-Unis, berceau du débat

gloire et se retrouver au cœur de nombreux débats. L’économiste Robert Theobald propose « sécurité économique de base » sous la forme d’un versement annuel de 1.000$ pour chaque adulte et de 600$ pour chaque enfant. Sa principale motivation est de garantir un revenu, à l’heure où la compétitivité des machines menace directement l’économie des travailleurs. Et quand le président Johnson annonce « la guerre contre la pauvreté » lors de son discours sur l’état de l’Union en 1964, le message va être entendu. En effet, l’économiste et d’autres auteurs vont remettre au président quelques mois après, un rapport sur le « revenu adéquat en tant que droit ». Mais c’est le travail de Milton Friedman, économiste, qui inscrit une fois de plus le débat américain sur le revenu universel dans l’histoire. Avec son livre Capitalism and Freedom, Friedman prône une proposition un peu différente du revenu de base, mais qui s’en rapproche suffisamment pour rentrer dans la discussion générale. Il développe ainsi la théorie du revenu permanent.

L’Alaska, seule réalisation Sous l’influence du débat américain, de nombreux rapports sur un « revenu annuel garanti » sont publiés au Canada en 1970. Et au milieu des années 1970, le gouverneur de cet État, le républicain Jay Hammond, souhaite que la propriété du champs pétrolier Prudhoe Bay revienne aux citoyens de l’Alaska. Puis il met en place un fond destiné à assurer la préservation de cette richesse, l’Alaska Permanent Fund, en investissant une partie des recettes de l’exploitation pétrolière. Ainsi en 1982, un premier revenu universel de 1.000$ est versé à tous les résidents de l’État, qu’ils soient américains ou étrangers. Depuis, toute personne résidant en Alaska a droit à un dividende annuel égal (résidant sans interruption depuis le début de l’année précédant le paiement). Inès Pallot

C’est bien aux États-Unis, dans les années 60, que le concept même du revenu universel va connaître sa première heure de

DECRYPT’ÂGE

11


L’HISTOIRE CONTINUE

Le conservatisme religieux et culturel pour s’approprier l’Histoire

Le président turc Recep Tayyip Erdogan songe à renommer la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul en « mosquée Sainte-Sophie ». © Lankaart

Le rêve du président turc Recep Tayyip Erdogan, de transformer la Basilique Sainte-Sophie à Istanbul en mosquée n’a jamais été aussi proche de se réaliser. Le 29 mai dernier, pour la première fois en 87 ans, un imam a récité une sourate à l’intérieur de la basilique. Avec l’exemple de la Hongrie dans le sixième numéro de Decrypt’Age, le président turc confirme qu’une appropriation de l’Histoire existe et continue. En ces temps où la santé doit primer sur les combats politiques, il n’est pourtant pas rare d’observer un chef d’État conservateur s’approprier la culture grâce à l’Histoire. Dans le sixième numéro de Decrypt’Age, pourtant axé sur le coronavirus tant toutes les thématiques y étaient mêlées, la page politique était, quant à elle, aux couleurs de la Hongrie. Avec un projet de musée, prévu pour 2021, nommé « La maison des destins », le chef d’État hongrois Viktor Orban continue d’essayer de réécrire l’Histoire. L’idée est alors de mêler les témoignages des victimes de l’occupation nazie et souligner, en faisant abstraction de la collaboration du régime de l’amiral Miklos Horthy, les actes de courage des Hongrois envers leurs compatriotes juifs. Pour rappel, l’ancien régent du royaume de Hongrie de 1920 à 1944 a, en plus de faire monter l’antisémitisme dans son pays, collaborer avec l’Allemagne nazie avec la déportation de 437 000 juifs hongrois vers Auschwitz en juillet 1944. Ce projet de musée est alors l’occasion parfaite pour le régime populiste de redorer son image de la Seconde Guerre mondiale.

Un monument mondial du Patrimoine culturel en passe de devenir une mosquée

Comme on dit, l’histoire n’est qu’un éternel recommencement. La Turquie semble alors suivre les mêmes idéaux que la Hongrie.

Le 29 mai dernier, la ville auparavant appelée Constantinople fête alors le 567e anniversaire de la conquête de la ville par le sultan Mehmet II, dit « le Conquérant », l’occasion pour le président turc Erdogan de réaffirmer son envie d’islamiser la basilique Sainte-Sophie à Istanbul, alors devenue un musée. Accompagné du ministre du tourisme et suivi par un Recep Tayyip Erdogan plongé dans l’émotion, un imam a alors récité une sourate du Coran dans ce monument du « patrimoine mondial », comme a tenu à le rappeler le porte-parole du gouvernement grec, Stelios Petsas. Ce processus est une façon pour M. Erdogan de flatter la branche la plus conservatrice de son électorat, laquelle réclame la conversion du bâtiment en mosquée, une éventualité que songe réaliser de plus en plus le président turc ces dernières années.

Une volonté d’islamiser la Turquie Ce n’est pas la première fois que le président turc enchante de cette manière ses soutiens religieux. Depuis 2010, date à laquelle il semble avoir abandonné sa posture laïque en faveur d’un Islam réformateur, le président Erdogan a multiplié les discours religieux. Il ne s’en cache pas, le plan est désormais d’islamiser la Turquie, à travers les annonces de construction de mosquées, d’une jeunesse religieuse, ou encore de cours de religion dans l’enseignement militaire. Au-delà de ces promesses, les allusions du chef de l’État sont parfois plus subtiles, comme le jour où il a invité ses partisans, venus l’écouter à Bursa, à voter « oui » au référendum de 2017 sur le renforcement des pleins pouvoirs du président, pour ne pas « risquer votre vie sur terre, ou dans l’au-delà ». Nathan Vacher R2234 - decryptage - 009 - 11/06/2020 - 2€50


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.