Tribune Juive Magazine N°78 - Avril/Mai/Juin 2022

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AVRIL / MAI / JUIN 2022 (5782) - NUMÉRO 78 (OFFERT)

Illustration : © Richard Kenigsman

« ...COMME UN JUIF EN FRANCE... » CE NUMÉRO EST DÉDIÉ À LA MÉMOIRE DE JÉRÉMY COHEN


Fêtez l’arrivée du printemps en Israël avec EL AL


ÉDITO

Edité par : SAS TJ INFO Directeur de la Publication : André Mamou Directrice du Magazine : Sarah Cattan Rédacteur en Chef : André Mamou Directrice de la Rédaction : Sylvie Bensaïd Directrice de la Rédaction : Sarah Cattan Secrétaire de Rédaction : Michèle Delinon Correspondants en Israël : Olivia Cattan, Esti, Solal Fakiel, Jean-Pierre Lledo, Lisa Mamou Directrice de la Publicité : Sylvie Marek Chef de Publicité : Jeanine Konforti Maquette : Emmanuel Lacombe Crédits photo : Richard Kenigsman, Wikipedia, Wikimedia Commons, Flickr Commons, Pixabay … Tribune Juive remercie Richard Kenigsman.

0n va s’aimer... Poutine a programmé l’invasion de l’Ukraine, coupable d’être un pays indépendant, libre de ses choix et de ses alliances. Pour Moscou le berceau historique de la grande Russie devait rester dans son rôle d’alliée fidèle faisant partie de son glacis de protection. Plus de 3/4 de siècle de paix sur le continent européen et aujourd’hui les soldats russes détruisent leur voisin, un pays slave qu’ils voudraient transformer en pays esclave. Deux hommes ont changé de rôle : Vladimir Poutine, leader dont on pouvait admirer la poigne efficace et la subtilité de sa diplomatie, s’est transformé en chef d’une guerre d’invasion. « Il est malade, il a perdu la raison, son entourage devrait l’éliminer… » c’est ce qu’on a pu lire dans des journaux sérieux ! En face Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine. Il vient du show biz : il faisait s’esclaffer les téléspectateurs en jouant du piano debout et sans les mains. Ensuite, dans une série, il a interprété le rôle d’un Monsieur Propre renvoyant les corrompus du régime. Il s’est pris au jeu, il s’est présenté et a été élu avec plus de 70 % des suffrages . Cet ancien clown est devenu le Churchill ukrainien applaudi par la Chambre des Communes et le Congrès américain. Au lieu de se mettre à l’abri à l’étranger, il est resté en T-shirt sur les champs de bataille : un héros pour contraindre Poutine à réviser ses ambitions. En France, on s’achemine vers le second mandat d’Emmanuel Macron. La gauche éclatée en petits morceaux refusant de s’enrôler chez Mélenchon, Les Républicains sans leader incontestable et ne sachant pas trop se positionner entre grand remplacement et droite raisonnable, et à droite un visionnaire de grand talent mais trop Cassandre pour rassembler : il n’y a pas d’obstacle au remake de 2017 -Marine Le Pen a effectué une translation vers le centre dans l’espoir de briser le plafond de verre -Emmanuel Macron qui a affronté les Gilets jaunes, la pandémie du Covid 19, l’invasion de l’Ukraine et ses conséquences sur l’économie, a utilisé l’arme suprême de la politique : les milliards déversés sans contrepartie sur toutes les victimes potentielles de la conjoncture, hélicoptère money disent les américains. Tous les sondages peuvent rendre compte de l’opinion des électeurs au jour où on les a interrogés mais dans l’isoloir, ils peuvent changer d’avis ! Et le virus ? Il n’a pas disparu, Pfizer et Moderna pour limiter les dégâts et les gestes de protection, et encore les masques : faudra vivre avec , nous dit-on, c’est mieux que d’en mourir. Alors ? On va célébrer Pessah, la fête de la délivrance, de l’indépendance en évoquant les méchants qui voulaient continuer à nous opprimer et se réjouir de l’intervention divine pour briser nos chaînes et partir vers la Terre promise . On va dîner en famille et on boira plusieurs coupes de vin. Ah la jolie fête ! Et le printemps est là : la lumière, la douceur, les fleurs, la mer qui s’apaise. On va s’aimer. Tribune juive

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CULTURE

YA N A

G R INS HP UN

Le Yiddish. Cette langue intérieure inconnue

J

’ai remarqué que lorsque je m’adresse à mes enfants en russe, j’utilise des mots inhabituels chez les russophones. Pourtant, cette culture et cette langue, je les ai bues avec le lait de ma mère. Je ne m’interrogeais pas plus sur ces mots avant d’entendre les chansons de Hava Alberstein chantées en yiddish (en particulier, A tale of woe about a Jewish King). C’est là que je me suis rendu compte que ces mots « bizarres » étaient du yiddish. Le yiddish n’était pas à l’honneur dans notre milieu émancipé, qui le considérait comme une langue du shtetl, une langue de gens mal instruits et pas raffinés. Même si certains mots en yiddish émaillaient des blagues, les grands parents ne le parlaient pas (on ne savait pas qu’ils le connaissaient). C’est en mourant que ma grand-mère, qui parlait couramment le français, l’anglais et l’allemand en plus du russe, s’est mise à parler en yiddish, (juste avant de fermer les yeux). Alors comment s’est faite la transmission ? Beaucoup de travaux ont été écrits, sur cette transmission inconsciente ou semiconsciente. Il sera difficile de les citer tous. J’ai lu récemment celui de Gassan Gusseinov, un philologue russe contemporain, qui parle de cette « langue maternelle inconnue jusqu’à la fin des temps ». Il construit son raisonnement à partir du livre de deux slavistes américains, originaires de Russie, Boris Bricker et Anatoly

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Vishevski Nous ne parlons pas yiddish, publié en russe en 2021. Voici mon adaptation de son texte publié : « Certains se demandent pourquoi les gens ont besoin de toutes ces petites langues parlées par des ancêtres ou des parents éloignés dans un trou perdu. Même dans le quartier d’à côté. Nous devrions apprendre les langues du monde, qui ont des millions de locuteurs. Il y a une certaine logique dans tout cela, bien sûr. Mais il arrive parfois qu’on n’utilise pas les langues du monde mais le langage intérieur.

Mais ce n’est qu’un préambule. Il n’y a pas beaucoup de temps, et nous devons passer au point principal. Et l’essentiel est que de nombreux peuples, y compris ceux dont les langues sont devenues des langues mondiales, ont parmi leurs nombreux griefs à l’encontre des Juifs celui-ci : les Juifs maîtrisent trop bien leurs langues mondiales. Pour certaines personnes, c’est exaspérant. Par exemple, tout le monde en Russie n’apprécie pas le fait que Ditmar Eliashevich Rosenthal soit devenu la principale autorité en matière de grammaire russe pour le commun des mortels ; les mêmes revendications ont été formulées à l’encontre des universitaires allemands et des écrivains d’origine juive en Allemagne


CULTURE

dans la première moitié du vingtième siècle. Pourquoi deviendraient-ils russophones ou germanophones? Ne pourraient-ils pas vivre avec leur propre langue et rester à l’écart du monde. Mais les Juifs s’acharnent et continuent à écrire et à parler dans des langues qui leur sont totalement étrangères et ils reçoivent même des prix Nobel de littérature. En 1966, deux écrivains l’ont reçu pour des « thèmes juifs », comme on disait à l’époque en URSS : Nelli Sachs et Shmuel Agnon. Sachs écrivait en allemand, Agnon en hébreu, bien que dans sa jeunesse il ait également écrit en yiddish, une merveilleuse langue « germanico-slavo-juive ». Le yiddish est apparu au Xe siècle en Europe centrale et orientale et s’est répandu des siècles plus tard, après l’invasion de la Pologne par l’Empire russe, comme langue séculaire commune des Juifs dans ce qu’on appelle le Shtetl. Lorsque l’Union soviétique a envahi la Bessarabie et la Bukovine en 1940, le yiddish y était également une langue vivante, il était parlé par des centaines de milliers de personnes. En 1944, cependant, la plupart de ceux qui parlaient yiddish avaient disparu : ils avaient été exterminés par les nazis. Bien sûr, tout le monde n’a pas été exterminé. Mais pour ceux qui sont restés et ont survécu en Europe de l’Est et en Union soviétique, l’apprentissage d’une autre langue était au programme – l’anglais pour ceux qui rêvaient d’aller en Amérique, l’hébreu pour ceux qui rêvaient d’Israël. Entre-temps, la vie a continué, et ceux qui avaient été longtemps tenus à l’écart du Moyen-Orient ou de l’autre côté de l’Atlantique ont vécu leur vie heureuse là où le monde de l’aprèsguerre les a rattrapés. Mais le yiddish, la langue dans laquelle les journaux et les livres étaient imprimés avant la guerre, et les pièces jouées dans les théâtres, est devenu la langue des conversations familiales tranquilles dans la cuisine ou devant les enfants, de sorte que ces derniers ne comprenaient pas ce dont parlaient leurs aînés. Les enfants ont grandi, et se sont dispersés loin de leur ville natale. Et les deux garçons dont je voulais vous parler, deux garçons, Boris et Anatoly, ont grandi dans le Tchernovtsi soviétique. Plus précisément, à Tchernovitsi, comme la ville était appelée par ceux qui se souvenaient de son passé autrichien, ou les vrais Tchernivitzer, dont la première langue maternelle était l’allemand. Ceux dont la première langue maternelle était le yiddish sont venus à Tchernovtsi après la guerre – certains de Bessarabie en rentrant de l’exil du Kazakhstan et d’ailleurs, et leurs glorieux descendants et mes héros, Boris et Tolik, ont émigré de Tchernovtsi aux États-Unis en 1980, où ils ont réussi à passer à leur nouvel anglais américain. Pour être précis, là-bas, en Amérique, ils ont étudié la littérature russe, approfondissant et élargissant insidieusement leur connaissance de la Russie dans leur première langue – le russe – et ils sont même devenus professeurs dans des uni-

versités américaines. Ils ont soutenu leurs thèses sur le comique, l’ironie, l’anecdote et l’humour, ou dans un domaine qui n’est accessible qu’aux locuteurs de leur langue maternelle. Le russe était leur langue maternelle, comme c’était le cas de la majorité des juifs de Tchernovtsi dans la seconde moitié du vingtième siècle. Bien sûr, il y avait aussi ceux pour qui l’ukrainien est devenu langue maternelle. D’ailleurs, de telles personnes vivent aussi en Amérique – avec trois langues maternelles – le russe, l’ukrainien et l’anglais. Mais, me direz-vous, quel est le rapport avec le yiddish ? Au bout d’un demi-siècle, Boris et Anatoly se sont rendu compte qu’ils avaient une autre langue maternelle, dont la compréhension leur avait été inculquée dès leur plus jeune âge, bien qu’ils ne pussent pas et ne puissent toujours pas la parler eux-mêmes. Ai-je dit « compréhension » ? Peut-être me suis-je trompée. Le livre de Boris Briker et Anatoly Vishevsky s’intitule « We Don’t Speak Yiddish » : Nous ne parlons pas yiddish. Il a été publié en russe par la maison d’édition ukrainienne Meridian Czernowitz en 2021. Il s’agit des mémoires d’un monde dans lequel le yiddish était parlé et pensé par des personnes encore en vie. Mais ce livre parle aussi d’autre chose : cette langue a enseigné à Boris et à Anatoly comment supporter l’existence dans leurs deux langues vivantes (le russe et l’anglais). Comment fuir les coups d’une gravité parfois déprimante ou adoucir ceux qu’il est impossible d’esquiver. Quarante ans plus tard, Bricker et Vishevsky sont retournés à Tchernovtsi et ont reconstruit leur monde des années 1960-1970 à travers le prisme du yiddish. Pour les Américains de la fin des années 1960, Leo Rosten a écrit un livre similaire, The Joys of Yiddish. Mais le livre de Bricker et Wiszewski est bien plus important et significatif pour ceux à qui cette langue procure ce qu’on appelle l’intelligence émotionnelle, une distance ironique qui tient chaud sans brûler, poignarde sans percer, mais vous remémore votre passé – et celui de votre famille – chaque jour. Et pour comprendre l’histoire. Notre histoire est, bien sûr, « azokhn vei », mais vous devez aussi la comprendre. Vous pouvez donc deviner comment cela se passe : Boris et Anatoly ne parlent ni ne lisent le yiddish ; deux ou trois cents mots ne comptent pas. Et pourtant, ce yiddish, cette fine couche de travail entre le russe et l’anglais les aide à survivre entre, excusez la comparaison anatomique, les deux hémisphères. Une langue maternelle inconnue ». © Yana Grinshpun Yana Grinshpun est Linguiste, analyste du discours, Maître de Conférences en Sciences du Langage à l’Université Paris III-Sorbonne Nouvelle UFR Littérature Linguistique Didactique.

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MÉDIAS

L OUIS E

G A G G INI

HA LA SAL AME !

L

éa Salame a pour vrai prénom d’origine Hala, mais avec un prénom et un nom qui peuvent se décliner en ” ha la sal ame !” comment échapper à la noirceur ?

Si au moins elle avait une étincelle d’intelligence, on pardonne parfois à des salauds pour une fulgurance d’esprit, mais Hala Salame ( ha la sal ame !), qui n’a jamais brillé par autre chose que par un visible encéphalogramme plat, a réussi hier une performance de champion médaillé olympique : la démonstration algébrique de son néant intellectuel, d’où ne suintait que haine et malveillance, vous savez de celles, sournoises, qui font des collabos et des délateurs, des serviteurs zélés des tyrans et des dictateurs, et l’ont poussée hier soir à réduire le temps de parole de Zemmour, pourtant l’invité de l’émission, en lui coupant la parole, en la donnant à un Bruno Lemaire qui ne démontra pourtant que faiblesse, couardise et un manque d’honneur politique au-dessus de tout soupçon, ainsi qu’à une femme, Samia Ghali, qui eut plus à voir avec une poissonnière sur le port de Marseille (que les vraies me pardonnent) qu’avec une femme politique, et dont la grossièreté et l’inintelligence ont abaissé le niveau du débat dans le caniveau : le but de « ha la sal ame » étant de saboter le temps de parole de Zemmour, temps obligatoire qui est dû à chaque candidat pour la présidentielle. Pour conclure, on peut être pour ou contre Zemmour, mais hors les Hitler et autres monstres de l’histoire dont la plupart ont pourtant été équitablement jugés, à Nuremberg ou ailleurs, la conscience et le respect de l’avis et de la vie de l’autre est une nécessité et un devoir que l’on doit à la démocratie, mais surtout à notre humanité, sous peine sinon

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d’être de ces rampants, dont on ne sait plus très bien s’ils tiennent de la hyène ou du chacal. «Il est plus que temps je crois, que nous choisissions par « vote » les journalistes ou employés de l’info que nous voulons dans «notre service public », et que nous cessions de régler des salaires à ces bêtes et méchants qui hier soir sous la houlette de “ha la sal ame” (Léa Salame) l’ont utilisé pour le pire : l’absence d’esprit et de vision, d’honnêteté et pour tout dire de simple intelligence. De simple civisme». © Louise Gaggini


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LIVRES

A N DRÉ

S IM O N

MA MOU

« Le sursaut » histoire intime de la Ve République Franz-Olivier Giesbert

H

Un peuple d’elite, sûr de lui même et dominateur

istoire intime de la Ve République : « Vaste projet » écrit l’auteur dans la quatrième de couverture, paraphrasant le Général de Gaulle qui l’avait dit à un manifestant porteur d’une pancarte avec trois mots : « Mort aux cons ».

