Cycle le magazine du Roi Vélo à Lyon by ISCPA

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éditorial - 2

édito

Une petite reine pleine de symboles

Petits, nombre d’entre nous ont rêvé de l’année 2020. Un futur pas si lointain où les voitures volantes seraient devenues légions dans nos métropoles. Loupé. C’est bien sur Terre et à deux roues que cette décennie s’ouvre. Après une année historique à plus d’un titre, notamment frappée par la crise sanitaire, une partie de la France se met à rêver à l’Hollandaise. Car oui, au vu du retard Français dans le domaine par rapport à nos voisins Scandinaves ou du nord de l’Europe, d’où il tire son nom de « petite reine », l’hypothèse du tout vélo semble encore n’être qu’à l’état de songes. Cependant, les Français veulent-ils seulement ce développement du vélo ? Si l’élection présidentielle se tenait demain, feraient-ils leur choix en fonction du candidat le plus vélophile alors que le bulldozer Covid a renversé

l’économie, écrasé les emplois et que la menace du terrorisme rôde toujours dans notre pays ? Et pourtant, l’engouement est bien là autour du vélo en 2020, un moyen de transport bien plus symbolique qu’on ne le croit. Car derrière son aspect quelconque de la vie de tous les jours, la petite reine cache nombres de symboles. Historique, car le vélo est au cœur d’une vraie évolution de notre société. Tour à tour symbole de la société aristocratique, de l’émancipation des femmes ou encore de la liberté ouvrière, le vélo reste un symbole fort, en constante évolution. Aujourd’hui utilisé par tous, il est devenu depuis quelques années un symbole urbain de bien vivre, politique et environnemental fort en étant choisi comme nouveau porte-étendard des mesures des écologistes dans

des villes comme Lyon ou Grenoble. Quid du revers de la médaille ? Les vélos électrique au fond du Rhône participent, eux, beaucoup moins à la transition écologique, et le symbole environnemental en prend un coup. Tout comme les livreurs à vélo, la tête dans le guidon et parfois à la limite de l’esclavage moderne, qui doivent garder dans les jambes le poids de leurs journées et pester contre ce symbole du « bien vivre ». Un sentiment de retour en arrière, enchainés à leurs pédales. Ils nous disent merci pour la commande, mais le prix à payer est bien grand… De la « petite reine à bicyclette » au nouveau roi des rues de France, le vélo a parcouru un long chemin, mais attention à ne pas dérailler. Alixan LAVOREL

© Vincent IMBERT

Directrice de la publication : Isabelle DUMAS Directeur de la rédaction : Pascal MARTINET Rédacteur en chef : Alixan LAVOREL Maquette et Secrétariat de rédaction : Théo ZUILI Rédaction : Corentin RICHARD, Alixan LAVOREL, Lancelot MESONIER, Vincent IMBERT, Gaël TRAUB, Ameline MANISSOLLE, Marie DE MONTERNO, Eliott ROGLIARDO, Sylvain GAUTHIER, Nathan VACHER, Julien BARLETTA, Tristan CHALVET, Ugo MAILLARD

cycle magazine Adresse : 47, rue Sergent Michel-Berthet, 69009 LYON Editeur : Campus HEP LYON René CASSIN, 7 rue Leclair 69009 LYON Contact : iscpalyon@groupe-igs.fr


3 - sommaire

07 02 tant de symboles editorial

10 14

le cas vélo’v partage

soutiers 20 les de la route emploi

04 nouveaux cyclistes 16 société

l’exemple grenoblois

cyclables : 23 pistes la galère

l’europe en vélo

plutôt 24 lequevélole métro

quotidien

france

06 les fous du vélo rencontre

09 clubs en difficulté sport

17 18

europe

vélo, 27 levraiment écolo ?

cycliste et connecté

environnement

technologie

ambition 10 ladesfolle verts politique

crise sanitaire

19 nouveaux vélos tendance

histoire 28 ladupetite biclou histoire

29 un écolo à vélo rencontre

30 leenvélo chiffres économie

14

21

31 seduprotéger vol sécurité


société - 4

Portrait-robot du cycliste de 2020 A la suite du premier confinement, une recrudescence d’achat de vélos, en particulier électriques, a été recensé dans toute la France. Il se trouve qu’on peut définir un profil type du nouveau cycliste en 2020, un peu feignant, rêveur et engagé.

S

elon l’Union Sport et Cycle, les ventes de vélos neufs en France ont progressées de 117% en juin 2020, un mois après le déconfinement. En particulier la vente de vélos électriques qui représentent 73% des achats. Hausse portée par les aides à hauteur de 500 euros pour l’acquisition d’un vélo électrique. Mais qui sont réellement ces nouveaux cyclistes ?

Les retraités constituent de loin le principal groupe acheteur de vélo, soit 46%. Suivent les cadres 19%, et les employés 17%. Les ouvriers (13% de la population) ne forment que 3% des bénéficiaires. Pour le savoir, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) a demandé aux bénéficiaires de cette aide de répondre à un questionnaire. Plus de 25 000 personnes ont accepté de se prêter au jeu.

Il y a une quasi-égalité entre les femmes, 49 %, et les hommes, 51%. Avec un écart aussi faible, impossible donc de certifier que notre cycliste soit l’un ou l’autre. Cependant il existe de très fortes tendances sur d’autres critères ; la catégorie professionnelle et l’âge notamment. 47 % des néo-pédaleurs sont des retraités. 68 % ont plus de 55 ans. L’étude du CEREMA dit aussi que 84% de ses nouveaux acquéreurs utilisent le vélo comme loisir ou pour des déplacements de moins de cinq kilomètres. le confort de l’électrique Comme les chiffres du CEREMA le montre, une écrasante majorité des nouveaux cyclistes ont choisi le vélo électrique au profit du vélo classique. Les raisons sont multiples ; la première est l’aide à hauteur de 500 euros de la métropole, qui a convaincu certains de passer le cap : « J’ai acheté mon vélo 1600 euros à peu près, donc ça fait une remise de presque 25%. Ce n’est quand même pas négligeable comme aide » reconnait Alexandre Brasset, 58 ans, commercial à Lyon. En deuxième vient le confort : « l’assistance électrique, c’est une aide super agréable. Ce n’est pas à mon âge que je vais monter les pentes de la Croix rousse par plaisir à la seule force de mes jambes ». Eh oui, il ressort de notre portraitrobot que les cyclistes de 2020 ne sont pas des sportifs en puissance. Ils se rapprochent davantage du cycliste du dimanche et ils l’assument : « bien sur que je fais partie de cette catégorie » affirme Alexandre. Pédaler sans s’épuiser, un plus primordial pour les cyclistes de 2020.

Laurent Roubière ici lors d’une balade à vélo urbaine. © Florence ROUBIERE


5 - société

Le cycliste post-confinement pédale essentiellement pour le loisir et sur de courtes distances. © Vincent IMBERT

Jusqu’à récemment, le vélo s’apparentait à un moyen de déplacement de substitution si la voiture tombait en panne, par exemple. Nombreux sont ceux qui, du coup, ont abandonné leur deux roues au fond d’un garage, à prendre la poussière. A l’instar de Laurent Roubière, un retraité âgé de 68 ans, ancien manageur dans l’agroalimentaire. Lui aussi est convaincu de remonter en selle par l’électrique « j’avais un vieux vélo depuis des années mais je ne l’utilisais plus du tout. Sans les vélos électriques, je ne pense pas que je l’aurais repris » raconte-t-il. Laurent a retrouvé le plaisir de pédaler uniquement pour profiter de sorties paisibles : « Je vais profiter du paysage, je me promène sur des courtes distances, rarement plus de 10km, ça me fait du bien » sourit-il.

quelques mois. Pour cette ancienne auditrice en prévention des pollutions industrielles dans le secteur de l’automobile pendant plus de 30 ans, il était temps de changer de mode de transport. Au moins sur des courtes distances, « je veux essayer de passer à une mobilité plus douce, et donc réduire ma consommation de carburant. Aujourd’hui, ça n’a pas de sens de prendre sa voiture pour faire 2km » explique Catherine. Vivant à 15km de Rouen (Normandie) elle ne peut cependant pas délaisser complètement sa voiture : « malheureusement, ce n’est qu’une alternative, un complément. On est trop à l’écart des centresvilles et les accès ne sont vraiment pas idéals à vélo. C’est soit des routes de campagnes, soit des grand axes routiers » regrette-t-elle.

Une activité possible uniquement depuis sa retraite « je n’aurais jamais eu le temps de faire ça pendant que j’étais en activité, mes weekends me servaient à me reposer. Je ne me voyais pas me faire des sorties vélo après mes semaines de boulot ». Uniquement le loisir de prendre le temps, maintenant qu’il en a, et de voir son environnement différemment. Il s’étonne presque : « Même sur des routes que je connais par cœur, c’est une autre vision du paysage lorsque l’on est à vélo ».

Avant même d’avoir acquis son vélo, Catherine a rencontré chaque candidat aux élections municipales de sa commune, « j’ai fait du lobbying pour les encourager à construire un vrai parcours de pistes cyclables » s’amuse-t-elle.

cycliste engagée D’autres y trouvent un engagement important et essentiel. Catherine, 63 ans, retraitée et fière propriétaire de « Cannabis » (en référence au film Astérix et Obélix mission Cléopâtre), un vélo électrique, depuis

La question se pose à présent de savoir si ces cyclistes modérés de 2020, existeront toujours en 2021 ; ou si leur soudaine lubie de parcourir les villes à deux roues s’évaporera au fil du temps. Les paris sont ouverts.

Lancelot MESONIER


rencontre - 6

Les fous du vélos : ils ne jurent que Hugo Burg : « Pour rentrer à vélo, j’essaye de me limiter à deux-trois bières »

Étudiant à Lyon, Hugo Burg a fait de son vélo l’unique moyen de se déplacer. Le jeune homme de 20 ans fait figure d’un fou aux yeux de son entourage. Le vélo lui apporte la liberté et il fait fi de ses inconvénients.

«

M

es souvenirs avec le vélo ? » Un grand sourire illumine le visage d’Hugo Burg lorsqu’il évoque ses souvenirs. Son visage enfantin et sa fausse timidité cachent un homme sûr de lui. Très vite, il a su faire des choix et être indépendant. En CM2, il devient un « grand » et c’est l’occasion pour ses parents de le laisser aller à l’école tout seul. Seul mais avec son vélo. « Dans mon petit village de Saône-etLoire, j’avais trouvé cinq amis à moi qui aimaient faire du vélo et après l’école on faisait un faux Tour de France. »

Son tour de France, Hugo va le commencer à Dijon. Après avoir obtenu son bac, le jeune diplômé prend la direction de la capitale de la Moutarde pour commencer une classe préparatoire aux écoles de commerce. Toujours en quête d’indépendance et de liberté, c’est à ce moment que son amour pour le vélo va ressurgir. « Au lycée, j’avais perdu le goût de faire du vélo. Arrivé à Dijon, j’ai repris mes pédales, c’était plus simple pour circuler. » Le jeune bachelier obtient également le permis de conduire et ses parents lui offrent une voiture. Pourtant, pour des raisons économiques et pratiques, il va choisir de se déplacer uniquement en deux roues.

des Gaules sur son vélo. Cela lui permet de gagner du temps et de ne pas dépenser d’argent pour les moyens de transports en commun. Que ce soit pour aller en cours, à ses entrainements de football ou pour aller boire une bière avec ses amis, Hugo ne quitte jamais son vélo. « Dans l’esprit de mon entourage, tout le monde sait que je suis avec mon vélo. Alors on essaie de se limiter à deux trois bières pour que je puisse rentrer » explique-t-il avec un sourire complice.

« J’attends beaucoup des nouveaux élus. Je milite au sein de mon entourage pour que tout le monde utilise le vélo. » Laissant sa voiture au parking, l’étudiant n’hésite pas à faire des longs trajets en vélo. Très longs trajets.

« Je vais régulièrement voir les matchs du SC Lyon [anciennement la Duchère, NDLR] en vélo. Ce sont des trajets de 45 minutes et même sous la pluie, je suis ravi de les faire et croyezmoi c’est à la portée de tout le monde ! » Avec sa silhouette fine et ses 1m85, Hugo n’est pas l’archétype de l’athlète, mais, comme il le dit, « une passion, ça ne s’explique pas ».

lyon, son paradis à vélo Une réussite scolaire mitigée et l’éloignement de ses plus proches amis poussent Hugo Burg à quitter Dijon et prendre la direction de la région Rhône-Alpes pour un nouveau cursus et retrouver son groupe de copains. Toujours grand passionné de sport, il débute un bachelor en Sport Business à l’INSEEC en 2019. Arrivé à Lyon, il va découvrir un nouveau monde pour les vélos. « À Dijon, je devais rouler sur les trottoirs alors qu’ici, beaucoup de choses sont faites pour les cyclistes. » Habitant le quartier Grand Trou du 8ème arrondissement, Hugo sillonne la capitale

un éveil de la conscience écologique Deux ans après son arrivée à Lyon, Hugo est devenu un « grand », un grand cycliste. Aujourd’hui, s’il utilise son vélo, c’est aussi pour des raisons écologiques. « Le choix du vélo gagne en légitimité avec le développement de ma conscience civique. Avec les années, je me suis cultivé et je m’intéresse énormément à la politique. » Cependant, Hugo, en toute honnêteté, explique que « les économies et la question pratique » restent les principales raisons de son choix. Malgré cet amour pour le vélo, il reconnait « qu’il est impossible d’abandonner ma voiture si je souhaite me

Pour Hugo, une journée ensoleillée est forcément synonyme de balade à vélo. © Ugo MAILLARD

déplacer hors de Lyon ». L’arrivée au pouvoir des Verts dans la ville est une bonne nouvelle. « J’attends beaucoup des nouveaux élus. Je milite au sein de mon entourage pour que tout le monde utilise le vélo. Je suis fier de mon choix. » Un choix révélant toute la dimension de la relation filiale : son père est responsable marketing... d’une entreprise de transports en commun. Après avoir suivi son père sur son petit vélo à roulette du côté de Strasbourg, aujourd’hui c’est avec le vélo de son papa, acheté avant sa naissance, dans les années 90, qu’il circule dans Lyon. Hugo attend avec impatience la fin de ce confinement pour « continuer son tour de France à vélo. Je veux profiter et me balader dans ma ville. Lyon ». Ugo MAILLARD


7 - Rencontre

par leur bicyclette adorée

Benjamin Steen : « Le vélo, pour moi, c’est comme la cafetière, c’est un objet quotidien » Journaliste au Progrès depuis une vingtaine d’années, Benjamin Steen a fait du vélo un véritable mode de vie. Depuis plus de dix ans, il ne se déplace désormais plus qu’à bicyclette. Une transformation radicale qui a changé sa vie et celle de sa famille, mais qui l’a également incité à militer pour cette cause.

