Actuel 13

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Actuel l’estampe contemporaine

n°13


C o n t i e n t

(3) Bernard Minguet (12) Florence Barbéris (16) Fabrice Thomasseau (22) Olivier Morel (26) Michel Audouard (36) Jean-Michel Mathieux-Marie (34) Selvihan Kilic (40) Sophie Drouot (44) Kikie Crevecoeur (48) Khalid El Bekay (52) Erolf Totort, je rêve de toi (54) Salon d’Automne (58) Frans Masereel/Olivier Deprez, Serial Graveurs

Ont collaboré à l’écriture de ce numéro : Bernard Talmazan, Florence Barbéris, Patrick Breton, Caroline Lamarche, Olivier Morel, Michel Audouart, Jean-Michel Mathieux-Marie, Selvihan Kiliç, Sophie Drouot, Kikie Crevecoeur, Said Messari, Chris Vander Stappen, Iliya Borissov Boris Todorov, Laure Joyeux, Emily Barbelin, Hélène Bautista, Mathilde Seguin, Catherine Charlier, Eva Prouteau, Mathias Martinez, Samuel Degardin.

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Bernard Minguet Entre trouble et admiration Au croisement de la peinture et de la gravure, les manières noires de Bernard Minguet procurent au spectateur une sensation fantasmagorique, mêlant réminiscences symboliques et références artistiques, de la renaissance à l’art nouveau en passant par les préraphaélites.

Actuel est une émanation du groupe Facebook « Parlons Gravure ».

Troublé, on se sent happés dans les profondeurs d’une âme empreinte de mythologie et de symbolisme et l’on sent la présence des grands maîtres qui fascinent et façonnent sans doute l’artiste.

Comité de rédaction : Jean-Michel Uyttersprot Pascale De Nève

La technique est admirable, les interrogations s’élèvent en volutes de fumée et le noir devient lumière.

Comité de sélection : Jean-Michel Uyttersprot Catho Hensmans Sabine Delahaut

Les estampes en 1e, 2e et 4e de couverture sont de Bernard Minguet

Du sujet et du spectateur, qui observe l’autre ? Que se disent-ils ? Que seul l’art résiste à l’œuvre du temps ? Allez savoir… Pascale De Nève

Pour toutes informations : magazine.actuel@gmail.com www.actueldelestampe.com Éditeur responsable : K1l éditions. Imprimé par : Hengen Print & More G.D.L Prix de vente : 20 € N° ISSN : 0774-6008 EAN: 9782930980164

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Bernard Minguet L’ŒUVRE AU NOIR Bernard MINGUET Par Bernard TALMAZAN Parmi les techniques diverses de la gravure, la manière noire est sans doute l’une des plus exigeantes et virtuoses. Elle sollicite force physique, patience, imagination, capacité d’anticipation, précision, délicatesse et nuance. Comme toutes les techniques riches de possibilités, elle requiert de la part de l’artiste, les qualités d’un bon cavalier, capable de lâcher la bride à son imaginaire tout en le tempérant au moment opportun. Exaltation des noirs fouillés, des clairs-obscurs subtils, elle est à la croisée du graphisme comme de la peinture et paraît presque ignorer les deux, puisque le dessin y règne en mystérieux

souverain, qui répugne à se présenter publiquement et que la couleur, forcément absente, n’y laisse que la trace sensible de ses multiples nuances. Ne faut-il pas pour se risquer en elle et prétendre la maîtriser, les qualités d’un combattant, prêt à affronter quantité d’obstacles, surgis de partout et plus précisément de là où on ne les attendait pas ? Ou, pour le dire autrement : cet art, qui consiste à faire émerger des ténèbres des images qui n’en chassent pas pour autant les mystères, ne demande-t-il pas la science d’un aveugle et l’acuité d’un chat, capables d’entrer dans la nuit et d’y percevoir tout ce qui se dérobe aux voyants ?

Bernard Minguet est né à Liège, Belgique, en 1967. Il fait ses études à l’Institut Supérieur des Arts de Saint-Luc en arts plastiques et est formé à la lithographie. Il est actuellement professeur de gravure à l’ESA Saint-Luc Liège ainsi qu’au cours de promotion sociale. 5


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Les grands maîtres en manière noire ont souvent fait le choix de se donner entièrement à une technique si féconde, si jalouse, si pleine qu’elle est un monde en soi, se contentant à peine d’une vie d’homme pour se laisser approcher. Bernard Minguet a suivi une autre voie, non moins rigoureuse, de la peinture à la manière noire, en passant par toutes les autres techniques de gravure et de lithographie. On pourrait n’y voir que le reflet d’un parcours professionnel, d’artiste et d’enseignant. Cependant la cohérence de la démarche est bien plus profonde. Dans tout son travail de peintre, le dessinateur et le technicien sont présents ; de même chez le graveur ayant renoncé aux séductions de la palette pour l’âpreté d’un outil se frottant au cuivre, il conserve les nuances de la peinture. En considérant ses productions de manières noires de ces dernières années, il est frappant de constater combien semblent se résoudre en elles les difficultés et les exigences que Bernard Minguet s’inflige à luimême, nous faisant regretter la rareté des occasions de pouvoir admirer son travail. Avec discipline et enthousiasme, il enchaîne les plaques et nous livre, une à une, comme une série d’énigmes, ses visions.

entretiennent-elles entre elles, puisque le temps de leur création et la régularité avec laquelle l’artiste les produit l’une après l’autre semble suggérer un lien ? Et s’il y a un ordre, quel est-il ; correspond-il à un projet initial, les enfants sont-ils nés avec la régularité d’un alphabet de la pensée de leur créateur ou celle-ci les a-t-elle livrés à nos yeux dans un joyeux désordre ? Il faut dire que j’ai découvert ces œuvres d’emblée, sans en connaître la chronologie. Elles forment comme un tarot dont les combinaisons seraient multiples, un labyrinthe dont chaque exploration raconterait une autre histoire. Ces métaphores ne suffisent même pas à rendre compte de cette complexité, puisque, à l’heure même où j’écris ces mots, Bernard Minguet continue inlassablement de bercer de nouvelles plaques et d’ajouter de nouvelles énigmes à cet ensemble.

À ce mot d’énigme, je dois m’arrêter un instant. Car la raison d’être de ce texte n’est rien d’autre qu’une suite d’interrogations, dont je sais d’avance qu’elles seront à peine sondées sans être résolues. Il n’est décidément pas possible avec la manière noire de quitter une certaine obscurité. Ces questions peuvent être énumérées simplement : pourquoi suis-je à ce point subjugué par ces images ? Quel sens leur donner, alors même qu’elles se dérobent à une lecture claire et facile ? Quels liens

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L’œil cherche sans cesse à identifier un sujet, nous pousse de manière irrépressible à associer similitudes et différences, à ordonner les formes, à rechercher un fil conducteur parmi elles, de manière à établir des débuts d’explication. Ce regard balaye les visions nocturnes, s’accroche à un visage, une épaule, un étrange grouillement organique, qui fait surgir un corps des abysses ou l’y noie. Sur ces images le spectateur circule, revient, s’étonne et s’illumine un instant, croyant percer un mystère, qui s’évanouit aussitôt, happé par l’ombre. On discerne d’abord trois groupes d’images, que semble seulement relier l’unité de la technique et du style : les visages, les corps et ce qu’on peut qualifier, faute de mieux, de « compositions libres », étant entendu que la liberté formelle caractérise également toutes ces gravures. On croit ensuite reconnaître l’une ou l’autre référence : des masques breughéliens, émergeant de la brume, ont un aspect qui évoque Octave Landuyt. D’autres faces, tourmentées, sculptées dans la matière même de la nuit, rappellent la terribilità de MichelAnge ou les guerriers hurlants de Vinci pour la bataille d’Anghiari. Certaines figures ont la grâce de l’idéal classique, d’autres la terrible présence d’une figure apotropaïque, d’un mascaron grotesque ou l’ondulation fragile d’un reflet sur les flots. Mais le

regard ne peut s’arrêter à ces indices qui ne satisfont pas l’esprit et la main continue son errance sur le tarot et cherche de nouvelles combinaisons. Les visages frappent par leur présence et l’intensité de leurs regards. Véritable séquence d’études de caractères, ils varient en expression et en nature, de la sérénité au désespoir en passant par la mélancolie. La variété des expressions semble correspondre à un nuancier des genres, qui déroulerait ses métamorphoses, des grâces d’un visage de madone jusqu’aux faces farouches et martiales en passant par une androgynie troublante. Car ici tout est métamorphose, de la nuit au jour et du jour à la nuit, d’un élément à l’autre, de l’inertie du marbre à l’agitation d’une vie qui se cherche et se déforme. Ces faces de Gorgones, qui nous appellent d’un regard perçant et hypnotique ont la fixité du mythe, la chevelure tourmentée, grouillante (autant de vie que de poisons), la bouche figée dans un cri, les muscles tendus et l’expression révulsée que seuls donnent le plaisir ultime et les effrois de l’agonie..

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De là provient sans doute la sidération éprouvée à croiser ces regards, cette attraction pour ce qui ne peut être regardé en face et fascine. Le spectateur, lui-même, ne sort pas indemne de la confrontation. Le mythe agit et la métamorphose se produit en nous également. Ces yeux sont les nôtres, ils nous font plonger dans notre propre nuit. Et si ces images surgies des profondeurs ont le mystère d’un reflet inattendu, qui désarçonne et perturbe la lecture du monde c’est parce que cet insupportable reflet est pareil à celui du bouclier de Persée, au moment d’affronter la Méduse. Il nous rappelle qu’on ne peut plonger au fond de la chose vue qu’au travers de son simulacre. L’eau-forte devient l’épée, la matrice de cuivre poli le miroir, la manière noire notre propre nuit, qui nous aveugle. Bernard Minguet est ce Persée, mais un Persée paisible, sans volonté de puissance, caché derrière le bouclier de sa modestie et de sa pudeur, ni l’une ni l’autre n’étant factices. Il ne s’efface que pour mieux laisser parler la nuit et ses reflets et à travers

en couverture : Eleanor, 18/24, 2014 Page 2 : volutes, 20/5, 2016 Page 4 : la nourrice, 18/24, 2014 Page 5 : Limnade et œuvres, 30/20, 2014 Page 6 : P.E.A., 30/50, 2016 Page 7 : masque majeur, 24/18, 2013 Page 8 : la source, 20/30, 2014 Page 9 : la rémission, 30/20, 2015 Page 10 : 2 masques, 1 jour, 3 nuits : 20/30, 2016 Page 11 : l’hallali, 20/25, 2013 Page 72 : entre les lacs, 20/30, 2013

l’excellence de son travail ce n’est pas un trône qu’il brigue ou la réhabilitation d’un pouvoir quelconque ; l’oracle qui se réalise sous nos yeux rend à l’œuvre sa légitimité que les artistes lui ont trop souvent déniée. C’est elle en définitive, qui survit à toutes les vanités et que le temps respecte.

