Manuscrits grecs de la Fondation Martin Bodmer

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MANUSCRITS GRECS Schwabe Verlag Basel www.schwabeverlag.ch  www.fondationbodmer.ch

F O N DAT IO N M A RT I N B O DM E R

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CATALOGUES VIII

FONDATION MARTIN BODMER

MANUSCRITS GRECS



FON DAT ION M A RT I N B ODM E R

C ATA L O GU E S VIII M A N USCR ITS GR ECS



M A N US C R I T S GR EC S DE L A FON DAT ION M A RT I N B ODM E R

É T U DE E T C ATA L O GU E S C I E N T I F IQU E PA R PAT R IC K A N DR I S T

E DI T ION S S C H WA BE BÂ L E F ON DAT ION M A RT I N B ODM E R


Copyright © 2016 Éditions Schwabe SA, Bâle, et Fondation Martin Bodmer, Cologny Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur. L’ œuvre ne peut être reproduite de façon intégrale ou partielle, sous aucune forme, sans une autorisation écrite de la maison d’ édition et de la Fondation Martin Bodmer, ni traitée électroniquement, ni photocopiée, ni rendue accessible ou diffusée. Production: Schwabe SA, imprimerie, Muttenz/Bâle Printed in Switzerland ISBN 978-3-7965-3349-5 rights@schwabe.ch www.schwabeverlag.ch www.fondationbodmer.ch


À la mémoire de Marc Sosower (1949–2009) Et en l’honneur de ses travaux sur les codex grecs de la Fondation Martin Bodmer



« La bibliothèque Bodmer à Cologny (près de Genève), illustre par les papyrus insignes qu’elle a publiés … possède, paraît-il, des manuscrits grecs ». C’est ainsi qu’en 1958 Alphonse Dain informait la communauté scientifique de l’existence de la collection, alors incomplètement constituée, dont nous proposons ici la description1. En effet, outre l’achat des fameux papyri, Martin Bodmer constitua entre 1948 et 1970 une petite collection significative de 10 codex grecs et quelques fragments. Grâce aux annotations portées sur les manuscrits et à la documentation annexe de la bibliothèque, il est possible en effet, à une exception près, de retrouver la date d’acquisition approximative de ces manuscrits, dans l’ordre suivant2. Date

Codex Titre des volumes Bodmer

1948

CB 25

Vendeur

Tétraévangile avec vente Phillipps 1948 chaînes exégétiques

avr. 1949 (?) CB 24

Fragm. de reliure

nov. 1949

CB 184

Maximus Planudes libraire Erwin Rosenthal

1952

CB 63

Eudoxia Augusta

librairie Blaizot, Paris

oct. 1957

CB 8

Archimedes

libraire Laurence Witten

mars 1958

CB 136

Corpus Platonicum libraire Arthur Rau

juin 1962

CB 85

Homerus

libraire Hans Peter Kraus

juin 1967, CB115 sept. 1967 (?)

Traités de sciences militaires

cf. vente Phillipps juin 1967

nov. 1967, mars 68 (?)

Aeschylus

cf. vente Phillipps, nov. 1967

nov. 1967, CB 5 mai 1968 (?)

Anthologie d’Angelo Claretti

cf. vente Phillipps, nov. 1967

nov. 1969, CB 64 janv. 1970 (?)

Euripides

cf. vente Phillipps, nov. 1969

(?)

Fragm. de lectionnaire

(?)

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CB 3

CB 106

cf. vente Peckover, avr. 1949

Dain Alphonse, Rapport sur la codicologie byzantine, Berichte zum XI. Internationalen Byzantinisten-Kongress München 1958, t. 1.6, München 1958, réimpr. 1960, p. 5. Les hésitations concernant la date sont surtout dues à l’inscription de deux dates sur le codex (par exemple sur le CB 3 ou le CB 5), correspondant apparemment à la date d’achat proprement dit, et à la date d’arrivée ou d’inscription du manuscrit à la bibliothèque.