Le 27 novembre 1967, après la guerre des Six Jours, le Général de Gaulle déclare aux journalistes que « les Juifs, une fois réunis sur les lieux de leur ancienne gloire, forment un peuple d’élite, sûr de lui même et dominateur. »

Franz-Olivier Giesbert prévoit de retracer l’histoire de la Ve République en trois époques et la première est, bien sûr, celle du Général de Gaulle : du 13 mai 1958 jusqu’au non du référendum d’avril 1969.

Hubert Beuve-Mery du Monde évoque « des relents d’antisémitisme » et Raymond Aron dans Le Figaro écrit que « le Général de Gaulle a, sciemment, volontairement, ouvert une nouvelle période de l’histoire juive et peut être de l’antisémitisme ».

FOG cite ses sources : Jacques Foccart, Philippe de Gaulle, Michel Tauriac,, Alain Peyrefitte, Jean- Raymond Tournoux . Il ajoute son regard de l’époque « en le confrontant à celui d’aujourd’hui ». C’est passionnant de voir le Général tel qu’il était vraiment : un politicien habile et machiavélique. Depuis le début des « événements », il savait qu’il ne reviendrait au pouvoir que pour régler le problème algérien. Et il était convaincu qu’il fallait abandonner l’Algérie, le Sahara, le pétrole, le million de Pieds Noirs, les harkis et s’en aller au plus vite et sans se retourner. Mais c’était la foule d’Alger qui l’imposait à l’Armée et à la France toute entière : il devait pacifier les 3 départements en révolte et réussir une intégration jamais entreprise.

Je vous ai compris Son premier discours depuis le balcon du Palais est un chef d’œuvre de duplicité : « Je vous ai compris ! Je sais ce qui s’est passé ici… Moi de Gaulle j’ouvre les portes de la réconciliation » Un très court silence puis se déferla la vague d’applaudissements et les « Vive de Gaulle ! » en rafales.

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Bien que l’armée française ait repris le dessus sur le terrain grâce notamment à Maurice Challe, le Général de Gaulle va louvoyer le temps qu’il faudra pour arriver à son but, détacher la France de son boulet : « les neuf millions d’Algériens qui seront vingt millions dans quelques années, n’acceptent plus de vivre dans les mêmes conditions qu’avant avec le million d’imbéciles que sont les Européens d’Algérie ». Habile, machiavélique mais surtout prophétique, de Gaulle met les siens en garde. « Des peuples immenses jaillissent des entrailles des empires coloniaux éclatés « Les canaliser est à ses yeux l’urgence. Sinon ils franchiront la Méditerranée et déferleront sur la France qui changera de culture, de civilisation, à terme elle ne sera plus la France. En 1958, la France était quasiment par terre, le Général de Gaulle l’a remise debout en moins d’un an, sans négliger les plus infimes détails.

Tout le monde a en mémoire les mots élite et dominateur. Peu nombreux sont ceux qui se souviennent des réactions des deux meilleurs éditorialistes de France. Très rares sont ceux qui savent que le grand homme a ensuite fait amende honorable dans ses Mémoires en se reprochant de n’avoir pas su garder la tête froide : « Je suis émotif, passionné de nature » Mais le mal est fait. « Un homme ça s’empêche », disait Camus. Il faut acheter « Le sursaut » de l’excellent FOG . Il faut le lire. C’est une magnifique leçon d’histoire qui passionnera les lecteurs. Ce sont les cent derniers jours du quinquennat Macron et tous espèrent assister au sursaut qui sauvera le pays. © André Simon Mamou


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SOCIÉTÉ

E D I T H

OC HS

Wokisme : Rallumez les lumières

A

ustère, moraliste et obscurantiste, la cancel culture n’en finit pas de faire des ravages en brandissant la bannière de la diversité et de l’inclusion. Symbole des fêtes de fin d’année, Casse-Noisette, le ballet mythique de Tchaïkovski, a été déprogrammé par le Staatsballett de Berlin. A Londres et en Ecosse, plusieurs salles ont décidé de modifier les danses orientale et asiatique, dont la chorégraphie date de la création du ballet, en 1892. En mars dernier, Klaus Kinzler, professeur de langue et de civilisation allemande à l’Institut d’études politiques de Grenoble, a déclenché un scandale dont les remous sont loin de s’apaiser, à quatre mois des présidentielles. Qu’a-t-il fait de si dramatique ? Il a refusé simplement d’assimiler l’ « islamophobie », création des Frères musulmans, à l’antisémitisme et au racisme. Des étudiants ont alors placardé des affiches sur les murs de l’Institut pour « dénoncer » l’enseignant. Résultat, en décembre, il a été mis à pied par la directrice de l’établissement qui l’accusait d’avoir proféré des « propos diffamatoires ».

Enseigner l’histoire au Canada Novembre, annonçait le Toronto District School Board cet automne, sera le mois de « l’éducation indigène » dans les collèges de l’Ontario : on étudiera les traités, les grandes figures, les victoires et la résistance du point de vue indigéniste. Et on se recentrera sur « l’histoire des Premières Nations, des Métis et des Inuits » en obéissant à deux principes clés : Vérité et Réconciliation.

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Après des mois d’enseignement à distance, il est probable que tous les cours en présentiel se sont mis au diapason, y compris les cours de langue. Le français n’y a sans doute pas échappé puisque Prévert vient à son tour de faire scandale. De fait, il serait sage de passer au crible tous nos chers classiques, de Balzac à Victor Hugo et même Dumas, avant qu’ils ne franchissent l’Océan. Car l’universalisme est devenu péché capital dans les universités américaines.

Le poème de Prévert qui a fait scandale

Je suis allé au marché aux oiseaux Et j’ai acheté des oiseaux Pour toi mon amour Je suis allé au marché aux fleurs Et j’ai acheté des fleurs Pour toi mon amour Je suis allé au marché à la ferraille Et j’ai acheté des chaînes De lourdes chaînes Pour toi mon amour Et puis je suis allé au marché aux esclaves Et je t’ai cherchée Mais je ne t’ai pas trouvée Mon amour En février dernier, un professeur de français d’un établissement du district de Toronto a confié à ses élèves de 16 ans l’étude du célèbre poème de Jacques Prévert, en même temps que celle d’un texte de Léopold Sédar Senghor. Mal lui en a pris. Le soir même elle était


SOCIÉTÉ

dien Le Devoir) est passée à la télévision où elle a « dénoncé » un « poème raciste », et l’enseignante a été suspendue.

Wokisme et cancel culture

Unis, il s’est attiré un torrent d’insultes et de menaces haineuses. L’inscription sur le réseau social se fait dès l’entrée dans l’établissement, elle est permanente, et s’en retirer n’est pas un geste anodin.

Le dernier conflit entre Israël et Gaza, du 10 au 21 mai dernier, n’a pas fait exception. Comme toujours, cet affrontement s’est traduit par un déluge d’insultes antisémites qui a balayé la planète et enflammé le Net. Que le Hamas et le Djihad islamique, des organisations terroristes, l’aient déclenché et entretenu en balançant plus de 4000 missiles sur les civils du pays voisin n’a pas troublé les bonnes consciences.

Pourtant, comme ses congénères, le jeune musicien soutient les opprimés, défend les migrants, il est soucieux de justice sociale, et il aime échanger, il ne demande qu’à débattre des idées de ceux qui ne pensent pas comme lui. Il veut un monde meilleur pour tous. Dans un univers où tout le monde est woke, qu’at-il de différent ? Mais les règles de la pensée inclusive sont non-négociables.

Moins encore à l’ONU, puisque avant de clôturer l’Assemblée générale, 125 Etats — dont la France — ont voté en faveur de la création d’une Commission d’Enquête permanente sur les « crimes de guerre commis par Israël ». On ne peut pas leur reprocher un manque de constance, puisque, à peine deux semaines plus tôt, l’ONU avait adopté avec une majorité identique (129 voix, dont déjà celle de la France) une résolution niant tout lien entre le mont du Temple et les Juifs.

« Je ne suis pas du tout antisémite, mais… » Theo le guitariste est originaire du Midwest. Après quatre ans d’études, il enseigne la musique, joue dans des groupes de rock et comme il se doit, il a plein de tatouages, et une copine qu’il aime. Bref, il est comme tous les jeunes de sa génération, dirons-nous, il est comme tout le monde. Alors pourquoi parler de Theo aujourd’hui ?

mise à pied. Ce joli poème écrit en vers libres en 1946, figure souvent au programme des collèges français. L’amoureux parcourt les marchés de Paris pour couvrir sa bien-aimée de fleurs et de cadeaux, mais il parle aussi de son désir de possession de l’autre, lui imposant la privation de liberté. Or sa bien-aimée ne veut pas de chaînes, elle ne veut pas devenir une esclave, pas même une « esclave de l’amour ». Mais même pour ce poème, l’indigénisme*** n’a pas fait dans la dentelle. Le soir-même, une des élèves (restée anonyme, précise le quoti-

La conviction ne fait pas d’un mensonge une vérité. Nul ne peut donc s’étonner que les réseaux sociaux accréditent, relaient et renchérissent des absurdités, sans fondement, au mépris de l’histoire et de l’archéologie. Les jeunes ne sont pas seuls en cause puisqu’ils suivent en cela le modèle et l’enseignement de leurs maîtres. « Il ne faut pas trop évoquer la traite négrière arabo-musulmane pour que les jeunes arabes ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes, » affirmait Christiane Taubira dans L’Express, le 4 mai 2006.

Parce que, justement, il se différencie sur un point : contrairement à bon nombre de ses semblables : il n’accepte pas la pensée unique. Ainsi quand la guerre a éclaté entre Israël et le Hamas, quand la pensée unique a foncé parmi ses congénères comme un bulldozer, piétinant toute contestation sur son passage, proclamant un soutien inconditionnel aux « Palestiniens » et vouant Israël aux gémonies, il a répété inlassablement : Vous vous trompez, mais parlons-en, je peux vous expliquer ce que vous ne comprenez pas.

Wokisme et antisémitisme Quand Theo (https://blogs.timesofisrael.com/ losing-elysium/) a annoncé qu’il quittait, pour cause d’antisémitisme, le groupe Facebook de son université située sur la côte est des Etats-

Que n’avait-il dit ? C’est simple, écrivit rageusement une étudiante sur le réseau, horrifiée : tout le monde sait bien que « les Palestiniens, c’est comme les noirs », ce sont donc les victimes. Autrement dit, les Israéliens étant… des

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SOCIÉTÉ

rière MeToo. Et désormais la lutte des races a remplacé la lutte des classes. « Black Is Beautiful », revendiquaient les Black Panthers des années soixante-dix, et Angela Davis brandissait le poing. Depuis juillet 2016, la France a retiré le mot « race » de la Constitution. Comment cette notion de race a-telle pu nous revenir en boomerang, fleurant le scientisme et l’eugénisme des années trente ? Et comment la seule couleur de peau — blanche, ou beige, ou rose, ou rousse — at-elle pu devenir l’équivalent du mot privilège ? Allez savoir.

Le Social Media Pogrom

blancs, ce sont les agresseurs. Point final. Alors, conclut-elle, si tu les défends, tu ne peux être qu’un sale raciste. Dès lors, le ciel s’ouvrit et les clichés antisémites déferlèrent dans sa in-box. « Raciste », « lèche-botte de nazis », « colonialiste » et « suprémaciste blanc » qui serait « favorable au grand nettoyage ethnique des noirs et des métis », le tout agrémenté de menaces dans le genre : « Je vais te poignarder avec le sourire, sale Juif ». De son côté, on a fait savoir à sa copine que les Juifs s’obstinant à enfreindre les règlements sanitaires, ils étaient la cause de l’épidémie. Le grand air de la calomnie, toujours… Quant à Theo, un de ses camarades lui déclara : « Je ne suis pas du tout antisémite, mais… » S’ensuivit un joli sophisme : puisque Israël est le bras armé de l’extrême-droite blanche, Israël doit rendre les terres aux musulmans.

Woke, la vertu militante Le wokisme est une piqûre de vitamines dès le réveil. « Etre woke, c’est beaucoup plus facile qu’on ne le croit, explique Titania McGrath, dans Woke. A Guide to Social Justice (Woke : petit manuel de justice sociale) Tout le monde peut être militant. En ajoutant un drapeau arc-en-ciel à son profil Facebook, ou en dénonçant une personne d’un certain âge qui ne comprend pas le sens de « non binaire », tu œuvres à rendre le monde meilleur. Avec les réseaux sociaux, on peut faire assaut de vertu sans se fatiguer. » [in Courrier International] Le monde doit consentir à se plier à ta loi pour devenir meilleur, sinon c’est la haine. Le mouvement BLM (Black Lives Matter) a pris la relève der-

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Ayant remarqué le même afflux d’insultes antisémites quand des internautes se renseignaient sur Cheikh Jarrah, le quartier palestinien de Jérusalem-Est au centre d’une bataille juridique depuis 100 ans, la critique musicale Eve Barlow a parlé dans Tablet d’un « pogrom via les réseaux sociaux ». A chaque poussée de fièvre à Gaza répond une vague de violence en Europe, qui se traduit par une cascade d’insultes antisémites et de menaces, explique-t-elle. Cette jeune journaliste, née en Ecosse, a quitté l’Angleterre il y a quelques années en raison de l’antisémitisme, pour s’installer à Los Angeles. Désormais elle « éduque » ses lecteurs sur le racisme, l’antisémitisme, la diversité, les minorités, et LGBT. « Aussi vrai que Twitter ne va pas libérer la Palestine, souligne la jeune femme, ce réseau va continuer de faire grimper l’antisémitisme. » En mars, le grand traducteur du russe André Markowicz revenait dans Le Monde sur la polémique engendrée par la traduction en néerlandais du poème The Hill We Climb, d’Amanda Gorman, que la jeune femme a lu le jour de l’investiture de Joe Biden. Une journaliste s’étant insurgée car l’excellente traductrice pressentie n’était pas « noire » alors qu’elle avait toutes les compétences, l’éditeur Meulenhoff a immédiatement battu en retraite. Revenant sur l’accord préalable, il a cédé à l’appel de la repentance, et baisant en quelque sorte la main qui l’avait fustigé, il a ajouté qu’il « avait beaucoup appris ».

Quand va-t-on enfin rallumer les Lumières ? © Edith Ochs Edith est journaliste et se consacre plus particulièrement, depuis quelques années, aux questions touchant à l’antisémitisme. Blogueuse au Huffington Post et collaboratrice à Causeur, Edith est également auteur, ayant écrit notamment (avec Bernard Nantet) “Les Falasha, la tribu retrouvée” ( Payot, et en Poche) et “Les Fils de la sagesse – les Ismaéliens et l’Aga Khan” (Lattès, épuisé), traductrice (près de 200 romans traduits de l’anglais) et a contribué, entre autres, au Dictionnaire des Femmes et au Dictionnaire des intellectuels juifs depuis 1945.