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Florence BarbĂŠris

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Née en 1964, Florence Barbéris vit et travaille à Aubais depuis 1997. Elle a publié des livres d’artiste, aux éditions Cadex, Encre et Lumière et les Cent regards Florence Barbéris est co-fondatrice de la biennale SUDestampe. Elle réalise régulièrement des interventions en médiathèque et dans des musées.

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«  Des étincelles de sens et de beauté » Si Florence Barbéris pratique une gravure ancrée dans la tradition et la technique, c’est pour mieux s’en libérer. Le mode de reproduction est abandonné pour un mode d’expression très personnel, décliné en variantes subtiles d’épreuves uniques obtenues, pas à pas, par le jeu d’essuyages, de collages, de superpositions, juxtapositions, qui donnent naissance à des séries indissociables. Une édition de livres d’artiste vient souvent compléter ces séries. Pour ce faire l’artiste a besoin de temps. Son regard s’arrête sur le travail en cours, les tables couvertes de papiers, d’essais, quelques tirages au mur, à l’écoute de ce qui va faire soudain sens. La radio diffuse une émission pas toujours bien écoutée, le chien soupire de temps en temps, une journée qui s’effondre dans une belle lumière suffisent à son esprit tranquille. La beauté d’une tarlatane saturée d’encre, le reflet dans une plaque de zinc, cuivre, aluminium ou laiton, plaques parfois déjà usagées, abimées par d’autres mains, d’autres outils, dans d’autres ateliers, plaques rouillées ou plaques d’acier destinées à un usage industriel, transmettent des messages, invitent à des gestes nouveaux auxquels s’essayer. Puis c’est la presse taille-douce qui entraîne le papier de part et d’autre du rouleau et va révéler la proposition, ce qui a été osé l’instant d’avant. La magie opère. Révélation, apparition. Moment où le sacré surgit, fortement uni à l’intime. C’est dans ce contexte que les tirages vont s’enchaîner sans effort au gré des inspirations. Le jugement sera suspendu. Seule comptera la satisfaction d’une journée bien remplie. Les jours passeront, les semaines parfois les années pour savoir si le travail est bon à garder, à pousser davantage, à ranger ; rarement à jeter. Florence attend que les choses s’organisent d’elles-mêmes. Cela peut prendre une éternité. L’oubli peut s’installer. Puis, à la faveur d’une mémoire en réserve ou d’une envie de faire prendre l’air à ses épreuves, des associations, des rapprochements se font, qui relancent le processus. 14

Créer des liens, des passerelles entre les territoires, entre les personnes, entre les histoires, que les œuvres se répondent, se superposent, se recoupent est un des autres aspects de la « méthode Barbéris » qui sait aborder le côté yin de la gravure. Dans les séries Horizons le processus s’élabore de façon visible entre les œuvres ainsi qu’à l’intérieur de chacune d’elles. Zones de partage, frontières, tout à la fois opposent et font dialoguer les contenus, mais au bout du compte tout s’écoule sur une même ligne d’énergie. Le multiple, horizontal ou vertical, s’évanouit pour ne laisser au final paraître qu’une ligne d’horizon. Partage des eaux fluides ou boueuses, rives en dérive, le Mékong, ce long serpent aux reflets de métal coule sans défaillir dans le sens du temps à deux pas, dans l’esprit de Florence, du Vidourle qui jouxte son atelier. Que ce soit aux portes de la Camargue ou dans ses nombreuses résidences d’artiste à l’étranger, en Corée, au Laos, en Birmanie, en Irlande, Florence est à l’écoute des différences, non pour diviser, mais pour assembler. La recherche de l’artiste s’oriente vers une approche de plus en plus décalée de la gravure traditionnelle. Les techniques restent inchangées  ; elle grave essentiellement le métal à la pointe sèche ou à l’eau-forte ou le charge de carborundum ; parfois dans le désir d’une économie de moyens libératoire les procédés du monotype ou de l’estampage sur les papiers du Laos ou de Corée prennent le relais ; d’autres fois encore, les matrices se suffisent à ellesmêmes, présentées brutes, gravées et encrées, leur impression sur papier ne s’imposant plus. Mais c’est surtout le processus de travail qui intéresse l’artiste, les marques des outils, de la main, des essuyages, les dos des plaques qui quelquefois racontent une histoire, les accidents de parcours, voire les erreurs et le hasard, qui tient une place importante dans sa création. Elle aime à ce propos citer Denis Lejeune qui dans son ouvrage Qu’est-ce que le hasard ? « parle de créer sans trop y réfléchir : “... la spontanéité n’est pas aléatoire, elle a une logique propre, le hasard sert comme instrument pour l’engendrement de l’œuvre, il aide à structurer, mais il n’est pas la fin, le but... Il crée des étincelles de sens et de beauté au milieu du chaos. Il est ce que la raison ne comprend pas.” Annick Dénoyel, auteure graveure, annick-denoyel.com *Denis Lejeune “Qu’est-ce que le hasard ?” éditions Max Milo 2007


Page 14: Série pointe-sèche sur plaque d’aluminium galvanisé industrielle, diamètre 21,5cm, encre taille-douce, 2017 Pages 12-13 et 15: Série Horizons, eaux-fortes et aquatintes, 3 matrices, épreuve unique, 40x80cm, 2016

www.florencebarberis.fr

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Fabrice Thomasseau Démarquées du photojournalisme, ces photos dénaturées et mordues à l’acide sont d’une planète qu’à force d’images nous ne regardons plus mais qui nous a à l’œil. Images du désastre quasi interchangeables : le masque à gaz sied à la guerre comme aux catastrophes chimiques ; les ruines d’une industrie qu’on avait crue pérenne ressemblent aux villes rasées par la haine. Le gaz de Lacq résonne avec Gaza et paraît inspiré d’une horreur à laquelle chacun s’accoutume : qui sait encore si barbelés et caméras protègent ou emprisonnent, sombres métonymies de siècles d’épouvante ? Un vieillard anonyme, avatar du Dr Folamour, entre ses mains tient une fusée, un missile de poche. L’artiste le tronque et le décadre : ainsi chacun peutil ajuster sur le buste le visage qu’il veut. C’est un jeu d’enfant. La guerre n’a pas fini d’amuser les tyrans, nulle leçon n’est irréversible. Les barres de Montfermeil qui verrouillent l’horizon semblent aveuglées d’un blast de bombe. Elles se donnent si peu de mal à cacher leur vocation carcérale qu’on les dirait depuis toujours promises à la dynamite. Ces hauts murs rectilignes signent l’échec d’une intégration : de ces géométries désertes, rien ne reste que la promesse du vide. Comme cette station-service où l’absence dit déjà la fin des énergies. Cette bretelle d’autoroute à l’abandon. Cette centrale à l’arrêt. Que reste-t-il du monde lorsque se tarit le trafic qui rend toute vie

naturelle et au final nous empêche de voir ? Quand brusquement se tait le flux des images, des hommes et des marchandises ? Que faire ? La question de Lénine résonne encore dans nos corridors mais la militante s’égosille dans le sac qui l’étouffe. Nos cris sont en pure perte et la révolte aphone. Il faut en prendre son parti : le monde n’est pas de l’étoffe dont sont faits nos rêves. En surimpression sur le visage de Milena, l’image aux Rayons X de passagers clandestins, tumeurs révélées qui disent la noirceur des échanges contemporains. Ses yeux comme les orbites crevées de qui n’aura pas voulu voir ce qu’il savait déjà. Nous sommes Milena, nous sommes cet Œdipe. Sur la toile, à jets continus, toutes les tragédies transitent en temps réel et nul sédiment ne prend le temps de se déposer. Comme si cette boue d’images gelait notre colère et jetait sur nos yeux le sable de l’oubli. C’est peut-être à l’artiste de nous obliger à faire « arrêt sur image ». La gravure est cette empreinte grattée jusqu’à l’os d’une plaie qui fait mal. En décalant l’instantané à hauteur de rêve, en rassemblant des instants d’actualité qui finissent par faire sens, Fabrice Thomasseau, à contre-courant de la vitesse du monde, fait le pari d’un peu d’éternité et de mélancolie. Patrick BRETON

Fabrice Thomasseau vit et travaille à Bruxelles, où il enseigne l’art visuel à l’école européenne. https://www.fabricethomasseau.be

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Page 17 : Gaza, Polymère et Aquatinte, 2/5 37,5 x 28,5 cm, 2017 Page 18 : Militante, Polymère et Aquatinte, EA, 36,5 x 49 cm, 2017 Page 19 : Mourenx, Polymère et Aquatinte, (chine-collé) 1/5 23,5 x 33 cm, 2018 Charleroi, Polymère et Aquatinte, 3/10, 26,5 x 37 cm, 2015 Page 20 : Station, Techniques mixtes, 2/10 40 x 68 cm, 2016 Montfermeil, Chine-collé et technique mixte, 18,5 x 26,5 cm, 2016 Page 21 Cosaque, Polymère, EA, 40x 40 cm, 2018

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Olivier Morel

Olivier Morel est artiste plasticien. Diplômé de l’ENSBA Paris, il vit et travaille à Paris. Il s’exprime essentiellement par la peinture, le dessin et la gravure, mais pratique aussi photographie, vidéo et installations. Les thèmes représentés dans ses œuvres sont résolument contemporains et couvrent un large spectre. Portant un regard attentif et ironique sur le monde actuel (série Tunisie, Nouveau Monde), il aborde l’actualité — mondialisation, terrorisme, réchauffement climatique — (série 1001 nuits) en alternance avec des sujets plus contemplatifs (série Forêts) inspirés par la philosophie orientale. Il expose en France et à l’étranger, dans des galeries et des centres d’art - galerie Jaeschke (Braunschweig, Allemagne) en 2016, galerie Red Zone (Genève, Suisse) en 2015, Orangerie de Cachan en 2014, CCAC de Clamart en 2013. Sa prochaine exposition « Forêts » aura lieu à a Maison des Arts du Plessis-Robinson du 6 au 21 octobre 2018.