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epuis l’âge de 4 ans et l’acquisition de son premier vélo rouge dont il se souvient très bien, Benjamin Steen n’a jamais abandonné cette passion de rouler. Petit, il observait, avec un œil intrigué, les coureurs du Tour de France qu’il prenait pour des héros. C’était également le cas pour les cyclistes qui passaient près de chez lui qu’il ne considérait pas comme des personnes ordinaires. Pour lui, ils vivaient des aventures. Il voulait connaître la même chose. D’abord en allant au-delà de son jardin jusqu’à se rendre finalement toujours plus loin, le vélo était finalement une destinée pour ce quadragénaire aux cheveux bruns.

pratiquent dans le 7e arrondissement de Lyon, depuis la Croix-Rousse où ils habitent, en traversant presque toute la ville. « À la base ce n’est pas du tout un truc militant. Quand je m’y suis mis il y a 10 ans, les problématiques de réchauffement climatique, de pollution et de particules fines n’étaient pas du tout aussi importantes » explique Benjamin Steen. C’est en se posant la question du moyen de transport le plus efficace pour ses trajets

« À la base, ce n’est pas du tout un truc militant. »

ses trajets quotidiens, mais effectue aussi beaucoup de course à pied. Rapidité, dépense énergétique, disparition des problèmes de stationnement, coûts quasi-nuls… Tous les ingrédients étaient réunis pour définitivement sauter le pas. « Il m’arrivait de tourner une heure à la Croix Rousse pour trouver une place. Je me garais finalement sur un endroit non autorisé et je mettais mon réveil à 6 heures pour aller déplacer ma voiture avant que la police ne passe le matin et ne verbalise. C’était vraiment chronophage. » Travaillant au siège du Progrès à la Confluence, il met désormais environ 20 minutes pour se rendre sur son lieu de travail à toute heure, alors qu’il pouvait mettre jusqu’à 45 minutes en voiture depuis la Croix-Rousse aux heures de pointe. une volonté de voir les choses changer

un évènement déclencheur Alors qu’il sortait d’un parking en voiture, à l’âge de 32 ans, un automobiliste l’a percuté, envoyant par la même occasion son véhicule à la casse. À partir de là, le journaliste s’est promis de ne pas racheter de voiture et d’essayer désormais de devenir « 100% vélo ». Après une phase test concluante, cela fait dix ans qu’il n’a jamais racheté de voiture. « Le vélo c’est pour moi comme une cafetière, un objet du quotidien. » Il effectue tous ses reportages, dans le périmètre de l’agglomération lyonnaise, avec sa bicyclette. Son épouse possède malgré tout une voiture (vacances, trajets longs…) qui reste la majeure Benjamin Steen encourage les Lyonnais à acheter un partie du temps au garage. Depuis qu’elle vélo, toujous moins cher à entretenir qu’une voiture. © Benjamin STEEN travaille à Lyon, ce passionné l’a convaincu d’opter pour le même mode de vie à vélo. quotidiens que le Lyonnais s’est finalement tourné vers le vélo. Son penchant affectif la recherche de l’efficacité plus pour ce dernier lui permettait également de qu’un véritable engagement pratiquer une activité physique, par-dessus tout. Sportif depuis toujours, Benjamin part Il en est de même pour ses enfants de 7 et faire des balades avec son vélo de course 11 ans, qui « n’ont pas le choix », et qui se « bad boy de la marque Cannondale » au déplacent par exemple à l’escalade, qu’ils moins deux fois par semaines, en plus de

Devenu militant du vélo au fil du temps, Benjamin Steen pointe souvent du doigt les problèmes de cohabitation qu’il existe entre les cyclistes et les automobilistes. « Avant, on adaptait la ville à la présence de plus en plus massive de cyclistes, or ce n’est pas possible. La route n’est pas extensible. » Selon ce mordu de sport outdoor, il faudrait repenser toute la ville de Lyon pour adapter la circulation des cyclistes, à l’instar de Copenhague qui a pris des décisions phares il y a une vingtaine d’années pour incorporer le cycliste au cœur des déplacements en ville. Mais il se rend aussi bien compte que les choses changent et précise même que la métropole lyonnaise possède un réseau de pistes cyclables de plus en plus important au fil du temps. Sûr de lui, il affirme que la meilleure manière de changer les choses dans le futur, c’est de « pourrir la vie des automobilistes afin qu’ils cherchent de nouvelles alternatives pour se déplacer autrement qu’uniquement grâce à leur voiture ». Eliott ROGLIARDO


rencontres - 8

Philippe Désiré : « J’en suis déjà à 540 cols à mon actif » Passionné de cyclisme depuis ses 12 ans, en recherche perpétuelle de nouvelles routes et de nouveaux cols à monter, Philippe consacre tout son temps libre à sa passion pour le vélo.

O

n dit souvent que le vélo, c’est d’abord un physique : un homme de taille moyenne, élancé et proche de la nature. Philippe Désiré, qui frise les 1 mètres 90, rentre à peine dans les cases. Ce passionné de vélo est tombé dedans quand il était petit. « Mon père était cyclotouriste. Il faisait beaucoup de randonnées et était membre de la fédération française de cyclotourisme », raconte-il, nostalgique. Pendant ses années collège et lycée, le jeune Philippe passait ses vacances d’été avec son père. « La fédération organise, avec une ville ou un club, une semaine de randonnés avec tous les cyclotouristes de France et d’Europe. » Sportif accompli à cette époque, Philippe est un touche-à-tout. « Je faisais surtout ces randonnées pendant l‘été, parce que je jouais aussi au foot et que la saison s’arrêtait au mois de mai, et tout les mois d’été, je faisais du vélo avec mon père. » Après plusieurs années au sein de la Marine Nationale, Philippe s’installe à Toulouse et continue sa passion. Cependant, « un jour, on m’a volé mon vélo. Donc pendant une période de ma vie, je n’ai plus touché un vélo ». une passion dévorante Mais la passion est revenue à son arrivée à Lyon, en 1996. Là, un de ses amis, passionné aussi, le convainc de faire un ambitieux périple : le sud de l’Irlande en vélo. « Alors, je vais chez Décathlon pour m’acheter le premier vélo que je trouve et, sans entrainement et juste une sacoche, je pars avec lui. » Les premières difficultés se font vite ressentir : « la sacoche trop lourde, la météo, le manque d’entrainement... Les premiers jours sont difficiles. Mais ça me redonne goût au vélo », confie-t-il. Dans les années 2000, marié et père de famille, Philippe prend goût aux weekends randonnée « avec un enfant dans le siège derrière et deux dans la remorque ». Mais ça ne lui suffit bientôt plus. « Je me suis trouvé un club de passionnés lyonnais : on essaye de trouver des coins dans la région pour que

Philippe Désiré vit sa passion grâce à la confrérie des 100 cols. Ici, en ardèche. © Philippe DESIRE

tout le monde puisse en profiter. » Dans un quotidien morose et alors que son genou ne lui permet plus de faire de foot, le vélo permet à Philipe de « découvrir de nouvelles routes, de ne pas faire du vélo pour faire du vélo, de prendre mon temps, d’écouter les sons extérieurs et d’être zen (rires) ».

« Ce que j’aime, dans le vélo, c’est découvrir de nouvelles routes. » Depuis 2014, Philippe a rejoins la confrérie des 100 cols : « pour en faire parti, il faut que tu grimpes 100 cols, dont cinq doivent être à plus de 2000 mètres ». Un challenge de plus pour ce passionné à la recherche de nouvelles routes à parcourir. « Celles que je prends sont généralement en pleine nature et tu as des paysages à couper les souffle. Ça me donne un but, j’en suis déjà à 540 cols à mon actif. A chaque sortie randonnée, j’en profite pour pouvoir faire de nouveaux circuits et trouver de nouveaux cols à gravir », déclare-

t-il fièrement. Mais il n’y a pas que la France dans le palmarès de ce passionné : la Norvège, l’Écosse, l’Irlande, la Suède, l’Italie et la Suisse sont aussi dans ses destinations. « La Suède, c’était bien mais les paysages sont assez répétitifs : un lac, une forêt et un col. Pour l’Italie, on était proche de la frontière, dans les montagnes, c’était sympa. » Le confinement a mis un coup de frein à ses envies de voyages. Mais une fois le confinement fini, « je vais faire des sorties randonnées, c’est sur ! Déjà avec mon club de cyclistes lyonnais, on fait 2 gros ‘’trips’’ : un ‘’week-end remise en forme’’, fin mars-début avril. On devait aller à Sommières, dans le Gard, et le ‘’week-end mythique’’, fin juin- début juillet, dans le tour de France par exemple, et on est allés au Ballon de l’Alsace dans les Vosges [1174m, NDLR]. En plus, je n’étais jamais allez dans les Vosges, donc j’étais content (rires) ». En attendant de pouvoir reprendre les sorties avec ses amis aux 4 coins de la France, Philipe l’assure : « je continue a chercher de nouvelles routes et à planifier un prochain voyage ».

Marie DE MONTERNO


9 - sport

Les clubs lyonnais en perte de vitesse

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Les compétitions de cyclisme sont à l’arrêt depuis le reconfinement et jusqu’à nouvel ordre © Marie COIFFET-LACAILLE

Baisse des licenciés, arrêt des compétitons et projections pessimistes pour 2021. La COVID 19 a mis à mal le monde du cyclisme amateur lyonnais, qui peine à profiter pleinement de l’engouement pour le vélo au niveau national.

«

S

i le confinement n’est pas levé, notre club peut disparaître en 2021. » C’est avec ces mots peu rassurants que Lionel Clément, président du club amateur de l’AC Lyon Vaise, résume la situation. Avec 45 licenciés, principalement des adultes « entre vingt et quatre-vingts ans », le club a été touché de plein fouet par la crise et l’arrêt des compétitions, dû au confinement. Le président se dit inquiet pour la survie du club en 2021 même si, financièrement, la situation est restée stable cette saison. « On reste à l’équilibre économiquement. On ne gagnait pas d’argent avec les sponsors car ils finançaient moins à cause de la crise. Mais d’un autre côté, on dépensait moins car plus aucun frais de déplacements ou d’équipement par exemple. » 8500 licenciés en moins pour la fédération

Des situations et des projections pour 2021 très variées selon les clubs au sein de la métropole. Du côté du club de Lyon Sprint Evolution, la crise ne se fait que très peu ressentir. Le club axé sur la jeunesse a gagné des licenciés contrairement à ses voisins. « Chez les -18 ans, on a enregistré 12 nouvelles licences. Ce qui est énorme » explique Guy Chabrier, le président. Fort de ses 145 licenciés, le club peut envisager 2021 paisiblement. « Aujourd’hui j’ai plutôt une vision positive, mais je suis conscient d’être un privilégié. Je

sais que pour de nombreux autres clubs, c’est compliqué. » Un constat global reflété dans la récente enquête de l’Office des Sports de Lyon, qui indique que « les clubs lyonnais ont perdu 10 à 15% de leurs licenciés sur la période 2020. Notamment chez les jeunes » relate Guy Chabrier. Des chiffres qui confirment la tendance nationale. La fédération a annoncé le mois dernier la perte de 8 500 licenciés en un an, soit 7,5% des effectifs. « le seul engouement, c’est le tour » La question d’un engouement a le don de faire sourire les présidents de clubs. Et vraisemblablement, ils ne semblent pas y croire : « Le seul vrai engouement c’est le Tour de France, explique Guy Chabrier. En fonction des performances des Français, c’est cela qui a un vrai impact sur le nombre de licenciés. » Même son de cloche du côté de l’AC Lyon Vaise et Lionel Clément, avec un « engouement » qui ne se fait visiblement pas trop ressentir. « L’effet sur notre club, ce sont plus des gens qui avaient arrêté le vélo pendant longtemps, qui ont repris pour aller au travail et qui se sont dit pourquoi ne pas reprendre la compétition ? Il est là notre effet d’engouement. » Malgré l’effervescence de ces derniers mois pour le vélo, il n’y a pas foule à la porte des clubs de cyclisme. Tristan CHALVET


politique - 10

Plan vélo, la folle ambition des Le vélo s’impose comme le nouveau roi de Lyon. Engagement phare de Grégory Doucet et Bruno Bernard : placer le vélo au centre de la vie du Grand Lyon. Le nouveau maire et le nouveau président de la Métropole mettront en place ce programme « quoi qu’il en coûte ».