JUIFS DE FRANCE

PI E R RE

S A BA

Le patriotisme sans faille des français juifs

L

es Français de confession juive ont toujours exprimé envers leur pays un patriotisme sans faille, militaire et familial. Ils en ont connu des incidences antisémites et des injustices historiques.

Patriotisme militaire Les soldats juifs de la première guerre mondiale comptaient parmi les plus décorés et les plus héroïques. Ceux de la seconde guerre mondiale, enrôlés, engagés volontaires, résistants de l’Intérieur, d’Algérie et de Londres, qui échappaient à la déportation vichyste et allemande, ont été particulièrement actifs dans la libération de l’Afrique du Nord puis de la Métropole. Qui se rappelle la déportation des engagés volontaires juifs sur la base de la liste établie en 1939 dans le bureau de recrutement de l’avenue des Champs Elysées ?

Patriotisme familial Les familles de banquiers français juifs se sont également distinguées dans la solidarité nationale tout au long de l’Histoire de France. Ainsi des suivantes. La famille de Camondo a offert art, immobilier, fonds etc à la France. La famille Pereire a offert immobilier, art, chemins de fer, système hôtelier, etc et a réglé la dette de guerre de la France vaincue par la Prusse en 1870. La famille Rothschild multiplie les dons de toutes sortes à la Nation depuis au moins trois siècles.

Injustices historiques du patriotisme juif L’héroïsme militaire juif en temps de guerre est inconnu et / ou méconnu. Qui sait par exemple la proportion sans égal de héros juifs des deux conflits mondiaux ? Les dons des banquiers juifs sont effacés de la mémoire collective. Qui connait l’origine du quartier Pereire due à la famille du même nom etc, etc ?

Les membres des familles Pereire et de Camondo ont été déportés en camps d’extermination.

Incidences antisémites du patriotisme juif Loin d’être rappelé comme il se doit par la mémoire nationale, le patriotisme juif est effacé par les abjections antisémites ! Les commentaires antisémites sont de plus en plus nombreux dans les media et dans l’expression publique. Il est rarissime de voir mentionné l’héroïsme des soldats et la philanthropie des banquiers français juifs. Les banquiers juifs français sont considérés comme le fer de lance de la « toute puissance juive » selon les poncifs antisémites (influence, cupidité, tous les juifs sont riches, etc. etc.). C’est l’ensemble des Juifs qui est présenté comme banquiers ! Déjà, le premier septennat Mitterrand avait décidé d’inclure la banque Rothschild dans le plan des nationalisations bancaires, alors qu’elle ne rentrait dans aucun des critères de nationalisation…Le symbole était atteint. A l’époque, peu de réactions antiracistes ni communautaires juives s’étaient élevées contre cette mesure plus raciale que sociale.

Les avis les plus « éclairés » les distinguent comme « affairistes », cosmopolites, etc, selon la lexicographie usitée par le régime antisémite de Vichy qui revient à la mode lexicographique. Les personnalités françaises de confession juive sont si souvent évoquées dans les media surtout écrits comme « influentes » et « cosmopolites » !

Propositions Afin de contrer l’antisémitisme, serait-il si inconcevable de voir la France honorer ses enfants juifs ? Serait-ce inconcevable, par exemple, que les plaques des quelques artères commémorant des personnalités françaises juives s’étant distinguées par leur héroïsme, leur patriotisme et leur philanthropie soient ajoutées de quelques rappels, comme c’est déjà le cas pour d’autres personnalités ? En toutes hypothèses, il est bien triste de constater que ce n’est principalement pas le cas. A croire que ni les autorités municipales, ni les autorités communautaires juives n’y ont jamais pensé. © Pierre Saba

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HISTOIRE

A N D R É S I M O N M A M O U AV E C L E F I G A R O

« Peuple d’élite, je voudrais bien pouvoir en dire autant des Français »

P

hilippe de Gaulle, fils du Général de Gaulle, est centenaire depuis le 28 décembre 2021.

Il a reçu Charles Jaigu du Figaro pour une interview dans laquelle il précise beaucoup de points d’histoire sur les idées du plus illustre des Français, son père. Il récuse que le Général ait prononcé l’expression « Colombey-les -deux -mosquées » comme le rapporte Alain Peyrefitte qui serait un peu « inventeur ». Il affirme que son père n’a pas menti sur l’Algérie française en mai 1958 mais qu’il estimait arriver trop tard, que le mal était fait mais qu’il allait voir si c’était encore possible et qu’il ferait au mieux : « Je vous ai compris « n’était pas une promesse ni un mensonge mais un constat. Charles Jaigu interroge Philippe de Gaulle ; -Donc, votre père n’aurait pas dit « Colombey-les-DeuxMosquées », mais il a dit « Israël, peuple d’élite, sûr de luimême et dominateur ». On l’a accusé d’antisémitisme. Mauvais procès ? -Dois-je répondre en évoquant les noms de Gaston Palewski, René Cassin, Michel Debré, et tant d’autres Français juifs qui l’ont entouré ? Mon père s’en fichait de la religion des uns et des autres, il utilisait les compétences de ceux qui voulaient la même chose que lui: servir la France. Après cette phrase qui a fait couler tant d’encre, il m’avait confié: « Peuple d’élite, sûr de soi et dominateur. Je voudrais bien pouvoir en dire autant des Français. » Il faut lire cette interview qui aborde beaucoup de sujets : la viande halal qui ne devrait pas être produite en France,

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le sort des harkis qui aurait été exagéré, les caricatures de mauvais goût de Mahomet dans Charlie, la judiciarisation de la vie politique avec une défense de Fillon qu’on aurait dû laisser libre de choisir sa femme comme assistante et de se faire offrir des costumes … Philippe de Gaulle survole l’actualité : « Zemmour s’amuse et sème la pagaille, peut être à la demande de Macron qui n’a pas démérité. Pécresse peut ressusciter la droite. Le jeu est ouvert ! Une chose est sûre : les Français se sont laissés aller pendant quarante ans, et le monde est redevenu dangereux. Il faut remonter la pente, et c’est encore possible. © André Simon Mamou avec Le Figaro



SOCIÉTÉ

SA RA H

C ATTAN

Lo Tishtok. Le suicide de Shifra Horowitz nous oblige à écouter les victimes d’agressions sexuelles

A

ccusé d’avoir agressé une vingtaine de personnes, dont des mineurs, pendant vingt-cinq ans, l’auteur à succès Chaim Walder s’est suicidé lundi 27 décembre, provoquant un réveil parmi les « haredim ».

L’Affaire remonte au mois de novembre. Le quotidien Haaretz, qui avait déjà rapporté que Yehuda Meshi-Zahav, Fondateur de l’organisation d’intervention d’urgence Zaka et lauréat du Prix Israël, la plus haute distinction publique du pays, avait agressé sexuellement des garçons, des filles et des femmes, réitérait cette fois sous la plume de deux de ses journalistes, Aaron Rabinowitz et Shira Elk, relayés par la chaîne la chaîne N12 : trois femmes, bientôt rejointes par 19 autres personnes, accusaient l’icônede viols et portaient plainte dans la foulée auprès de la cour rabbinique de Safed, qui juge les crimes sexuels dans la communauté et a auditionné le dimanche 26 décembre ces 22 fidèles venus témoigner de vingt-cinq ans d’abus subis Les media israéliens qualifièrent l’Affaire de coup de tonnerre, séisme, coup de feu, choc énorme mais cathartique, touchant l’éminent écrivain pour enfants et rabbin Chaim Walder qualifié pour sa part d’icône culturelle, de star, les révélations de sa grave inconduite 25 ans durant sur 24 personnes étant racontées comme un cataclysme dans la muraille de pudeur du monde orthodoxe. Si au départ la seule Communauté juive ultraorthodoxe d’Israël s’était déjà trouvée ébranlée par des allégations d’abus sexuels contre plusieurs de ses personnalités, c’était, cette fois, le coup de trop, tant extra-ordinaire qu’il divisa ladite Communauté, séparant ceux qui ne voulaient pas y croire, ceux qui voulaient recouvrir la honte d’un tissu, et ceux décidés à ébruiter, ceux-là faisant qu’un appel commença à se répercuter au-delà de la société haredi dévote et

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introvertie. Le lundi 27 décembre, Chaim Walder, d’abord retranché chez lui, se suicida sur la tombe de son fils, au cimetière Segoula de Peta’h Tikva, non sans avoir persisté à nier lesdites accusations via une lettre dans laquelle il affirmait son innocence. Ses funérailles eurent lieu en présence de rabbins influents, les autorités religieuses ayant en quelque sorte réhabilité le violeur en lui concédant un enterrement à l’intérieur du cimetière, normalement interdit aux personnes qui ont mis fin à leurs jours. L’affaire, on s’en doute, divisa les rabbanims du monde religieux et surtout orthodoxe : alors que le grand rabbin de Safed, le Rav Shemouel Eliyahou, recueillait de nombreux témoignages, des rabbanims de premier plan du monde orthodoxe accusaient ce forum d’avoir mis la charrue avant les bœufs, en s’étant livré à des calomnies et à de la médisance responsables de la mort de Haïm Walder, certains allant jusqu’à inventer

de prétendus arguments de halakha pour estimer que l’affaire … n’aurait pas dû être révélée à ce stade : un Rav n’accusa-t-il pas le Rav Eliyahou … d’avoir colporté mensonges et bluff et de s’être livré à du … maccarthysme. Mais des messages de soutien, venus de politiques et d’autres personnalités, affluèrent pour féliciter le courage, le leadership et le sens des responsabilités du Rav Eliyahou, qui avait eu l’indicible force de dire aux victimes : Vous n’êtes pas seules : L’attitude du Rav Eliyahou constitue un soutien sans failles aux victimes et un pas important dans le combat contre ces phénomènes, déclara une Député. Pour sa part, le rédacteur en chef du Jerusalem Post, Yaakov Katz, demanda le limogeage pour faillite morale de David Lau, grand rabbin d’Israël, qui commit la faute d’aller visiter après les obsèques la famille du suicidé, l’amenant à publier une déclaration disant que son cœur allait aux victimes d’abus sexuels. Yair Ettinger, expert en haredim au groupe


SOCIÉTÉ

de réflexion Israel Democracy Institute et journaliste au radiodiffuseur public Kan, déclara quant à lui que l’establishment rabbinique d’Israël restait dans le déni, et que Si les Haredim faisaient partie d’une société idéaliste qui avait du mal à se regarder dans le miroir, l’âge de l’innocence était révolu. En France, certains media communautaires surent se reprendre à temps, tel LPH qui, après avoir titré sur la triste fin de Haïm Walder, se reprit et évoqua L’affaire qui divisait le monde religieux, les uns accusant Haaretz d’avoir causé la mort du concerné, les autres ayant ce sursaut salvateur et espéré qui prit nettement position en faveur des victimes, toutes personnes abusées. Ecoutez les plaignants et plaignantes. Arrêtez de cacher la vérité. Le but c’est le rétablissement de ces 22 victimes, pouvait-on lire en commentaires des media : Le point positif ici sera pour les prochaines victimes qui oseront parler et sauront qu’elles seront écoutées, ce qui donnera à réfléchir aux prédateurs. Malgré son suicide, un procès devrait se tenir afin que les victimes puissent s’exprimer et exprimer leur état d’être actuel. La Société a l’obligation morale d’une totale assistance. Il faut combattre l’omerta qui a entouré ces agissements criminels. Ne supportant pas les célébrations et la pluie d’hommages rendus à son agresseur présumé, Shifra Horowitz, 24 ans, victime présumée de Chaim Walder, mit fin à ses jours le 30 décembre 2021 à Jérusalem. Comment en effet supporter les honneurs rendus à titre posthume à son violeur, et comment entendre, lors de ses funérailles, un Rav dénoncer … un assassinat. Lo Tishtok – Vous ne vous tairez pas, Organisation fondée par Avigayil Heilbronn pour soutenir les victimes d’abus sexuels haredi, gagna du terrain parmi les haredim, contraints de prendre en compte les allégations de crimes graves et ici d’abus sexuels sur des enfants, commis cette fois par une de leurs icônes culturelles, et ce malgré le séisme provoqué. Josiane Paris, bénévole au Centre de Crise Tahel de Jérusalem, conçu en soutien aux enfants et aux femmes des communautés juives religieuses, a déclaré pour sa part à l’AFP combien les victimes de violence domestique, d’agression sexuelle et de viol gardaient le silence, par peur de ce que diraient

les gens et les voisins de l’école ou de la synagogue. Pendant des années, les ultra-orthodoxes ont voulu gérer leurs problèmes dans l’entre-soi. Ces révélations permettent de dire aux victimes : Vous n’êtes pas folles, ces choses se sont vraiment passées, insistèrentAaron Rabinowitz et Shira Elk, tous deux appartenant au Groupe lo Tishtok, décidé à casser la culture du silence de mise et aidés pour ce faire par moult journalistes, artistes et militants. Tous ceux-là ne veulent plus parler de Walder, au risque de le faire passer pour une victime des médias et des rabbanims qui osèrent se prononcer sans hésitation et sans excuses face aux atrocités commises, mais veulent porter la parole de ses victimes, entendues par le Tribunal spécial : Elles ont toutes demandé que nous ne les trahissions pas. Elles ont dit qu’elles redoutaient la façon dont les familles et le public allaient réagir à ces révélations, a rapporté le Rav Liad Orian, évoquant le mode opératoire de Walder : La plupart d’entre ces victimes sont venus à lui parce que c’est un écrivain, un homme important et sage. Un conseiller. Certaines étaient même venues à lui pour évoquer le viol d’un proche… Cela se passait dans le dépôt de livres de Walder, dans son bureau ou encore dans des hôtels. Une des victimes a produit l’enregistrement audio d’une conversation où l’on peut entendre Walder: C’est ta parole contre la mienne. Personne ne te croira. Vous n’êtes pas coupable, répondirent les juges, amenant une jeune femme à expliquer en évoquant la Loi du silence et la mise sous le tapis des abus sexuels: Je pleure parce que c’est la première fois que des rabbins me croient après vingt ans. C’est la première fois qu’on ne me dit pas de me taire. Merci, vous avez corrigé cette réalité injuste. Ma famille m’a boycottée et aucun d’entre eux n’est plus en contact avec moi lorsque j’ai décidé que je ne voulais plus me taire. L’affaire Walder, terrible miroir où est contrainte de se regarder cette communauté orthodoxe, place les rabbins devant leur immense responsabilité face à la question des abus sexuels, faute suprême s’il en est, image du rapport sexuel interdit et considéré par la Bible comme l’une des trois fautes les plus graves avec le meurtre et l’idolâtrie.

