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le vélo plutôt que le métro

santé - 24

Covid-19 : le vélo grand gagnant de

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Plébiscité comme le remplaçant de la voiture en ville, le vélo bénéficie également des circonstances sanitaires de 2020 et de la peur de la COVID-19 pour séduire les usagers des transports en commun. Le monde de la bicyclette se frotte les mains, tandis que les opérateurs de transports collectifs veulent regagner la confiance de leurs utilisateurs.

Se déplacer à vélo permet de se dépenser physiquement et de garder la santé. À l’heure de la COVID-19, cela fonctionne toujours... mais pas forcément pour les mêmes raisons. Outre la dépense physique, se déplacer à bicyclette permet aussi d’éviter de se serrer dans les transports en commun, briser la distanciation sociale et donc la probabilité de contracter de potentielles maladies. À Lyon, Paris ou dans d’autres villes, les images de nos concitoyens entassés, serrés dans les transports en commun ont fait scandale. Si avant l’arrivée de la COVID-19, cela ne choquait pas, la donne est désormais différente. Alors que le gouvernement prône les gestes barrières, il est difficile de respecter ces derniers dans les métros, trams ou bus. Notamment lors des heures de pointe, en matinée ou en soirée.

Reste que, malgré les conditions sanitaires, il faut tout de même aller au travail. Et face aux potentiels risques pour la santé des transports en commun, des modes de déplacement, certains préfèrent désormais se déplacer « en solitaire ». La trottinette ou le vélo s’imposent alors. Pour éviter de s’entasser dans une rame ou un wagon, ils sont nombreux à avoir décidé d’abandonner les transports collectifs au profit du vélo, à Lyon.

Cela est notamment le cas d’Omar, qui « a acquis un vélo juste après le premier confinement. Cela devenait angoissant de se retrouver serrés dans les transports en commun, avoue-t-il. Surtout pendant les heures de pointe, que je ne peux éviter. » Si ce choix peut sembler difficile pour certains, lui explique s’être rendu « compte à quel point c’était intéressant ». « Je suis même passé à l’électrique. J’ai équipé mon vélo d’un panier, d’un porte-bagages et de deux sacs pour faire les courses, histoire d’être 100% à vélo », conclut-il avec une pointe de fierté dans la voix.

« On note une augmentation de 30% des ventes cette année […]. Pour ma part, j’en suis à trois fois ce chiffre. C’est dingue, en 10 ans je n’ai jamais vu ça ! » Alexandre Karsenty, gérant de Lyon Cycle Chic

Dans un style différent, Benoît s’est lui aussi « sevré » de tout transport collectif, au profit de sa bicyclette. « J’utilisais déjà le vélo avant [...] mais les conditions sanitaires m’ont poussé à accélérer cette démarche. J’ai complètement oublié les transports en commun et ai même résilié mon abonnement TCL. Je me déplace essentiellement à vélo, et pas seulement pour aller au travail. Je compte même poursuivre dans cette direction, avec des week-ends à vélo, voire plus. »

la bonne affaire pour les vendeurs de vélo ?

Et ces deux exemples ne sont pas des cas isolés, en témoigne Seuls les vélos pliés peuvent être montés à bord des transports en commun (contrairement au vélo classique). A noter qu’aucune rame de métro n’est encore équipée de voies cyclables.

© Vincent IMBERT

l’évolution des ventes de vélo depuis la sortie du confinement. En première ligne sur ce sujet, Alexandre Karsenty, gérant de la boutique Lyon Cycle Chic, apprécie la croissance subite de ses ventes. Après avoir écoulé « trois vélos en deux mois », pendant le confinement il voit en effet ses chiffres croître depuis mai. « Sur le réseau national, on note une augmentation des ventes de 30% cette année. Un de mes collègues en est à deux fois plus alors que pour ma part, j’en suis à trois fois ce nombre. C’est dingue, en 10 ans, je n’ai jamais vu ça ! »

Comme la loi l’autorisait, Lyon Cycle Chic est resté ouvert durant le premier confinement. Mais la grande majorité de l’activité à ce moment-ci tournait autour de services et de réparations (câbles de freins, chambres à air,... NDLR). La suite, plus positive, Alexandre la raconte lui-même : « Tout s’est accéléré au niveau des ventes dix jours avant la fin du confinement, pour véritablement exploser par la suite. J’ai dû faire revenir mes employés au chômage partiel, en embaucher de nouveaux et mettre en place des rendez-vous. »

S’il explique « ne pas jouer sur la corde sanitaire », notre interlocuteur avoue s’être positionné dès la sortie du confinement. D’autant qu’au « début du premier confinement, la FUB (Fédération des Usagers de la Bicyclette, qui fait le lien avec le ministère des Transports, Ndlr) a publié un visuel détaillant le fait qu’utiliser un vélo permet de respecter les gestes barrières et la distanciation sociale, tout en continuant de se déplacer librement ».

les pouvoirs publics au secours des utilisateurs

Les pouvoirs publics ont également renforcé les aides envers les usagers se tournant vers la bicyclette. « Le Grand Lyon avait un dispositif d’aide à l’achat pour des vélo identifiés comme dédiés à la

Depuis septembre, le taux de fréquentation des transports collectifs ont oscillés entre mobilité, continue Alexandre Karsenty. Dans le monde d’avant, il était de 100 euros. Je ne vais pas dire que c’était ridicule, parce que ça avait au moins le mérite d’exister mais c’est vrai que par rapport à des métropoles comme Nantes ou Paris, ça n’avait rien d’équivalent. » Effectivement, dans la capitale, les demandeurs pouvaient par exemple bénéficier d’une aide fixée à 33% du prix d’achat. Cette dernière était plafonnée entre 400€ et 600€, suivant le type de vélo en question.

