Populart magazine ISCPA Lyon

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P O P U L A R T

L’art s’expose à Lyon

SoRtir des clichés

N°1 - Janvier 2018


SOMMAIRE P.6

P.4

Mosaique

STatistiques

P.14

P.13

rencontre avec

Paroles D'experte

P.16

P.20

en route vers l'art

rencontre avec

P.24

P.22

arts et connaissances

arteco

P.26

P.30

popul'end

bons plans

© Laura Chèze

Rédaction :

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Édition :

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Directrice de publication : Isabelle Dumas Directeur de la rédaction : Claire Pourprix Rédacteur en chef : David Jacquemin Rédacteur en chef adjoint : Antoine Decléty Journalistes : Manon Remacle, Mathilde Riboulleau, Tanguy Colon, Maxence Cuenot, Laura Chèze, Quentin Girardon, Chloé Garcia Dorrey, Damien Orsat, Brice Cheneval.

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Photographe : Laura Chèze et Chloé Garcia Dorrey Maquette : Manon Remacle, Antoine Decléty, Mathilde Riboulleau Populart est un magazine gratuit édité par les éditions ISCPA Lyon. Siège social : 47 Rue Sergent Michel Berthet - 69009 Lyon, France La reproduction, même partielle, des articles et illustrations parus dans Populart nécessite l’accord de la rédaction. Photos de couvertures : réalisées par Laura Chèze Adresse mail : iscpalyon@groupe-igs.fr Tél : 07-72-85-71-74


EDITO

David Jacquemin

Un art lyonnais élitiste et populaire à la fois

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onsidérez-vous l’art comme élitiste aujourd’hui ? » Lors de nos enquêtes sur la popularisation de l’art à Lyon ou plutôt sur comment Lyon popularise l’art, cette question est souvent revenue comme un canon. Certes l’art est une multitude de choses, faites de différentes visions, sons, perceptions. Des arts comme le cinéma ou la musique sont aujourd’hui connus et pratiqués par énormément de monde, notamment dans la capitale rhodanienne. Mais d’autres arts ne sont pas toujours (toujours pas ?) appréciés du grand public. C’est vers eux que nous nous sommes tournés pour enquêter et alimenter ce magazine. Vers la danse et la musique classique, l’art contemporain et « chaotique », la peinture, les objets vendus aux enchères, ou encore l’art « antique » avec ses sculptures, ses fresques et ses gravures. À travers des interviews, des immersions et des portraits, nous nous sommes donc forgés notre propre opinion sur l’élitisme de l’art, non sans mal tant le champ des réponses nous est finalement apparu extrêmement vaste. Seulement, s’il pouvait n’y avoir qu’une seule réponse, un « oui » ou un « non » catégorique, notre travail aurait alors perdu tout son sens. Car malgré tout, malgré les actions, les initiatives (bonnes ou mauvaises), malgré l’engagement de certains et certaines, on ne peut contrôler l’intérêt que les habitants de la ville des Lumières peuvent avoir sur l’art. L’éducation, aussi bien familiale que scolaire, dans l’art et la culture y est pour beaucoup, et des choses ont certainement besoin d’être changées dans ce domaine. Et pourtant, la donne a déjà commencé à s’inverser et de nombreux novices commencent à s’y intéresser, à aller voir des spectacles par curiosité, à acheter des œuvres dans des galeries ou même sur Internet. Autant de preuves qui montrent que l’art ne peut se résoudre à être, ou du moins à rester élitiste, dans une ville cosmopolite comme celle dans laquelle nous vivons.

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Š Mathilde Riboulleau

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mosaÏque Musée d’art contemporain Musée lugdunum

Maison de la danse MUSIQUE CLASSIQUE

entrée libre dans le chaos

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mosaIque époques différentes, Mêmes démarches