Fut répétée la nécessité de manifester avant tout de l’empathie envers les victimes en insistant sur le principe de la Torah qui stipule que l’on ne peut “laisser couler le sang de son prochain sans réagir“(Lévitique,19,16), et réaffirmé le devoir du leadership religieux d’encourager les victimes d’abus sexuels à témoigner, en mettant en avant un autre célèbre principe de la Torah: “Tu détruiras le Mal en ton sein“(Deutéronome, 17,7). Pour rappel, citons, créé il y a une vingtaine d’années, le forum rabbinique Takana (Réparation), qui, après avoir recueilli les témoignages de victimes, les oriente vers la police et éloigne le rabbin incriminé de toute responsabilité rabbinique ou éducative. Hélas, pour certains comme Yair Ettinger, Chercheur à l’Institut israélien pour la démocratie, si certains rabbins dénoncent les abus sexuels, l’institution religieuse dans son ensemble “reste dans le déni” : “C’est une société idéaliste qui se regarde difficilement dans le miroir“, a-t-il déclaré à la chaîne publique Kan, non sans noter toutefois “une véritable prise de conscience du problème“. Désormais, la photo d’une fillette la bouche fermée par une main d’adulte circule, accompagnée d’un texte: “Nous croyons les victimes“, afin de les exhorter à dénoncer leurs agresseurs. Pour rappel : Walder, 53 ans, avait publié plus de 80 livres qui, depuis deux générations, eurent la place d’honneur sur toutes les étagères des enfants ultraorthodoxes à travers le monde. Il animait en été des camps privilégiant la thérapie par l’expression artistique. Enfin, Directeur d’une structure d’accueil des enfants à risque à Bnei Brak, il se mêlait de thérapie familiale, et il se dit que ce serait dans ce contexte qu’il aurait rencontré la plupart de ses victimes. Si un certain nombre de cas sont prescrits car remontant à 25 ans, le mode opératoire qui émergeait de ces auditions était effrayant. Le cas le plus ancien remontait à 25 ans, le plus récent daterait de six mois seulement. Si hélas, avec la mort de Walder, c’est l’action publique qui s’éteint, le suicide de Shifra Horowitz a été le détonateur d’une salutaire prise de conscience. Merci à Lisa Mamou. © Sarah Cattan

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COMMÉMORATION

RA PHAËL

NIS AND

Toulouse, une commémoration en rideau de fumée

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lus les commémorations sont solennelles et mises en scène plus il faut les questionner. Les organisateurs des commémorations des attentats terroristes de Toulouse ont sans doute de bonnes intentions. Le consistoire de Haute Garonne, le CRIF et les autorités républicaines font ce qu’ils peuvent compte tenu de l’atrocité et des répercussions de l’événement. La présence du Président israélien Ytzhak HERZOG à ces évènements est également très symbolique. Mais une fois de plus la commémoration risque de fonctionner comme un trompe l’oeil, comme si le mal de l’antisémitisme assassin ne s’était pas répandu dans le pays depuis 10 ans, comme si ce mal n’était pas directement lié à l’antisionisme et comme si il y avait eu une réaction républicaine qui aurait arrêté le mal. La vérité oblige à dire que c’est le contraire qui s’est produit. Après l’assassinat des enfants juifs de Toulouse Myriam MONSONEGO, Arié et Gabriel SANDLER et de leur père Jonathan, plusieurs autres juifs français ont été assassinés parce-que juifs comme Mireille KNOLL, Sarah HALIMI et les clients de l’hyper cacher. A Toulouse même, il n’y a pas eu de réaction populaire , aucune manifestation avec des dizaines de milliers de personnes qui aurait marqué le refus par la population du terrorisme islamiste qui avait frappé les militaires et les juifs. Pourtant les meurtres commis par le terroriste auraient du liguer la population puisque dans un premier temps il s’en était pris à des soldats supposés musulmans mais qui étaient sous l’uniforme français, puis dans un second temps à des enfants juifs pour soi-disant «venger les enfants palestiniens ». La masse des gens de 2012 n’a pas cru bon de descendre dans la rue et, dans la sidération, personne ne l’a appelée à le faire alors pourtant que c’étaient des symboles de la France qui avaient été attaqués. Bien plus, les témoignages sont nombreux sur le fait que le terroriste est devenu un signe de ralliement pour la jeunesse des quartiers de Toulouse et qu’il est vu très positivement par nombre de jeunes et de moins jeunes. Les juifs de Toulouse partent, quittent la ville à flux continu, conscients qu’il n’y ont pas d’avenir et que leur vie est en danger. Ainsi donc des milliers de juifs toulousains ont quitté la ville en 10 ans d’après les autorités consistoriales et le CRIF local.

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L’imam de la mosquée Empalot, un quartier de Toulouse, un modéré parait-il, a dit dans un prêche en arabe devant 3000 personnes «Les juifs se cacheront derrière les rochers et les arbres et les rochers et les arbres diront : «musulman, serviteur d’Allah, il y a un juif qui se cache derrière moi, viens le tuer ». Prévenu par des fidèles musulmans qui ne mangent pas de ce pain-là, le parquet de Toulouse a ouvert une information judiciaire pour provocation publique à la haine raciale. Le tribunal de Toulouse a relaxé c’est-à-dire acquitté l’imam. Le parquet de Toulouse qui avait requis 6 mois de prison avec sursis a relevé appel de cette décision de relaxe. L’affaire devrait être tranchée en 2022. L’école martyrisée Ozar Hatorah a du très courageusement se réinventer. Elle a changé de nom pour s’appeler Ohr Torah, elle a augmenté sa sécurité et est ceinte à présent de très hauts murs, elle scolarise des jeunes dans un enseignement spécialisé. Le directeur général de la police nationale à l’époque de l’attentat avait évoqué sa certitude que le terroriste était un loup solitaire. L’enquête a pu établir le contraire. Le terroriste avait des connexions profondes avec son environnement social et familial toulousain ainsi qu’avec le terrorisme international qui le soutenaient. Le frère et inspirateur du terroriste a été défendu lors du procès par un avocat devenu ministre de la justice.Les parties civiles avaient violemment protesté contre certains des propos de cet avocat lors du procès. Que peut la commémoration aussi solennelle soit-elle face à tous ces faits qui montrent combien le déni est fort et combien la société française est restée malade de l’antisémitisme islamiste 10 ans après. © Raphaël NISAND


ALYAH

J O HA NN

KLING S

Après l’Alyah vous êtes vraiment Israélien quand :

Vous avez acheté 4 fois de suite du démêlant en Vous n allez plus à la plage en août parce que pensant que c’ est du gel douche

vous dites qu il y a trop de français

Vous vous êtes assis à la première place dans le

Quand vous arrivez dans une file d’attente vous

shirout en vous demandant pourquoi c’est libre

criez «mi aharon»

Vous avez mis 14 heures pour prendre votre pre- Vous vous asseyez à peine monté dans le bus mier rendez vous chez le médecin

parce que vous êtes déjà tombé trois fois

Vous êtes entré dans la douche glacée parce que Vous réservez vos week end sur daka 90 vous avez oublié d’allumer le doud Vous achetez des pâtes Osem et du café Élite Vous avez fait confi ance en pensant qu’ on est  tous frères et vous vous êtes fait douiller Vous avez pris 12 kilos les trois première mois de l’Alya parce que vous avez mangé tous les jours chez Vous avez acheté de la semoule à la place de la McDo et Pizza Hut  farine Vous avez pleuré en recevant votre teoudat zeout Vous vous êtes fait engueuler par la caissière du  supermarché parce que vous avez pris des oeufs bio et Vous avez pleuré en recevant votre passeport qu ils sont très chers Vous avez pleuré à yom hazikaron Vous avez toutes les cartes de moadon de tous  les magasins Vous avez pleuré à yom Hatsamaout Vous avez aussi la carte bleue de chaque super- Vous avez pleuré au tekes de votre fils à l’armée marché Vous vous êtes émerveillé devant la mezouza Vous avez acheté un quatre pièces en arrivant d’Ikea après le hot dog d’IKEA  vous l’avez vendu pour un trois pièces, vous l’avez vendu pour un studio vous l’avez vendu pour un parking Vous avez fini par dire: je ne retournerai jamais vivre en France Vous faites maintenant vos courses en fonction  des promos Parce que nos épreuves nous ont fait grandir, parce que cette terre nous a rendu meilleurs , parce Vous avez mis la clim à fond le premier été sans que sans ces épreuves nous n’aurions jamais été celui  penser à la note d’électricité

Vous ne hurlez plus en rencontrant un juk

où celle que nous sommes aujourd’hui, fiers et heureux de vivre notre vraie vie babait shélanou © Johann Klings

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ART

EXPO : LISA MAMOU a rencontré JULIEN DONADA et JENNIFER ABESSIRA

L’Institut Français de Tel Aviv a proposé l’exposition Notre Tourisme, un projet photographique commun du cinéaste photographe français Julien Donada et de sa compagne et muse, l’artiste photographe franco-israélienne Jennifer Abessira, une … héroïne de Rohmer avec l’énergie d’une muse d’Almodovar. Sis dans un Bauhaus blanc faisant l’angle avec la trépidante Rue Herzl, l’Institut était le lieu privilégié pour accueillir cette série composée d’une vingtaine de photographies prises à travers le monde et où Jennifer Abessira pose devant des architectures modernes et iconiques, poitrine dénudée voilée par des formes aux trois couleurs primaires appliquées librement au pinceau. Cette architecture d’après-guerre -souvent mal aimée- s’affiche fièrement comme une interprétation ironique de l’imagerie traditionnelle de la photographie touristique, et comme une sorte de lapsus qui se situerait à la limite de la photo de vacances, de la photo de nu et de la photo d’architecture, Notre Tourisme explore la frontière de ces 3 thèmes.

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Les trois couleurs primaires simples -Le rouge , le jaune et le bleu- déclinées dans des formes géométriques simples -Les carrés, les cercles et les triangles- caractérisent le mouvement Bauhaus. En voyant vos photos, je me suis dit que c’était une évidence que cette exposition débute par Tel Aviv, patrimoine mondial de L’Unesco avec ses 4000 bâtiments estampillés Bauhaus. Etait-ce un hasard ou le fruit d’une volonté ? J.A : Quand on rentre dans mon site on voit un carré, un cercle, un triangle, les trois formes clefs du Bauhaus : en effet c’est grâce à ce même mouvement Bauhaus que je suis devenue artiste; au début de ce projet j’étais partie à nouveau dans l’idée d’ajouter à ces photos des gommettes roses, le rose étant très souvent associé à mon travail comme avec ma série de photos #PinkDifferentJen et puis très vite il m’est apparu évident, ce projet étant un projet d’architecture, d’y associer les trois couleurs primaires du Bauhaus. Julien a tenu à ce que ces couleurs soient ajoutées au pinceau. J.D : Oui. C’était essentiel pour moi qu’on ne passe pas sur ce projet par le numérique comme Jennifer l’avait fait avec beaucoup


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de talent auparavant. Je voulais que tout soit différent, même si fidèle à notre ligne artistique. Pour revenir à la question, débuter cette exposition au sein de L’Institut Français de Tel Aviv dont Laura Schwartz est l’Attachée Culturelle est clairement une volonté : quand Laura, qui suit le travail de Jennifer depuis des années, nous a fait découvrir leur espace Expo, nous avions déjà des photos prises en Israël et en France; je suis Français, Jennifer est Franco-Israélienne, elle vit entre Tel-Aviv et Paris où je réside. Notre Tourisme est notre premier projet photographique commun. L’inaugurer dans un lieu qui est un peu le carrefour de nos deux parcours, on ne pouvait trouver mieux. Julien l’architecture a une place centrale dans votre travail de Visual arts et vous partagez avec Jennifer une fascination pour les Bauhaus. Tel Aviv, c’est un must pour vous ? Un musée à ciel ouvert ? J.D : Que je photographie ou que je filme, l’archi-

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tecture pour moi a été le fil conducteur de mon travail depuis des années; donc oui, Tel Aviv et ses Bauhaus, mais plus généralement tout le pays : en Israël j’ai découvert des merveilles que je ne connaissais que via la photo et qui m’ont ébloui, notamment les bâtiments des Architectes Arieh Sharon et Alfred Neumann, de réels chocs d’architecture pour le béton et pour le brutalisme. Israël fait partie de ces pays qui ont accueilli le béton et la modernité à bras ouverts. Les photos de Notre Tourisme ont été prises dans différents pays et continents mais parmi les 26 photos retenues pour cette exposition à L’institut Français de Tel Aviv, beaucoup ont été prises en Israël. Comment avez-vous choisi les lieux et les bâtiments ? J.A : On a évidemment choisi des pays où il y a beaucoup de béton mais comme le starting point de cette exposition c’est Tel Aviv et l’Institut Français, on a mis l’accent sur les bâtiments Israéliens et Français. Cela dit, ce qui est intéressant dans cette sélection, c’est que finalement on ne voit pas tellement la différence : un œil novice pourrait croire que toutes ces photos ont été prises dans le même pays. Le béton est le fil conducteur.

cette exposition quel est le premier hashtag qui vous vient à l’esprit ? J.A : C’est Julien qui a écrit le texte et qui a choisi ce Notre Tourisme. Moi je parle en images, j’ai un rapport aux mots très différent de lui. Je suis née en France mais à l’âge de sept ans je suis venue en Israël; un peu tiraillée entre les deux langues, très vite ma façon de m’exprimer est passée avant tout par le visuel. Quand j’ai commencé à trouver un certain intérêt à associer à mes images des mots, ils se sont imposés en anglais ; j’en ai fait des hashtags comme mon #PinkDifferentJen ou #YouveBeenMakingTheWrongMistakes. Ce moment où un hashtag s’impose à moi n’était cependant jamais arrivé sur ce projet; mais je suis très présente sur Instagram et j’ai commencé dernièrement à faire des post autour de notre exposition, du coup j’ai commencé à utiliser le hashtag #NotreTourisme et c’est seulement là que j’ai compris qu’il avait tout son sens. Julien est ce qu’on peut dire que c’est l’univers coloré et décalé de Jennifer que vous avez associé à cette architecture d’après-guerre un peu austère et souvent snobée? Quel est le sujet de la photo ? Jennifer ou le bâtiment ?

