Des Nouvelles, Héloïse ? 3ème édition

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DES NOUVELLES, HÉLOÏSE? Culture, Creativité, Critique.

KCL FRENCH NEWSLETTER

ISSUE NO.03 2018


SOMMAIRE:

l'édito!

2-Une journée dans la peau d'une française- Kinnie Jimenez

Nous sommes de retour !

C’est avec beaucoup de joie et un peu de fierté que l’équipe de cette année vous présente sa troisième 3-L'année à l'étranger: Entretien- Saminy édition de Des Nouvelles, Héloïse ?. Chanceux de Parameswaran & Maria Ladj pouvoir prendre en main ce projet encore tout récent, nous avons allié chacun de nos talents afin 5- Concours photo pour l'année à de vous offrir un panel de sujets francophones importés. Actualité politique ou culturelle, l'étranger. écriture créative, interviews ou encore recettes, tout y est ! Il y aura forcément de quoi satisfaire 6-L'art de s'installer dans une autre votre amour de la langue française !

culture- Ella Fornsworth.

7-Brexit: quel impact sur la mode?- Kitti Horvath 9-Exil Calaisien- Galatée Lapeyre. 11-La manifestation pour le climat: beaucoup de bruit pour rien ou notre dernière chance de sauver la Planète?Hope O’Dwyer. 13-Brel le pacifiste- Gabriel Naginski. 14-Vernon Subutex- Airelle Amédro. 15-2fik-Josiah Williamson. 17-La Haine – L’amitié- Morium Khanan. 18- Les scènes de la vie d’Hugo Ginard #1 : La Gare- Jonathan Ross. 19-Entretien avec l'auteur-Gabriel naginski & Carlota Ybarra 21-Échardes de pensée- Piero Arienzo. 22-Recette: Financiers saveur orange, chocolat noir et framboise- Hadia Tariq. 1 | Des Nouvelles, Héloïse?

Entre deux deadlines, les essays et le stress de mettre votre profil LinkedIn à jour, nous espérons que vous trouverez plaisir à lire Des Nouvelles, Héloïse ?, une bouffée d’air frais qui fait plaisir comme le croissant du dimanche matin. Que vous soyez un expatrié nostalgique de l’Hexagone ou un étudiant s’apprêtant à partir dans un pays francophone, nous espérons vous redonner du baume au cœur et vous encourager dans votre apprentissage du français. « It takes a team to win the World Cup » et il en a été de même pour parvenir à l’aboutissement de la Newsletter! Nous avons eu la chance de travailler avec des contributrices et contributeurs talentueux et enthousiastes. Surtout, nous souhaitons remercier et exprimer notre reconnaissance à Louis Gouzerh, Camille Pinettes, Raffaella Jager, Théo Maligeay ainsi que James Wishart de nous avoir donné de leur temps et de nous avoir aidé avec la relecture. Finalement, nous tenons à remercier tout particulièrement et sincèrement Siobhán McIlvanney qui nous a réuni autour de ce projet et nous a accordé une confiance et un soutien infaillible ! Nous vous souhaitons une agréable lecture !

Airelle, Kinnie et Saminy


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UNE JOURNÉE DANS LA PEAU D’UNE FRANÇAISE P A R

K I N N I E

J I M E N E Z

8h45: P’tain je suis en retard (oui, oui nous utilisons p’tain comme un adverbe). Quitte à être en retard autant l’être le ventre plein. De toute façon il y a toujours des problèmes sur le RER B, tout le monde croira à mon excuse. Alors… qu’est-ce que je vais manger ce matin ? Baguette, beurre et confiture à la fraise. Vous vous demandez si c’est de la Bonne Maman? N’est-ce pas évident ? w 9h: Brossage de dents. Nous nous brossons les dents après avoir mangé, CATEGORIQUE. Y a-t-il des gens qui se brossent les dents avant de manger ? Existe-t-il des gens qui mettent leur lait avant les céréales? Bon je me perds, restons concentrée. 9h05: Saute dans la douche. Et oui je me rase - avec le Vénus de Gilette pour les curieux. J’ai entendu dire que certains pensent que les françaises ne s’épilent pas ? (remarquez ma stupeur) Les poils c’est tabou, vaut mieux les éliminer. Bon j’avoue faire l’impasse sur mes demi-jambes de temps en temps mais les aisselles… ça jamais ! Ça serait cool quand même… un gain de temps. Non, tout compte fait, désolée mais ce n’est pas possible, je ne voudrais pas paraitre négligée. Oui ! Bien sûr que je suis pour la libération de la femme face aux diktats ! 9h20: Déjà … Je ne quitterai pas la maison sans mon rouge à lèvre. Rouge allure de Chanel, cliché ? Tant pis. C’est le seul qui résiste à mes pauses café et cigarette. 9h30: Heure à laquelle je devrais être au bureau. Et pourtant me voici devant mon miroir à me débattre avec mon béret. Non pas le vieux béret de pépé Alphonse fumant sa pipe au fin fond de la Bretagne… Le béret noir un peu penché sur le côté qui ne tient jamais en place mais avec lequel on se sent trop classe. 9h45: J’AI OUBLIÉ MON PASSE NAVIGO !! Il est temps de se rappeler mes cours d’EPS, je n’étais pas si mauvaise en athlétisme. Allez hop, je saute (euphémisme pour le verbe frauder, qui est assez péjoratif je trouve). Monsieur Saudehaie serait fier de moi. 10h: Arrivée au travail. Une heure de retard et pourtant je ne pense qu’à la pause déjeuner. 12-14h: Entre « midi et deux ». Aussi connu comme étant le moment le plus important de la journée. Pas de sandwich par ici, j’ai besoin d’un vrai repas pour me faire tenir jusqu’à 17h. Croyez-moi « taffer de 9 à 5, c’est pas la vie ». Je cite du Booba… ça vous déçoit ? Désolée de vous l’apprendre mais la culture musicale française ne s’arrête pas à Joe Dassin. Oui elle continue après Claude François… Dieu merci. Orh c’est bon, je sais que nous sommes dans un pays laïque, c’est juste une façon de parler. 17h: Transports en commun. Ils sont une grande partie de ma vie. Heureusement que y’a jamais de contrôleurs… ça me fait penser, c’est cool ce métier non ? En plus j’ai entendu dire que la RATP payait bien et je sais déjà qu’il n’y a pas besoin d’être ponctuel. Sérieusement, vous avez déjà vu un RER à l’heure ? 20h: Passage à table. Le bœuf bourguignon était terrible ! Évidemment, jamais de repas sans un bon vin rouge et un camembert. Camembert U ?? Sacrilège ! Tous les français savent faire la différence entre un « Le Rustique » et un « U »… Erreur d’amatrice ! 22h: Au lit. Après avoir lu un livre sur l’hibernation des tiques.

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Étudier/ travailler à l’étranger: Une expérience enrichissante ! PAR SAMINY PARAMESWARAN & MARIA LADJ

CULTURE

Quelles sont les différences en ce qui concerne la diversité et l’intégration ?

Holly- En Martinique, les gens ne parlent pas de la France comme un pays à part entière, mais plutôt de la « métropole ». Historiquement, il y avait une rupture entre les blancs et les noirs, qui existe encore et qu’on a remarquée parce que les étudiants natifs blancs étaient assez riches pour aller étudier à Paris donc nous étions les seuls étudiants blancs. Sabah- À Genève, l’ambiance communautaire était très unie - les gens savaient toujours quand les évènements se déroulaient. Emma- L’ENS est un établissement très prisé auquel les étudiants français accèdent par un concours. Au début, il peut donc arriver d’être sousestimé parce qu’on est étranger et qu’on n’est pas passé par une classe préparatoire. Clara- J’ai trouvé que les gens étaient plus sympas là-bas, peut-être parce que j’habitais dans une petite ville plutôt que dans une grande ville comme Londres.