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Résultat attendu de la réflexion de Martin Bodmer sur la « Weltliteratur »3, Homère et la Bible occupent une place d’honneur et constituent les deux pôles principaux de cet ensemble. Le texte d’Homère lui-même, quelque fictif que soit l’aède éponyme, et sa réception à diverses époques : car il ne suffisait pas de lire les épopées, il fallait aussi les étudier, les comprendre, les commenter, se les approprier. De fait, le fragment 6 du Codex Bodmer 24, copié au VIIe siècle, ne contient rien du chant 24 de l’Iliade, mais la fin d’une introduction à ce texte et le début des scholies. De même, dans l’épaisse Iliade du Codex Bodmer 85, les chants sont entourés d’une introduction, de commentaires et de scholies : les moines otrantais du XIVe siècle, à qui l’on doit ce volume, défendaient leur culture hellénique, différemment menacée par les Turcs et les Latins, en copiant l’œuvre du poète grec par excellence, et tout l’antique savoir qui la rendait accessible. Quant au Codex Bodmer 63, riche des centons homériques attribués à l’impératrice Eudocie du Ve siècle, il est l’écho d’une éducation au terme de laquelle on avait les moyens et l’envie de raconter l’histoire chrétienne comme une épopée archaïque ; quelque mille ans plus tard, c’est pour le roi de France que les vers de l’impératrice sont copiés par Ange Vergèce, et toujours conservés dans l’opulente reliure originelle, aux médaillons peints, probable œuvre de Claude Picques, relieur du roi. La Bible ensuite, avec le splendide Tétraévangile du Codex Bodmer 25, un fragment de l’Évangile selon Matthieu dans le Codex Bodmer 106, deux petits restes de la Première épître de Paul à Timothée dans le Codex Bodmer 24.3-4, et deux fragments de Psaumes dans le Codex Bodmer 24.7-8 ; c’est l’autre héritage universel de la Grèce antique, le Nouveau Testament et la Septante. Jésus, Paul et David, dans un ordre d’importance fortuit mais quasi symbolique : un beau volume enluminé pour le premier ; quelques débris de codex pour les deux autres. Homère et Jésus… la réunion du profane et du sacré ? Mais le profane est ici imprégné d’un autre sacré, plus ancien. Dans la bibliothèque de Martin Bodmer, les figures tutélaires n’ont pas de descendance livresque comparable : pour la seconde, que des fragments encore, de la Didascalie des apôtres dans le Codex Bodmer 24.1-2 et des indications de lecture liturgique dans le Codex Bodmer 106. Pour la première figure, par contre, les grands noms de la littérature grecque : Archimède (CB 8), Eschyle (CB 3), Euripide et Sophocle (CB 64), Platon (CB 136), auxquels il faut ajouter les morceaux choisis (et laborieusement copiés, par Angelo Claretti, vers la fin du XVe siècle) des non moins 3

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Bodmer Martin, Eine Bibliothek der Weltliteratur, Zürich 1947 ; Idem, Variationen zum Thema Weltliteratur, Frankfurt 1956 ; sur Martin Bodmer, voir Méla Charles, Martin Bodmer ou l’idée d’un chef-d’œuvre, Marbacher Kataloge 55, vol. 1, 2000, p. 38-50.