J.D: On a couvert plus de cent lieux différents. Evidemment on a choisi certains bâtiments iconiques de l’architecture moderne mais on a aussi choisi de montrer des choses beaucoup plus modestes, voire inconnues, des curiosités, pour que notre travail ne se réduise pas à un vaste catalogue des grands architectes! Jennifer, vous utilisez souvent une même couleur ou un motif récurrent en numérique sur vos photos ; là on a les trois couleurs primaires, hommage au mouvement Bauhaus, mais vous associez aussi à vos œuvres des phrases-clefs où des hashtags percutants. Concernant

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J.D : Ni l’un ni l’autre séparément car en fait, c’est Jennifer dos au bâtiment, et les deux sont liés, Jennifer toute seule ça n’aurait eu aucun intérêt, et le bâtiment seul, tout le monde fait cette photo-là. On voulait créer un Nous dans le lieu. Son univers, mon univers. Mais ce qui est drôle, c’est qu’en regardant toutes les photos après coup, on s’est rendu compte que comme Jennifer a été photographiée systématiquement avec un flash, on peut croire qu’elle a été photoshopée, du coup ça a rajouté une autre histoire à notre histoire, à ce voyage qui nous a fait traverser des tas de pays qui ressemblent à un seul pays, le pays du béton; si la personne qui


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regarde la photo pense que Jennifer a été incrustée, elle peut se demander si ce voyage a jamais vraiment eu lieu et même croire que c’est juste par le numérique qu’elle a voyagé. En découvrant votre choix de masquer le visage de Jennifer presqu’automatiquement, on pense Liberté d’expression, censure; avec sa poitrine découverte on pense brûler le soutif, libérer les tétons, mais finalement, sans rentrer dans tous ces clichés et sans y rajouter celui de l’art et la nudité, est-ce qu’on n’est pas plutôt dans la fausse photo potache, un projet irrévérencieux et décalé, juste pour le fun de désacraliser le monument et de déstructurer la photo «Touriste» qui est souvent figée ? J.D: Exactement. Le fait que le visage se cache pourrait faire penser que c’est une censure mais ce n’est pas du tout ça ; c’est fait dans l’esprit d’une photo touristique qui tourne mal, qui déraille, c’est vrai qu’on a là beaucoup plus un côté potache, un peu comme les gens qui tirent la langue, c’est pour décaler la pose sérieuse qu’on pense devoir tenir devant la solennité du monument. Comme si on avait déclenché l’appareil trop tôt, avant qu’on ne prenne cette pose figée, Jennifer lève son tee-shirt pour le

fun comme une dernière respiration avant une apnée programmée. J.A: C’est là qu’on comprend à quel point le titre de l’exposition trouvé par Julien, Notre Tourisme, et le choix de l’inaugurer dans un endroit comme L’Institut Français, un lieu qui a également une empreinte de solennité et où on pourrait s’attendre à voir une énième exposition d’architecture autour du mouvement Bauhaus, prennent tout leur sens... Alors oui on a les trois couleurs primaires, on a les bâtiments d’aprèsguerre mais on a aussi le côté déjanté de la poitrine dénudée et de ces coups de pinceau, ces formes sur les photos, des taches colorées qui confèrent un mouvement libre contrastant avec les lignes et les angles de ces bâtiments parfois austères : l’exposition est comme une tache criarde sur les murs blancs de l’Institut. Ça donne un côté léger à des sujets très lourds comme l’architecture ou de grandes polémiques comme celle du #metoo. Jennifer, ça fait quoi de se retrouver face à la caméra de Julien ? J.A : Se retrouver face à une caméra tout court, car je ne suis pas modèle,

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ART

on a fait quelques photos en contre-plongée mais ça ne peut pas marcher à chaque fois; il y a plein de bâtiments qu’on aurait voulu prendre mais on n’a pas pu le faire à cause de ce qui était autour, que ce soit le fond, les voitures, un arbre : souvent le cauchemar de la végétation cache l’architecture, toutes ces raisons font que le bâtiment est compliqué à photographier. Parfois j’aurais rêvé d’avoir une nacelle pour pouvoir les photographier.

je suis artiste-photographe qui d’ailleurs photographie très peu de gens car honnêtement je n’aime pas ça : les gens ça bouge et ça m’énerve ! Je photographie beaucoup les objets car moi seule peux les bouger! J’aime aussi beaucoup photographier les immeubles qu’évidemment je ne peux pas bouger mais du coup je me bouge moi, même si, contrairement à Julien, je n’aime pas trop chercher l’angle parfait : ce qui m’intéresse, ça va être plutôt d’insérer le palmier mitoyen au bâtiment et qu’on voie la voiture garée, donnant une tache rouge. Du coup je me suis volontairement retrouvée un peu comme un objet, je me suis laissée diriger par Julien à qui je faisais entièrement confiance car je savais que c’était pour le bien de notre projet commun. Le fait qu’on ne voie pas mon visage était bizarrement une énorme délivrance car ma poitrine devenait un objet, un élément de la photo ; masquer mon visage c’était limite la seule condition car je n’aurais jamais pu poser en mode classique. Sans ne parler que de moi, plus généralement, j’aime dans mes photos masquer des choses et principalement les visages car ils prennent le focus et là, sur ce projet architectural décalé, mon visage ne devait surtout pas être le focus.

Après Tel Aviv on vous souhaite d’exposer où ? J.A : A Paris forcément, en écho à cette exposition inaugurée à Tel Aviv dans l’Institut Français. J.D : Et au Japon! Moi j’aime bien l’idée que cette exposition qui reste un work in progress puisse passer à travers le monde d’Instituts Français en Instituts Français et terminer sa course à Paris puisqu’elle l’a commencée à Tel Aviv. A bon entendeur... © Lisa Mamou Office building Breuer

IBM. La Gaude. France. Architect : Marcel

Julien, ça fait quoi de photographier Jennifer en mode free the nipples?

Faculté de Génie mécanique de Technion. Haïfa. Architectes : Zvi Hecker et Alfred Neumann

J.A : Déjà les soutiens-gorge, si je peux me permettre, elle n›en porte jamais, donc pas besoin de les brûler ni de libérer ses tétons qui sont nés libres et le sont restés ! Évidemment, il y avait un côté émouvant de photographier Jennifer tout court, surtout dans un projet architecture, notre passion commune.

City Hall. Bat Yam. Israel. Architects : Alfred Neumann, Zvi Hecker, Eldar Sharon

Quelle a été la photo la plus difficile à prendre ou celle que vous auriez aimé prendre? J.D : Je ne sais pas si on peut dire difficile mais il faut comprendre qu’on était souvent limités car en fait une des contraintes était qu’il fallait qu’il n’y ait pas grand-chose autour, que ce soit assez dépouillé, que les bâtiments surgissent comme des objets derrière;

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J.A : Souvent on arrivait devant le bâtiment et on découvrait qu’il n’était pas compliqué mais carrément impossible à photographier : ça nous est arrivé à plusieurs reprises au Maroc avec par exemple le stade de football au cœur de Casablanca, un bâtiment fabuleux niveau architecture, plein de triangles, mais où il y avait trop de bus, de voitures, trop de gens qui passaient, qui gênaient, sans parler de l’impossibilité d’y découvrir ma poitrine : on aurait pu carrément se retrouver en prison...

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Medical School. University Tel Aviv. Israël. Architect : Arieh Sharon


CINÉMA

SARA H

C ATTA N

Bab El Ward ou L’Allée des fleurs. De Haïm Bouzaglo Bab El Ward s’ouvre en musique sur un plan désertique : le son de l’Oud traditionnel s’égrène sur un no man’s land auquel un pauvre panneau a donné le beau nom marocain de Bab El Ward qui s’avèrera bulle improbable quelque part dans la grande périphérie d’Israël. Nous sommes dans un cimetière et -Qui n’a pas connu cela- nous voilà, avec Albert et Janette, cherchant sous un soleil de plomb … une tombe : Shitrit. Marciano. Ohana. Carré D. Ça se chamaille beaucoup chez les Vaknin : Ils auraient mieux fait de rester au Maroc, sort Albert à celle qui est son épouse et qui le laisse chanter. Qu’est-ce qu’ils ont eu de cette terre sainte ? Un trou pour une tombe. Les emmerdements ! Tu appelles ça une vie ? Tout ça dans un judéomarocain qui nous parle à tous, dialecte propre à ces familles Vaknin qui peuplent le pays. Ça râle fort et ça s’aime au sein de cette famille nombreuse juive d’origine marocaine. On ne compte plus le nombre d’enfants. Meir. 45 ans. Bosse aux Pompes funèbres. Le pauvre Shimon qui travaille comme un chien. La pauvre Flori qui fait des ménages. Raymonde, à qui la guerre a pris un mari. Ce grand-père immobile qui joue de son oud. Y a Marlène aussi. Qu’on verra étudier imperturbablement. Y a Samy, le jeune fils projectionniste au ciné du coin, Samy qui ne cesse de filmer, Tout et toujours. Le film dans le film. Et puis Jojo, au chômage comme son père depuis que l’usine a été déplacée en Jordanie. Et les fêtes qui approchent. Le quotidien. Et l’extrême précarité : C’était mieux là-bas… C’était le bon temps Maudit soit le bateau qui nous a emmenés à Haïfa Ici on a que de la tristesse. Une construction inédite en 5 actes participe à la tension dramatique d’un Cavalleria rusticana et qui n’étonnera pas celui qui sait que Haïm Bouzaglo fut scénariste avant de passer à la réalisation.

Dramatique, certes, mais sous le mode comédie. Avec ce petit quelque chose qui va nous emporter et faire de chacun de nous un membre de la famille Vaknin : instants drôles. Cocasses. Colorés. Folkloriques. Nostalgiques. Et cette émotion à fleur de peau, alors que le téléviseur est toujours branché sur la chaine marocaine, que la harira fleure bon ce «là-bas» et que l’arabe judéo-marocain accompagné de l’oud nous devient langue commune. Haïm Bouzaglo ? S’il a témoigné, dans Revivre sur son histoire, une série pour Arte, de l’arrivée en «Palestine» de son père en 1946, Lui n’est jamais allé au Maroc : après son service militaire, il vivra pas moins de 11 ans en France, salarié de l’Ambassade d’Israël à Paris le jour, écrivant déjà des scenarios la nuit. On les comprend mieux, dès lors, cette nostalgie, ce fado, ce spleen d’un Maroc natal peutêtre fantasmé, parce qu’ils y furent simplement heureux, considérés comme des citoyens à part entière. On la saisit mieux, et elle nous prend aux tripes, la mélancolie à nulle autre pareil de ce franco-judéo-marocain, cet attachement viscéral à des cultures et coutumes dénigrées avec véhémence en Israël alors qu’elles leur sont consubstantielles. Ce sont d’ailleurs des vers en marocain du poète israélien Sami Shalom Chetrit que Raymonde Vaknin récite dans Bal El Ward, et on ne s’étonnera pas que Sami, né, lui, au Maroc, et connu pour son militantisme, ait collaboré au scénario, ni qu’un Arik Mishali ait sollicité l’expertise d’Asher Knafo pour la co-écriture des dialogues, collaboration intense pour aboutir à un scenario maitrisé et écrit phonétiquement en arabe ou hébreu afin d’être accessible aux acteurs.

acteurs et un coup de coeur pour Axelle Azoulay, interprète de Marlène, on retiendra, dans le rôle principal, Arik Mishali, qui fit ses premiers pas avec Haïm Bouzaglo, mais aussi Annette Cohen, «formée» par le réalisateur : des choix connotant une fidélité et des accointances de vue qui ne sauraient être étrangères à la réussite finale : Bab El Ward est une œuvre engagée socialement et porteuse de message fort. Comme une réparation à l’endroit de ces familles systématiquement envoyées dans la grande périphérie où les inégalités perdurent. Le réalisateur, aussi fier de son identité israélienne que de ses origines marocaines, signe ici une chronique douce-amère d’un Israël jamais magnifié, Terre Promise et de complexités peuplée des «Valeureux» de Cohen dont la Céphalonie serait ce Bab El Ward et le nom devenu «Vaknin», grandioses à force d’amour. © Sarah Cattan Bal el Ward. L’Allée des Fleurs Réalisé par Haïm Bouzaglo

L’occasion de souligner, à propos des acteurs, des performances flirtant avec le challenge, même si au casting figurent nombre d’artistes marocains. Après un «chapeau bas» pour chacun des

Avec Albert Iluz, Annette Cohen, Arik Mishali, Haim Zanati, Axelle Azoulay, Hila Saada, Janet Sabag, Raymonde Amsallem, Sasha Demidov

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INTERVIEW

SYLVIE

BENSAID

Rencontre avec Emmanuel Messas President d’Hadassah France

Tribune Juive : Quoi de neuf à Hadassah ?

Farjot, Isabelle Georges, chanteuse et danseuse de jazz renommée, accompagnée de son partenaire Frederik Steenbrick et le Chœur Maayan, du Conservatoire de Tel Aviv, dont la réputation est telle que les artistes se produisent régulièrement lors d’évènements officiels en Israël.

Emmanuel Messas : Depuis le début du conflit en Ukraine, Hadassah a envoyé une délégation médicale d’urgence dans le sud de la Pologne, où les réfugiés ukrainiens traversent la frontière par dizaines de milliers. Cette délégation exerce au sein de la Clinique Hadassah établie directement sur place, ainsi qu’à l’Université Médicale de Lublin, qui constitue le plus grand hôpital de la région. Cette collaboration avec les autorités locales porte notamment sur le traitement des patients traumatisés et l’évaluation des ressources pour soigner les réfugiés comme les blessés. Les médecins de Hadassah apportent avec eux une connaissance exceptionnelle de la médecine de guerre et de l’infrastructure physique et humaine, nécessaire pour gérer un afflux soudain de patients. Cette expertise provient du traitement d’innombrables concitoyens blessés lors de guerres et d’attaques terroristes. Cette délégation est composée d’experts dans différents domaines tels que la chirurgie générale, la traumatologie, l’orthopédie et la médecine interne et est dirigée par Jorge Diener, Directeur exécutif de Hadassah International. Tribune Juive : Quels sont les projets à court terme ? Emmanuel Messas : Nous organisons le 14 juin prochain, notre soirée de gala, la première depuis 3 ans. Ce sera un magnifique concert qui aurait dû avoir lieu le 2 avril 2020 et qui avait été annulé du fait de la crise sanitaire et du premier confinement

Notre Invité d’Honneur sera le Pr. Arnold Munnich, toujours à nos côtés pour divers projets de Recherche Médicale et Scientifique. Il est d’ailleurs membre du Comité Scientifique de Hadassah France. Fidèles aux valeurs d’Hadassah, cette soiree sera ouverte à tous et dépassera le cadre communautaire. Y assisteront les amis et donateurs d’Hadassah, mais aussi de nombreuses personnalités du monde scientifique et médical bien sûr, mais également artistique, politique ... Tribune Juive : Où iront les bénéfices de cette soirée ? Emmanuel Messas : Comme les précédentes, cette soirée sera donnée au bénéfice de la Recherche Scientifique collaborative franco-israélienne, avec le CHU Hadassah de Jérusalem (pour lequel nous œuvrons depuis 1984 en France). Lors de ce Gala, nous mettrons l’accent sur l’un de nos tous derniers projets : l’Oncologie Pédiatrique, qui est bien évidemment essentielle pour sauver tant d’enfants qui souffrent de cancer, ce qui ne peut nous laisser indifférents. Nous avons ainsi, grâce au legs de l’une de nos donatrices, pu accorder un soutien de presque 300.000 € aux travaux de recherche du Pr. Gal Goldstein de Hadassah, qui devrait être présent lors de cette soirée. © Sylvie Bensaid

Nous aurons à nos côtés la violoniste virtuose Sarah Nemtanu (Violon solo de l’Orchestre National de France), l’Orchestre et le Chœur PSL (Paris Sciences et Lettres), dirigé par le fameux Chef d’Orchestre Johan

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PORTRAIT

S YLVIE

BENSAID

Oranit Beit Halachmi-Amir

D

epuis quelques mois, la Compagnie EL AL France a une nouvelle directrice générale, dont le parcours est exemplaire.

En 1993, après avoir terminé son service militaire, Oranit rejoint la Compagnie EL AL en tant qu’hôtesse de l’air. Ayant étudié dans de prestigieuses universités en Chine, à Londres et à Jérusalem, Oranit ressort diplômée des sciences et de la culture chinoise, de marketing et administration des affaires et de leadership et gestion.