Damien Orsat

L

e Musée d’art contemporain de Lyon a vu son nombre de visiteurs doubler entre 2006 et 2012, passant de 60 000 visiteurs par an à 120 000. Preuve que l’art contemporain, longtemps cantonné à l’image d’art conceptuel bourgeois et incompréhensible, touche de plus en plus de monde. Isabelle Bertolotti est commissaire d’exposition au MAC. Pour elle, cette image élitiste et « perchée » de l’art contemporain est, par définition, une erreur de jugement : « c’est plus compliqué aujourd’hui de comprendre un tableau classique, puisqu’on n’a plus la même éducation notamment religieuse pour savoir ce qui est représenté. Les œuvres contemporaines en revanche

ont beaucoup de rapports au média : des écrans plats avec un personnage faisant référence à un jeu vidéo par exemple ! » Du street-art aux installations, des vidéos aux œuvres sonores, il est vrai que l’art contemporain de notre époque semble de plus en plus accessible. Selon Isabelle Bertolotti, cette image peut venir en partie de l’art conceptuel de la fin du siècle dernier, ainsi que de certaines performances volontairement provocatrices et déroutantes par rapport aux codes établis. Mais c’est là aussi le but de certaines formes d’art : sortir le spectateur de sa zone de confort. Le MAC fait désormais partie du paysage lyonnais au même titre que la Tour du Crédit Lyonnais, le

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Théâtre des Célestins ou la Maison de la Danse. Son truc en plus, c’est qu’il sort de ses murs. Pour ouvrir cet art à ceux qui ne viendraient pas au musée, le MAC organise des événements comme «Wall Drawings» en 2016, lors duquel plus d’une vingtaine de lieux étaient investis dans la ville par des artistes comme Charley Case ou Elliot Tupac. Cette année, «Wall Drawings» revient avec en tête d’affiche une artiste lyonnaise, Laure Mary-Couégnias, qui a peint le parking Grolée à chaque étage. Ainsi, les Lyonnais ont la chance de visiter une exposition dans leur quotidien, et le mobilier urbain s’en voit embelli. Mais pour Isabelle Bertolotti, cette évolution des pensées doit

© Mathilde Riboulleau

David Jacquemin

Le Musée d’art contemporain et le Musée Lugdunum subissent des transformations et proposent chaque année de nouvelles idées afin de rapprocher le public de leur art respectif. Nous avons rencontré les responsables de ces établissements afin d’en savoir plus sur leurs stratégies pour se populariser.


© Chloé Garcia-Dorrey

« Comme le Musée d’art contemporain, le Lugdunum a décidé de sortir de sa zone de confort » d’abord passer par l’éducation. Elle déplore le peu de place qui est donné à l’étude de l’histoire de l’art et à l’éducation artistique dans l’enseignement général. Seuls les élèves ayant choisi les options artistiques peuvent en profiter, et donc mieux comprendre les Arts en général. On privilégie les enseignements scientifiques, littéraires ou économiques, freinant considérablement l’accès à la culture. L’accès à la Culture, c’est justement ce que tente d’approfondir le Lugdunum, ex-Musée Gallo-Romain de Lyon. Amorcé en 2015, le virage a enfin pris un tournant décisif au début du mois de novembre 2017 avec le changement de nom et le rattachement au théâtre antique, la basilique de Saint-Just ou les thermes avoisinantes. Cette fusion est destinée à faire dialoguer les entités entre elles, bien qu’elles aient toujours historiquement appartenu au musée.L’objectif de cette évolution? Rendre le musée plus accessible aux personnes qui ne seraient pas susceptibles de vouloir y aller. Sylvain Bouteille, secrétaire général du musée nous a d’ailleurs confié «vouloir ainsi s’éloigner de cette vision élitiste que l’art antique peut porter» en modernisant certaines parties du musée qui a fêté ses 42 ans cette année.

Des échanges avec d’autres arts Pour cela, et comme le Musée d’art contemporain, le Lugdunum a décidé de sortir de sa zone de confort en allant fricoter avec des arts que l’on n’imaginerait en aucun cas en rapport avec le musée. Pour exemple, le partenariat avec le Lyon BD Festival depuis 3 ans a permis à de nombreux dessinateurs de pouvoir créer des bandes dessinées sur et pour le musée, comme pour le dessinateur B-Gnet en mars 2017. D’autres partenariats comme les Quais du polar ou le Jazz Day prouvent que l’institution cherche à s’exporter en dehors de ces murs et de ses arts. En dehors de ces actions, le mu-

sée a mis l’accent sur la simplicité. En effet, le musée abrite des œuvres d’arts difficile à comprendre pour les novices. C’est pour cela que le Lugdunum propose gratuitement avec le prix d’entrée un audioguide avec 9 langues disponibles ainsi qu’une piste avec des explications plus simples pour les enfants. C’est le seul musée de la région à proposer cela. Il est également en train de mettre en place pour l’année prochaine un parcours tactile pour les malvoyants, alors que des rampes pour fauteuils roulants et des indications écrites pour les sourds font déjà le bonheur des personnes en situation de handicap.