Les heures d’ouverture en France

Linnea- Il était étrange que le bureau de poste dans ait des horaires différents chaque jour. De plus, on nous faisait remarquer qu'il était évident que toutes les boulangeries soient fermées le lundi ! Les heures d’ouverture en France n’avaient aucun sens !

Le dimanche, jour de repos

Linnea- Les magasins étaient fermés mais certains supermarchés étaient ouverts. À Cergy, le dimanche était le jour où il y avait de grands évènements cyclistes – on pouvait dire: « Dimanche jour du cyclisme ! »

Des expériences inattendues ?

Holly – Malheureusement, il y avait un tel fossé entre les locaux et nous, qu’on n’a pas pu nous intégrer et il était difficile de se faire des amis. Cependant, j’ai bien aimé apprendre à connaître l’île d'un point de vue autre que celui d’un touriste. Linnea- L'ESSEC était présentée comme étant à Paris, mais en réalité, elle se trouve à Cergy, dans une banlieue à 45 minutes de Paris intra-muros. Les parcs étaient beaux et le centre-ville était plutôt ancien. Sabah- Je n’ai pas parlé avec autant de locuteurs natifs que ce que j'aurais souhaité. C'est surtout parce que je restais avec des étudiants de King's, avec qui je parlais en anglais.

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OÙ ÊTES-VOUS ALLÉS POUR L'ANNÉE À L'ÉTRANGER? QU'AVEZ-VOUS FAIT ? SABAH- Je suis allée à l'Université de Genève où j'ai principalement étudié la littérature et un peu de linguistique. NICOLE- Je suis allée à Aix-en-Provence où j’ai étudié à Aix-Marseille. J'ai pris des modules de littérature et des cours de langue de base. EMMA- Je suis allée à l'École Normale Supérieure à Paris (ENS) pour l’année entière. CLARA– J’étais dans une petite ville à une heure de route de Marseille, La Seyne-surMer. En tant qu’assistante de langue anglaise, j’ai enseigné l’anglais aux collégiens. J’ai travaillé avec les classes de 6ème jusqu’à celles de 3ème, c’est à dire de l'âge de 11 à 15 ans. HOLLY – J’ai étudié en Martinique, à l’Université des Antilles et de la Guyane pendant 5 mois. TAMARA – J’ai travaillé comme assistante de langue anglaise à Metz, près de Strasbourg. Pour l’année entière. J’ai donc travaillé avec des lycéens de l’âge de 15 à 19 ans, parfois même avec des étudiants de classe prépa. LINNEA – Je suis allée à l'ESSEC, une école de commerce à Paris, où j’ai étudié la gestion et les sciences humaines et sociales.

VOYAGES L’expérience la plus mémorable ?

Nicole- J’ai fait du camping à Carcassonne avec un groupe d’étudiants anglais et français. Nous avons loué une fourgonnette de camping et nous avons parcouru tout le long de la côte. Nous avons également fait beaucoup d'excursions et de randonnées, notamment à Cassis pour la plage. Vu qu’il était généralement difficile de parler aux étudiants français, cette occasion m’a permis de mieux m’intégrer. Tamara- J’ai pu participer à des sorties scolaires, alors je suis allée au Parlement européen deux fois gratuitement ! J’ai aussi apprécié le côté pédagogique. Ce qui m'a marqué. c'est d'avoir pu entretenir de bons rapports avec certaines classes. On a organisé des soirées pour fêter la fin de l’année, ce qui était très amusant.

Un coin détente ?

Clara- J’habitais à côté du port et la plage se trouvait à une demie-heure à pied, donc je m’y promenais et m’asseyais avec un livre. Venant de Londres, j’ai trouvé revigorant d’avoir la mer si près de moi. Sabah- Le Lac de Genève était relaxant. Il est indéniable que ça m'a aidé lorsque j’avais le mal du pays.


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LA VIE UNIVERSITAIRE Dites-nous comment un jour typique se déroulait : Linnea- Contrairement à King’s, il n’y avait pas de travaux dirigés. Ainsi, il n’y avait que des cours magistraux de trois heures, où la plupart du temps, le professeur lisait ses notes, sans aucun support visuel. Cela signifiait que la prise de notes constituait en grande partie le travail et qu’il y avait moins de textes à lire en dehors des cours. Emma- L'après-midi, je faisais de la chorégraphie car j'ai été élue chef des pom-pom girls. C'était vraiment une expérience inoubliable !

La ville était-t-elle chère ? Nicole- Mon logement coûtait seulement 300 euros par mois, ce qui équivaut à la moitié d'un loyer à Londres ! Le Crous, qui est un service public visant à aider la vie étudiante, m'a aidé avec des réductions et des avantages étudiants. Holly- Ce sont les prix de la France et plus parce que tout est importé de la France, donc c’est plus cher. Il n’y avait que certains fruits et légumes qui poussaient sur l’île alors la meilleure façon de vivre, c’était d’acheter de la nourriture en boîtes de conserve.

Logement ? Satisfaites ? Sabah- Ce n’était pas facile de trouver un logement car Genève est surpeuplée et il n'y a pas beaucoup d’appartements disponibles. C’était bien mais il y avait plus d'étudiants internationaux et moins de francophones. Nicole- L’université disposait d'une brochure sur l'hébergement qui permettait de faire une demande de logement dans les délais impartis avant de l'approuver alors le processus était facile. Emma- J'étais dans un foyer international. Ce qui était le plus bizarre, c'était qu’on avait un couvre-feu ; après minuit, on ne pouvait ni entrer ni sortir ! Pour moi, c'était hyper bizarre et restrictif ! Tamara- Mon logement était gratuit mais minable. Les logements d’assistants appartiennent à l’établissement scolaire donc les gérants trouvaient acceptable de « faire la ronde » lorsqu’ils voulaient, sans accorder de respect à nos vies privées.

L’administration ? Tamara- Nous n’avions qu’un demi-frigo pour cinq personnes, donc on a fait une demande et on a même offert de payer le coût, ce que les gérants ont refusé, et au final il a pris 6 mois pour l’arrivée du réfrigérateur. Le processus administratif était un peu désorganisé !

ELA

Qu’avez-vous appris en étant assistante de langue anglaise ? Clara- J’ai beaucoup plus confiance en moi : d’abord, c’était intimidant de travailler même avec un petit groupe d’étudiants mais au fur et à mesure, c’est devenu plus agréable. Tamara- Il y a cette perception que parce que l’on enseigne en anglais, on ne parlera qu’en anglais tout le temps. C’est faux ! Je parlais anglais 12 heures par semaine et le reste du temps, je parlais français. C’était assez facile de parler aux français et le fait que ce soit dans une situation professionnelle m’a sûrement aidé. De plus, les étudiants m’ont beaucoup appris sur la façon dont les français perçoivent et font les choses, grâce à mes cours sur le Brexit et sur le féminisme, lors desquels ils ont partagé leurs avis. Par ailleurs, le système scolaire est beaucoup plus hiérarchique. Ainsi les étudiants étaient respectueux envers le professeur, ce qui m’était pratique !

DES CONSEILS

Holly- Passez du temps à voyager et voir tout ce que vous pouvez. Après tout, ça ne serait pas la fin du monde de rater une dissertation mais vous regretterez sûrement d’avoir manqué une visite des trésors locaux pour les années à venir ! Emma- Visez haut ! Ne soyez pas intimidé et rappelez-vous que vous méritez d’aller à l'ENS: évitez l’auto-censure ! Nicole- Prévoyez suffisamment de temps pour faire une demande de logement et essayez d'enrichir votre vocabulaire à l'avance.

