TJ-Info Magazine N°73 - SEPTEMBRE/OCTOBRE/NOVEMBRE

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SEPTEMBRE / OCTOBRE / NOVEMBRE 2019 (5780) - NUMÉRO 73 (OFFERT)

5 7 8 0 5780 « Mon bien aimé est

... UNE ANNÉE descendu dans son jardin » PLEINE — Cantique des cantiques DE DOUCEUR GEORGES BENSOUSSAN CLAP DE FIN

LAURENT LEVY SIMPLE ET MULTIPLE

UN CAFÉ AVEC PATRICK HADDAD MAIRE DE SARCELLES



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ÉDITO Yiddish pour tous - CULTURE

P4

COMMUNAUTÉ

P6

Laurent Levy, simplet et multiple INTERVIEW

P10

Liebe-Léa-LinaINTERVIEW

P12

Bensoussan - Clap de fin - SOCIÉTÉ

P16

Le cantique des cantiques - CULTURE

P20

Ma mère s’appelait Ittoch la sublime PORTRAIT

P22

France : Danger ! - FRANCE

P24

Le blasphème n’est pas un délit SOCIÉTÉ

P25

Un café avec... Patrick Haddad, maire de Sarcelles - INTERVIEW

P26

Le nouveau centre culturel juif de Boulogne-Billancourt - INTERVIEW

P32

COMMUNAUTÉ

P34

Le « kiss-kiss » de la coolitude SOCIÉTÉ

P34

Les jours redoutables - CINÉMA

P36

Monsieur et Madame B habitent escalier C - SOCIÉTÉ

P38

CINÉMA

P39

Kosher in Lisbon - TOURISME

P40

Le Schmock - LIVRES

P42

THEÂTRE

P43

La fourchette - DOCUMENTAIRE

P44

L’an prochain à Tel Aviv - ISRAËL

P45

Un automne en beauté ! SHOPPING

P46

Edité par : SAS TJ INFO Directeur de la publication : André Mamou Rédacteur en chef : André Mamou Directrice de la rédaction : Sylvie Bensaid Secrétaire de rédaction : Michelle Delinon Avec la collaboration précieuse de Sarah Cattan et de Michèle Chabelski Directrice de la publicité : Sylvie Marek Chef de publicité : Jeanine Konforti Maquette : Emmanuel Lacombe Crédits photo : Alain Azria, Wikipédia, Wikimédia Commons, Flickr Commons, Pixabay... Illustration couverture : Marc Chagall « Le cantique des cantiques » Commission paritaire en cours.

5780 L

e magazine de Tribune Juive a un titre qui est un chiffre : 5780, celui de la nouvelle année hébraïque. Shana tova, une bonne année, et on ajoute le souhait central des vœux « Ve metouka » et douce. De la douceur avant toute chose ! La haine, la violence devraient disparaître, on l’espère depuis toujours et on le répétera. Un quartier de pomme trempé dans du miel : un symbole. En vain ? En vain. La France ne va pas si mal. Elle a encore trop de chômeurs par rapport aux autres pays européens mais la couverture sociale du chômage n’est pas la même. Devant elle, une montagne à escalader, la mère de toutes les réformes, 42 régimes spéciaux de retraite à faire disparaître, un régime unique à créer : des opposants, des mécontents, les aigris et les violents. La France n’est pas apaisée : policiers, enseignants, éleveurs, contribuables, beaucoup d’agitation, de rancoeur et quand

c’est calme ce n’est que de la résignation. Courage Monsieur le Président ! Ils sont musulmans, et pour la plupart pas forcément islamistes. C’est difficile de trier, il y a cinquante nuances de vert. Vous les croyez vous, les discours sur la conspiration des Frères musulmans et sur le thème du grand remplacement ? Pour certains, ce n’est qu’un fonds de commerce, et pour tous les autres un grand déni ou alors une sourde inquiétude, en tout cas, un malaise diffus. Les problèmes identitaires, la République En Marche ne saurait les ignorer. Au Moyen Orient, un pays si petit qu’il ne contient pas son nom sur les cartes , est devenu une puissance militaire et économique. Ses chercheurs sont des « trouveurs » ... Autour de lui des ennemis impitoyables financés et dirigés par l’Iran qui construit des bases, stocke des roquettes et des drones en attendant d’acquérir la bombe nucléaire . Israël observe et ses dirigeants se disputent le pouvoir. On peut frémir. Et nous ? Les Français juifs Les shken et les seph, les religieux, les traditionalistes, les libéraux, les athées aussi, les juifs de cour et ceux qui les moquent ... les grosses foules aux offices de la Synagogue de la Victoire, et les tout juste minian de 10 hommes aux synagogues des villes désertées par les Juifs . Comment envisager l’avenir ? Le regroupement ou une nouvelle diaspora ? Beaucoup de maires souhaitent garder leurs administrés juifs, nous les connaissons et ils ont droit à notre reconnaissance. ! Bonne année à nos lecteurs, à tous nos soutiens, à nos amis ! Bonne année à Israël et bonne année à la France ! Tribune juive

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CULTURE

YIDDISH POUR TOUS ET SES 14000 ADHÉRENTS Par MICHÈLE CHABELSKI

Q

uelqu’un a posté l’autre jour A yiddishe Mame…

Évidemment les larmes ont coulé… Imagine-t-on qu’on pleurerait si quelqu’un nous rappelait … par exemple Elle va mourir

la mamma… Non bien sûr… Pourquoi pleure-t-on ? Parce qu’on pense à notre mère ? Pas que.

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On pleure parce que le yiddish ne sera jamais dépouillé de la dimension émotionnelle qui appuie sur un levier qu’on ne maîtrise pas… Alors bien sûr, dans le shtetel, on parlait cuisine, argent… Les jalousies, les haines, les rancœurs n’étaient jamais loin, le quotidien cognait à chaque instant dans la vie de chacun…


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Mais pour nous, les descendants, qui gérons notre quotidien dans la langue du pays où nous habitons, le yiddish est un morceau indissociable de nos parents, le tissu qui nous a façonnés avec leur cœur, leur tête, leurs caresses, leurs cris, leurs rires… Ceux qui n’ont pas entendu dans leur enfance cette langue souvent articulée pour se cacher des enfants francophones ou simplement parce que les locuteurs étaient moins à l’aise dans cette nouvelle langue apprise sur le tas ont une chance d’en percevoir les subtilités et les spécificités grâce à ce site et aux efforts de l’infatigable Charles. Je profite donc de son absence pour le remercier du fond de mon cœur et m’associer à sa demande de participation pour ne pas laisser mourir ce joyau de notre culture, cette expression inégalable de notre ADN, reconnue par nos amis séfarades et même quelques amis non Juifs… Nous sommes 14000. Répartis dans le monde entier. Et nous savons que tout le monde ne peut bénéficier des avantages multiples de l’Association qui se bat pour conserver vivante cette langue précieuse et sa culture…

Que vous viviez en France ou à l’étranger, ce geste, une mince cotisation (que vous pouvez augmenter à votre guise) sera votre participation à la survie du rayonnement du yiddish et symbolisera la petite flamme qu’on allume pour entretenir la mémoire d’un disparu. Nous leur devons bien ça. YIDDISH POUR TOUS, C’EST AUSSI UN BLOG, C’EST AUSSI UNE RADIO

Ici, les chroniques, histoires, publications et articles des auteurs de Yiddish pour tous sont éditées régulièrement, vous permettant de suivre vos auteurs préférés et de fouiller dans les archives des nombreuses publications à votre guise et dans un confort de lecture optimal. L’association des Amis de Yiddish pour tous, c’est avant tout un groupe d’amis, d’aficionados, de curieux et de passionnés de la langue et de la culture Yiddish. Ce sont des rencontres, un Ciné-Club, un Café-Théâtre et Cabaret, des cours de Yiddish, des sorties et voyages, de l’humour, de la littérature, de la gastronomie, de la musique, de l’art et surtout l’accès au riche contenu en ligne de toutes nos publications répertoriées et catégorisées depuis notre groupe FB depuis 5 ans ! … Histoire de la musique Klezmer, Histoires de chansons yiddish, Cuisine et gastronomie, Histoires de cuisine yiddish, Liste de toutes les recettes par titre, Recettes familiales de Yiddish Pour Tous, Les recettes du jeudi d’Alain Taubes, Les recettes du Jeudi de Jean Zilberman. Site internet : www.yiddishpourtous.com LOMIR ALE ZIKH VAYLN UN ZIKH LER-

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NEN TSUZAMEN ! Amusons-nous et instruisons-nous ensemble ! Des chroniqueurs abordent les sujets les plus divers : Pour exemple : Combattantes juives contre le nazisme, Biographies, Traces Ashkénazes, Le Paris Yiddish en 1910, Quand Israël meurt, Lieux de mémoire : La synagogue de Besançon, Ephémérides, Leçons de Yiddish, Ateliers de lecture par Régine Bloch Federer, Aphorismes et proverbes, Mots yiddish courants du loshn-koydesh, Vocabulaire, leçons de Yiddish, Tanakh : le verset du jour. Mais encore : Arts : 1937 : l’exposition Art dégénéré, Serge Prowizur, Littérature : Textes Yiddish en version bilingue, PAUL ELUARD : LIBERTE – ‫– טײהײַרפֿ‬ FRAYHEYT, Marc Chagall par Rosine Lob, Es shoklt zikh / Ça tremble d’Avrom Reyzen par Rosine Lob, Dans le ghetto de Varsovie, voici le mois de Nisan de Binem Heller (1908-1998) par Rosine Lob, Der Tunkeler – A zeltene bibliotek par Rosine Lob, Dans une mercerie de Yosef Tunkel, dit Der Tunkeler par Samy Staroswiecki, Histoires en yiddish illustrées pour enfants, Films et documentaires Et aussi : Chroniques et Podcast de Radio Yiddish Pour Tous : Chroniques de Bat Kama At (Isabelle Rozenbaumas)


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COMMUNAUTÉ

CONCERT EXCEPTIONNEL En soutien aux actions du MAguen David Adom en faveur de la vie, Enrico Macias et ses amis donneront un concert le Lundi 25 novembre 2019 à 19h30 au Théâtre de la Madeleine - 19 rue de Surène - Paris 75008

Dimanche 24 novembre « LA MACHINE DE TURING » avec LE CERCLE DE BUFFAULT L’incroyable destin de Alan Turing, mathématicien anglais qui a brisé le code secret de l’ENIGMA allemande pendant la seconde guerre mondiale... Une page d’Histoire incroyable mais vraie. La pièce a remporté 4 Molières 2019. Théâtre MICHEL - 38 rue des Mathurins, 75009 Paris

Projection privée le mercredi 27 novembre 2019 à partir de 20 heures avec Hadassah France en partenariat avec l’Amif. « Amor » un film de Raphael Rebibo en présence du réalisateur et de la productrice associée Martine Fitoussi. La projection sera suivie d’un débat et d’un verre de l’amitié. Tarif normal : 30 € Tarif bienfaiteur : 70 € Reçu Cerfa Réservation : Weezevent.com

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PARC RENAUDEL

En ce début 5780,

Étienne Lengereau Maire de Montrouge

et le Conseil Municipal adressent leurs vœux les plus amicaux et les plus chaleureux à la Communauté juive de Montrouge et à celle de France.

SHANA TOVA OUMETOUKA

A

l’occasion du passage à l’année 5780, je souhaite adresser mes vœux les plus sincères à la communauté juive de France et aux membres des communautés d’Enghien-les-Bains et de ses environs. Je forme des vœux de paix autour de l’Etat d’Israël, le respect de toutes les communautés juives à travers le monde, la reconnaissance, le développement des identités dans le respect et la culture de chacun. Que la France demeure une terre d’harmonie où triompheront le courage, le bon sens, la tolérance et la solidarité. Car nos valeurs démocratiques et de liberté font de la France une terre de richesse et d’énergie, énergie qui doit être porteuse d’espérance pour toutes les communautés. En mon nom et au nom du Conseil municipal d’Enghien-les-Bains, je forme pour tous mes amis juifs d’Enghien-les-Bains et des environs des vœux de prospérité, de plénitude, de bien-être et de paix. PHILIPPE SUEUR, Maire d’Enghien-les-Bains, 1er Vice-président du Conseil départemental du Val d’Oise

© N.Laverroux

Que ce nouvel an soit propice à la concrétisation des accords de paix pour que chacun vive dans un climat de liberté et de sérénité.

A l’occasion du passage à l’année 5780, j’adresse à la communauté juive de France mes vœux les plus chaleureux de santé, de réussite et d’épanouissement, ainsi que le témoignage de ma profonde amitié. Face à l’ampleur inquiétante prise par l’antisémitisme ces dernières années, il est essentiel de réaffirmer ensemble notre détermination à promouvoir les valeurs de fraternité, de respect, de dialogue, qui sont au cœur de notre idéal de civilisation. Chana tova ! Très belle année à toutes et à tous ! M. Gérard Collomb Maire de Lyon


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COMMUNAUTÉ

Le Centre Européen du Judaïsme sera inauguré le 29 octobre prochain place de Jérusalem par le président de la république Emmanuel Macron.

Installé Porte de Courcelles, au coeur du judaïsme français et européen, ce centre se veut et se doit porteur de cette vocation d’accueil, d’échanges et de transmission.

Projet unique en Europe, Porté par le Président des Consistoires Joël Mergui, ce centre sera le grand pôle du judaïsme dans l’ouest parisien, un lieu de vie, d’étude et de cultures juives.

Aujourd’hui, le besoin de structures communautaires est patent dans le 17ème arrondissement, devenu de fait la première communauté juive parisienne en termes de résidence et de fréquentation.

Il constituera le symbole des valeurs républicaines de la Communauté juive.

Ce centre Européen du judaïsme répondra aux besoins de la communauté juive parisienne en pleine mutation.

ÇA BOUGE AU CONSISTOIRE DE BORDEAUX L’ACIG (association culturelle israélite de la Gironde présidée par Erick Aouizerate organise un séminaire de réflexion sur les défis contemporains du judaïsme français. Dimanche 10 et Lundi 11 novembre à Bordeaux. En présence du Grand Rabbin de France Haim Korsia, du Président du Consistoire Cebtral Joël Mergui.

Différents ateliers animés par des chercheurs, des philosophes, des rabbins, porteront sur :

• l’éducation et l’avenir de la jeunesse • la place de la femme dans l’espace synagogue, • la conversion • la formation des Rabbins, • accueil de la différence • Judaïsme orthodoxe Deux journées de réflexion et de conservation, ayant pour but de rechercher des propositions pour le judaïsme de demain.

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chana tova ! Ensemble dans le mouvement pour cette année 5780 ! Les rabbins Floriane Chinsky, Philippe Haddad, Delphine Horvilleur, Yann Boissière et Jonas Jacquelin, avec Jean-François Bensahel, président de l’Ulif-Copernic, Gad Weil, président du MJLF, les conseils d’administration et toute l’équipe de Judaïsme en Mouvement vous présentent leurs meilleurs vœux.

Depuis 1945 au service de la protection de l’enfance

Fondation OPEJ 10 rue Théodule Ribot 75017 Paris T. 01 46 22 00 87 www.fondation-opej.org

Rejoignez-nous : judaismeenmouvement.org


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CITATIONS INTERVIEW

LAURENT LÉVY SIMPLE ET MULTIPLE OPTICAL CENTER, HÔTEL, MUSIQUE, CLUB DE FOOT... par SYLVIE BENSAID

C

rée en 1991 par Laurent Lévy Optical Center est aujourd’hui la 3ème enseigne en France en optique et audition. La chaine est à la tête d’un réseau de plus de 600 magasins en France Métropolitaine, dans les départements d’Outre-Mer, mais également à l’International avec une présence en Belgique, en Espagne, au Luxembourg, en Suisse, en Israël et au Canada, avec 3600 collaborateurs. La chaine Optical center est élue « Opticien préféré des français ». Sans cesse en mouvement, Laurent Levy entrepreneur avisé est notre homme de la nouvelle année. Pour Tribune Juive il a accordé une interview exclusive.

Tribune Juive : Depuis 2005 vous êtes installés à Jérusalem, comment vous sentez vous ? Laurent Levy : Je me sens très bien. En 2005, j’ai décidé de faire mon alyah avec femme et enfants. Pour moi, Il n’y a plus de sens de vivre en France. Je souhaite accomplir ma mission, celle de rejoindre notre peuple. La Thora se pratique mieux en Israël.