A Lyon, le vélo est au centre des projets municipaux.© Vincent IMBERT

«C

ela fait à peine six mois que la transition pour favoriser le vélo est lancée », explique Valentin Lungenstrass, adjoint aux mobilités à la mairie de Lyon. Mais concrètement, à quoi correspond ce fameux Plan vélo, engagement phare du programme du duo écologiste ? Outre l’aspect sportif, car comme le rappel Fabien Bagnon, vice-président à la Métropole en charge de la voirie et des mobilités actives, « les enfants ont des performances cardio-vasculaires en baisse de 25%, par rapport à il y a 30 ans », il y a un vrai enjeu écologique, sanitaire et pratique. Cette ambition politique est justifiée par un changement de mode de vie significatif au sein de la population. La dynamique du vélo étant en augmentation de 12% depuis une douzaine d’années, il y a une vraie nécessité

de répondre à des besoins grandissants. La Métropole du Grand Lyon et la Ville de Lyon ont fait de cette demande une priorité.

« C’est un projet qui prend du temps [...]. On parle d’une durée de deux, voire trois mandats pour observer une reelle transition », selon Fabien Bagnon « On a bâti ce projet ensemble, depuis la campagne électorale. » Fabien Bagnon et Valentin Lungenstrass, en charge du Plan vélo, respectivement à la Métropole et à la Mairie, veulent une transition rapide et efficace. Cinq mois après leur prise de fonction, la

transformation de Lyon et sa Métropole a commencé. Parmi les premiers faits d’armes de ce duo, la volonté de pérenniser les 60 kilomètres de pistes cyclables qui avaient été mis en place provisoirement au mois de mai. Par exemple, dans le 6ème arrondissement, le cours Vitton a subi une transformation d’une des voies routières en piste cyclable. Un changement qui a provoqué des réactions hostiles. Pour le moment, la grande transformation promise tarde à venir, car « les politiques publiques sont toujours très longues et dépendent du vote du budget qui est en cours ». Il faudra donc attendre janvier 2021 pour que ce projet commence à se concrétiser. Fabien Bagnon affirme même : « c’est un projet qui prend du temps. Notre slogan lors des élections était de rendre la Métropole 100% cyclable. On parle d’une durée de deux,


11 - politique

nouveaux élus Verts voire trois mandats pour observer une réelle transition. »

« la contrainte fait l’adaptation » Cette grande promesse de transformation est portée par un projet ambitieux : le REV. Si cet acronyme est encore inconnu pour beaucoup, il devrait de plus en plus faire parler de lui. « Réseau Express Vélo », c’est le vaisseau mère du plan de bataille vélo porté par les écologistes, qui doit être voté dans les semaines qui viennent. Concrètement, c’est environ 250 kilomètres de voies exclusives pour les usagers des vélos parcourant toute la Métropole lyonnaise. « Les grandes lignes ont déjà été identifiées avec la mairie de Lyon.

La question suivante : le choix du tracé ? », explique Fabien Bagnon. « Le but est de créer un réseau structurant d’aménagement confortable, continu et sûr. Chaque voie sera d’une largeur entre 3,5 et 4 mètres. L’armature va venir relier les différentes communes de la Métropole, mal desservies par les transports en commun, d’abord en étoile, puis, à terme, en rocade. L’idée est de faire la même chose que pour le réseau routier. » Pour distinguer les différentes voies cyclables, Valentin Lungenstrass explique qu’un « code couleur va permettre de les identifier », à l’image de ce qui a été fait avec le métro. À l’échelle de la Métropole, Fabien Bagnon souhaite multiplier par quatre le nombre de parcs à vélo, passant ainsi de 15 000 à 60 000, mais également multiplier par dix le nombre de stationnements sécurisés,

augmentant de 1 500 à 15 000 places.

À l’échelle de la ville, les travaux seront principalement axés sur la transformation de la voirie. Une place encore plus importante sera accordée aux vélos dans le flux de circulation lyonnaise. Enfin, en terme de stationnement, des négociations sont en cours, notamment avec LPA (Lyon Parc Auto), pour augmenter l’offre de parcs à vélo et atteindre les objectifs de la Métropole. Bien conscient de la difficulté de faire accepter un tel projet pour tous les métropolitains, l’adjoint de

« On ne recherche pas de compromis ou de consentement avec l’opposition », pour Valentin Lugenstrass. Bruno Bernard conçoit que « l’objectif n’est pas de mettre tout le monde à vélo, mais de le démocratiser pour ceux qui le veulent dans la Métropole lyonnaise ». De son côté, Valentin Lungenstrass, « ne recherche pas de compromis ou de consentement avec l’opposition ». Pour cet ingénieur de formation, le dialogue doit être instauré, mais le Plan vélo doit être appliqué à tout prix car « le temps est compté ». L’adjoint aux mobilités assume et déclare « la ville de Lyon est prête pour cette transformation majeure. Évidemment, des axes resteront circulables, mais les Lyonnais vont devoir s’habituer. La contrainte va faire l’adaptation. » Ce passage en force risque de mécontenter de

nombreux Lyonnais, mais « le temps n’est plus au débat d’idées » pour la mairie centrale. un partage des idées au niveau national et européen Lyon, une ville en retard en France et en Europe ? Valentin Lungenstrass a vécu six mois à Copenhague. Pour lui, la Capitale des Gaules a encore beaucoup de chemin à parcourir pour devenir une référence du vélo en Europe. « Du côté de l’urbanisme, des villes comme Vienne, capitale autrichienne, ou encore Barcelone doivent être des modèles pour nous. Ces villes ont su modifier leur architecture pour intégrer le vélo dans les rues .» L’adjoint de Grégory Doucet compte ainsi intensifier l’échange avec des villes de l’Hexagone. « J’ai décidé de mettre en place un groupe de discussion avec mes homologues français pour connaître les avancées et les axes de développement dans leurs communes. Je suis d’ailleurs en train de créer un réseau similaire à l’échelle européenne. » Car oui, il est important de rattraper ce retard pour Lyon. Outre les échanges avec les autres villes, le meilleur moyen de s’en inspirer est de voir ce qu’il se fait en matière de vélo de nos propres yeux. « On a organisé des déplacements », explique Fabien Bagnon. « On est en train de planifier un voyage à Strasbourg. Notre rêve ? Voyager jusqu’au Danemark, car c’est à Copenhague, notamment, que se trouve la plus grande avancée en matière de moyens de transports verts. Cette option est pour le moment compliquée, au vu de la situation sanitaire actuelle. On ne va pas se déplacer en avion tout en conseillant aux habitants du Grand Lyon d’aller au travail à vélo. » Le vélo a été au cœur de la campagne de Gregory Doucet et de Bruno Bernard. Si certains pensent que le Plan vélo n’est qu’un outil de communication, du côté de l’Hôtel de Ville, la vision est différente. « Le vélo nous permet de faire des avancées rapides et efficaces. Évidemment, dans un second temps, c’est un moyen pour nous de faire passer un message aux Lyonnais. Oui, le vélo est l’avenir de Lyon. »

Fabien Bagnon rêve de voyager jusqu’au Danemark pour s’inspirer des voisins européens. © Grand Lyon

Valentin Lungenstrass a intégré la mairie principale pour défendre le Plan vélo. © EELV Rhône

Ugo MAILLARD & Nathan VACHER


politique - 12

Gérard Collomb : « On ne peut pas forcer tout le monde à abandonner sa voiture » Malgré sa défaite aux dernières municipales face au candidat des Verts, Gérard Collomb ne semble pas mécontent que le maire en place poursuive le développement du vélo. Toutefois, l’ancien maire de Lyon estime que d’autres moyens de transports méritent d’êtres développés.

N

ous aurions tendance à penser que le maire sortant Gérard Collomb se positionnerait en tant qu’opposant au nouveau duo des Verts à la mairie et à la Métropole de Lyon. Dans les faits, l’ancien ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron se montre plutôt satisfait que des plans de développement concernant le vélo soient mis en place dans le Grand Lyon. « Il y a toujours eu un problème de mobilité dans l’aire urbaine de Lyon », constate Gérard Collomb. « Le Plan vélo est une bonne idée pour relier toute la Métropole lyonnaise. Il ne faudra pas empiéter sur les voitures. Tout le monde ne peut pas se déplacer uniquement en moyen de transport vert. » Si ce Plan vélo se montre important aux yeux du maire sortant, il n’en n’oublie pas l’importance des autres moyens verts.

Gérard Collomb, l’ancien édile de Lyon, est aujourd’hui conseillé municipal du 9ème arrondissement. © Jean-Luc MEGE

développer moyens écologiques

d’autres

« Le vélo est un élément que l’on doit continuer de développer, mais ce n’est pas le seul », estime l’ancien édile de Lyon, Gérard Collomb. « À Lyon, nous ne sommes pas dans la même configuration que les Pays-

L’aménagement des quais du Rhône a été l’un des chantiers les plus importants des mandats Collomb dans le volet écologiste. © Vincent IMBERT

Bas. Malheureusement, notre ville est faite de collines. On ne peut pas imposer à tout le monde d’abandonner sa voiture. Certes, il y a urgence à désengorger les routes de Lyon. Mais il est important de garder en tête que certains vivent à 30 kilomètres de l’hyper-centre, d’autres sur les collines de Fourvière ou de Croix-Rousse. » Mais alors, quelles solutions sont envisageables dans la capitale des Gaules pour ceux qui ne peuvent se déplacer uniquement à vélo ? « Le gouvernement a lancé un plan d’hydrogène. Il faut développer ce type de carburant nouveau qui remplacera très bientôt les énergies fossiles », conseille Gérard Collomb. Outre un développement des transports en commun, Gérard Collomb souhaite « un réel travail sur la piétonnisation de l’hyper-centre lyonnais, afin d’écarter au maximum la circulation de l’agglomération lyonnaise ». Aujourd’hui en retrait de la vie politique lyonnaise, l’ancien maire et président de la Métropole de Lyon peut amener un avis complémentaire quant à la question des mobilités à Lyon, que ce soit en tant que conseiller ou opposant.

Nathan VACHER


13 - Politique

Sur le Cours Vitton, le vélo bénéficie de plus d’espace que les voitures. © Ugo MAILLARD

Les commerçants du 6ème exigent du dialogue Avec le Plan vélo, c’est toute une ville qui va changer. Pour beaucoup de commerçants lyonnais, l’inquiétude grandit. Isabelle Burtin, Présidente de la Fédération des commerçants du 6ème arrondissement, se fait le relai du mécontentement grandissant dans le secteur. Zoom sur les problématiques de cet arrondissement.

«O

n s’est réveillé et le cours Vitton avait changé ». Une voie de circulation brutalement supprimée. La refonte de l’urbanisme du cours Vitton dans le 6ème arrondissement a été vécu comme une trahison par les commerçants de cet arrondissement. Isabelle Burtin explique que les services municipaux « sont intervenus dans la nuit sans que personne n’ait été prévenu en amont. On a l’impression que ces opérations sont faites en cachette et sans notre accord ». Le cours Vitton, axe principal du 6ème, a été transformé d’une route à deux voies pour les voitures à une voie vélo et une voie voiture. Pour les commerçants lyonnais, la pilule a du mal à passer. En réduisant l’accès aux voitures et les possibilités de stationnement, la crainte est de perdre encore un peu plus de chiffre d’affaires. Avec une fermeture totale de deux

mois pendant le premier confinement, et la période hybride que nous vivons actuellement, le point de rupture est proche. Avec la crise sanitaire, les commerces souffrent énormément et cette volonté de remplacer la voiture par le vélo est très mal passée dans ce secteur économique. « On va perdre toute la clientèle extramuros avec cette décision. Alors, je suis d’accord pour insister sur le commerce de proximité, mais à quel prix ? » de l’inquiétude au désarroi

« Je suis en charge de 2500 commerçants. Nombreux sont ceux qui sont venus me voir en larmes. Des vraies larmes ». En bloquant l’accès aux commerces, beaucoup d’entre eux redoutent une fermeture définitive. « Comment vont intervenir nos artisans ? Comment allons-nous pouvoir être livrés, si les camions ne peuvent pas accéder à nos boutiques ? »

Toutes ces questions « pratique » font peur aux commerçants et pour eux, la mairie ne se pose pas ces questions. « C’est déjà un problème. On est sur un débat idéologique où le côté pratique est totalement occulté ». un manque de communication

« Les pistes cyclables nous sont imposées. » Dans les rues du 6ème arrondissement c’est l’incompréhension. Isabelle Burtin explique qu’il n’y a « aucun échange avec la mairie ». Les commerçants ne sont pas contre les pistes cyclables. Ils ne réclament qu’une seule chose : « nous devons nous poser autour d’une table pour avoir une discussion constructive sur ce sujet. » Le message de la Fédération des commerçants du 6ème est clair : il faut trouver un consensus.

Ugo MAILLARD


partage - 14

Vélo’v, le précurseur du vélo en Depuis quelques années, avec la prise de conscience écologique, les transports doux ont bonne presse. L’une des solutions la plus largement choisie est le vélo en partage. Lyon a été l’une des premières villes au monde à mettre en place ce service avec l’aide de JC Decaux. Un service qui s’est démocratisé et qui rencontre un grand succès.

