The expat Mag32 ISCPA Lyon

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- le tourisme à contre-courant -

revers du tourisme le patrimoine lyonnais en danger Immersion dans une école d’hôtellerie l reportage en urbex l L’OL, vitrine touristique

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dito

L’année 2016 a eu son lot de surprises. Donald Trump, le Brexit, les élections présidentielles autrichiennes avec le controversé Norbert Hofer du parti d’extrême droite FPÖ... L’Europe et le monde dans son ensemble ont démontré cette année une réthorique certaine : le système ne fonctionne plus. Ou du moins, mal. Un paramètre qui fait le pain béni des (ultra)nationalistes. Les électeurs, blasés par les politiques qui vantent un pragmatisme, occulte par ailleurs, ne se donnent plus la peine de voter. Et à qui profite le crime (n’y voyez pas une morale réprobatrice mais un cas de conscience civique) ? Aux zinzins cités un peu plus haut ! Il faut vraiment être un ovni pour vouloir resteindre autant l’espace, le sol, les terres. À Donald Trump qui veut se grimer en colon avec ce projet absurde de construction d’un mur, ThExpat envoie un message fort. De par son nom d’abord. Notre rédaction ne prétend à aucune frontière et se veut sans étiquette. Elle ne les méprise pas pour autant mais se laisse aller et bercer par les cultures des pays où elle atterrit à travers les différents numéros. Nul besoin d’être isolationniste ou protectionniste pour se sentir de quelque part. ThExpat s’intéresse avant tout à l’autochtone et, dans ces pages, au Lyonnais. Mais attention, pas n’importe lequel ! L’autochtone 2.0 qui est à la fois le natif, l’immigré, l’aborigène, l’étudiant, l’indigène, le travailleur ou encore l’amoureux d’un pays. Mais notre travail « d’anthropologue journaliste » ne s’arrête pas là. À cet objet d’étude, il faut rajouter notre soif inassouvie de s’imprégner des ambiances tonitruantes comme silencieuses, des odeurs de métro ou d’épices, des panoramas et des cultures. En somme, aucune barrière ne peut l’entraver. Notre rédaction ne se laisse pas berner non plus et porte peu d’intérêt au tourisme conventionnel et institutionnel. Alternative et (im)pertinente, elle refuse de se plier au tourisme de masse. Les rédacteurs qui contribuent à ce magazine sont des routards, des expats d’humeur apatride. En tant que bons avaleurs de kilomètres, ils saisissent le moment opportun pour poser puis finalement plier bagages. Ils se retrouvent dans les situations les plus saugrenues pour le bonheur des lecteurs. En même temps, un expat ça ose tout et c’est même à ça qu’on le reconnaît.

Félix Félix Meunier Meunier

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O urs

Directrice de publication Isabelle Dumas

Directrice de la rédaction Claire Pourprix Rédacteur en chef Félix Meunier

Rédacteur en chef adjoint Paul Thorineau

Secrétariat de rédaction Dorothée André-Micolon Sébastien Girard

Photographie Marion Gergely, Léa De Cazo Illustration Mathieu Joly

Design éditorial Léa De Cazo

Journalistes Amélie Vuargnoz Dorothée André-Micolon Félix Meunier Juliette Lissandre Léa De Cazo Mathieu Bassaïsteguy Mathieu Joly Marion Gergely Martin Saussard Paul Thorineau Sébastien Girard Édition et diffusion : ISCPA Lyon Siège social : ThExpat Magazine 47 rue Sergent Michel Berthet 69009 LYON Contact : thexpatmag@gmail.com @thexpat_mag

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on vous emmène à

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Portfolio un ticket avec le graffiti

-contenu-

ENTRETIEN EXCLUSIF Lyon, destination libertine

L’AUTOCHTONE DE LA SAISON

Rencontre avec Richard Villaret, hors-circuit face au Rhône Express

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PENSION COMPLÈTE

Bouchons un label sans saveur

Immersion à l’école Vatel, fleuron de l’hôtellerie mondiale

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Les restos poussent le bouchon

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CARNET DE BORD : VILLE LUMIÈRE À VENDRE

Monuments classiques comment attirer les jeunes ?

Un gros cheikh pour sauver Grôlée

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Lyon/Chine, des relations soyeuses

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Hors Presqu’île : une autre vision du tourisme

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Skate à Lyon : flip pour Collomb

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ROAD TRIP Portrait de Lélio, explorateur urbain

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Portfolio : Lyon sous les bombes

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BOÎTE NOIRE

Grolée le quartier qatari

La ville des gones dans son smartphone

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Touriste connecté, qui es-tu ?

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ALL INCLUSIVE Coup franc pour l’Olympique Lyonnais à Beijing

High-Tech le tourisme 2.0

Les jeunes flirtent avec le patrimoine

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En chiffres : la techno s’implante à Lyon

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CLICHÉS

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Le coup de crayon de la rédaction

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Entretien eXCLUSIF

« Lyon, c’est la ville du cul ! »

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On connaît Lyon et ses deux collines, ses bouchons. En revanche, la capitale des Gaules est moins réputée pour son côté libertin. Pourtant, elle détient plus d’une quarantaine de clubs et saunas libertins, sur les 500 que compte la France. Paris en abrite deux fois moins. Lyon a acquis une certaine notoriété, au point de s’affirmer comme une destination incontournable du libertinage. @sebastiangirard @amelievuargnoz 3 questions à Pierre, gérant du SUN LIBERTIN

La communication est-elle difficile entre clients d’âge différents? Il y a un problème de philosophie mais, dedans, tout le monde est détendu donc si les anciens ne sont pas contents, ils partent. Dans l’action c’est la même chose. Ils ne comprennent pas que des couples de 22 ans, ensemble depuis trois ans, puissent être libertins. C’est la génération YouPorn. Avant, pour regarder un film de cul, c’était galère. Maintenant, le sexe est à portée de main. On travaille avec des sites Internet qui nous ramènent du monde. Les gens sont branchés, ils se donnent rendez-vous au Sun. Ils prennent souvent contact sur Internet. Quelle est la différence entre un sauna libertin et un club ? Ce n’est pas la même mentalité. Ici, les gens se déshabillent et viennent se détendre, après il se passe ce qu’il se passe… En club, ils vont boire des verres, danser. C’est comme si vous alliez en boîte de nuit avec une finalité peut-être un peu différente. Certains préfèrent les boîtes, d’autres les saunas… Je trouve plus logique d’être détendu dans un sauna, en plus tout le monde est à poil donc ça met tout le monde d’accord ! Y a-t-il des spécificités aux libertins lyonnais ? Non, tout le monde s’adapte. La seule chose à faire, c’est d’être respectueux. C’est pour ça qu’on a des couples assez jeunes parce que si la fille est pas mal et qu’ils vont en boîte, elle se fait emmerder toutes les cinq minutes. Là, ils passent une soirée où personne ne va les embêter ou être lourd. C’est l’eldorado !

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ertains choisissent de passer un weekend à la montagne ou à la plage. D’autres préfèrent consacrer leur temps à découvrir les clubs libertins lyonnais. « On a beaucoup de touristes français parce que le libertinage c’est très français. C’est bien de chez nous », ex-

plique le patron du Sun et du Moon*, confiant également que la clientèle est composée seulement de 5% d’étrangers. Outre les Lyonnais, le Sun regroupe des libertins de la région, « de Genève à Clermont-Ferrand », mais les coquins viennent de toute la France pour explorer les 2500m2 du club. Ce n’est pas pour rien qu’un tel établissement s’est implanté à Lyon. « C’est une

place forte du libertinage. Vraiment ! C’est la plus grosse proportion de clubs libertins par rapport à la population. On est la ville du cul. Bon, il y a le Cap d’Agde mais c’est estival, et nous on est ouverts toute l’année », lâche

l’homme à la tête du plus grand club libertin d’Europe. Malgré quelques tabous encore existants, le sexe libéré a trouvé sa place dans les habitudes des Lyonnais. D’ordinaire cachés du grand public, les nouveaux arrivants s’affichent clairement aux yeux des locaux. « Aujourd’hui, les clients parlent du Sun comme s’ils allaient en boîte de nuit. C’est une sortie à part entière alors qu’avant c’était vachement tabou, personne n’en parlait. Maintenant, c’est une sortie normale. Ça peut tomber dans une conversation à tout moment. Même les parents de nos salariés viennent voir », insiste-t-il.

« L’avenir se trouve chez les jeunes » Il y a quelques années, un sauna libertin était plutôt un lieu de rencontres pour personnes d’une soixantaine d’années. Aujourd’hui, les « libertins purs et durs » ont déserté, laissant place à une clientèle plus jeune. « De plus en

*Pour des raisons de confidentialité, plus de jeunes de 20 ans viennent, surtout le prénom a été changé des filles qui sont plus matures que les mecs.

On a perdu beaucoup de « pseudo vrais libertins » qui ne se sont pas mis à la page. Pour eux, le libertinage c’est 30 ans de vie commune et tu commences doucement, avec des codes bien particuliers… Ils sont restés à l’âge de pierre », confie l’homme aux

deux clubs. L’ère du numérique et l’intérêt grandissant des médias pour le libertinage auront contribué au rajeunissement de cette pratique sexuelle. Selon le patron du Sun et du Moon, leur communication vise un spectre très large pour essayer d’effacer une image « un peu vieillotte ». « Après, il y a tous nos confrères qui ont des boîtes de nuit qui vivent encore en 1930. Faut arrêter, l’avenir se trouve chez les jeunes. Si tout le monde pensait pareil, on augmenterait vachement la population libertine », lâche-t-il.

Selon lui, le nombre de couples libertins lyonnais aurait et devrait continuer à augmenter : « Il y a dix ans, 1% des couples lyonnais était libertin. A présent, c’est 5%. Dans dix ans, ce sera peut-être 10%, sachant que les hommes sont tous libertins (rires) ! »

Être un homme libéré, c’est pas si facile Les hommes, tous libertins ? Peutêtre mais plus timides que les femmes qui, elles, « gèrent mieux le stress » de dévoiler leur intimité au cercle de moins en moins fermé du libertinage. Mais la peur de montrer ses atouts aux inconnus n’est pas la seule raison de cette « pénurie d’hommes seuls ». Le prix, plus de 70 euros pour un homme seul, freine leur soif de sexe libre. « C’est vrai, on est un peu chers », concède le chef des lieux. Cela reste pourtant moins onéreux qu’une bouteille de champagne dans un des fameux « bars à hôtesses » lyonnais. Les hommes garnissent les banquettes de ces établissements où la mixité reste très limitée, à la différence des clubs libertins.


L’entrée au Sun Libertin est toujours gratuite pour les femmes seules. © Léa De Cazo

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l’autochtone de la saison

GoAirport / Rhônexpress : « L’impression d’avoir affronté tout un système » Unique transport entre la ville de Lyon et l’aéroport Saint Exupéry, le Rhônexpress fait office de véritable monopole exercé conjointement par le Sytral et le département du Rhône. Si différents projets concurrentiels ont vu le jour ces dernières années, aucun n’a réussi à éclipser l’onéreux ticket. Nous sommes allés à la rencontre de Richard Villeret qui a tenté de rivaliser avec les institutions lyonnaises.