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11 La première année a été celle de l’intégration et ensuite, je me suis mis au service du pays pour savoir ce que je pouvais apporter. Tribune Juive : Combatif dans vos projets, vous êtes aussi un philanthrope. Vous avez créé la fondation Mishkan Areiya (Le centre la vision) Optical Center à Jérusalem ? Laurent Levy : Oui Nous offrons aux personnes nécessiteuses, aux enfants âgés de 6 à 20 ans ainsi qu’aux personnes de plus de 60 ans, des milliers de lunettes et accessoires auditifs chaque mois aux habitants de Jérusalem et des environs. Cette fondation se présente sous la forme d’un magasin de 1 000 m², équipé de 3 cabines d’optométrie et d’une cabine de Basse Vision, avec une offre de 2 000 montures. Les clients doivent débourser 20 shekels (5 euros environ) pour une paire de lunettes. Ce prix symbolique responsabilise les porteurs, notamment les enfants. Il préserve aussi leur dignité. Tribune Juive : N’êtes vous pas concurrents de l’« Opération lunettes » menée par Gil Taieb ? Au contraire nous sommes ravis et coopérons avec Gil dans cette formidable opération qui se déroule une fois par an et à chaque fois dans un lieu différent. Notre fondation intervient, elle, tout au long de l’année. Tribune Juive : Vous vous lancez également dans le tourisme ? Laurent Levy : Un plan pour la construction d’un complexe hôtelier de 700 chambres environ devrait voir le jour à Migdal en 2025. Ça devrait être le plus grand hôtel club du pays. Je souhaite participer à la transformation du Nord d’Israël.

comprend un Musée de la Musique Juive, une boutique, une galerie d’art et de musique, une école de musique, danse voix et comédie, une hôtel de la musique. La musique est une des sagesses qui atteignent l’âme, d’après le Gaon de Vilna. Elle résonne dans chaque être humain dans les sphères qui nous dépassent, qui nous transcendent. C’est pourquoi, il m’a paru naturel de créer ce concept de réunion autour de la musique. La musique accompagne mes activités personnelles et professionnelles Guitariste, je joue une fois par mois dans le groupe KitKar Hamusica Band. Tribune Juive : Très éclectique , Vous êtes aussi un mordu de football ? Laurent Levy : Oui le football est mon sport favori Le Jérusalem Football Club a fait son entrée en « Ligue A » (5 ème division) en septembre 2019. Le Football est devenu le sport le plus suivi et le plus médiatisé de la planète. Jérusalem est notre source d’énergie, nous souhaitons diffuser la meilleure image de Jerusalem L’objectif est d’en faire une équipe internationale d’ici dix ans Tribune Juive : Vous êtes aussi écrivain ? Laurent Levy : Ecrivain c’est beaucoup dire. J’ai écrit un livre « Les 7 clés pour réussir » où j’explique mes méthodes de management, comment réussir dans les univers professionnels très concurrentiels. Dieu m’a donné la capacité d’inspirer la confiance, révéler un potentiel, miser sur le capital humain. Tribune Juive : Laurent Levy, merci et Shana Tova. 

Tribune Juive : Hyperactif, nous multipliez et diversifiez vos pôles d’intérêt et vous investissez dans des domaines différents, par exemple la musique, la place Kikar Hamusica, un concept unique au monde dont vous êtes très fier ? Laurent Levy : La création au centre de Jérusalem de la place de la musique KiKar Hamusica

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INTERVIEW

LIEBE-LÉA-LINA INTERVIEW DE DR LINA STERN, PROFESSEUR DE PHYSIOLOGIE PREMIÈRE FEMME PROFESSEUR À L’UNIVERSITÉ DE GENÈVE

N

ous avons retrouvé le manuscript de cette interview de Madame Lina Stern, Professeur de physiologie de l’Université de Genève , à la veille de son soudain départ pour l’URSS en 1925. L’interview était prête, mais n’a jamais été publiée, pour des raisons qu’on ignore. Tribune de Genève : Bonjour, Madame le Professeur, et un grand merci pour cete interview exclusive. Nos lecteurs sont fascinés par votre parcours unique et par votre décision inattendue de quitter la Suisse pour l’URSS. Lina Stern : Bonjour. Commençons tout de suite, parce que j’ai peu de temps – trop de travail, surtout avant mon départ. TG: Je comprends. Tout d’abord, dites-nous pourquoi vous partez maintenant, après tant d’honneurs reçus chez nous – étrangère, vous avez fait ici votre carrière, vous êtes devenue la première femme professeur de l’Université de Genève ? Grâce à votre réputation scientifique internationale, vous auriez pu vous établir dans une des universités les plus prestigieuses de la planète – Cambridge, Princeton, la Sorbonne. Et vous choisissez quoi – l’enfer, voire le paradis des Bolcheviks, le pays où il n’y a ni démocratie ni les conditions permettant une recherche scientifique digne de ce nom ! LS : C’est une décision idéologique – je crois en le communisme et j’aime ma patrie. Il me semble qu’en ce moment mes connaissances scientifiques y seront plus utiles qu’ici. TG : Votre patrie ? Mail il me semble que vous avez atterri à Genève justement parce que votre douce patrie vous avait rejetée. LS : C’est vrai, mais c’était à l’époque des tsars. La Révolution d’Octobre a rétabli la justice sociale. Maintenant, la Russie est une vraie démocratie,

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13 la démocratie du people. Et les Juifs soviétiques ont les mêmes droits que les autres citoyens.

TG : OK, avançons. Comment avez-vous atterri à Genève, en 1898, si je ne me trompe pas ?

TG : Du peuple ? Vous plaisantez ? Quand tous les intellectuels russes ont quitté leur patrie !

LS : en 1898, c’est exact. Vous savez, j’ai grandi dans une famille juive aisée, en Lettonie (à l’époque une province russe). A la maison et à l’école, on parlait allemand.

TG : Quelle faculté avez-vous choisi ? LS : La faculté de médecine.

OK, passons à la question suivante. Est-ce vrai que, bien que première femme professeur extraordinaire à l’Université de Genève, vous étiez quand même fortement limiteé dans les moyens financiers qu’on vous a accordés pour la recherché, et qu’on vous a refusé le poste de professeur ordinaire ? LS : Oui, mais c’est plus compliqué que ça. TG : C’était à cause de vos origines russe et juive et de votre opinion politique pro-bolchevique ? LS : Evidemment, mes origines, mon sexe et mes opinions politiques suscitaient une certaine méfiance dans la société suisse, qui reste assez conservatrice, malgré tous les signes de progrès. Mais je répète que j’ai pris cette décision moimême. TG : Des rumeurs courent selon lesquelles vous avez eu pas mal de tensions avec votre supérieur et coauteur, professeur Fédérico Battelli, et qu’il a mis des bâtons dans les roues de votre carrière académique, notamment dans la polémique concernant le poste de professeur ordinaire ? LS : Comme scientifique, je m’abstiens de commenter les rumeurs. TG : On dit qu’il est fâché par votre décision de partir et qu’il vous enterdit d’emmener avec vous les procès-verbaux de vos propres expériences ! LS : Je n’ai pas de quoi me plaindre. C’est vrai que mes relations avec Frederic Battelli n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille. Pourtant, nous avons travaillé ensemble de longues années, avec de bons résultats scientifiques, et je lui en serai toujours reconnaissante. TG : Il semble que même votre mentor scientique, le professeur Prévost, n’a pas réussi à établir la paix entre ses deux meilleurs élèves ? Je comprends que les relations humaines, ce n’est pas une science exacte, mais plutôt de l’alchimie. Surtout que l’un des deux est son gendre.

TG : C’était une famille religieuse ? LS : Pas vraiment, bien que jusqu’à 8 ans j’aie habité chez mon grand-père rabbin. Mais mes parents étaient plutôt des gens des Lumières. Résultat, je ne pratique pas le judaïsme, mais je tiens beaucoup à mes origines juives.

TG : Y avait-il beaucoup de Russes déjà ? LS : Ah oui, à mon avis autour de 40%, et surtout des filles d’origine juive, parce qu’en Russie tous les chemins étaient barrés pour elles. Vous devez comprendre quand même un détail important – elles étaient plutôt des ressortissantes de familles aisées (comme moi), qui avaient reçu une bonne éducation au gymnase et maîtrisaient les langues. Très peu d’enfants juifs avaient eu cette chance et c’est pour cela que je remercie le destin.

Mon papa avait fait quelques années d’études de médecine à l’université de Königsberg, mais ensuite il est devenu un commerçant à succès. Il respectait beaucoup la science et, vu ma passion pour les études, il m’encouragait comme il le pouvait.

Les étudiants russes habitaient plutôt dans le secteur de l’université, surtout autour de la rue de Carouge, surnommée par eux la “Karougka”. Les Genevois appelaient ce quartier “la petite Russie”.

TG : Et votre prénom de naissance était LiebeLéa ?

LS : Non, pratiquement toutes les étudiantes étaient des Juives russes. Les Suissesses préféraient encore rester à la maison. Avec certaines des mes compatriotes je me suis créé des liens d’amitié pour toute la vie, par exemple avec le Dr Nina Doinova, qui après ses études est restée en Suisse. Et bien sûr avec le professeur Alexei Bach, fondateur de l’école russe de biochimie, qui habitait Genève comme refugié politique (en Russie il était poursuivi pour ses activité révolutionnaires). C’est un biochimiste reconnu dans le monde entier, membre honoraire de la Société Helvétique des Sciences Naturelles. Il m’a beaucoup influencée dans mes intérêts scientifiques.

LS : C’est juste. Plus tard je l’ai “modernisé” en choississant un prénom plus standard. TG : Pourquoi Lina ? LS : Normalement, Lina vient de Angelina ou Paulina. Mais en grec ancien “linos” signifie aussi “une chanson triste”. Alors, j’ai fait mes études dans un très bon gymnase (en allemand) et ensuite j’ai voulu entrer à l’Université de Moscou, pour devenir médecin, plutôt médecin de campagne. Pourtant, à cette époque, les universités de l’Empire russe n’acceptaient que très peu de Juifs. Mon papa espérait que, grâce à son statut social et à ses relations, on pourrait contourner cet obstacle. Hélas, en vain. Voilà pourquoi je suis allée à l’Université de Genève. TG : Mais pourquoi pas Zurich, par exemple, si l’allemand était votre langue maternelle ?

TG : Y avait-il beaucoup de filles à l’Uni ?

TG : Il vit toujours à Genève ? LS : Non, il est rentré en Russie en 1917, après la revolution. Maintenant, le professeur Bach est une figure importante dans la vie scientifique en URSS. C’est lui qui m’a persuadée d’y retourner. TG : Et non pas Lénine et Staline, comme court la rumeur LS: Mais non.

LS : A cette époque, les diplômes de Zurich n’étaient pas reconnus par l’Empire russe, parce que le gouvernement du Tsar se méfiait du virus révolutionnaire que de nombreux étudiants russes de l’Uni de Zurich importaient en rentrant à la maison. Cela concernait notamment les femmes. Voilà…. Et l’Uni de Genève avait une bonne réputation. En ce qui concerne le français, je le maîtrisais également.

LS : Je dois beaucoup au professeur Prévost.

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TG : Des rumeurs disent aussi que les Bolcheviks et Joseph Staline en personne sont très intéressés par vos travaux sur le prolongement de la vie humaine et que c’est pour cela qu’ils vous proposent des montagnes d’or dans leur paradis des ouvriers. LS : C’est n’importe quoi. Ma recherche porte sur l’oxydation biologique et l’enzyme polyphéno-


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INTERVIEW loxydase. C’est de la physiologie pure. TG : Et quelles peuvent être les applications pratiques de votre recherche ? LS : L’application de nos résultats sur la barrière hématoencéphalique a déjà commencé dans la pratique clinique pour des maladies du cerveau et de la respiration. Nous espérons que ça continuera. TG : Nous avons entendu que depuis votre arrivée à Genève, vous étiez proche des révolutionnaires russes exilés ici. Notamment, au début, vous habitiez même dans la famille de Georges Plekhanov, le premier marxiste russe, mentor de Lénine. Suit votre amitié avec le professeur Alexei Bach, lui aussi révolutionnaire. LS : C’est vrai, mais j’étais toujours loin de la politique. Par exemple, à Genève, j’ai connu aussi Haim Weitzmann, un grand chimiste et aussi un fervent sioniste. Hélas, ses idées ne m’ont pas touchée non plus. Mon domaine d’intérêt a toujours été la science. TG : Mais d’où vient alors votre sympathie actuelle pour les Bolcheviks, qui selon vous a influencé votre décision de partir ? Ou est-ce

NOTRE POSTCRIPTUM DE 2019 En URSS, Lina Stern a mené une vie scientifique très riche – elle dirigeait de nombreux instituts de recherche et des revues scientifiques, était appréciée et respectée par ses collègues et même par le gouvernement de Staline. Elle fut la première femme élue membre de l’Académie des Sciences de l’URSS.Pendant la Deuxième Guerre Mondiale, Lina Stern était membre du Comité antifasciste juif de l’URSS, composé de plusieurs scientifiques et artistes d’origine juive, qui faisaient de la propagande antifasciste dans les mileux juifs américains, dans le but de récolter des fonds pour l’Armée Rouge. C’est ici que Lina Stern a réalisé l’ampleur de l’antisémitisme en Allemagne nazie, et plus tard en URSS. En 1943, elle écrivit à Staline une lettre l’informant que certains dirigeants du Parti Communiste bloquaient la nomination des Juifs sur les postes à responsabilité, affirmant que ces actions allaient à l’encontre de la politique d’internationalisme. Staline ne lui a jamais répondu. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les médicaments et méthodes de traitement créés par Lina Stern ont sauvé la vie de millers de soldats soviétiques.

peut-être le Tchéka (police secrète soviétique) qui a introduit ses agents et propagandistes dans votre labo, sous le couvert de jeunes scientifique russes venus à Genève pour des soi-disant échanges scientifiques ? LS : Le Tchéka ? Ces théories du complot sont ridicules.

LS : Je vais prendre un poste de professeur de biochimie à l’Ecole de Médecine de Moscou et organiser des instituts et des laboratoires de biochimie partout où c’est possible. TG : Et votre vie privée ? Etes-vous mariée ? Avez-vous des enfants ? LS : Pas encore.

TG : Ah bon? Et quels souvenirs garderez-vous de la Suisse ? LS : Je serai toujours très reconnaissante à Genève de m’avoir accueillie, de m’avoir donné la possibilité d’étudier, de m’avoir permis de rencontrer mon futur tuteur scientifique, professeur Jean-Louis Prévost, à qui je dois énormément. Il m’a remarquée quand j’étais encore étudiante et m’a mise sur la voie de la recherche. J’ai publié mes premiers articles bien avant la fin de mes études. En 1904, j’ai soutenu ma thèse à Genève et suis repartie en Russie pour faire valoir mon diplôme de médecin et trouver du travail, par exemple comme médecin de campagne. Mais en 1905, professeur Prévost m’a proposé de revenir à Genève pour être son assistante. Je l’ai fait et voilà.

TG : Mais est-ce dans vos plans? Compte tenu des traditions familiales du judaïsme, de l’expression “la mère juive”… LS : On verra. J’attends toujours de rencontrer mon prince charmant. Pourtant, il a y un proverbe Yiddish “Man tracht un Got lacht”, signifiant “L’homme prévoit et Dieu rit.” TG : C’est bien dit. Un grand merci, Lina, pour cette interview exclusive et bonne chance pour votre nouvelle vie dans le paradis des ouvriers et des paysans ! Nous espérons que vous allez bien poursuivre votre “linos”, votre chanson et qu’elle ne sera pas triste. LS : Merci 

TG : Oui, je vois. Et quels sont vos projets scientifiques et pratiques en arrivant en URSS ?

Lina Stern a toujours rêvé de récupérer les procès-verbaux de ses anciennes expériences, qui restaient bloqués à l’Université de Genève par ordre du professeur F. Battelli. Ses démarches, notamment lors de ses nombreuses visites à Genève, sont restées vaines. Pendant la Guerre Froide, Lina Stern est tombée en disgrâce. Lors de la campagne anti-sémite en URSS, son travail a été condamné comme “sioniste”. Ensuite elle a été arrêtée et jugée avec tous les membres du Comité antifasciste juif. Lina Stern fut la seule à échapper à la peine de mort – la rumeur disait que c’était la décision personnelle de Staline, qui espérait que Lina Stern puisse créer pour lui un médicament qui prolonge la vie. Elle fut condamnée à un exil de 5 ans à Jambul, une petite ville perdue d’Asie Centrale. Après la mort de Staline, en 1953, elle put retourner à Moscou et retrouver son labo. Avec toute son énergie, Lina Stern recommença sa recherche, ceci malgré sa condition physique, très affaiblie en exil. Dès son retour, Lina Stern ne se gêna plus de critiquer les défauts politiques de l’Union Soviétique, notamment le traitement hypocrite des Juifs. Elle se sentait alors plus juive que jamais auparavant. Toute sa vie, Lina Stern entretint une relation d’amitié avec Maurice Battelli, fils de Fédérico Battelli et petit-fils de Jean-Louis Prévost. Lina Stern est décédée en 1968, auteur de 250 articles scientifiques, honorée au niveau international comme pionnière en neurosciences. Elle vécut célibataire, sans enfants. Une rumeur circulait selon laquelle

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dans sa jeunesse, encore à Genève, elle avait eu une liaison romantique avec un scientifique britannique. Le couple était déjà fiancé, mais lorsque le jeune homme lui exposa comment il envisageait leur vie future, avec Lina comme femme au foyer, elle mit fin à cette relation. Tous deux restèrent célibataires et gardèrent leur amour jusqu’à la fin. Dixi. Lina Stern est enterrée à Moscou dans le prestigieux cimetière Novodevichy. Sa ”linos”, la chanson de sa vie, est aussi magnifique que triste. La mémoire de Lina Stern, la première femme professeur, est toujour vivante à Genève – aujourd’hui l’EVE (espace de vie enfantine) de l’UNIGE porte son nom.  Dr Serge Hazanov


Christian Estrosi Maire de Nice Président de la Métropole Président délégué de la Région Sud, Provence Alpes Côte d’Azur

Cher(e)s Ami(e)s L’année 5779 qui s’achève pour laisser place à 5780 conserve notamment l’empreinte de deux éléments sur lesquels nous souhaitons revenir, afin d’exprimer la permanence sans faille des liens qui nous unissent avec la communauté juive azuréenne et nationale, ainsi qu’avec l’État d’Israël. D’une part, nous avons veillé à ce que les soixante-dix ans de ses relations diplomatiques avec la France soient marqués formellement à Nice, un an après la commémoration de la Renaissance célébrée par David Ben Gourion le 14 mai 1948. De plus, Nice Côte d’Azur est désormais reliée directement à Tel Aviv (dont l’aéroport porte le nom de l’ancien Premier Ministre israélien) par des vols réguliers de la compagnie El-Al. D’autre part, nous déplorons profondément que l’odieux antisémitisme, qui tue et blesse, reste présent en Europe et dans le monde : il doit être combattu sans aucune concession et sans la moindre faiblesse. Ce combat de chaque jour passe notamment par un devoir de mémoire actif et permanent : les voyages à Auschwitz initiés voici plus de quinze ans et qui ont permis à des milliers d’élèves, accompagnés de leurs enseignants, de découvrir l’horreur de la réalité concentrationnaire.