célèbres Aristophane, Ésope, Pythagore et Diogène Laërce (CB 5). Nous y ajoutons volontiers les fragments de l’œuvre profane de Julius Africanus (CB 115). D’autres textes, parfois des petites pièces de deux lignes seulement, faussent heureusement une systématique trop calculée. La Vie d’Ésope de Maxime Planude et les deux premiers traités militaires du Codex Bodmer 115 étendent la collection à Byzance : l’un de ces traités, attribué à l’empereur Maurice (539-602), en est de fait la paraphrase du Xe siècle, dont le Bodmerianus est le second témoin connu. Enfin, quelques vers de Sénèque dans le Codex Bodmer 5 et, ajouté par un lecteur dans les marges du Codex Bodmer 136, un morceau de traduction de Platon par Marsile Ficin font le lien avec la culture latine, de l’Antiquité à la Renaissance… Parmi les nombreux anciens possesseurs signalés sous la rubrique histoire de chaque notice, deux se distinguent pour avoir possédé plus d’un manuscrit grec aujourd’hui à la Fondation Martin Bodmer. Personne n’a encore décompté tous les livres de Martin Bodmer un jour propriétés de Thomas Phillipps (1792-1872), qui avait constitué une énorme bibliothèque de quelque 60 000 manuscrits, outre de très nombreux incunables et imprimés anciens. Les catalogues de la Fondation ainsi que la bibliographie secondaire attestent à Cologny, par exemple, trente-et-un manuscrits latins de Phillipps, onze manuscrits français, auxquels s’ajoutent cinq codex grecs, sous quatre cotes Phillipps4 : Cod. 9501 : Codex Bodmer 5, Anthologie classique d’Angelo Claretti ; Cod. 3086 : Codex Bodmer 3 et 64, Eschyle et Euripide ; Cod. 3558 : Codex Bodmer 115, Traités militaires ; Cod. 13975 : Codex Bodmer 25, Tétraévangile. L’histoire de ces manuscrits, entre le décès de Thomas Phillipps et leur entrée dans la collection de Martin Bodmer, est bien connue : après de nombreuses hésitations et tergiversations, Phillipps légua à sa fille Katharine Fenwick (1823-1913) son immense trésor, qui passa ensuite à son petit-fils Thomas Fitzroy Fenwick (1856-1938). Malgré un testament très strict, qui 4

La liste des abréviations se trouve ci-dessous, p. 155. Sur Phillipps, cf. Phillipps, Sir Thomas, baronet (1792-1872), DNB ; voir surtout Munby Alan Noel Latimer, Phillipps Studies, 5 t., Cambridge 1951-1960 ; réimpr. en 2 vol., London 1971, en particulier le tome 5, sur la dispersion de la bibliothèque. Ricci Seymour (de), English Collectors of Books and Manuscripts: (1530-1930) and their Marks of Ownership, Cambridge 1930, p. 119-130. Pellegrin Eli­ sabeth, Manuscrits latins de la Bodmeriana, Catalogues 5, Cologny 1982, cf. p. 471 ; Vielliard Françoise, Bibliotheca Bodmeriana. Manuscrits français du moyen-âge, Catalogues 2, Cologny 1975, cf. p. 182.

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stipulait entre autres que la collection devait rester intacte (et en interdisait l’accès à tout catholique !) Fenwick obtint en 1885 l’autorisation de vendre la bibliothèque et en entreprit la dispersion, lot par lot. Après le décès de ce dernier, son neveu Alan George Fenwick (1890- ?) hérita de la bibliothèque et, en 1946, vendit en bloc les volumes restant aux libraires anglais Philipp and Lionel Robinson, qui poursuivirent les ventes aux enchères, au plus grand profit de la collection de Martin Bodmer. En 1978, ils cédèrent les invendus à l’antiquaire new-yorkais Hans Peter Kraus pour un million de dollars… les derniers volumes de Thomas Phillipps furent dispersés par Christie’s en juin 2006, plus de 130 ans après la mort de leur célèbre propriétaire ! Parmi les « Phillippici » de la Fondation Martin Bodmer, l’histoire des Codex Bodmer 3 et 64, comme le regretté Marc Sosower, à qui ce volume est dédié, en a le premier retracé les grandes lignes, n’est pas banale. Copiés dans le dernier quart du XVe siècle par la même main inconnue, et produits évidents du même projet éditorial (même papier, mêmes dimensions et même mise en page, l’un dédié aux Perses d’Eschyle, l’autre aux Phéniciennes d’Euripide), ils se trouvaient parmi les manuscrits du Collège de Clermont, reliés alors, avec quatre autres unités autonomes, dans le même volume5. Lorsque les jésuites furent chassés de France en 1764, la collection du Collège et celle de la Maison professe furent acquises par Gérard Meerman (1722-1771), un juriste hollandais passionné de littérature grecque et latine ; notre volume complexe, qui porte le numéro 302 du catalogue de vente de Clermont, devint le cod. 296 de sa bibliothèque, installée à la Haye en 1766. Son fils Johann Meerman (1753-1815) hérita à la fois des livres de son père et de sa passion. À la mort de sa veuve en 1821, la bibliothèque fut léguée à la ville de la Haye… qui la refusa, et les livres furent dispersés aux enchères en 1824. Thomas Phillipps y acquit quelque 650 manuscrits, mais le cod. 296 arriva chez le révérend Henry Drury (1778-1841), enseignant à Harrow, où il fut « tutor » du remuant Lord Byron. Drury divisa le cod. 296 en six volumes, et c’est sous cette forme qu’ils furent mis en vente en 1827, malgré les efforts répétés de Phillipps pour acquérir toute la bibliothèque du professeur. Les manuscrits aujourd’hui à la Fondation Martin Bodmer lui échappèrent encore une fois au profit du libraire Longman, de Londres. Mais, à force de persévérance, il acquit cinq des six parties de l’ancien volume, reconnut leur origine commune et les rangea sous la même cote, sans pour autant les unir sous la même couverture6. 5