http://olivier-morel.com

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Page 22, de gauche à droite, puis de haut en bas : Parasol multicolore, pointe sèche / cuivre, 5,5 x 9 cm, 2001 – 30 ex, imprimeur Manonviller Marché berbère, pointe sèche / cuivre et aquatinte, 20 x 25 cm, 2002 – 50 ex, édition Rémy Bucciali Pousseurs de Citroën, pointe sèche / cuivre, 5,5 x 9 cm, 2001 – 30 ex, imprimeur Manonviller Camion de foin, pointe sèche / cuivre et aquatinte, 20 x 25 cm, 2002 – 50 ex, édition Rémy Bucciali Femmes aux tissus, pointe sèche / cuivre, 20 x 25 cm, 2004 – 30 ex, imprimeur Manonviller Taxi berbère, pointe sèche / cuivre et aquatinte, 20 x 25 cm, 2002 – 50 ex, édition Rémy Bucciali Le café maure, pointe sèche / cuivre et aquatinte, 20 x 25 cm, 2002 – 50 ex, édition Rémy Bucciali Place des bouchers, pointe sèche / cuivre et aquatinte, 20 x 25 cm, 2002 – 50 ex, édition Rémy Bucciali Page 23: Pisseur au palmier, pointe sèche / cuivre, 5,5 x 9 cm, 2001 – 30 ex, imprimeur Manonviller Page 24: Camion de foin, pointe sèche / cuivre et aquatinte, 20 x 25 cm, 2002 – 50 ex, édition Rémy Bucciali Page 25: Les voitures, pointe sèche / cuivre, 10 x 12 cm, 2002 – 50 ex, édition Rémy Bucciali

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Série Tunisienne (2001 - 2005) Tout a commencé un après-midi de juillet 2001. Ni Internet, ni le téléphone portable, ni l’appareil photo numérique n’existaient. Ma femme, Isabelle, et moi étions partis en vacances en Tunisie en quête de soleil et de mer chaude. À défaut d’une chambre dans un établissement de luxe sur le piton rocheux de Sidi Bou Saïd — nos moyens financiers étant modestes — nous avions atterri dans un hôtel à la limite de la zone touristique de Gammarth, à l’ouest de Tunis. Du haut de notre balcon, au quatrième étage d’une barre en béton, s’étendait, à gauche, l’immense plage de Raouad, fréquentée par les familles tunisiennes qui garaient leur voiture jusque sur le sable. À droite, les plages privatisées des grands hôtels internationaux se succédaient, désertes, avec leurs parasols en fibre de paille à moitié effondrés, les touristes préférant rester groupés autour de la piscine. Un après-midi, lassée des grandes promenades sur la plage, Isabelle décida de s’installer au bord de la piscine de l’hôtel. Je l’accompagnais à contrecœur, emportant avec moi un roman afin de m’isoler de la foule. Las ! Impossible de lire une ligne à cause l’agitation et du vacarme incessants ! Je finis par abandonner la lutte et découvris alors, stupéfait, le spectacle drolatique qui s’offrait à moi. Comment avais-je pu le refuser ? Je me précipitais dans la chambre pour chercher un carnet et des crayons et commençais avec frénésie à dessiner tout ce que je voyais. Tout était devenu intéressant : le ballet de gymnastique aquatique, les enfants dans le petit bain, les touristes allongés sur leur transat, buvant une bière le ventre à l’air, les serveurs à l’air guindé. J’inventoriais le mobilier de plage, les cabines de douche, les palmiers en pot. Par la suite, j’élargis mon domaine d’investigation à la plage, à la ville, au monde entier ! De retour à Paris, puisant dans mes carnets et aidé de quelques photos, j’ai entrepris la réalisation de la série tunisienne. Au départ, une grande gravure de 80 x 100 cm, représentant la Grande plage de Raouad en vision aérienne. Confrontant les deux mondes, touristique et autochtone, elle est peuplée de plusieurs centaines de personnages. Puis, j’ai réalisé des zooms constitués de quelques figurants issus de la grande gravure — sortes de variations musicales et chromatiques — sur de petites plaques (La sieste, Les vagues bleues, Pisseur au palmier). Les compositions ayant pour sujet la confrontation entre la vie locale et les activités touristiques se sont alors succédées en plus grands formats (Camion

de foin, Marché berbère). Pour ces compositions, j’ai adopté un mode de représentation de l’espace spécifique, comme un cube aplati. La technique de la pointe sèche s’est imposée à moi. Aux Beaux-Arts de Paris, j’ai expérimenté tous les procédés sauf le burin. Dans mon atelier, j’ai tenté, dans un premier temps, de les pratiquer tous, mais j’ai fini par les abandonner les uns après les autres par souci d’épurer ma démarche. Seule la pointe sèche me donne cette sensation d’immédiateté et de simplicité. Transcrire l’énergie de la vie en quelques traits, sans passer par les multiples phases de vernis, d’acide, de nettoyage. Aucune sophistication, aucun effet à part la sensibilité du trait qui passe de la minceur d’un cheveu à l’épaisseur touffue et baveuse d’un fil de laine. À la souplesse de la ligne souhaitée, le cuivre oppose sa résistance et c’est dans cet entre-deux que réside, quand la main ne tremble pas et glisse comme par enchantement, la magie de la pointe sèche qui sait, sans que l’on réfléchisse, où il faut appuyer et où la pression doit se relâcher. Il semblait complexe d’imprimer une plaque de 80 x 100 cm en couleurs. C’est pourquoi je l’ai réalisée en noir. Pour les petites, la couleur s’est imposée d’emblée. Je voulais des couleurs vives, pures et fraîches, comme celles des maillots de bain, des bouées gonflages ou des tissus et des tentures tunisiennes (Femmes aux tissus). La pointe sèche étant une gravure au trait, j’ai développé tout un jeu de tailles entrecroisées ou serrées, donnant textures et aplats veloutés. L’impression étant limitée à trois plaques, il a fallu organiser les couleurs de façon judicieuse, généralement une plaque de couleurs chaudes, une de couleurs froides, et une de noir, deux couleurs différentes ne pouvant se toucher sur la même plaque (Parasol multicolore). L’impression d’une gravure à la pointe sèche est subtile et difficile. J’ai travaillé en collaboration avec Didier Manonviller des Ateliers Moret, dont la main expérimentée a fait des prodiges. D’autres gravures ont été imprimées par Rémy Bucciali, éditeur généreux et merveilleux. À cette occasion, j’ai introduit quelques surfaces à l’aquatinte. L’usage d’un cuivre non-poli miroir et d’un essuyage léger donnent souvent l’impression d’un tirage sur Chine collé (Bronzage, Petite Raouad en couleurs). Olivier Morel 25


Le regard en partage

facilitent l’éclosion de longues suites de modestes merveilles. Le mouchoir en papier s’avère avoir la texture la plus sensible à la fluidité de l’encre de Chine. Il est devenu la cellule de base de tout mon ouvrage.

Quand je marche sur une plage couverte de galets, au rythme de mes pas mon attention se mobilise. Dans cette profusion mon regard aiguisé par l’infinie variété s’arrête sur l’un d’eux. Sa forme, son grain, ses veines s’adressent à moi — « Misérable miracle » d’Henri Michaux — je le ramasse. Ce fragment de roche, fruit de la furie et de la patience des éléments, est là, dans ma main, évident. Aucune intention humaine à son origine. Je le considère : il existe ; et mon regard le met en œuvre.

La simplicité des moyens me permet d’improviser méthodiquement des séries de variations de dessins et d’empreintes. Engourdir la volonté par la profusion, sans craindre d’œuvrer en pure perte. Les rencontres répétées de l’encre et du papier, le hasard, les objets glanés pour réaliser des empreintes peuvent pleinement jouer leur rôle. Je partage avec le monde la responsabilité de ce qui arrive.

J’ai longtemps eu besoin de penser que pour être authentiques mes peintures devaient être l’enregistrement d’une performance : des gestes fulgurants pour prendre instantanément possession de tout l’espace. J’imaginais de cette façon me libérer de toute contingence matérielle. Ces signatures héroïques n’étaient que le reflet de mes états d’âme. Aucun véritable dialogue ne s’instaurait avec ce qui n’est pas moi . J’ai progressivement réalisé que pour qu’il s’établisse, il ne fallait plus voir ces contingences comme des adversaires à dominer. Quand je découpais quelques-uns de mes travaux en carrés ou en bandes puis que j’assemblais différemment ces morceaux, cela m’amenait souvent dans de vivifiantes dimensions d’inconnu. Depuis, le temps et l’espace sont entrés dans mon jeu. Mes compositions ne se construisent plus en un seul élan casse-cou et stérile. Je crée d’abord des quantités de petits formats et reporte dans le temps leurs assemblages, parcelles après parcelles, patiemment. Ces détails, comme des cartes, seront battus et rebattus pour donner à lire leurs oracles. Quand j’essuyais mes pinceaux, le papier utilisé se parait de taches plus vivantes que celles résultant de mes gestes conquérants. Maintenant les hasards et les imperfections sont devenus des alliés. Je porte mon attention sur un seul phénomène bien précis : la façon dont un liquide imprègne un matériau très absorbant. Je mets tout en œuvre pour laisser agir le plus naturellement possible cette mécanique des fluides. L’impression par simple monotype reproduit idéalement les aléas de l’essuyage des pinceaux. Les aveuglements momentanés propres à cette technique

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Le choix du noir et blanc : une limitation volontaire pour mieux discerner les contours du visible… de l’invisible… de l’imprévisible... du rêve… C’est seulement dans la nuit que l’on peut apercevoir les lucioles