Notre travail commun dans la lutte contre l’antisémitisme, que ce dernier prenne la forme de l’antisionisme ou de la « judéophobie », doit mobiliser les pouvoirs publics, les associations et tous les acteurs sociétaux dans un combat par essence républicain. Nous voulons rappeler que notre pays a affirmé, le 29 septembre 1791, la pleine citoyenneté des Juifs français par un décret de Louis XVI intervenu, jour pour jour, deux cent vingt-neuf ans avec la fête de Roch HaChana 5780. À l’aube de cette nouvelle année, nous vous souhaitons de très belles fêtes de Tichri. La triple symbolique du Jugement avec Roch HaChana, du Pardon avec le jour de Yom Kippour, et de la Réflexion sur la condition humaine avec Soukkot nous tient particulièrement à cœur. Chaque automne, nous prenons un repas sous la Soukkah, afin de mesurer la valeur éthique de ce moment de solidarité fraternelle et de parfaite égalité, partiellement abrité par le toit ajouré composé de palmes soigneusement disposées. A toutes et à tous, nous adressons des vœux de CHANA TOVA OUMETOUKA, pour que l’année 5780 vous apporte, ainsi qu’à vos familles, la santé, le bonheur et la joie.


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SOCIÉTÉ

Georges Bensoussan Clap de fin. Adresse aux lâches qui ne l’ont pas soutenu par SARAH CATTAN

L

e procès intenté à Georges Bensoussan fut un événement politique, judiciaire et historique d’une gravité exceptionnelle et dont les livres d’Histoire à venir feront écho. Ils nous parleront, ces livres, de ces temps où, sous la pression de toute une cohorte de bien-pensants, un tribunal prétendit régler des différends intellectuels, mais encore de cette odeur rance.

Lorsqu’on en vit se ranger aux côtés de ceux qui avaient pour projet sombre de museler la pensée.

le nom1 de leur responsable éditorial, entaché qu’il était suspecté du crime … d’islamophobie.

Mais encore de ces âmes noires. Celles que l’on vit, au sein-même de la Direction du Mémorial de la Shoah, lâcher leur historien. Prendre une distance honteuse avec celui que tous auraient dû épauler. Allant jusqu’à tenter d’effacer

Alors que son travail au sein du Mémorial de la Shoah est gravé dans tous les esprits et le restera à jamais en dépit de ce que, par euphémisme, nous nommerons une mise à l’écart, sinon une honteuse répu-

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1 A relire : Zakhor confisqué. Jacques Tarnero. Tribune juive. 14 novembre 2018.


17 diation, L’affaire Bensoussan figurera dans tous les livres d’Histoire à venir. Elle résumera les années noires. Celles du déni des classes dirigeantes successives. Celles de l’offensive de ce qui s’appellera le Djihad judiciaire, face auquel la Justice française, sous le fallacieux et perverti prétexte du Droit à tout prix, flancha plus d’une fois mais le fit à son encontre de façon … surréaliste, avant que d’enfin se ressaisir, 4 longues années plus tard. Il est frappant de voir comment cette longue période, qui eût dû scandaliser un pays tout entier, fut tue. On n’en débattit guère sur les plateaux télé, lesquels étaient depuis longtemps plus enclins à inviter des Boniface et des Liogier pour refaire le monde. On ne parla que peu des raisons du Procès. On ne prit guère davantage la peine de relayer les jugements en première instance et en appel. Et puis, soudain, 4 ans plus tard, après que le Portugal ou l’Italie, par la plume d’Olivier Ypsilantis et celle de Marina Gersony, se fussent emparés de l’Affaire abracadabrantesque et se réjouirent de son issue, les media français, à leur tour, durent bien annoncer … la relaxe. Définitive cette fois. Ce point final. MAIS PEUT-ON METTRE UN POINT FINAL À UN TEL ÉPISODE DE L’HISTOIRE DE FRANCE ?

Y eut-il un débat sur quelque chaîne télévisée ou quelque plateau d’une Matinale ? Vous plaisantez. Je n’ai vu, pour ma part, Georges Bensoussan répondre qu’à Benjamin Petrover, dans Conversations avec Benjamin Petrover, sur i24NEWS, chaîne de télévision internationale israélienne. Aussi faut-il, pour l’information respectueuse du citoyen lambda, refaire rapidement l’historique. Rappeler ce samedi matin de 2015, alors que la France venait de vivre les attentats de Charlie hebdo et de l’hyper cacher, où notre homme, dans l’émission Répliques2 d’Alain Finkielkraut, débattait avec Patrick Weil, et rappeler donc ce moment, ô combien souvent 2

Répliques. France Culture. 10 octobre 2015.

écouté, réécouté, décortiqué, autopsié, où l’historien déclara que dans les familles arabes en France, l’antisémitisme on le tétait avec le lait de sa mère. Il citait là, de mémoire, le sociologue Smaïn Laacher, tel qu’il s’était exprimé dans un documentaire diffusé sur France 33 , mais son interlocuteur lui reprocha aussitôt de condamner 4 millions de nos compatriotes collectivement… Car n’avait-il pas, Georges Bensoussan, commis le pire qui fût aux yeux de la police de la pensée ? Généralisé. Donc essentialisé toute une population, à partir des dérives d’une de ses parties. Et Essentialiser revenant à être raciste, voilà notre homme, dans la foulée, dès lors catalogué. Assigné en justice. Accusé du délit d’incitation à la haine raciale. Les parties civiles se sont acharnées à me grimer en raciste alors qu’il tombait sous le sens pour n’importe quelle personne honnête que cette métaphore du lait maternel était culturelle et éducative et non raciale, déclara l’auteur de Juifs dans le monde arabe, lequel dut, assis sur le banc-même où avaient comparu Soral et Dieudonné, se justifier, lui à l’encontre de qui furent utilisés les arguments ordinairement réservés en défense des Juifs victimes de Vichy et de la Shoah, puisque l’une le compara à Drumont et que l’autre, avocat de la LDH, l’accusa d’avoir tenu des propos pré-génocidaires. Ils parlaient bien, tous ceux-là, de l’homme qui fut, jusqu’en juin 2018, directeur de la réputée Revue d’Histoire de la Shoah… Aujourd’hui, alors qu’il a appris sa relaxe par la voix de son avocat Michel Laval, lequel ajouta ce bouleversant Georges, Justice t’est rendue, l’historien, grave, tente d’expliquer que Non Ça n›est pas une victoire mais un soulagement à titre personnel. Ajoutant : On a évité une grande défaite. Cette affaire, d’évidence, était inquiétante pour ce qu’elle disait de la liberté d’expression en France : Si nous avions perdu dans cette affaire, cela aurait été extrêmement grave pour la liberté de pensée et d’expres3 Smaïn Laacher interrogé dans le film de Georges Benayoun, Profs en territoires perdus de la République, inspiré de l’ouvrage dont Bensoussan avait été le coordinateur.

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sion dans le pays. Qui monta au créneau durant ces 4 années ? Combien optèrent pour la prudence extrême. Jumelle du silence honteux. Frère de la lâcheté, quand ce ne fut pas … une forme de collaboration. Certes Alexandre Devecchio. Certes Martine Gozlan. Certes Finkielkraut. Certes Bruckner. Certes Autopsie d’un déni d’antisémitisme, ce document précieux4 qui rassembla des textes d’historiens, de journalistes et d’intellectuels qui suivirent les débats ou témoignèrent au procès. Certes un Manifeste des 300 contre le nouvel antisémitisme publié par Le Parisien. Certes des dignitaires musulmans pour admettre l’existence d’un antisémitisme structurel dans une partie de leur jeunesse. Ils furent in fine peu nombreux, ces Justes, alors que d’aucuns osaient titrer, le jour même5 du verdict du procès Merah et au lendemain de la nouvelle profanation de la stèle d’Ilan Halimi à Bagneux : En France, un antisémitisme du quotidien, n’osant, collègues du Monde, nommer la montée en puissance, en France, d’un antisémitisme tout particulier et qui avait à voir avec l’affaire Bensoussan : cet antisémitisme arabo-musulman. Celui qui tua, après Ilan, Sarah Halimi. Et puis Mireille Knoll. Cet antisémitisme que le Collectif des Territoires perdus de la République désignait, déjà, en 2002. L’AFFAIRE BENSOUSSAN LAISSERA EN NOUS UN GOÛT ÉMINEMMENT AMER

Que ce procès eût pu avoir lieu, là où le débat eût dû se faire entre gens civilisés assis à une même table. Que des professionnels de la lutte anti-raciste eussent pu se joindre au CCIF. Que seules, à l’exception de rares autres, des voix juives, dépassant la crainte d’être accusées de communautarisme, se fussent élevées, comme si la lutte contre l’antisémitisme n’était pas le combat de la France entière et qu’elle restait réservée aux seuls Juifs. 4 5

L’Artilleur. 2 novembre 2017.


18 Que le Parquet eût poursuivi, et par deux fois ! Que le camp de la bien-pensance antiraciste, de SOS Racisme à la LDH, se fût accroché à la locomotive du CCIF. En navrant et inoubliable attelage. Que la LICRA fût présente en première instance ! Assise sur le banc des parties civiles, aux côtés du Comité contre l›islamophobie en France. Donnant une interprétation si caricaturale des propos incriminés qu’elle divisa ses adhérents et amena Alain Finkielkraut à démissionner du comité d’honneur au lendemain même du procès, accusant l’association de s’être déshonorée en optant pour l’inquisition.

pour initier les poursuites était une chose. Qu’il eût, aux côtés du CCIF et de la LDH, relevé appel du jugement de relaxe en est une autre. Consternante. Rejoignant dans nos esprits la plaidoirie en première instance du ministère public, discours qui laissera des traces lorsque l’Affaire sera abordée dans les écoles. Et elle le sera. En cours d’Histoire politique. De droit. De philosophie. Ainsi, Le 17 septembre 2019, la Cour de cassation de Paris, Chambre criminelle, en rejetant le pourvoi formé par la LDH, la LDDH, le CCIF et l’association SOS soutien ô sans-papiers, parties civiles, a confirmé les jugements de première instance et en appel.

NOUS AVONS ÉVITÉ UNE CATASTROPHE INTELLECTUELLE ET UNE CATASTROPHE MORALE

L’OCCASION DE FAIRE LA PART ENTRE LES COMBATTANTS ET LES OPPORTUNISTES

Que La Cour de cassation eût rejeté les pourvois des parties civiles accusant Georges Bensoussan d’incitation à la haine et confirmât aujourd’hui sa relaxe, lavant l’honneur de l’historien, ne peut nous faire oublier ce qui n’aurait jamais dû être, et qui pourtant exista, symbole de la judiciarisation croissante du débat d’idées en France, et cela sous l’effet d’une perversion de l’esprit démocratique.

Si un échec dans ce procès eût été désastreux pour notre liberté à tous, l’affaire Bensoussan aura également été l’occasion de faire la part entre les combattants et les opportunistes, les résistants et les carriéristes : dans une lettre à son Comité de soutien, l’historien concluait : Quant aux indignes qui auront donné au CCIF la satisfaction que la justice lui aura refusé à trois reprises, l’Histoire les jugera, avant de citer ces paroles de Martin Luther King : A la fin, ce n’est pas des mots de nos ennemis dont nous nous souviendrons mais des silences de nos amis.

Et même lorsque Barbara Lefebvre6 voit à raison dans ladite relaxe l’honneur rendu à la démocratie en raffermissant notre liberté d’expression et la signature de la Bérézina pour les ennemis de ladite liberté, tous désormais, contraints à une prudence hors norme, devrons mesurer le moindre déterminant employé. Peser les risques de nos prises de parole. Puisqu’un mot, donc, sorti de son contexte, pouvait nous faire désormais encourir le risque d’entrer dans une querelle inquisitoriale. Puisqu’un intellectuel, ici, dut comparaître devant des juges au prétexte qu’il avait observé des réalités déplaisantes. Cette Affaire encore ne peut nous faire oublier la dérive de magistrats idéologues : Que le Parquet eût suivi les parties civiles 6 Georges Bensoussan relaxé : une victoire pour la liberté d’expression. Barbara Lefebvre. Figaro Vox. 19 septembre 2019.

Car enfin. Il fallait être particulièrement aveugle ou de fort mauvaise foi pour ne pas décrypter la stratégie du CCIF, dans laquelle s’engouffrèrent honteusement les parties civiles : faire condamner l’historien du Mémorial de la Shoah, lequel ne serait rien d’autre qu’un raciste anti-musulman et anti-arabe longtemps abrité à l’ombre de ses travaux.

démasquée. Mieux : ces signalements pour provocation à la haine, au lieu que d’être éconduits, furent déclarés recevables par le Ministère public ! Et c’est ainsi que l’on trouva Georges Bensoussan assis, après d’autres, dans le box des accusés de la XVIIème Chambre, parce que l’avaient exigé ceux qui, non contents d’avoir semé en France la terreur et assassiné nombre de nos compatriotes, entendaient encore faire taire définitivement les voix qui vous les montraient. Si le tribunal cède à cette intimidation, ce sera à la fois une catastrophe intellectuelle et une catastrophe morale... Si on refuse de voir la réalité et si on incrimine ceux qui s’efforcent de la penser, on n’a plus aucune chance d’échapper à la division et à la montée de la haine, devait dire à la barre Alain Finkielkraut, insistant lui encore sur l’objectif des associations antiracistes qui était d’interdire de penser, de soustraire la réalité à l’investigation et les musulmans à la critique : Je suis étonné d’être ici : car la question n’est pas de savoir si Georges Bensoussan s’est rendu coupable. La question, c’est de savoir s’il dit vrai, avait-il conclu, rejoint par Elisabeth de Fontenay, laquelle déclara mal accepter qu’un chercheur qui faisait état d’études de terrain fût poursuivi. On ne fera pas la fine bouche et l’on se félicitera de la décision de la Cour de Cassation. Mais ils resteront en nous, tels une piqûre, ces mots de Salman Rushdie7 : Quelque chose de nouveau était en train de se produire, la montée d’une nouvelle l’intolérance, elle se répandait à la surface de la terre, mais personne ne voulait en convenir. Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : islamophobie. 

Stratégie désormais aisément reconnaissable en ce qu’elle utilise les moyens du droit qui régissent une société démocratique et que, ce faisant, elle fait passer celui qui la dénonce comme l’agresseur, l’islamophobe. Eh bien cette mascarade n’aura pas été

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Joseph Anton. Une autobiographie. Salman Rushdie. Gallimard. 2012


Patrick Haddad Maire de Sarcelles

François Pupponi Député du Val d’Oise Maire honoraire

et la municipalité souhaitent

une excellente année 5780 à la communauté juive Cabinet du Maire 1, place de Navarre, 95200 Sarcelles Tél. : 01 34 38 21 22 - Fax : 01 39 90 27 10 www.sarcelles.fr


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CULTURE

LE CANTIQUE DES CANTIQUES CHIR HACHIRIM Par CHARLES BACCOUCHE

S

elon Rabbi Akiba : La Bible est sainte, le Cantique des Cantiques est « Saint des Saints ».

Dans les siècles des siècles, depuis des temps immémoriaux, partout ou les juifs ont habité, on a lu, chanté, commenté, récité le Chant des Chants, le poème des poèmes, qui restera à jamais le chant d’amour, le champ de la rencontre des amoureux, de l’Eternel et de son Peuple. Alors que les princes de ce monde attendent que leurs sujets aillent vers eux, ici, c’est le Roi du Monde qui va vers Israël, et qui patiente au cœur des roses, dans le Jardin des noyers ou va s’assoir la fiancée de Dieu.

C’est aussi le chant d’amour qu’échangent le fiancé et la fiancée, elle le dit aux gardiens de la ville et aux filles de Jérusalem, « Soutenezmoi, avec des gâteaux de raisin, donnez moi des pommes, je suis malade d’amour ». Il frappe à la porte: « Je dors, mais mon cœur est éveillé : c’est la voix de mon bien-aimé! II frappe : Ouvre-moi, ma sœur, ma compagne,

ma colombe, mon amie; car ma tête est couverte de rosée, les boucles de mes cheveux sont humectées par les gouttes de la nuit ».

vous en conjure filles de Jérusalem …. N’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour avant qu’il ne le veuille » En effet, « elle est malade d’amour »,

Ils se cherchent et parfois se trouvent et s’enlacent.