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YEAR ABROAD : CONCOURS PHOTO Chaque année lorsque les étudiants partent pour leur année à l’étranger, le département de langues modernes organise un concours de photographie. Les clichés les plus créatifs et innovants permettent aux finalistes de remporter un prix ainsi que le privilège d’être exposé dans les couloirs du département ! Afin de vous faire profiter du talent des participants, nous avons contacté le Dr. Craig Moyes, qui est en charge de la section francophone. Il a partagé avec nous les photographies des années 2016 et 2018. Et, qui sait ? Peut-être serez-vous l’un des futurs finalistes !

RACHEL GRIFFITHS : LE LAC D’ANNECY J’ai pris cette photographie lors de ma première excursion après mon emménagement à Lyon. J’ai habité dans cette belle ville le temps d’un semestre. En ce jour de Septembre, il faisait très beau, mes amies et moi avions décidé d’aller à Annecy. Cette petite ville historique repose sur un lac, d’où lui vient son surnom « la Venise des Alpes ». Bien que nous n’ayons pas passé beaucoup de temps dans la ville, nous avons tout de même trouvé le temps de louer des hors-bords et avons fait semblant d’être riches pendant quelques heures.

ELEANOR FOLEY : ` PARIS LES INONDATIONS A J’ai pris cette photographie en janvier, deux jours après mon retour à Paris. Depuis chez moi, en Angleterre, j’avais suivi les informations concernant les inondations parisiennes. C’était incroyable de voir la Seine si haute. La rivière d’ordinaire si calme et belle prenait des airs sinistres.

CALLUM CRUTE : ROAD TRIP AU CANADA À la fin de notre année à l’étranger, mon amie Emma et moi sommes partis faire un petit voyage sur la côte ouest des États-Unis. Bien que nous ayons fait les mêmes études à King’s pendant deux ans, je ne l’ai rencontrée qu’une fois arrivé à l’université de Montréal. Le hasard fait bien les choses ! L’itinéraire de notre road trip : partir de Calgary et remonter la Promenade des Glaciers, en s’arrêtant à Banff, Jasper et au Lake Louise. Un ami que nous nous sommes fait en cours de route, nous a vivement conseillé de faire un détour de deux heures par le Lake Peyto. Après deux heures de conduite, vingt minutes de vélo et une rencontre avec deux ours bruns, nous y sommes enfin arrivés. La vue était absolument époustouflante, d’une beauté sans pareil. Le mélange de roches sédimentaires et d’eau fondue des glaciers donnait au lac une couleur bleue inédite. À ce panorama coloré venaient s’ajouter les Rocheuses canadiennes : je n'ai rien vu de plus incroyable à ce jour. Pour la petite histoire : Lorsque nous nous apprêtions à partir, le randonneur qui avait pris cette photo nous a également dit qu’il espérait que nous nous étions parés d’un spray anti-ours, précisant qu’il en avait vu un en chemin. Comme nous ne savions pas du tout ce que c’était, Emma et moi sommes rapidement retournés nous mettre en sécurité dans notre voiture. 5 | Des Nouvelles, Héloïse?


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BREXIT QUEL IMPACT SUR LA MODE?

PAR; KITTI HORVATH

Après le référendum de 2016, l'ensemble de

Paris, Londres et Milan sont les principales

l'Europe a été frappée par le choc du Brexit.

capitales de la mode en Europe. Mais avec

Deux longues années se sont écoulées et

le Brexit, cette situation va très

les négociations sont toujours en cours sans

probablement évoluer. Londres et Paris ont

aucun résultat majeur. Le printemps de

toujours été au coude à coude quand il

2019 approche rapidement et la probabilité

s'agissait de la domination de la mode

d'un "Brexit chaotique" augmente. Les

européenne. Toutefois, sans Londres,

interrogations sur l'économie britannique

seulement deux compétiteurs restent en

et européenne ont fait la une de tous les

lice. Considérant la spécialisation italienne

principaux journaux. Toutefois, peu

dans le prêt-à-porter, Paris sera peut-être

d'attention a été portée à l'industrie de la

amené à prendre la tête entre les deux, en

mode, qui s'attend à profiter des limitations

tant qu'hôte de la haute couture. Cela

du libre-échange et de la libre circulation

signifie-t-il que l'industrie française de la

entre la France et la Grande-Bretagne.

mode deviendrait un leader incontestable ? Peut- être. Mais dans quelle mesure le

L'industrie de la mode fait partie intégrante

serait-elle réellement?

de l'économie française, de la société et de

Il est difficile de prévoir la législation qui

la culture. "Les marques françaises réalisent

pourrait être votée à partir de 2019.

un chiffre d'affaires annuel mondial de 45

Quelques soient les changements radicaux

milliards d’euros, et ce chiffre s'élève à 67

dans la libre circulation et le commerce, il y

milliards si nous incluons des marques

aura plus à perdre qu’à gagner.

appartenant à des groupes français",

La mondialisation est l'une des principales

explique Pascal Morand, président exécutif

caractéristiques de l'industrie de la mode.

de la Fédération Française de la Couture.

Chaque saison, des milliers de designers

De tels chiffres laissent déjà entrevoir

internationaux, des maquilleurs, des

l’impact négatif et inquiétant qu’aura le

mannequins, des photographes et du

Brexit sur la transformation du schéma de

personnel de showroom arrivent de

la mode française.

l'étranger.

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L’un des avantages de l’industrie parisienne et londonienne : ils sont tous amenés à voyager dans le monde... .... Ils font tous des allers-retours entre des emplois aux quatre coins du monde. Se déplacer entre Londres et Paris est devenu si facile que ces employés peuvent être disponibles à n’importe quel moment et se rendre d’une capitale à l’autre en seulement quelques heures. Cette souplesse qui est essentielle à l'existence de l'industrie sera probablement perdue avec le Brexit. Un autre facteur important à considérer est l'éducation et la jeunesse créative. Il est indéniable qu'après les Etats-Unis qui sont extrêmement coûteux et lointains pour les normes européennes, la Grande-Bretagne a les écoles de design les plus prestigieuses au monde. Il y a un certain nombre d'étudiants français qui viennent au Royaume-Uni poursuivre leurs rêves et apprendre dans les meilleures institutions comme Central Saint Martins. Le Brexit est susceptible de compliquer et de limiter le processus de demande pour les Européens, ce qui signifie que les créateurs français auraient moins d’opportunités d’apprendre dans cet environnement hautement stimulant et réputé. En outre, le risque est que les étudiants, une fois leur diplôme obtenu, restent au Royaume-Uni puisque s’y installer serait une option plus attrayante. Dans les deux cas, la France se verrait privée des

IMAGE:GUCCI

meilleurs créateurs qui pourraient rendre la mode française plus compétitive sur le marché mondial. Par ailleurs, des organisations telles que net-A-porter, Amazon, ASOS, et Farfetch, qui ont toutes leur siège à Londres, pourraient être tentées de déplacer leurs bureaux principaux à Paris, en cas de retards fréquents de livraison du concepteur au consommateur. Cependant, personne ne peut savoir ce que réserve l'avenir lorsqu’il est question de Brexit. Il est même possible de considérer que la Grande-Bretagne en bénéficiera d’une certaine façon. En effet, Chanel, l'une des marques de luxe françaises, a récemment annoncé le déménagement de son siège social à Londres. La marque parisienne a déclaré que la décision a été prise "pour simplifier la structure de notre entreprise et Londres est l'endroit approprié pour faire cela pour une société internationale". Bien que l'annonce n'ait apparemment rien à voir avec le Brexit, le timing reste légèrement suspect. De plus, cette décision pourrait motiver d'autres marques à faire la même chose dans un avenir plus ou moins proche. En conclusion, la mode est une industrie extrêmement interconnectée, qui fonctionne presque comme une famille internationale. Tout est lié. Par conséquent, si une partie souffre, les autres sont très susceptibles d'éprouver une période de repli. On ne peut qu'espérer que le Brexit saura être prévenant en ce qui concerne ce lien extrêmement délicat.