Je retrouve l’attention enivrante du marcheur sur la plage aux mille galets. L ’ e s p a c e n’est plus à conquérir, mais à parcourir. Vivre une expérience, en se laissant toucher et orienter par les occasions qui se présentent. Dessiner le chemin en marchant…. Une respiration sans cesse renouvelée s’établit entre l’abandon à l’infinie fluctuation de l’encre et la jubilation des instants où des éléments épars entrent en relation, où la forme émane du fond. Planifier des sessions d’encrage, se laisser guider par ce qui advient, considérer, interpréter, lire les éléments, s’autoriser toute sorte de découpes pour expérimenter divers arrangements, jusqu’à ce que l’évidence d’un montage s’impose. Je ne procède à aucune retouche. Les contours d’un motif d’ensemble ne coïncident pas parfaitement d’un élément à l’autre. Ces failles font partie du jeu. Une dynamique s’installe. Elle met en résonance le réel et l’imaginaire. Elle fait le récit du perpétuel devenir du monde. Les signes d’encre se prennent à évoquer, à figurer, à illustrer... me donnent à penser… à imaginer… de nouveaux encrages… Michel AUDOUARD


Michel Audouard

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Page 27 : Edge Song‌ 8 (21x21cm), 2016 Page 28 : Le Jardin des Lucioles 9 (18x18cm) 2017 Page 29 : Verso 18x19, 5 cm, 2017 livre unique

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Jean-Michel Mathieux-Marie

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Tireté-sec N’as-tu jamais pris plaisir en bord de mer à projeter d’un geste vif une pierre bien plate au raz des flots, et de t’extasier alors du spectacle des ricochets successifs qu’elle engendre à chaque fois qu’elle touche l’onde en la frôlant, inscrivant à chaque impact ces ronds dans l’eau qui enchantent ton regard jusqu’au moment ou exténuée et comme à bout de souffle, elle renonce et sombre inexorablement) Ces bonds et rebonds, c’est également le parcours qu’effectue une lame d’acier lorsque, enfilée dans un manche adéquat, on en racle la surface polie d’une plaque et qu’elle se met alors d’elle-même à sauter comme par enchantement, créant ainsi sur son passage une série de cavités rappelant l’effet produit par la » roulette », cet outil qu’utilisent les graveurs pour précisément produire des traits en pointillé. En effet, une fois fichée dans la matière qu’elle vient d’entailler, elle s’y fige et ne peut s’échapper de l’encoche créée que sous l’effet d’un effort conséquent à même de déclencher alors une dynamique la faisant jaillir de sa cavité pour aller de nouveau heurter la plaque par bonds successifs, créant ainsi de proche en proche cette cascade d’excavations engendrant d’un point de vue graphique un genre de pointillé que l’on pourrait dénommer  tireté-sec . Précisons que suivant la dureté du support, l’effilage de la lame et son inclinaison par rapport à la surface, la pression exercée sur l’outil et enfin la vivacité et l’adresse de celui qui opère, ce tireté-sec pourra prendre, contrairement à la roulette, des allures et aspects extrêmement divers. Ainsi ces encoches alignées peuvent elles se

concevoir très fines et rapprochées, ou au contraire larges, profondes et distendues, de sorte que le graveur, qui en maîtrise le tracé puisse de fait disposer d’une gamme fort étendue de trames et de textures, à même de conférer un modelage optimal des lumières et des ombres. Avec en outre cette particularité singulière que cette façon permet de préserver dans le tracé et même dans ses valeurs les plus sombres, une luminosité et une transparence dues à l’espace resté vierge et lumineux subsistant entre deux entailles. Qui plus est, lorsque la lame s’extrait soudain de la cavité qu’elle vient de créer pour aller de suite se ficher dans la suivante, elle en choque la bordure déclenchant alors un petit bruit sec caractéristique de cette manière. Le son s’invite alors et cet exercice de tireté-sec, de visuel devient audible. A chaque encoche sa résonance, à chaque tireté son rythme — Ahh, la musique du tireté ! Certes on est loin, très loin encore de cet hallucinant cliquetis métallique que Richard Wagner nous assène dans L’or du Rhin, lorsque Wotan s’enfonce dans les entrailles des forges souterraines où règne l’effrayant Albérich. Mais cette sonorité tenace et singulière, émanant de ce choc infime s’égrenant assidûment sur la plaque sous la lumière du calque qui l’illumine, s’entremêle alors avec la vision de celui qui l’engendre, l’artiste, l’enveloppant ainsi et tout au long de sa tâche dans une douce et bénéfique quiétude si propice à l’exercice de son art. Jean-Michel Mathieux-Marie — juin 2018

Pages 30-31-32-33: : Nuées 1, 2 ,3 , 4, 5, 6, tireté-sec sur Rhénalon, 20x30cm, 2018

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SELVİHAN KİLİÇ Mes travaux de gravure dont le point de départ est le concept de signification/insignifiance se concentrent sur une vie construite par la somme des moments que les banalités créent. Bien que les rôles et les personnages changent au cours du cycle de vie, les histoires vécues sont similaires les unes aux autres. Les espaces, lieux et figures évoluent perpétuellement ; mais la vie est la même et nos vies sont construites sur les moments. Nos tracas quotidiens tout au long de la vie quotidienne, ce que nous voyons en levant la tête, ce que nous faisons et expérimentons  ; tous sont ordinaires. Ces «  choses  » que nous pouvons nommer comme « détails » sont non seulement ordinaire, mais nous communient aussi en nous faisant juste une autre personne ordinaire. Les indices, cependant, sont cachés dans les détails, qui sont pour nous. Les travaux de gravure produits en utilisant et en combinant deux techniques différentes telles que l’impression au pochoir et la gravure sur bois, ou la sérigraphie et la gravure sur bois sont composées en fonction des circonstances de l’espace. Des figures noires ont été imprimées au pochoir sur la surface grise créée par la technique de la gravure sur bois. La sobriété grise en noir et blanc a été ornée du dynamisme et de la profondeur rendus par les lignes, et les figures de silhouette créées en utilisant l’effet de rétroéclairage. Les cadres simples de la vie elle-même ont été discutés à travers des détails mineurs. Les figures marchant dans les travaux sont utilisées récursivement selon la relation grand/petit dans les compositions. Les œuvres, mettant en scène les moments de la vie considérés comme mineurs, ordinaires ou insignifiants, ont été créées en considérant la relation temps-espace et imprimées sur du mylar et du papier. En utilisant ses caractéristiques transparentes et ses effets de lumière, les mylars ont contribué à la temporalité du moment et ont soutenu

les mouvements des figures. Les impressions produites en utilisant le même bloc de bois se répètent ; cependant, par les figures différenciantes, on a essayé de souligner que le moment du temps est ordinaire, toutes les vies sont les mêmes, et la seule chose qui change est juste les chiffres de l’événement. Diverses œuvres créées en utilisant le même bloc de bois coïncident avec la logique de l’époque qui est basée sur la rapidité et la consommation. Ces travaux ont vu le jour à la suite de l’effort d’adaptation de l’ensemble du processus de production des travaux d’estampage, qui

nécessite un travail de longue haleine, pour évoluer rapidement et évoluer dans les conditions actuelles. Selvihan Kiliç

Page 34 Untitled, 2006, LInogravure, 20x30cm

Pages 35, 36, 37 Untitled, 2014, xylogravure et stencil,60X121cm

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Selvihan est née à Adapazarı, Turquie en 1982. Elle est diplômée de l’Université d’Anadolu, Faculté d’éducation, D é p a r t e m e n t d’enseignement artistique en 2004 et du Département Programe du Département de gravure de l’Institut des sciences sociales en 2007. Elle est actuellement étudiante à l’Université Anadolu. Des BeauxArts, Département de la gravure. Elle est chargée de cours à l’Université Balıkesir, faculté des beauxarts, département de gravure.

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Untitled, xylogravure et sĂŠrigraphie, 40X60cm, 2016,

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Sophie Drouot Je ne sais pas grand-chose de la façon dont les gravures arrivent.

Pourquoi de très petits formats ? Aucune idée. Quelle intention ? Ça ne vient pas vraiment d’une intention ; ça vient à certaines occasions. Des parties de moi s’activent et s’arrangent entre elles ; je leur fournis le temps, les outils et le matériel. Elles ont donné un rôle particulier à l’œil ; il regarde longuement les gravures à leur sortie de la presse. Le mieux semble être de le laisser faire, même si je ne sais pas vraiment ce qu’il fait. J’imagine qu’ensuite, il relate que ça discute sur ce qu’il a vu, ce qu’elles ont fait, ce qu’ils vont faire. Ainsi, de la façon de travailler, je peux surtout dire qu’elle consiste à sentir et regarder beaucoup la nature, graver et imprimer des plaques où on la retrouve presque toujours, regarder longtemps, recommencer. Je suppose qu’une gravure transporte quand elle procède de la conversion d’encombrants intérieurs en image propre. J’aime l’idée que les outils de la gravure sont, en même temps, ceux de cette conversion  ; qu’apparaît, dans une gravure, un nouveau visage, amical cette fois, de menaçants qui ont bien voulu s’emparer des instruments pour jouer ensemble et avec moi. Alors, pourquoi la gravure  ? Certainement parce qu’elle s’est trouvée convenir pour convertir les encombrants en enchantements ; sans doute parce que ses techniques et procédés ont été adoptés par des parts de moi qui y ont vu un terrain de jeu où nous entendre et jouir de la vie. J’aime aussi voir les gravures comme des sortes d’espace en matière onirique où chacun pourrait entrer librement. Les encombrants des visiteurs y seraient invités à jouer avec les procédés de conversion mis en œuvre ; pour les essayer, pour voir. Les gravures pourraient ainsi conforter leurs hôtes dans l’invention de leur style de conversion et 40

d’enchantement. Elles aideraient à mieux convertir les problèmes en joies propres, grâce aux libres conversions visitées. De cette manière, elles feraient aimer la liberté des autres comme un aliment pour la nôtre. Elles aideraient à ne pas s’ennuyer avec soi ? A ne pas se contenter tristement d’empêcher les joies des autres ?

Et si les gravures de la nature permettaient d’essayer la conversion des encombrants en amour de celleci ? On les ferait pour jouir et faire jouir de la nature, s’apprendre à mieux y tenir, autant qu’à tout soi et à la liberté des autres. Je ne sais pas si c’est ce que font les miennes, mais j’aimerais bien.