Elle parle également 5 langues : l’hébreu, le français, l’anglais, l’italien et le chinois. Elle a occupé différents postes de direction et de vente au sein d’EL AL en Israel ainsi que de marketing pour les routes Européennes. Oranit a été directrice commerciale France, Belgique, Pays-Bas et directrice régionale pour l’Europe Centrale en Italie, en Europe de l’Ouest et en Afrique. Nous lui souhaitons bonne chance dans ses nouvelles fonctions. © Sylvie Bensaid

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INTERVIEW

SYLVIE

BEN SAID

Interview avec Vanessa Elkaïm Rimmer Présidente de l’association AVVIFE ACTION POUR LES VICTIMES DE VIOLENCES FAMILIALES, INFORMATION, FORMATION ET ÉCOUTE

Tribune Juive : Vanessa Elkaim Rimmer pouvez vous vous présenter ? Vanessa Elkaim Rimmer :Passionnée de droit depuis toujours, j’ai été chargée de faire du lobbying pour une ONG, le BNAI BRITH au sein de la session des Droits de l’Homme à l’ONU à Genève et à New-York de 1992 à 1994. Après mes études de droit à Grenoble (Master 1 et Master 2 en Droit Européen des Affaires. J’ai exercé le poste de Maître de conférences associé au CNAM durant cinq ans.

Installée dans mon propre cabinet d’avocat, Je suis aujourd’hui Directrice du pôle droit des affaires du MBA ESG et Directrice d’une nouvelle Ecole du droit « Elije » qui forme des futurs juristes d’entreprise. Tribune Juive : Pourquoi avoir créée A.V.V.I.F.E l’Association pour les Victimes de Violences, Information, Formation et Écoute ? Vanessa Elkaim Rimmer : Dès le début de mon activité professionnelle, j’ai été confrontée à cette violence « ordinaire « qui frappe tout milieu social sans distinction et qui se déroule dans le huis clos familial. La violence physique et psychologique devient, pour certains, leur quotidien J’ai été frappée par la honte que les victimes peuvent ressentir et leur

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INTERVIEW

peur de ne pas être crues, entendues.

ment des victimes.

Forte de cette expérience du monde judiciaire, il fallait trouver des solutions adaptées à cette problématique complexe.

Tribune Juive : Comment fonctionne AVVIFE ? Vanessa Elkaim Rimmer : Dans la violence familiale, qu’elle soit d’ordre physique, psychologique, financière ou sexuelle, il existe différents cycles qui s’inscrivent dans une spirale de plus en plus rapprochée, dont la victime a parfois du mal à déceler les signes.

La réponse judiciaire n’était qu’une réponse. La reconstruction psychologique, sociale et professionnelle était également nécessaire. C’est ainsi que la création d’AVVIFE est apparue comme une évidence pour répondre à un besoin non couvert et surtout une attente pluridisciplinaire.

L’association peut proposer des orientations très diversifiées qui permettent à la victime de limiter le nombre de démarches à faire seule en ayant de multiples interlocuteurs.

Tribune Juive : Comment est née AVVIFE ? L’histoire d’AVVIFE est née d’une rencontre, celle de 11 femmes : Claudine, Janine, Laurianne, Louise, Martine, Michèle A, Michèle T, Noémie, Valérie,Vanessa et Véronique .Avocats, psychologue, responsable d’une ligne d’écoute, spécialistes du terrain, spécialiste de la problématique religieuse, toutes animées par une volonté commune d’agir pour lutter contre les violences familiales. Il y avait une urgence : Briser l’isolement des victimes, les aider à restaurer leur estime d’ellesmêmes.»Celles et ceux qui ont souffert de violence dans leur enfance sont le plus souvent confrontés à de la violence plus tard dans leur vie », concluent certaines recherches. En diminuant l’estime de soi, la violence subie dans le passé fragilise face à la violence actuelle. Tribune Juive : La communauté Juive est elle épargnée par cette violence familiale ? Vanessa Elkaim Rimmer : Non, la communauté juive n’est malheureusement pas épargnée par ce fléau notre association s’adresse aux personnes de la communauté. j’ai souhaité avec une équipe de professionnels spécialisés et bénévoles rencontrés dans le milieu communautaire, créer une association tournée avec l’action et l’accompagne-

AVVIFE est à l’écoute de toutes les victimes et l’intérêt de l’enfant est au centre de ses préoccupations. Nous agissons en mettant à l’abri la victime et ses enfants, en proposant une aide au logement, un accompagnement juridique, administratif et social, une réinsertion professionnelle, un coaching personnalisé se, une écoute sans jugement. Nous intervenons dans les établissements scolaires et les entreprises pour faire de la prévention Les professionnels sont soumis à des règles de confidentialité et au code de déontologie de leur pratique. Récemment, de nouvelles mesures protectrices ont été adoptées, permettant de renforcer la protection des victimes. Le Ministre de l’Interieur, Gérald Darmanin fait, de la lutte contre les violences familiales, une priorité. AVVIFE est là pour vous. Accueillir, écouter, informer, orienter les victimes dans les domaines juridiques, psychologiques, et de santé ceci de façon confidentielle © Sylvie Bensaid

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ANTISÉMITISME

RAPHAËL

N ISAND

Une France sans juifs : À la mémoire de Jérémy Cohen C’est toujours le juif de trop qui se fait assassiner. En Seine Saint Denis 80 % des juifs ont déjà été contraints de partir, c’est ce que nous dit l’historien Georges BENSOUSSAN. Et voici Jérémy Cohen jeune juif pratiquant de 31 ans dont on nous a caché la mort tragique le 17 février dernier. L’enquête commence en fait aujourd’hui sur la base d’une vidéo que la famille du jeune homme mort s’est procurée en menant sa propre enquête. Le premier communiqué du parquet de Bobigny du 4 avril laisse effectivement pantois. Alors que des dizaines de témoins ont assisté au lynchage de Jérémy Cohen quelques secondes avant que, pourchassé par la meute, il ne se précipite sous un tram, le parquet de Bobigny a cru bon contre toute logique d’ouvrir deux enquêtes séparées, l’une pour les violences volontaires, l’autre pour « homicide involontaire ». Ceci est illogique en droit comme en fait car si Jérémy Cohen s’est précipité sous le tram qu’il n’a pas vu pour échapper aux violences volontaires alors il ne s’agit plus de violences volontaires mais d’un crime, celui de violences volontaires en réunion ayant entrainé la mort sans intention de la donner. Confronté à la terrible vidéo qu’il n’a pas même cherché et qui a été trouvée par la justice privée de la famille qui a placardé des appels à témoins sur les arbres, le parquet a enfin décidé d’ouvrir une instruction de ce chef le 29 mars. Je n’ai pas vu le dossier mais j’imagine qu’au lieu d’envisager l’homicide involontaire qu’aurait pu commettre le chauffeur de tram (qu’il n’a évidemment pas commis), le parquet aurait pu se concentrer sur la recherche des criminels le jour-même.

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Sur la vidéo on voit 10 à 20 agresseurs dont l’un d’une violence inouïe se déchaine sur la victime. Jérémy Cohen n’était ni un dealer ni un toxico. Il était inconnu de la justice et de la police et il ne s’agit en aucun cas d’une « altercation » comme la presse bien pensante le dit, mais bien d’un lynchage d’un jeune homme qui est apparu aux yeux de la bande de voyous comme un juif visible. Il est certes imprudent de se promener avec une kippa et des tsitsits à Bobigny mais il n’y a aucune provocation dans ce fait et aucune raison d’en mourir. A cette heure, comme pour l’affaire Sarah HALIMI, le déni fonctionne à fond sur l’éventuel mobile antisémite. En deux mois il n’y a eu aucune interpellation alors que les faits se sont passés au vu et au su de tous en plein centre de Bobigny, chef lieu de la Seine Saint Denis . Espérons que l’affaire sera traitée différemment de celle de Sarah HALIMI ( pour l’instant ce n’est pas le cas), et qu’on ne va pas nous servir une abolition du discernement par le shit comme pour l’assassin de Sarah HALIMI. Espérons que les vidéos et les témoins montreront bien, même si deux mois après c’est tard, que Jérémy Cohen avait pu être repéré comme juif car c’est bien comme juif qu’il est mort. L’impunité assurée aux tueurs de juifs en France pose un sérieux problème. Les condoléances et les beaux discours ne servent à rien sans des enquêtes bien menées et une juste répression. Ce minimum commun n’est pas assuré.

Les vidéos de télésurveillance ont-elle été saisies et préservées ?

Quant à ceux que le complotisme poussera à dire que cette affaire tombe à point nommé avant les présidentielles, ils ne méritent que le mépris.

Y-a-t-il eu seulement une enquête de voisinage le jour-même car deux mois après, ouvrir une enquête c’est juste une blague.

Bientôt, pour survivre en France, les juifs vont devoir se cacher pour que surtout personne dans la rue ne puisse les identifier comme juifs.

Des proches du malheureux Jérémy Cohen affirment qu’il ne se séparait jamais de sa kippa qu’il portait en permanence, mais aussi qu’il portait des tsitsits dont les fils de prière peuvent sortir des vêtements civils.

Triste destin pour les juifs de France.

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© Raphaël Nisand


ANTISÉMITISME

PI E R RE

S A BA

La république des salauds

L

e 17 février 2022, à Bobigny (banlieue parisienne), le jeune Jérémie Cohen, marchant dans la rue, est pris à partie par une bande de voyous. En cherchant à leur échapper, il se fait percuter par un tramway en marche et il meurt. Le parquet est saisi et un juge d’instruction est désigné. Certains témoignages évoqueraient la présence d’une kippa (signe confessionnel juif) à l’alentour du corps de Jérémie. Le pays apprend les faits deux mois après la mort du jeune garçon. Sur le décès Il revient au juge d’instruction de déterminer si la mort de Jérémie est accidentelle ou meurtrière. Dans le premier cas, seul l’accident mortel sera retenu sans liaison avec la fuite de Jérémie. Il faudra alors expertiser la responsabilité civile du conducteur du tram. Dans le second cas, l’accident sera lié à la nécessité vitale pour Jérémie de fuir ses agresseurs. Sans l’agression, il n’aurait pas fui et n’aurait pas percuté le tramway en mouvement. Sur le délai entre le décès de Jérémie et l’information au public Qu’elles qu’en soient les raisons, le délai de deux mois entre les faits et la diffusion de l’information est exceptionnel et exceptionnellement long. Immédiatement après la publicité de l’information, certains journalistes prétendent n’avoir pas été tenus informés, d’autres affirment n’avoir rien voulu cacher. Quant aux politiques, la proximité de l’élection présidentielle les incline à prendre position avec les indignations sincères ou circonstanciées. Sur l’interrogation du caractère antisémite de l’agression subie par Jérémie En France, la triste et détestable habitude pénale des juges est de s’interroger ou de rejeter le caractère aggravant d’antisémitisme y inclus dans les cas les plus attestés, les plus factuels et les plus évidents. La mort de Jérémie n’y fait pas exception. Comme de bien entendu, le juge d’instruction est en charge d’examiner la retenue ou le rejet du caractère antisémite de l’agression fatale de Jérémie. La présence d’une kippa près du corps du jeune homme est pour le juge un élément principal de son dossier. Compte tenu du cadre géographique et administratif, l’absence de kippa est d’un intérêt pénal limité.

En effet, Bobigny et son département de Seine-S-Denis ont le déshonneur d’être un bassin antisémite avec agressions publiques et privés récurrentes, bien connues de la police, de la justice, des fonctionnaires, des parlementaires et des media. L’absence de responsabilité de l’Etat a conduit à une telle insécurité que la quasi-totalité des résidents juifs ont dû déménager de cette zone de haine. L’expérience judiciaire en matière d’antisémitisme, déjà ancienne sur le territoire français, ne l’exonère d’aucune incongruité ni des anomalies procédurales (cfr. L’assassinat de madame Halimi). Il appartient donc au conseil de la famille de s’en préoccuper avec la plus extrême vigilance. Sur la notion de république Pas un jour ne passe en France sans que des politiques et des journalistes n’évoquent ad nauseam la république. Pourtant, rien ne semble plus éloignée de la notion républicaine que la pratique de ceux qui passent leurs temps à l’évoquer. Si les principes républicains étaient respectés, il y a de fortes chances que Jérémie serait encore en vie. C’est la béance entre la pratique et l’évocation de la république qui cause tant d’effrois, d’injustice, de décès, de haine etc. Il conviendrait de rétorquer à ces adeptes du grand écart que la république est une institution fondée sur la liberté, l’égalité et la fraternité, et que plutôt que de procéder par incantation et litanie, ils feraient mieux d’appliquer ces principes constitutifs et fondamentaux. Leur responsabilité est immense. Quand un magistrat est seul à ne pas constater l’antisémitisme manifeste et attesté dans un crime ou un délit, il «dit le droit» et doit être respecté ! Quand des forces de police stationnent, inactives, à quelques arpents des tortures et du crime infligé à une dame respectable par un djihadiste antisémite, elles «attendaient les ordres»! Quand des journalistes, mega et poly connectés, affirment n’avoir pas été informés de la mort de Jérémie, il faut les croire ! Quand la période électorale incite les politiques à s’indigner avec tout de même de la circonspection, alors que les mêmes se taisent ou doutent régulièrement à chaque agression antisémite soulevée, il faut l’accepter! Pendant ce temps, des Juifs meurent, sont blessés, agressés en toute quiétude et la plupart du temps impunément. C’est la république des salauds. © Pierre Saba

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ANTISÉMITISME

G ER A R D

K LECZEWSKI

Renoncer en partant, une fois de plus, une fois encore ? Ou faire front, ensemble

H

ier, nous devions honorer la mémoire de Sarah Halimi (Zal), assassinée sauvagement cinq ans plus tôt, à quelques jours des élections présidentielles qui allaient porter Emmanuel Macron à l’Élysée… Hier, cinq ans plus tard donc, à quelques jours là encore des élections présidentielles, nous apprenions le drame atroce survenu à Bobigny — la mort de Jérémy Cohen. Ce, plus d’un mois et demi après les faits caractérisés alors de « simple accident mortel de la circulation » et traités comme tels dans les colonnes du Parisien. Ce même quotidien qui, cinq ans plus tôt, avait traité sous forme de « brève » le meurtre de Sarah Halimi, sous l’angle : « une femme âgée défenestrée rue de Vaucouleurs. ». Point de mention d’un acte volontaire, point de mention qu’elle était juive, point de mention que le massacreur était son voisin, un musulman et islamiste fréquentant la mosquée de la rue Jean-Pierre Timbaud et multi-condamné pour faits de trafics de drogue et de violences en tous genres. Tout cela on l’apprendra plus tard, bien plus tard… Et entre temps aucun média n’aura pris la peine d’investiguer ou de se pencher sur cette affaire qui restera comme l’affaire « Sarah Halimi » alors qu’elle aurait dû être l’affaire « Kobili Traoré ».

Une affaire non jugée, non instruite en vérité… Cinq ans après, les mêmes causes semblent avoir les mêmes effets : l’antisémitisme tue — sous réserve bien entendu de l’enquête qui n’a pas été menée et qui va l’être désormais.

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À ceci près que cette fois, l’affaire « est sortie » comme on dit… Et sortie dans la dernière ligne droite où, selon les instituts de sondage, près d’un français sur deux (voire un peu plus) s’apprête à voter pour l’un ou l’autre des deux candidats « d’extrême droite », tandis qu’un français sur cinq environ s’apprête à voter pour l’autre candidat antisystème, d’extrême gauche cette fois. Je ne m’exprimerais pas ici sur les Présidentielles, mon intention n’est pas d’apporter d’une manière ou d’une autre de l’eau au moulin de l’extrême droite de Le Pen et Zemmour, encore moins à l’extrême gauche de Mélenchon, et pas plus à l’extrême-centre incarné par Macron ou Pécresse. Je voudrais juste rapporter, dans ce contexte, le désarroi qui m’habite, comme il habite, je crois, de nombreux juifs français qui tiennent à la France et ont vécu par elle et pour elle depuis leur naissance.