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Exil Calaisien GALATÉE LAPEYRE

CALAIS EST UN « AILLEURS », Trois heures de route sur l’A1 depuis CAR CALAIS NE Paris et une dizaine de minutes RESSEMBLE À AUCUNE depuis le centre-ville et ses restaurants de moules frites, c’est le temps qu’il vous EXPÉRIENCE faudra pour arriver dans l’ « ailleurs » calaisien. HUMAINEMENT Calais est un « ailleurs », car Calais ne ressemble TANGIBLE. à aucune expérience humainement tangible. Calais ne ressemble à rien. Deux ans après le CALAIS NE démantèlement de la « Jungle », nom que les bénévoles RESSEMBLE et les exilés attribuent au persan « jangal », qui signifie À « la forêt », les exilés n’ont pas déserté le Calaisis. Ils sont moins nombreux que lors du pic de ladite « crise » migratoire RIEN. de 2015, certes, mais leurs conditions de vie se sont largement

détériorées. Si la Jungle, constellée de restaurants aux saveurs de dizaines d’ethnies, d’abris de fortune, de salons de coiffure, de lieux de culte et de magasins construits par des réfugiés, avait fasciné par son esprit d’entreprenariat,faculté ironiquement portée aux nues dans

la « Start Up Nation » d’Emmanuel Macron, la situation à Calais est aujourd’hui bien différente. Les quelques centaines d’exilés du nord de la France – hommes, femmes, enfants et parfois même nourrissons, habitent dans des tentes, lorsque celles-ci ne sont pas confisquées par la police au cours d’un énième démantèlement, mangent à même le sol, en tongs, dans la boue, et passent la majeure partie de leur temps à tourner en rond jusqu’à l’arrivée des bénévoles qui fournissent, dans la limite des stocks disponibles, sacs de couchage, nourriture, vêtements, accès à internet… et un peu d’humanité. 9 | Des Nouvelles, Héloïse?


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Comme le rappellent tristement chaque matin les volontaires de l’Auberge des Migrants et des nombreuses associations anglaises lors de la réunion quotidienne d’accueil des nouveaux bénévoles, s’il y a moins d’exilés à Calais, cela est uniquement dû à de sinistres accords avec la Turquie et la Libye, des frontières de plus en plus fermées, des égoïsmes nationaux et une hausse des morts en Méditerranée, le plus grand cimetière d’Europe. Pour les quelques centaines d’exilés qui arrivent sains et saufs, physiquement du moins car rares sont ceux qui sortent d’un tel périple psychologiquement indemnes, jusqu’à la capitale de la dentelle, leur odyssée migratoire à la recherche de la sécurité et de la dignité est loin d’être terminée. Seuls 80 kilomètres et une heure trente de trajet séparent Calais de l’Angleterre, la terre promise des déplacés. Mais Calais redéfinit l’espace et les distances, et l’eldorado a un prix. Si certains fouleront les côtes britanniques, ce sera uniquement parce qu’ils peuvent financer un passeur – souvent grâce à l’argent de leur famille, restée au pays, qui a économisé pendant des années pour offrir à leurs enfants un futur qu’ils espèrent plus supportable. Pour les autres, l’arrivée à Calais marque le début d’une centaine de tentatives infructueuses d’embarquer dans un camion pour l’Angleterre. Certains y laisseront un pied, d’autres deux, d’autres leur vie. Et on lira dans La Voix du Nord le lendemain « deux migrants ont été repêchés dans le port de Calais » ou « Un migrant retrouvé mort sur l’A16 ce matin ». Si proches du but – mais si loin en même temps.

Calais est une souricière : les exilés ne peuvent pas rentrer chez eux puisque ce chez eux les a chassés de chez eux. En même temps, des murs et des barbelés se dressent à chacun de leurs pas pour les empêcher de s’en aller. Chassés la nuit et traqués le jour, ils mènent une existence absurde au cours de laquelle ils ne peuvent ni partir… ni rester.

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Brel le pacifiste PAR: GABRIEL NAGINSKI

Longtemps après leur mort, c’est l’apanage des grands artistes de sembler toujours vivre avec nous. Jacques Brel fait partie de ceux qui animent et vivifient la francophonie bien au-delà des années 50 et 60. On garde évidemment le souvenir du Brel en perpétuelle recherche d’intensité, tant par ses rencontres, ses voyages, ou ses performances quasi-théâtrales. Mais il y a un aspect de cette sublime carrière qui demeure malheureusement assez inaperçu, son humanisme héroïque dans le contexte d’une guerre tout à fait inhumaine. C’est durant l’année 1954 que le chanteur fit sa visite en Algérie et qu’il fut sensibilisé à l’idée d’indépendance algérienne par des dirigeants du C.R.U.A (qui deviendra plus tard le FLN). La réceptivité de Brel à cette cause lui valut des reproches sans réserve et un lynchage médiatique momentané. Sa réponse face au tollé : « Je m’en fous, je suis belge ». En 1956, refusant la soumission aux critiques, Brel publia « Quand on a que l’amour ». Cette chanson, sous forme d’un poème contre tout conflit armé, connut un succès impressionnant à l’international, si bien qu’elle fut même reprise ultérieurement « If we only have love » dans des

« Quand on a que l’amour pour Parler aux canons Et rien qu’une chanson Pour convaincre un tambour » Ce thème pacifiste épousait merveilleusement ‘l’air du temps’, mais ce n’était pas pour Brel un sujet futile et commercial. Il réitéra en 1959, en chantant La Colombe. Ici, tel un train parcourant la nuit, la voix de Brel, dramatiquement lyrique et intense, résonnait et évoquait la litanie des horreurs et massacres commis en temps de guerre par deux camps adverses. Au long de ce vibrant appel pour la paix, Brel s’indignait de la barbarie humaine à travers une myriade de formules interrogatives :

« Pourquoi ce train de pluie ? Pourquoi ce train de guerre ?

manifestations contre la guerre du Vietnam Aux

Pourquoi ce cimetière

États-Unis.

En marche vers la nuit ? » À son tour, La Colombe, témoignage implacable de l’absurdité de la guerre, suscita l’émotion d’un public de plus en plus révolté par les conflits. Certes, ses effets contestataires envers les pouvoirs politiques furent sans doute plus tangibles aux États-Unis, où Joan Beaz et Juddy Collins reprirent la chanson en anglais. Néanmoins, Jacques Brel marqua l’opinion française, évitant le conformisme comme la peste, se révoltant contre la complication inouïe de circonstances et d’évènements. Par une approche tantôt satirique, tantôt comique, ce personnage infatigable lutta contre l’injustice. Si la vie ne lui fut pas toujours tendre, « Le Grand Jacques » n’a cependant jamais « rien lâché » et fut l’un des artistes les plus engagés du XXème siècle.