Page 40 : Tritons crêtés, pointe sèche et aquatinte sur zinc, 20 exemplaires, 7 x 5 cm, 2015. Page 41 en haut : Saules et rivière, pointe sèche, burin et manière noire sur cuivre, 20 exemplaires, 9 x 6 cm, 2017. Page.41 en bas : Grand orage, pointe sèche et manière noire sur cuivre, 20 exemplaires, 9 x 6 cm, 2017.


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Sophie Drouot

en née en 1968, à Reims. Depuis 1979, observations et activités naturalistes (ornithologie, herpétologie, botanique etc.) Depuis 1988 : étudie puis enseigne la philosophie. Depuis 2014 : Gravure à l’atelier Aqua Forte de Reims. . Sophie Drouot a exposé à Reims et ailleurs dans le monde (Belgique, Espagne, Etats-Unis) par diverses biennales. En septembre 2017, les éditions Tandem lui proposent la publication d’une version petit format du livre d’artiste Qu’est-ce qu’on voit ?

Page 42 : Grandes herbes, pointe sèche sur zinc, 20 exemplaires, 6 x 5 cm, 2014. Arbre à clématite, pointe sèche sur cuivre, 20 exemplaires, 4 x 6 cm, 2017. Tilleul, pointe sèche sur cuivre, 20 exemplaires, 4 x 6 cm, 2017. Petit loup, bois, 20 ex. ; 10,5 x 7,5 cm ; 2017 Page 43 : Tempête, automne, pointe sèche et manière noire sur cuivre, 15 exemplaires, 6 x 10 cm, 2016. Petite ville, pointe sèche et manière noire sur cuivre, 20 exemplaires, 6 x 3 cm, 2016.

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Kikie Crevecoeur « C

e qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style  », disait Flaubert. Lorsque Kikie Crêvecoeur, dans son atelier, évoque brièvement qu’elle a travaillé ici au départ de rien — traces, nuées, fumées, ombres (et, pourrait ajouter qui la connaît un peu, doutes, errances, invisible patience) — on pense immédiatement « force interne du style  ». Qui outrepasse ce que l’on tente d’en dire. Qui s’expérimente du regard seulement. Sans hâte, dans un vertige qui prend lentement possession de nous. Sans doute pourraiton évoquer la fin d’un monde, l’apocalypse à venir, sa séduction dangereuse, scandaleusement légère, champignon, arbre, chapeau de plumes ou de nuées annonciatrices de la destruction totale. Ou le retour miséricordieux du cosmos, de la profondeur du noir, les astres comme des clous d’argent, la voie lactée — disparue de nos cieux dévorés par la lumière artificielle — rendue à sa dissémination paisible, son clignement familier. Ou l’éternel végétal, ce vert que seule la couleur nomme - si pauvre ce mot de « vert », si indigeste en regard de cette somptuosité libre et construite, qui nous survivra, évidemment. Ou les crépuscules bleu vif et noirs qu’une fois aveugles ou morts nous pleurerons à jamais. Il sera moins facile de dire ce qui, dans ces images, nous comble et nous perd à la fois. Ce dans quoi l’on voudrait s’engloutir quand tous les signaux de

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la planète sont au rouge. La profondeur d’un rien. La puissance iconique d’un élément de nature. La poussière noire qui subsiste quand la matière, calcinée, se fait néant. L’encre enfin, où l’œil se noie,

voyageant dans sa matière docile que l’artiste, qui la travaille et la touche d’empreintes mystérieuses et ténues, rend infiniment fraternelle. Comme la voûte nocturne sous laquelle l’on voudrait se coucher pour un dernier sommeil. Caroline Lamarche

Le Salon d’Art. Le jour avant le vent du 22/10 au 22/12/2018. vernissage le 22/10 Rue de l’Hôtel des Monnaies 81, 1060 Bruxelles., http://www.lesalondart.be


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« Je travaille essentiellement la gravure en relief. Ma démarche consiste à utiliser des procédés élémentaires et d’en repousser les limites. Mes outils se réduisent souvent à un simple cutter. Depuis plus de 30 ans, je développe un travail à partir de gommes à effacer. Une fois gravées, encrées, je les imprime une à une à la main, sans presse, comme des cachets. Ce concept me donne la liberté d’emporter mon atelier partout. Parallèlement, je grave dans du linoléum, ce qui me permet de travailler ma gestuelle autrement. »

Kikie Crevecoeur est née en 1960, elle vit à Bruxelles Elle est professeur de Gravure et de Lithographie à l’Académie des Beaux-Arts de Watermael-Boitsfort (Bruxelles). http://kikiecrevecoeur.be

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Page 44 : Trio Chaos/estampages divers, gommes, lino/composition tirage unique, 28 x 120 cm (en trois parties/détail, partie gauche), 2017 Page 45 : Variation III/impressions de gommes gravées,/composition tirage unique, 50 x 50 cm, 2016 Page 46: Variation VI/impressions de gommes gravées/composition tirage unique, 50 x 50 cm, 2017 Page 47 : Infinis éphémères, 2016-09-01/impressions de gommes gravées/composition tirage unique, 56 x 76 cm, 2016

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Khalid El Bekay Glissements, traductions et transformations Rien n’est pareil. Les choses ont bougé, mais tout est encore là. C’est comme les bruits lorsqu’on marche dans la forêt. Ils se déplacent tout le temps : ici telle une branche qui cède sous ses pieds, ailleurs tel un animal qui détale, des oiseaux qui piaillent, des hommes et des femmes qui glissent sur les feuilles. Ils s’approchent des tables, celles au nord qui proposent du café, celles au sud qui offrent le thé. Partout, des fruits et des légumes sortent des taillis et des plantes descendent des arbres : pommes rouges, poires jaunes et aubergines violettes. Tout est en pleines couleurs, comme la pleine lune qui remplit le ciel. En regardant le centre des fruits, on pourrait y trouver quelques mystères enfouis. Des secrets y sont soigneusement cachés. Un vertige habite le regard et le stimule. C’est alors que tout bascule. L’image se transforme dans un va-et-vient incessant. Les fruits chavirent. Tout ceci n’est pas dû à un tremblement de terre ou à une tornade, mais plutôt à une orchestration qui s’installe sur une toile sonore. Les pommes, les poires et les aubergines, les théières et les tasses sont vides. Elles ont versé leurs rouges et leurs blancs dans une immense profondeur jamais parcourue, ni de jour ni de nuit, et où le fracas des vagues rencontre la chaleur de la respiration. C’est le grand déménagement de Khalid, le maître des musiques en couleurs, l’arpenteur de terres en friches, le dérouleur de tapis en formes simples et volantes, le constructeur de dédales géométriques. Tambour battant, les formes se mettent au rythme de vastes étendues, comme des écritures qui sortent des craquelures de la terre grise, rouge, bleue, jaune, blanche, verte, dorée. Elles imprègnent la vie du sol où germent les fruits et les légumes. Les inscriptions ne sont pas lisibles à l’œil nu. Leur destruction est révélée par le sifflement des grains de sable dont le vent, minute après minute, projette la fine poussière sur la matière. Le sablier du temps fait son travail.

Entre les murailles épaisses et les hautes frondaisons opaques se glissent de vraies clairières et des tissus brillants, vastes et nus comme la scène vide d’un théâtre dont la grandeur semble faite pour dévoiler longuement à l’âme des ombres et des mémoires. C’est comme si, dans une planète habitée par des carrés et des rectangles, on eut considéré pour première nécessité de peindre les méridiens sur le sol. Mais ce caractère de pure direction semble être sans la moindre idée de but. Ces méridiens se heurtent aux formes pleines de leurs destins : fruits, tasses et théières se sont évaporés dans une singulière allégresse, dans une musicalité presque muette de murmures transparents. C’est l’instant de ressentir cette manifestation très exactement incongrue des efforts conjugués de la nature et de l’art. Tout sort de la terre, de sa vie fertile, de son monde plein de surprises, de son univers de naissances. La théière et la tasse sont devenues feuilles de thé et grains de café. La terre est vue de haut, parfois de très haut. Ca paysage aérien arrive a être habité par une vraie tasse qui est un souvenir précieux ou par le dessin d’une tasse qui en est la silhouette. Khalid El Bekay a réalisé la traduction de son propre imaginaire créatif en graphismes, en reliefs, en carrés et en rectangles, où poussent des couleurs ombragées par les nuages qui arpentent le ciel. La planète est habitée par d’étranges phénomènes qui suscitent une force de suggestion ouverte à l’âme seule sur une plage ou au sein d’une forêt isolée du monde. En ce moment le soleil, au pas de course, brille dans son intérieur. Autour règne une singulière allégresse, à la musicalité à peine perceptible, et avec une grâce à peu près diaphane. Un silence est tombé, plus somptueux qu’un palais vide et qui paraît tenir en suspens toutes les choses dans un instantané longuement retenu de leur enchantement. Longtemps, par les heures déclinantes du jour, elles suivent leur chemin. Jusqu’où ? Jean-Pierre Van Tieghem

Khalid El Bekay est né en 1966 à Casablanca, il vit et travaille entre Barcelone et Casablanca. 48


Page 49 : T. de Té, 65 x 50 cm, lithographie sur pierre, 5 passages de couleurs sur papier Velin BFK Rives blanc, 2010 Page 50 : T. de tasse, 65 x 50 cm, lithographie sur pierre, 4 passages de couleurs sur papier Velin BFK Rives blanc, 2010 Page 51 : T. de thé, 25 x 35 cm, lithographie sur pierre, 3 passages de couleurs, feuille à dorer sur papier Velin BFK Rives blanc Page 51 :T. de terre, 50 x 65 cm , lithographie sur pierre, 7 passages de couleur sur papier Velin BFK Rives blanc, 2010

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Erolf Totort, je rêve de toi

Ava se prend pour la Maja de Goya, gravure eau-forte et aquatinte 20 x 25 cm. La Maja nue 1790-1805, huile sur toile 97 x 190 cm, musée du Prado, Madrid Francisco José de Goya y Lucientes, dit Francisco de Goya, né le 30 mars 1746 à Fuendetodos, près de Saragosse en Espagne et mort le 16 avril 1828 à Bordeaux, en France, est un peintre et graveur espagnol. Ava se croit au déjeuner sur l’herbe, gravure eau-forte et aquatinte 30 x 20 cm. Le Déjeuner sur l’herbe, huile sur toile, 208 x 265 cm,, 1863, musée d’Orsay, Paris Édouard Manet, né à Paris le 23 janvier 1832 et mort à Paris le 30 avril 1883 est un peintre et graveur français.l.