L

es petits vélos rouges sont devenus au fur et à mesure du temps, des éléments centraux du décor lyonnais. Et comment ! Lyon a été l’une des premières villes à accueillir un tel dispositif. Pascal Chopin, exdirecteur régional de JC Decaux se souvient : « après avoir testé le dispositif à petite échelle dans des villes en Espagne ou en Autriche, nous avons proposé de le mettre en place à Paris ». La capitale qui projetait d’accueillir les Jeux olympiques refuse, trop de risques. « En 2004, la métropole de Lyon devait renouveler son mobilier urbain », explique Pascal Chopin, « elle trouvait intéressant l’idée de mettre en place un système de vélo en partage ». JC Decaux saisi l’opportunité : si cela ne se fait pas à Paris, alors ce sera à Lyon.

extérieur pour proposer ce nouveau service car elle n’a ni les moyens, ni les connaissances nécessaires. Le contrat est passé, l’entreprise doit mettre en place les points d’accroche et déployer la flotte de vélo. Le modèle économique est simple, l’entreprise vit de la publicité. L’ex-directeur régional précise, « dans un premier temps, si nous ne gagnions pas suffisamment pour rentrer dans nos frais, la métropole nous remboursait la différence. En revanche, si nous en gagnions, nous devions payer une redevance ». Ainsi, le 19 mai 2005, Vélo’v fait son apparition à Lyon. En 2019, on comptait près de 350 stations dans la métropole et 77 000 abonnés.

La métropole fait appel à un prestataire

Si aujourd’hui les vélos sont légion dans les

grandes villes, à l’époque, il n’occupe pas une si grande place dans le milieu urbain. Alors quand Vélo’v a débarqué à Lyon, cela a été l’euphorie générale. Entre incompréhension et curiosité, les réactions étaient aussi diverses que variées. « On n’avait jamais vu ça », se remémore Christophe, un Lyonnais d’une quarantaine d’années. « Il y a d’abord eu une période de test, on pouvait essayer le service gratuitement, simplement avec sa carte d’identité », explique-t-il avec un sourire en coin. Dans les premières semaines, la demande a été si forte que le système informatique n’a pas suivi. « Deux mois après le départ, nous avions déjà enregistré plus de 10 000 locations », se félicite Pascal Chopin.

un service qui a su séduire les lyonnais Au contraire, sur les routes, l’accueil n’a pas

Au coeur de Lyon et Villeurbanne, on trouve une borne Vélo’v tous les 300 mètres. © Vincent IMBERT


15 - partage

partage été aussi unanime. Christophe témoigne : « les gens ne savaient pas vraiment rouler à vélo, ils essayaient de se débrouiller comme ils pouvaient dans le trafic alors forcément ils se faisaient klaxonner ». Même si, au départ, la cohabitation a été mal engagée, très vite les automobilistes ont commencé à faire plus attention aux cyclistes. Vélo’v a ainsi, en quelque sorte été un catalyseur du vélo urbain. Une initiative qui, encore aujourd’hui, est saluée par la majorité verte. la recette du succès « Avec Vélo’v, nous avons su mettre en place une solution durable et qui marche », explique l’ex-directeur régional de JC Decaux. « Nous avons créé un vélo performant et solide, l’utilisation du service est facile et rapide, notre flotte est entretenue continuellement et surtout : il y a des stations à intervalles rapprochés. » Au cœur de l’agglomération lyonnaise et à Villeurbanne, il y a en moyenne une station Vélo’v tous les 300 mètres. Pour certaines personnes, il est donc plus simple de se rendre vers l’une d’entre elles plutôt que de prendre les transports en commun, et finalement, un abonnement Vélo’v revient moins cher que de prendre sa voiture. Bien entendu, tout cela vaut pour des trajets courts (environs trois kilomètres, NDLR).

Entre les transports en commun, les trottinettes électriques ou encore les voitures et scooteurs en location, la concurrence est rude. Cependant, des sociétés comme Indigo ont essayé de pénétrer le marché, sans succès. Pascal Chopin explique, « ces tentatives ont été infructueuses car il ne suffit pas de proposer un vélo, il faut tout le service qui va derrière ». C’est notamment le cas de startups chinoises qui ont essayé d’inonder les rues avec leur service de « free floating ». Ces différentes tentatives ont échoué et ont donné lieux à des images de montagnes de vélos entassés dans des décharges. Le constat est similaire pour les trottinettes. Selon une étude du Boston Consulting Group, quatre mois d’exploitation sont nécessaire pour rembourser le coût d’acquisition. un service qui touche un large public Vélo’v possède ce grand atout de toucher un public large. L’entreprise trouve sa clientèle chez tous les âges. « J’ai beaucoup de retours de personnes plus âgées qui m’expliquent qu’elles utilisent régulièrement nos vélos pour aller se balader ou acheter le pain », confirme Pascal Chopin. Les autres grands adeptes du vélo en partage semblent être les étudiants, Mélissa confie « j’utilise les vélo’v en moyenne deux fois par jour pour

me déplacer ». Le service a su conquérir et entrer dans le quotidien des Lyonnais. Même durant le premier confinement, et la mobilité limitée en ville, il a su se maintenir à un nombre de locations satisfaisant, en battant même le record avec plus d’un million cent mille utilisations en septembre. Facile d’emploi et abordable, c’est aussi dans son essence que le vélo’v est apprécié. « C’est une solution pratique et économique », déclare Mélissa en ajoutant, « ça me permet de faire du sport, de me déplacer rapidement et surtout de ne pas payer d’abonnement TCL ». Malgré les récentes aides de l’Etat pour que les particuliers puissent acheter leur propre vélo, le Vélo’v continu de fonctionner et d’attirer les Lyonnais. Pas de vol, pas d’entretien, pas de problème de stockage, etc... Ainsi, JC Decaux a su conquérir la ville de Lyon avec son concept de vélos en partage, mais pas seulement. L’entreprise est présente dans une grande partie des villes françaises et même à travers le monde. A une heure où les particuliers commencent à acquérir leurs propres moyens de transports doux, les services de vélos en partage continuent de fonctionner. Mais pour encore combien de temps ? Julien BARLETTA

le vélo en partage, une tradition française En France, la tradition du vélo en partage est ancienne. Les premiers balbutiements du concept datent de 1976. A cette époque, 350 « vélos jaunes » sont déployés à La Rochelle sur trois points de location. Par la suite, l’entreprise Clear Channel met à disposition 200 vélos et 25 stations dans la ville de Rennes. Pourtant, ce n’est qu’en 2005 que le vélo en partage à grande échelle apparait en France. Vélo’v débarque à Lyon avec quelques milliers de vélos et des points d’ancrage disséminés dans toute la ville. En France, ce sont deux sociétés qui se partagent les agglomérations : Clear Channel et JC Decaux.

Les Vélo’v ce sont imposés dans le paysage lyonnais. © Vincent IMBERT

Ainsi, plus d’une cinquantaine de systèmes de vélos en libre-service sont actifs aujourd’hui. Cependant, certaines villes comme Perpignan, Aix-en-Provence ou Chalon-sur-Saône, ont stoppé le service en raison de son coût ou de son utilisation trop faible. Depuis quelques années, les vélos en flotte libre (« free floating ») font leur apparition en France. Selon 6-T, un bureau d’étude spécialisé dans la mobilité, ces derniers représentent 20% de l’offre sur tout le territoire. Julien BARLETTA


L’exemple grenoblois : « Je plains les Lyonnais »

france - 16

La métropole de Grenoble d’aujourd’hui serait-elle la ville de Lyon de demain ? La capitale des Alpes s’est hissée au rang de capitale française du vélo selon les cyclistes de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) en février dernier. Si, pour les usagers du vélo, Grenoble est un paradis, la ville se transforme depuis six ans en enfer pour les commerçants.

P

lus 40%. Comme l’augmentation du nombre de cyclistes comptabilisés par la Métropole de Grenoble entre septembre 2019 et septembre 2020. « Une très bonne nouvelle » selon Gilles Namur, adjoint en charge des espaces publics à la Les Grenoblois sont les champions de France du « vélo-taff ». © Grenoble-Alpes Métropole - Lucas FRANGELLA mairie, qui voit ce résultat comme la concrétisation de « la démarche entreprise et les investissements lourds mis en place président de la Métropole, Sylvain Laval. Ce-dernier précise aussi que depuis six ans ». Un résultat à mettre cependant dans le contexte de la les aménagements ne sont pas à mettre au seul crédit des écologistes situation sanitaire. L’Association pour le développement des transports de la mairie, mais « à l’ensemble des élus de la Métropole ». Malgré la en commun (ADTC) de Grenoble a constaté une baisse de l’utilisation fin des élections, n’oublions tout de même pas les combats politiques... des transports en commun pendant et suite au confinement, « avec un report sur la voiture et sur le vélo », participant à cette hausse sur un an. « un centre-ville vidé de sa clientèle »

Rien que pour répondre à la demande post-confinement, 16 kilomètres de pistes cyclables ont été tracées par la métropole, qui dispose de ces compétences. Aujourd’hui, quatre kilomètres de ces « Corona-pistes » ont été supprimées au grand dam de l’ADTC pour des questions de réouvertures des voies aux voitures, de retour après le confinement. Reconnaissant malgré tout « que c’est à Grenoble que l’on se déplace le mieux à vélo », le président de l’association, Emmanuel Colin de Verdière, voudrait aller plus loin dans la transition vers des mobilités douces en étirant encore les 320 kilomètres de pistes cyclables déjà en place dans la métropole de Grenoble, « peu importe la couleur politique » des élus. En effet, depuis 2014, la première vague Verte avait déferlé sur Grenoble avec l’élection d’Éric Piolle au poste de maire de la ville. Grenoble est donc l’une des seules agglomérations de France pouvant illustrer les conséquences des aménagements mis en place par les Verts. Quid de bien d’autres grandes villes française, la capitale des Gaules aurait-elle des leçons à recevoir de la part de la capitale des Alpes ? « En aucun cas », répond la mairie de Grenoble, qui espère plutôt être un exemple à suivre. Un exemple, Grenoble, ou plutôt les Grenoblois, le sont manifestement. Selon le dernier recensement réalisé par l’INSEE en 2017, plus de 16% des Grenoblois se rendaient au travail à vélo, contre 2% seulement en moyenne pour l’ensemble des Français, faisant de la métropole iséroise la première ville de France de la catégorie, devant Strasbourg. Une avance qui s’explique à Grenoble par des aménagements conséquents en faveur des déplacements dits « doux » mais aussi à une géographie avantageuse de la ville, « toute plate entre les montagnes », selon le vice-

Si les mesures pro-vélos semblent satisfaire utilisateurs du vélo et associations qui le promeuvent, d’autres ne sont pas forcément de cet avis. Les commerçants de la Fédération des unions commerciales de Grenoble, par la voix de leur président Christian Hoffmann, dressent un bilan beaucoup plus sévère de l’administration Piolle. Bien que ne refusant pas l’idée de la transition écologique à Grenoble, « qu’il ne faut pas condamner », les commerçants du centre-ville dénoncent des décisions « brutales, faites par des gens qui sont très dogmatiques et qui décident sans consultation ». Christian Hoffmann poursuit : « Quand je vois ce qu’il se passe à Grenoble, je plains les Lyonnais parce qu’ils ne savent pas encore ce que c’est ! ». Le résultat ? Un centre-ville « vidé de sa clientèle » et des commerçants qui le quittent de plus en plus au profit de la périphérie, « là où on peut encore rouler tranquillement ». Au final, les commerçants ne réclament qu’une seule chose : « que le milieu économique soit écouté pendant les prises de décisions ». Des critiques que refusent la mairie et la métropole. Gilles Namur pour la première : « ce n’est pas uniquement le vélo qui leur fait perdre de l’argent, les problèmes des commerces en centre-ville est plus complexe ». Sylvain Laval, pour la deuxième : « le dialogue qui n’était pas forcément ouvert jusque-là, l’est désormais ». Une mission difficile semble donc attendre Grégory Doucet et Bruno Bernard pendant ces six années pour réussir à allier transition écologique et prospérité économique à Lyon. Entre décisions politiques, engagements électoraux et réalité du terrain, il faudra faire des choix et ils ne plairont pas à tout le monde. Alixan LAVOREL


17 - europe Index « copenhageniz » 2019

L’europe en vélo

COPENHAGUE AMSTERDAM 1 UTRECHT

vélos en libre service Paris Amsterdam Barcelone anvers LYON

4 200 velo antwerpen

3 700 dublinbikes

helsinki

2 500 bycyklen 1 900 tOBike

4 8 10 15

Source : copenhageniz

4 000 vélo’v

Dublin

TURIN

anvers paris helsinki barcelone

6 000 bicing

4 000 MVG

copenhague

également dans le top 20

20 500 OV-Fiets

munich

3

2

20 600 véli’b

ce Sour

tista : Sta

0

202

1 500 Kaupunkipyörät

Source : EPOMM, rapports de mobilité des villes Infographie Théo ZUILI


technologie - 18

Le cycliste connecté : pédaler à l’ère du numérique Les façons de référencer ses trajets, de se motiver et de partager sa pratique du vélo se développent de plus en plus sur internet, entre les applications Strava ou Géovélo et les nombreux groupes Facebook de passionnés. Une communauté active qui s’implique dans ce mode de déplacement durable, dont l’attrait et la pratique augmente, y compris dans cette période de pandémie. Les applications comme Strava ou Géovélo sont gratuites au téléchargement. © Vincent IMBERT

S

i d’ordinaire, la hausse de la pratique du vélo est perceptible, le nombre de vélos dans la métropole passant de 70 000 à 180 000 entre 2010 et 2018 selon les chiffres de la métropole, dans le contexte actuel de la pandémie Covid-19 vient s’ajouter la volonté des utilisateurs d’éviter les transports en commun. Axe Saxe-Bellecour, augmentation de 59,5% de la fréquentation en vélos entre janvier et juillet 2020, +37,6% sur les Berges du Rhône, les chiffres du réseau social américain de partage de l’activité sportive Strava ne trompent pas. Pour certains, c’est l’occasion d’essayer, ou d’augmenter, les déplacements en vélo. Une activité sportive qui peut s’avérer exigeante physiquement mais aussi un peu déconcertante en ville. Ainsi, Strava pour la performance et Géovélo pour les itinéraires sont devenues des outils emblématiques.