Parce qu’il faut de la patience pour que l’amour qui nait, se lève et épanouisse les amants, même lorsque l’amant la reconnaît comme « La plus belle des femmes »

« Il m’embrasse des baisers de sa bouche, ils sont plus délicieux que le vin ». « Il m’entoure de son bras gauche et je mets ma tête sur son épaule » Elle s’efforce de le séduire : « Je suis noire et je suis belle, filles de Jérusalem ». Il la loue: « Je suis le Lys dans la vallée, la rose du Sharon » « Comme le lys au sein des épines, est ma chérie parmi les jeunes filles ». Elle en écho « Comme un pommier parmi les arbres de la forêt, tel est mon amant entre les Jeunes gens » « Il fait flotter sur moi, l’amour » « Sa gauche sous ma tête et sa droite m’enlace, je

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Il la tance « Que tu es belle, mon amie, que tu es belle! Tes yeux sont ceux d’une colombe ». Elle : « Mon bien-aimé est pour moi une grappe dans les vignes d’En-Ghedi ». 2

Shir Hashirim Acher les Slomo, on ne saura pas si le chant des chants est de la main de Salomon le roi sage et puissant d’Israël, ou si, une main miraculeuse et anonyme, l’a écrit pour lui. Ce poème sans égal rapporte la recherche perpétuelle des amants en quête de retrouvailles, d’étreintes tendres et voluptueuses, de fuites, de retours ratés et d’espérances tenues et souvent


21 déçues, ces amants eternels qui maintiennent, entre eux, le fil fragile de leurs amours.

n’est pas de ce monde, que ce Monde n’est pas son lieu, mais qu’il est le lieu du Monde.

On ne lirait que ces merveilles que la langue hébreu profonde et chantante transforme en une poésie inimitable, toute de finesse et de pudeur, en dépit de la vigueur de ses stances, que cela nous aurait suffit,

Il nous dévoile que « le Bien aimé » conduit son peuple sur les pentes escarpées, parmi les Nations sans pardon ;

Non cela ne nous suffit pas, il y a plus, du cantique des cantiques s’élève aussi la louange du pays unique dans ses vallées profondes bordées d’épines et de lys, de ses vents légers qui dévalent des mont Guilad et qui courbent, en passant, les herbes hautes de ses pentes, les brises soyeuses qui balaient la Galilée dans leur course ombreuse, la plaine du sharon, couverte de fleurs ployant leurs corolles dans la lumière souriante du Pays des Rois d’Israël. Cela nous suffirait-il pour porter le Cantique au plus haut de notre joie ? Non pas encore. Enivrons nous des paroles du chant de Salomon ou à Salomon: « Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à mon bien-aimé, qui conduit son troupeau parmi les roses. » Qui est ce bien aimé qui conduit son troupeau parmi les roses ?» qui sont –ils ceux composent ce troupeau ? « Avant que fraîchisse le jour, que s’effacent les ombres, rebrousse chemin, et sois pareil, mon bien-aimé, au chevreuil ou au faon des biches sur les montagnes déchiquetées. Sur ma couche nocturne, je cherchai celui dont mon âme est éprise: je le cherchai mais ne le trouvai point. » Qui est celui « dont mon âme est éprise ? » Qui est il, celui que l’on « cherche et qu’on ne trouve pas ? » Il est audacieux ce poème mais il y en existe d’autres bien plus enlevés, qui troussent de brulantes amours. Mais lisons avec attention, lisons avec des yeux hébreux, le chant des chants, Le cantique « acher léShlomo » : Oui, si nous prêtons une attention aigue et patiente, le texte nous dit que le Bien aimé est en même temps, présent et absent mais qu’il enveloppe Israël d’un amour éternel, qu’il

Nous découvrons surpris, que « Celui dont mon âme est éprise » est le Saint qui trône dans les hauteurs, que l’âme juive le cherche et ne le trouve pas. 3

Mais soudain, c’est un feu dévorant qui jaillit depuis les profondeurs et frappe à la porte, ses boucles sont pleins de la rosée de la nuit qui est l’aube avant le jour. « La nuit la plus noire est une aube qui vient » Edmond Fleg Parce que notre âme est pressée de rencontrer son « Bien aimé » dont l’écho lui apprend à ne pas précipiter l’effusion de l’amour « Je vous exhorte ô filles de Jérusalem, par les biches et les gazelles des champs: n’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour, avant qu’il le veuille. » Mais elle ne se lassera pas la fille de Sion : « C’est la voix de mon bien-aimé! Le voici qui vient, franchissant les montagnes, bondissant sur les collines. » « Le voici qui se tient derrière notre muraille, qui regarde par les fenêtres, qui observe par le treillis ! » « Mon bien-aimé élève la voix ; Debout, mon amie, ma toute belle, et viens-! » Israël a traversé de longs et pénibles hivers, dans la froidure des peuples qui le haïssent pour son espérance sans défaut, dans le retour de son « Bien aimé » « Les gardes qui font des rondes dans la ville m’ont rencontrée: » Avez-vous vu celui dont mon âme est éprise ? » Il nous dit le Poème de Salomon, que nous avons raison de ne pas renoncer, de persévérer dans notre volonté de dire la gloire du DieuUn et qu’Israël est son Elu, son trésor (Ségoula) « Car voilà l’hiver qui est passé, la saison des pluies est finie les fleurs se montrent sur la terre, le temps des chansons est venu, la voix de la tourterelle se fait entendre dans nos cam-

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pagnes » « Les jeunes pousses, les vignes en fleurs répandent leur parfum: debout, mon amie, ma toute belle et viens! ». Voilà l’espérance qui s’avance au grand jour, voici le printemps revenu pour célébrer les noces de l’Eternel avec son Peuple-Israël. « Ma colombe, nichée dans les fentes du rocher, cachée dans les pentes abruptes, laissemoi voir ton visage, entendre ta voix, car ta voix est suave et ton visage gracieux. » Aujourd’hui encore la colombe est cachée dans les fentes du Kotel, attendant le salut la providence, enfin, le retour de la Shékhina La promesse est renouvelée : « Tu es toute belle, mon amie, et tu es sans défaut. Avec moi, viens, ma fiancée, du Liban; viens avec moi; regarde du haut de l’Amana.Tu as capté mon cœur, ô ma sœur, ma fiancée, tu as capté mon cœur par un de tes regards, par un des colliers qui ornent ton cou ». Mais est-ce certain ? « Si vous le voyez, filles de Jérusalem dites lui que je suis malade d’amour » en effet « J’ouvre à mon bien-aimé, mais mon bien-aimé est parti, a disparu mon âme s’était pâmée pendant qu’il parlait; je le cherche et je ne le trouve point, je l’appelle et il ne me répond pas. » Mais tout est sauf : « Mon bien-aimé est descendu dans son jardin, vers les plates-bandes d’aromates, pour faire paître son troupeau dans les jardins et cueillir des roses. Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi, » 4

Les épousailles se préparent, les fiancés se parent de leurs atours. Israël de la Thora de Dieu devenue sa Thora, et l’Eternel de feu et de brume dont la grande voix résonne en des milliers de voix et d’éclairs depuis les hauteurs Sinaï, depuis le jour redoutable ou il est descendu vers son peuple lui apportant la Morale du Monde et la source de vie, entre les bras de Moïse son Serviteur intègre….. Sur les montagnes embaumées (bésamim) Soyons circonspects : Selon nos Sages le Cantique des Cantiques est un secret, un sod. 


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PORTRAIT

Ma mère s’appelait Ittoch, La Sublime... par OMAR LOUZI

M

a mère s’appelait « Ittoch », prénom berbère qui veut dire « la sublime» dans le parler de la confédération tribale des «Ait Yaflman » … traduisez (Ceux qui ont trouvé la paix de l’âme) … Tribuancestrale à laquelle appartiennent mes ancêtres … Ittoch s’est toujours habillée comme ça… À la maison, mais aussi dehors, dans les champs … En vaquant à ses activités de paysanne … En toute simplicité … Avec ses humbles habits… Pas de chichi, pas de « Chiki »… Juste quelques bouts de tissus qu’elle mettait autour de son corps … et qu’elle attachait ensemble avec des fibules en argent fabriquées par « Moshé », son bijoutier juif berbère obligé de quitter son pays, le Maroc, pour aller vivre à Ashdod en Israël … UN FOULARD ROUGE « TASBNIYT »

Sur sa tête, elle mettait souvent un foulard rouge « Tasbniyt »… négligemment noué pour rehausser le noir de ses cheveux … Elle savait marier les couleurs comme toutes les

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23 femmes amazighs de notre petit oasis du SudEst… Elle savait sublimer le simple … pour en faire le Graal du raffinement … Ma mère adorait tous les êtres humains. Sa compassion n’avait d’égale que la grandeur de son coeur … Elle pouvait donner la moitié du dîner familial à un mendiant qui tapait à la porte … et la famille se contentait de l’autre moitié … Mais elle a toujours eu cette capacité maternelle magique de combler nos estomac à moitié pleins … par la générosité de son Amour … Ma mère aimait tous les êtres vivants … Plein de fois, quand j’étais petit, je la surprenais en train de caresser le dos et parler à sa belle vache … Au départ, avec mon esprit de gamin, je pensais que ma ma mère sombrait dans la folie … car pour moi … On ne pourrait parler qu’aux humains … Avec le temps, j’ai appris que ma mère était une femme sage qui ressentait ce que beau-

coup d’autres êtres humains n’arrivaient pas à ressentir … En fait, elle communiquait avec l’énergie subtile de sa vache … qu’elle appelait « Lalla inu » …Ses merveilleuses complaintes chantées à sa vache … permettaient de déstresser celle-ci … et » Lalla inu » en reconnaissance de la bienveillance de ma mère lâchait abondamment son lait … car les vaches aussi sont capables de bienveillance … Alors, chaque fois que je rencontre une de ces marocaines fières de leur identité nord-africaine et de leur amazighitude .. Et qui militent dans un silence presque monastique… en perpétuant les savoir-faire ancestraux et le savoirêtre de leurs mères et grand-mères … je suis comblé de bonheur … Ma mère, avec sa joie inconditionnelle, nous a quittés depuis déjà 15 ans … Mais, sa belle âme reste avec nous … et chaque fois que j’organise une retraite spirituelle, je sens son énergie bienveillante très présente … Elle continue à veiller sur ce que je fais … pour le bien-être

C’est avec grand plaisir que la Ville de Menton adresse ses vœux chaleureux de santé et de prospérité à la Communauté juive de France pour l’année 5780. Les célébrations de Roch Hachana et de Yom Kippour lui donnent aussi l’occasion de souhaiter que cette nouvelle année apporte, à chacune et chacun d’entre vous, la Paix et la sérénité. Bonnes fêtes à toutes et à tous.

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des femmes et des hommes sur le chemin de l’Eveil spirituel … Je ressens clairement que son âme repose en paix … Elle n’a jamais posé les pieds dans une mosquée … Mais sa vie était un sublime chemin d’éveil spirituel … Avant de mourir … je ressentais qu’ elle s’était libérée du cycle des souffrances … dans le lequel vivent 95 % des êtres humains sur cette terre … Alors, vous aussi, chérissez votre maman si elle est encore vivante … Si elle n’est plus de ce monde terrestre … apprenez à méditer pour pouvoir rentrer en contact avec son âme … qui vous aidera à vivre dans la joie et l’exubérance inconditionnelles … Car les mamans restent bienveillantes sur leurs enfants même … elles ont quitté la vie terrestre … Azul ! 


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FRANCE

FRANCE : DANGER ! Par PIERRE SABA

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a France a changé. Le domaine sécuritaire occupe désormais une place justement préoccupante des organes d’information. Les attentats dans un premier temps uniquement antisémites se sont généralisés à l’ensemble de la communauté nationale. Nul n’est exonéré, ni les zones (péri) urbaines, ni les zones rurales, ni les services de l’Etat, ni les services, les commerces, etc. La faiblesse, l’absence, le décalage des réactions de l’Autorité publique sont naturellement considérés par les assassins comme des encouragements à réitérer et étendre leur barbarie. Les moments de quiétude sont devenus des moratoires. Les media « radio-télédiffusés » courent après l’audience en tentant d’imiter l’agressivité et l’approximation des réseaux dits sociaux. Ces derniers, soumis à la loi de l’anonymat, autorisent toutes les infamies, délations et autres. Des pans entiers de la Nation sont mis de côté par une doxa reposant sur des conventions

d’interdits. Une dame juive défenestrée aux cris d’incantations islamiques et antisémites ? Les juges rechignent, quand ils ne refusent pas, à reconnaître le caractère aggravant d’antisémitisme. La haine d’Israël ne tolère aucune contestation qui ne soit qualifiée d’islamophobie. Ce néologisme, inventé par les islamistes, a pour but d’interdire toute contestation de la religion musulmane et du salafisme. C’est dans cette ambiance délétère que la loi de la force contraint de nombreux français juifs à déménager ou à émigrer pour des raisons de sécurité. Forces de police, de pompiers, personnels hospitaliers, piétons juifs (Finkelkraut, porteurs de kippa, etc), facteurs, sont astreints à des agressions ciblées. La modération des réactions des Français juifs est due à la peur des parents pour leurs enfants, à leur attachement à la légalité républicaine et aux institutions, et surtout au fait que les honnêtes gens ne savent pas descendre

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au niveau de barbarie des délinquants et des criminels. Pour autant, il est évident que la position générale qui consiste à évoquer « les problèmes que vivent les Juifs en France » ou encore l’emploi de l’expression « question juive » alors que celle qui convient est « question antisémite » masquent la réalité. Cette réalité constate que les Français juifs, les policiers, les pompiers etc subissent une situation qui relève de la communauté nationale, de ses institutions et qui tend actuellement à leur attribuer un certificat de citoyen de seconde zone. Les peurs qui assaillent les victimes avérées et potentielles modifient la morale républicaine et le moral de la Nation. L’écart entre la France et de nombreux corps de citoyens se creuse. Cet écart est un écueil. Il finira par exploser le système républicain. Les derniers crimes commis au sein même de la préfecture de Police de Paris en constituent l’inquiétante attestation. 


SOCIÉTÉ

LE BLASPHÈME N’EST PAS UN DÉLIT Par PIERRE SABA

L

e journaliste français Eric Zemmour a participé à une « convention de la Droite », organisée à l’initiative de l’ancienne députée du Front National, Marion Maréchal. Il s’y est exprimé. Il y a critiqué l’Islam, l’a qualifié de religion totalitaire, et l’a comparé au nazisme. Il

a affirmé son opposition à l’immigration et aux injustices et modifications qu’elle apporte selon lui. Eric Zemmour fait l’objet de condamnations en provenance du monde politique, de celui des média, perd son statut de salarié de la station RTL. Le parquet de Paris a annoncé mardi l’ouverture d’une enquête pour « injures publiques » et « provocation publique à la discrimination, la haine ou la violence ». Que les propos de Zemmour soient contestés et débattus est normal et sain en démocratie. Pour autant, l’écoute et / ou la lecture de l’intervention de Zemmour à cette convention permet de constater qu’il critique la religion musulmane et l’immigration sans s’en prendre aux personnes. Dans ces conditions, l’enquête du parquet ne mènera à rien sinon à s’agréger à la réprobation publique. Le tollé général prend la forme d’un malentendu de Droit. En effet, à l’exception de l’Alsace & de la Moselle, départements concordataires, la France applique depuis 1905 le régime de séparation des religions & de l’Etat. Le blasphème (critique des religions) est libre et ne saurait constituer un délit quelconque. Les critiques même violentes de Zemmour sur la religion musulmane ne tombent ainsi sous le coup d’aucune peine. Quant à l’analyse de Zemmour sur l’immigration, elle concerne l’idée, le mouvement & non des immigrés. Ces éléments pourraient paraître comme une défense des avis de Zemmour et comme des arguties de Droit. Ils ne sont ni l’un ni l’autre. Il est de la responsabilité politique, médiatique et judiciaire de respecter les faits. Le blasphème n’est pas un délit. Le massacre de Charlie Hebdo a été revendiqué par des assassins au titre de crime contre le blasphème. Transformer, faire passer le blasphème pour un délit, même d’opinion, est une malversation. La vague contestataire et de boycott anti-Zemmour concerne, elle, au-delà des idées, une personne : celle de l’intéressé. 