Petit comité Hier soir, disais-je, nous devions honorer la mémoire de Sarah Halimi (Zal) et le BNVCA nous avait donné rendez-vous à 18 h 30 à la Grande Synagogue de la rue de la Victoire. Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé que nous serions nombreux. J’avais imaginé une cérémonie dans la grande synagogue — celle qu’on voit tous les ans sur France 2 pour les victimes de la Shoah. Non, nous eûmes accès à une petite salle de prière (environ 30 places). En entrant, j’hésitais… Était-ce bien là que ça allait se passer ? Mais quelques chaises étaient déjà occupées, par des personnes plutôt âgées, et je vis, en guise de confirmation du lieu, un panneau sur lequel était écrit « Pardon Sarah ».


ANTISÉMITISME

Il n’y avait donc pas de doute, c’était là que ça se passait ! Les moments qui suivirent furent douloureux. À commencer donc par la si faible présence sur place… Alors oui, on vit le Rabbin de la Synagogue Moshe Sebag, accompagné du grand rabbin de Safed — le Rav Schmuel Eliyahu — pour faire les prières du soir… Oui on entendit au travers d’un micro un peu défaillant les paroles fortes délivrées au téléphone depuis Israël par Sammy Ghozlan du BNVCA et les mots désemparés, également depuis Israël, de William Attal, le frère de Sarah Halimi (je conclurais ce texte par une phrase de lui). Oui il y eut les paroles dignes et puissantes de l’avocate de la famille Halimi, Maître Muriel Ouaknine-Melki, qui expliqua que le combat n’était pas terminé. Oui on vit aussi la présence touchante et toute en retenue des deux frères Knoll (les fils de Mireille Knoll, Zal) dont Daniel, resté jusqu’au bout de la cérémonie, et celle enfin de Jonathan Behar, si actif dans le combat pour rendre justice à Sarah. Mais comment ne pas subir de plein fouet la maigre assistance et le rappel de certains faits de l’assassinat sauvage du 4 avril 2017 ? Comment ne pas être triste, quelques heures seulement après avoir découvert le martyr du jeune Cohen à Bobigny, tabassé par une meute de quinze types, puis s’enfuyant terrorisé pour se faire écraser sous le tramway T1 ? Et comment ne pas souffrir aussi des échanges vifs, en fin de cérémonie, entre les membres présents du BNVCA et quelques personnes en fond de salle, les premiers arguant qu’il fallait être prudent sur l’antisémitisme derrière cette « affaire », les seconds hurlant que la chose était claire et entendue et ajoutant qu’il fallait voter Zemmour pour en finir avec cette impunité !

Le politique peut-il nous sauver de cette situation ? Doit-on l’accepter ou renoncer en partant, une fois de plus, une fois encore ? Une chose est certaine : nous devons faire front ensemble, car, malgré les mots et les bonnes intentions des uns et des autres, notre situation ne s’améliore pas. Et on ne peut pas ne pas se poser la question d’une Justice qui a failli dans l’affaire Sarah Halimi. Pourquoi ne faillirait-elle pas à nouveau ? William Attal, le frère admirable et en colère de Sarah, a conclu son intervention par ces mots : « Je suis arrivé à la conclusion que c’était un dossier qui ne pouvait pas aboutir, qui ne devait pas aboutir. » Puisse l’histoire finir par rendre Justice à Sarah… et à Jérémy ! © Gérard Kleczewski

Bref, nous voilà une fois de plus dans un moment tragique de l’histoire, de notre histoire. 80 ans après avoir dû coudre une étoile jaune sur nos cœurs, nous en sommes toujours à vouloir vivre ou survivre, sans haine ni violence, au pays de Zola et d’Hugo, avec cette épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, après les morts de Sébastien en 2003, Ilan en 2006, Jonathan, ses enfants et la petite Myriam en 2012, les quatre de l’Hypercacher de la porte de Vincennes en 2015, puis Sarah et Mireille en 2017 et 2018, et donc Jérémy en février dernier.

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TOURISME

SYLVIE

BENSAID

L’ouverture des frontières et la possibilité offerte à nouveau aux touristes français de se rendre en Israël nous ont donné l’occasion de nous entretenir avec les dirigeants d’EL AL France

Tribune Juive : Comment se présentent à présent les vols pour El Al ? El Al : Nous opérons actuellement 3 vols par jour du dimanche au jeudi et un vol le samedi soir. Toujours dans le but de satisfaire nos clients, nous opérons davantage de Dreamliner, offrant ainsi un service et confort uniques en Classe Economique, un Classe Premium de rêve, et une Classe Economique très agréable. Tribune Juive : Avez-vous déjà des réservations à long et court terme sur Israël ?

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El Al : Les passagers sont impatients de voyager à nouveau en Israël et nous avons déjà de nombreuses réservations pour cet été. Nos clients n’hésitent pas également à réserver du jour au lendemain pour s’évader. Nos bureaux étant fermés au public, nous avons rouvert notre centre d’appel de 9h à 15h du lundi au jeudi. Ceci dans l’objectif d’être au service de nos passagers et de gérer les réservations.


TOURISME

Tribune Juive : Compte tenu de la pandémie avez -vous revu vos tarifs et proposez-vous des promotions ? El Al : Nous avons proposé plusieurs promotions dont : un billet acheté un billet offert qui a rencontré un succès incroyable. De plus, nous offrons une grande flexibilité lors de l’achat des billets, permettant des modifications sans frais, avec la différence tarifaire uniquement. Tribune Juive : Quels sont vos projets face à la saison touristique qui va s’ouvrir ? El Al : Nous avons eu le plaisir de rouvrir nos lignes au départ de Marseille depuis le mois de mars avec 3 vols hebdomadaires. Nice rouvrira ses portes à partir du 19 avril avec 4 vols par semaine et Paris retrouvera ses 3 à 4 vols quotidiens pour l’été. Un immense plaisir pour la Compagnie de retrouver une activité normale après cette période particulière. Enfin, nous avons eu la joie d’inaugurer l’ouverture de notre nouveau Lounge à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle en partenariat avec Paul Maxence. © Sylvie Bensaid

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PORTRAIT

SYLVIE

BENSAID

Entretien avec

Sandrine Szwarc L’historienne et journaliste Sandrine Szwarc est l’auteure de Fascinant Chouchani (éd. Hermann), un succès d’édition qui sort de l’ombre un mystérieux génie du judaïsme à l’allure de vagabond. Tribune Juive : Qui était véritablement Monsieur Chouchani qui a contribué à la renaissance de la pensée juive après la Shoah en France ? S.Sz. : Personnage mystérieux qui se cachait sous de fausses identités, Chouchani était à la fois un prodige de la Torah et du Talmud, mais aussi de ses commentaires, en même temps qu’une encyclopédie vivante en culture générale, en sciences ou en médecine. Polyglotte à une échelle qui force l’admiration, il avait toutes les réponses aux questions qu’on lui posait. À côté de cela, il avait l’apparence d’un clochard, des manières peu élégantes et des habitudes étranges comme celles de chaparder. Il est entré dans la légende de son vivant quand il est apparu en France à Strasbourg au début des années trente, puis surtout à Paris à la Libération. Tribune Juive : Ce maître mystérieux fascina tour à tour Emmanuel Levinas, Léon Askenazi (manitou) et Élie Wiesel… S.Sz. : En effet, Chouchani n’a pas publié, n’a pas enseigné à l’université. Comme Socrate, il n’existe finalement que dans les témoignages de ses élèves. Et c’est notamment grâce à ses disciples prestigieux que l’on connaît son existence. Dans ses années d’après-guerre à Paris, il est le maître d’Élie Wiesel, d’Emmanuel Levinas et de Manitou notamment. Le conteur Elie Wiesel est le premier à le populariser en le décrivant dans ses mémoires et dans plusieurs autres de ses livres. Léon Askenazi, qui l’avait fait venir à l’École Gilbert-Bloch d’Orsay qu’il dirigeait, cite des enseignements de Chouchani dans ses conférences. Et puis le plus grand philosophe juif du XXe siècle, Emmanuel Levinas est le seul à voir érigé en système de pensée les enseignements reçus de son maître dans ses Leçons talmudiques qu’il prononce au Colloque

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des intellectuels juifs de langue française. Tribune Juive : Pourquoi vous êtes-vous intéressée à ce personnage énigmatique dont la véritable identité était restée secrète ? S.Sz. : Depuis ma thèse de Doctorat en histoire, je m’intéresse au renouveau de la pensée juive en France et à ses principaux animateurs. Le nom de Chouchani revenait souvent dans mes recherches. Pourtant, on ne savait quasiment rien de ce génial vagabond. Il était jusqu’alors vu comme un marginal totalement exclu des études juives. Mon ouvrage lève le voile sur sa véritable identité qui éclaire ses itinéraires de vie et de pensée. L’on saura dorénavant, archives à l’appui, que Chouchani était né Hillel Perelman à Brisk (Brest-Litovsk) en janvier 1895. Le contexte de sa naissance, le judaïsme lituanien dit Brisker explique ainsi les fondements de son savoir. Tribune Juive : Pouvez-vous nous parler de la rencontre entre le Rav Kook et Chouchani qui développa chez ce dernier sa fibre sioniste ? S.Sz. : Hillel Perelman, enfant prodige, quitte Brisk en 1912 pour la Palestine ottomane. Il arrive à Jérusalem puis fait la connaissance du rav Kook. Fasciné par ses capacités, Abraham Isaac Kook le recrute dans sa yeshiva de Yafo. De là, à son contact,naît chez Hillel Perelman dit Chouchani sa fibre sioniste qui sera un des fils conducteurs de ses itinérances. Plus tard, aux États-Unis, en Allemagne, en France, en Suisse, en Israël, puis en Uruguay où il s’éteint en enseignant à des jeunes sionistes religieux du Bné Akiva le 26 janvier 1968, son engagement ne s’est jamais démenti. Propos recueillis par Sylvie Bensaïd-Maarek


ART

« Lucidité », huile sur toile, ( 40 x 40 cm), 2022 Richard Kenigsman

Heureux, mais lucide. La lucidité est au bout, au gras du doigt, lequel, en allemand, se dit fingershpitsegefühlt. Né à Bruxelles, Richard Kenigsman, ami de TJ, passe une licence en sciences commerciales et financières tout en cultivant sa fibre artistique dans les académies de peinture et de musique (violon). Fondateur d’un laboratoire pharmaceutique, il s’affirme au fil du temps en tant qu’artiste à part entière. Peintre, sculpteur, dessinateur, il a revisité, avec humour, la question de l’identité juive et des traces de mémoire qui s’y rattachent. Exposé aux quatre coins du monde, il vit et travaille à Bruxelles. Livres : Tu choisiras le rire: anecdotes, proverbes, superstitions et traditions juives, Éros errant, Trente-huit variations sur le mot juif http://www.kenigsman.com/

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CHRONIQUE

LA CHRONIQUE DE MICHÈLE CHABELSKI

t’Rappelles quand on faisait cuire le linge ?

C

’est le jour des souvenirs... Mes parents avaient des amis américains qui travaillaient au SHAPE qui était le quartier général des forces de l’OTAN en Europe et avaient importé sur le territoire français le mode de vie yankee avec tout ce que ça comportait de magique à mes yeux d’enfant... Leur réfrigérateur débordait de choses délicieuses aux couleurs pimpantes sous blisters, ils mangeaient des steaks hachés entre deux petits pains, et surtout faisaient une consommation immodérée de glaces à tous les parfums qui étaient pour nous un luxe inouï qu’on ne dégustait qu’à l’extérieur de la maison... Ils dinaient de sandwiches faits d’un pain de mie très blanc et très moelleux au milieu desquels ils mettaient des morceaux de fromage pré -tranchés et de jambon qui donnaient à leur vie un air de fête permanente... Des sandwiches pour dîner !!! Alors que chez nous, ma mère poêlait des steaks pour la seconde fois de la journée, vu qu’on engloutissait de la viande quatorze fois par semaine... Ben, tu voulais manger quoi ? Les deux familles se recevaient beaucoup et chacune découvrait la culture de l’autre en pénétrant un monde totalement inconnu... Chez moi il n’y avait pas encore de lave-linge... Et donc pour assurer la blanchisserie familiale, ma mère disposait d’une énorme lessiveuse en fer blanc munie d’un champignon central par lequel s’écoulait la vapeur générée par l’eau de la lessiveuse qui bouillait et qui recouvrait les vitres de la cuisine d’une énorme buée rendant le lieu totalement opaque...

Si ! si ! Ils ont mis le linge sur la cuisinière et ils le font cuire !! Mais qu’est-ce qu’ils vont en faire ? Sous-entendu: ils ne vont quand même pas le manger !! On croyait tout savoir des Français... Mais là... Ma mère dut expliquer qu’on ne possédait pas encore de lave- linge et que cette eau bouillante décrassait les vêtements , un programme à 90 degrés en quelque sorte... Et que non, on ne servirait pas les chemises en lieu et place du bourguignon espéré... Ce souvenir très ancien rappelle également le séchoir pendu au plafond de la cuisine qu’on baissait à l’aide de ficelles qu’on déroulait ... Le linge ébouillanté était suspendu au séchoir et nimbait la cuisine d’une odeur de savon qui reste à jamais liée au jour de lessive, de fumée, de buée, d’excitation familiale... L’arrivée du premier lave- linge fut le fossoyeur de cette fébrilité domestique qui arracha des hurlements à cette jeune américaine qui dut inonder ses copines du Shape sur les coutumes moyenâgeuses des Français qui ne connaissaient ni les hamburgers ni l’électroménager libérateur de la femme... Que cette journée vous trouve actif, en grande forme, plein de projets et d’espérance , malgré le Covid qui revient et la paix qui s’éloigne...

Or la fille de nos amis qui avait probablement soif fit une incursion dans la cuisine( elle avait pour habitude d’ouvrir le frigidaire et de se servir seule, ce qui choquait un peu ma mère) et en ressortit en hurlant à sa mère:

Marioupol rayée de la carte... Tu vas à l’école, à l’Université, au bureau... Tu ris, tu chantes, tu aimes... Puis t’es un réfugié si t’as eu un peu de chance... Un cadavre si t’as pas eu de bol... Les baby-boomers et leurs descendants découvrent la guerre... Dieu a mis sept jours pour construire le monde... Les hommes à peine plus pour le détruire...

Maman ! Maman !

Je vous embrasse.

Ils font cuire le linge !

© Michèle Chabelski

????

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ANTISÉMITISME

S A R A H C AT TA N

Non, Jérémy Cohen n’est pas mort “bêtement” écrasé par un tramway Bobigny : un piéton décède après avoir été heurté par un tramway, avait titré le 24 février Le Parisien. Le piéton s’appelait Jérémie Cohen. Étaient mentionnés la ville, Bobigny, la station, le lieu précis donc. Aujourd’hui seulement, soit une quarantaine de jours après, remontent des informations qui viennent nous rappeler de sombres souvenirs. Jérémy portait une kippa.

Il aura fallu cette video, terrifiante, pour que la Presse dans son ensemble s’emparât du sujet.

Jérémy a été agressé par une bande que l’on voit sur une video : il est tabassé. Il tombe. Il se relève, court, et dans sa fuite est écrasé par un tramway.

