Vivre dans une maison de verre – Nicolas & Pauline Rouzet

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Nicolas Rouzet

Pauline Rouzet

Vivre dans une maison de verre



Vivre dans une maison de verre P oèmes

Nicolas

Rouzet

D essins

Pauline

Rouzet


Je n’ai pas trouvé de tour pour habiter ma folie. Je vis, non loin d’ici. Entre quatre murs dans les remparts.

Dans ta maison où personne ne vient, il y a deux chaises. – Ça va ? – Ça va !

– Ah, qu’est-ce qu’on est bien… là ! Là où on n’est pas Là où on aura toujours pied Là où jamais on ne pourra jamais rien ni dénouer ni renouer.


La nuit sur les remparts a le visage de cette paix trompeuse. La rumeur défonce les portes closes.



Voici l’ombre qui naît de la lumière comme le reflet d’un miroir elle vibre des contours qu’offre chaque forme sans pouvoir rien en saisir.


Ayant perdu la pudeur je chante blasphèmes et prières ô sonorités hautes et claires ! Et je descends l’une après l’autre les marches éternelles de cette invivable demeure.

Ne me demande pas qui je suis, où je vais. Saccadée, mensongère, ma ligne de vie !



En chaque homme l’enfant, le prisonnier qui voudrait s’amuser au fond d’une cave privé de ses jouets.


Solitude de l’oiseau face au soleil.

Entre le soleil ou l’oiseau, je choisis l’oiseau.



L’impossible est un mur de pierres où se heurte la raison. Vient un seul chant d’oiseau quand la forêt entière s’y blottit. Une seule note alors contient plus de pensée que les arbres plus de pensée que les hommes. Un simple trille délivre la clef de tous les royaumes.


Devenir silence. Un silence plus aigu que le silence. L’oiseau passe sur l’horizon, le lys se dresse au milieu des champs. Mêmes muets, ils diront bien plus que nous.


Il n’existe que ces deux certitudes. Le fini, l’infini. Avec nos mots, nos gestes maladroits, nous sommes les croyants d’un culte naïf : croire que l’on peut atteindre par des mots, un infini qui est au-delà du langage.


Et puis vient ce mot qui se pose sur la page, affolé par la torpeur estivale et qu’on n’ose épingler,


de peur d’en salir d’en perdre le sens d’en ternir à jamais toutes ces subtiles couleurs que le vent par la fenêtre aura jeté à terre.





Si seulement… loin, loin plus léger que l’air on pouvait devenir l’oiseau ce champion poids-plume qui nous chaperonnerait face aux quatre murs de la raison.

Un seul arbre suffit parfois à ré-enchanter notre déracinement. Et la voix de l’homme dispersée nous redevient amicale même lorsqu’on n’en comprend pas un mot. Un seul arbre.


Ce que la neige ne dit pas la lampe le sait. Une fragile flamme sur l’autel suffit à toutes les trêves. Avec la force de l’enfance jaillissant dans ce chant nocturne qui dissipe nos passions tristes.

Il existe un lieu où nous ne serons plus séparés.




Vivre dans une maison de verre dans la transparence de chaque geste Parcourir les chemins tous les chemins devenir chemin soi-même

y disparaître



| Les auteurs |


Nicolas Rouzet Né en 1970, originaire de Dunkerque. A dix-huit ans, il part comme matelot à Mururoa. Etudes d’Histoire de l’Art à Paris. Vit ensuite sept ans dans les Cévennes. En 2005, il arrive à Marseille pour y enseigner en lycée professionnel. Il y côtoie aussitôt quelques figures littéraires : André Ughetto et les poètes de la revue « Autre Sud », Dominique Sorrente qui anime le Scriptorium (probablement la survivance de l’un des derniers salons littéraires dans cette ville), Marie-Christine Masset et plus tard, Isabelle Alentour, Leonor Gnos et Jasmin Limans. Il a publié deux récits : – la visiteuse (MLD) en 2011 – Villa Mon Rêve » (éditions Mazette) en 2019. Ses influences sont multiples : la peinture flamande, les Caravagesques, Pierre Dhainaut, les grands hérétiques méditerranéens comme Jean Malrieu ou Joë Bousquet, le cinéma de Tarkovski et Bergman, les poètes soviétiques de le dissidence (Mandelstam, Akhmatova, Tsvetaïeva).


Pauline Rouzet Née en 2001 dans les Cévennes, elle grandit à Marseille et étudie actuellement aux Arts Décos à Paris. Enfant, elle rêve d’un jour illustrer les textes de son père, aujourd’hui elle dessine toujours mais s’intéresse aussi à la photo et à la vidéo.



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Ralentir poème 1 Un poème est un pont jeté en travers du temps Jean-Michel Maulpoix

Prendre le temps de lire un poème est un acte de résistance libérateur, une manière de rester dans l’instant présent, d’échapper à la fuite en avant permanente que nous impose le rythme de notre époque. C’est reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres. La revue Ce qui reste, coéditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud-Marcheteau, vous propose de marquer cette pause en vous faisant découvrir chaque semaine un auteur et un artiste (peintre, graveur, sculpteur, photographe, mais aussi pourquoi pas, musicien, cinéaste, etc). Ralentir travaux de René Char, Paul Éluard et André Breton, recueil de trente brefs poèmes précédés de trois préfaces, 1930, José Corti 1



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© Mars 2021 — Vivre dans une maison de verre – Poèmes de Nicolas Rouzet Dessins de Pauline Rouzet La revue Ce qui reste pour la présente édition 16, chemin des Androns 33710 Bayon sur Gironde www.cequireste.fr — revue.cequireste@gmail.com Revue numérique hebdomadaire - ISSN 2497-2363


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