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INTERVIEW

Un café avec Patrick Haddad MAIRE DE SARCELLES par SARAH CATTAN

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J

e lui explique d’emblée pourquoi lui, pourquoi je l’ai choisi. Je ne lui dis pas que dès son arrivée, sa jeunesse, son visage sympa, ses posts sur les réseaux sociaux, m’ont touchée. Je lui explique que Tribune Juive est laïque, que j’essaie d’y faire entendre des voix diverses, juives, musulmanes, chrétiennes, athées, et que j’ai cru en lui reconnaître … ce dénominateur commun. J’ajoute que moi, je ne suis pas venue pour… le truc communautaire. Tribune Juive : Ce qui m’a donné envie de vous rencontrer, c’est votre âge, (- Je ne suis pas si jeune que ça, j’ai 46 ans – rétorquera Monsieur le Maire), votre position à Sarcelles. Je vous rassure : on ne va pas faire une « interview juive ». J’aimerais pourtant savoir ce qu’est devenue La petite Jérusalem ? Ce qu’est devenue Sarcelles, la ville dont vous êtes le maire ? Patrick Haddad : Tout d’abord, quelques mots sur ce qu’il s’est passé depuis l’année 2017 et comment je suis arrivé à la tête de la municipalité, il y a maintenant 9 mois. La transition n’était pas si simple. La fin de mandat de François Pupponi. D’abord premier adjoint de Dominique Strauss-Kahn, puis maire durant 20 ans, il a ensuite choisi, dans le cadre de la Loi sur le Non-cumul des mandats, de démissionner pour conserver son mandat de député. Suite à cette démission, on a fait venir Nicolas Maccioni de Paris, très sympathique et compétent. Il est resté maire de la ville un peu plus de 6 mois : cela n’a pas fonctionné. Sarcelles est une ville socialiste depuis 1995, mais c’est Annie Peronnet (PCF) qui a pris la suite et elle a tenu 7 mois. Malgré ses qualités, cela ne s’est pas bien passé non plus, hélas, et là, tout le monde s’est tourné vers moi : j’étais déjà adjoint de François Pupponi depuis 2014. Je suis Sarcellois, élu dans la ville de Sarcelles depuis 15 ans. J’ai été responsable du Parti socialiste dans les années 2000, donc j’avais à mon actif, un engagement politique dans la ville depuis plus de 20 ans. Mes parents étaient militants socialistes, mon père était à la SFIO. J’ai grandi dans un milieu à la fois juif, Sarcellois, et politisé à gauche. J’ai donc suivi avec passion tout ce qu’il s’est passé, notamment politiquement dans ma ville. J’ai ensuite pris une part plus active politiquement à la fin de mes études supérieures, tout en alternant professionnellement l’enseignement supérieur et le conseil en entreprise.

J’ai toujours souhaité être utile. Je n’ai pas joué des coudes pour avoir des responsabilités à tout prix, mais j’étais là : s’il y avait besoin de moi… J’étais prêt à prendre des responsabilités dans l’intérêt général : j’ai toujours procédé comme cela.

de près de 60 000 habitants. L’une de mes priorités, c’est améliorer les choses du quotidien, et puis, avoir une ambition à long terme sur de grands dossiers, et enfin travailler sur l’image de Sarcelles. TJ : Alors justement, l’image de Sarcelles ?

J’ai été élu assez facilement : nous avons une majorité assez importante. Ce n’est pas une élection à la proportionnelle à l’israélienne. Nous avons fait de bons scores. François Pupponi avait été élu à 63%, ce qui nous fait 38 élus. TJ : Je vous suis notamment sur Facebook, l’on vous voit partout, du plus petit ou plus grand évènement. Êtes-vous déjà en campagne ou alors est-ce votre façon de faire ? Patrick Haddad : Maire ça n’est pas qu’un « savoir-être ». Ce mandat est passionnant et exigeant, il faut être présent ! Il faut être dans la ville. Ce n’est pas la seule mais c’est l’une des clés. Lorsque j’ai été élu Maire, il fallait montrer qu’il y avait un Maire présent qui s’occupait et se préoccupait des gens. Un mandat, ce n’est pas un travail administratif. Il faut être à la fois très présent auprès de toutes les associations et de tous les partenaires, dans les écoles, publiques ou privées, dans les différents conseils de Quartier, etc… Je suis Sarcellois. Je n’ai jamais quitté la ville donc cela crée un lien très fort, dans une ville

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Patrick Haddad : L’image de Sarcelles, c’est historique, c’est la ville emblématique des grands ensembles. Dans les archives de l’INA, des reportages des années 1960 évoquent la construction des grands ensembles avec leurs premiers habitants, et ces reportages font parler les gens sur ce nouveau mode de vie, ces nouvelles habitations, cette ville qui pousse, la population qui suit, et qui se stabilise dans les années 1970. Environ 40 000 habitants sont arrivés entre les années 1960 et 1970. La question était : à quoi ressemble cette vie ? Lorsqu’on regarde les habitants de ces années-là, on voit qu’ils étaient plutôt d’une classe moyenne, des cadres, des familles qui avaient besoin de logements plus grands. A la fin des années 1950, c’était la crise du logement. Dans ces reportages, on présente une forme de mal-être lié au fait d’être dans de nouvelles habitations sans histoire, sans âme, et, de surcroît avec des commodités insuffisantes : la gare n’est pas encore existante donc il y a un manque de transports en commun important… Sarcelles, c’est un Grand Ensemble relativement homogène. Sarcelles est alors quelque chose d’assez unique, et c’est pour cela qu’elle est au cœur de ces reportages.


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INTERVIEW

qué. Il faisait alors partie, lui qui a environ 60 ans, de ces premiers habitants qui ont bénéficié des nouveaux logements à Sarcelles. Il a donc voulu cibler l’école dans laquelle il était allé, petit. Hélène et Pierre Vareille veulent que les enfants aujourd’hui puissent bénéficier d’une possibilité d’émancipation. Là il s’agit de culture, mais nous avons comme ça d’autres exemples de gens qui disent : « Moi volontiers, je reviens, pour développer des projets à Sarcelles, parce que je suis resté attaché à cette ville ». J’aimerais aujourd’hui les faire travailler davantage en réseau. Et qu’il y ait une forme de parrainage. Pour faire du grand, ensemble !

Avec ses habitants qui expliquent qu’ils sont à la fois contents d’avoir des logements, mais qu’il leur faut se recréer une vie. Ils ressentent comme un déracinement. C’est ce phénomène nouveau que les reportages essaient de saisir, et qu’on va appeler la «Sarcellite». Cette expression, qui n’est pas nécessairement très connue du grand public aujourd’hui est apparue. Elle correspondait au mal-être des Grands Ensembles. C’était bien avant la crise des banlieues qu’on a liée à l’immigration : on arrivait dans une ville créée ex nihilo. Si cette image est basée sur des éléments objectifs, Sarcelles traîne ce cliché qui a un peu évolué mais qui reste connoté négativement, même si beaucoup de personnes ont de nombreux bons souvenirs de cette période. Mais là nous parlons du Sarcelles de construction contemporaine, parce qu’il y a aussi Sarcelles village : le vieux Sarcelles. Le Sarcelles historique a été édifié au bord du Petit Rosne et regroupé autour de l’église Saint-Pierreet-Saint-Paul qui date du XIXème siècle. Son architecture très ancienne a évolué, avec des constructions qui ont plus d’un siècle et demi. Le Manoir de l’Hôtel de ville est un manoir historique, il a été classé. Sarcelles Village reste comme une autre ville, avec aujourd’hui une salle de spectacle, une gare, un petit marché couvert. On essaye depuis des années de créer de l’homogénéité entre ces 2 pôles, ça avance, mais lentement. Aujourd’hui avec des parcours résidentiels, certains qui habitaient précédemment le Grand Sarcelles, habitent aujourd’hui Sarcelles village. Cela crée des liens même si

la passerelle de l’un à l’autre n’est pas évidente. Justement nous aimerions relier les deux parties de Sarcelles, avec les mobilités douces, c’est-à-dire tout ce qui n’est par voiture, pistes cyclables etc… TJ : Ça, c’est un de vos grands dossiers ? Patrick Haddad : Oui c’est l’un d’entre eux. Il faut changer cette image de la ville. Il y a aussi une image péjorative liée à la crise des banlieues, à la précarité, au chômage, au peuplement fait d’une population d’immigrés. Si la première population qui arrivait était une population française, c’était lié à la crise du logement. Ici nous avons un grand parc de logements sociaux, plus de 50%, par conséquent les gens viennent. Petit à petit, ils acquièrent le potentiel et ont un parcours résidentiel qui va les emmener en dehors de Sarcelles. TJ : Alors y-a-t-il une âme à cette ville ? Patrick Haddad : Oui, parce qu’il y a un attachement à cette ville extrêmement important. De nombreuses personnes ont réussi en partie à Sarcelles. Aujourd’hui, on retrouve des gens qui ont vécu durant des années et des années à Sarcelles, qui sont partis mais ont l’envie de revenir, pour y travailler, pour y apporter quelque chose. A titre d’exemple, la Fondation Vareille, créée par Hélène et Pierre Vareille. Cet industriel a bien réussi. Il est, avec son épouse, passionné de culture. Il a créé une Fondation. Depuis 2 ans ils ont développé le projet suivant : offrir des cours de violon à des enfants de 6 à 9 ans. Pierre Vareille a ciblé la ville de Sarcelles. Pourquoi ? « Parce que moi, je suis allé à l’école à Sarcelles » a-t-il expli-

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Ainsi, même si la ville a changé, même si la population a beaucoup évolué, on ne peut plus dire : les gens ne réussissent pas dans cette ville-là : il faut juste comprendre que lorsqu’ils réussissent, ils partent. On remet alors des gens plus pauvres et pour la plupart, les contingents qui ont accès au logement social sont des personnes envoyées par la Préfecture, dans le cadre d’accueil des populations venues de toutes parts. La population a beaucoup évolué, avec une composante issue de populations plutôt fragiles qui arrive : on essaye de rééquilibrer ça. Nous, dans le cadre des projets immobiliers en cours, on essaye d’offrir de l’accession à la propriété à ces gens qui ont vécu ici et qui sont prêts à y rester et à investir, par l’accession à la propriété ou dans le Parc social, tout en restant proche de leurs amis, de leur famille, de leur cadre de vie. Cela permettrait en partie de stabiliser la population, et c’est un enjeu. Lorsque vous avez la plupart de vos logements qui relèvent du Parc social que vous ne maîtrisez pas, et qui relève du droit au logement, même si cela fait partie de notre mission que de les aider et de les accompagner, ce n’est pas nécessairement facile. TJ : La dimension juive de Sarcelles, elle existe toujours ? Patrick Haddad : Oui la communauté juive de Sarcelles existe toujours. Dans le phénomène migratoire les gens aiment bien vivre avec ceux qu’ils connaissent. Ils ont naturellement tendance à vouloir se regrouper, par affinités. C’est valable pour la communauté juive mais aussi pour les autres communautés de la ville. Comme à Créteil ou à Villeurbanne, on trouve ces populations qui ont recréé, depuis les années 1960, une vie à partir d’affinités et une vie


29 descence du conflit à Gaza. Il y a eu une manifestation de soutien au BDS. Et pas seulement au BDS. Nous avons eu droit aux slogans et banderoles « Mort aux Juifs »… La manifestation était interdite par la Préfecture et par la Mairie. Elle a été maintenue, avec des mots d’ordre un peu plus pacifiques. Mais cela a fini en émeutes avec des débordements à caractère antisémite et avec des commerces saccagés. Le cortège s’est dirigé de façon très agressive vers la synagogue, les forces de l’ordre, le SPCJ étaient là. Cela s’est dispersé à la fin, un peu grâce à la pluie… Cela a beaucoup marqué les esprits. On ne me parle systématiquement que de ça dans les interviews. C’était il y a 5 ans. Cela ne s’est pas reproduit. J’espère que cela ne se reproduira jamais.

communautaire. Ça fait donc plus de 50 ans, presque 60, que la communauté juive existe à Sarcelles. Et le phénomène le plus notable, c’est qu’elle est bien inscrite dans le temps. En nombre elle doit être un peu en érosion, mais elle reste très importante. Au total, je dirais qu’il n’y a pas moins de 10 000 habitants juifs. A noter : 2 autres évolutions notables, la première étant une stabilité avec un peu d’érosion numériquement, la 2e étant plus importante que la petite baisse numérique - la communauté s’est déplacée - Ce 2e point, très lié au premier, acte que la communauté juive, qui était un peu dans toute la ville, surtout dans le Grand Ensemble, et pas à Sarcelles Village, où il y a très peu de logements sociaux, est aujourd’hui présente dans les zones pavillonnaires, à Sarcelles Village, et plus encore sur la commune voisine de Saint-Brice, qui est une sorte d’extension de la communauté juive de Sarcelles. Donc si on regarde non pas Sarcelles seule, mais Sarcelles plus Saint Brice, qui est limitrophe, contigu de Sarcelles Village, si on englobe cette zone-là, je pense qu’il y a au moins autant de Juifs qu’avant, si ce n’est davantage. S’agissant du Grand Ensemble, la communauté juive est essentiellement présente sur un quartier. Et c’est un phénomène extrêmement notable, cette population concentrée sur un quartier, celui de la Grande Synagogue. C’est un quartier où vous avez, à côté de la Grande Synagogue, beaucoup d’autres offices, et, juste derrière, des écoles juives, des commerces, des restaurants, des supermarchés très marqués, des salons de thé, un centre communautaire. Toute la vie associative également, les Institu-

tions juives, toutes les commodités juives sont présentes dans ce quartier qui attire à la fois les habitants du quartier, les habitants juifs des autres quartiers, mais encore les habitants des communautés juives aux alentours. Ici les jours de fêtes, par exemple pour Shabbat, vous avez au moins une vingtaine d’offices, voire 25 pour les fêtes, et quand on est élu, on ne peut pas faire le tour en une seule matinée ! TJ : Donc cela veut dire que ces gens-là ne se sentent pas en danger ? Sinon ils seraient partis ? Patrick Haddad : Cela se passe globalement bien, sans du tout nier certaines tensions. Cependant ce qui me gêne un peu, c’est l’effet miroir déformant : Vous prenez une réalité qui est une réalité minoritaire, et elle devient l’image majoritaire. La réalité pour moi est celle-ci : il y a oui parfois de l’antisémitisme, mais ça n’est pas ce qui caractérise la vie de ce quartier. On sait bien que depuis les années 2000, il y a une résurgence de l’antisémitisme, et puis encore ce nouvel antisémitisme, caché sous un antisionisme lié au conflit israélopalestinien, et malheureusement Sarcelles n’échappe pas à cela. Tous les juifs de France ressentent la même chose, et ce n’est hélas pas qu’un ressenti. Sarcelles n’échappe pas aux actes antisémites. Les Juifs de Sarcelles vivent la même chose que les autres Juifs de France : une résurgence de l’antisémitisme. Comme en Belgique, en Angleterre, où les témoignages sur l’antisémitisme en lien avec le conflit israélo-palestinien en particulier sont inquiétants. En juillet 2014, il y a eu des événements qui ont traumatisé la population. Suite à la recru-

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Ces faits-là, ces phénomènes-là, il ne faut pas les nier, il faut en analyser les causes, il faut les prendre très au sérieux. Mais je ne veux pas qu’on ramène Sarcelles à ça et uniquement à cela. À Paris il y a eu exactement les mêmes exactions, et pourtant, quand on interviewe la Maire de Paris, on ne lui parle pas d’abord de ça. Encore à noter : c’est une communauté juive beaucoup plus pratiquante que dans le passé. Ça n’est pas anecdotique, c’est extrêmement important. Moi qui ai grandi ici, je constate qu’il y avait beaucoup moins de commerces juifs, il y avait beaucoup moins de gens très pratiquants. On a aussi une communauté Loubavitch, qui s’est structurée dans les années 1980. Un émissaire d’origine marocaine envoyé par le Rabbi de New-York est venu au milieu des années 1980. Cette communauté est extrêmement active. Les Loubavitch sont ceux qui sont les plus actifs, dans le judaïsme le plus visible, et puis, - ça fait partie de leurs fondamentaux- ils ont le sens de la simha, la joie, et cela de façon visible, joyeuse, et par exemple pour Lag Ba’omer, la fin du deuil de Omer, dans les 40 jours qui suivent Pessah, ils font une très grande parade. C’est perçu par les non Juifs comme du folklore local, un folklore comme un autre. Parce que nous avons beaucoup d’autres communautés, donc très franchement, tout cela ne pose aucun problème. TJ : Avez-vous une part là-dedans ? Patrick Haddad : Oui certainement. Mais mon prédécesseur plus encore que moi. Il a fait en sorte de travailler avec tout le monde. Ce phénomène communautaire existe, donc si on rejette les gens au nom de la laïcité, parce qu’ils sont structurés autour de communautés religieuses, on passe complètement à côté de sa propre ville. Donc il faut travailler avec


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INTERVIEW tie d’Afrique sub-saharienne, et une partie maghrébine. Vous avez aussi, historiquement, une communauté ultra-marine, antillaise, une communauté comorienne, une communauté pakistanaise, une communauté tamoul, le Sri Lanka est également représenté, une communauté indienne, et vous avez une communauté assyro- chaldéenne, formée de chrétiens venant de Turquie, qui ont leur propre église, où les prières sont en araméen, et puis, l’église catholique, avec sa propre communauté.

chacun, lui reconnaître son existence pleine et entière et sa citoyenneté, dialoguer dans les Valeurs de la République. On demande à ce qu’ils se reconnaissent mutuellement, à ce qu’ils se respectent, qu’ils travaillent avec tout le monde. Ce lien-là doit avoir un vrai contenu politique, un sens qui est celui de la vie de la Cité. La vie de la cité doit être organisée en tenant compte de ce phénomène-là et non pas en le combattant, et, à mon sens, pas non plus en l’exacerbant. Lorsque vous avez des gens qui viennent du monde entier, quand vous avez un phénomène religieux aussi marquant, comme celui de la communauté juive, des gens pratiquants de la communauté musulmane, des gens pratiquants dans la communauté chrétienne, avec des chrétiens qui viennent d’Orient, très pratiquants, qui ont une vraie vie communautaire et religieuse, quand on met tout cela bout à bout, et étant donné les désordres du monde, la crise des banlieues, la crise sociale etc... on se dit que c’est un peu ça le miracle Sarcellois : ça pourrait exploser mais ça n’explose pas. Parce que personne n’y a intérêt. Mais en fait, dans leur vie quotidienne, quel intérêt auraient les gens à se monter les uns contre les autres ? Ça n’aurait aucun sens. TJ : Ce melting pot. Toutes ces communautés… Patrick Haddad : Ce qui est intéressant sociologiquement à Sarcelles, c’est que vous n’avez pas une origine ou une communauté qui soit majoritaire à elle seule. Vous avez donc la communauté juive, importante, la communauté musulmane également, avec une par-