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Sur les différents personnages et institutions mentionnés dans cette reconstruction, voir ­Cataldi Palau Annaclara, A Catalogue of Greek Manuscripts from the Meerman Collection in the Bodleian Library, Oxford 2011, p. 29-40. Sur Drury, cf. Drury, Henry Joseph Thomas (1778–1841), DNB ; Munby, t. 3, p. 8, 25-28, 47-48, 53-54, 108-109, 148, 150-151, 161 ; t. 4, p. 211. – Sur les manuscrits du Collège de


En ce dix-neuvième siècle, Paris aussi hébergeait un bibliophile d’exception, Ambroise Firmin-Didot (1790-1876), qui se distinguait par son érudition autant que par la qualité et l’étendue de sa collection. Descendant d’une famille célèbre d’éditeurs, cet entrepreneur érudit, élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, avait mis la main sur le magnifique manuscrit de Vergèce, contenant les Homérocentons d’Eudocie (CB 63), et sur le Platon attribué à Leonardo Bruni, dont il ne connaissait cependant pas l’illustre copiste (CB 136). Vingt jours de vente aux enchères, en trois séries organisées trois années différentes, vinrent à bout des 315 manuscrits anciens de la collection, et c’est par des chemins divers que les deux codex grecs parvinrent à Cologny, comme, du reste, d’autres manuscrits de Firmin-Didot7. La rumeur de la présence de codex byzantins dans la collection de Martin Bodmer se répandit, et plusieurs savants, d’aucuns insignes, firent le voyage de Cologny pour les voir. Parmi ceux que nous connaissons, en dehors du vivier helvétique, mentionnons Kurt Aland, qui retrouva des témoins bibliques marqués alors d’un point d’interrogation dans sa célèbre Kurzgefasste Liste der griechischen Handschriften des Neuen Testaments ; Dieter Harlfinger, qui projeta même d’en faire un catalogue puis nous communiqua aimablement qu’il y renonçait ; Hélène Ahrweiler, Paul Canart, Brigitte Mondrain, etc. Progressivement, plusieurs publications levèrent aussi le voile sur ce trésor : en 1972, Bernard Gagnebin signalait les Codex Bodmer 25 et 858 ; en 1976, Klaus Junack décrivait les fragments du Codex Bodmer 24 ; quelques années plus tard Ernesto Berti explorait le Codex Bodmer 136 ; encore 10 ans, et Marc Sosower s’intéressait aux Codex Bodmer 3 et 64, puis aux Codex Bodmer 8 et 115. L’exposition itinérante Spiegel der Welt, et son beau catalogue, finit de faire connaître les pièces les plus importantes. Suivant ses intérêts, chacun de ces auteurs a mis en relief des aspects importants des codex, mais il manquait encore une description systématique et approfondie de tous les manuscrits, un diagnostic scientifique sur l’histoire de leur constitution, la reconstruction de leurs pérégrinations et un bilan bibliographique. C’est cette lacune qu’espère combler le présent catalogue, et nous remercions vivement toutes les personnes qui en ont rendu possible la prépaClermont, cf. supra. – Sur la bibliothèque Meerman, voir aussi van Heel Jos, Drie verzamelaars en een museum. = Three collectors and a museum, Alphen aan den Rijn 1998. 7 Voir Jammes André, Les Didot.Trois siècles de typographie et de bibliophilie, 1698-1998, Paris 1998, en particulier p. 69-112 ; Wallon Henri, Notice sur la vie et les travaux de M. Ambroise Firmin-Didot, membre libre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 30.4, 1886, p. 538-580. Pellegrin, op. cit. n. 4, cf. p. 469. 8 Pour les références bibliographiques, voir la notice des manuscrits signalés.

