Citymag 60

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: Portrait

Collectionnite aiguë Les dédales du marché Capitale recèlent parfois de véritables surprises. Tel Abdel Latife Ould Sidi Mohamed, collectionneur passionné de pièces de monnaie, billets, timbres et cartes postales, qui passe pour un original aux yeux de la plupart de ses compatriotes. Quelques-uns l’ont néanmoins rejoint dans la toute nouvelle Association de la jeunesse pour la culture et le développement, qu’il vient de créer. Claire Jeannerat

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ans un petit classeur aux pochettes transparentes, des billets de banque s’empilent. Billets d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui, sobres ou joyeusement colorés, usés jusqu’à la trame ou craquants de neuf.

Cette collection, présentée vous l’aurez peut-être compris au Musée national de Nouakchott durant une semaine en décembre, c’est celle d’Abdel Latife Ould Sidi Mohamed, commerçant de son état et collectionneur amateur mais non moins passionné.

Dans un autre classeur, séparées selon leur origine, s’entrechoquent des pièces de monnaie. Parmi elles, des francs suisses vieux de plus de quarante ans mais parfaitement valables, et des francs maliens à peine plus âgés mais totalement tombés en désuétude. Combien se souviennent d’ailleurs que le Mali a eu ses propres francs, avant de se rallier à la communauté du CFA? Pas grand-monde, parions-le. Les pays ont leurs histoires, les monnaies leur destin, souvent liés entre eux, toujours différents les uns des autres.

Tout a commencé lorsque son frère, au moment d’émigrer aux États-Unis, remet à Abdel Latife la collection qu’il a commencé à constituer. Pas plus intéressé que cela, le jeune homme range la collection dans une caisse qu’il remet à sa grand-mère, et s’empresse de l’oublier. C’est au décès de ladite grand-mère, en 2004, que la caisse et la collection refont surface. L’indifférence d’Abdel Latife se mue en curiosité, puis en véritable passion lorsqu’il découvre, via Internet, que la collection de pièces de monnaie (numismatique), de billets de banque (billetophilie) et de timbres (philatélie) ne sont pas d’étranges occupations de lui seul connues, mais des activités auxquelles s’adonnent des milliers de passionnés à travers le monde entier.

un timbre polémique Dans une autre vitrine, un troisième classeur étale sous les yeux des visiteurs les jolies couleurs et les fins dessins d’une ribambelle de timbres-poste. Un régal pour les yeux, et une leçon d’histoire et de culture mauritaniennes en tranches de quelques centimètres carrés. L’un de ces timbres, rappelle le directeur du Musée national Mamadou Hadiya Kane, avait à l’époque fait réagir la Société anti-esclavagiste de Londres. Mettant en scène une famille mauritanienne sous sa khaïma, avec à droite un homme à la peau plus sombre que les autres occupé à faire le thé, il avait été considéré comme une représentation officielle de l’esclavage dans ce pays. Ce qui n’avait pas empêché la Mauritanie, poursuit M. Kane, de le rééditer en 2005.

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Si tu ne vas pas à l’étranger, l’étranger viendra à toi Sa collection, dont seule une petite partie a été exposée au Musée national, Abdel Latife l’a rassemblée sans jamais mettre un pied en-dehors des frontières de la Mauritanie. Une petite prouesse, lorsqu’on découvre en feuilletant ses albums des billets, monnaies et timbres de tous les pays arabes, d’Afrique, d’Asie, d’Europe... C’est au gré de ses déplacements à l’intérieur du pays, par ses clients au marché Capitale, où il tient une boutique de change, ou encore grâce à des connaissances complices qu’il augmente petit à petit ses trésors.


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