Moi lorsque je me déplace dans ces communautés, je leur dis : On est là pour travailler ensemble, chaque communauté doit marcher aussi avec les autres communautés. Et chaque communauté doit marcher aussi pour l’ensemble de la ville. C’est un dialogue permanent à l’ouverture. Parce que souvent on se gargarise de mots sur le communautarisme. Or le communautarisme, on le voit chez les autres, mais on ne le voit pas dans sa propre communauté. Pour être clair, la communauté c’est la structuration d’individus autour d’un certain nombre de principes et d’affinités et autour d’organisations, et ça, on l’accepte, parce que ça fait partie des libertés fondamentales. Par contre, le communautarisme, c’est lorsqu’on se referme sur soi. C’est ce que l’on veut éviter, que chacun se referme sur sa communauté, et se construise contre le reste de la population et contre la République. Pour y parvenir, c’est un travail quotidien, et c’est aussi un travail dans la durée. Alors oui, de temps à autres, on a des actes antisémites, on a aussi des actes islamophobes, des actes de racisme « ordinaire », et ils sont souvent le fait de petites bandes de délinquants. Dans ces cas-là, tout le monde travaille ensemble : la mairie, la police municipale, nationale, les médiateurs… Nous prenons cela très au sérieux. Nous avons aussi dans les communautés des problèmes de délinquance, comme partout ailleurs, qui sont exacerbés par des problématiques sociales. Les statistiques de pauvreté et celles de délinquance sont également corrélées dans toutes les zones urbaines de France : nous n’échappons pas à la règle. Quand se rajoutent à ça des phénomènes de racisme et d’antisémitisme, ce qui peut aussi arriver, nous sommes très vigilants et le combattons sans relâche, mais une nouvelle fois, ce n’est pas le phénomène majeur. Le phénomène majeur, ici, ce sont des gens qui se promènent tranquillement dans leur tenue traditionnelle. Un gamin qui prend le tramway avec sa kippa ne subit pas d’insultes tous les jours. Le risque existe, et malheureusement cela arrive, mais ce n’est pas un phénomène majoritaire. Le phénomène majoritaire étant plutôt la tolérance, le respect.

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TJ : Le fait que vous soyez un maire juif a-t-il posé des problèmes ? Patrick Haddad : Il faut reconnaître que c’est une situation relativement rare. Dominique Strauss-Kahn a été maire durant 2 ans. Il n’a pas été seulement Maire d’ailleurs, il a été Député… La question s’est déjà posée au sujet de l’identité du Maire ou du Député, et je n’ai pas, moi, le sentiment que ce soit un élément de crispation. Il est vrai que je fais le tour de toutes les synagogues pendant les fêtes, mais je fais aussi le tour de toutes les mosquées, à la fin de Ramadan, J’ai aussi pris le soin de faire une rupture de jeûne quotidienne dans chacune des mosquées, j’ai été très agréablement surpris par la façon chaleureuse et respectueuse dont j’ai été accueilli dans les mosquées.Et j’ai également assisté à plusieurs messes. TJ : Avez-vous un islam radical ? Patrick Haddad : Dans la Grande Mosquée de Sarcelles, il y a eu une tentative de prise de pouvoir par des mouvements radicaux. Les dirigeants de la mosquée ont lutté contre avec l’aide des autorités locales et ont pu les empêcher de prendre la direction de la mosquée. Aujourd’hui il faut rester prudent. Nous voulons soutenir les modérés, mais nous ne sommes pas à l’abri que cela se reproduise. Ces tentatives de prise de pouvoir existent dans beaucoup de banlieues. Nous sommes en lien avec les Renseignements Territoriaux. Il faut avoir une réelle vigilance sur cette question. II faut surtout travailler avec toutes les communautés : Ça n’est pas la République contre les Mosquées, c’est l’ensemble des Républicains, qu’ils soient athées, pratiquants, ou de quelque religion que ce soit, qui ont ce même projet dans lequel tout le monde respecte tout le monde, dans une même philosophie, et cette philosophie- là est très amplement partagée, même si bien sûr il y aura toujours des gens pour surfer sur quelques tensions communautaires. TJ : Dimanche 4 octobre un jeune de Sarcelles est mort à Villiers-le-bel.


31 avons aussi le projet d’avoir une grande salle de spectacle, le grand ensemble a besoin de cet apport culturel, et puis, dans les grands projets structurants, et là, c’est à Sarcelles Village, cela s’appelle le Cèdre bleu. Il appartenait à la Ville de Paris il y a encore 4 ans. La ville de Sarcelles le reprend avec des partenaires. L’objectif étant d’en faire un grand parc, avec des établissements sociaux et culturels. TJ : Toujours la culture au centre ? Patrick Haddad : Oui, la culture, le social. Et puis cette dimension pour laquelle il y a une vraie appétence : le développement durable. S’il est vrai que nous, nous avons été extrêmement happés par les questions sociales, puis les questions identitaires, qui sont passés avant, très largement. Mais cette préoccupation, de la préservation de l’environnement, du développement durable, est partout, et très importante chez les plus jeunes. Patrick Haddad : Oui, Ibrahima BA est mort Dimanche alors qu’il n’avait pas 23 ans et je souhaite redire tout mon soutien à sa famille dans cette terrible épreuve. Je suis en contact régulier avec elle. Dès que j’ai appris le décès tragique d’Ibrahima, je me suis entretenu avec la commissaire de police de Sarcelles, puis avec le Procureur de la République pour m’assurer que tout allait être mis en œuvre pour que la lumière soit entièrement faite sur les circonstances de l’accident.

On leur apprend à se servir d’Internet, de ce point de vue là, mais le travail se fait aussi avec des associations sportives, culturelles. Un travail sur la Mémoire aussi : on a beaucoup d’actions ici pour reconnaître la Mémoire de chacun. La population arménienne a été frappée par le même génocide que la population assyro-chaldéenne. Nous voulons travailler sur la Mémoire de façon globale, faire que ce ne soit pas seulement les gens qui ont subi ces traumatismes se sentent concernés.

TJ : Revenons à vos autres grands projets, quels sont-ils ?

On veut aussi que les gens apprennent à se reconnaître au-delà de leur communauté. Nous multiplions par 3 le volume de la Médiathèque. Nous voulons « tirer parti » du vrai brassage qu’il y a entre les populations. En leur donnant aussi de grands lieux de vie bien partagés, mieux partagés…

Patrick Haddad : Conforter ce modèle de tolérance Sarcellois. Celui qui consiste à travailler avec tout le monde. Pour cela, nous travaillons sur un grand projet éducatif, dans les écoles publiques en particulier mais aussi avec les écoles privées. Dans ce registre-là, nous avons aussi un plan contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, avec la Dilcra, avec la LICRA, l’UEJF, et SOS-Racisme. Nous avons mis en place une série d’actions, des programmes qui coexistent dans les établissements scolaires publics et privés, le but étant de déconstruire les préjugés. Parce qu’ils existent.

Un autre projet, c’est l’Université Populaire avec une série de Conférences de professionnels sur différents sujets de société, pour aller vers une structuration de pensée, débattre de grands sujets d’actualité, au-delà bien sûr de toute appartenance communautaire. Cette première partie est vraiment sur l’éducatif, le culturel, et tout ce qui peut faire commun. C’est vraiment de la cohésion, de la cohésion sociale. Mais il y a aussi la rénovation urbaine. Cela fait partie de toutes les négociations qu’on peut avoir avec l’État, avec le nouveau programme de Rénovation urbaine : nombre de quartiers et d’équipements en ont besoin, les grands ensembles s’essoufflent, on veut améliorer les logements et les équipements. Nous

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Nous avons une petite rivière à Sarcelles, un cours d’eau qui s’appelle le petit Rosne. Il s’était enfoui en grande partie, on va continuer de l’ouvrir, de le restituer. Il y aura ce parc, le Cèdre bleu, de 8 ha, on veut rendre cet espace aux familles, que les familles puissent aller s’y détendre, s’y promener, ce sera un petit peu notre Central Park, avec une crèche, un accès handicapés, une zone pavillonnaire, je veux améliorer le cadre de vie avec des projets qui vont structurer les choses. Sur 10 ans… Si nous faisons aboutir ces 3 projets, que l’on travaille avec la Communauté d’agglomération à laquelle nous sommes rattachés, c’est travailler sur le développement économique et sur l’emploi, et donc aussi sur l’accès aux richesses et aux emplois liés à la zone aéroportuaire. Aujourd’hui, nous n’en bénéficions pas assez, notamment parce que les transports ne sont pas fluides. Pour aller à Paris, c’est fluide, Châtelet est à 30 minutes. Mais pour la zone aéroportuaire avec ses 100 000 emplois, avec en plus les emplois qui vont continuer à se créer, cela fait des années qu’on se bat pour ça, nous sommes encore sur des difficultés. Il faut faire en sorte que la zone économique, la richesse de la zone économique de Roissy nous bénéficie davantage… Si nous tenons tout cela, ça fait un beau programme. Donc le mandat à venir est déjà bien rempli. 


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INTERVIEW

LE NOUVEAU CENTRE CULTUREL JUIF DE BOULOGNE-BILLANCOURT Par SYLVIE BENSAID

voyait simultanément la construction d’un bâtiment pour la communauté catholique, d’une mosquée et d’un lieu de vie juive pour accueillir une synagogue et le CCIBB. Alors que la maison paroissiale et la mosquée sont construire depuis longtemps, il restait à finaliser la construction du Centre de vie juive.

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nterview de Robert Ejnes prèsident de la communauté de Boulogne.

Tribune Juive : Vous êtes le président de la communauté juive de Boulogne. Un nouveau lieu a été inauguré par Pierre-Christophe Baguet, le maire de Boulogne. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Robert Ejnes : La cérémonie qui a eu lieu mercredi 25 n’était pas à proprement parler l’inauguration d’un nouveau lieu. C’était une cérémonie de lancement des travaux de construction du futur Centre culturel juif de Boulogne. La construction qui débute doit durer 14 à 16 mois.

Cette cérémonie était importante et symbolique car c’est un projet ancien qui arrive à son terme. Le projet a commencé au début des années 2000. La Synagogue de Boulogne est décentrée. Elle est située au nord de la ville, alors que la population juive est également répartie dans la ville. Nous avions donc depuis très longtemps l’idée d’installer une synagogue dans le sud de la ville. En 2006, la ville de Boulogne a proposé à la Communauté un local, les anciennes cuisines de la ville, situé à l’angle des rues Danjou et Marcel Dassault. Ce local étant compliqué à réaménager, la ville nous a proposé de construire un nouvel immeuble sur place. Ce projet a fait l’objet d’un arrêté municipal en 2006 dans le cadre d’un grand projet qui pré-

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Les raisons de ce délai sont nombreuses. Nous avions fait un concours d’architecture et choisi un premier projet en 2009. Mais nous avons connu beaucoup d’hésitations pour nous engager dans ce projet. La montée de l’antisémitisme et l’augmentation forte de l’Alyah dans les années 2013/2016 nous a fait douter de l’intérêt d’un projet ambitieux. Les réactions politiques face à l’antisémitisme et la baisse de l’Alyah à partir de 2016 nous a convaincu de l’intérêt d’investir dans l’identité juive à Boulogne. Cet investissement répond à deux facteurs. D’une part la nécessité d’ouvrir des portes multiples pour permettre aux juifs de Boulogne et des environs de rentrer dans le monde communautaire. Nous devons réaliser que de très nombreux de nos coreligionnaires vivent éloignés de la Communauté, pas seulement par volonté, mais parce qu’ils n’ont jamais trouvé la bonne porte pour y entrer. Malgré tous nos efforts, nous savons qu’il est difficile de pousser la porte d’une synagogue quand on n’a pas appris, quand on ne connait pas les codes. Nous savons qu’il faut beaucoup de volonté pour entrer dans une structure ou on ne connait personne. C’est pourquoi nous avons choisi de faire de ce


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régional d’Ile de France. Pour les organisations juives, le Grand Rabbin de France Haim Korsia, le Grand Rabbin de Paris Michel Gugenheim, le Président du Crif Francis Kalifat, le Président du FSJU Ariel Goldmann, le Président du Consistoire central et du Consistoire de Paris Joël Mergui, le vice-président du Bnai Brith international Stéphane Teicher, parmi de nombreux présents à la manifestation, membres de la Communauté juive de Boulogne ou simples voisins. Nous avions tous conscience de vivre un moment de l’Histoire de Boulogne-Billancourt. Tribune juive : Pourquoi réunir deux entités sur le même lieu ? quelle seront les spécificités de chacune ? Robert Ejnes : Les deux entités qui seront réunies au sein du Centre culturel juif de BoulogneBillancourt sont l’ACJBB-Sud et le CCIBB.

nouveau lieu de vie juive un Centre culturel, dans lequel seront abrités une synagogue et un Centre communautaire. Nous voulons donner le maximum de chances à ce qu’un Juif qui n’a pas d’attache dans la communauté puisse trouver dans ce lieu les moyens d’y entrer. Le deuxième facteur est démographique. En effet nous observons depuis des années le mouvement de population qui amène les Juifs d’Ile de France à migrer d’est en ouest. Nous devons construire les structures communautaires qui permettent de les accueillir. Nous avons de plus à Boulogne une ville très dynamique où il fait bon vivre, pour les Juifs, comme pour l’ensemble de nos concitoyens, et la population juive y augmente plus vite que la poputation globale de la ville.

Enfin, avec ce bâtiment, nous dotons la ville et la communauté juive de Boulogne des structures qui permettront son développement pour les générations à venir. C’est je crois pour toutes ces raisons que la cérémonie de mercredi était importante et que beaucoup de responsables politiques et communautaires ont assisté à cette cérémonie, y compris, et il faut le souligner, les responsables de toutes les religions à Boulogne, catholiques, protestants et musulmans. Le Maire de Boulogne Pierre-Christophe Baguet était présent ainsi que le Président du Conseil départemental des Hauts de Seine Patrick Devedjian et les représentants de la Présidente du Conseil

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ACJBB-Sud est le nom de l’office que nous avons créé au sud de la ville voici plus de dix ans, pour répondre aux besoins démographiques et géographiques. Cet office, qui réunissait quelques fidèles, parfois même pas un minyan le samedi matin, réunit maintenant des dizaines de personnes chaque chabbat, vendredi soir, samedi matin et après-midi. Cet office sera naturellement transféré au sein de la Synagogue du Centre culturel. Le CCIBB est le centre communautaire israélite de Boulogne-Billancourt, ouvert en 1984 par M. Maxime Broder, conseiller municipal rescapé de la Shoah. Ce centre communautaire s’est beaucoup développé depuis. Chacune des deux structures aura donc son identité et son autonomie de gestion dans le cadre d’un bâtiment partagé. Mais le bâtiment aura d’autres espaces qui pourront être utilisés par d’autres associations et pour d’autres activités, notamment les activités culturelles tournées vers la ville et la région, une fenêtre des multiples facettes du judaïsme ouverte vers la cité . 


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COMMUNAUTÉ

LA 10ÈME CONVENTION NATIONALE DU CRIF

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a 10ème Convention nationale du Crif aura pour thématique «La France fracturée. Peut-on s’unir contre l’antisémitisme». Elle aura lieu le 17 novembre prochain au Palais des Congrès de Paris.

C’est une thématique actuelle et grave sur laquelle nous allons pouvoir réfléchir pendant toute la journée. La Convention du Crif réunit tout au long de la journée des tables rondes, séances plénières, tables-rondes, déjeuners-débats et ateliers autour de tous les sujets de préoccupation du Crif et plus largement de la Société française. Cette réflexion prendra sa place dans un contexte international inquiétant, quand les populismes se développent et l’antisémitisme se développe sous des formes multiples et où la haine d’Israël prend une place de plus en plus importante.

Francis Kalifat Président du CRIF

Ce sera aussi l’occasion de discuter avec des acteurs européens et israéliens de la lutte contre la dé-légitimation de l’Etat d’Israël et la campagne BDS, source d’antisémitisme.

plotisme étend sa toile, lorsque l’antisémitisme et le racisme, et plus généralement un sentiment de haine se développent dans notre pays, il est nécessaire d’avoir une vision éclairée de la société dans laquelle nous voulons vivre. 