Application de performances la plus populaire avec environ deux millions d’utilisateurs en France, Strava est aujourd’hui la star des cyclistes. Le groupe Facebook Strava France, à plus de 6 700 membres, symbolise cette communauté active des sportifs du quotidien, ces habitués du « vélotaf » (surnom des trajets domicile - travail en vélo). Une application pratique et ludique pour tous les sports de course mais pas forcément liée à la compétition, témoigne William Salvador, qui effectue 9 kilomètres aller-retour par jour : « j’utilise l’application à vélo pour mon cumul kilométrique en vélotaf. Contrairement

à la course à pied où je l’utilise pour gérer mes efforts, en vélo je ne cherche pas la performance. Je ne dois pas arriver en transpirant au boulot. Donc, je gère plus ma sueur et mon souffle que ma performance ». Pour certains, elle fait aussi office d’assistant dans l’effort, pour mieux indiquer au cycliste sa gestion de la performance. C’est le cas d’Olivier Ladrière qui utilise Strava depuis quatre ans : « elle me sert à respecter l’endurance, avec mes trajets vélotaf de 50 kilomètres allerretour deux à trois jours par semaine ». Mais l’application possède avant tout un côté ludique via les records personnels et les records de segments (le record général d’une section du trajet) qui peut motiver les cyclistes à se lancer dans les déplacements en vélo. Une utilisation qu’illustre Olivier T. : « Mes premiers trajets vélotaf dans le Beaujolais puis de Perrache à Confluence, j’utilisais l’application pour voir les records, c’est toujours sympa de voir son chrono monter au classement. Désormais un peu répétitif, je préfère l’utiliser pour le loisir, notamment pour des sorties dans le Beaujolais ». forte hausse des trajets avec strava ou géovélo à lyon depuis la crise de la covid-19 Mais au-delà de Strava, le vélo est un mode de déplacement qui a de plus en plus d’adeptes et d’aménagements. Pour se repérer, l’application française de GPS spécialisée la plus utilisée

est Géovélo avec 350 000 utilisateurs. Une application qui indique les voies cyclables de France grâce aux données OpenStreetMap, un système de carte en ligne modifiable par tous. « Cette année, ce sont 318 000 kilomètres qui ont été parcourus à Lyon avec Géovélo, dont un pic à 53 000km parcourus en septembre » explique l’équipe Géovélo. Entre intérêt écologique, sportif et, particulièrement cette année, sanitaire en évitant les transports, on constate logiquement une hausse de l’utilisation de l’application. Ainsi, chaque mois de 2020, hormis avril, a vu ses scores de kilomètres parcourus par des cyclistes avec l’application presque doubler par rapport à l’année dernière : 27 000 kilomètres en mai 2020 avec le déconfinement contre 15 000 kilomètres en 2019, 53 000 kilomètres (un record) en septembre contre 28 000 kilomètres en 2019, et un score pour le mois de novembre encore en cours, et malgré le confinement, qui a déjà dépassé celui de l’an dernier : 22 500 kilomètres contre 16 900 kilomètres. Une aide connectée de plus en plus encrée dans la pratique du vélo, et même en confinement : Géovélo a lancé ce mois-ci son projet « Dansmonrayon », un logiciel annexe qui indique pour cette période de restriction de déplacements les zones cyclables dans le périmètre autorisé autour de votre habitation. Une énième nouvelle façon pour les applications d’améliorer et d’encourager l’usage du vélo. Gaël TRAUB


19 - tendance

Le vélo, un objet qui se réinvente Fat bikes, cadres en bambous, vélos vintages qui reviennent à la mode ou encore vélos pliables... Tellement de choix, qu’il est difficile de savoir quelle est la meilleure alternative. Il y a du bon et du moins bon, des modèles qui sont aujourd’hui très populaires et d’autres qui tendent à disparaitre.

L

e vélo à assistance électrique pourrait être le succès de Noël 2020. Brompton, réputé pour ses vélos pliables, a lancé sa version VAE. Baptisé Brompton Electric, il se vend à partir de 3 270€. Comme à son habitude, la marque promet un système de pliage simple et une compacité lui permettant, par exemple, d’être stocké dans un hall d’entrée. Des designs également futuristes comme ANGELL, par Marc Simoncini. Décrit comme « le Tesla à deux roues » par l’homme d’affaires, le vélo est destiné aux déplacements urbains. Equipé d’un système de géolocalisation, d’un indice de pollution et d’un dispositif d’alerte chute, la monture se vend aux alentours de 2 690€. Le grand défi des constructeurs : proposer un vélo original et performant s’adressant à une clientèle bien particulière. allier confort, résistance et écologie Un pari ambitieux réussi par Cyclik : créer un vélo cinq fois plus confortable qu’un vélo en carbone. La société créée en 2016 par Félix Hébert, ancien cycliste, propose sept modèles de vélos pour la route, la ville, VTT ou encore électrique. Avec une selle, deux pédales et un guidon, à première vue il s’agit d’un vélo classique. La vraie différence réside dans le cadre : fini le carbone ou l’acier, bonjour le bambou. Un matériau qui se fend mais ne casse pas, plus solide que l’acier (en force de traction) et qui respecte les valeurs environnementales de l’entreprise, à savoir utiliser des matériaux locaux et naturels. Les jonctions sont réalisées à partir de lin et de résine biosourcée. « Nous avons sélectionné une résine dont la part biosourcée est la plus importante du marché : 56% de la structure moléculaire de la résine que nous utilisons est d’origine végétale. Mais ce taux ne nous satisfait pas. Nous sommes aujourd’hui à la recherche de nouvelles techniques, encore plus respectueuses de l’environnement. » Des promesses écologiques et de confort mais aussi de dynamisme, avec une alliance rigidité/confort non trouvables sur les autres vélos du marché.

Félix Hébert fabrique les vélos dans son atelier, près de Lyon. © Cyclik

La fabrication nécessite 50 heures de travail. Certifiés ISO, les modèles sont vendus en moyenne entre 4 500€ et 5 000€, mais il est très courant pour un client de repartir avec un vélo de minimum 7 000€. Un investissement très, voire trop cher quand on est habitué à se fournir chez Decathlon, mais le gérant de la société tient à préciser qu’il ne s’agit pas du même marché et de la même clientèle. Les clients sont conseillés par les vendeurs sur les différentes pièces à choisir en fonction de leur pratique et de leur budget. Sur le marché des vélos de courses et en carbone haut de gamme, l’entreprise n’est pas la seule à offrir des vélos en bambous. In’Bô est réputée pour ses produits : lunettes, accessoires, skateboards et donc vélos. Prix minimum de 5 490€. la fausse bonne idée du fat bike Un VTT avec des pneus beaucoup plus larges qui permettent une meilleure adhérence en montagne et en terrain meubles. Une idée qui voit le jour vers 1980 sous le nom de « tricycle monotrace », dessinée par le cycliste français Jean Naud. Après plusieurs années, le prototype est testé pour la première fois en 1999 à l’Interbike International Bicycle Expo. La marque de commerce « Fatbike » sera déposée deux ans plus tard par son concepteur Mark Gronewald. Très en vogue au début des années 2010, le fat bike se vend de moins en moins. Peu de boutiques présentent ce type de vélo. Chez Culture Vélo, les vendeurs ne trouvent pas le concept très utile. En comparaison avec un vélo tout terrain, « [les fat bikes] sont trop lourds et pas assez dynamique, c’est une fausse bonne idée ». du vintage au goût du jour

Comme ce Fatbike, des vélos plus originaux les uns que les autres sillonnent les rues de Lyon. © Vincent IMBERT

Il y a donc les vélos originaux et très tendances et dans un autre registre, il y a les modèles qui allient vintage et modernité. La marque de fabrique de The Cykle. Sofiane Ben Miloud et son père Mohamed sont à l’origine de ce concept alliant deux époques : un produit au design moto rétro auquel on ajoute un mode de fonctionnement électrique. Le e-springer et le e-cykler sont disponibles à partir de 2 490€. La boutique, ouverte depuis mai 2017 dans le Vieux-Lyon, propose aussi des vélos électriques pliants : le e-fast et le e-elegance, vendus jusqu’à 1 990€. Le VAE ou vélo à assistance électrique serait donc la nouvelle tendance de cette année. Ameline MANISSOLLE


emploi - 20

Livreurs à vélo : à toute vitesse et À Lyon, comme dans certaines grandes villes de France, la rue abrite un ballet de vélos. Mais loin d’être une belle pièce de théâtre, ce sont bel et bien des livreurs écrasant le bitume à la recherche de quelques euros par course. Ici, rares sont ceux qui pédalent par passion.

A

la sortie de métro Ampère, un large soleil illumine les rues. Et c’est devant le Mc Donald, que la foule se presse. Mais ne vous y trompez pas, le bain-de-soleil pour ces gens-là, ne sera que de courte durée. Les cyclistes et motards des différentes plateformes de livraisons attendent impatients. Pour d’autres, c’est le moment de prendre une pause, un peu en retrait. Ils souhaitent s’éloigner des commandes 8845, 6627 ou bien encore de la commande de Lisa, qui depuis le temps qu’elle est là, risque de manger froid... C’est ici qu’Ahmed et ses collègues de dix minutes se retrouvent. Lui, contrairement aux autres, se démarque très facilement. Entre deux immenses scooters, son petit vélo. Il ne le cache pas, c’est le premier prix, le moins cher qu’il ait trouvé. Mais c’est son gagnepain, sa source de revenus, le symbole d’une vie qui connaît certains imprévus, puisqu’il faut l’avouer, personne ne rêve plus tard d’être livreur à vélo. Ahmed, lui, se destinait à la Recherche. Avec un bac +5 en nanoscience, il ne se doutait peutêtre pas passer par la case cycliste. Mais la crise sanitaire actuelle à remis en question son avenir, et il a dû s’adapter. Aujourd’hui, il raconte les conditions de travail qui entourent le métier de livreur. Il décrit alors des conditions qui se rapprochent de « l’esclavagisme moderne ». Et à son collègue de rajouter derrière lui, « d’esclavagisme HighTech ».

et une haine qui grandit. Le vélo, comme tout sport, a le don d’épuiser les muscles et comme rapporte Ahmed, de mettre « les batteries à zéro ». Dans un premier temps, il est important de se concentrer sur l’aspect psychologique pour comprendre l’impact parfois méconnu qu’entraîne une pratique intense et répétée, sans grand lien social, sans patron, sans sécurité, et sans évolution possible. Quand il est seul sous la pluie à 22H30 par un froid glacial, et que certains restaurateurs ne daignent même pas lui adresser un bonsoir, il y a de quoi se poser certaines questions... Cet isolement est souvent plus important chez les cyclistes que chez les scooters. Une fois

la commande acceptée pour aller jusqu’au restaurant, la commande est quasiment prête et le temps sur place n’est donc que de courte durée. Une pause que peuvent s’offrir les scooters, qui se réunissent souvent devant les

« C’est un travail humain et c’est super agréable de faire le tout dans d’aussi bonnes conditions. C’est détente. » chaînes des grands fast foods, en attendant leurs commandes. Les différences de revenus entraînent parfois certains privilèges. Ici, par exemple, les plus petits revenus n’auront pas le droit à des aides. Moins ils gagnent, moins ils ont de chance. Et leur mental peut être le théâtre de ce désordre économique et social. Mais entre nous, qui s’en inquiète ? Sûrement pas la psychologue de l’entreprise, ou le responsable des Ressources humaines, qui ne connaît finalement même pas leur nom...

personne pour les empêcher de dérailler Toutes relations réelles sont coupées, il n’y a plus que les écrans, un montant qu’ils doivent aller chercher en pédalant, et des commandes à livrer, pour ceux qui peuvent se les payer. Bien que la situation soit loin d’être celle des esclaves pendant la traite négrière, certains faits peuvent cependant servir à comprendre ce ressenti. Parce que oui, même si les mots ne collent pas forcément, le sentiment est là, c’est un malaise, une amertume