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VERNON SUBUTEX

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Écrit par Airelle Amédro

« Lectrice du 19ème siècle », c’est ainsi que se décrit elle-même Virginie Despentes. La préface de Germinie Lacerteux aurait presque pu être celle du triptyque romanesque qu’est Vernon Subutex. Contrairement aux frères Goncourt, l’auteure ne s’excuse pas, ne prévient pas, parce qu’on le sait, elle est là pour nous bousculer. Il n’est pas question de censure cette fois-ci, ni de controverse. Prostitution, pornographie, haine, pauvreté : les éléments clés de l’auteur de Baise-moi sont bel et bien là, mais cette fois pour nous raconter le quotidien du S.D.F, Vernon. Dans ce récit, sa colère et sa révolte ne choquent pas, elles deviennent un guide de lecture. Elles teintent les personnages et offrent au travers de leurs regards un panorama fragmenté de la société française à la façon du Diable boiteux.

Qui est donc Vernon ? Un humilié, un moins que rien. Disquaire jusqu'à ses 40 ans, il se retrouve à la rue. Son métier représente la fin d’une époque, les rotten eighties. Il est désuet, tout comme l’est le protagoniste. Il n’y a pas de place pour les gens comme lui dans les années 2000. Puisqu’il faut bien trouver où dormir, on fait la rencontre de ses amis, qui eux ont un canapé à offrir. Autour de lui, se tisse progressivement un réseau social où l’on peut voir se profiler la caricature de chaque personne-type de la société franco-française. Du mec de droite insupportable à la nana bobo-gaucho hystérique, tous ont une voix et une histoire, parfois un peu clichée mais toujours plus inédite. En tout cas, tous semblent avoir sacrifié leur jeunesse, leur talent contre le privilège d’avoir un toit. Aux yeux de Despentes, ce choix fait d’eux des ratés, des marginaux. Elle semble nous dire : « C’est à ce prix-là que vous mangez de la réussite sociale en Europe ». Echec social ou personnel, peu importe, l’échec rassemble ces individus qui n’avaient rien à faire ensemble au départ. Ensuite, plot twist, c’est la poursuite acharnée et périlleuse d’un document inédit que chacun veut avoir qui les unit. Au fil de leurs péripéties, cette bande incongrue de loosers, venus trop vieux dans un monde trop jeune, devient inséparable. Bizarrement, c’est comme ça que Vernon devient l’ultime visage d’une comédie inhumaine. Qu’on ne se méprenne pas, ce n’est pas en écrivant de belles phrases que l’auteure est devenue jury des Goncourt. Il n’y pas d’élégance de la langue dans ce premier tome. Il y a un flot fluide de mots perspicaces, tout un mécanisme prenant et entrainant dont on a du mal à se défaire. C’est un livre humain, une satire simple et efficace, un peu brutale parfois, qui « touche l’os tout le temps. » Pour Despentes, être écrivain n’est pas « très glamour », mais qui d’autre pour nous offrir une telle trilogie ? Il suffit de commencer à lire le premier tome pour mystérieusement se retrouver à la dernière page du troisième. Virgine Despentes n’écrit pas « du même endroit » que ses contemporains et c’est indéniablement la raison pour laquelle sa plume est nécessaire à notre société. 14 | Des Nouvelles, Héloïse?


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2fik

APR. 2020 | VOL. 29

Interviewé par Josiah Williamson

2fik est un artiste multiculturel et queer. Dans cette interview, il nous explique comment ses trois cultures ont défini son art et comment les personnes qui l’entourent sont une source d’inspiration continuelle. Né dans une famille musulmane pratiquante, il nous raconte comment, malgré ses appréhensions, ses parents l’acceptent et l’encouragent dans sa création artistique . En partageant sa vision de la différence, l’artiste nous invite à y réfléchir afin de combattre toute forme d’intolérance. Vous venez d’un milieu très divers. Pourriez-vous brièvement le décrire ? En fait, je viens d’un milieu qui n’est pas du tout artistique- en soi. C’est-à-dire que mon père est boulanger-pâtissier et ma mère, mère au foyer. Donc fils d’immigrés marocains je suis né en France et j’ai vécu plusieurs années au Maroc. Je suis retourné en France et de là je suis parti habiter au Québec. Donc, depuis quinze ans j’ai habité dans trois continents avec trois cultures très distinctes. Qu’est-ce qui vous a motivé à faire de l’Art ? Le questionnement identitaire propre au Québec est très inspirant dans le sens où dans la culture française, il y a une approche très assimilationniste de l’identité, tandis qu’au Québec, il y a véritablement un aspect d‘intégration et d’acceptation des différences de l’autre. J’ai trouvé ça très intéressant de venir habiter au Québec et de voir que la société québécoise dans son ensemble s’interrogeait sur qui elle était. Votre culture marocaine, comment a-t-elle influencé votre art ? La culture marocaine fait plus qu’influencer mon art, elle l’inspire aussi. Etant donné que je suis vraiment le produit d’un mélange culturel entre le Maroc, la France et le Québec, je ne peux pas m’empêcher en tant que personne d’aller chercher ce que moi je connais au niveau culturel. La culture marocaine m’a permis d’aller un peu plus loin dans les réflexions sur la religion et sur la position de la femme, l’égalité de la femme, tout ça. C’est une culture que je connais depuis que je suis petit donc je peux me permettre de la remettre en question au besoin. Donc, j’essaye d’équilibrer les cultures pour avoir un travail pertinent sur l’identité. Quelles sont vos autres inspirations ? J’observe beaucoup les gens autour de moi, leur façon de se déplacer, de s’habiller et d’interagir. J’ai réussi des fois à me rendre invisible pour pouvoir observer comment les gens se comportent, quand ils pensent qu’ils sont seuls. Je considère qu’une culture peut s’exprimer de plusieurs façons. C’est le concept de l’identité en soi que j’ai réussi à développer dans mon travail et c’est beaucoup plus universel que ce que j’aurais imaginé. Je ne m’attendais pas à ce que mon travail devienne universel. Il ne faut quand même pas oublier que je suis un homme maghrébin, homosexuel, un peu flamboyant avec un passé musulman. Donc, ce n’est pas comme si j’étais une personne banale à propos de qui les gens pourraient se dire : “On va tous se reconnaître en lui !”. Mais j’ai l’impression que mon travail est justement universel malgré la personne qui son créateur.s gens pourraient se dire : “On va tous se reconnaître en lui !”. Mais j’ai l’impression que mon travail est justement universel malgré la personne qui son créateur. 15 | Des Nouvelles, Héloïse?