Tout au long de la journée, philosophes, journalistes, politologues, essayistes, historiens, sociologues, responsables politiques et de la société civile vont analyser les enjeux, décrire et contextualiser des phénomènes complexes. Lorsque le populisme guette, lorsque le com-

Par Sylvie Bensaid

LES PRIX LITTÉRAIRES WIZO

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elon la tradition Les prix littéraires Wizo seront remis le 7 novembre à la mairie du troisième arrondissement de Paris en présence des lauréats :

Catherine Bardon pour le prix français et son ouvrage « Les déracinés » et Eshkol Nevo qui fera spécialement le déplacement pour le prix Israélien avec « Trois étages ». Les lectrices des 14 comités de lecture ont sélectionné ces auteurs pour leurs qualités littéraires qui évoquent le monde juif ou Israélien. « Notre sélection est souvent prémonitoire de nombreux succès pour les auteurs primés. Nous savons découvrir les jeunes talents et les nominés deviennent

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souvent des auteurs à succès. Le prix wizo est une promesse d’avenir. Les lectrices des comités sont des passionnées de lecture. Elles savent déceler les dons sous jacents des auteurs. Leurs analyses sont percutantes et subtiles. Les écouter est d une grande saveur et d’un immense intérêt. Les réunions sont amicales et les commentaires réunissent les lectrices assidûment. Vous pouvez nous rejoindre dans notre élan pour la connaissance du monde juif son histoire et ses traditions, mais surtout pour l’avenir d’un peuple en éternel mouvement et son implication dans l’histoire d’Israël


Nos institutions culturelles en IsraĂŤl bĂŠnĂŠficient de notre soutien indĂŠfectible depuis 100 ans. La wizo a ĂŠtĂŠ prĂŠcurseur et le demeure en toutes actions et projets Âť confie Laurianne Boucris, vice prĂŠsidente de wizo et responsable la PrĂŠsidente de la section Culture. ď Žď€

Le MUSSEF, musĂŠe du monde sĂŠfarade en prĂŠparation Ă Paris, vous souhaite une

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BNW B?CF

Par Sylvie Bensaid

www.amussef.org

Chana Tova ! et son Êquipe vous prÊsentent leurs meilleurs vœux pour une annÊe de miel et vous souhaitent d’être inscrits dans Le Livre de la Vie.

SHANA TOVA 5780 ! Cette annĂŠe encore, Ĺ“uvrons ensemble pour la SantĂŠ et la FraternitĂŠ !

Les rabbins Philippe Haddad et Jonas Jacquelin

Jean-François Bensahel, prĂŠsident de l’ULIF Copernic, le conseil d’administration et toute l’Êquipe de Copernic vous prĂŠsentent leurs voeux Ă l’occasion de cette nouvelle annĂŠe 5779 ! ULIF Copernic 24 rue Copernic 75116 Paris www.copernic.paris

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HADASSAH FRANCE EST HABILITÉE À RECEVOIR DES DONS ET LEGS AU BÉNÉFICE DU C.H.U. HADASSAH DE JÉRUSALEM N O U VE L L E A D R E S S E HADASSAH FRANCE - 3, rue de la Bourse - 75002 Paris 7O b FRQWDFW#KDGDVVDK IU ZZZ KDGDVVDK IU

Š Yulia Furman - Adobe Stock

Le Professeur Emmanuel MESSAS, PrĂŠsident de Hadassah France,


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CINÉMA

LES JOURS REDOUTABLES UN FILM QUI DIVISE ISRAËL Par ALAIN CHOUFFAN

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n film terrible. A voir, bien sûr, mais difficile à supporter. Chacun l’interprétera à sa manière. Sorti, en Israël, le 26 septembre, ce film « Les jours redoutables » du réalisateur israélien Yaron Silberman, suscite la polémique et divise les Israéliens.

Le sujet du film est pourtant archi connu : l’assassinat du Premier ministre, Yitzhak Rabin, le 4 novembre 1995. Alors, qu’y a-t-il donc de terrible dans ce film ? Avant tout, la surprise totale : c’est la première fois qu’on fait un film, non pas sur Rabin lui-même, mais sur son… meurtrier ! Fallait oser ! Fallait y penser ! L’idée même d y penser est choquante. On ne voit que le meurtrier ! Il est omniprésent à l’écran. Yehuda Nahari Halevi, d’origine yéménite comme lui, qui joue le rôle du vrai meurtrier, Yigal Amir, né en 1970, et toujours condamné à la prison à vie, s’est tellement identifié à lui, qu’il est pénétré par le personnage. Il a mis des semaines pour y parvenir. Et il est magistral. Ce qui choque, et qui fait polémique, c’est la thèse du film ! Ygal Amir a-t-il commis ce crime sous l’influence des rabbins comme il le dit ? Avec leurs accords ? Le film en tout cas le laisse supposer. Il suffit de lire, à la dernière image du film, ces incroyables lignes : « Yigal Amir a déclaré qu’il n’aurait pas commis son crime sans l’aval de rabbins qui lui ont donné leur autorisation. Malgré cela, aucun rabbin n’a été poursuivi pour l’assassinat de Rabin ». Vous avez bien lu : Yigal Amir a été « influencé par des rabbins ». Et un peu plus loin : « L’assassinat a été précédé d’une campagne d’incitation, à laquelle a notamment participé le chef de l’opposition de l’époque et le Premier ministre actuel – Benjamin Nétanyahou ». Enfin « les motivations d’Yigal Amir étaient autant religieuses que politiques ». Ces messages n’ont rien de nouveau. ils ont été répétés à profusion depuis le 5 novembre 1995, et exploité politiquement par le camp auquel appartenait Itzhak Rabin. Mais voilà : la thèse selon

laquelle les rabbins ont joué un rôle dans l’incitation au meurtre a été INFIRMÉE par le président du tribunal de Tel-Aviv, Edmond Lévy. Voici son jugement retrouvé par Pierre Lurçat, un blogueur qui vit à Jérusalem : « Ma conclusion est que la démarche que le meurtrier a pu effectuer auprès d’un quelconque rabbin, directement ou indirectement, pour s’assurer que la victime avait le statut de “ Din rodef ”, n’était destinée qu’à obtenir un aval a posteriori à l’action que l’accusé avait déjà décidé de réaliser. D’où la conclusion supplémentaire que la tentative de donner à l’assassinat de Rabin une justification halachique est DÉPLACÉE et constitue un abus cynique et grossier de la hala’ha (loi juive) à des fins étrangères au judaïsme ». Un peu compliqué à comprendre mais c’est toute la question du film. Car il s’agit de savoir si le « Din rodef – l’obligation de tuer un Juif pour l’empêcher de perpétrer un meurtre qu’il s’apprête à commettre – soi-disant appliqué à Rabin par certains rabbins – “justifiait” son exécution au regard de la loi juive. Autrement dit plus simplement : Yigal Amir a-t-il a-t-il inventé un soi-disant appui de rabbins pour justifier son crime ? Puisque la loi juive “autorise” de tuer quelqu’un si ce dernier va perpétrer un crime, en l’occurrence Rabin! Ouahhh ! Faut vraiment chercher loin. Commentaire de Pierre Lurçat : “toute personne en tant soit peu versée dans l’histoire juive sait que les peines de mort mentionnées dans la Torah ne sont quasiment jamais appliquées. Le film repose largement sur cette ambiguïté, qu’il ne contribue pas à lever, préférant l’exploiter au service de sa thèse politique ». Passionné par l’histoire, le réalisateur a voulu faire de ce film un sujet fort et complexe. Il en a fait un thriller psychologique captivant avec une volonté de faire passer un message politique. Avec la formidable interprétation de Yehuda Nahari, pas étonnant que ce film vient de recevoir le prix Ophir du meilleur film décerné par Israël et sera le candidat à un Oscar. Le film n’est pas encore prévu en France. Claude Sitbon, mon ami, mémoire des Tunes, m’a

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envoyé sa réaction après avoir vu le film en Israël : « Alain, il y a quelques mois j’ai rencontre mon vieil ami Doudik Zylber un des grands producteurs israéliens ». « TU SAIS CLAUDE JE PREPARE UN FILM, C’EST JE CROIS LE PLUS BEAU DE MA VIE » . J’ai attendu, et il y a quelques jours j’ai vu ce film remarquable « LES JOURS REDOUTABLES ». Un film que toute la critique israélienne a encensé. Il vient de recevoir le prix Ophir, l’équivalent du César et il va représenter Israël pour les Oscar. L’idée a été de mettre un acteur dans la peau d’Ygal Amir l’assassin de Rabin je n en dirais pas plus Allez voir ce film ». En attendant faut attendre qu’il arrive à Paris ! 


L’OJE combat sans relâche l’antisémitisme sous toutes ses formes : actes de violences, profanations, appels au boycott… En cette nouvelle année 5780, vous pouvez décider d’AGIR avec l’OJE : AGIR car déplorer l’antisémitisme ne le combat pas. AGIR avec l’OJE et son département juridique fort de plus de 50 avocats courageux et bénévoles qui assurent la défense de tous les juifs et des intérêts d’Israël en France et en Europe. AGIR avec l’OJE et son département protection qui forme et protège bénévolement notre communauté au quotidien. AGIR en nous rejoignant et envoyant vos dons pour devenir acteurs de ce combat.

SÉCURISATION

PRIX MÉMOIRE

DES LYCÉES JUIFS

ET TRANSMISSION

PLAN D’AIDE POUR LA SÉCURISATION DES DÉPLACEMENTS SPORTIFS ET CULTURELS DES LYCÉENS

Organisation juive européenne – 10 rue Penthièvre - 75008 PARIS- contact@o-j-e.org https://www.helloasso.com/associations/o-j-e/formulaires/1/widget

Exposition conçue et réalisée par le Mémorial de la Shoah

Beate

Serge

Klarsfeld Les combats de la mémoire 1968 - 1978

Beate et Serge Klarsfeld lors de l’ouverture du procès de Cologne, 23 octobre 1979. Photo Wilhelm Leuschner / Picture Alliance. Design graphique : Estelle Martin

Exposition gratuite du 4 novembre 2019 au 3 janvier 2020 Hôtel de Ville - Montpellier


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SOCIÉTÉ

Monsieur et Madame B habitent Escalier C onsieur et Madame B. habitent escalier C. C’est un couple composé de deux personnes d’un âge certain. Malentendantes et toutes chétives.

M

Ce qui m’a étonnée c’est que son bras gauche était tendu et ses doigts entrouverts .

Je ne les ai toujours vus que tous les deux.

Il m’a rendu la pareille.

Monsieur et Madame B ne marchent pas, ils se dandinent ensemble dans un même mouvement.

J’arrive à l’entrée de mon bâtiment.

Un coup vers la gauche, un coup vers la droite. Ils se tiennent si fortement par la main, que l’on ne sait pas qui la donne à l’autre. Cette osmose dans la démarche, le même sourire qu’ils arborent et le fait qu’ils ne reçoivent jamais aucune visite donnent l’impression d’un tout symbiotique.

Je l’ai salué comme de coutume.

Je récupère mon courrier dans ma boîte aux lettres et je me tourne vers le panneau d’informations pour savoir si je n’en n’avais pas ratées lorsque j’étais en vacances. Et là dans le coin je le vois. Le petit carton orné d’une croix. Madame B est décédée. Elle lui tient toujours la main. Ses funérailles ont eu lieu la semaine dernière.

Monsieur et Madame B ne se mêlent pas aux autres. On ne les voit jamais à la fête des voisins ou aux réunions de syndic

L’émotion m’étreint. Est-ce ça l’amour ? L’amour absolu ?

Certains disent d’eux qu’ils perdent la tête, qu’ils sont dans leur monde. Ben oui rendez vous compte que Monsieur un jour était descendu en chaussons en plein hiver. Des chaussons avec un costume ??

Je souhaite vivement que les propos concernant le fait que Monsieur B soit reclus dans un monde qui lui est propre, soient fondés.

Celui qui fait que Monsieur B continue de marcher en se dandinant un coup vers la gauche, un coup vers la droite, en tenant toujours fermement la main de Denyse ?

Parce que si il réalise qu’elle n’est plus là, qu’elle lui a lâché la main, il ne le supporterait pas. Ils se sont promis de vivre ensemble pour le meilleur et pour le pire jusqu’à ce que la mort ne les sépare pas.

En affichant toujours le même sourire sur son visage.?

Si je rencontre Monsieur B demain, je continuerai pour ma part à le saluer par deux hochements de tête, un pour lui et un pour Denyse.

Oui Madame B est bien là, elle occupe encore tout l’espace de son cœur.

Et tant pis si les voisins disent de moi que je suis un peu farfelue… 

Non mais on n’a pas idée… Hier, j’ai vu Monsieur B. seul. Il marchait comme d’habitude, un sourire béat aux lèvres.

Elle continue de marcher auprès de lui.

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Par Stéphanie Isidor


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CINÉMA

HORS NORME UN FILM DE OLIVIER NAKACHE ET ÉRIC TOLEDANO

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n film choc. Magnifique « Hors Norme » a reçu une standing ovation à cannes.

Plusieurs associations ont organise des avant-premières de ce film qui traite d’un sujet extrêmement sensible, l’autisme. Deux personnages qui existent dans la vraie vie Bruno et Malik joues par Vincent Cassel et Reda Kateb vivent depuis 20 ans dans un monde à part, celui des enfants et adolescents autistes. Au sein de leurs deux associations respectives, ils forment des jeunes issus des quartiers difficiles pour encadrer ces cas qualifiés « d’hyper complexes ». Une alliance hors du commun pour des personnalités hors normes.

« On aime bien mettre en exergue les personnes qui font des choses intéressantes », confie Eric Toledano, « Imbriquer la réalité à la fiction ». Dans « Hors normes », chacun est représenté, les autistes, les parents, les référents mais aussi les médecins, les responsables de la santé, ce film est une aventure collective, derrière ce film ce cache un message politique, Hors Norme, un film engagé derrière le handicap, pose les bonnes questions et qui peut servir de haut parleur face aux pouvoirs publics. 

À voir absolument ! Sortie le 23 octobre.

Olivier Nakache et Éric Toledano ont traité dans ce film d’un sujet difficile tout enrobé d’amour. Ils ont travaillé avec de vrais autistes répétés dans l’association Turbulences.

Par Sylvie Bensaid

LA VÉRITÉ SI JE MENS (LES DÉBUTS)

UN FILM DE MICHEL MUNZ ET GÉRARD BITTON

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a vérité si je mens le film culte est de retour avec un prequel qui revient sur la rencontre de la bande du Sentier au début des années 80. Patrick, fils à papa, va se transformer en talentueux entrepreneur. Dov, quitte le lycée pour travailler dans le Sentier. Yvan prend de l’assurance au fil des épreuves professionnelles. Et Serge ne cesse d’inventer des bobards pour séduire la plus belle fille du lycée. Avec des nouveaux venus au casting - Mickael Lumière, Yohan Manca, Anton Csaszar et Jeremy Lewin. Avec un peu de recul aujourd’hui, de quelle manière regardez-vous l’aventure de ce film ? Gerard Bitton l’un des réalisateurs estime que pour les précédents films, nous avions beaucoup plus de confort, tant au niveau du budget que du temps de tournage. Là, le rythme a été

très soutenu, nous ne pouvions pas nous permettre de faire 50 prises par plan mais finalement, ces conditions, cette urgence, nous ont apporté une énergie fructueuse. Pour Michel Munz, chacun sur le plateau avait conscience qu’il fallait être efficace à chaque instant mais le rythme du film n’en n’a pas souffert, il est assez fluide. Pour les acteurs également il y avait ce sentiment d’urgence qui s’est en effet transformé en énergie positive... Nous sommes très impatients de voir comment le public va recevoir tout cela : Gérard et moi avons en fait l’impression d’avoir tourné le premier film de toute cette saga, qui permet de découvrir vraiment les personnages... Sortie le 16 octobre 2019.

