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L'arbre généalogique déconstruit

• Par Anne-Marie Luca

Et si l’on vous disait que le dauphin est plus proche de la vache que du requin ? Que le crocodile a plus de liens de parenté avec l’oiseau qu’avec le lézard ? Depuis une cinquantaine d’années, des découvertes en génétique bouleversent l’arbre généalogique des êtres vivants tel qu’on l’a longtemps conçu.

Alors que les méthodes traditionnelles classifient les espèces selon des caractéristiques de ressemblance globale, la classification phylogénétique – ou cladistique – a pour objectif de trouver des relations de parenté entre organismes en étudiant, en séquençant et en décryptant leur génome, expliquait le biologiste français Hervé Le Guyader, coauteur des essais Classification phylogénétique du vivant, lors de sa conférence au Jardin botanique de Montréal, en 2013. Cette méthode a ainsi permis de reconstituer l’histoire de l’évolution du vivant.

« C’est beaucoup plus fiable de regarder les gènes que les caractères physiques, souligne Jacques Dancosse, vétérinaire au Biodôme de Montréal. Les espèces qui évoluent dans des conditions semblables auront les mêmes structures physiques, mais ne seront pas du tout apparentées. C’est de la convergence évolutive. Alors que la génétique prouve les liens de parenté. »

Cette méthode de classification a non seulement permis de repenser complètement l’histoire du vivant, mais a révélé des liens de parenté surprenants entre organismes qui ne se ressemblent pas du tout. Les groupes d’espèces tels qu’on les connaît ont d’ailleurs été déconstruits.

Donc, fini les reptiles, les poissons, les vertébrés... Et qui sait si l’on ne devra pas faire un retour sur les bancs d’école pour réapprendre la biologie !

Le saviez-vous ?

Ah, les crocos !

Le crocodile est beaucoup plus proche de l’oiseau que du lézard. Et tous deux font désormais partie du groupe des archosaures. Il y a environ 250 millions d’années, leur ancêtre a évolué selon deux branches distinctes pour donner les dinosaures, eux-mêmes ancêtres des oiseaux, et les crocodiles. Aujourd’hui, le crocodile et l’oiseau sont tous deux équipés d’un gésier, une poche de l’estomac qui broie les aliments. C’est l’un des caractères évolués qui distinguent le crocodile de son sosie miniature, le lézard, qui est aujourd’hui classé dans le groupe des lépidosaures.

Êtes-vous plutôt de type terre ou mer ?

Le dauphin est une vache aquatique. Ou presque ! En fait, la génétique de ces deux mammifères démontre qu’ils possèdent un ancêtre commun, le mésonychidé. Cet ongulé terrestre carnivore fait partie d’un groupe datant d’environ 50 millions d’années qui s’est divisé en deux branches. L’une est restée sur terre alors que l’autre s’est adaptée à la vie aquatique.

Nager avec les mains !

La structure osseuse des cétacés porte à ce jour des traces de leur passé sur terre. Ils possèdent un bassin, tout comme leur cousin terrestre, mais plus petit et détaché de la colonne vertébrale, et leurs nageoires antérieures sont composées de cinq os, comme le sont les mains. Et, contrairement aux poissons, ces mammifères nagent en remuant leur queue verticalement, indicateur d’une colonne vertébrale structurée pour un déplacement avant-arrière, et non de gauche à droite.

Cousins, mais à quel degré ?

Un autre cousin de la vache : la truite. Cet être saumoné est d’ailleurs plus proche de la vache que du requin, par exemple. « Leur dernier ancêtre commun date de 476 millions d’années, tandis que celui avec les requins date de 525 millions d’années », explique Guy Drouin, professeur au département de biologie de l’Université d’Ottawa.

Pas des légumes !

Quant aux champignons, ils sont beaucoup plus proches des animaux que des plantes, car leur ancêtre commun, l’opisthoconte, est davantage récent.