DNH | Culture

Votre culture est connue pour être parfois sévère envers les personnes de la communauté LGBTQ+ et envers les femmes. Comment réussissez-vous à mêler votre culture et les questions d’identité et de genre dans votre art ? J’ai bizarrement eu moins de difficultés à assumer mon travail artistique vis-à-vis de ma famille que vis-àvis du milieu gay. D’une certaine façon, j’ai subi énormément de misogynie et de femme-shaming. Plusieurs hommes m’ont dit des mots très durs quand ils ont appris ce que je faisais artistiquement. Ça veut dire que ma virilité et ma masculinité ont été totalement effacées à cause de mon travail artistique. Mes parents sont des musulmans pratiquants, ils sont totalement au courant de mon travail artistique et participent activement en m’achetant même des robes et des costumes pour mes personnages. Mon père, par exemple, adore venir avec moi dans les souks au Maroc et aller acheter des hijabs. D’une certaine façon mon identité queer s’intègre assez bien avec mon identité marocaine et berbère. Ça, c’est parce que j’ai réussi à donner aux deux une part et qu’il n’y en a pas une qui me définit plus que l’autre. Quant à ma famille, est-ce qu’elle est heureuse de ce que je fais ? Je pense que oui. Mais est-ce qu’ils sont à l’aise ? Ça, c’est leur problème, ce n’est pas le mien. Vous travaillez sur le montage mais vous êtes toujours le seul modèle : pourquoi avoir fait ce choix ? Pour moi ce qui est intéressant, c’est de prouver qu’à partir du moment où on est parfaitement en paix avec qui on est, on peut jouer avec ça à l’extrême. C’est-à-dire que je n’ai aucun problème à porter un hijab, ni à me raser la barbe, ou à porter des petites robes sympathiques si je joue Fatima. Je peux me mettre en robe de prière et ça ne me dérange pas non plus. Il faut dire que je fais assez bien la part des choses entre ce que je suis et ce que je représente. C’est intéressant pour moi de jouer sur la réaction des gens face à mon image, mais ça ne va pas m’affecter personnellement. Je sais que les gens vont avoir une réaction sur une image et c’est leur expérience et leurs peurs qui vont définir leur réaction. Dans vos dernières œuvres vous vous présentez dans un costume noir qui couvre votre visage. Que signifie ce costume ? Le personnage tout en noir dans un morphsuit s’appelle 2fik et en fait c’est moi, c’est l’artiste. J’ai décidé de me représenter tout en noir, sans visage et sans corps parce que dans la dimension de mes personnages, je ne suis rien d’autre que le canevas. Cette représentation de moi a été mise en avant à cause de mon interprétation des Ménines de Velasquez. Quand j’ai refait Les Ménines, j’ai remarqué que le peintre Velasquez est présent dans le tableau. Et là, je me suis dit : Comment est-ce que je peux me représenter ? Je vis mes personnages avec qui je joue grâce à mes perruques et mes habits. Mais, comment est-ce que je vais, moi, me mettre en scène ? Et donc j’ai décidé d’être un canevas noir sans visage, sans personnalité, sans rien. Comment percevez-vous l’importance de la religion et de la culture dans un monde de plus en plus séculaire et interconnecté ? Pour moi, la religion est quelque chose d’intime, donc à chacun sa façon de pratiquer sa religion. Je n’ai pas de problème avec la religion en tant que telle. J’ai un problème avec les hommes qui se disent porteurs de la parole religieuse et qui poussent les autres à les suivre. Le monde est en train de prendre une tournure qui m’inquiète, dans la mesure où j’ai l’impression que le rejet qu’on peut vivre entre communautés est en train de se reproduire au sein de la communauté elle-même. Quand j’entends certaines personnes du milieu queer dire qu’on doit organiser une soirée sans “white straight people”, je pense que ça s’appelle du racisme et que c’est vraiment du rejet. Je considère que si on commence à jouer le jeu du rejet, on ne fait que perpétuer du négatif et je pense qu’il est important de ne pas tomber dans la haine. Même si je comprends parfaitement ce que c’est d’être victime de haine et de racisme et toutes les choses que j’ai vécues. Ce n’est pas pour autant qu’il faut continuer le cycle, il faut qu’on arrête ce cycle là. Bizarrement, la religion, je sais qu’elle peut éviter de perpétuer ce cycle-là mais seulement si elle est totalement séparée d’hommes qui ne veulent pas lâcher leur pouvoir, en fait men are the problem. J’avais d’ailleurs vu sur Instagram un hashtag qui me plaisait beaucoup ‘men are trash’. Mais je pense que véritablement il faut qu’on apprenne à ne pas nourrir la haine. 16 | Des Nouvelles, Héloïse?


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LA HAINE - ATTENTION: SPOILERS

... Pour moi, ce film, c’est « La Haine » qui, depuis sa sortie en 1995, a été décrit comme un «chef d’œuvre» par Le Monde, et à juste titre. Du fait de son intrigue fondée sur les aventures parisiennes de trois jeunes banlieusards, Saïd, Hubert et Vinz, un groupe de jeunes qui vivent dans des cités étroites, le récit est

JE SUIS SÛRE QUE NOUS AVONS TOUS DÉJÀ VU CE FILM, AUQUEL NOUS AVONS PU NOUS IDENTIFIER...

relativement simple mais captivant. Il laisse parler la voix du côté

M O R I U M

silence gênant soigneusement placé dans la salle de bain à Paris,

K H A N A M

le plus sombre de la société française, celle qui était souvent ignorée par la communauté mondiale, et par les français euxmêmes.

En regardant le film, je me suis profondément attachée à l'amitié entre les trois garçons. Cela m’a beaucoup marquée, peut-être parce que c’était le seul “rayon de lumière” dans leur monde obscur, mais surtout parce que la manière dont les acteurs incarnaient leurs personnages capturait l’essence de ce que toute amitié devrait être : véritable. La timidité de Vinz lorsqu'il retrouve ses amis après son accrochage avec les skinheads, les incessantes plaisanteries à l'intérieur, les taquineries brutales, le

les violents affrontements entre Hubert et Vinz, la nouvelle de la mort d'Abdel, et le réconfort et le bonheur que chacun trouve en compagnie de son frère, sont quelques-uns des nombreux éléments qui se mélangent pour donner l'impression que cette relation douce-amère existe au-delà de l'écran. Le film accomplit bien plus en communiquant, peut-être involontairement, l’importance de nos amitiés, la puissance des relations pouvant donner un sens à une vie qui semble vide de sens.

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LES SCÈNES DE LA VIE D’HUGO GINARD #1 : LA GARE Le pétard ne m'eût rendu que peu agité. Je ne sais pourquoi. Les feux de la nuit—c’est à dire, les cigarettes—se firent voir autour de la petite colline du dix-neuvième, à côté du chemin de fer, rigide et immobile. A vrai dire, elle était comme mon corps, à l’inverse du jazz qui md pénétra. Il y eut les âmes dans chacun des corps ici, je pensai, toutes ces âmes qui veulent être touchées par la musique. Lâches ! je pensai, on ne peut pas sentir la musique sur un bras ou un cou sans s’approcher d’un saxophone et poser sa tête dans le trou d’air… La scène fut éclairée d'une lueur jaunâtre ; il sembla que le toit disparut et que la lumière des lampadaires tomba librement du ciel. Le sens du dehors, je m’en sentis comme si j’étais dans une grange, je m’en sentis animal. Le musicien sur la scène prit l’apparence d’une peinture parodique de lui-même, son méta-moi, son méta-jazz, en gesticulant follement tandis qu’il produisit de tels sons… de tels sons post-structurels… évitant la signification historique de la barbarie—à vrai dire, évitant ainsi le concept entier de la signification. Loisir bourgeois, prozac de ma génération… Le musicien me rappela à un professeur que je connus. Qu’est-ce que dans mon sang, l’alcool? je pensai, il faut trouver un mec. Comme plusieurs des petits garçons ayant grandi comme moi-même, le frisson est la seule loi à laquelle j’obéi. C’est notre connaissance partagée—et oui j’ose utiliser ce mot—de l’oubli qui nous mena à cette philosophie liquide et vaine. Du moins, cela était ce à quoi je songeai en parlant avec ce mec cette soirée-là. Il était beau, avec un menton fort et ferme; il m’expliquait la raison exacte pour laquelle Macron est le président le plus détesté de l’histoire de la République. Pour l’aguicher, je feignis de l’intérêt. Je m’appuyai contre un mur et je me présentai à lui à la façon d’un paon. Il posa ses mains—ses si grandes mains—sur moi, me tira vers lui. Son murmure traversa l’odeur du tabac et de la bière, il dit qu’il était duc. En le rendant silencieux, je répondais à son discours . Et tout ce temps nous nous embrassions, de plus en plus le mot qui me revint était : Fascisme ! (Voire, avec le point d’exclamation) Cependant, je pensai, que sûrement Bataille ne verrait pas l’hétérogène dans ce mec-là. Cette réflexion en particulier me dégouta de moi-même. Alors, je décidai de cesser de penser. Peut-être que ceci me donna raison. Mais pourquoi voulais-je avoir raison? Le jazz continua autour de nos corps partagés… Communisme? Je me moque de moi-même désormais. C'est la malédiction académique, toutes ces soirées deviennent guidées par la théorie. En sortant de La Gare, nous descendîmes la colline, vers la route, où chaque nuit les voitures ignorent la petite maison. Un train nous dépassa, il était plein de gens qui ne nous regardaient pas. J'ai pris un moment pour regarder derrière moi le mur imposant de la maison. Il servit de toile de une projection à une sorte de figure de la madone avec une croix fixée entre les sourcils. J’entendis la voix de mon mec, m’appelant à un taxi. Je partis ; il faut partir éventuellement. Le matin, je me réveillai au son des cloches de Notre-Dame de Paris… H.G. JONATHAN ROSS