BIO EXPRESS

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Agent de bord chez Rhônexpress de 2011 à 2013 où il enchaîne les CDD, plus d’une dizaine, Richard Villeret est aujourd’hui un homme désabusé. Après un conflit entre les délégués du personnel et la direction de l’entreprise début 2013 les rapports se tendent. M. Villeret est alors renvoyé pour avoir exprimé son opinion sur ces mêmes délégués qu’il estimait trop proches de la direction. L’enchaînement de ces CDD, pratique illégale par ailleurs, lui a pourtant permis de mettre en exergue la principale critique faite au Rhônexpress: « un transport de qualité mais beaucoup trop cher. » Partant de ce postulat et ayant des connaissances dans le domaine du transport grâce à son passé de chauffeur de taxi, il décide de créer une ligne de mini-bus faisant la navette entre Meyzieu et l’aéroport Saint Exupéry. Tarifé à 7,50€, le trajet est plus abordable que l’offre de Rhônexpress. Richard Villeret concrétise ce « pari » grâce à l’argent d’un héritage et fait de l’ombre à son ancien employeur. Une aventure qui finira par s’écrouler au bout d’un an, après avoir été confronté à l’opposition de « tout un système ».

Vous lancez donc GoAirport en Décembre 2013 et vous rencontrez des difficultés assez rapidement ? Ce n’est pas compliqué, nous avons lancé une campagne de pub avec Clear Channel (publicitaire). Nous avons posé des affiches dans le métro de Lyon avant le début de l’activité. Elle ont été enlevées au bout de quatre jours. Le président du Sytral, Bernard Rivalta a donné l’ordre de les enlever. Encore un truc complètement illégal. Ensuite, dès que nous avons ouvert, nous avons subi trois contrôles de police en 15 jours. Ils disaient que notre activité était illégale. J’ai donc dû prendre un avocat et dépenser près de 3000€ pour prouver le contraire. Puis, l’un de mes chauffeurs a été placé en garde à vue sans même qu’on lui signifie ses droits ou qu’on lui en donne le motif. J’ai ensuite lancé une nouvelle campagne de pub en partenariat avec une compagnie d’aviation low-cost française pour laquelle j’ai dépensé 7000€. La campagne n’a finalement jamais eu lieu et un mois plus tard, le Rhônexpress était placardé d’affiches pour cette même compagnie. Ils ont dû faire un contrat en leur disant « on vous fait une grosse pub et puis vous annulez le contrat avec GoAirport ». Et, enfin, la ligne de bus ouverte par le Sytral reprenait exactement notre trajet. Le premier mois je n’ai rien senti mais à partir du deuxième j’ai commencé à perdre 30% de mon chiffre d’affaires. À partir de là on n’a jamais remonté la pente. Vous avez ressenti une volonté de nuire à votre entreprise ? Oui, c’était clairement pour nous concurrencer. Un an après notre cessation d’activités (en janvier 2015), ils ont arrêté la ligne ! Il faut rappeler que le Rhônexpress avait signé un accord de non-concurrence avec le Conseil Général lors de sa création. Oui tout à fait, ce qui est totalement illégal qui plus est. Et


puis je ne vous parle même pas du montage financier du Rhônexpress. C’est à s’arracher les cheveux ! De ce que je sais, je ne connais pas tous les chiffres, mais c’est une opération qui a coûté 126 millions d’euros. 26 M à la charge de Rhônexpress et 100 M à la charge du département et du Sytral tout en percevant 3,5 M d’euros pour entretenir la ligne. Le tout pour un contrat de 30 ans. Ils récupèrent donc les 100 millions qu’ils n’ont pas mis et, en plus, ils vendent le ticket 15€ sur une ligne financée par le département ! Mais du coup avez-vous eu des échanges avec les gens du Sytral ou de Rhônexpress? Juste avec Bernard Rivalta, avant de monter la société quand il y a eu les problèmes avec notre campagne dans le métro. Je l’ai eu au téléphone et il m’a expliqué que si je montais ma boîte, Rhônexpress demanderait une compensation au département pour leur perte de chiffre d’affaires, mais que bien sûr ils n’avaient pas que ça à faire pour que ma boîte existe. Aujourd’hui une compagnie comme Elit, qui s’est créée en même temps que la vôtre et qui propose des trajets Bellecour - Saint-Exupéry, à l’image de ce que faisait GoAirport, continue à vivre sans avoir rencontré de problèmes similaires. Comment l’expliquez vous ? Tout simplement parce qu’ils ont senti qu’il y avait un gros potentiel sur ma société. Sans me jeter des fleurs et sans dénigrer Elit, tout était bien fait, clair et précis. Puis le fait d’avoir fait de la pub dans le métro ou des articles dans la presse m’ont donné une exposition médiatique. C’est ce qui leur a donné un gros signal d’alerte et je pense aussi que chez Rhônexpress, ils l’ont eu mauvaise qu’un ancien employé vienne les concurrencer sur leur territoire. Vous-avez donc le sentiment d’avoir été « coulé » ? Totalement. Avant même qu’on commence nous étions déjà attaqués. Le Sytral, conjointement au département du Rhône ont fait un communiqué de presse en leur disant qu’une nouvelle activité ouvrait, qu’elle était certainement illégale et qu’il fallait relayer le fait que nous étions une société bidon. C’est un journaliste qui m’avait prévenu en me disant : « On vient de recevoir ça, que se passe-t-il ? ». Ça s’est arrêté seulement quand la presse s’est intéressée de plus près à l’histoire, arrêtant ainsi les contrôles incessants que nous subissions. Ils ont tout stoppé et installé la ligne de bus. Aujourd’hui GoAirport qu’est-ce que c’est ? GoAirport a coulé, ce n’est plus rien. Aujourd’hui c’est 11 000 euros de dettes personnelles et puis 40 000 euros que j’ai perdu dans le montage de l’activité. J’ai l’impression d’avoir affronté tout un système. J’aurai aimé que l’enquête de la répression des fraudes, en cours depuis juillet 2014, et possédant tous les éléments sur ce qu’il s’est passé, aille à son terme. Au final cela a été acté, validé et est remonté plus haut. Et, depuis que c’est plus haut, il n’y a plus aucune nouvelles. Ça fait plus d’un an et demi maintenant et je pense que le dossier est enterré. À part cela, je n’attends plus rien ni du département, ni du Sytral ou même de Rhônexpress.

Note de frais - Rhônexpress -

Richard Villeret est employé de Rhônexpress comme agent de bord........................... 2011 Litige avec la direction, il quitte l’entreprise.................... 2013 Lancement de GoAirport. deux mini-bus pouvant transporter jusqu’à 8 personnes chacun à un tarif unique de fin 7,50€........................................ 2013 La légalité de GoAirport est refin mise en cause par le Sytral et la Région................................... 2013 GoAirport enregistre un chiffre d’affaires de 10 000 € 01/ le premier mois........................ 2014 Le réseau TCL met en place une ligne de bus sur le trajet 02/ de M. Villeret........................... 2014 Après la perte de tous ses contrats publicitaires, GoAirport est placé en liquidation judiciaire.................................. 2015 Richard Villeret a désormais pour projet de partir s’installer en Irlande. Il déclare être « dégouté par la France et ses institutions »............................ 2016

@MatBassaisteguy

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pension complète

Composée de 70 % de filles, Vatel Lyon impose un dress code strict à ses étudiantes © Léa De Cazo

Reconnue le mois dernier comme la meilleure école hôtelière au monde, le groupe français Vatel attire plus de 7 000 étudiants dans le monde. Professionnalisme, réseau, rigueur, tant de compétences qui font sa célébrité, même si elles ne sont pas toujours faciles à assimiler pour les étudiants. Immersion dans l’établissement Vatel de Lyon.

La french touch signée Vatel @L_decazo

Midi passé, les toques blanches s’affairent aux fourneaux pendant que le service bat son plein. 47 étudiants pour une centaine de couverts, « c’est gérable » affirme Adrien, mais le rush est bien présent. Rasé de près et coiffure impeccable, dans son uniforme griffé Vatel, Adrien Turpin vérifie que son équipe de serveurs est au point. Du haut de ses 20 ans et de sa troisième année d’études, il endosse les responsabilités d’un manager professionnel dans le restaurant d’application Vatel. « En première

année, on occupe les postes de commis, après on monte les échelons » ex-

plique-t-il, sûr de lui. En cuisine,

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les commis sont facilement repérables : ils sont vêtus d’un uniforme noir, quand tous les autres étudiants sont en blanc. Poissons, viandes, légumes ou entrées, chaque secteur est partagé par 5 étudiants et un chef cuisinier. Un bac de pralines se renverse, « là ça va crier » prévient Adrien. Mais à ceux qui associent « pression » ou « mauvais traitement » aux métiers de la restauration, les étudiants de Vatel répondent par « rigueur » et « discipline ». Outre l’encadrement de leurs instructeurs sur le terrain, les étudiants sont dirigés par ceux de leur classe supérieure. Myriam, étudiante qui enfile

le costume de responsable des ressources humaines, s’assure de briefer les serveuses. La note finale de chaque étudiant dépend aussi de leur capacité à former les équipes sur le terrain. Chignon impeccable, talons obligatoires Comme Adrien, la plupart des élèves ont choisi l’école née à Lyon pour son professionnalisme, son réseau, sa renommée. La directrice de l’établissement, Delphine Cinquin, résume : « Il n’y a pas de métier difficile quand on aime ce qu’on fait. » A son poste

depuis maintenant 9 ans, cette femme au regard franc insiste


sur l’importance de « la morale » au sein de Vatel. Et ça se remarque dès que l’on traverse la porte de l’école d’hôtellerie. Placardées à l’entrée de l’établissement scolaire, les règles du dress code semblent être le B.A-BA de l’étudiant. Pas de bottines fantaisies, pas de pull, pas de barbe. « Un élève qui est arrive mal rasé se fait retirer deux points de sa note finale. »

précise Adrien. Dans la salle Lafayette, les étudiantes dressent les tables. La plupart sont pieds nus, leurs paires de talons minutieusement rangées à l’entrée. Jupe au dessus du genou, chignon impeccable, rouge à lèvres sont de rigueur. Pour Pauline, l’uniforme n’est pas « un problème ». Les talons de 5cm restent l’impératif « le plus difficile ». « Si tu vois des filles en ballerines, c’est qu’elles ont un certificat médical pour ne pas porter de talons. Sinon, on a aucune excuse. »

Autre interdit : les tatouages. Ce qui n’empêche pas une étudiante de laisser entrevoir l’arabesque qui lui entoure la cheville. « C’est parce que je n’ai plus de collants noirs propres, les seuls qu’il me reste sont transparents… » se justifie-t-elle.