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ration : tout d’abord le Conseil de la Fondation Martin Bodmer, son ancien directeur Charles Méla, ainsi que Michel Jeanneret, responsable des publications ; les collaborateurs de la Fondation Martin Bodmer, pour leur disponibilité, leur accueil toujours efficace et amical, en particulier Nicolas Ducimetière, et Sylviane Messerli qui a également relu le texte très attentivement ; le ‘Curatorium pour le catalogage des manuscrits médiévaux et prémodernes conservés en Suisse’, sous l’égide duquel ce projet se place aussi ; tous les collègues et amis qui ont généreusement partagé des informations ponctuelles avec nous, et dont nous rappellerons les noms ad locum ; de façon plus générale, nous avons aussi le plaisir d’exprimer toute notre reconnaissance à Paul Canart, avec qui nous avons discuté de nombreuses questions ; à Irmgard Hutter et à Ernst Gamillscheg, qui ont également partagé généreusement leur avis sur diverses questions particulières concernant plusieurs codex ; à Paul Géhin et à André Hurst pour leurs relectures scrupuleuses et leurs conseils ; à Dieter Harlfinger pour les contacts au début de ce projet ; enfin, pour divers services et renseignements, nous ne saurions oublier Renate Burri et Romain Jurot. Évoquons enfin la mémoire d’Hans Braun, premier directeur de la Bibliotheca Bodmeriana, qui a encouragé et soutenu nos premiers travaux sur ces superbes manuscrits. Un nouveau type de catalogues scientifiques – vademecum lectoris En lisant les descriptions, le lecteur habitué aux catalogues traditionnels de manuscrits sera peut-être surpris de la façon dont les notices sont organisées. En effet, c’est une approche qui tire les conséquences pratiques de la recherche codicologique des vingt dernières années9. Elle a été mise en œuvre dans diverses publications, notamment dans le catalogue des manuscrits grecs de Berne10, dont le présent ouvrage est une suite plus modeste, pour les raisons données ci-dessous. Cette réflexion repose sur la constatation que de nombreux codex du Moyen Âge et de la Renaissance sont structurellement complexes, et réunissent des parties constitutives produites à des époques différentes, ou à la même époque mais, tant du point de vue de leur matérialité que de leur contenu, de façon  9

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Voir les divers travaux de Peter Gumbert, en particulier son article Codicological Units: ­Towards a Terminology for the Stratigraphy of the Non-Homogeneous Codex, in E. Crisci, O. Pecere (éd.), Il codice miscellaneo, tipologia e funzioni. Atti del convegno internazionale (Cassino, 14-17 maggio 2003), Segno e testo 2, 2004, p. 17-42 ; pour une histoire de la recherche et une explication théorique, voir Andrist Patrick, Canart Paul, Maniaci Marilena, La syntaxe du codex. Essai de codicologie structurale, Bibliologia 34, 2013. Andrist Patrick, Les manuscrits grecs conservés à la Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne – Burgerbibliothek Bern. Catalogue et histoire de la collection, Dietikon 2007. Informations supplémentaires sur CD Rom inclus.


