paperJam economie & finances janvier 2013

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dans le paysage économique luxembourgeois, il le sera encore à compter du 1er janvier 2013, sous une forme autrement plus exposée. Cela fera du reste certainement partie des grandes lignes du style de gouvernance qu’il compte imposer à la tête de l’institution du boulevard Royal. Mais là non plus, il ne sera pas possible d’en savoir plus, ses premiers commentaires et impressions sur son nouveau poste n’étant pas attendus avant qu’il en ait pris les rênes. On peut néanmoins lui faire confiance pour trouver le ton juste. Entré au sein du ministère des Finances en 1989, il s’est occupé, en premier lieu, de dossiers fiscaux (aux côtés de Romain Bausch, alors administrateur général du ministère) et de dossiers monétaires, avec un certain Yves Mersch, auprès de qui il a travaillé sur l’élaboration du traité de Maastricht. Celui qui sera, à compter de ce 15 décembre, nouveau membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne était alors directeur du Trésor. À ce titre, M. Mersch représentait le ministre des Finances de l’époque (Jean-Claude Juncker) dans la négociation de ce traité européen qui a jeté les bases du pacte de croissance et de stabilité de l’Union européenne. De cette « aventure », M. Reinesch a d’ailleurs tiré un livre (co écrit avec Jos Weyland, Jim Cloos et Daniel Vignes : Le traité de Maastricht, genèse, analyse, commentaires, Éditions Bruylant) En 1995, lorsque Romain Bausch décida de quitter le ministère pour prendre la tête de l’opérateur de satellites SES, c’est Gaston Reinesch qui lui succéda aux fonctions d’administrateur général. Il fut notamment en charge, jusqu’en 2004, de représenter le Luxembourg à Bruxelles dans les négociations du paquet fiscal européen. Une période qui lui valut quelques joutes mémorables avec Mario Monti, commissaire en charge du marché intérieur, des services, des douanes et de la fiscalité. À partir de 2004, il se concentra davantage sur les participations de l’État luxembourgeois et sur la Société nationale de crédit et d’investissement (SNCI), dont il occupe la présidence depuis 2002. En tant que représentant de l’État, il a accédé à un certain nombre de conseils d’administration. Du côté bancaire, tout d’abord, il a successivement siégé à la Bil (où il fut commissaire du gouvernement), puis à la BCEE (il était vice-président) et enfin chez BGL BNP Paribas, qu’il préside depuis décembre 2008, après avoir été un des grands artisans de son sauvetage quelques semaines plus tôt. C’était le week-end des 4 et 5 octobre, plus précisément. La déconfiture du groupe Fortis, qui s’était vertigineusement accélérée les jours précé-

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« Une intelligence économique époustouflante » dents, amena sa filiale luxembourgeoise au bord de l’explosion. Tout ce week-end-là, jour et nuit, Jean-Claude Juncker, Luc Frieden et Jeannot Krecké pilotèrent plusieurs réunions de crise auxquelles Gaston Reinesch participa, en sa qualité d’administrateur général du ministère des Finances. Il fut alors proposé par le gouvernement, au même titre que trois autres représentants de l’État, pour figurer au sein du conseil d’administration. Mais c’est bel et bien à lui que fut confiée la présidence de ce qui est aujourd’hui encore le premier groupe bancaire du pays (et deuxième employeur privé national), fort de plus de 4.100 personnes. Depuis, la présence de l’État dans le capital de l’ex-Fortis Luxembourg, dont il détient 34 %, fait encore débat, d’aucuns estimant qu’il n’a rien à y faire et qu’il n’est pas dans son rôle. Sauf que, a contrario, l’État n’aurait pas été dans son rôle s’il n’avait participé au sauvetage d’une banque dite systémique qui était sur le point de disparaître purement et simplement du paysage luxembourgeois. Et il est, aujourd’hui, difficile d’imaginer le cataclysme que cela aurait provoqué pour l’économie du pays tout entier. Il y a parfois des situations exceptionnelles qui nécessitent des traitements exceptionnels. Et il n’y a sans doute pas grand monde, au sein même de l’établissement, pour trouver quoi que ce soit à y redire. L’État n’a jamais caché qu’il n’avait pas l’intention de rester éternellement actionnaire de BGL BNP Paribas qui, quatre ans après, semble avoir digéré toute cette histoire. La sortie du capital (au profit de BNP ?) n’est, désormais, plus qu’une question de temps, dans l’attente d’un contexte économique général un tant soit peu meilleur. Mais Gaston Reinesch, en tant que représentant de l’État, c’est aussi le président (depuis 2000) du conseil d’administration de l’Entreprise des P & T où il siège depuis le changement de statut de l’administration des P & T en société publique ; et

le membre des conseils de SES, d’Enovos, de la Banque européenne d’investissements ou encore de Cargolux. Et puis c’est aussi à la présidence de la SNCI qu’il n’a eu de cesse, depuis 10 ans, de soutenir le développement de l’économie nationale au travers de prises de participation et de prêts s’apparentant parfois, même, à de la microfinance. L’un des derniers gros chantiers sur lequel il a activement travaillé s’achèvera après son départ : la mise en place du Luxembourg Future Fund, dont la SNCI détient les 4/5, à hauteur de 120 millions d’euros, les 30 millions restant étant entre les mains du fonds européen d’investissement qui aura la responsabilité de sa gestion. Ce fonds, annoncé en janvier 2012 comme un outil complémentaire à ce qui existe déjà, et qui devrait être officiellement lancé début 2013, permettra des investissements dans des projets à l’étranger, mais présentant des perspectives de forte valeur ajoutée pour l’économie nationale. À la tête de cet établissement, il aurait dû, également, et depuis longtemps, se pencher sur « la mise en place d’une gestion modernisée des participations de l’État », telle qu’annoncée dans le programme gouvernemental de… 2004. Jamais il n’en reçut le mandat. Mais il n’est pas impossible d’imaginer qu’il remettra le sujet sur le tapis depuis son fauteuil à la BCL. Et si Gaston Reinesch va, dans les prochaines semaines, devoir démissionner de l’ensemble des mandats d’administrateur représentant de l’État qu’il détient aujourd’hui, l’influence « économique » de ce personnage un peu atypique ne faiblira certainement pas. Son caractère parfois irascible non plus, sans doute. Cela le rend à la fois craint par certains – fonctionnaires ou interlocuteurs du privé –, mais d’autant plus apprécié par d’autres, pour son intransigeance et sa rigueur, voire « son intelligence économique époustouflante », comme lui reconnaît Jeannot Krecké, président du jury de ce Top 100.


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