Malgré le contraignant dress code qu’imposent les 5 années à Vatel, 70% des étudiants sont des filles. 18 ans et 39 heures « Ici, on apprend et on applique. » résume Delphine Cinquin. De leur première à leur dernière année de Bachelor, les élèves font l’expérience du monde professionnel une semaine sur deux. « On alterne une semaine de

cours et une semaine dans le restaurant Vatel » explique Victor. A

raison de 35 heures de cours, 39 heures de restauration. « Ca

nous fait des semaines chargées, on fait une croix sur nos samedis… Mais au moins on connaît tous les métiers de terrain. » relativise l’étudiant

en 5ème année. Les métiers de terrain, ce sont tous ceux que les élèves ne veulent pas faire : service, cuisine, vente, récep-

tion… Camille rêve d’événementiel, Adrien d’hôtellerie de luxe, Hugo de management. Et cela, Delphine Cinquin le sait parfaitement : « pour diriger une équipe ou

un établissement, il est indispensable de connaître les enjeux de chaque poste qu’occupe un employé. » Si les se-

maines chargées n’effraient pas les étudiants qui s’y habituent vite, leurs parents sont eux aussi conscients de la nécessité de cet apprentissage. « Le taux d’employabilité frôle les 100% après des études à Vatel, les parents le savent et sont rassurés. » ajoute la directrice.

Souci du client, sens du service, respect de la hiérarchie…au bout de 5 ans, les étudiants sont opérationnels et ont intégré tous les mécanismes professionnels que certifie la signature Vatel sur le CV. Autant d’atouts qui séduisent les recruteurs des entreprises du luxe ou du tourisme, secteur que l’Organisation Mondiale du Tourisme voit en constante évolution jusqu’à 2030.

à proximité du restaurant, l’épicerie fine Vatel Fourmet est une structure d’application dans laquelle les étudiants apprennent les mécanismes de la vente © Léa De Cazo

En cuisine, environ 25 étudiants assurent le service de midi © Léa De Cazo

Née à Lyon en 1984 sous l’égide d’Alain Sebban, la maison Vatel s’est exportée à travers le monde : Sao Paolo, Montenegro, Moscou, Singapour, Los Angeles et plus récemment Tel-Aviv. Au total, 35 campus sur 4 continents. Un développement en toile d’araignée qui permet à l’école hôtelière d’entretenir un réseau de taille. La plupart des enseignants sont des anciens, tout comme la directrice Delphine Cinquin. Plus récemment à Lyon, l’ouverture du Hard Rock Café dans le quartier Grôlée (cf. p.15) est due à l’initiative de deux anciens Vateliens, Mathieu Cochard et Thibault Salvat.

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pension complète

Les bouchons lyonnais représentent un quart des restaurants de la ville des gones, en deuxième place derrière les restaurants à thème. © Marion Gergely

Bouchon lyonnais : label affaire

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Symboles de la gastronomie lyonnaise, les bouchons attirent chaque année des milliers de touristes. Les quenelles, grattons, plats de charcuterie et fromages en tout genre font la renommée de cette cuisine de terroir. Mais derrière cette étiquette se cache un aspect purement économique, qui entache leur réputation. Ce sont des attrape-touristes, rien de plus ». Voilà ce que

nous confie Marine, une Lyonnaise de 75 ans qui a toujours habité le quartier du Vieux-Lyon. C’est dans la vieille ville même que la concentration de bouchons lyonnais est la plus forte. Mais son avis n’est pas unique. La plupart des Lyonnais n’en pensent pas moins. Certains se disent même « un peu triste de voir disparaître la tradition lyonnaise », comme l’avoue Alain, Lyonnais depuis 1980. « Et puis les prix sont excessifs. Au début, j’y emmenais les amis en visite à Lyon. Mais j’ai vite compris que la qualité n’était pas au rendez-vous ». Face à ces avis négatifs, difficile de

croire que les bouchons lyonnais soient encore des symboles de la capitale des Gaules. Pourtant, du point de vue des touristes, ces restaurants typiques sont un gage de qualité et de respect de la tradition lyonnaise. Sur le parvis de la cathédrale Saint-JeanBaptiste, les Japonais Amika et Leko, en visite à Lyon, en témoignent. « C’était une cuisine très spéciale.

12 Nous n’avons pas l’habitude d’une viande aussi bien préparée,

mais les quenelles étaient vraiment bonnes ». Les deux touristes expliquent également le choix de cette visite culinaire. « Nous avons déjeuné dans le quartier pour goûter la cuisine lyonnaise. Avant de faire ce voyage en France, nous connaissions déjà la réputation de Paul Bocuse et de sa gastronomie exceptionnelle ». Voilà donc d’où provient

en partie le prestige des bouchons lyonnais. Pour mieux comprendre, retournons dans le passé.

Moyen- Âge, femmes et modernisation La cuisine lyonnaise est mentionnée dans l’histoire depuis l’Antiquité. Lyon, à l’époque Lugdunum, est considérée comme la capitale des Trois Gaules et le carrefour immanquable du commerce viticole. Mais si l’on en croit les descriptions historiques, ce n’est qu’à partir du Moyen- Âge que l’appellation prend de l’ampleur. Il s’agissait à l’époque d’un lieu de repos dans lequel les voyageurs trouvaient le gîte et le couvert. Même si les écrits historiques divergent sur l’origine du nom « bouchon », il en est resté


l’idée d’un endroit convivial, allié à des produits de qualité et bon marché. Du milieu du XVIIIème jusqu’au XXème siècle, ce sont les femmes qui sont à l’origine de la réputation de la gastronomie lyonnaise. L’expression des « mères lyonnaises » apparaît. Ces cuisinières de grandes familles bourgeoises décident d’ouvrir leurs propres restaurants ou auberges, tout en gardant l’esprit des anciens bouchons : une cuisine simple, bon marché mais raffinée. Elles ont un rôle crucial dans la France de l’entre-deux guerres puisqu’elles tirent le principal de leurs produits de la chasse et de l’agriculture. La réputation des bouchons lyonnais prend de l’ampleur, mais elle n’est pas aussi forte qu’aujourd’hui. C’est le célèbre Paul Bocuse qui a mis en lumière la gastronomie locale à l’international. Dans son ascension médiatique, le chef a également emporté sa culture du bouchon lyonnais, toujours dans l’esprit de convivialité, de produits bon marché et de qualité. Une image qui s’est dégradée sous le joug de la commercialisation.

gastronomique et président de cette dernière, décide de radier deux restaurants du label, après de nombreuses plaintes et remarques désobligeantes à l’égard du service. Le propriétaire du Comptoir Brunet, Gilles Maysonnave, n’a pas souhaité répondre à nos questions. Il est l’un des deux propriétaires concerné par la radiation douteuse du label. Il s’entretient à l’époque avec Bernard Dupasquier, le président de l’Office du Tourisme de Lyon. Ce dernier lui mentionne que les remontrances à l’égard de son établissement n’ont jamais été inscrites dans les dossiers de consultation de l’office. Jalousie ou concurrence déloyale, l’affaire en restera là, mais l’association perd en crédibilité et la qualité du label est entachée. En 2012, la Chambre de commerce et d’industrie de Lyon reprend les commandes en décidant la création d’un nouveau label intitulé : « Les Bouchons Lyonnais ». De nos jours, vingt-deux restaurants bénéficient de l’appellation. Parmi eux, La Voûte Chez Léa, l’un des plus anciens bouchons de la ville des Gones. Son chef cuisinier, Eric Chamarande, se considère comme l’un des héritiers directs de la Mère Léa. « J’ai appris ce métier à la dure. Mon ancien

« Au début, j’emmenais mes amis en visite à Lyon dans les bouchons. Mais j’ai vite compris que la qualité n’était pas au rendez-vous »

Vrai ou faux ? Pour les touristes, la simple appellation « bouchon lyonnais » est très significative. Peut-être s’imaginent-ils déjà être reçus par Paul Bocuse en personne, une assiette de quenelles dans une main et un bol de soupe aux truffes noires dans l’autre? Mais depuis 1997, le label « Authentique Bouchon Lyonnais» identifie les restaurants suivant les critères de base cités plus haut. Une mesure apportée par l’Association de Défense des Bouchons Lyonnais, dont l’objectif est de protéger « les fameux bouchons contre les pâles imitations ». Il existe donc une réelle guerre des bouchons lyonnais. Dans les années 2000, une affaire éclabousse l’association et met à mal le label. Pierre Grison, critique

chef, qui était à ma place, m’a transmis ce que lui-même avait appris de ses prédécesseurs. Ici c’est un peu comme une relation père-fils, on apprend par le bouche à oreilles. J’aime à croire que j’exécute les mêmes gestes que la mère Léa à l’époque ».

Une tradition dépassée Qu’en est-il des bouchons lyonnais aujourd’hui ? Pas de doute, la guerre continue entre les restaurateurs. D’un côté, il y a les établissements les plus typiques, qui sont souvent les plus anciens de Lyon. Ces derniers tentent de conserver la tradition d’une cuisine artisanale et d’excellence. De l’autre, les bouchons « autoproclamés ». Présents en grande partie dans le quartier du Vieux-Lyon, ils attirent les touristes mais ne respectent pas forcément les méthodes culinaires ancestrales, remettant en cause la crédibilité de l’appellation. Cependant, la plupart des bouchons d’aujourd’hui oublient un critère important de la tradition lyonnaise : le prix. Le principe même était de servir des plats de qualité à bas prix. Or, le prix moyen d’un menu typique des bouchons lyonnais atteint 35 € dans la plupart des restaurants. De quoi enrayer la guerre des bouchons... Aujourd’hui, 22 restaurants bénéficient de l’appellation Bouchon Lyonnais, créée par l’association.

@Paulrowing

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carnet de bord

À VENDRE : VILLE LUMIÈRE

Terrain de jeu des investisseurs, Lyon se repose souvent sur le tourisme de masse. Pourtant, certains quartiers et populations sont oubliés. Les infrastructres mises à disposition par la Ville et la Métropole ne suffisent pas. Priorité au centre-ville qui espère bien recevoir les gros sous des fonds de placement asiatiques et américains. Pour y parvenir, rien de tel, par exemple, que de bannir les skateurs de la place Louis Pradel. Lumière sur la face cachée du tourisme lyonnais.