totalement autonome les unes des autres. Tel est ici clairement le cas des Codex Bodmer 5, 8, 25 et 115, ainsi que des fragments du Codex Bodmer 24. Si l’on tient compte en outre de la reliure, très rarement originelle, et des ajouts de lecteurs ou de propriétaires, il n’est probablement aucun codex actuel qui soit le résultat d’une seule et unique opération. Pour permettre au lecteur de mieux percevoir les différentes étapes constitutives du codex et diminuer le risque qu’il associe indûment des informations relevant de productions distinctes, chaque unité de production potentielle est décrite de façon autonome. Dans chaque notice, ces descriptions sont précédées d’un sommaire (aussi nommé « chapeau » ou « schéma de composition »), qui donne une vue globale du volume actuel, et sont suivies de la description des éléments concernant le volume dans sa globalité, par exemple la reliure, l’histoire générale du codex et la bibliographie. Le tableau ci-dessous (cf. page suivante) présente de façon schématique la structure d’une notice, avec la liste des rubriques associées (les rubriques entre parenthèses ne sont pas toujours utilisées). La façon dont ces rubriques sont remplies est expliquée dans les règles de catalogages des manuscrits grecs de Berne, malgré certaines modifications mineures11. Comme chacun le sait, un catalogue est, par nature, un produit perfectible, car la description d’un manuscrit n’est jamais achevée, et un projet de catalogage est toujours déterminé par des limites de budget et de temps. En l’occurrence attirons l’attention sur le Codex Bodmer 85, dont les notes marginales distinctes des scholies ainsi que les notes effacées du f. 206v mériteraient une étude spécifique. Nous regrettons également qu’il n’ait pas été possible d’ajouter davantage de reproductions au présent volume, mais le lecteur se consolera en les cherchant sur le site www.e-codices.ch, où presque tous les codex décrits ici sont intégralement « publiés ». Au terme de cet ouvrage, notre vœu est que le présent catalogue soit utile à un large éventail d’utilisateur et donne envie à de jeunes chercheurs d’approfondir le travail commencé !

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Andrist Patrick, Les manuscrits grecs conservés à la Bibliothèque de la Bourgeoisie de Berne – Burgerbibliothek Bern. Règles de catalogage, Bern 2007 ; disponible sur internet, http://www.codices.ch/catalogi/leges_2007.pdf. Certaines améliorations sont expliquées dans Andrist, Canart, Maniaci, La syntaxe du codex, p. 137-138.

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Cote avec titre du volume, relatif à son contenu Libellé, puis informations sur la foliotation / pagination Sommaire . première unité de production, avec brève indication du contenu – A (titre omis s’il n’y a qu’une seule unité) Libellé. Contenu (y compris la description des peintures). Mise en texte. Matière. Organisation des cahiers et des pages : Cahiers – Marques de cahier – Mise en page – Page témoin – (Numérotation ancienne des folios). Écritures et encres : Écriture principale – Écriture distinctive – Encre principale – Encre distinctive. Ornementation : (Bandeau – Lignes décoratives – Initiales ornementales – Initiales – Autres décorations). (Autres interventions du copiste). B. deuxième unité de production Même structure que l’unité A. etc. Éléments supplémentaires Les différentes pièces ajoutées, ou folios supplémentaires (description des rubriques pertinentes), chaque ensemble séparément. Puis les rubriques suivantes : (Notes de lecteurs) – Notes relatives à la Fondation Martin Bodmer – (Autres marques de possesseurs) – (Autres notes). Reliure Libellé. Couture et couverture : Couture – (Tranchefiles) – Couverture – Dos – (Fermetures) – Décoration – Inscriptions. Gardes : Gardes ant. – Gardes post. – (Doublures). (Fabrication). (Restes d’anciennes reliures ; description des rubriques pertinentes).

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Conservation Reliure – Corps. Histoire Histoire constitutive – Histoire ultérieure. Bibliographie (Illustrations).