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Erolf Totort, iconograffite, faiseuse d’images, graveure et auteure publie un nouveau recueil. Je rêve de toi, un album pour adulte illustré en gravure, aux Éditions Points de suspension. En 2014 sortait Le journal d’Ava aux Éditions Points de suspension, en deux volumes dans un coffret. Ces beaux livres racontent en textes et en images, une année de la vie d’Ava, femme de Cro-Magnon qui vivait entre la Loire et les Pyrénées il y a 22 000 ans. Ava est inspirée de la Dame de Lespugue. Erolf Totort a donné vie à cette égérie. Depuis 25 ans, elle l’a fait danser sur ses toiles, ses dessins, et ses gravures dans ses livres. Cette célèbre statuette préhistorique en ivoire de mammouth, mesurant moins de 15 cm a été retrouvée dans la grotte des Rideaux par René de Saint-Périrer, en Haute-Garonne. Elle daterait de la période dite du Gravettien entre 26 000 et 22 000 BP. On peut la voir au Musée de l’Homme de Paris. Elle est nue, comme Ava sera nue, elle est contemplative comme Ava le sera. Erolf Totort a choisi de prendre le contre-pied des représentations classiques de la préhistoire, dessinant des êtres hirsutes, habillés de peaux de bête et vacant sans cesse à mille occupations de chasse, de tannage, de taillage de silex … Ava est nue et danse sous la lune… au paradis perdu !

éprise d’Adama un chasseur d’un autre clan, dévoile ses sentiments. Ava est une artiste, peintre sculptrice de Vénus, poétesse ancestrale, elle profite de sa solitude pour créer. Adama tel saint Georges chasse les monstres au loin… Ava de son côté telle une Pénélope libre, s’inspire du manque pour célébrer son amour. Adama est son “musset“. Erolf Totort joue avec les mots et les genres. Ne trouvant pas de masculin à muse, elle choisit d’en inventer un, musset. Un clin d’œil à George Sand, femme de lettre inspirée par son amant Alfred de Musset. Amantine, Lucile , Aurore, Dupin qui prit un nom d’homme comme Flore, Édith, Françoise, Gabrielle Trotot le fit à son tour, jouissait de l’absence de l’être aimé. Un renversement des rôles qui met à mal les conventions. Pour les images, Erolf Totort met Ava dans les poses des muses anonymes des grands peintres. Faisant référence à l‘histoire de l’art à chaque page, on retrouvera Picasso, Modigliani, Manet, Ingres, Goya ou Vélasquez. A vous de découvrir Ava dans son intimité. FT

À travers sa prose, Erolf Totort questionne la vie, la mort, l’amour, l’humanité et ses contradictions, la création, les femmes et les hommes, la foi. En cherchant dans la préhistoire, le sens de la vie et en retournant au plus profond, au plus lointain, jusqu’ au fond des grottes, elle nous rappelle notre humanité et le long chemin parcouru. En 2016 un premier opus “Le Bestiaire d’Ava“ paraissait aux Éditions Points de suspension. On y découvre treize histoires de bêtes préhistoriques. Ce livre qui s’adresse à un large public est illustré de dessins et de gravures sur linoléum. Sous couvert de petites histoires anecdotiques et grandement documentées, racontées par Ava, Erolf Totort questionne notre rapport aux animaux, celui d’hier quand nous n’aurions pu survivre sans eux, celui d’aujourd’hui ou la question du végétarisme devient de plus en plus centrale. Dans “Je rêve de toi“, Ava son héroïne toujours Je rêve de toi, texte et images d’Erolf Totort, Éditions Points de suspension, sortie prévue le 11 octobre 2018, à Paris.

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Salon d’automne 2018 115

Salon d’Automne

Pour sa e édition, le se déroulera du 25 au 28 octobre 2018 sur l’avenue des Champs Élysées. Salon d’art historique depuis 1903, doté d’une renommée internationale, il s’impose comme le rendez-vous incontournable des artistes d’aujourd’hui, issus de tous les continents. Le Salon d’Automne est à l’origine d’un grand nombre de mouvements artistiques majeurs du XXe siècle au cours desquels ont émergé des figures majeures dans la peinture, la sculpture, l’architecture, la gravure, la photographie, etc. Il continue d’offrir un panel de la création très étendu, à la fois par la variété de médiums qu’il convoque et par sa composante internationale très forte, 40 % des artistes exposants venant du monde entier. En 2017, ce sont 890 artistes qui ont participé, choisis par le jury parmi le double de candidatures. Le Salon d’Automne est également présent à l’international. Il présente chaque année, une sélection de ses artistes au National Art Center de Tokyo. En 2017, le Salon a été invité à participer à la manifestation ` « Paphos Capitale Européenne de la Culture 2017 » à Chypre. Par le passé, des partenariats d’échange ont eu lieu entre les artistes de plusieurs pays récemment en Biélorussie, au Brésil, en Espagne, en Israël, en Égypte, en Arabie Saoudite, en Russie, en Chine, etc.

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Salon d’Automne. Ce nom est proprement

magique par sa sonorité, tel un bourdon qui sonne, qui ébranle, qui étonne. Il l’est également par l’image qu’il évoque. L’automne est bien la saison où la nature atteint sa plénitude de formes et de couleurs. C’est le moment où chez les artistes, les œuvres engendrées, après une période de tâtonnement et de développement, parviennent à leur haut degré de mûrissement. Chaque artiste, certes, peut exposer ses œuvres de manière individuelle. Mais dans le même temps, il est habité par la nécessité vitale de confronter sa création avec celle des autres artistes, de l’offrir au regard d’un public plus large, en vue d’un plus vaste partage. C’est ainsi que le Salond’Automne se révèle chose indispensable. » François Cheng, juin 2018

FRANCOIS CHENG,

de l’Académie Française, est le parrain de l’édition 2018 Le Salon d’Automne aura l’honneur de présenter plusieurs calligraphies et livres d’artistes de François Cheng dans la section Livres d’artistes. Le Salon d’Automne consacrera une exposition à son Invité d’honneur, Franquin, disparu en 1997.

en 1905, de l’éclosion spectaculaire du Fauvisme, véritable scandale pictural à cette époque. Après avoir participé à l’émergence de tous les courants artistiques majeurs du XXème siècle, en accueillant les plus grands noms de la peinture moderne, de Cézanne à Picasso en passant par l’Ecole de Paris, Dali, Zao Wou-Ki et jusqu’à Antonio Manfredi (2014) et Moebius (2015), de la sculpture, Maillol, Rodin, Camille Claudel, Bourdelle, Duchamp Villon, Ousmane Sow (2016) entre des milliers d’autres créateurs connus ou moins connus, de la musique, de Debussy ou Ravel à Didier Lockwood, de la poésie, Apollinaire, Aragon ou plus récemment Glissant, Siméon, Bonnefoy, le Salon d’Automne est incontestablement le promoteur de tous les arts, sans distinction de hiérarchie. Grâce aux cinq générations d’artistes, fidèles à son éthique originelle, qui se sont succédé, bénévolement, au service de son comité, le Salon d’Automne continue son action généreuse en faveur de la création artistique sous toutes ses formes. Reconnue d’utilité publique depuis 1920, la société du Salon d’Automne est soutenue par le Ministère de la Culture Français Une grande partie des plus grands peintres du XXème siècle ont contribué à la création de ces affiches et couvertures de catalogues : Van Dongen, Rouault, Braque, Lotiron, Desvallières… jusqu’à Léo Kouper, Cabu, Wolinski ou encore Moebius en 2015. Un livre présentant l’ensemble des affiches créées sera réalisé en souscription courant 2018-2019 sur : www.lelivredart.com.

Créé en 1903, au Petit Palais à Paris, par quelques amis en réaction avec l’académisme régnant, le Salon d’Automne s’est imposé comme acteur et témoin essentiel de l’émergence des plus importants mouvements artistiques du XXème siècle, Fauvisme, Surréalisme, Cubisme, Art abstrait, Nouvelle Figuration, Art singulier etc. Rassemblés autour de l’architecte Frantz Jourdain, Guimard, Carrière, Desvallières, Bonnard, Rouault, Vallotton, Vuillard, Matisse, et tant d’autres, décidèrent d’organiser une exposition indépendante, dans le but de promouvoir les avant-gardes et les esprits novateurs de leur temps. Instigateur de la pluridisciplinarité et de l’égalité des arts, le Salon d’Automne était né. Suite au succès de la première édition, le tout jeune salon fut accueilli sous l’écrin de verre et de métal du Grand Palais dès 1904 pour devenir le théâtre,

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Section Livres d’Artistes

La section Livres d’artistes a l’immense privilège cette année de mettre à l’honneur le parrain de cette édition 2018, François Cheng, de l’Académie française. La section présentera plusieurs de ses livres ainsi que quelques-unes de ses calligraphies qui dialoguent avec ses poèmes. On mentionnera également deux artistes exposants, Nicole Davy et Motoko Tachikawa, qui présenteront chacun une création en lien avec les poèmes de François Cheng. Ne laissant rien au hasard, les Artistes du Livre offrent d’un ouvrage à l’autre une grande diversité de formes : manuscrits, typographies au plomb ou numérique, livres en portefeuille, à rabats... feuillets libres sous couverture toilée, étui altuglass ou bien encore reliés sous marqueterie de peaux fines, les crayons, encres, gravures ... toujours dialoguent avec les mots. Quelquefois certains délaissent la structure de l’écrit pour la couleur en liberté, d’autres dans des découpages et pliages savants élèvent des volumes inouïs, naissent alors des livres rares. Au Salon d’Automne la diversité s’offre au regard-lecteur pour un nouveau partage. Michel Boucaut Graveur Président de la section « Livres d’Artistes »

« Gravure »

La section du Salon d’Automne propose annuellement une comparaison entre différentes esthétiques dans chacune des principales orientations techniques de la gravure sur bois ou sur métal, aux multiples variantes, interférences et complémentarités. En cimaise, 84 artistes, dont 20, exposent pour la première fois : Xylographie et linogravure : Aliadiere, Auestad Woitier, Desmasures, Guezet, Lodge, Lottenburger, Rajaona, Uyttersprot, Van De Walle. Burin et pointe sèche : Abe, Abeille, Béguet, Bertino, Chillon, Darmon, De Font-Réaulx, De León Lucero, Dumont, Gueguen, Ito, Kernaléguen, Minas, Mounic, Rem, Texier, Tissot, Unbekandt. Eau-forte au trait et aquatinte : Abélanet, Antonini, Baldo, Barbosa, Baumel, Beauchamp, Braud, Caffin, Caporaso, Lopez, Champain, Daemmrich, Dalla Rosa, De Rohozinska, Dublineau, Flaiszman, Gendre — Bergere, Hirano, Houplain, Kocheshkov, Konomi, Laurent-Denieuil, Laval, Lepeytre, Mortiaux, Pazot, Rolland, Salgues, Sharoff, Solberg, Stein, Terao, Thomasseau, Uribe, Wang, Zec. Manière noire : Brasse, Braun, Gissot, Jaminet, Joffrion, Minguet, Noguchi. Techniques Mixtes et spécifiques : Alexieff, Boxer, Chen, Delahaut, Domont, Fompeyrine, Hyacinthus, Kirimura, Loiseau, Massip, Mija, Panaud, Paulus, Uchida. Au cœur de l’espace « Gravure », exposition Maria Chillón, Prix « Jeune Gravure » du Salon d’Automne 2017 . Claude-Jean Darmon, Président de la Section « Gravure »

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Wang Suo Yuan, Another day, an other world, 80X80cm, eau-forte, aquatinte.