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Par Sylvie Bensaid


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TOURISME

KOSHER IN LISBON

DÉCOUVERTE DE LA LISBONNE JUIVE

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epuis de nombreuses années, Patricia & Joseph, français installés au Portugal depuis 30 ans, proposent de découvrir Lisbonne avec un nouveau regard : celui de deux amoureux de Lisbonne épris de l’Histoire Juive. Nombreux sont ceux qui connaissent l’histoire dramatique des Juifs Espagnols avec l’expulsion de 1492. Mais souvent, la confusion s’installe avec l’histoire des Juifs Portugais, qui est bien différente, avec non pas une expulsion comme

en Espagne mais avec une conversion forcée en 1497. Mais les différences ne s’arrêtent pas là. L’exode des Juifs portugais se fera non pas en à peine 4 mois comme en Espagne, mais sur près de 2 siècles. C’est donc un voyage à travers des siècles d’histoire séfarade auquel Patricia vous entraine. Cette merveilleuse visite commence par une visite privée de la synagogue de Lisbonne, dans le quartier historique du Rato, avec une large mise

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au point sur l’Histoire des juifs portugais, puis la promenade continue avec la découverte des plus beaux quartiers de Lisbonne, tous en étroite relation avec la vie juive, présente ou passée, et se termine près de la célèbre place du Rossio, le lieu même de la conversion forcée de près de 20.000 juifs en 1497. Mais entre ces deux endroits et pendant près de 3h, Patricia vous plonge entre le Douzième et le Vingtième siècle, un retour en arrière précieux pour les amoureux de l’Histoire Juive et pour


41 tous les amoureux de Lisbonne de Lisbonne en général. La visite est accessible à tous dès l’âge de 10 ans, et comme Patricia vous fait également découvrir les moyens de transports locaux (vieux tramway et funiculaires inoubliables comme à San Francisco), cette promenade est vraiment la meilleure manière de relire l’histoire juive et de découvrir Lisbonne par la même occasion. Patricia réussit même l’exploit de ne jamais vous faire escalader aucune des Sept célèbres collines, l’itinéraire étant parfaitement étudier pour le confort de tous, en évitant avec soins les itinéraires les plus pénibles pour les visiteurs ne connaissant pas les difficultés de la ville. C’est une Lisbonne méconnue du grand public qui s’ouvre à vous. Passionnés d’histoire, Patricia & Joseph ont passé les 25 dernières années à parcourir les archives et à recueillir documents et témoignages. L’accueil des réfugiés à Lisbonne pendant la Deuxième Guerre mondiale est aussi au programme, et marcher sur leurs traces dans les rues de la ville reste pour tous un souvenir inoubliable. L’émotion est au rendez-vous à chaque instant de cette visite, quelque soit le siècle évoqué. Impossible également de ne pas parler des Crypto-Juifs, ou Conversos, encore très présents dans la population actuelle, ces juifs forcés à la conversion au christianisme pour sauver leurs enfants, en 1497, et qui vont conserver farouchement à travers les siècles les bases et les rites essentiels du Judaisme. Pour votre prochain séjour à Lisbonne, réservez au plus vite cette incomparable visite guidée, tous les commentaires sont unanimes : Cette visite guidée de la Lisbonne juive a été pour tous le point culminant de leur séjour à Lisbonne. Et pour les plus chanceux qui ont également eu la chance de partager les repas de shabbat de Patricia et Joseph, un Shabbat savoureux, chaleureux et inoubliable. Shana Tova Oumetouka.  Renseignements : www.KosherinLisbon.com visite@KosherinLisbon.com

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LIVRES

LE SCHMOCK ROMAN DE FRANZ OLIVIER GIESBERT. ON N’EN SORT PAS INDEMNE

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n ne veut pas rester en Europe parce qu’on a peur que ça recommence, les histoires avec les Juifs, les chasses aux nez crochus, les guerres débiles, les bombardements idiots. Avec tous les salopards qu’il compte, on n’a pas confiance dans ce continent, tu comprends. Toi, tu es beaucoup trop gentil, papa, tu pardonnes tout. » Et ses trois enfants sont repartis à New York avec leur tante Esther, laissant Elie à Munich, sa ville natale où il fut persécuté pendant 12 ans par « l’un des régimes les plus sanglants que la terre ait portés C’EST UN ROMAN

« Le Schmock » le dernier roman de Franz Olivier Giesbert, chez Gallimard, 396 pages, 21,50€ C’est un roman, l’histoire d’Elie, Elsa, Lila, Karl et d’autres en Allemagne depuis la résistible montée du nazisme jusqu’au suicide de Hitler. Le schmock, c’est en yiddish, le sexe masculin ou un personnage sans importance ou ridicule. C’est le mot utilisé par les juifs d’Allemagne pour désigner le Führer. Franz Olivier Giesbert, FOG, écrivain et journaliste, est le fils d’une normande et d’un soldat américain d’origine juive allemande, débarqué le Jour le plus long sur la côte normande. FOG s’est posé la question qui hante tous les historiens : « Pourquoi tant d’Allemands « bien » , respectables avaient pris à la légère la montée du nazisme tandis que les juifs tardaient étrangement à fuir. » Par quelle aberration, à cause de quelles complaisances ,quelles lâchetés, le nazisme fut-il possible? » Quatre cent mille allemands juifs, parfaitement intégrés à la culture allemande, à la civilisation de « ce grand pays de musiciens, de philosophes et de poètes « furent montrés du doigt, stigmatisés, humiliés, pourchassés, assassinés sous le regard hésitant et veule de leurs voisins, de leurs amis, par des tueurs en uniforme dont le nombre dépassait celui des soldats de l’armée régulière. On avance dans le récit en suivant le destin de deux

jeunes gens du même âge, camarades d’études et partageant les mêmes goût , amoureux de la même jeune fille. L’un des deux est à moitié juif et leur histoire prendra un autre cours sous le régime nazi. C’est un roman sur l’Allemagne, le nazisme, la Shoah : la cruauté, la violence, les camps de concentration, Dachau surtout, la torture, les prisonniers mis sur des crocs de boucher, les expériences pseudo médicales sur des détenus ( congelés vivants ou infectés par piqûres de cultures microbiennes …) on n’en sort pas indemne mais c’est un rappel salutaire. L’arrivée au pouvoir d’un dément, probablement impuissant ou syphilitique, et une machine industrielle, celle de l’Allemagne, parfaitement efficace vont permettre la destruction des juifs d’Europe : 6 millions de juifs, torturés, tués, gazés, asphyxiés, la plus grande faute de l’humanité, le péché éternel de l’Allemagne. « Hitler était bien plus qu’un banal tyran accaparant tous les pouvoirs. Porté par une mystique qui le transcendait, il était l’âme du pays, ses bras, son cerveau, son histoire. D’où la folie des saluts nazis au cri de « Heil Hitler », d’où les crises d’hystérie collective qu’il provoquait dans les réunions publiques où il semblait en fusion avec son auditoire ». Le roman de FOG s’étend sur 12 ans, des débuts du nazisme en 1933 jusqu’à sa destruction en 1945. C’est une fresque historique appuyée sur une documentation précise et de grande valeur. Mais c’est surtout un roman qui raconte une histoire : deux jeunes étudiants, deux belles jeunes filles, leurs parents, industriels, avocats, politiciens, des personnages secondaires vite décrits mais bien campés, un horizon de flammes et de fumées succédant à la douceur du printemps en Bavière, ce roman pourrait être le scénario d’un grand film. Simone Veil n’aimait pas « Le Chagrin et la Pitié » de Marcel Ophuls et elle s’était opposée à ce que des financements lui soient accordés. Elle n’aimait pas « Shoah » de Claude Lanzmann, par contre elle trouvait que Holocauste , série américaine avec Meryl Streep exprimait bien ce que fût la Shoah. Comme le note si justement Giesbert, « Après tout,

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il n’y a que les fous pour répondre à ce genre de question, les fous ou les personnages de roman » Il vous trahira sans cesse. Elie, centenaire, donne à ses petits enfants, son dernier conseil et il nous semble que c’est Franz Olivier Giesbert qui s’adresse à nous : « Pendant des siècles, la communauté juive a baissé la tête sous les coups qui pleuvaient sur elle et supplié ses bourreaux de bien vouloir lui pardonner les souffrances, les blessures qui lui étaient infligées. Maintenant qu’elle a redressé la tête, au moins en Israël, elle est toujours aussi honnie, peut être même plus encore. A la fin, son grand tort aura été d’avoir survécu à tout. Quand quelqu’un vous a trahi une fois , dites vous bien qu’il vous trahira sans cesse, jusqu’à votre mort, pour se prouver à lui-même qu’il avait raison ». 

Par André Simon Mamou


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THEÂTRE

L’INVITATION D’HADRIEN RACCAH, MISE EN SCÈNE DE PHILIPPE LELLOUCHE

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e manquez pas L’Invitation, avec Gad Elmaleh, Philippe Lellouche et Lucie Jeanne. Cette pièce a connu un tel succès qu’elle joue les prolongations. Charlie c’est l’ami imaginaire que Daniel a créé pour tromper son épouse sans éveiller les soupçons. Charlie c’était l’idée parfaite jusqu’au jour où Catherine, sa femme, demanda à le rencontrer. Pour sauver son mariage Daniel (Gad Elmaleh, le mari infidèle), va donc devoir inviter à dîner un inconnu qui l’espace d’une soirée jouera le rôle de son meilleur ami. Cette pièce nous rappelle Le dîner de cons le film de Jacques Weber.

scène, habitué au one man show, oubliant un peu ses partenaires, car sa femme reprendra le pouvoir à la fin de la pièce. Une comédie de boulevard, légère, très rafraîchissante au décor réussi. A voir très vite pour un divertissement sans prise de tête. L’Invitation d’Hadrien Raccah, mise en scène de Philippe Lellouche, avec Lucie Jeanne, Gad Elmaleh, Philippe Lellouche. Théâtre de la Madeleine 19, rue de Surène 75008 Paris Tél. : 01 42 65 07 09 —

Gad Elmaleh fait son retour sur les planches après vingt ans d’absence. Le public est conquis

Du 2 octobre 2019 au 2 janvier 2020 

Parfait dans son rôle, Gad Elmaleh n’aura pas le dernier mot, même s’il se démène sur

Par Sylvie Bensaid

PÈRE ET FILS MISE EN SCÈNE : DAVID ROUSSEL ET ARTHUR JUGNOT

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ertrand et Alexandre Delorme, père et fils, n’entretiennent pas d’excellentes relations. Le temps d’un week-end complètement fou, le père et le fils se retrouvent chacun dans le corps de l’autre. Comment Bertrand va t’il gérer sa campagne des législatives ? Comment Alexandre va-t-il aller en week-end avec sa fiancé ? Et si cette situation catastrophique et surréaliste devenait finalement une chance pour ré apprendre à se connaître ? Et à s’aimer...

formidable il porte la pièce avec beaucoup de fantaisie. Surprises, humour, rire, tout est au rendezvous. Une belle prouesse pour ses 2 très bons acteurs qui vous feront passer une soirée agréable Théâtre de la Renaissance 20 Boulevard Saint-Martin 75010 Paris Tél. : 01 42 08 18 50 —

Une véritable comédie menée à toute vitesse, Père ou Fils est aussi un tourbillon où l’émotion n’est jamais très loin.

Du 15 octobre 2019 au 11 janvier 2020 

Patrick Braoudé qu’on a plaisir à revoir, est

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Par Sylvie Bensaid


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DOCUMENTAIRE

LA FOURCHETTE UN FILM DOCUMENTAIRE D’ANNE LAINÉ Par SYLVIE BENSAID

celles rencontrent des jeunes suivis par les Maisons chaleureuses de l’association Beit Esther du village arabe d’Abu-Gosh et de Jérusalem. Un an plus tard, les jeunes du Val-d’Oise font le voyage inverse et s’envolent pour Israël. L’art et le voyage semblent être le moteur de ces rencontres, mais ce ne sont que des prétextes, tant leur désir de découvrir le monde est puissant et tant les obstacles qu’ils ressentent dans leur milieu leur paraissent insurmontables. Voir l’autre permet de distinguer ses propres talents et de trouver le sens de son présent et la voie de son avenir.

I

ls habitent Sarcelles, Garges-les-Gonesse, Jérusalem et Abu-Gosh. Ils vivent sous l’œil indifférent des grands médias. Ils traînent derrière eux tous les clichés du monde. Ils ne sont pas vus comme des individus, mais comme des jeunes de banlieue. Ils vivent dans le flou des hors-champs des chaînes d’informations et tous souffrent de n’être que ces images de second plan. Peut-être parce que leurs situations diverses sont vécues comme opposées et irréconciliables, les sensations qu’ils vont partager n’en sont que plus exceptionnelles, et c’est parce qu’elles le sont véritablement qu’elles sont universelles. UN FILM PLEIN D’AMOUR QUI RÉUNIT

Au cours d’un projet organisé par la Fondation OPEJ autour du chant, de la nourriture et de la danse, au Performing Arts Forum, un ancien couvent de Picardie reconverti en résidence artistique, des jeunes accompagnés par ses services de prévention spécialisée de Garges- lès-Gonesse et de Sar-

Le film montre les étapes délicates de cet éveil au monde. Les protagonistes découvrent l’absurdité, la vanité voire l’indécence, parfois publique, des lieux communs sous l’objectif de la caméra d’Anne Lainé dont ils ont, au fil des jours, oublié la présence. Ils se révèlent les uns aux autres pour ce qu’ils sont, au-delà de toutes les apparences, égaux et humains. BRISER LES STÉRÉOTYPES

L’essentiel est de montrer comment, devant la caméra, se défont les obstacles qui entravent la parole des jeunes et comment au delà des discours simplistes une nouvelle approche de la réalité peut se faire jour. Ainsi, sans doute verrons-nous paraître des situations et des questionnements imprévus : ils démontreront à l’usage de tous que ce qui rapproche les individus est infiniment plus fort que ce qui les sépare. Le documentaire est destinée aux professionnels du secteur social et aux publics transmetteurs, ensei-

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gnants et pédagogues afin que ce film devienne un support pédagogique de lutte contre les préjugés, les représentations et toutes formes de racisme et d’antisémitisme. Le film la fourchette, un documen taire d’Anne Lainé, sur un projet de Gad Elbaz et Johan Zittoun, Victor Cohen-Hadria et Laurent Turpin, SITARI Productions. 


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ISRAËL

L’AN PROCHAIN À TEL AVIV Par ANDRÉ SIMON MAMOU

de la religion mondiale, celle qui commence à tout envahir : l’écologie ! Qui jeûne à Tel Aviv ? Un sondage, quelle valeur lui accorder, donne les chiffres suivants : 60% vont jeûner, 26 % écartent l’idée. Un commentaire intelligent : les 14 % qui n’indiquent pas leur position estce qu’ils jeûnent ou non, ou bien font ils partie de ceux qui ont honte de jeûner ou de ne pas jeûner ?

Y

om Kippour a Tel Aviv : le ciel est bleu, le soleil présent, il fait bon.

Tous les commerces sont fermés et il n’y a aucune circulation, ni camions, ni bus, ni voitures. Pas d’usines en fonctionnement et ni trains ni avions. Les passants, les promeneurs plutôt, ont quitté les trottoirs et marchent sur les chaussées. Les vélos, les trottinettes des enfants de tous âges les contournent, slaloment entre les groupes. Les gosses ont désormais tous des casques de protection mais à la télévision, il est annoncé qu’il y a eu beaucoup de chutes et de blessés. Quelques heures après l’arrêt de la circulation automobile, l’indice de la pollution chute de 8 à 2. L’air de la mer a chassé tous les résidus des gaz d’échappement, oxyde d’azote ou benzène. L’air est vif comme « le vent crispé du matin »et on le ressent aussitôt. Nul doute : c’est le moteur à essence qui est responsable de nos bronches encrassées et il faudra bien l’interdire dans le centre des villes. Le jour sacré de la religion juive deviendra le jour sacré

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À la plage, il y a beaucoup de baigneurs mais moins que les autres jours. La mer est calme, pas de vagues juste un clapotis, l’eau est limpide et on aperçoit des bancs de poissons qui filent vers le large puis reviennent inspecter les premières flaques, cherchant une nourriture ?

Yom Kippour à Tel Aviv c’est aussi et surtout les synagogues. Il y en a dans chaque mini quartier et si vous êtes religieux, il n’est pas nécessaire de vous déplacer beaucoup pour faire ses dévotions. Les fidèles : les vieux, les très jeunes, tous attentifs et connaissant parfaitement le rituel. Ils se penchent pour aider le néophyte à trouver la bonne page, ils sourient et on ressent un grand apaisement d’être parmi eux. Yom Kippour à Tel Aviv : Gam l’shana haba ‘ah ! L’an prochain aussi ! 


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SHOPPING

UN AUTOMNE EN BEAUTÉ ! Par SYLVIE BENSAID

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MON GUERLAIN EAU DE PARFUM - NOCIBÉ Le nouveau parfum féminin de Guerlain. Mon Guerlain est le nouveau parfum de la Maison, un hommage à la féminité d’aujourd’hui : une féminité forte, libre et sensuelle, inspirée par Angelina Jolie. 60,50 € 

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Kavod aux aînés

AÎNÉS! La LUMIÈRE et la JOIE sont ancrées dans vos CŒURS, Vous êtes CURIEUX de tout et vous avez du TEMPS, Seuls ou à plusieurs, c’est le MOMENT de se RÉVEILLER et de BOUGER!

Venez PARTAGER les BONS MOMENTS que nous VOUS avons CONCOCTÉS !

Londres - New York - Auschwitz - Prague - Grèce - Lisbonne Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme - Visites thématique - Expositions

07 66 40 75 68 |

kavodauxaines@gmail.com


COLLOQUE • STRASBOURG • 23-24 OCTOBRE 2019

L’ÉCLAT ET L’ÉCART En chemin avec les juifs d’Alsace et de Lorraine Siège de la Région Grand Est 1 place Adrien-Zeller Strasbourg (tram B et E, Wacken)

MERCREDI 23 OCTOBRE

JEUDI 24 OCTOBRE

9 h 15 Séance d’ouverture Jean Rottner, Michel Deneken, Harold Avraham Weill, Freddy Raphaël, Émile H. Malet

9 heures La synagogue aux yeux bandés. Et pourtant elle voit Anne Mounic, Marie-Brunette Spire, Astrid Starck-Adler, Freddy Raphaël

10 h 45 Le savant au service de la cité et d’une certaine idée de l’homme Dominique Schnapper, Gilles Clavreul, Jean-Christophe Marcel, Freddy Raphaël 12 heures Vernissage de l’exposition « Regards sur le patrimoine juif dans le Grand Est » 14 heures La confiance trahie : de la ferveur républicaine à la déréliction Ondine Debré, Philippe Oriol, Émile H. Malet 16 heures Au nom de la vocation de la France Denis Charbit, Danny Trom, Jean-Richard Freymann, Salomon Malka, Claude Liévens 18 heures Concert du groupe « Klezmhear »

10 h 45 L’Alsace et la Lorraine, terres d’accueil, terres d’exclusion, terres de voisinage Dov Zérah, Cyril Aslanov, Fanny Bazile, Pascal Mangin 14 heures Les juifs alsaciens et l’invention de la mystique républicaine Henri Guaino 15 heures Une tension assumée entre la mystique et les « Lumières » Géraldine Roux, David Lemler, Salomon Malka, Catherine Trautmann


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