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Entretien avec l'auteur ICI, UN ENTRETIEN AVEC L’AUTEUR DES DEUX POÈMES, CHACUN FAISANT PARTIE DE SON RECUEIL DE POÉSIE, BERCEUSE DANS LE NOIR. Poèmes par Gabriel Naginski

Entretien par Carlota Ybarra PREMIÈREMENT, EST-CE QUE TU PEUX TE PRÉSENTER ? COMMENT T’APPELLES-TU, TON ÂGE, TA LICENCE À KING’S, ETC. Je m’appelle Gabriel Naginski, j’ai dix-huit ans et je suis francoaméricain. Après avoir vécu un certain temps à Londres, je suis revenu en France à Saint Germain en Laye, au Lycée International. À King’s Collège London, je prépare une licence d’Histoire et de Français. COMMENT EST-CE QUE TU DÉCRIRAIS LE THÈME PRINCIPAL DE TON RECUEIL DE POÈMES ? Et bien… je crois, fondamentalement que s’il y a bien un thème général, ce serait la célébration d’une période d’épanouissement de la musique classique russe à la fin du XIXème siècle. En ce qui concerne cette découverte, je suis tombé par hasard sur Schéhérazade, un morceau de Rimski-Korsakov, membre du Groupe des Cinq de Saint Pétersbourg. A l’écoute de leurs œuvres, leur imagination époustouflante, leur tempérament à la fois excessif et entier m’ont totalement bouleversé et projeté dans un processus d’écriture. Depuis 3 ans, nuit après nuit, ils me déchirent en tout petits morceaux et je tente de me reconstituer dans la poésie. Berceuse dans le noir est aussi, en partie, un remerciement à ceux qui m’ont envoyé une bouée de sauvetage dans la tempête. ET, POURQUOI LA POÉSIE ? PARMI TOUS LES GENRES, TU AS CHOISI LA POÉSIE, POURQUOI ? Je pense que ce qui est propre à la poésie, c’est qu’elle est un genre littéraire dont les contours sont vastes et fluctuants, tant elle a sans cesse évolué à travers les époques. Mais ce qui m’intéresse surtout, c’est l’utilisation du sonnet et de l’alexandrin pour guider les émotions du lecteur. Lorsque l’on s’impose la contrainte du vers, on se force tout d’abord à écrire d’une manière extrêmement précise, les grands poètes sont tellement minutieux dans leur travail que chaque mot, chaque syllabe, même chaque virgule peut avoir un rôle déterminant. J’aime cette structure forte du cadre poétique, et plusieurs fois, j’ai essayé d’écrire des poèmes en prose, je te laisse deviner où ils ont fini... à la poubelle. QU’EST-CE QUI T’A INSPIRÉ POUR ÉCRIRE TES POÈMES ? Sans hésiter, je pense immédiatement à la musique classique. Mais peut être aussi la musique en général, par exemple les chansons de Jacques Brel ou Georges Brassens. Si l’on parle à présent d’un point de vue littéraire, l’homme qui m’a incité à écrire et qui m’a sensibilisé à l’expression artistique ça serait, sans doute, Paul Valéry. On l’a souvent associé à la vieillesse, puisqu’il écrivait surtout des sonnets, la forme traditionnelle par excellence. D’ailleurs, les surréalistes se sont vite détournés d’elle. On imagine Paul Valery comme un vieillard… un peu dépassé par la crise humaine de son époque. Mais moi, j’aimerais qu’on change cette vision de lui, parce paradoxalement, il est très moderne. Car, n’est-il pas innovant de célébrer le lyrisme et l’alexandrin alors que la cacophonie de la guerre veut plonger le monde dans un désordre abyssale? N’est-il pas courageux de célébrer les anciens procédés de la poésie antique tout en exprimant les divers problèmes de son époque ? ... 19

Les chênes de la vieillesse Inspiré du morceau pour piano, la Valse-fantaisie, Mikhaïl Ivanovitch Glinka

Les feuilles mouillées délaissées là par un chêne Nu, s’entassent au sommet d’une plaine perdue, Glaciale est la rafale qui sans cesse freine Les battements de cœur de cette âme fendue. Dépouillée de son manteau d’été, seule reste La carcasse. Magots et vers sucent sa sève Sans merci, rongeant de sa faiblesse funeste Le soleil couchant, triste témoin de ses rêves. Ils creusent leurs vrilles maudites comme des métronomes Bâtissant à la Mort son effroyable trône. Quel cruel sonnera l’heure, démon ou divin ? Et quelle sera son arme, la faux ou le venin ? Hélas ! Les oiseaux ne chantent plus aux âgés. Hélas ! Les passants prêchent l’oubli du passé.


Tu es l’Éternel ! Inspiré du ballet, Gayaneh, Aram Ilitch Khatchatourian « Je suis l'Eternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude. » -Exode 20 : 2

Étoile ! Grande étoile ! je te salue tout en tremblant, Comme un soleil du soir, tu accrois mon enchantement. Objet de ma démence, je t’imagine en femme Penchant sur mon monde profondément infâme. Tant bien que mal, les dynasties prospèrent icibas, Suivies d’autres piteuses puissances toutes mensongères, Profitant de la misère commune pour avancer d’un pas A présent, je sais que seule ton onde chasse l’éclair. Impose-leur ces ornements sur nos maussades toiles De sorte que les vaincus s’envolent sur tes voiliers divins. Ton flanc, ton visage, tes textures, ô belle étoile Sont si purs et proches que j’ose tendre mes mains Aucun doute : miraculeuse illumination, tu es l’Éternel ! Et les abysses effrayants dans lesquels je crie Et la sincérité de mes frivoles oraisons sont telles Que je sais, mon étoile, qu’au-delà des cieux, tu vis.