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Une exposition pouvant en cacher une autre, le musée du Dessin et de l’Estampe originale de Gravelines présente conjointement, du 20 octobre 2018 au 17 février 2019, les romans xylographiques de Frans Masereel et d’Olivier Deprez. Le centenaire de la parution de 25 Images de la passion d’un homme – prototype du woodcut novel en devenir et des graphic novels à venir – nous donne ainsi l’occasion de revenir sur l’invention par Masereel des romans en images sans paroles et de son influence sur son héritier le plus contemporain.

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Frans Masereel & Olivier Deprez

SERIAL GRAVEURS Le cinéma de papier de Frans Masereel (1889-1972) Par Samuel Dégardin Au printemps 1918, la Première Guerre mondiale a bien eu lieu. Néanmoins, quatre ans après son allumage dans les Balkans, les forces en présence, passablement enterrées dans de boueuses tranchées, aspirent à mettre un terme au conflit. Réfugié en Suisse depuis 1915, Frans Masereel ne travaille pas à autre chose en réalisant des dessins qui font la guerre à la guerre dans des journaux pacifistes (Demain1, Les Tablettes2, La Feuille3). Mais il semble aussi vouloir dénoncer des injustices que deux révolutions industrielles ont exacerbé. Après la publication de deux suites sur les horreurs de la guerre, Debout les morts. Résurrection infernale4 et Les Morts parlent5 en 1917, et avant la signature de l’armistice, paraît donc à compte d’auteur 25 Images de la passion d’un homme6. Il ne s’agit plus d’une suite de gravures sur bois reliées entre elles par un même thème, mais d’une narration séquentielle muette qui donne à « lire » le récit d’un martyr de la classe ouvrière, né trop pauvre et pas assez libre pour mourir dans son lit. La facture de ces vingt-cinq bois gravés est très proche des illustrations réalisées pour La Feuille. Pas de hachures, mais de forts contrastes entre le noir et le blanc de l’image pour souligner l’âpreté du combat d’un homme qui meurt pour défendre une certaine idée de la justice sociale. Encouragé par l’écrivain pacifiste Romain Rolland, Masereel creuse un peu plus dans cette veine et publie en 1919 Mon Livre d’heures7. Riche de cent soixante-sept bois gravés, ce deuxième opus est un roman d’apprentissage picaresque où son auteur devient le premier romancier capable

de développer un récit au long cours sans utiliser le moindre mot. En effet, les multiples séquences xylogravées où l’on suit les pérégrinations de son alter ego ne nécessitent pas l’usage d’une langue écrite ou parlée pour être intelligibles. L’accueil réservé par la critique à Mon Livre d’heures est unanime et installera pour longtemps la réputation du graveur belge en Europe. Fort de ce succès, Masereel réalise en 1920 pas moins de trois romans en images. Travaillés parallèlement, Fait divers8, Histoire sans paroles9 et Idée10 bénéficient sur le plan formel des apports du simultanéisme. Il ne s’agit pas d’une nouvelle avant-garde à laquelle Frans adhère, mais d’une technique privilégiant le synoptique à l’elliptique, le géométrique à l’empirique. La Ville11, qui paraît en 1925, livre quant à elle une vision cinématique et kaléidoscopique débarrassée des recherches stylistiques des précédents opus. Jusque-là destinés à un public de bibliophiles, les romans en images de Masereel ne connaîtront de véritable diffusion que lorsque l’éditeur munichois Kurt Wolff les rééditera à partir de 1926 dans une collection populaire bon marché avec, pour chaque titre, une préface signée d’un célèbre écrivain de langue allemande12. Grâce à ces éditions populaires, d’autre graveurs s’empareront à leur tour de ce nouveau langage formel pour faire état des dégâts collatéraux de la crise économique et de la montée des périls en Europe — citons les Allemands Otto Nückel (Schicksal13, 1928) et Carl Meffert/Clément Moreau (Nacht über Deutschland14, 1937-1938), les Américains Lynd Ward (Wild Pilgrimage15, 1932) et Giacomo Patri (White Collar16, 1940).

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En 1928, Masereel grave les soixante bois de L’Œuvre17. Pour faire le récit des aventures d’une créature qui échappe à son créateur et sème le chaos dans le décor d’une grande ville, Frans abandonne la géométrie anguleuse des origines au profit de lignes plus souples, annonciatrices d’un changement de style. La publication en 1932 de La Sirène18 confirme encore plus radicalement cette orientation. C’est que la pratique assidue de la peinture a donné plus de souplesse au poignet du graveur, qui privilégie désormais les qualités picturales de ses compositions au détriment de leur efficacité graphique. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la parution d’un dixième titre sur le thème de la généalogie du mal des civilisations occidentales n’apporte rien de neuf. Intitulé Du noir au blanc19, ce roman clôt en quelque sorte un cycle entamé vingt ans plus tôt avec, en dernier ressort, un brin d’optimisme. Si les derniers romans en images de Masereel, publiés en pleine guerre froide, continuent de traduire sur fond de menace nucléaire et de société de consommation sa foi en une société moins inégalitaire et plus fraternelle, on peut déplorer une inspiration qui s’essouffle et

des compositions moins inventives20. Comme bon nombre d’inventions, le roman en images sans paroles, ne fut pas véritablement prémédité. Toutefois, en recherche de paternité, le roman graphique21 a trouvé de nos jours en Frans Masereel un géniteur plutôt convaincant et en Olivier Deprez l’un de ses plus talentueux héritiers.

Notes 1. Collaboration de Masereel à la revue Demain : 1re année : no 10 (octobre), nos 11-12 (novembre-décembre 1916), 2e année : no 17 (septembre 1917). 2. Collaboration de Masereel à la revue Les Tablettes : 1 re année : du n o 1 au n o 12 (octobre 1916 — septembre 1917), 2 e année : du no 13 au no 23 (octobre 1917 — septembre 1918), 3e année : du no 24 au no 27 (octobre 1918 — janvier 1919). 3. Collaboration de Masereel au journal La Feuille : 867 numéros simples et 7 numéros doubles : 1re année : 305 numéros du 28 août 1917 au 27 août 1918. 2e année : 313 numéros simples et 7 numéros doubles supplémentaires du 28 août 1918 au 27 août 1919. 3e année : 249 numéros du 28 août 1919 au 29 mai 1920. 4. Frans Masereel, Debout les morts. Résurrection infernale [10 gravures sur bois], Éditions William Kundig, Genève, 1917. 5. Frans Masereel, Les Morts parlent [7 gravures sur bois], Éditions Les Tablettes, Genève, 1917. 6. Frans Masereel, 25 Images de la passion d’un homme [25 gravures sur bois], édité par l’auteur, Genève, 1918. 7. Frans Masereel, Mon Livre d’heures [167 gravures sur bois], Chez l’auteur, Genève, 1919. 8. Frans Masereel, Un fait divers [8 gravures sur bois], Éditions du Sablier, Genève, 1920. 9. Frans Masereel, Histoire sans paroles [60 gravures sur bois], Éditions du Sablier, Genève, 1920. 10. Frans Masereel, Idée. Sa naissance, sa vie, sa mort [83 gravures sur bois], Éditions Ollendorff, Paris, 1920. 11. Frans Masereel, La Ville [100 gravures sur bois], Éditions Albert Morancé, Paris/Kurt Wolff Verlag, Munich, 1925. 12. L’éditeur munichois Kurt Wolff va permettre aux romans en images sans paroles de Masereel de connaître une diffusion très large grâce à la publication d’éditions populaires à fort tirage (plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires) et à des préfaces signées de prestigieux écrivains de la Mitteleuropa : Thomas Mann (Mein Stundenbuch [Mon Livre d’heures] 1926), Max Brod (Geschichte ohne Worte [Histoire sans paroles], 1927), Hermann Hesse (Die Idee [Idée], 1927), Hans Reisiger (Das Werk [L’Œuvre], 1928). 13. Otto Nückel, Schicksal, eine Geschichte in Bildern, Delphin Verlag, Berlin, 1928. 14. Clément Moreau (de son vrai nom Carl Meffert), Nacht über Deutschland [1937-1938], intro. Heinrich Böll, Verlag der Neuen Münchner Galerie Dr. Hiepe & Co. Gmbh, Munich, 1976. 15. Lynd Ward, Wild Pilgrimage, Harrisson Smith and Robert Haas, New York, 1932. 16. Giacomo Patri, White Collar, Pisani Printing and Publishing, San Francisco, 1940. 17. Frans Masereel, L’Œuvre [60 gravures sur bois], Pierre Vorms Éditeur, Paris, 1928. 18. Frans Masereel, La Sirène [28 gravures sur bois], Pierre Vorms Éditeur, Paris, 1932. 19. Frans Masereel, Du noir au blanc [60 gravures sur bois], Oprecht Verlag, Zurich, 1939. 20. Cinq romans en images seront publiés après la guerre : Jeunesse [22 gravures sur bois], Oprecht Verlag, Zurich, 1948 ; Les Âges de la vie [35 gravures sur bois], Herbert Lang, Berne, 1948 ; Aventure nocturne [50 gravures sur bois], Pierre Vorms Éditeur, Belvès, 1958 ; Route des hommes [60 gravures sur bois], Limmatt Verlag, Zurich, 1964 ; Couples [42 gravures sur bois], Pierre Vorms Éditeur, Belvès, 1965. 21. La terminologie de graphic novel (roman graphique) émerge avec la publication en 1978 de A Pact with God [Un pacte avec Dieu] du dessinateur américain Will Eisner, mais s’impose véritablement après le succès éditorial et critique de Maus de Art Spiegelman en 1986.