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Codex Bodmer 3 – Aeschylus (olim Phillipps 3086 ; olim Drury 140 ; olim Meerman 296 ; olim Clermont 302) S. XV, ca. 1475-1490, cf. Matière. – Papier. – 37 f. = (2) 37 (16, 2). – 210 × 145 mm. – 1 col., 13 l. Foliotage récent, en gris ; irrégulier, généralement tous les quatre ou cinq folios : 2 f.s.n., 1 à 33, 21 f.s.n.. – Numérotation utilisée ci-dessous, sans autre indication : I-II, 1-37, III-XX. Sommaire Reliure, s. XIX. (f. I-II) gardes ant. (f. 1-37) s. XV, ca. 1475-1490, cf. Matière. 1. (f. 1-37r) Aeschylus, Persae. - (f. 37v) vide, sans notes. (f. III-XVIII ; XIX-XX) folios supplémentaires, cf. Reliure ; puis gardes post. Contenu 1. (f. 1r-37r) Aeschylus, Persae. a. (f. 1r-v sup.) prologue aux Perses. – Éd. O. Dähnhardt, Scholia in Aeschyli Persas, Bibliotheca Teubneriana, Leipzig 1894, p. 2-8 ; ms. non mentionné. Sans titre. Argument et liste des personnages, « Γλαῦκος ἐν τοῖς περὶ Αἰσχύλου μύθοις … προλογίζει χορὸς γερόντων ». - (f. 1v inf.) vide, sans notes. b. (f. 2r-37r sup.) Persae. – Éd. D. Page, Oxford 1972, réimpr. 1985 ; ms. non mentionné. Sans titre. – « Τάδε μὲν Περσῶν τῶν οἰχομένων … πέμψω τοί σε δυσθρόοις γόοις », éd. p. 3-41 ; cf. infra pl. 1. Sans perte de texte entre les cahiers 4 et 5. c. (f. 37r inf.) trois vers en dodécasyllabes (trimètres iambiques ?) sur Xerxès, non identifié ; voir l’Épigramme démonstrative 197, éd. E. Cougny, Epigrammatum Anthologia Palatina : Graece et Latine : cum Planudeis et appendice nova, vol. 3, Paris 1890, p. 324 ; même pièce dans le ms. Ferrara, B. Comunale Ariostea, cod. 116, signalé par I. Vassis, Initia Carminum Byzantinorum, Supplementa Byzantina : Texte und Untersuchungen 8, Berlin, New York 2005. 17


Codex Bodmer 3 Sans titre. – « ὁ γῆν θαλασσῶν περσικωτάτω θράσει, | καὶ χωματῶν θάλασσαν ὡς φυσσῶν μόγα, | τοῖς Ἀττικοῖς ἄθυρμα δείκνυται Ξέρ­ ξης. ». - (f. 37v) vide, sans notes. Mise en texte (ci-dessous pl. 1) • Prologue : initiale de texte dans la marge, en rouge, légèrement décorée. – Trois initiales de paragraphe, à la suite du texte après un espace, en rouge, sans décoration. • Tragédie : bandeau initial sur une ligne et dans la marge sup., en rouge. Initiale marginale, en rouge, cf. Ornementation. – Un vers par ligne. – Désignation des personnages et du chœur dans la marge, en rouge. Pas d’initiales. – Fin normale. • Pièce finale séparée de la tragédie par une ligne vide. Pas d’initiales distinctives. Matière : papier • Pliage in 4o. Feuilles, au moins 460 × 306 mm. • 2 types de papier ; marques impossibles à relever entièrement à cause du pli. • Papier principal : paire de filigranes « Balance » surmontée de 2 anneaux surmontés d’une étoile. – Une série comparable à Piccard Waage VI.303, a. 1492, mais différences dans les pointes de l’étoile, la position des balances et l’écartement des fils de chaînette, plus large à gauche de 2 à 3 mm dans le ms. – Autre série comparable à Piccard Waage VI.358, a. 1473. • (bif. 1^8) papier secondaire : même dessin, mais apparemment sans étoile ; autres détails incompatibles avec le papier principal. Pas de parallèles satisfaisants. Famille attestée entre 1440 et 1501. Organisation des cahiers et des pages Cahiers : 1-44.IVf.32 + 5(2/3)f.37. – (dernier cah.) fixation non observable ; dérangement sans perte de texte. Marques de cahiers : S–ant.–i9–(πρ) ; « Γον »f.17r-« δον »f.25r ; traces visibles au f. 9r. Aucune trace visible dans le dernier cahier. Mise en page : réglure à sec ; difficile à distinguer. – 1 col., 13 lignes écrites, très espacées ; parfois 14 lignes, cf. f. 4v, pour correction. Page témoin • (f. 33r) 1 col., 13 l. – 210 × 143 mm. – Texte : (28) 148 (34) × (14) 58 (71) mm, pour une ligne typique. – Marge de droite très variable, de 52 à 97 mm selon la longueur des vers.