Certains livreurs se procurent eux-mêmes leur sac. © Vincent IMBERT

un rythme de vie en roue libre C’est un fait. Les plateformes de livraison en ligne laissent leur employé à eux même. Aujourd’hui, les livreurs font face à une situation qui sera peutêtre celle de demain pour beaucoup de travailleurs. C’est-à-dire que leur seule structure se résume à un algorithme dans une boîte, plus couramment appelée smartphone. Mais entre deux commandes, seul sur un vélo, la vie ne tient qu’à la personne assise sur sa selle. Les dangers de ce métier sont bel et bien réel : les livreurs à vélo de ces plateformes ne bénéficient d’aucune aide (ou d’une maigre assurance comparée à leur métier). Ou ne serait-ce de campagnes de prévention complète et efficace, afin de prévenir les dangers liés à ce métier. Alors qu’il y a en a des dangers lorsqu’un être humain parcourt plus de 50 km par jour, zigzaguant entre les voitures,


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droit dans le mur

En plein confinement, les Français se dirigent encore davantage vers les livreurs pour se procurer leurs repas. © Vincent IMBERT

grimpant et s’essoufflant, le tout généralement 6 jours sur 7, de midi à tard dans la nuit. Et cela ne s’arrête pas là. Selon Marie Radigois, psychiatre et experte en micronutrition, « un manque d’hygiène de vie et d’une bonne alimentation peut entraîner une carence en vitamine et en minéraux importante. Le corps est donc plus à même à la fatigue, aux tendinites, aux chutes et mets le livreur en danger sur le long terme. » Seulement, encore une fois, qui est là pour expliquer à ces personnes le risque encouru ? Leur kiné ? Leur médecin spécialiste en micronutrition ? Ou bien même les employeurs ? L’image « d’esclave moderne » peut se comprendre. Le livreur à vélo est considéré par ses employeurs comme une source de revenus à usage unique. Cependant, le docteur Marie Radigois tient à rajouter quand même que « le bilan de l’activité physique peut être

très favorable s’il y a un suivi médical ». un métier à plusieurs vitesses Les inégalités entre livreurs se voient dans une côte. Driss travaille en tant que livreur sur un vélo cargo (avec une malle à l’avant), pour Archi-chouette, une société de jeu qui a décidé

« J’ai frôlé la mort ce jour-là. Je me suis retrouvé avec un poumon perforé, des points de suture partout et 10cm d’intestin en moins... tout ça pour une course à 6€. » d’innover en livrant à vélo toute la métropole lyonnaise. Le dernier jour de sa semaine, il comptabilise quasiment 170 kilomètres parcourus en cinq jours. Mais quelque part, il

gagne aussi beaucoup de temps avec un vélo équipé d’un petit moteur électrique et de tout le confort, à 4000€. Il reconnaît lui-même d’être extrêmement chanceux en étant« sous contrat avec du bon matériel ». Et convient ne pas être dans la même situation effrayante que « les livreurs Delivroo payés 5 euros la course ». Place Bellecour, cette fois, c’est un tri-porter électrique qui vient se poser et livrer ses clients. Le restaurant Pollen offre un service de retrait grâce à un vélo nouvelle génération tout équipé. C’est-à-dire, avec un frigo, un toit contre la pluie et de multiples autres fonctionnalités. Bref, il n’y a pas à dire, c’est presque mieux qu’un scooter à ce niveau-là. Mais son coût, 7000€, a dû en décider plus d’un à opter pour un véhicule avec seulement deux roues et un guidon. Quelque part, c’est bien aussi. Thomas n’est pas un féru de vélo, mais ajoute aussitôt ; « je ne me plains pas, tout le monde a le sourire quand ils viennent, c’est un


emploi - 22 travail humain et c’est super agréable de faire le tout dans d’aussi bonnes conditions. C’est détente. » La balade est encore une fois sous contrat, tout frais payé, tout équipé, tout assuré. Et même dans la restauration rapide, il est possible de trouver des livreurs à vélo, sous contrat, et cette fois, équipés ; c’est le choix qu’a fait Pizza Hut en Presqu’île. Ici, les livreurs sont « assurés, équipés et travaillent dans de bonnes conditions » assure Miguel, le gérant. Les vélos sont électriques, le matériel est fourni, et surtout, les normes de sécurités qui devraient être « normales » sont appliquées, avec casque, lumière et gilet réfléchissant. S’il faut résumer tout cela par une course de vélo dans une côte, les livreurs sous contrats seraient déjà arrivés en haut, avec une prime assurée, même pour ceux qui se sont blessés lors de l’ascension. Alors même que les livreurs à vélo de chez Deliveroo par exemple, ne savent pas ce qui va leur arriver pour une course à 6€. Et ils ont tout le temps d’y penser pendant qu’ils pédalent, sans équipement, entre les voitures et avec un vélo souvent peu adapté. pousser les livreurs à dérailler

La sécurité des livreurs est à leur frais, ce qui peut sembler paradoxal en connaissant les revenus de ces derniers...

Face à cet écart et à ces conditions de travail, les livreurs à vélo des plateformes de livraison © Vincent IMBERT ont décidé de se mettre au scooter. Parfois loué, parfois acheté, le temps gagné n’est pas négligeable. Si bien que devant un autre Mc Donald, cette fois-ci rue de la République, tous disent avoir troqué leur vélo contre un scooter. Mais à quel prix ? Isham est devenu livreur après avoir perdu son travail dans le bâtiment avec la crise du Covid. Sans passer par la case vélo, il a très vite compris qu’il ne

ferait jamais le même chiffre qu’en scooter. Quelques mois plus tard, une moto le percute. « J’ai frôlé la mort ce jour-là. Je me suis retrouvé avec un poumon perforé, des points de suture partout et 10 centimètres d’intestin en moins... tout ça pour une course à 6€. » Mais en scooter, les livreurs n’ont accès à aucune assurance. Il nous apprend qu’aucun contrat n’est signé pour faire livreur en scooter. Puisque Uber Eats, ou encore Stuart, devraient fournir une formation aux nouveaux livreurs. Mais « ils ferment les yeux, parce que personne ne respecte pour gagner plus d’argent, et eux s’en mettent plein les poches, sans rien faire » rajoute Isham. Ainsi, derrière, la police n’hésite pas à verbaliser. « La moitié des livreurs en scooter sont endettés à cause des amendes pour un stationnement de deux minutes, ou même parce que l’on utilise un scooter. » Finalement, Isham sort du bloc opératoire avec la certitude qu’il ne touchera rien. Qu’il vient de tout perdre, et cela pour plusieurs mois. Pas une aide de l’entreprise, pas un dédommagement. Cela peut faire partie du prix à payer pour ceux qui souhaiteraient troquer leurs vieux vélos contre un petit scooter. Un autre livreur de quarante ans vient alors, et explique que de toute façon, passé un certain âge, tout le monde ne peut plus faire du vélo, avec assistance ou non. « Il n’y a que les jeunes qui peuvent prendre leur vélo et faire ça toute la journée. À mon âge, on y pense même plus. » Parfois roi de la rue, parfois symbole de précarité, le vélo est au centre des villes. Mais même s’ils font leur révolution, les livreurs ne tarderont pas à faire la leur. Corentin RICHARD

Depuis juin 2020, La poste teste un nouvel engin de livraisons en hyper-centre de Lyon : le vélo cargo triporteur. Il circule sur le 1er et le 2ème arrondissement pour collecter le courrier et les colis des clients-commerçants, comme des entreprises.

© Vincent IMBERT


23 - quotidien Le vélo de route a beaucoup de succès auprès des citadins. © Vincent IMBERT

Pistes cyclables quelle galère ! Les pistes cyclables fleurissent à Lyon ces dernières années et elles ne débarquent pas seulement avec des solutions. Au contraire, elles apportent avec elles leur lot de problèmes. Notamment la création de conflits entre les différents usagers de la route.

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ci c’est un trottoir, la piste cyclable c’est à côté », « va plus vite encore », « n’importe quoi ces trottinettes. » En passant les grossièretés et les insultes, ces interjections sont courantes aux abords des pistes cyclables. A Lyon, les compteurs de la métropole ont enregistré plus de deux millions de passage de cyclistes cette année. Pour les trottinettes électriques en libreservice, 4 000 environ sont présentes en ville. Pierrick, qui se déplace majoritairement à vélo depuis le début de l’épidémie observe, « oui c’est souvent l’anarchie entre tous les utilisateurs des pistes cyclable. Mais chacun a sa part de responsabilité, ce n’est pas uniquement la faute des cyclistes ». Alors, le vélo est-t-il considéré comme le nouveau roi de Lyon par les autres usagers de la route ? d’autres tensions aux abords des pistes

La concurrence est rude sur les pistes. Cyclistes passionnés, simples promeneurs à deux roues, transports à moteurs électriques, tous se rejettent la faute. Avec une vitesse moyenne de 25 à 35 kilomètres par heure pour les trottinettes et autres vélos à moteur, les moyens de transport plus classiques font pâle figure. Des bouchons se créent, on double via la piste qui va à contresens ou directement en passant sur la route, bref, la cohabitation n’est pas simple. Antoine, qui effectue tous ses déplacements à trottinette décrit, « c’est vrai qu’on va plus vite qu’eux. Parfois quand on est pressé, on fait un peu moins attention et on double maladroitement ». Mais ce qu’il regrette le plus c’est d’avoir « assisté à des scènes violentes, où les gens s’insultent ».

Ce sont les automobilistes qui pestent le plus contre les cyclistes et contre tous les usagers des pistes cyclables. « C’est difficile de rouler en ville avec eux tout autour », regrette Anne en ajoutant « un coup ils sont sur les pistes cyclables, un coup sur la route. On doit toujours faire attention à eux ». En plus du comportement de certains, les aménagements posent parfois problème, comme ces pistes qui sont à contresens de la circulation. « Ça me fait un peu peur de devoir rouler en face des vélos, parfois nous allons vite et le croisement passe tout juste », confie Pierre, un jeune conducteur. Dans les embouteillages, aux feux ou aux abords des pistes cyclables, les automobilistes redoutent souvent de devoir cohabiter avec tous ces autres modes de transport. Lorsqu’il s’agit de se plaindre des pistes cyclables, les piétons ne sont pas non plus en reste. « Honnêtement, je crois que tous ces cyclistes, trottinettistes et autres ne connaissent pas les pistes cyclables », peste Laurent qui fait sa balade quotidienne d’une heure le long du Rhône. « Ils nous klaxonnent tous alors qu’ils roulent à côté de la piste, c’est aberrant. » Certains redoutent même de se promener aux abords de ces voies. C’est le cas d’Emilie qui explique : « moi, je me tiens éloignée d’eux. Avec leurs engins électriques, ils vont vite et je n’ai pas envie de me faire renverser. En plus de ça, ils sont parfois agressifs, même s’ils sont en tort ». Finalement, la mise en place de pistes cyclables n’est pas forcément une solution pérenne. Elle permet la mise en sécurité des usagers de la route, mais pas leur bonne entente. Julien BARLETTA


santé - 24

Covid-19 : le vélo grand gagnant de Plébiscité comme le remplaçant de la voiture en ville, le vélo bénéficie également des circonstances sanitaires de 2020 et de la peur de la COVID-19 pour séduire les usagers des transports en commun. Le monde de la bicyclette se frotte les mains, tandis que les opérateurs de transports collectifs veulent regagner la confiance de leurs utilisateurs.

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e déplacer à vélo permet de se dépenser physiquement et de garder la santé. À l’heure de la COVID-19, cela fonctionne toujours... mais pas forcément pour les mêmes raisons. Outre la dépense physique, se déplacer à bicyclette permet aussi d’éviter de se serrer dans les transports en commun, briser la distanciation sociale et donc la probabilité de contracter de potentielles maladies. À Lyon, Paris ou dans d’autres villes, les images de nos concitoyens entassés, serrés dans les transports en commun ont fait scandale. Si avant l’arrivée de la COVID-19, cela ne choquait pas, la donne est désormais différente. Alors que le gouvernement prône les gestes barrières, il est difficile de respecter ces derniers dans les métros, trams ou bus. Notamment lors des heures de pointe, en matinée ou en soirée.

Reste que, malgré les conditions sanitaires, il faut tout de même aller au travail. Et face aux potentiels risques pour la santé des transports en commun, des modes de déplacement, certains préfèrent désormais se déplacer « en solitaire ». La trottinette ou le vélo s’imposent alors. Pour éviter de s’entasser dans une rame ou un wagon, ils sont nombreux à avoir décidé d’abandonner les transports collectifs au profit du vélo, à Lyon. Cela est notamment le cas d’Omar, qui « a acquis un vélo juste après le premier confinement. Cela devenait angoissant de se retrouver serrés dans les transports en commun, avoue-t-il. Surtout pendant les heures de pointe, que je ne peux éviter. » Si ce choix peut sembler difficile pour certains, lui explique s’être rendu « compte à quel point c’était intéressant ». « Je suis même passé à l’électrique. J’ai équipé mon vélo d’un panier, d’un porte-bagages et de deux sacs pour faire les courses, histoire d’être 100% à vélo », conclut-il avec une pointe de fierté dans la voix.

« On note une augmentation de 30% des ventes cette année […]. Pour ma part, j’en suis à trois fois ce chiffre. C’est dingue, en 10 ans je n’ai jamais vu ça ! » Alexandre Karsenty, gérant de Lyon Cycle Chic Dans un style différent, Benoît s’est lui aussi « sevré » de tout transport collectif, au profit de sa bicyclette. « J’utilisais déjà le vélo avant [...] mais les conditions sanitaires m’ont poussé à accélérer cette démarche. J’ai complètement oublié les transports en commun et ai même résilié mon abonnement TCL. Je me déplace essentiellement à vélo, et pas seulement pour aller au travail. Je compte même poursuivre dans cette direction, avec des week-ends à vélo, voire plus. » la bonne affaire pour les vendeurs de vélo ? Et ces deux exemples ne sont pas des cas isolés, en témoigne

Seuls les vélos pliés peuvent être montés à bord des transports en commun (contrairement au vélo classique). A noter qu’aucune rame de métro n’est encore équipée de voies cyclables.