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l'apatride

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Le quartier Grôlée a été un temps la pièce maîtresse des commerces à Lyon, un statut qui a bien changé depuis le XIXème siècle. Ces dix dernières années, il a été l’objet de plusieurs coups de théâtre. De son identité économique à ses rues, enquête sur l’avenir incertain du quartier.

e tourisme de masse, conséquence de la généralisation des congés payés apparu dans les années 1960, est toujours confortablement installé dans le troisième millénaire. Quand bien même, avec l’émergence des technologies, entre autres, de nombreux touristes accordent peu d’intérêt au parcours ordinaire lors d’un séjour à l’étranger aujourd’hui. Mais un chat reste un chat. Le patrimoine traditionnel peut représenter un intérêt, que cela plaise ou non. Difficile de ne pas succomber au panorama montblantesque qu’offre Fourvière. Grôlée assure, du moins assurait, le charme typique à la Lyonnaise. Des petits commerces qui ne laissaient pas insensibles les touristes comme les locaux. Sauf qu’aujourd’hui, Grôlée ressemble à un lendemain de cuite. Une soirée bien arrosée en compagnie de M. Mondialisation qui aurait vomi ses tripes sur le quartier. Hard Rock Café, Uniqlo et encore ce n’est que le début. Les grosses enseignes au détriment du pittoresque Depuis trois ans, le quartier appartient à un investisseur aboudabien privé qui se charge de le pimenter à sa sauce. 24 300m2 pour monter une mayonnaise correcte. L’autre partie du visage de Grôlée est aussi

lisse et déserte que le Rub’ al-Khali. Mais la Ville de Lyon s’en frotte les mains. La municipalité connaît la stratégie du fonds souverain Abu Dhabi Investment Authority (ADIA), à savoir rendre Grôlée plus dynamique. Le plan d’attaque : des enseignes moyen de gamme et de luxe, mais aussi faire dans l’inédit en présentant des boutiques inexistantes à Lyon. Pour autant, la Ville n’a rien à voir avec la gestion de la vente des espaces aux différents commerces à la taille titanesque. La décision revient à l’investisseur et à Firce Capital, mandataire de gestion. Jusqu’ici, les desseins d’ADIA font le pain blanc de la mairie. Elle le démontre largement on offrant presque sur un plateau les permis de construire et en facilitant toute la paperasse qu’implique un projet immobilier. C’est du moins ce qu’a laissé entendre Fouziya Bouzerda, adjointe (centre-gauche) du Commerce à la Ville, lors d’une rencontre avec nos journalistes. La volonté de placer Lyon sur la scène internationale par l’intermédiaire de Grôlée, tombe un peu plus sous le sens. Surtout après le tapage médiatique de la rentrée de septembre dernier, qui érigeait Lyon comme étant la « meilleure des-

L’Express, de La Croix et bien d’autres encore, ont participé à cette cérémonie d’Oscars. Pour devenir international, Lyon doit faire dans l’international. Cela passe donc par ces enseignes king size et, il faut bien l’avouer, paraît un peu excessif. D’une manière plus raisonnée, priorité aux grosses enseignes au détriment du pittoresque. Machine à business « Comme Lyon a été élue la ville la plus agréable pour un week-end, nous sommes vraiment dans cette dynamique-là de city break, de week-end shopping, cela s’adresse aussi aux touristes » lâche

Fouziya Bouzerda. Grôlée est peut-être en train de devenir un encart publicitaire à part entière. Il faut dire que les magots de cette envergure sont très lucratifs et invitent à leur table la Ville de Lyon. La machine à business est donc bel et bien activée. Un phénomène d’autant plus constaté après l’exode des petits commerçants lyonnais, incapables de payer leur loyer après l’arrivée des investisseurs privés et de leurs envies colossales. Pour se donner bonne conscience, le Hard Rock Café sort un poil du lot en jouant la carte des spécialités lyonnaises avec des quenelles de brochet au menu. Une méthode qui métination européenne de week-end». lange capitalisme et tradition. Curieuse recette. D’une maLes confrères du Figaro, de

Le quartier Grôlée, quartier fantôme depuis plus de 10 ans © Marion Gergely

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carnet de bord nière générale, Lyon cherche à s’attirer les services de ces enseignes inconnues des rues lyonnaises. Grôlée, mangé par tous les râteliers « Pour la demande de piétonisa-

tion de la rue Président Carnot, je crois qu’on marche sur la tête. Le raisonnement développé est le suivant : détourner le flux piéton de la rue de la République pour permettre la re-commercialisation des commerces qui ont été obligés de partir les uns après les autres. Les commerçants de la rue de la République apprécieront … »

Incisif. C’est en ces mots que Marie-Odile Fondeur, alors adjointe au maire de Lyon en charge de l’Économie, du Commerce et de l’Artisanat, s’est positionnée en défaveur de la piétonisation de la rue Carnot située dans le quartier Grôlée en 2013. Gérard Collomb avait alors rétorqué: « Il ne s’agit pas,

évidemment, de tirer les flux et les consommateurs de la rue de la République, vers la rue Carnot, et donc de détourner les flux, il s’agit éventuellement, d’augmenter la zone de chalandise. » Bingo.

Malgré la langue de bois, l’idée est là, les mots sont lachés et le ton est donné. Et si fusionner Grôlée et la rue de la Ré’ était une finalité ? Une idée qui ferait, certes, le bonheur de la mairie, et surtout d’ADIA, propriétaire non seulement des rez-de-chaussée commerciaux de la rue Grôlée, mais aussi de 50% des façades commerciales de la rue de la République depuis 2012. A priori, il ne s’agit pas d’un – étrange - concours de circonstances. D’autant que la mairie de Lyon, qui accompagne ADIA dans le développement de Grôlée, lorgne sur les quelques places précédant celle de la rue de la République à l’actuel classement des meilleures rues commerçantes d’Europe. Car dans ce classement, l’artère principale de la Presqu’île lyonnaise fait pâle figure,

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Fermé depuis 3 ans par manque de clientèle, le tabac grolée a changé de quartier © Marion Gergely

du haut de sa timide quatorzième place. D’où l’urgence d’une stratégie de développement qui doit être payante, surtout après dix années de jachère pour Grôlée, dans le portefeuille d’ADIA depuis fin 2013. Installations d’enseignes internationales d’un côté, facilité d’accès de l’autre, rénovation de

“ La rue de la République représente à l’heure actuelle près de 40 % du chiffre d’affaires de toute la presqu’île. “ la place de la République, l’idée est de faire de ce « Y » LA vitrine du commerce lyonnais. Car la rue de la République, malgré son classement laborieux, représente à l’heure actuelle près de 40 % du chiffre d’affaires de toute la presqu’île. Un chiffre d’affaires total de 700 millions d’euros, dont 252 millions – ce que génère aussi le Centre Commercial de la

Part-Dieu à l’année, à titre de comparaison - proviennent juste de la rue principale de la Presqu’île. Cette fusion physique République-Grôlée serait donc une opportunité pour ceux qui l’instiguent, la ville et le gestionnaire – Grosvenor et Firce Capital, gestionnaires des mandats Grôlée et République pour le compte d’ADIA -, pour faire grossir le monstre et lui permettre de gagner en visibilité internationale. Le but est clair : à terme, gravir les échelons afin de remonter dans le classement des meilleures rues commerçantes d’Europe. Mais cette fusion, fantasmée et requise par ses instigateurs, risquerait de se faire au détriment des commerçants de la deuxième portion de la rue de la République, au carrefour même où elle rencontre Grôlée. Gageons que les touristes, eux, y trouvent leur compte et ne se fassent pas prendre pour des pigeons… Lyonnais.

@felixmeunier

@dorotheeAM


Lyon mène la bataille pour

l’Empire du Milieu Inauguré en grande pompe en mars 2014 par le premier ministre chinois Xi Jinping, le Nouvel Institut Franco-Chinois est aujourd’hui le symbole des bonnes relations entretenues entre l’Empire du milieu et la ville de Lyon. Si la métropole rhône-alpine cherche aujourd’hui à attirer touristes et investisseurs chinois par divers moyens, il faut également rappeler que la capitale des Gaules possède un véritable lien historique avec la Chine. @MatBassaisteguy

Le tourisme chinois demeure un aspect majeur de la relation franco-chinoise et donc sino-lyonnaise. Cependant, il n’est qu’un phénomène récent, boosté par l’explosion économique de la Chine. Pour Alain Labat, vice-président du Nouvel Institut Franco-Chinois de Lyon (IFC), « il ne faut pas être naïf non plus ». Les 150 000 touristes chinois annuels constituent une possible manne financière indéniable. Il suffit de regarder les récentes observations de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Celle-ci prévoit qu’en 2020 la Chine sera le premier pays pourvoyeur de touristes au monde. Quand on sait que la France est le pays où les Chinois dépensent le plus d’argent, il y a ici quelques motifs de contentements pour les commerçants lyonnais. Pour autant, Alain Labat tient à préciser que « la France est la première destination mondiale en 2015 avec 85 millions de touristes mais seulement la quatrième nation en terme de revenus générés par le tourisme ». Et d’ajouter « nous ne sommes pas bons c’est tout. ». Car aujourd’hui, si le rôle de l’IFC

est aussi de convaincre les tours opérateurs chinois de faire venir les touristes à Lyon, il doit avant tout promouvoir l’échange culturel et économique, déjà présent il y a 100 ans. De la soie et du soja, une relation historique L’histoire commence dès le XVIe siècle. Lyon est alors, avec Londres et Venise, l’une des capitales de l’imprimerie et traduit les premiers écrits concernant la Chine sur le continent européen. Puis au XIXe siècle, la métropole supplante Londres comme capitale de la soie en Europe et bénéficie de la création du canal de Suez, faisant d’elle un partenaire commercial privilégié. D’après Alain Labat, « Les Lyonnais étaient à l’époque les gens les plus avertis du peu qu’on connaissait de la Chine. » La fin du XXe siècle marque un déclin pour l’Empire du milieu sur la scène internationale, en raison des défaites subies face aux grandes puissances européennes. La Guerre de l’opium en est un bel exemple. Une énorme remise en question du système éducatif est alors effectuée en se calquant sur le modèle occidental. Au début du siècle, un dignitaire chinois en visite à Paris a alors le projet de créer une usine de soja en France. Elle serait accompagnée d’une école accueillant des étudiants chinois qui travailleraient dans l’usine pour financer leurs études. Le gouvernement français tarde à organiser les modalités d’accueil des étudiants et c’est à ce moment que certains Lyonnais se manifestent. Comme Édouard Herriot, maire de l’époque, ou encore l’universitaire Maurice Courant. Le maire demande à l’armée de mettre à disposition le Fort Saint-Irénée dans le 5ème arrondissement

pour accueillir les étudiants chinois. L’université franco-chinoise ou Institut franco-chinois ouvre ses portes en juillet 1921. Jusqu’à sa fermeture en 1946, 473 filles et garçons se succèdent pour étudier dans les différentes filières d’enseignement supérieure que propose Lyon. « La quasi totalité des élèves, une fois rentrés, sont devenus des personnages éminents dans la vie culturelle, scientifique et intellectuelle du pays, précise le vice-président. Parmi eux se trouvent les futurs révolutionnaires et fondateurs de la République Populaire de Chine. ».

Une relation à l’ère du capitalisme Si les relations entre la France et la Chine se sont tendues par la suite, la relation sino-lyonnaise n’a, elle, pas tardé à se renouer. Depuis 1988, la Ville de Lyon est partenaire de la Ville de Canton capitale gastronomique du pays et chef-lieu de la province de Guangdong. Il s’agit de la province chinoise la plus peuplée, avec 108 millions d’habitants, la plus riche et la plus urbanisée. La cité rhodanienne possède aussi des liens avec la municipalité de Shanghai, capitale économique du pays, depuis 1986. Les relations économiques sont également au beau fixe. Un nombre important d’entreprises lyonnaises se sont implantées en Chine, comme SEB qui possède près de 25 000 salariés sur le territoire. Plus récemment des sociétés chinoises se mettent à investir dans le département du Rhône. En 2007, le conglomérat ChemChina, spécialisé dans la chimie réalise un investissement de 150 millions d’euros dans la vallée de la chimie au sud du Grand Lyon. Un investissement qui va ouvrir la porte à d’autres sociétés. En 2012, la Bank of China inaugure sa première succursale française hors de Paris. Pour Alain Labat, « la réalité de ce qu’est la Chine est prise en compte par Lyon de façon intelligente, ce qui n’est pas le cas partout. ».