... Je trouve très honorable que dans une période littéraire troublée par la barbarie totalitaire, Paul Valéry ait éprouvé une sorte de confiance improbable envers la poésie. Je crois non seulement qu’elle a la capacité mais aussi le devoir de faire résonner la voix humaine dans ses pires heures. En lisant des œuvres telles que Le Cimetière Marin, Hélène ou La Ceinture, j’ai compris que la forme employée par de géants comme Valéry est tout sauf une coïncidence. Rien ne fut plus finalement moderne que son allégeance aux anciens. QUELLES SONT LES INFLUENCES DANS TA VIE, TU AS DÉJÀ MENTIONNÉ PAUL VALERY, MAIS EST-CE QU’IL Y A D’AUTRES PERSONNES OU DES EXPÉRIENCES QUI T’ONT CONDUIT À ÉCRIRE CE LIVRE ? Humm… c’est difficile de répondre à cette question parce que j’ai du mal à intégrer, comme le font les poètes contemporains, mes amis, ma famille et la vie quotidienne au sein de ma poésie. Mettre en scène des personnages, des situations banales du quotidien, j’en suis tout simplement incapable. Au contraire, Berceuse dans le noir se focalise sur le rapport entre l’homme, la nature et surtout, surtout, la divinité. Que ce soit dans mon écriture ou dans mes relations intimes, j’ai du mal à parler de ce qui est « proche » de nous. D’un point de vue personnel, je souhaite parler avec franchise uniquement des choses que je crois savoir. C’est quand même la règle du jeu. MAINTENANT, EN RELATION AVEC CES DEUX POÈMES, POURQUOI EST-CE QUE TU LES AS CHOISIS ? SONT-ELLES TES ŒUVRES PRÉFÉRÉES DU RECUEIL ? Si j’ai choisi le premier du recueil, c’est qu’il est également mon tout premier poème ! Je l’ai écrit à quatorze ans, et oui, bien sûr, il a subi de nombreuses modifications. En réfléchissant, c’est quelque chose que je ne pourrais pas réécrire aujourd’hui. Si jamais l’histoire est vraie et que je rencontre Saint Pierre à l’entrée du paradis, je voudrais qu’ilMORE me juge INSPIRING par Les chênesREADS de la vieillesse. Il en verra tous les vices (car ils sont nombreux) THIS MONTH: et j’espère quelques qualités. Enfin, bref, ce poème, je pense tourne autour de la mélancolie et de l’affection Prayers for pour un temps passé. D’ailleurs, c’est unAll thème du recueil. Profondément, le narrateur est en manque ; le Occasions -3 moins que l’on puisse dire, c’est que l’époque ne l’enchante pas. Ensuite, libre aux lecteurs de choisir exactement ce qui manque à ce jeune homme. Mais toute personne qui feuillètera le recueil comprendra cela, que le narrateur se sent de temps à autre dépassé, éberlué, submergé par une atmosphère délirante. DANS LES DEUX POÈMES IL Y A UNE ALLUSION EXPLICITE À DEUX EXTRAITS MUSICAUX POURQUOI CETTE RÉFÉRENCE AUX EXTRAITS ? C’est vrai que ce n’est pas très conventionnel. Tout bêtement, ces compositeurs ont inspiré mes poèmes, je voulais leur rendre hommage, il n’y a pas d’autre raison. Les poèmes sont la continuité des sentiments éprouvés en écoutant ces morceaux inoubliables. DERNIÈRE QUESTION, QU’EST-CE QUE TU DIRAIS À QUELQU’UN QUI SOUHAITE ÉCRIRE UN LIVRE ? QUELQUE CHOSE QUE TU AURAIS AIMÉ QUE L’ON TE DISE QUAND TU ÉTAIS EN TRAIN D’ÉCRIRE TES POÈMES ? Tout d’abord, je pense qu’il faut avoir des nerfs d’acier et ne pas avoir peur de l’échec, même si c’est un grotesque cliché. Le rejet des maisons d’édition pour un écrivain est une blessure profonde, ça fait d’autant plus mal qu’elles ne sont pas toujours… aimables. Alors, si je peux te donner un conseil, accepte que la poésie malheureusement se vend très mal, surtout la poésie traditionnelle, mais il ne faut pas baisser les bras ni ranger sa plume !

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DNH | Créativité

Échardes de pensée Échardes de pensée brisent la toile de l’esprit. Elles le défigurent brutalement. Et celui-ci reste immobile au cours de son abus, comme si, anesthésié par la douleur, il se retrouvait dans un état de béatitude. Comme si, cerné par le délire absolu, il devenait délire lui même. Et pourtant il se considère souverain de l’intellect. Mais il n'en gouverne ni les spasmes ni n’en atténue la folie. Alors comment peut-il se prétendre son maître? Par quelle prospective peut-il se voir patron et pas succube?

C’est donc un titre immérité qu’il détient, on pourrait croire. Toutefois, la vérité est tout autre. Puisqu’il y a un jeu de complice irrationalité entre esprit et pensée, entre sentiment et intellect. Il est indubitable que le deuxième est dissuadé par le premier. Néanmoins, c’est évident que cette inversion de rôles, ce retranchement de liberté de l’esprit, est un caprice de l’esprit lui-même. Parce que, de la même manière que l’abuseur ne peut pas être abusé par la victime, l’intellect ne peut pas être dominé par le malléable sentiment. C’est donc le consentement tacite de l’esprit qui crée ce ridicule renversement d’ autorité. Cependant, le pouvoir réside toujours dans les mains de l’esprit, lequel observe et se moque du sentiment, inconscient. Au contraire de ce dernier, l’esprit est au courant du fait qu’un seul instant de déséquilibre peut faire effriter cette scène absurde et rétablir l’ordre primitif, en mettant fin à cette perverse et complexe farce.

21 | Des Nouvelles, Héloïse?

P i e r o M .

A r i e n z o


DNH | Divertissement

Ingrédients :

Financiers saveur orange, chocolat noir et framboise

- 2 blancs d’œufs, battus avec une fourchette jusqu’à ce qu’ils moussent - 30g d’amandes en poudre - 25g de farine de blé - 50g de chocolat noir (70% au minimum), finement râpé - 60g de sucre glace - 50g de beurre

Méthode :

HADIA TARIQ

- 2 cuillères à café de zeste d’orange - 3 cuillères à soupe de confiture d’orange - Une dizaine d’amandes entières, coupées en batônnets - 50g de framboises - Pour le moule : 30g de beurre fondu, mélangé avec 10g de farine, pour faire un beurre manié

Pour 8 financiers de taille moyenne

1) Tamisez le sucre, la farine et la poudre d’amandes dans un grand cul-de-poule. 2) Faire un beurre noisette. Faire fondre le beurre dans une petite casserole à feu régulier. Mélangez-le régulièrement jusqu'à ce que le beurre prenne une couleur claire et châtain, et jusqu’à ce que les petits morceaux châtains apparaissent au fond. Le beurre va avoir une odeur de noisette. Verser le beurre dans une petite tasse et laisser le complètement refroidir. Le beurre doit rester liquide, sans être chaud. 3) Mélangez le beurre noisette avec les ingrédients secs, le chocolat râpé et les zestes à l’aide d’un fouet. Puis, petit à petit, ajoutez assez de blanc d’œuf pour que la pâte tombe facilement d'une cuillère (il n’est pas nécessaire d’utiliser tous les blancs). Mettez la pâte dans une poche et laisser-la à température ambiante de 30 minutes à 3 heures. 4) Préparez le moule : mettre le beurre manié dans toutes les cavités avec un pinceau, et laissez reposer le moule au frigo pour 30 minutes minimum. Préchauffez le four à 170°C. 5) Pochez la pâte dans le moule – les cavités doivent être au deux tiers remplies. Mettez une ou deux framboises sur chaque financier, et saupoudrer quelques amandes dans les espaces vides. 6) Cuire au four 6-20 minutes (ça dépend de la taille des cavités des moules – conseil, les tout-petits financiers dans des moules à « mini cupcake » vont prendre environ 6 minutes de cuisson et les financiers généreux de moules à muffin américains vont prendre environ 20 minutes !) 7) Faire fondre la confiture d’orange et tamisez-la. Faire le glaçage à la confiture avec un pinceau sur les financiers chauds. 22 | Des Nouvelles, Héloïse?


ÉQUIPE ÉDITORIALE Airelle Amédro Piero Maria Arienzo Kitti Kata Horváth Kinnie Jimenez Morium Khanam Maria Ladj Sean Anthony Liu Gabriel Naginski Saminy Parameswaran Josiah Williamson Carlota Ybarra Alvia Zaidi

Photographie par Rachel Griffiths


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