© Vincent IMBERT

l’évolution des ventes de vélo depuis la sortie du confinement. En première ligne sur ce sujet, Alexandre Karsenty, gérant de la boutique Lyon Cycle Chic, apprécie la croissance subite de ses ventes. Après avoir écoulé « trois vélos en deux mois », pendant le confinement il voit en effet ses chiffres croître depuis mai. « Sur le réseau national, on note une augmentation des ventes de 30% cette année. Un de mes collègues en est à deux fois plus alors que pour ma part, j’en suis à trois fois ce nombre. C’est dingue, en 10 ans, je n’ai jamais vu ça ! » Comme la loi l’autorisait, Lyon Cycle Chic est resté ouvert durant le premier confinement. Mais la grande majorité de l’activité à ce moment-ci tournait autour de services et de réparations (câbles de freins, chambres à air,... NDLR). La suite, plus positive, Alexandre la raconte lui-même : « Tout s’est accéléré au niveau des ventes dix jours avant la fin du confinement, pour véritablement exploser par la suite. J’ai dû faire revenir mes employés au chômage partiel, en embaucher de nouveaux et mettre en place des rendez-vous. »


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la crise sanitaire S’il explique « ne pas jouer sur la corde sanitaire », notre interlocuteur avoue s’être positionné dès la sortie du confinement. D’autant qu’au « début du premier confinement, la FUB (Fédération des Usagers de la Bicyclette, qui fait le lien avec le ministère des Transports, Ndlr) a publié un visuel détaillant le fait qu’utiliser un vélo permet de respecter les gestes barrières et la distanciation sociale, tout en continuant de se déplacer librement ».

Mais dès la levée de cette mesure de confinement, les choses ont évolué, à Lyon. « L’équipe en place a relevé ces aides à l’achat à hauteur de 500€. C’est monstrueux, un vrai coup de main. Sur l’acquisition d’un vélo pliant de bonne qualité, ça peut représenter un tiers du prix. Les pouvoirs publics ont aussi instauré une rétroactivité pour les achats entre le 17 mars et le 11 mai [...]. Aujourd’hui, les gens se disent que c’est une opportunité et qu’ils peuvent en profiter. »

les pouvoirs publics au secours des utilisateurs

Cela fonctionne, visiblement, puisque malgré des retards, la métropole de Lyon affirme qu’entre le 1er janvier et fin octobre, « plus de 2 600 dossiers ont été payés. Cela est le double des dossiers payés en 2018 ou 2019, où nous étions à 1 300 à chaque année ».

Les pouvoirs publics ont également renforcé les aides envers les usagers se tournant vers la bicyclette. « Le Grand Lyon avait un dispositif d’aide à l’achat pour des vélo identifiés comme dédiés à la

« 2 600 dossiers [d’aide à l’achat d’un vélo] ont été payés en 2020. C’est le double des dossiers payés en 2018 ou 2019 », selon la Métropole de Lyon Si ces aides sont donc toujours d’actualité et que le pays est actuellement confiné, Alexandre Karsenty ne s’attend toutefois pas à un effet similaire au sortir du deuxième confinement. « Il y aura moins l’effet cocotte-minute où les gens se disent qu’ils sont restés enfermés pendant deux mois, qu’ils sortent, qu’il faut acheter un vélo ! Évidemment, il y a des gens qui souffrent, mais de nombreux corps de métier continuent à travailler en présentiel. Presque tout le monde sort tous les jours et il n’y aura pas un effet aussi prononcé qu’après le premier confinement. » 30% des usagers veulent éviter les transports en commun à l’avenir

Depuis septembre, le taux de fréquentation des transports collectifs ont oscillés entre 60% et 80% de la normale.

© Lancelot MESONIER

mobilité, continue Alexandre Karsenty. Dans le monde d’avant, il était de 100 euros. Je ne vais pas dire que c’était ridicule, parce que ça avait au moins le mérite d’exister mais c’est vrai que par rapport à des métropoles comme Nantes ou Paris, ça n’avait rien d’équivalent. » Effectivement, dans la capitale, les demandeurs pouvaient par exemple bénéficier d’une aide fixée à 33% du prix d’achat. Cette dernière était plafonnée entre 400€ et 600€, suivant le type de vélo en question.

Malgré tout, les transports en commun craignent pour leur fréquentation. Preuve en est faite grâce à l’étude 2020 « Observatoire de la mobilité » de l’Union des Transports Publics et ferroviaires (UTP). Les usagers seraient en effet près de 30% à vouloir renoncer durablement aux transports en commun, une fois la crise sanitaire passée. Cette enquête détaille également que 27% des utilisateurs souhaiteraient les utiliser moins souvent, tandis que 3% songeraient à les délaisser complètement ! Un gouffre. Cette étude, menée en septembre auprès de 1 500 personnes habitant des villes de plus de 50 000 habitants, démontre l’ampleur de la perte de confiance envers ces moyens de mobilité. À Lyon, 200 millions de voyages sont effectués chaque année uniquement dans le métro. Ce nombre grimpait à 480 millions dans tous les transports en commun lyonnais, en 2018.


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Avec le confinement, les usagers ont disparu des services TCL. © TCL

mission reconquête pour les transports collectifs. Ces difficultés se présentent d’ailleurs déjà, puisqu’entre septembre et octobre, les taux de fréquentation des réseaux de transports collectifs ont oscillé entre 60% et 80% de la normale, rappelle Le Monde dans un article daté du 19 novembre . À Lyon, Keolis (qui exploite le réseau TCL) assure par la voix de Samantha Mech (chargée de communication et relations presse) que « la fréquentation actuelle est de l’ordre de 85% par rapport à l’année dernière ». Un coup d’arrêt, alors que de 2007 à 2017, le nombre de voyages a augmenté de 28%. La croissance était même continue, hormis en 2011 et malgré des ralentissements en 2015, dûs aux attentat. Les professionnels de la mobilité craignent donc une perte massive d’usagers et de chiffre d’affaires. Mais Keolis se veut rassurant, comme le confirme Samantha Mech : « les motifs [derrière cette baisse] peuvent être nombreux et autres que les raisons sanitaires. À savoir la mise en place massive du télétravail, du chômage partiel, des étudiants mis pour la plupart en cours à distance. Un autre facteur est à prendre en compte également : la baisse notable des événements publics, sportifs, culturels, qui font chuter notre fréquentation. La liste est évidemment non exhaustive ». En attendant, ces derniers mettent évidemment en place des mesures (port du masque obligatoire sur le réseau et aux abords des arrêts, nettoyage et désinfection des points de contact - poignées, barres de maintien... - sens de circulation... NDLR). « Le masque était aussi

obligatoire dans les transports avant que la mesure soit étendue au niveau national », rappelle-t-on chez Keolis. « Cela a sécurisé notre réseau plus que d’autres lieux de vie publique. » Ces derniers citent aussi Santé Publique France pour rassurer sur l’exposition aux contaminations dans les transports collectifs. « Jusqu’ici, les autorités officielles relaient l’information suivante : seules 1% des contaminations auraient pour origine les transports en commun, quels qu’ils soient », certifient-ils.

« Environ 30% des utilisateurs éviteraient ou ne mettraient plus les pieds dans les transports en commun à l’avenir » En attendant, il faut retrouver la confiance des utilisateurs pour les transports en commun. Cette bataille n’est pas encore gagnée. Mais tout pourrait changer en fonction de l’évolution des conditions sanitaires, bien sûr. Mais aussi avec l’hiver, la pluie, la nuit et la baisse des températures. On estime en effet qu’un cycliste sur deux abandonne son vélo l’hiver, pour changer de mode de déplacement. Syvlain GAUTHIER

Même à vélo, certains n’oublient pas les gestes barrières.

© Vincent IMBERT


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Le vélo : sauveur de l’écologie ou hypocrisie idéologique ? Le vélo, particulièrement le vélo électrique, s’installe comme un des nouveaux moyens de déplacement préféré des Français. De plus en plus sensibles à leur empreinte écologique, ils se tournent vers des mobilités dîtes douces. Il apparait cependant que le vélo électrique ne soit pas le grand sauveur des émissions de CO2 et de l’engorgement de nos centres-villes.

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i le véhicule en lui-même reste indéniablement moins polluant qu’une voiture, le vélo électrique possède quelques lacunes en termes d’écologie. Le principal de ces inconvénients concerne les batteries au lithium dont l’autonomie est de courte durée. L’extraction massive du lithium dans des mines à ciel ouvert est l’origine de la destruction de plusieurs écosystèmes, par exemple au Chili et au Tibet. Chaque nouveau vélo sur une piste cyclable alimente les cargos gros émetteurs de CO2 sur les océans et fait suer les mineurs des Andes.

Fréderic Héran, économiste des transports et urbaniste soulève aussi le manque de savoir faire pour réutiliser ces batteries : « Le recyclage des batteries au lithium est très difficile à cause de la dangerosité de ce composant. A long terme il y a un grand

risque pour l’environnement, à savoir des fuites d’acides ou autres produits chimiques. Le sol et l’eau seront les premiers à être contaminés par le lithium ». Aujourd’hui, les connaissances techniques sur ces batteries semblent assez limitées, « personne ne sait réparer ces batteries. Des recherches sont en cours pour que la solution ne soit plus de jeter sa batterie mais de la remettre en état » explique Fréderic Héran. Il existe donc une importante marge de travail pour améliorer la maîtrise du lithium. Un autre problème majeur concernant ces vélos se trouve dans les basfonds des fleuves lyonnais. Là où meurent de nombreux vélos. Comment organiser leur repêche pour éviter de polluer l’eau et le sol ? Pour Pascal Chopin, ex-directeur de JC Decaux (exploitant des Vélo’v), il y a encore des progrès à faire : « c’est une vraie difficulté du vélo urbain, et nous n’avons pas encore trouvé

de solutions efficaces. C’est un challenge pour les années à venir et ça serait très imprudent de ne pas s’en préoccuper » avoue-t-il. des cyclistes pas assez nombreux ? Les deux roues ne seraient donc pas forcement les sauveurs des centres villes irrespirables. Surtout si son utilisation ne vient pas remplacer celle de la voiture. Fréderic Héran est catégorique : « le vélo n’est pas LA solution aux problèmes de pollution. La baisse du trafic automobile oui. Or, aujourd’hui, on ne constate pas de baisse de ce trafic ». Le vélo ne remplace pas, il vient s’ajouter aux flux des voitures. Pour inverser cela il faudrait « construire une politique de modération de la circulation. C’est-à-dire, un réseau de super-pistes cyclables, réduire drastiquement les facilités pour se déplacer en voiture » argumente-t-il. C’est également la solution défendue par Pascal Chopin : « je suis convaincu que si on donne la possibilité aux gens de se déplacer à vélo, ils privilégieront ce mode de transport ». Même son de cloche à la mairie de Lyon, Valentin Lugenstrass, adjoint à la mobilité, appuie « le réseau voiture étant déjà saturé, les gens devront obligatoirement se tourner vers le vélo et c’est en développent le réseau que les Lyonnais vont l’utiliser ». Le vélo traverse une phase de développement importante. Cependant l’explosion du vélo électrique en particulier, est arrivée avant que les institutions soient en capacité de maîtriser réellement tous les aspects négatifs. Force est de constater qu’il reste encore beaucoup à faire et que l’impact des politiques déployées reste minime. Faute d’avoir précédé les aménagements d’un appareil de production, le vélo de monsieur Tout-le-Monde se révèle un émetteur indirect important de CO2.

De plus en plus de vélos sont abandonnés par leurs propriétaires, en particulier sur les quais. © Vincent IMBERT

Lancelot MESONIER


Histoire - 28

La petite histoire du vélo Le vélo est un objet devenu incontournable au fil des époques. D’un accessoire de luxe et de prestige, il s’est démocratisé pour devenir populaire et permettre l’émancipation des femmes. Retour sur les vies d’un objet culte.