Cette intelligence s’exerce notamment à travers le partage de connaissance et les partenariats universitaires. Environ 3 500 étudiants chinois étudient cette année dans les différents instituts d’enseignement supérieur de la ville. Chaque université de Lyon possède des partenariats avec ses homologues chinois à Canton ou Shanghai. Véritable symbole de cette expansion chinoise, à la rentrée universitaire 2015 et pour la première fois dans l’histoire de l’enseignement supérieur français, la première nationalité en terme d’étudiants étrangers ce ne sont plus les marocains mais les chinois. De quoi imaginer à l’avenir, une véritable communauté d’ambassadeurs de la ville de Lyon.

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carnet de bord

. .Ces quartiers Ces quartiers ne figurent dans presque aucun guide. La ville de Villeurbanne, le quartier de la Guillotière, ou encore la Duchère ont un point commun : être seulement un secteur de passage. Pourtant, des solutions ont été proposées pour ramener du monde dans ces quartiers laissés pour compte.

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Leurs concepteurs prédisaient un grand avenir à ces quartiers qui sont boudés par les touristes et les Lyonnais. Gratte-Ciel, Guillotière, la Duchère, ces quartiers sont historiques pour la ville de Lyon et sa périphérie. Les immeubles Gratte-ciel de Villeurbanne fêtent leurs 80 ans cette année. Ces oeuvres sociales et architecturales sont devenues l’emblème de la ville. On est loin de l’image de la cité HLM dégradée : une volonté de l’ancien maire Lazare Goujon en 1934. Cet ensemble de bâtiments publics et

de logements sociaux se trouve là où le mètre carré est le plus cher à Villeurbanne. Comptez 2888 € le m2 moyen dans le quartier Gratte-Ciel pour un appartement, contre 2644 € dans le reste de la ville. C’est un contexte différent pour le quartier de la Guillotière. Il est le centre multiculturel de Lyon, le regroupement de toutes les nationalités. L’aménagement du quartier avec l’installation du tramway, en plus de la ligne de métro D, lui offre une plus grande visibilité. Immeubles rasés et squatteurs expulsés, ce quartier délaissé est devenu un lieu de passage où personne ne souhaite s’arrêter. Ruelles mal éclairées et ambiance un peu glauque, tout n’est pas réuni pour que le touriste se sente en sécurité. Selon une étude de la Chambre de commerce de Lyon, 6,2% de commerces sont vacants à Lyon, en moyenne. Le quartier de la Guillotière ne fait pas exception et de plus en plus de restaurants et de petits commerces ferment leurs portes. Un exemple frappant : les bars à chichas. S’ils

étaient nombreux il y a cinq ans, ils ne sont aujourd’hui plus que deux à se battre pour rester au niveau de ceux qui ont ouvert dans le centre de Lyon. Il en est de même pour le 9ème arrondissement de Lyon. Selon Simon Virlogeux, directeur du cabinet du maire du 9ème arrondissement, cet endroit « a longtemps été, dans la mentalité, un lieu peu fréquentable, un arrondissement industriel qui a subi la crise de plein fouet ». Et

même si l’attractivité du quartier est de plus en plus grande, il reste connu comme un quartier historiquement ouvrier pas fait pour attirer des touristes. Des quartiers en reconstruction Pour faire revenir ces Lyonnais, Villeurbannais et les touristes ayant peu à peu déserté les Gratte-ciel, la Métropole va rénover de fond en comble ce quartier à partir de 2017. Une opération appelée projet ZAC Gratte-Ciel Nord, qui implique la rénovation du centre-ville et une extension de sa surface commerciale d’ici 2020. L’idée : un projet similaire à celui de Confluence. Une manière


Le quartier des Gratte-Ciel de Villeurbanne fête cette année ses 80 ans et essaye de faire revenir du monde notamment grâce au projet de ZAC. © Marion Gergely

hors-circuits.. de pallier l’effondrement économique du centre commercial Carré de Soie de Vaulx-en-Velin. Richard Llung, chargé du développement urbain de l’habitat et du logement à la mairie de Villeurbanne, affirme : «La surface dédiée aux commerces dans le centre-ville va doubler et améliorer l’attractivité du centre».

Des aménagements de grande ampleur qui se sont faits également dans le quartier de la Duchère. Simon Virlogeux explique : « L’idée était d’agir sur tous les plans, en même temps. On a d’abord changé l’habitat, en démolissant ou en rénovant.» La

Duchère a donc vu arriver de nouveaux commerces dans ce lieu de mélange à la fois économique et social. Mais le directeur du cabinet du maire l’avoue, le 9ème arrondissement a encore du retard sur les autres : « Aujourd’hui très honnêtement, c’est clair que nous sommes en retard sur les offres de soirées. Nous avons peu de bars, restaurants mais c’est en train de se développer. Le Wallace qui vient d’ouvrir en est la preuve. Pour les étudiants, on est clairement en manque d’endroits pour sortir. Aujourd’hui, le renouvellement de l’arrondissement attire

des personnes de milieux différents, et donc des investisseurs. »

Le projet de développement urbain qui marche si bien pour le quartier de Villeurbanne et pour le quartier de la Duchère n’a pas été concluant pour la Guilllotière. Ce quartier du centre-ville de Lyon s’inscrivait dans un projet de renouvellement urbain important qui n’a finalement jamais eu lieu. Un exemple : la place Gabriel Péri. Aucune solution venant de la mairie ou de la Métropole ne sont pour l’instant proposées pour redorer l’image de cette place depuis 2014. Un projet urbain avait été matérialisé par l’établissement de grillages verts. Grillages qui n’ont servi qu’à endiguer les Roms commerçant sur cette place. Et ce, malgré la restauration du parc Sergent Blandan et de la piscine du Rhône. Une volonté de re-dynamiser ces quartiers Dans le 9e arrondissement, 650 logements sont en cours de construction, tandis que la Duchère est passée en deuxième

phase de renouvellement. « Un pro-

jet de Vaporetto est à l’étude et on espère qu’il aboutira rapidement. Il permettrait d’aller jusqu’à l’Ile Barbe avec des arrêts vers le quartier de l’industrie et centreVaise. Cela permettrait de développer concrètement le tourisme. », ajoute

Simon Virlogeux.

Pour pouvoir re-dynamiser ces quartiers et attirer le plus de touristes possible, l’entreprise Cybele mise sur l’originalité : elle propose de faire visiter la ville de Lyon de manière théâtralisée ou sous forme d’enquête. « Le moindre détail est pensé, scénarisé, afin de faire en sorte que tout le monde trouve sa place. Et pas seulement les férus de culture. Ce qu’on souhaite, c’est surtout étonner les Lyonnais », ex-

plique Olivier Montillet, co-fondateur du projet. Mais pour l’heure, malgré tous les moyens déployés, Lyonnais en balade et touristes continuent de bouder ces quartiers laissés pour compte.

@jul16692

@Martin_yaya_

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carnet de bord

Collomb prend la ville en

grip

V

à l’heure où Gérard Collomb lance le plan de rénovation de la place Louis Pradel manu militari, une pétition signée par de nombreux skateurs opposés au projet voit le jour. Cet énième manque de concertation citoyenne fait grincer des dents les lyonnais, le tout pour satisfaire toujours plus de touristes... ans trouées aux pieds et tee-shirt affichant des flammes Thrasher, Mathieu prend son élan avant de glisser sur la statue de Louis Pradel. Surnommée «HDV » dans le milieu skate, la place Louis Pradel est le terrain de jeu des planches à roulettes depuis plus de 30 ans. Bien qu’ayant fait naître dans son sillon les marques Cliché, Antiz ou encore Blaze, HDV est pourtant menacée de disparition. Dans son plan de rénovation de la Presqu’île, la métropole lyonnaise n’épargne pas la place Louis Pradel. Un projet qui ne se cache pas d’être volontairement opposé aux riders : les dalles abîmées seront remplacées par des pavés et des dispositifs anti-skate seront installés. Ce genre de petits blocs de métal habilement fixés à des bancs ou marches d’escaliers rend toute pratique du skate impossible.

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Le rayonnement de Lyon passe par le skate Pour vendre son projet anti-skate, la Ville défend

la « revalorisation du patrimoine exceptionnel » du cœur de Lyon, argument que les riders ont envie de s’approprier : rouler à HDV fait aussi partie du patrimoine de la ville. Le Lyonnais Jérémie Daclin, fondateur de la marque mondialement connue Cliché, affirme que la pratique du skate a participé au rayonnement international de Lyon : « Ça marche pour le tourisme et des gens se sont installés à Lyon pour ça. La rénovation de la place, c’est très bien, mais on veut être associés aux futurs travaux.»

Alors que la mairie refusait catégoriquement de discuter avec eux, une réunion a eu lieu avec Michel Le Faou, vice-président de la métropole, et les initiateurs de la pétition dont le photographe Fred Mortagne et le skateur pro Jérémie Daclin. Alors que la métropole accuse les pratiquants de la planche à roulettes d’avoir dégradé le mobilier urbain de la place, Jérémie aquiesce et renvoie la balle aux camions de livraisons et au manque d’entretien que devrait fournir la ville.


Autre argument de taille : si les skateurs désertent la place, qui va l’occuper ? Des squatteurs, des badauds, « une population qui ne va pas arranger la ville non plus. Quand on skate, les touristes s’arrêtent, ça attire le regard » avance Mathieu, planche sous le bras. Pour se faire entendre, la très soudée communauté des skateurs a lancé une pétition rédigée en français et en anglais, pétition qui a réuni 12 000 signatures en quelques jours. Mais l’art de projeter sans discuter avec les Lyonnais semble devenir une habitude chez Gérard Collomb… La concertation citoyenne... ça se mange ? Cette pétition fait écho à celle - parmi tant d’autres lancée en mai dernier contre le projet de reconversion de l’ancienne école des Beaux-Arts. Le sénateur-maire de Lyon avait annoncé sur sa page Facebook (de quoi faire hérisser les poils des amoureux de la communication institutionnelle) sa volonté de vendre les bâtiments au Crédit Agricole pour 3,5 millions d’euros, dans le but d’en faire - pour changer - des logements et des commerces. Les signataires de la pétition dénoncent un projet élaboré sans concertation citoyenne, qui « s’inscrit dans la longue liste de bâtiments publics bradés pour réaliser des opérations juteuses. […] À l’image de la vente du quartier Grolée (voir p. 15) à des fonds de pensions et à la

rénovation de l’Hôtel-Dieu, ces projets ne visent qu’à l’éviction des classes populaires au centre de la Métropole. » Pour Sté-

phane Sacquepée, ancien conseiller numérique à la Ville et rédacteur de la pétition, ce processus n’est «

ni plus ni moins que de la gentrification. […] Maintenant le rêve des riches c’est de s’installer en ville pour profiter des loisirs et services, alors qu’avant ils étaient en campagne. La politique de Collomb s’inscrit dans cette dynamique ». Avec ses douze lo-

gements au cœur du centre-ville, l’Hôtel-Dieu répond à la volonté d’embourgeoisement de Lyon. Mais l’effet boomerang de ce développement, c’est la hausse des loyers dans les quartiers à réputation populaire comme la Croix-Rousse ou la Guillotière. « Mais Gérard Collomb n’a aucune notion de cet effet, poursuit Stéphane Sacquepée. La rénovation de ces bâtiments fait juste office de vitrine touristique de Lyon. Et c’est le cas pour le projet de la place Louis Pradel, avec pour conséquence la disparition de ses skateurs... » Car comme le vice-président de la Mé-

tropole en charge de l’économie, David Kimelfeld, le confiait à nos confrères de Rue89, « les skateurs doivent laisser la place aux touristes…». @L_decazo