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Codex Bodmer 3 Écritures et encres Écriture, cf. infra pl. 1 : main non identifiée ; proche de Georges Moschos, actif dans le dernier quart du XVe et le premier quart du XVIe siècle (cf. RGK 3, no 111, etc. ; remerciements chaleureux à Ernst Gamillscheg pour avoir discuté de ce rapprochement avec moi). – Écriture distinctive : non utilisée. Encres, cf. infra pl. 1. – Encre principale : ambre. – Encre distinctive : rouge bordeaux, assez vif. Ornementation (cf. Mise en texte et infra pl. 1) Bandeau : (f. 2r) env. 19 × 61 mm ; travaillé en réserve, en encre distinctive. Assez simple. Initiales ornementales : (f. 2r) « Τ », dans la marge, sur quatre lignes, en encre distinctive. Pas d’autres éléments décoratifs. Autres interventions du copiste • (f. 14r) correction dans la marge inf. • Rares notes marginales, souvent vers la tranche de gouttière, cf. f. 12r, 14r, 25r ; cf. Codex Bodmer 64. Éléments supplémentaires Notes relatives à la Fondation Martin Bodmer (c.-garde post.) du haut en bas : Date d’acquisition : « Nov. 67 / März 68 ». Ancienne cote : « MMS I.1 ». Cote actuelle : « Cod. Bodmer 3 ». Cote thématique : « altgriech. Lit. T IV ». Notice : « Aeschylus. Persae | 15. Jahrh. ». Autres marques de possesseurs (c.-garde ant.) plusieurs notes : a) isolé, pas loin de la tranche de gouttière, « A ». – b) vers le centre de la page, « 296 MC | 3086 MMC », cf. infra. – c) À un tiers de la tranche de gouttière environ, « B 25,500 ». (f. Ir) près de la tranche de tête, note « H. Drury. Lewis compegit. ». – Vers le centre de la page, tampon de Thomas Phillipps et no d’inventaire « 3086 ». (f. 1v) dans la marge sup., en gris, sorte de « B », cf. Codex Bodmer 64, f. 1v.

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Codex Bodmer 3 Reliure Occidentale. – S. XIX. – 215 × 150 × 15 mm. Couture et couverture Couture : sur 5 nerfs, cf. dos. Serrée. Tranchefiles : brodées de fils bruns, écrus et bleus. Couverture : pleine reliure ; ais rigides, légèrement concave ; couvrure de cuir brun. Dos : 5 nervures. Inscriptions : (dos) à l’or, « Eschyli|Persae|Ms. » ; en queue, sur une étiquette, « 3086 », correspondant à la cote Phillipps ; en dessous, sur une autre étiquette, « 140 », correspondant à la cote Drury. Décoration : (plats) aux armoiries de Henry Drury, cf. cat. de vente Sotheby ; avec devise « non sine causa ». Double filet doré sur chacune des 6 arêtes et sur chacun des 6 remplis ; goutte d’or aux 4 intersections des remplis. – (tranches) dorées. Gardes Gardes ant. : • Gardes actuelles : papier ; pas de filigranes conservés. – C.-garde + f. I, bifolio. • Restes de gardes anciennes : papier ; pas de filigranes conservés. – F. II. – Autrefois collé sur le contre-plat. • Plusieurs notes, cf. Éléments supplémentaires. Gardes post. : f. XIX-XX ; mêmes papiers et même disposition que les gardes ant. (f. IV) filigrane non identifié ; restes de 8 lettres, fortement rognées. – (c.-plat post.) notes en relation avec Martin Bodmer, cf. Éléments supplémentaires. Folios supplémentaires 16 folios ajoutés lorsque le texte de l’unité A a été détaché du volume auquel il appartenait. Matière : papier sans filigranes ; fils de chaînettes et fils vergeurs difficiles à observer. Cahiers : couture serrée ; composition difficile à déterminer ; apparemment VIII. Dimensions : 209 × 141 mm. Notes : aucune. Fabrication : <Charles> Lewis, cf. f. Ir ; sur Charles Lewis, « The most eminent bookbinder in Europe, cf. Timperley Charles Henry, A dictionary of printers and printing, with the progress of literature, ancient and modern ; bibliographical illustrations, etc. etc. (!), London 1839, p. 943. 20


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