Mais dès la levée de cette mesure de confinement, les choses ont évolué, à Lyon. « L’équipe en place a relevé ces aides à l’achat à hauteur de 500€. C’est monstrueux, un vrai coup de main. Sur l’acquisition d’un vélo pliant de bonne qualité, ça peut représenter un tiers du prix. Les pouvoirs publics ont aussi instauré une rétroactivité pour les achats entre le 17 mars et le 11 mai [...]. Aujourd’hui, les gens se disent que c’est une opportunité et qu’ils peuvent en profiter. »

Cela fonctionne, visiblement, puisque malgré des retards, la métropole de Lyon affirme qu’entre le 1er janvier et fin octobre, « plus de 2 600 dossiers ont été payés. Cela est le double des dossiers payés en 2018 ou 2019, où nous étions à 1 300 à chaque année ».

« 2 600 dossiers [d’aide à l’achat d’un vélo] ont été payés en 2020. C’est le double des dossiers payés en 2018 ou 2019 », selon la Métropole de

60% et 80% de la normale.

© Lancelot MESONIER

Lyon

Si ces aides sont donc toujours d’actualité et que le pays est actuellement confiné, Alexandre Karsenty ne s’attend toutefois pas à un effet similaire au sortir du deuxième confinement. « Il y aura moins l’effet cocotte-minute où les gens se disent qu’ils sont restés enfermés pendant deux mois, qu’ils sortent, qu’il faut acheter un vélo ! Évidemment, il y a des gens qui souffrent, mais de nombreux corps de métier continuent à travailler en présentiel. Presque tout le monde sort tous les jours et il n’y aura pas un effet aussi prononcé qu’après le premier confinement. »

30% des usagers veulent éviter les transports en commun à l’avenir

Malgré tout, les transports en commun craignent pour leur fréquentation. Preuve en est faite grâce à l’étude 2020 « Observatoire de la mobilité » de l’Union des Transports Publics et ferroviaires (UTP). Les usagers seraient en effet près de 30% à vouloir renoncer durablement aux transports en commun, une fois la crise sanitaire passée. Cette enquête détaille également que 27% des utilisateurs souhaiteraient les utiliser moins souvent, tandis que 3% songeraient à les délaisser complètement ! Un gouffre.

Cette étude, menée en septembre auprès de 1 500 personnes habitant des villes de plus de 50 000 habitants, démontre l’ampleur de la perte de confiance envers ces moyens de mobilité. À Lyon, 200 millions de voyages sont effectués chaque année uniquement dans le métro. Ce nombre grimpait à 480 millions dans tous les transports en commun lyonnais, en 2018.

Avec le confinement, les usagers ont disparu des services TCL. © TCL

mission reconquête pour les transports collectifs.

Ces difficultés se présentent d’ailleurs déjà, puisqu’entre septembre et octobre, les taux de fréquentation des réseaux de transports collectifs ont oscillé entre 60% et 80% de la normale, rappelle Le Monde dans un article daté du 19 novembre . À Lyon, Keolis (qui exploite le réseau TCL) assure par la voix de Samantha Mech (chargée de communication et relations presse) que « la fréquentation actuelle est de l’ordre de 85% par rapport à l’année dernière ». Un coup d’arrêt, alors que de 2007 à 2017, le nombre de voyages a augmenté de 28%. La croissance était même continue, hormis en 2011 et malgré des ralentissements en 2015, dûs aux attentat.

Les professionnels de la mobilité craignent donc une perte massive d’usagers et de chiffre d’affaires. Mais Keolis se veut rassurant, comme le confirme Samantha Mech : « les motifs [derrière cette baisse] peuvent être nombreux et autres que les raisons sanitaires. À savoir la mise en place massive du télétravail, du chômage partiel, des étudiants mis pour la plupart en cours à distance. Un autre facteur est à prendre en compte également : la baisse notable des événements publics, sportifs, culturels, qui font chuter notre fréquentation. La liste est évidemment non exhaustive ».

En attendant, ces derniers mettent évidemment en place des mesures (port du masque obligatoire sur le réseau et aux abords des arrêts, nettoyage et désinfection des points de contact - poignées, barres de maintien... - sens de circulation... NDLR). « Le masque était aussi obligatoire dans les transports avant que la mesure soit étendue au niveau national », rappelle-t-on chez Keolis. « Cela a sécurisé notre réseau plus que d’autres lieux de vie publique. » Ces derniers citent aussi Santé Publique France pour rassurer sur l’exposition aux contaminations dans les transports collectifs. « Jusqu’ici, les autorités officielles relaient l’information suivante : seules 1% des contaminations auraient pour origine les transports en commun, quels qu’ils soient », certifient-ils.

« Environ 30% des utilisateurs éviteraient ou ne mettraient plus les pieds dans les transports en commun à l’avenir »

En attendant, il faut retrouver la confiance des utilisateurs pour les transports en commun. Cette bataille n’est pas encore gagnée. Mais tout pourrait changer en fonction de l’évolution des conditions sanitaires, bien sûr. Mais aussi avec l’hiver, la pluie, la nuit et la baisse des températures. On estime en effet qu’un cycliste sur deux abandonne son vélo l’hiver, pour changer de mode de déplacement.

Syvlain GAUTHIER

Même à vélo, certains n’oublient pas les gestes barrières.