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road trip

Lélio est un jeune homme avide de trouvailles. Ses vêtements sombres lui permettent de pénétrer la nuit dans n’importe quel endroit. © Marion Gergely

Un fantôme dans la ville Muni de grosses chaussures et de gants renforcés, Lélio fait de la ville son terrain de jeu. Passionné d’espaces abandonnés voire vierges, il est toujours à la recherche de lieux insolites. Le plus souvent pour les visiter - en ne laissant que les traces de ses pas - et en tirer quelques clichés, son jeune âge ne semble en rien l’arrêter. Une soif d’exploration presque insatiable…

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T


T out lui est arrivé un jour, « un peu par hasard ». À l’époque, l’adolescent curieux de tout et un brin aventurier, profite d’un après-midi à l’extérieur avec ses amis. Ayant délaissé les cours du collège et n’ayant pas vraiment de choses à faire, ils décident de s’aventurer dans une maison brûlée et abandonnée. « J’étais en troisième. Nous n’avions aucune idée de ce que nous faisions, un vrai délire de gosses. C’était juste pour voir ce qui se cachait derrière le mur», raconte Lélio, aujourd’hui

âgé de 18 ans. L’approche paraît anecdotique mais pour le jeune homme, c’est le déclic : il veut « explorer ». Un mot qu’il ne cessera de garder en tête pour mieux chercher et voir ce que son environnement cache. Depuis, seul ou en petit groupe, il noue une véritable passion pour l’exploration urbaine, souvent appelée Urbex (contraction des termes anglo-saxons Urban-Exploration).

rement plu correspond à la philosophie même des urbexeurs, le petit nom des adeptes de l’Urbex : « L’une des règles importantes est qu’il ne faut jamais laisser aucune trace derrière son passage… Comme un fantôme. Sinon celles de ses pas. » La contemplation semble ainsi avoir trouvé de nouveaux défenseurs. Un point de vue loin de la recherche de la mise en scène de la toiturophilie (recherche de points de vue sur les toits) ou de la cataphilie (dans les souterrains) dont la plateforme de vidéos YouTube raffole. L’adrénaline et le frisson Ses innombrables sorties, plus ou moins hebdomadaires, ne se résument pas en quelques lignes. Lélio est actuellement en classe de terminale littéraire avec une spécialité en arts appliqués. Ainsi,

sement dans des fioles. « Cela peut paraître bizarre. Je ne pourrais pas l’expliquer… La poussière possède une odeur, une texture. » Plutôt original comme souvenir.

« Mes parents savent ce que je fais » Les dangers d’une telle pratique sont nombreux : blessures, chutes, morsures… Sans parler des risques juridiques encourus. Durant les vacances d’été 2015, Lélio et deux amis de longue date décident d’entrer illégalement dans une gendarmerie désaffectée. Après s’être blessé la main avec des bouts de verre, il raconte avoir trouvé un immeuble de plus d’une dizaine d’étages totalement libre de toute présence. En apparence. Dans leur euphorie, en apercevant une caméra de surveillance juchée en haut d’un pylône, l’un d’entre eux déclare, hilare : « En faisant suffisamment bouger la caméra, celle-ci ne pourra pas nous voir ! » Malheureusement

La cour des grands pour eux, cela se révéleDepuis le début de l’année, ra faux. Deux voitures encore plus qu’avant, Lélio de la police municipale multiplie la découverte de viendront les déloger. lieux et de parcours abanTous trois seront placés donnés : hôpitaux, églises, en garde à vue pour «vol et même internats… Où aggravé en réunion », du fait sont-ils? Impossible de le d’avoir pénétré un terrain savoir, le secret est l’une militaire et d’avoir déplades règles fondamentales cé des objets ! Le journal de l’exploration. Loin Le Progrès en fera même d’être populaire, l’Urbex écho. Aujourd’hui, Lélio reste avant tout une discien rit. Il avait alors 17 pline en marge. Les rares ans. Les poursuites à son pratiquants se retrouvent encontre ont été abandonentre eux et se forment, nées. « Mes parents savent Intérieur de l’église abandonnée - depuis 1984 le plus souvent, à partir de du Bon Pasteur à Croix-Rousse. © Marion Gergely depuis toujours ce que je fais. Je le connaissances ou de renjustifie par le fait de faire des photos. contres sur des forums spécialisés le jeune homme n’oublie donc jaLe pire pour eux, cela a été de savoir que et groupes fermés sur les réseaux mais d’emporter avec lui son vieux j’étais en garde à vue.» Pour son père sociaux. Néanmoins, le jeune Polaroïd, accompagné de quelques informaticien et sa mère responhomme ne rechigne pas à nous pellicules photographiques pour sable dans un centre d’appels en livrer différentes anecdotes et capturer son « passage ». Le jeune assurance, il veut assouvir son « détails liés à ses aventures. «Avant homme possède un compte Inshyperactivité » par la fièvre d’exd’admirer un lieu, il faut passer par diffétagram sur lequel il illustre à la plorer. Par exemple, la semaine rentes étapes nécessaires pour parvenir fois sa frénésie pour les espaces dernière, il s’est introduit dans à son but : la recherche, le repérage, la délaissés et la composition. Qu’imune cimenterie. Quant à l’avenir, le pénétration et la découverte. » Les lieux porte ce qu’il trouve, l’important jeune homme semble être serein, se partagent de bouche-à-oreille est d’accéder à ce qu’il ne voit pas. même s’il ne compte pas suivre mais comme chacun est unique, il « Une fois, après avoir marché sur un d’études dans le supérieur : « Vivre faut analyser l’endroit. Comme un plancher pourri dans une vieille maison, de petits boulots, ça me va. » Une liberlaissez-passer. Il sait que rien n’est je suis tombé sur une énorme collection té personnelle qui se retrouve dans vraiment dû au hasard. Il faut de poupées abandonnées », racontechacune de ses sorties et dans une tourner autour du bâtiment plut-il, montrant ces clichés sur son irrépressible envie de voyage. sieurs heures, évaluer, connaître téléphone. Le jeune homme semble Alors qu’il commence à se faire le passage, la visibilité, un moyen s’être fait quelques frayeurs. Lélio tard et que les questions semblent de rentrer, etc. Dans son internat, définit ce qui lui semble beau par la complétées, Lélio me glisse à il passe des nuits entières à cherconservation du lieu, des objets, de l’oreille, comme pour ne pas être cher des endroits pour faire de l’atmosphère : « J’adore voir comentendu par les gens alentours nouvelles découvertes. Une façon ment les choses évoluent sans l’homme.» : « Je connais un souterrain menant de s’accaparer la ville et de découSelon ses termes, cela dégage « une d’une rue parallèle [Place des Terreaux] vrir ses faces cachées, le week-end. aura, un truc indescriptible » comme directement jusqu’à Perrache. » Cela Au fur et à mesure de ses exploraun ressenti du temps figé. Il pospeut sembler incroyable, mais je le tions, le garçon se renseigne sur la sède même un rituel plutôt personcrois. discipline et va jusqu’à convertir nel : alors que l’Urbex interdit de ses amis à sa passion. Il a d’aildégrader, ou de dérober un objet leurs créé une page Facebook, où que l’on se trouve, lui prend le @_mathieu_j Lyon Urbex, pour y partager ses soin de récupérer, à chaque fois, trouvailles. Ce qui lui a particuliède la poussière qu’il garde précieu23


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Quel avenir pour Birdy Kids ? On ouvre une boutique éphémère tout le mois de décembre , dans le 2è arrondissement, où l’on diffusera notre film tourné au Mexique plusieurs soirs par semaine. Et on a l’intention de voyager, et peindre, toujours.

Peut-on considérer Lyon comme une ville attirante pour les graffeurs et artistes de rue ? Non, la mairie aurait d’ailleurs intérêt à ouvrir sa ville au street art. Peu d’étrangers ou de parisiens viennent à Lyon pour peindre. Cela dit il y a de plus en plus de visites liées au street art, donc ça attire un certain genre de touristes.

Pour quelles raisons sélectionnez-vous un spot et pas un autre ? Pour plusieurs raisons: sa visibilité évidemment, la beauté du lieu, son architecture, le recul possible.

3 questions à Birdy Kids

© Marion Gergely / Léa De Cazo

Graff à la carte

Qu’est-ce que vous cherchez à travers vos œuvres ? Je fais des productions variées. Je fais en sorte que l’agencement du lieu soit bousculé par mon travail. J’aime improviser, partir avec peu de peinture et arriver à retomber sur mes pieds. Ce que je cherche c’est à me balader dans la ville comme je me balade sur une feuille.

Qu’est- ce qui vous pousse à faire des graphes ? Je pratique toujours dans les espaces publics, en pleine journée. Mon but est de toucher des personnes qui ne sont pas forcément dans le milieu artistique. Enchanter et surprendre le public, lui apporter quelque chose d’inattendu dans le cadre classique. . En tout cas, le côté interdit m’importe peu.

2 questions à Antonin Rêveur

Don Mateo le poète des graff, Birdy Kids et leurs oiseaux multicolores ou encore Antonin Rêveur, un philosophe de l’espace public. ThExpat a suivi ces 3 artistes lyonnais. Pour découvrir leurs oeuvres, prenez le métro, suivez le portfolio.

road trip


Artiste

Birdy

Kids

Spot

le

périph’

Le mot de l’artiste Les modèles féminins véhiculent plus de grâce, de poésie donc plus d’émotions. on est gavé de choses déprimantes et moroses au quotidien, il serait indigeste d’en remettre une couche dans la rue.

Artiste Don Mateo Spot Croix-Rousse Artiste Don

Le mot de l’artiste Le périphérique est un spot qu’on privilégie parce qu’il y a du passage, en voiture les gens détournent le regard sur notre fresque. les couleurs attirent l’oeil, tant des parents que des enfants.

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Artiste Birdy Kids Spot Taverne Gutenberg Mateo Spot Les pentes

Artiste Antonin Rêveur Spot Les Pentes

Antonin

Rêveur

Spot

Guillotière Le mot de l’artiste Ce serait trop évident de tout peindre. J’avais besoin de couper ma peinture comme une affiche pour garder l’action du support. Il y a là une réflexion sur l’introduction d’une peinture dans un endroit.

Artiste

Artiste Birdy Kids Spot La Sucrière


boîte noire

Clic & scroll : Lyon en applis Et si on pouvait découvrir Lyon, ses quartiers, son ambiance uniquement avec son téléphone ? S’approprier un lieu avec la tournée des bars, en utilisant les cinq sens ou en redécouvrant l’architecture moderne, c’est ce que proposent ces nouvelles applications mobiles lyonnaises.