Pour que la justice soit saisie.

Transporté à l’hôpital en état d’urgence absolue, il meurt.

L’histoire se renouvelle. Jérémy a-t-il été agressé parce qu’il était juif. Combien de temps faudra-t-il cette fois pour acter la circonstance aggravante que la France n’aime pas trop voir sur ses terres.

C’est sur Radio Shalom, au micro de Bernard Abouaf qui donne la parole à sa famille, que “la chose” émerge. Et puis, une video. Obtenue grâce aux frères de Jérémy, lesquels se sont lancés, seuls dans une France qui aurait bien classé cette affaire embarrassante à une poignée de jours des élections, en quête de témoignages, distribuant flyers et appels à témoins dans les boites aux lettres de la ville.

Il vaut mieux mettre sa kippa et son honneur dans sa poche quand on est juif à Bobigny. © Sarah Cattan avec Collectif de Vigilants

Mais que dit le Rapport de Police. Mentionne-t-il l’agression, laquelle a causé la fuite du jeune homme. Quid encore de cette kippa, remise aux parents de Jérémy. Pourquoi ce long silence qui vient nous rappeler celui qui suivit l’assassinat de Sarah Halimi, lequel eut le mauvais goût de s’être situé, lui aussi, à quelques jours d’une élection présidentielle ?

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LIVRES

Itinéraire d’un Juif français ordinaire Marc Lumbroso Après « l’Homme Chic « récit de sa jeunesse et de la vie de ses parents, Jacques et Yvonnette, témoignage de la vie quotidienne d’une famille juive italienne dans une Tunisie fraternelle et tolérante, Marc Lumbroso signe ici avec «itinéraire d’un juif ordinaire»»son second livre, celui de la maturité. “Marc Lumbroso a un parcours totalement atypique” Être né juif italien à Tunis et devenir un Français juif en France, son pays de coeur et de culture. Comment vivre avec bonheur ces identités croisées ? Nous apprenons que l’auteur a reçu une éducation empreinte de tradition juive, mais sans aucune forme de religiosité. C’est vers la trentaine, lorsque il a approché la pensée juive, qu’il a compris que son père lui parlait le langage de la Thora. À travers les multiples détours et digressions, l’auteur précise son attachement à Israël, né de sa rencontre avec l’’Hachomer Hatzaïr,” la Jeune garde, un mouvement scout juif dont le but est d’envoyer les enfants vivre en Terre Sainte. Il ne fera pas son alya mais devient sioniste à tout jamais. “ Je porte en moi mon judaisme ma lutte contre l’antisémitisme j’ai senti le besoin d’en parler” confie l’auteur. La Shoah, plaie ouverte pour tous les Juifs du monde, est devenue un facteur identitaire même pour ceux qui, comme lui, n’en ont pas directement souffert. À travers les confidences de son itinéraire politique, associatif, philosophique et professionnel, Marc Lumbroso nous invite à partager ses réflexions d’une rare lucidité, ses interrogations sur la capacité des hommes à se respecter et se comprendre. À la fois drôle et sérieux. Bien documenté, pédagogique, ce livre raconte l’histoire de la majeure partie des juifs français fidèles à la république laïque mais aussi attaché à l’état d’israël et au sionisme. Un livre profond authentique. © Sylvie Bensaid

Dictionnaire amoureux de l’humour juif Adam Biro Il ne s’agit pas ici d’un nouveau recueil de blagues, de witz juifs. Dans ce dictionnaire aigre-doux, Adam Biro, en consacrant des articles à la « Bible », au « Chemin », aux « Femmes », à la « Modestie » ou à la « Vérité », réfléchit au principe même de l’humour juif, partie intégrante du judaïsme. À ses origines, à sa raison d’être, à sa structure et à son rôle — tout en racontant des witz dont les héros immortels sont Moïshe le tailleur, le docteur Lévy, le petit Maurice, madame Taïeb ou le mythique Ch’ra d’Afrique du Nord. Et le livre se termine sur une question comme celle qu’attend le rabbin qui parcourt son shtetl en criant : « J’ai une réponse, posez-moi une question ! » Né à Budapest en 1941, Adam Biro a écrit des recueils de nouvelles traduits en plusieurs langues, un roman, des essais et des pièces pour France Culture. Après avoir dirigé le département « Livres d’art » de Flammarion, il a fondé sa propre maison d’édition. © Sylvie Bensaid

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DANSE

Venezuela La Batsheva Dance Company et Ohad Naharin

Du 12 au 27 mai Théâtre national de Chaillot Avec Venezuela, la Batsheva Dance Company et Ohad Naharin retrouvent la scène de Chaillot le temps d’une grande fresque dansée. Un sommet de virtuosité. Peu de chorégraphe ont, comme Ohad Naharin, marqué de leur empreinte créative la danse mondiale. Chaque passage de sa compagnie bouleverse les spectateurs. L’osmose entre les danseurs et leur créateur est à nouveau convoquée dans Venezuela. Il y est question d’un dialogue permanent -et parfois conflictuel- entre le mouvement et sa représentation. Ohad Naharin pose les questions à sa manière, virtuose, multipliant les pistes, affolant nos perceptions, déroutant nos certitudes. La chute des corps selon Ohad devient ici un geste éperdu, la transe scelle les pas dans un unisson majeur, les drapeaux maniés deviennent un décor en mouvement. Plus que jamais, les interprètes de la Batsheva lient leur énergie dans un élan généreux. Et, lorsqu’un danseur tend la main vers le public, Venezuela touche au cœur. Le choix musical, enfin, accentue la dimension spirituelle de la pièce, osant le télescopage des chants grégoriens et du rock. Il faut alors tout le génie d’Ohad Naharin, et il n’en manque pas, pour faire de ce voyage chorégraphique une odyssée partagée. Ouverture des ventes le 19 avril © Sylvie Bensaid

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LIVRES

Elena Ferrante, À la recherche de l’amie prodigieuse Salomon Malika

Salomon Malka signe aujourd’hui son tout dernier livre sur Elena Ferrante « A la recherche de l’amie prodigieuse». Flanerie napolitaine autour d’une belle énigme littéraire. Malgré le succès de sa saga « l’Amie Prodigieuse », Elena Ferrante a choisi de rester dans l’ombre. Dès les premières pages, le ton est donné. Le journaliste Salomon Malka s’interroge sur la légitimité d’un auteur à vouloir garder l’anonymat Il mène l’enquête, à la rencontre de proches, de connaisseurs, de traducteurs, d’éditeurs, de spécialistes, pour décrypter l’un des mystères littéraires les plus fascinants de notre époque L’amie prodigieuse, cette saga qui fait couler beaucoup d’encre est une très bonne lecture immersive. Je suis tombée je l’avoue, sous le charme de cette « amie prodigieuse ». Le mystère autour de la personnalité de l’identité de l’auteure a t il alimenté ma curiosité ? Qui est l’autrice de L’Amie prodigieuse ? Quatre romans napolitains, publiés sous le titre générique de L’Amie prodigieuse, adaptés ensuite en série télévisée, ont fait sensation dans le monde entier, remportant un succès considérable en Italie, en France, en Allemagne, aux États-Unis... Pourtant, ces romans, traduits en 42 langues et vendus à plus de 5 millions d’exemplaires n’ont donné lieu à aucune interview filmée, ni aucune séance de dédicaces. Ce livre met en regard l’itinéraire d’Elena Ferrante avec ceux d’illustres prédécesseurs ou contemporains, interrogeant l’origine de l’inspiration, la fabrication du romanesque, le rôle du mensonge... Salomon Malka tente de lever le voile sur l’un des mystères littéraires les plus fascinants de notre époque. L’autrice a choisi de rester dans l’ombre. Le mystère demeure : qui est Elena Ferrante ?

Salomon Malika

S’agit-il du pseudonyme d’une autrice (ou d’un auteur) bien plus célèbre ? D’une écrivaine qui refuse la notoriété ? Ou bien Elena Ferrante est-il le pseudonyme derrière lequel la traductrice Anita Raja et l’écrivain Domenico Starnone se cachent pour écrire cette saga à quatre mains, comme l’affirme le journaliste italien Claudio Gatti ? Ce qui est certain c’est que l’auteure est une Napolitaine. Naples est omniprésente dans ses récits, elle est au centre de l’histoire. Salomon Malka revient sur des éléments très importants et sur les différents échanges qu’il a eu avec différentes personnalités pour étayer les hypothèses sur la véritable identité d’Elena Ferrante. L’auteur s’interroge également sur la condition de fille de rescapée de la Shoah d’Anita Raja, alors que cet élément essentiel n’apparaît pas dans l’œuvre d’Elena Ferrante. Écrivain, élève et disciple d’Emmanuel Levinas, Salomon Malka lui a consacré une biographie, Levinas, la vie et la trace. Il a dirigé les dictionnaires Franz Rosenzweig (Cerf, 2016) et Charles Péguy (Albin Michel, 2018). © Sylvie Bensaid

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CINÉMA

Adieu Monsieur Haffmann Un film de FRED CAVAYÉ

Adieu Monsieur Hafmann ou comment un homme ordinaire glisse-t-il lentement vers la collaboration ? Un film de FRED CAVAYÉ. Avec Daniel Auteuil, Gilles Lellouche, Sara Giraudeau... Paris 1941. François Mercier est un homme ordinaire qui n’aspire qu’à fonder une famille avec la femme qu’il aime, Blanche. Il est aussi l’employé d’un joaillier talentueux, M. Haffmann. Mais face à l’occupation allemande, les deux hommes n’auront d’autre choix que de conclure un accord dont les conséquences, au fil des mois, bouleverseront le destin de nos trois personnages. Le film est l’adaptation de la pièce du même nom aux 4 Molières de Jean-Philippe Daguerre. Sortie le 18 mai en DVD, BRD, EST. © Sylvie Bensaid

COMÉDIE MUSICALE

Joséphine Baker Le musical Joséphine Baker - Le Musical à découvrir au cabaret La Nouvelle Eve du 3 au 28 juin 2022 ! Le destin musical émouvant et festif d’une des femmes les plus inspirantes du 20 eme siècle, porté par une troupe de 8 artistes éclatants qui la font revivre comme par enchantement ! Sa vie est un roman, ce spectacle sa lumière ! La billetterie est ouverte : www.talticket.com/evenement/josephinebaker-le-musical-1 © Sylvie Bensaid

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LIVRES

Balagan(e) Corine Braka Balagan veut dire en hébreu désordre., folie ambiante, les traditions qui se multiplient, les croyances qui se bousculent, ces amours et ces désamours entre tous. C’est le titre du roman de Corine Braka pour parler de son alya, préfacé par Shirel la chanteuse qui qualifie cette expérience “d’une quête continue qui passe par l’Amour d’une terre, son histoire”. Vous lirez Balagan d’une seule traite, comme un roman policier et aurez du mal à vous détacher de cette bande d’amis. Ils sont nés ici, ils arrivent de New York, de France ou d’ailleurs... Ils se retrouvent sur le campus de l’université hébraïque de Jérusalem. L’influence de cette ville mythique, leurs rencontres, vont les amener à se bousculer, à prendre des chemins qu’ils n’avaient pas prévus... Un Juif orthodoxe, une Arabe israélienne, une Américaine jewish princesse, un jeune français qui a fini l’armée, une fashion victime étudiante et mère de famille, un jeune homme qui vient de partout, juif par son père, croate par sa mère, à la recherche de son identité, la jolie vendeuse éthiopienne de la macolette (supérette), le surdoué russe. Ils vont filmer en direct leur coexistence sur le campus... Un sujet qui va ouvrir les débats avec humour sur ces vertigineux antagonismes, liés à l’amour, la haine, la guerre et la paix... Et qui mettra en lumière l’existence de cette partie du monde tellement médiatisée qu’on en perd les pédales. Merci à Corine Braka de nous avoir plongé dans ces ressorts de l’aloyau qui traversent tout juif qui se pose des questions sur son parcours Nous avons été embaumés par les parfums tant olfactifs que spirituels d’israël traversée de courants aussi divers qui réussissent à créer une unité originelle.

“Ce qui m’a spécialement captivée dans l’écriture de mon roman, c’est de décrire l’humanité dans la richesse de sa diversité. Chacun porte ses blessures, ses idéaux, ses imperfections, ses audaces, ses complexes, ses forces et ses faiblesses” confie l’auteur. Ce Balagan est finalement un ordre suprême Dépêchez vous de lire ce livre passionnant avant qu’un film, en projet, ne réduise vos capacités d’imagination. Vous trouverez dans ce roman la recette qui permet de conserver une jeunesse féconde Balagan, Editions MAIA. © Sylvie Bensaid

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LIVRES

Juive et républicaine L’école Maïmonide Joseph Voignac Le premier lycée juif de France Dans une démarche à la fois historique et sociologique, l’ouvrage retrace l’histoire de l’école Maïmonide, qui allie depuis presque 90 ans éducation républicaine et éducation juive. Créée en région parisienne en 1935, elle a traversé les traumatismes et les bouleversements qui ont agité la vie et l’identité des Juifs en France tout au long du XXe siècle. Elle a vu passer des personnalités aussi différentes qu’Elie Wiesel, Serge Klarsfeld, Daniel Sibony ou Daniel Cohn-Bendit dont la mère y a été intendante.

L’auteur

Joseph Voignac Né à Paris en 1991, Joseph Voignac a été élève à l’école Maïmonide jusqu’en classe de terminale. Titulaire d’un master en histoire européenne de l’université de Cambridge, il est l’auteur de nombreux articles sur l’éducation juive et sur le sionisme en France. Juive et républicaine, l’école Maïmonide est son premier livre. © Sylvie Bensaid

Le petit étranger Annick Perez Dans la lignée de son précédent roman “Une nuit à Carthage”, Annick Perez nous plonge avec “Le petit étranger” dans son thème de prédilection le déracinement, traité ici de manière irrésistible. Dans les années 60, Loic Bana un petit garçon d’une dizaine d’années, se retrouve à Montrouge dans cette bâtisse rouge de l’avenue Verdier, cette ville qu’il arpente seul, la clé de l’appartement autour du cou qu’il oublie bien souvent . Pour faire face aux soubresauts de sa nouvelle vie, où l’Histoire tunisienne a contraint ses parents à s’établir précipitamment suite aux événements de Bizerte, l’enfant se faufile entre les mailles du filet. Au fil des pages, on saisit le portrait de Loïc dont l’enfance est un chemin bordé d’épines. Les intrigues se poursuivent. L’arrivée des Zuili , une famille très colorée et déjantée, de Jean Jacques Goldman le chanteur, mais surtout de Monique une amie de classe pas comme les autres va changer le cours de sa vie. Il met au point un plan complètement fou avec Ivan l’un des fils zuili pour lui sauver la vie. Ce livre questionne sur le déracinement et l’intégration. Comment se faire une place quand on arrive après les autres, comment s’adapter aux nouvelles conditions de vie bien souvent bien difficiles ? La grande force du roman repose sur le fait de capter le réel, de présenter des personnages qui nous ressemblent, prolongation d’un présent déjà passé. Une écriture heureuse, une très belle histoire, d’une tendresse folle qui met en scène des personnages tellement attendrissants. © Sylvie Bensaid

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SHOPPING

SY LVI E

BENS A ID

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