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Trois questions à Olivier Deprez: Samuel Dégardin : Dans la genèse du Château2, libre adaptation du roman inachevé de Kafka, Frans Masereel semble avoir joué un rôle décisif. Olivier Deprez : En effet, je cherchais la technique adéquate pour dessiner l’adaptation et puis chez un bouquiniste, un jour, j’ai trouvé un catalogue de l’œuvre de Masereel3. J’ai tout de suite été touché par l’usage de la gravure sur bois chez Masereel, son côté libertaire aussi bien que sa liberté graphique. J’ai alors dessiné et gravé mes premiers bois. Le résultat était toutefois différent car contrairement à Masereel qui taillait des bois de bout, je taillais des bois de fil – du contreplaqué plus précisément. Sur un autre plan, je réalisais le livre dans le cadre de la bande dessinée en utilisant une grille sommaire de deux cases liées l’une à l’autre, tandis que Masereel fonctionne avec une image par page. Je n’ai pas cherché à copier Masereel par ailleurs puisque mon projet était d’adapter le roman de Kafka en bande dessinée. D’autres influences ont joué, des influences cinématographiques et des influences graphiques diverses. L’élément décisif, c’était l’idée de conjuguer gravure sur bois et narration. S.D. : Quels rapports entretiennent tes différents ouvrages avec la narration séquentielle muette, si propre à leur singularité ? O. D. : Tout d’abord, je conçois l’image comme un tissu de liaisons toujours reliée à d’autres images. La séquence est donc l’unité aussi bien que le syntagme avec lesquels je joue. La séquence est à la fois un bloc d’images liées entre elles et aussi l’esquisse d’un mouvement. Que les images soient muettes provient du fait que je me donne comme contrainte de « faire parler l’image ». Ponctuellement toutefois les mots apportent une tension, mais ils se coulent complètement dans le plan de l’image, le mot fait alors image, il se donne à voir autant qu’à lire. Plutôt que des narrations muettes, je dirais qu’il s’agit de narrations discrètes car la parole y est rare, mais pas tout à fait absente sauf dans quelques cas. Dans le cas des narrations plus étoffées, comme Le Château ou bien Après la mort, après la vie4 ou encore Wrek5, les mots ont leur mot à dire.

rassemblait des morceaux de différents récits déjà existants. De plus, chaque séquence provient d’un livre ou d’un film de façon à ce qu’un fragment d’un film d’Ingmar Bergman côtoie un fragment de Nancy & Sluggo, les créations de Ernie Bushmiller. Ces personnages sont les « indigènes de l’abstraction » comme l’indique le sous-titre du livre. Ils sont abstraits, d’une part parce qu’ils sont des êtres graphiques ou cinématographiques, des êtres de papier ou de pellicule (voire de pixels) et d’autre part parce que je les retire de leur contexte originel, je les abstrais littéralement du film ou du livre auquel ils appartiennent par le biais de la gravure sur bois. Notes 1. Entretien réalisé en août 2018. 2. Olivier Deprez, Le Château, d’après le roman de Franz Kafka, Éditions Frémok, coll. Amphigouri, Bruxelles, 2003, 2018. 3. Roger Avermaete, Frans Masereel, Fonds Mercator, Anvers, 1976. 4. Olivier Deprez et Adolpho Avril, Après la mort, après la vie, Éditions Frémok, coll. Amphigouri / Knock Outsider!, Bruxelles, 2014. 5. Wrek doit paraître aux Éditions Frémok courant 2019.

Frans Masereel & Olivier Deprez. Serial Graveurs, Musée du Dessin et de l’Estampe Origninale de Gravelinnes 20 octobre 2018-17 février 2019, www.gravelines-musee-estampe.fr Bibliographie: Frans Masereel & Olivier Deprez. Serial Graveurs, catalogue de l’exposition du musée du Dessin et de l’Estampe originale de Gravelines, sous la direction de Virginie Caudron et Samuel Dégardin, Atelier galerie éditions, Aire-sur-la-Lys, 2018. Frans Masereel, l’empreinte du monde, préface d’Erik Drooker, contributions de Samuel Dégardin et Joris van Parys, Éditions Martin de Halleux, Paris, 2018. Frans Masereel, Idée, préface de Lola Lafon, présentation de Samuel Dégardin, Éditions Martin de Halleux, Paris, 2018. Olivier Deprez, Le Château, d’après Franz Kafka, nouvelle édition, Le Frémok, Bruxelles, 2018.

S.D. : Peux-tu nous dire quelques mots de Wrek, work in progress à paraître l’an prochain aux Éditions Frémok ? O. D. : Wrek est un projet dont l’éclat (au sens de fragment) est l’unité de mesure. Le livre est composé d’une série de séquences qui ne s’accordent pas, tout se passe comme si le livre

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Page 56: Frans Masereel, bois gravé pour 25 Images de la passion d’un homme (19/25), 13,9 x 10,3 cm, 1918 Page 58: Frans Masereel, Autoportrait, 1923, Bois gravé, 15,5 x 10 cm , 1923 Page 59 :Olivier Deprez par Nidraged, 2018 Page 60: Frans Masereel, bois gravé pour 25 Images de la passion d’un homme (20/25), 191813,3 x 10,7 cm Page 61: Olivier Deprez bois gravé pour Wrek, 50 x 35 cm, 2018

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SUDestampe BIENNALE 2018 Du 28 septembre au 31 janvier

L’édition 2018 de la biennale SUDestampe fêtera les 10 ans de l’association née au printemps 2008. À cette occasion Jacques Clauzel nous fait l’immense plaisir d’être notre invité d’honneur. Une sélection de ses gravures récentes est présentée dans la majestueuse chapelle des Jésuites de Nîmes. À l’image d’une promenade dans l’univers de l’estampe, la biennale SUDestampe, association dynamique et forte de 47 membres, souhaite attirer non seulement le grand public, mais aussi connaisseurs et amateurs d’art en présentant, dans des lieux de caractère, des artistes reconnus, mais aussi de nouveaux talents, tout en veillant à mettre en valeur la diversité des modes d’expression. Pour cette nouvelle édition festive, la biennale SUDestampe 2018 propose un parcours riche de 16 lieux d’exposition : A la médiathèque d’Uzès, les expositions « Coïncidences, duo de graveurs français et canadiens » sont nées de l’idée de réunir dans une même œuvre les créations des artistes de l’Atelier Presse Papier (Québec) et Graver Maintenant (France). Sur le thème de Gide et le désert, le musée Borias d’Uzès présente les œuvres de Victoria ARNEY, Danièle MEUNIER-LETAN et Marie-Do PAIN graveurs de l’association. Au musée de la Poterie Méditerranéenne de SaintQuentin‐la-Poterie, Anne Paulus présentera une série de douze estampes, fruit de ses recherches sur les liens poétiques entre estampe et céramique, entre eau-forte et terres enfumées. La Galerie Marina de Blauzac, nouveau lieu de cette édition 2018, accrochera aux cimaises les bois gravés d’Elbio MAZET et Ana CHECHILE. Comme un dialogue avec la bibliophilie de Louis Médard, le musée éponyme de Lunel, présentera les livres des éditions Verdigris issus du travail conjugué de Judith ROTHCHILD et Mark LINTTOT. Les estampes de Walter BARRIENTOS, impressions de matrices tissées, sculptées, assemblées de matériaux de rebut seront présentées à l’Espace 64

Culture Jean Jaurès de Vauvert. À la Maison de la Gravure Méditerranée de Castelnau, le fond d’atelier d’estampes du peintre graveur Pierre CLERC, avant-gardiste des années 50, sera exposé pour la première fois en France. La taille d’épargne sera à l’honneur au village des Arts et Métiers d’Octon avec les œuvres de Joan BEALL, Benjamin GUYET et Nicolas POIGNON. Le burin, la pointe sèche et l’eau-forte se feront écho au restaurant-galerie Le Soleil Bleu à Lodève pour l’exposition réunissant les membres du bureau de SUDestampe Au musée des Alpilles, Anne ROLLAND donnera à voir ses paysages intérieurs, émanations d’une Provence connue dans l’enfance. Pierre Cambon, photographe graveur sera l’invité de la galerie du Lac Gelé à Nîmes et Mélanie Bide celle de l’atelier de Reliure XXI. Par un accrochage choisi, l’occasion sera donnée de découvrir ou redécouvrir l’Artothèque, association culturelle dont la mission est de promouvoir l’art contemporain. SUDestampe a invité le peintre et sculpteur Pascal FANCONY, commissaire de l’exposition à la galerie La Salamandre pour présenter les œuvres de neuf artistes par lui sélectionnées. Dans l’hôtel particulier de l’espace 14, l’exposition « Verticalités » réunira, 27 graveurs du Sud ayant répondu à l’invitation de SUDestampe.

SUDestampe, 8 rue du Professeur Piccard 30000 NIMES www.sudestampe.fr


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rue de l’hôtel des monnaies, 81 - 1060 bruxelles - 02 537 65 40 - www.lesalondart.be

présente

Variation II (détail) 2018, estampe tirage unique 40 x 50 cm

le jour avant le vent

kikie crêvecœur estampes

du 23 octobre au 22 décembre 2018

vernissage le lundi 22 octobre de 18 à 20 h 30 66

salon ouvert du mardi au vendredi de 14 h à 18 h 30 le samedi de 9 h 30 à 12 h et de 14 h à 18 h Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est

dissémination paisible, son clignement familier. Ou l’éternel


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