P lus besoin du Guide du routard pour visiter de fond en comble la Ville de Lyon. Des Lyonnais soucieux de créer un nouveau tourisme ont inventé des applications pour faire redécouvrir la ville à des connaisseurs mais aussi aux non-initiés. Lancées entre 2015 et 2016, elles vous proposent des parcours différents pour visiter la ville autrement, et ce grâce à votre smartphone. C’est le cas de IGuideU. Une application accessible à tous, mais pensée surtout pour les mal-voyants qui peuvent sentir, toucher et écouter l’histoire des lieux. Jonathan Blanchard, son co-fondateur, explique: « Le but de cette appli-

cation est de se promener avec son smartphone en poche, géolocaliser un endroit et avoir des informations sur celui-ci. » Une

nouvelle façon de visiter, loin de la traditionnelle tournée organisée par un guide. Les fondateurs de l’application font appel, par exemple, à des slameurs pour décrire la Part-Dieu mais proposent également de fermer les yeux un instant et de venir toucher les murs de la cathédrale Saint-Jean. La deuxième version de l’application n’est pas encore disponible, et la première version ne regroupe pour l’instant qu’une com-

munauté restreinte d’utilisateurs : « Il est difficile de faire comprendre aux

gens que tout le monde est concerné et pas seulement les non-voyants ». En re-

vanche, pour les aveugles, les dispositifs existants comme les guides audio marchent pour l’instant mieux que l’application.

Un regard neuf sur Lyon Baroudeur, CityScape et IGuideU ont un seul but commun : permettre aux utilisateurs d’appréhender la ville avec un regard différent. CityScape, par exemple, propose de redécouvrir l’architecture moderne de la ville. La voix des concepteurs des bâtiments guide l’utilisateur vers des quartiers comme la Part-Dieu, Confluence ou la Duchère. Cette application fait découvrir des quartiers peu prisés du touriste lambda. Encore faut-il s’y connaitre un minimum en architecture pour comprendre le jargon des architectes. Difficile, pour les novices, d’assimiler les explications du concepteur du musée des Confluences, Wolf D. Prix, qui baragouine en franglais la genèse de son « vaisseau spatial ».

L'application City Scape nous fait découvrir les bâtiments d’architecture moderne de Lyon à travers les voix de leurs concepteurs. Ici: le Cube orange de Confluence. © Marion Gergely

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Des applications pour les Lyonnais Regroupant entre 1000 et 8000 inscrits, ces applications peinent à intéresser le touriste classique, accroché à son guide et qui n’a pas forcément le réflexe smartphone. C’est notamment le cas de l’application Baroudeur, qui a pour vocation de recenser tous les lieux de sortie ouverts de Lyon et de lister les événements qui y sont proposés. Destinée aux amateurs de sorties et de bonnes bières, l’application recense aujourd’hui 700 événements dans 480 établissements de Lyon. Benjamin Bely, co-fondateur de l’application, explique que cela permet de «

leur donner plus d’exposition pour qu’ils touchent un public au delà de leur cercle d’habitués ». Mais sa forme d’abonne-

ment n’attire que les Lyonnais qui souhaitent changer leurs habitudes et essayer quelque chose de nouveau. Faire des quizz, des jeux de société, s’essayer à un tout nouveau genre de musique ou découvrir de nouveaux cocktails, tous les prétextes sont bons pour une sortie entre amis. Il en est de même pour l’application IGuideU qui peine à construire une communauté d’utilisateurs-touristes.

@jul6692


L’Indiana Jones des temps modernes @amelievuargnoz

La révolution numérique aura permis bon nombre d’évolutions, notamment du côté du tourisme. Les jeunes délaissent les cartes imprimées au profit de leurs smartphones. Les start-up ou les auberges de jeunesse ont donc dû se mettre à la page pour séduire le touriste 2.0.

Le cliché du touriste avec son sac à dos et sa carte en mains n’est plus qu’un lointain souvenir. Grâce à qui ? À la révolution numérique. Le visiteur lambda a remplacé les plans de la ville par ses applications technologiques. Et ce n’est pas ce qui manque dans la ville de Lyon, qui a vu naître en son sein de nombreuses nouvelles manières de la découvrir (voir ci-contre). Le touriste 2.0 utilise internet pour programmer son voyage. La communication et l’innovation sont devenus les maîtres-mots des professionnels du tourisme, pour attirer cette clientèle aux nouvelles exigences. À l’image du SLO Living Hostel et le Away Hostel, deux auberges de jeunesse lyonnaises qui ont dû se réinventer pour séduire la jeune génération du numérique. Fréquentés majoritairement par les 20-35 ans, ces hôtels du même groupe ont développé leur propre application qui proposent de nombreuses activités comme des visites guidées via trois sortes de parcours atypiques. Les auberges de jeunesses proposent donc de découvrir Lyon « comme un local ». Le « nouveau touriste » cherche avant tout des lieux non exploités par le tourisme de masse, pouvant même tomber dans l’illégalité avec les pratiquants de l’Urbex (voir page 22). Une façon donc de ne pas rester dans le tourisme classique, avec les célèbres monuments, mais privilégier les lieux et activités atypiques de la capitale des Gaules. Les bars, restaurants ou même les boîtes de nuit sont recensés sur les applications de découverte de la ville (voir ci-contre) pour attirer la jeune clientèle touristique. Mais pas que. Les applications sur smartphone ou tablette sont également prévues pour des

Lyonnais pure souche. « Ce n’est pas réservé qu’aux jeunes, l’application recense des restaurants chics pour des couples de Lyonnais par exemple », souligne l’Away Hostel.

L’avantage de la ville de Lyon : son développement et un nombre d’étudiants conséquent. Moins de budget chez les « nouveaux touristes » ? Pas vraiment Les applications, souvent gratuites, sont-elles le reflet d’un problème économique ? Pas vraiment puisque les « nouveaux globe-trotters » sont friands des hébergements chez l’habitant et boudent de plus en plus les chambres d’hôtels. Cela leur permet de se sentir chez eux aux quatre coins du monde. Plus de 8500 lieux de locations sont recensés à Lyon. Et, dans la plupart des cas, ils choisissent les célèbres AirBnB souvent plus chers que les auberges de jeunesse. L’augmentation est souvent ressentie lors des grands événements organisés à Lyon, à l’image de la Fête des Lumières. « Les logements du 1er sont parfois davantage occupés par des touristes que par des habitants » confie Nathalie

Perrin-Gilbert à nos confrères du Progrès. Surtout, le « nouveau touriste » s’inscrit dans un nouveau mode de consommation. Il voyage également et avant tout pour se faire plaisir et moins pour découvrir. Aujourd’hui, les modes de transports ont évolué et rendent le voyage beaucoup plus simple et plus rapide. Quels que soient notre couleur de peau ou notre âge, que l’on soit blond, brun, roux ou même rose - oui, c’est tendance -, la nouvelle génération a appris à manier les outils technologiques dès la naissance. Pas besoin d’être « un hipster » pour découvrir Lyon sous un autre angle, tout le monde peut y avoir accès. Les jeunes ne sont pas les seuls privilégiés, seulement les innovateurs. Il suffit simplement de s’équiper d’une perche à selfie et de se la jouer aventurier tel Indiana Jones. Une soif de casser les codes amène la création de ce « nouveau touriste ». Le nouveau routard se sent « comme à la maison » dans la ville de Lyon ou dans les nombreuses villes touristiques. Le voyageur 2.0 s’adapte, s’impose et se renouvelle sans cesse.

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all inclusive

le Parc OL se dotera d’un centre de loisirs, un hôtel et un centre médical verront le jour d’ici à 2018. © Martin Saussard

Ball n rond & billets verts

Q

Et nous voilà un an plus tard. Un an après l’ouverture de ce stade, qui n’est même pas à Lyon et pourtant, permet à la ville des Gones de briller à l’international. Le parc OL, à la recherche d’un « naming »* est aujourd’hui le seul stade connecté de France. Il ne marque pas simplement un nouveau départ pour le club : il est aussi porteur d’une image plus luxueuse et dynamique de Lyon.

uoi de mieux qu’une compétition internationale quelques mois seulement après son ouverture, pour se faire un nom ? De l’Irlande à l’Italie en passant par la Belgique et la Roumanie, 322 675 spectateurs ont découvert le Parc OL durant les 23 jours de compétition de l’Euro 2016, dont un peu plus de 60 % de supporters étrangers. Pour l’événement, des touristes australiens, israéliens et même américains ont fait le déplacement. Si le Parc OL a tourné à plein régime durant cette compétition, le projet de Jean-Michel Aulas, patron du club, n’est pourtant pas terminé. Un centre de loisirs, un pôle médical sportif et un hôtel 4 étoiles viendront compléter dès 2018 les structures déjà existantes du stade et du centre d’entraînement. « La construction

28d’hôtels a doublé dans l’Est Lyonnais

ces dernières années. Le fait qu’un nouvel établissement naisse à côté du Parc OL n’est pas dérangeant tant qu’il y a une concurrence saine et loyale. Un hôtel se remplit toute l’année, pas uniquement les jours de matchs ou lors d’événements importants », confie

Laurent Jaumes, représentant des hôteliers à l’UMIH du Rhône. Cette vague de touristes a d’ailleurs profité à la ville de Lyon. En juin 2016, l’hôtellerie a connu un taux d’occupation de 77 %, en progression de 1,5 % par rapport à l’an dernier, profitant à toutes les catégories d’hôtel. Du côté de la restauration, des progressions d’activités entre 20 et 50 % par rapport à l’an dernier ont été enregistrées selon les différents quartiers. L’Asie, puis l’Amérique Le Parc OL en vitrine, avec un palmarès bien rempli, Jean-Mi-

chel Aulas souhaite désormais se tourner vers l’étranger et ainsi trouver de nouveaux investisseurs, afin de concurrencer les plus grandes écuries d’Europe. Le tout, avec un modèle économique sain. Le club s’est donc tourné vers l’Asie, comme l’explique Anthony Alyce, fondateur d’Ecofoot.com :

« Des actions dans le but d’internationaliser les activités de l’OL sont prévues avec IDG Capital Partners à destination de la Chine, de Hong Kong, de Macao et de Taïwan. Une fois l’opération d’entrée au capital finalisée, OL Group et le fonds IDG ont prévu de donner naissance à une joint-venture intitulée Beijing OL FC Ltd, qui se chargera de promouvoir la marque OL et œuvrera principalement dans le domaine de la formation. Pour mettre au point cette stratégie, l’OL regardera sûrement du côté de ses concurrents. » Les tour-

nées estivales permettent à la


Justin Tessier retrouve son fan club chaque semaine au Legends, un bar réservé à tous les fans clubs américains d’équipes étrangères. © Justien Tessier

marque OL de s’étendre. Mais, contrairement à la recherche d’investisseurs, ce type d’opérations n’est pas nouveau pour le club rhodanien. Lors de son apogée en Ligue 1 et son sextuplé historique (de 2002 à 2008), l’OL participait déjà à ce type de tournois comme la Peace Cup, organisée en Corée du Sud. Ces tournois, lui ont permis de construire de solides réseaux. Et, aujourd’hui, le club compte parmi son portefeuille de partenaires des sponsors importants possédant leur siège social en Corée du Sud (Hyundai, Kumho Tyre…). Le tourisme numérique Mais pour que le grand public s’intéresse à Lyon, il faut un lien entre le club et les spectateurs. C’est la tactique de Jean-Michel Aulas qui essaye d’attirer, depuis un an, la célèbre joueuse américaine Alex Morgan. L’OL féminin est considéré comme l’une des plus grandes équipes de football féminin au monde. Championne d’Europe en titre, championne de France chaque année depuis 2007, cette équipe n’a plus rien à prouver sur le plan sportif. Et pourtant, Jean-Michel Aulas multiplie les tweets pour attirer la joueuse d’Orlando. « Sur Twit-

ter, on ne peut pas voir les messages privés. Les contacts sont établis. Il y a un travail avec son agent, elle-même et d’autres joueuses, et j’espère qu’on arrivera à nos fins. L’année prochaine, on aura une joueuse américaine à l’OL », avait-il déclaré après la victoire

contre Zurich 8-0. Développer l’image de l’équipe féminine, alors que la médiatisation des garçons est bien plus importante, est essentiel dans certains pays. Aux États-Unis par exemple, le football, appelé « soccer », est d’abord un sport féminin. L’audience réalisée par le groupe Fox lors de la dernière finale de Coupe du Monde Féminine opposant le Japon aux États-Unis (25,4 millions de téléspectateurs), le prouve.