Un espace multigénérationnel En ce qui concerne les enfants, un espace consacré uniquement aux 6-12 ans à ouvert en novembre afin qu’ils puissent «apprendre en s’amusant. Le but est de se mettre à la portée de cette tranche d’âge afin de leur faire aimer ces arts et ces connaissances» révèle Sylvain Bouteille. L’objectif est que le Lugdunum ne soit pas qu’un lieu de contemplation mais également un espace d’échange et d’apprentissage, aussi bien pour les petits que pour les grands. Bien sûr, le musée possède son public de base avec des spécialistes qui possèdent une approche plus scientifique. Pour eux, des conférences sont proposées tout au long de l’année. Mais clairement, le tournant pris par l’établissement il y a deux ans a pour but de populariser et de rapprocher le tout un chacun avec l’art antique par l’adaptation et la polyvalence. D’ailleurs, en 2015, de l’art contemportain avait été proposé aux spectateurs à l’intérieur du musée. Cela n’avait rien à voir avec la Biennale du Musée d’art contemporain, mais cela prouve que malgré leur art très différent, les deux entités ne sont stratégiquement pas si éloignées que cela.

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mosaIque Maison de la Danse : une programmation qui fait tomber les frontières

Antoine Decléty

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En proposant actuellement un cabaret au programme, la Maison de la danse ne cesse de s’ouvrir à un public toujours plus large en essayant de faire tomber les frontières sociales propres à certains types de danse, vus comme plus élitistes que d’autres. Pour l’institution, cette ouverture passe surtout par la programmation des spectacles.

« L

e cabaret est dans sa définition, populaire et ouvert à tous », considère Matthieu Rietzler, secrétaire général de la Maison de la danse, située dans le 8e arrondissement lyonnais. C’est avec une programmation éclectique que la Maison de la danse souhaite attirer un vaste public et défaire l’image élitiste de la danse qui « perdure dans l’imaginaire collectif ». Pour Matthieu Rietzler, cette impression d’un art dansant qui appartiendrait aux élites provient d’une « vaste méconnaissance » et de « clichés » qui influencent le grand public.

Faire du public un acteur du spectacle Afin de faire tomber ces barrières invisibles, la Maison de la danse propose fréquemment des ateliers en rapport avec ses spectacles. « La semaine dernière, nous proposions un spectacle de tango, après celui-ci, nous proposions aux spectateurs de venir apprendre des pas de danse et de participer », se réjouit Matthieu Rietzler. Ainsi, les spectateurs sont fréquemment invités à participer aux représentations, que ce soit par le biais d’ateliers ou de rencontres avec les artistes. « Ces événements, contrairement à certaines remarques qu’on a pu recevoir, ne sont pas gage d’une qualité moins présente. Nous conservons une exigence qui est la même pour des événements dits plus élitistes que pour des événements plus populaires », assure-t-il.

Des « maisons nomades » pour attirer « L’idée est de faire en sorte que les gens se sentent plus à l’aise avec le monde de la danse », raconte-t-il au sujet des « maisons nomades ». Ces dernières sont une invention de la Maison de la danse qui consiste à aller présenter

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L’idée est de faire en sorte que les gens se sentent plus à l’aise avec la danse Matthieu Rietzler

secrétaire général de la Maison de la danse des extraits de spectacles, gratuitement, dans des lieux où le grand public est présent. « Nous sommes allés par exemple au centre commercial de la Part-Dieu et à la bibliothèque de la Part-Dieu pour présenter un bout d’un spectacle et susciter la curiosité chez les passants », rajoute Matthieu Rietzler.

Une politique tarifaire adaptative D’un côté plus pragmatique, la Maison de la danse adapte également sa grille tarifaire à tous les profils. En proposant des prix cassés pour étudiants et demandeurs d’emplois, ainsi que des systèmes adaptés aux personnes non-voyantes ou malentendantes, l’institution balaye donc large. « Prenons l’exemple du cabaret, que nous présentons actuellement, un étudiant pourra avoir sa place de dernière minute à 9 euros en prenant, en plus, une carte d’adhésion à 5 euros contre 42 euros pour le tarif dit classique », précise Matthieu Rietzler. Une aubaine pour ceux qui souhaitent s’intéresser à la danse et qui ne franchissent pas le cap, ne se sentant pas suffisamment légitimes.


