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Nature sous influence

• Par Charles Prémont

On a souvent tendance à croire que l’évolution des espèces se fait en dehors de la sphère d’influence des humains. Au contraire, comme plusieurs de nos actions modifient l’environnement, elles exercent une pression sur la façon dont la faune et la flore s’adaptent à ces changements. On a également forcé la reproduction entre différentes plantes pour en créer de nouvelles. Voici deux exemples de l’intervention humaine sur le cours de l’évolution.

Sélection et hybridation

Depuis des temps immémoriaux, mais surtout depuis l’apparition de l’agriculture, l’homme sélectionne les plantes. En privilégiant les spécimens avec les caractéristiques les plus intéressantes (grosseur des fruits ou des épis, rendement, taille…), les cultivateurs ont lentement mais sûrement transformé certains végétaux pour répondre à leurs besoins.

Depuis la fin du XIX e siècle, nous avons commencé à utiliser une technique que l’on appelle l’hybridation. En forçant la reproduction entre deux parents – de variétés, de sous-espèces, d’espèces ou même de genres différents –, on cherche à créer un hybride qui combine leurs qualités convoitées.

Cette technique nous permet notamment d’améliorer leur rendement, leur goût, leur teneur en protéines ou encore leur capacité de conservation selon l’usage qu’on veut en faire. On peut également chercher à créer des plantes et des arbres qui résistent mieux aux aléas du climat, aux maladies et aux insectes.

On s’est servi de l’hybridation pour concevoir, entre autres, de nombreux cultivars de maïs, mais aussi des fruits comme la pomme ‘Empire’, un hybride issu d’un croisement entre la variété ‘McIntosh’ et la variété ‘Red Delicious’, le tangelo, un mélange entre la mandarine et le pamplemousse, ou le triticale, un croisement du blé et du seigle. Elle a été fort utile en horticulture où l’on a travaillé à transformer de nombreuses plantes ornementales telles que les orchidées, les bégonias, les rosiers. Chez ces végétaux, l’hybridation est si poussée qu’il n’est pas rare de rencontrer des individus qui découlent d’hybridations multiples.

Le triticale, un croisement du blé et du seigle

Le triticale, un croisement du blé et du seigle

La Grande Oie des neiges

Parfois, nos actions ont des répercussions inattendues… et positives !

Il y a 100 ans, la population de la Grande Oie des neiges comptait environ 3 000 individus. En 1998, on en recensait au moins 800 000. Comment expliquer cette croissance phénoménale ? Et bien, pour une fois, c’est grâce à nous !

On a établi trois principaux facteurs ayant participé au succès de l’Oie des neiges. L’aménagement de refuges d’oiseaux ainsi que des restrictions imposées à la chasse ont donné des résultats significatifs. Mais c’est surtout la modification de leur régime alimentaire lors de leur migration qui est responsable de ce formidable baby-boom.

En effet, depuis les années 1970, l’arrivée des grandes monocultures a changé les habitudes alimentaires des oies. Leur diète était jusqu’alors constituée principalement de racines d’herbes aquatiques qu’elles tirent de la vase épaisse des marécages grâce à leurs becs pointus et puissants.

Aujourd’hui, elles se rassemblent dans des champs pour se gaver de déchets d’avoine, de maïs, de soja ou pour brouter le gazon et les trèfles. En s’alimentant de ces plantes particulièrement nutritives pendant leur voyage, qui peut s’étendre sur 4 000 kilomètres, elles arrivent plus grasses et plus fortes à leur destination, ce qui améliore leurs chances de survie et de reproduction.

À la suite de l’accroissement de leur nombre, les Grandes Oies des neiges sont désormais considérées comme surabondantes, ce qui a des effets nuisibles sur certains habitats arctiques. On a ainsi permis une réouverture contrôlée de la chasse. On en recense environ 700 000 aujourd’hui.

Si vous aimez les pommes, remerciez les ours !

L’espèce de pommiers à l’origine de toutes les variétés de pommes sucrées proviendrait de la région d’Almaty au Kazakhstan. Nommés Malus sieversii, ces arbres produisaient pourtant, à l’origine, de petits fruits amers.

Des ours friands de fruits ont trouvé refuge dans cette région. Ils auraient contribué à la sélection naturelle en mastiquant les pommes plus grosses et sucrées et en avalant tout rond les petites pommes amères. Or, les semences prisonnières de l’enveloppe du fruit ne germent pas. En ingérant les petites et les grosses pommes comme ils l’ont fait, les ours ont favorisé, au fil des millénaires, le développement d’arbres produisant des fruits de plus grande taille, plus sucrés et plus juteux.