Ensuite, parce que l’OL recherche une joueuse connue et aimée du public, surtout sur les réseaux sociaux. Avec plus de 3 millions de fans sur Facebook, la joueuse rentre dans ce plan d’internationalisation de l’OL.

« Il ne faut pas négliger également les canaux numériques. Par exemple, sur Facebook, l’Olympique Lyonnais compte plus de 65 % de fans vivant à l’étranger. Pour diverses raisons, le club a bâti de très importantes communautés en Algérie, au Maroc, au Brésil… En adaptant sa stratégie numérique, l’OL peut déjà entretenir un lien auprès des différentes cibles », ajoute Antho-

ny Alyce. Si le développement de la marque OL s’accélère grâce au projet du Parc OL, le club en lui-même était déjà bien connu outre-Atlantique. Et grâce à lui, les Américains ont pu découvrir Lyon. C’est le cas de Justin Tessier, un New-Yorkais, qui a lancé officiellement un fan club lyonnais, en 2015. « Lorsque j’étais à l’université, je regarPour Anthony Alyce, l’internationalisation dépend beaucoup des résultats de L’OL © DR

dais seulement les matchs de football retransmis à la télévision américaine, uniquement des matchs de coupe d’Europe. Comme j’ai des origines françaises, je soutenais la seule équipe de ce pays qui brillait à l’époque : l’OL. J’ai connu la folie lyonnaise entre 2002 et 2008. En 2015, je suis venu en France pour voir un match. Je suis tombé amoureux de Lyon. La nourriture, les

bâtiments, les paysages et les musées, tout est magnifique. Quand je suis rentré à New York, j’ai cherché un fan club de l’OL, pour regarder le derby face à Saint-Étienne. À ma grande surprise, il n’y en avait pas. J’ai donc décidé d’en créer un. Après un an d’existence, nous sommes en moyenne une cinquantaine à suivre chaque match de l’OL dans un bar dédié à cela. »

Installé dans le bar Legends, les fans lyonnais de New York côtoient une trentaine d’autres fans-clubs, comme celui du PSG: «

Nous avons une concurrence très amicale. Ici, l’image du PSG est beaucoup plus importante que celle de l’OL. Mais nous avons régulièrement des contacts avec l’OL, Jean-Michel Aulas nous parle surtout via Twitter et nous envoie même des maillots dédicacés par lui-même et les joueurs. » Pour le moment,

Justin Tessier n’a pas encore pu découvrir le nouveau stade à Décines, mais promet qu’il s’y rendra avant la fin de la saison. « J’attend juste que les billets d’avions soient moins chers et je file ! »

* Naming : le stade est renommé au nom d’un sponsor pour gagner plus d’argent

@Martin_yaya_

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all inclusive

se mettent à la p@ge Le patrimoine lyonnais et ses monuments sont une vitrine internationale pour la deuxième ville la plus visitée de France. Proposer des parcours innovants, être présent sur les réseaux sociaux sont autant de choses qui permettent à la Ville de Lyon d’attirer de nouveaux types de touristes. Tour d’horizon du renouveau de ces édifices qui font Lyon.

V

arier son offre et proposer constamment des nouveautés. Il s’agit là du défi auquel se plient les monuments historiques de la Ville de Lyon. Face à l’émergence d’applications pour faciliter le tourisme et permettre à ceux qui le pratiquent de moins toucher à leur portefeuille – notamment grâce aux bons plans- , les édifices les plus populaires de la capitale des Gaules doivent trouver la parade. L’Office du tourisme fait en sorte de se diversifier, notamment en proposant des activités qui sortent de l’ordinaire. Exit les traditionnelles visites accompagnées d’un guide physique qui peinent à rassembler les visiteurs. La Ville de Lyon propose des applications mobiles, comme Traboules, où des routeurs Wi-Fi portatifs pour optimiser et simplifier le tourisme. Même les modes de transport deviennent modernes; il est désormais possible de se balader en Segway, en vélo, en vélov’ ou en cyclopolitain. Des modes de transport doux, permettant d’allier sensations et plaisir visuel. Lyon, grâce notamment à l‘aménagement des berges et ses longues voies piétonnes, se prête d’ailleurs plutôt bien à l’exercice. Autre fantaisie : une visite intitulée « crimes et faits divers », permet de redécouvrir la ville sous un autre angle, plutôt original. D’ailleurs, d’après les statistiques fournies par l’office de tourisme, cette visite à thème attire davantage de Lyonnais que de touristes. Pour une raison des plus simples : tandis que le touriste lambda va s’intéresser aux monuments dits « classiques », le Lyonnais de souche – ou d’adoption - va, lui, se pencher sur l’histoire populaire des lieux qu’il fréquente plus ou moins quotidiennement. Dans un autre genre, il est possible de visiter « en famille » certains quartiers. Sous cette appellation se cache en réalité une visite interactive proposée sous forme d’énigmes à résoudre. Une forme plus ludique que conventionnelle, qui sort des sentiers battus, et qui tend à toucher un public large.

Plus d’options pour plus de visiteurs Le musée des Beaux-Arts de Lyon suit le même chemin. Avec une fréquentation moyenne de 330 000 à 350 000 visiteurs par an, il lui a fallu se réinventer 30 pour correspondre à un public varié. Pour découvrir

“le Musée des Beaux-Arts, tout cette institution comme de nombreux monuments du lyonnaise, quoi de patrimoine lyonnais, met régumieux que de garlièrement en place de nouveaux der son smartphone dans les mains et circuits pour attirer un public d’utiliser les applitoujours plus large.” © Marion cations proposées Gergely par le musée ? La gratuité est un atout, certes, mais le musée mise sur la fidélisation de ses clients en proposant sur son site internet des visites virtuelles. Pour ceux qui n’ont pas le temps en journée, des visites nocturnes, mais aussi entre midi et deux heures, sont organisées. Mais tout un musée à voir et revoir, c’est long, et c’est pour cela que les visites à thèmes ont été mises en place. Il est toujours possible d’être en autonomie. Enfin, pour les plus joueurs, des jeux sont mis à disposition pour découvrir les œuvres d’une manière interactive et ludique. Une offre diversifiée utilisée par de nombreux autres lieux emblématiques de la capitale des Gaules. Découvrir la basilique de Fourvière de différentes manières n’est pas impossible. De façon classique, certes, mais comme partout. Cet édifice conserve des mystères et une visite « insolite » est proposée. Au programme, direction la terrasse Saint-Michel, pour que Lyon dévoile ses plus beaux panoramas ou encore le grand carillon et ses vingt-trois cloches. Mais outre ces endroits déjà connus - pour la majorité d’entre eux -, la Fondation Fourvière propose également de visiter les combles. D’autres visites, qu’elles soient à thème, ou encore groupées avec d’autres monuments, sont possibles. Lyon et son patrimoine a donc su suivre l’évolution du tourisme et faire preuve d’ingéniosité pour faire venir toujours plus de visiteurs. Finalement, on n’en sait jamais trop sur les figures de la ville ; ces nouvelles manières de les appréhender ouvrent l’esprit, mais également d’autres perspectives de fréquentation pour ces monuments historiques.

@GrglMarion

@DoeFinck


Lyon, capitale de la techno

Longtemps combattu, le phénomène techno s’est lumière est même devenue une référence portée Pour l’éditon 2016, le maire Gérard Collomb a Sonores. La quinzième édition se déroulera du

passeport

implanté à Lyon. La ville par le célèbre Laurent Garnier. clamé son amour pour les Nuits 24 au 28 mai prochain.

1996

L e maire de Lyon Raymond Barre autorise la Rave Polaris à se tenir. Un événement pour les technophiles ravis, 2 secondes, avant que le maire ne revienne sur sa décision. La fête devra prendre fin à minuit . Indignation des fans de techno..

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îcone, Laurent Garnier Pionnier de la House Music et de la techno en France, il est considéré comme un prodige dès le début de sa carrière, en 1987. Ce dernier n’hésitait pas à qualifier Lyon un temps de «pire ville de France pour la techno». Aujourd’hui, il laisse son empreinte en ayant pris part à de nombreux projets : ses sets enflammés au Sucre ou au Fish (2005), et sa participation aux Nuits Sonores dès leurs débuts. spectateurs pour la q u i n z i è m e édition des Nuits Sonores (2016), un nouveau nouveaux record. labels qui ont des actes beaux jours devant eux. artistique s, Lyon est un véritable terrain venus des quatre de jeux pour les producteurs et coins du monde. DJ évoluant à Lyon. Quelques-uns Les Nuits Sonores ont déjà percé comme Happiness jouent la carte de Therapy mais l’année 2016 a mis la mixité. la lumière sur 6 labels, BFDM, syndicat Moonrise Hill Material, electro. Après le Groovedge Records, CLFT, lynchage des politiques Palma et Macadam sur le phénomène techno, Manbo. les passionnés donnent naissance au premier syndicat français des cultures électroniques à Lyon. Il Sources : nuits-sonores, organise la résistance Le Sucre, Le Progrès, @amelievuargnoz contre la répression Redbull Music Academy, 31 techno. Marie Lyon 2, Libération,

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Trax Mag

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Le coup de crayon de la rédaction Guignol est LE symbole de la Ville de Lyon. La marionnette de cet ouvrier canut n'a rien perdu de son caractère jovial depuis sa création en 1808. Quenelles, saucissons, Saint-Marcellin, tarte aux pralines…La gastronomie lyonnaise est reconnue partout dans le monde. Un ensemble que l'on ne peut déguster sans une bouteille de Beaujolais ou de Côtes-du-Rhône.

La Fête des Lumières, c'est l’événement majeur de Lyon. Chaque 8 décembre et sur plusieurs jours, la ville s'éclaire d'installations lumineuses. Il faut déposer des lumignons à sa fenêtre en l'honneur de cette fête, débutée en 1852 pour rendre hommage à la Vierge Marie.

L’ancienne capitale des Gaules peut se vanter d’attirer chaque année, 6 millions de visiteurs. Lyon est cependant la deuxième la plus touristique de France, derrière 32ville Paris.

Paul Bocuse est une institution à plusieurs titres : chef 3 étoiles, l'homme possède 3 écoles, 8 brasseries, 6 restaurants et même 1 hôtel.


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