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nventé au XVIIe siècle, pour « aller plus vite que la marche et permettre de faire du patinage en été », comme le souligne Keizo Kobayashi, historien du vélo, la draisienne, (ancêtre du vélo moderne) détonne par sa facilité d’utilisation. En effet, il suffit de pousser avec ses jambes pour donner de l’impulsion. « Il y a tout un contexte favorable sur le plan des idées à l’époque des Lumières, déjà, une envie d’accélérer les modes de déplacements », insiste Frédéric Héran, économiste et auteur de Retour de la bicyclette, une histoire des déplacements urbains en Europe de 1817 à 2050, au micro de France culture. Apprécié par les mondains et les aristocrates, il est cependant lourd et très peu maniable. C’est en 1865 que des pédales, à l’avant, vont être ajoutées. La michaudine est née et c’est « l’objet manufacturé le plus complexe de l’époque, avec la machine à coudre ou la machine à vapeur » assure Frédéric Héran. Là, la machine industrielle se met en route et l’on produit des michaudines à grande échelle. Le grand public s’intéresse alors à cet objet du quotidien qui devient accessible. Mais l’état des routes et des roues en bois provoquent parfois des accidents.

de se déplacer. Le vélo, bien avant le droit de vote, permet d’émanciper les femmes. En 1894, Susan B. Anthony, suffragette américaine, affirma que « la bicyclette a fait plus pour l’émancipation des femmes que n’importe quelle chose au monde ». Au début, le vélo est assimilé à un accessoire de mode et d’élégance. Mais les jupes sont longues et les corsages trop serrés. Alors, apparaissent les « bloomers », sortes de jupes amples qui permettent aux femmes de pédaler en toute sécurité. « Le vélo a permis aux femmes de se libérer et de s’affirmer dans un monde encore très masculin pour l’époque » confie Keizo Kobayashi.

le vélo, objet de toutes les batailles

Malgré son déclin, chassé par la voiture dans les années d’après-guerre, le vélo revient en force dans les villes depuis les années 70 et s’impose comme une alternative écologique. Mais grâce aux compétitions sportives, encore une fois, le vélo a repris des couleurs. Le VTT (vélo tout terrain) et le BMX (bicycle

Il faudra attendre 1876 et l’invention du pneumatique pour que le vélo soit plus confortable. De plus, entre 1895 et 1935, le prix du vélo est divisé par 10, ce qui permet aussi bien aux paysans comme aux citadins

le vélo, objet de liberté La grande boucle a aussi sa part dans la popularité du vélo. Créé en 1903 pour promouvoir le journal « L’auto », le Tour de France commença par un parcours de 2 428 kilomètres en 6 étapes. L’année suivante, le parcours se diversifie avec le passage de cols de montagne qui font découvrir au public toutes les possibilités du vélo.

Alfred Jarry (écrivain 1873-1907), ne quittait jamais son vélo, au point même de suivre les funérailles de son ami Mallarmé à califourchon sur sa bicyclette. © Domaine public

motocross) ont permis aux jeunes et aux sportifs en tous genre de retrouver des sensations et de se rapprocher de la nature. Grâce notamment aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1996 et à ceux de Beijing en 2008, le VTT et le BMX sont rentrés en force dans le foyer de nombreux Français. « Le vélo restera toujours un moyen de déplacement et de locomotion pratique et pas cher. Son avenir est surtout dans les villes et dans la pratique sportive » conclut ainsi Keizo Kobayashi. Marie DE MONTERNO

L’analyse de Philippe Gaboriau, ancien enseignant chercheur en sciences sociales au CNRS et spécialiste du vélo. « Les racines du vélo sont plutôt dans les classes supérieures. Il a d’ailleurs pris le surnom de « petite reine » dans les années 1890 puisqu’au Pays-Bas, la Reine se déplaçait uniquement via ce dernier. Il s’est diffusé ensuite au 20e siècle et est devenu de plus en plus populaire, il s’est transformé en « automobile du pauvre ». Mais à la base, il a puisé ses valeurs dans les classes supérieures. Dans les années 1890, c’était très « bobo » de faire du vélo dans le quartier latin. Il y a selon moi, trois âges du vélo en France. Le premier âge se situe au XIXe siècle autour de la découverte des valeurs du vélo. Il permet notamment l’invention des pneumatiques et l’innovation de l’automobile, de l’aviation. La bicyclette permet de prendre du recul sur l’utilisation du cheval qui était très forte jusqu’en 1914. Le deuxième âge est plutôt autour des valeurs populaires avec le vélo qui devient de moins en moins cher. Il y a ce côté loisir qui apparaît progressivement. Il s’est démocratisé autour des valeurs de loisirs. Aussi, cette période est marquée par l’importance symbolique du Tour de France au mois de juillet qui est une grande fête du vélo avec ce côté soleil et vacances. Et là, depuis 1968, on assiste à un décalage symbolique autour de la notion de progrès, vers où va-ton. C’est ce que j’appelle, moi, le troisième âge autour de valeurs plus écologiques entre guillemets plutôt dans les classes supérieures avec ce côté urbain. » Propos recueillis par Eliott ROGLIARDO


29 - rencontre

L’écolo de tous les combats

de transport privilégié depuis son déménagement à Lyon. Il trouve cela plus utile que de prendre la voiture pour des itinéraires qui font, dans 50% des cas, moins de trois kilomètres. « C’est plus simple pour se garer et c’est avant tout moins cher. » A condition bien sûr de ne pas se le faire voler. L’ancien conseiller municipal en a déjà fait les frais, et avec plusieurs modèles différents (VTT, route et ville) autant dire que « cela reste extrêmement désagréable ».

Il a donc travaillé sur le développement des stationnements sécurisés lorsqu’il était en poste à la Métropole de Lyon, en faisant remonter des études déjà existantes, qui démontraient le nombre de vols par exemple, et en essayant de convaincre que cette sécurité constitue un besoin essentiel pour le développement du vélo.

Pierre Hémon n’est plus élu depuis le 30 juin 2020. © Lyon Mag

Vouloir un monde meilleur. Une bataille de quelques instants pour certains, mais, pour Pierre Hémon, ancien conseiller municipal, cela représente toute une vie. Très tôt attaché aux questions environnementales, il s’est engagé chez les Verts après son déménagement à Lyon. Elu aux mobilités, il a travaillé sur le développement du vélo en ville avant de se pencher sur d’autres problématiques, comme celle du réchauffement climatique.

A

gé de 67 ans, portant ses lunettes rondes en plastique et bien qu’« en retrait et retraite » politique, Pierre Hémon s’investit chaque jour pour la planète. Témoin des premières marées noires en Bretagne, d’où il est originaire, et du scandale des intoxications au méthylmercure à Minamata (Japon) à la télévision, le combat du politicien pour l’écologie débute dans sa jeunesse. « Aujourd’hui, je trie mes déchets, je suis flexitarien (réduire sa consommation de viande et de poisson, NDLR), j’ai participé à la mise en place d’un composteur de quartier et je me déplace à vélo », explique-t-il. Un vélo de ville au cadre gris et sans assistance électrique qui lui sert pour ses courses, bio exclusivement. Ce même vélo devient son moyen

Le deux-roues n’a pas vocation à détrôner le métro, il devrait tout d’abord devancer la voiture, comme dans certaines grandes villes d’Europe. Pour cela « les familles devraient laisser tomber leur auto et privilégier les pistes cyclables ». Lyon possède cinq kilomètres de promenade interdite aux voitures : les Berges du Rhône. Un projet mené à bien par un de ses amis, Gilles Buna, élu écologiste et adjoint à l’urbanisme de Gérard Collomb entre 2001 et 2014. Pour transformer les places de parking ils avaient dû batailler, car « ce n’était pas la priorité pour [le maire] ». Les pistes cyclables ne sont pas assez nombreuses selon Pierre Hémon, mais pour d’autres, elles sont parfois inutiles. Il leur répond simplement et fermement d’aller « se faire cuire un œuf et d’apprendre à faire du vélo, ce sera mieux pour leur santé et leur humeur ». L’ancien élu des Verts défendra coûte que coûte la place du vélo en ville. Pourtant, au-delà du mode de transport écolo, il y a la discipline sportive. Grand fan du Tour de France, Pierre Hémon avait réussi à se faire embaucher sur le Tour en 1986. Pendant trois semaines, il vivra la compétition de l’intérieur, dans la caravane publicitaire. Encore aujourd’hui, il essaye de se rendre chaque année à l’étape du Col d’Izoard (Hautes-Alpes), où il en profite pour faire de la randonnée. Son idéal écologique ne s’arrête pas là. Il dispose d’une voiture GPL, seulement pour se rendre dans sa maison en montagne, et prend l’avion pour ses déplacements à l’étranger. Il préfère utiliser le train pour les trajets dans des pays européens, comme la fois où il s’est rendu en Allemagne pour faire du vélo. « Mais la solution serait que les gens qui prennent l’avion payent le vrai prix, que l’on taxe le kérosène comme on taxe l’ensemble des produits fossiles », une méthode qui augmenterait le prix des billets d’avion et qui inciterait les individus à choisir un autre moyen de transport pour leurs voyages en Europe. Comme il le rappelle, d’un point de vue environnemental « c’est dramatique les parcours en avion ». Ameline MANISSOLLE

pierre hémon en quelques dates... 1995 : Arrivée à Lyon 1999 : Rejoint europe écologie les verts 2001 : Première élection aux municipales, conseiller dans le 6ème arrondissement

2008 : élu à la tête d’EELV à Lyon, adjoint au maire de Lyon pour les Verts, président du groupe des élus et délégué aux personnes âgées 2014 : élu à la ville de Lyon, dans le 6e arrondissement 2017 : élu aux mobilités (vélos et piétons) au Grand Lyon


économie - 30

le business du vélo

2 275 € 566 2 062 888 € +308 526 1 742 1 754 362 un bond avec le

b o u t i q u e s r e c e n s é e s e n f r a n c e

2019

2020

c y c l i s t e s e n f r a n c e

en un an

p r i x d ’ u n

m o y e n v é l o

p r i x d ’ u n

m o y e n V A E

(vélo à assistance électrique)

Source : « Challenge », juin 2020

p a r t s d u m a r c h é d u v é l o à a s s i s t a n c e é l é c t r i q u e ( V A E )

Source : LSA conso, juin 2020

déconfinement

a u t r e s

45,2%

la première semaine du déconfinement

+117% v e n t e s v é l o f r a n a v e c d é c o n f i n e m e

55%

+134%

d e c l n

entre le 12 mai et le 12 juin 2020

e n e e t

Source : LSA conso, juin 2020 Source : ebbike-generation.com, mai 2020

3%

de la population va au travail en vélo

auvergne rhône-alpes

25 000 e n

m o y e n n e

t r a j e t s à v é l o s à l y o n p a r j o u r

contre 2% en france

dont 1/4 en vélo’v poleymieux-au-mont-d’or

12%

Source : Insee, 2017

5 0 0

lyon 7,8%

villeurbanne 6,3%

d p d v

7 7

12,6%

e l a u p u l a t i o n e l y o n e t i l l e u r b a n n e

sont abonnés au service vélo’v Source : siecledigital.fr, avril 2019 Infographie Théo ZUILI


31 - sécurité

Le stationnement sécurisé nouvel outil contre le vol Porté par le déconfinement et les coronapistes, le vélo a le vent en poupe dans les grandes métropoles françaises. Mais un fléau persiste, le vol de bicyclettes. La principale solution proposée par les élus contre cela ? Le stationnement sécurisé.

D

epuis le déconfinement de mai, les Français redécouvrent le vélo. On dénombre 87% de fréquentation supplémentaires sur les pistes cyclables depuis le premier confinement. Mais la pratique a également ses inconvénients. Outre le manque d’infrastructure ou encore les potentiellement accidents, l’un des principaux fléaux est le vol de vélos.

Un cycliste sur deux a déjà été victime d’un vol de vélo en 2019, selon NOVA 7 © Vincent IMBERT

6000 vols par an à lyon Dans la métropole, 6 000 vélos sont dérobés chaque année, d’après des chiffres de « La Ville à Vélo ». Près de 400 000 dans le pays. Et ces infortunes sont de vrais freins à l’expansion de la pratique. Selon une étude réalisée par NOVA 7 auprès de la métropole en 2019 sur 2 619 répondants, 1 cycliste sur 2 a déjà été victime d’un vol de vélo. Et sur 92% des répondants , 61% disent renoncer à certains trajets à cause de cela. Et personne n’est épargné, pas même les élus de la République. Puisque c’est une mésaventure qui est arrivé à Fabien Bagnon, le vice-président de la métropole lyonnaise. « Oui, on m’a volé mon vélo en septembre à la Guillotière. Mais au-delà de l’anecdote, cette question est un vrai sujet. C’est le deuxième obstacle à l’usage du vélo derrière le manque d’infrastructures. » mais alors quelles solutions ? Pour protéger son vélo contre les vols il y a plusieurs solutions. « Il faut utiliser un antivol résistant », explique le vice-président, « ou alors utiliser le bicycode qui permet de tracer le vélo. » Deux premières solutions efficaces mais les élus et les associations militent pour le stationnement sécurisé à grande échelle. « On voudrait un stationnement sécurisé autant à domicile, sachant que 85% des habitants de la métropole vivent dans des habitats collectifs, que dans la rue », explique Nicolas Frasie de l’association « La Ville à Vélo ». Ce dernier estime que les stationnements sécurisés sont la seule mesure efficace pour « lutter contre les vols ».

15 000 places avant la fin du mandat Une solution qui devrait vite prendre de l’ampleur dans les années à venir puisque la Métropole a promis d’augmenter et de diversifier l’offre. « Actuellement, on compte 1 500 places de stationnement sécurisées dans la métropole et l’objectif c’est de porter ce total à 15 000 avant la fin du mandat », révèle le vice-président. Des offres qui prendront plusieurs formes puisqu’avec les places proposées par Lyon Parc Auto et le Sytral, la Métropole prévoit de créer des « box » répartis dans Lyon et son agglomération. « Comme avec Lyon Parc Auto où le service est payant et le Sytral où l’accès se fait avec les cartes TCL, ce service aura probablement un coût », conclut Fabien Bagnon. Alors, la nouvelle majorité arrivera-t-elle à tenir sa promesse, de multiplier par dix l’offre de stationnement sécurisé ? Une chose est sûre, tout devrait s’accélérer très vite, avec notamment la livraison d’une station sécurisée de 1 300 places, à la Part-Dieu en 2022.

dangers 55%

Tristan CHALVET

des cyclistes passent au feu rouge

82%

Source : OpinionWay pour MMA, publié par 20 minutes, 2014

des cyclistes roulent sur les trottoirs Infographie Théo ZUILI



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