Le prix n’est plus une barrière entre les jeunes et l’art classique Aujourd’hui, nombreux sont les lieux qui mettent en place des tarifs de plus en plus abordables. À l’auditorium de Lyon par exemple, les offres sont nombreuses.

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our convertir la jeunesse à l’art du classique, cette institution lyonnaise ne lésine pas sur les offres : des places sont régulièrement vendues à moindre coût, notamment aux séances de 16h00 (soit 14 €au lieu de 48 €), et l’on peut également noter une remise de -50 % pour les moins de 28 ans. Par ailleurs, des spectacles gratuits sont réservés chaque année aux étudiants. Une tradition à laquelle l’auditorium est attachée depuis plus de 25 ans. Si l’opération a toujours rencontré un franc-succès, les demandes des dernières années explosent : «Nombreux ont été les déçus de l’édition 2017», avait souligné sur scène le directeur de l’opéra lors du 24e anniversaire. On comptabilise à ce jour

Laura Chèze

quelque 50 000 jeunes ayant pu assister, sans frais, à des œuvres de Tchaïkovski, Ravel ou encore Mozart au cours du dernier quart de siècle. L’auditorium organise aussi d’autres initiatives comme les «concerts expresso», chaque midi et vendredi, au prix de 10 €. Alors qu’un concert de musique populaire est estimé à 30€ en moyenne, l’Opéra de Lyon propose lui-aussi des spectacles à bas coût, appuyés par des prix préférentiels à l’attention des étudiants ou chômeurs. Si un coût abordable rentre en effet dans les critères de la jeunesse pour fréquenter les salles de classique, d’autres facteurs les poussent désormais à franchir le pas.

Avis de professeurs de musicologie de Lyon 2 Faut-il être connaisseur pour écouter la musique ? Jean Duchamp : La technique d’écoute est importante, elle permet petit à petit de s’approprier les stylistiques. Cela dit on peut très bien écouter de la musique sans être spécialiste, seulement on ne perçoit pas la même chose que lorsqu’on est initié. Pierre Saby : Globalement la musique classique véhicule beaucoup d’informations, elle change tout le temps alors que de nombreuses autres musiques fonctionnent sur la répétition, ces effets ne nécessitent pas le même type d’attention. La musique classique c’est une musique plus exigeante pour l’auditeur et il peut y avoir cette impression de ne pas pouvoir écouter dans toutes les conditions.  Denis Le Touzé : Il y a tellement de choses qui se passent chaque instant, ça nécessite une concentration, car c’est riche. L’orchestration et le langage musical sont complexes qu’il s’agisse de l’harmonie, ou de la façon dont les accords s’enchainent.

Est-ce que les codes de bien- d’extraire la musique de tout son enviséance ou de bonne conduite ronnement pour l’avoir en tant qu’objet comme à l’Opéra ne sont pas pur de contemplation.  des freins ?  Comment peut-on la rendre acJean Duchamp : Venir à l’Opéra en cessible ? smoking ça ne se fait plus. Ceci étant, la présentation physique fait partie du respect qu’on a des autres, quand j’accompagnais mes élèves du collège au spectacle je leur demandais de bien s’habiller. Il y a un côté cérémonieux. Si on va voir quelque chose d’exceptionnel, c’est normal que l’on s’y prépare.

Pierre Saby : Quand on voit des orchestres en uniforme, on n’a pas l’impression que ce sont des gens "normaux". Pourtant c’est un rituel, dans un concert de rock aussi les artistes ont leurs tenues, c’est le contexte et l’Histoire qui veulent ça. Denis Le Touzé : On est là pour ça, pour cette musique. C’est vrai que ça peut être frustrant, ce n'est pas une musique où l’on danse, c’est un autre type de participation. La musique classique s’écoute dans un silence religieux. Il faut être concentré, il y a une volonté

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Jean Duchamp : C’est une question d’éducation artistique. Les professeurs doivent comprendre que certains titres intéressent un public plus large. Par exemple, une musique classique utilisée dans un film fera un plus grand succès auprès d’un public pas forcément connaisseur. Pierre Saby : On comprend que les professeurs ressentent le besoin de servir à quelque chose, mais parler de choses purement intellectuelles comme la vie du compositeur n’est pas le meilleur moyen d’intéresser. Il ne s’agit pas non plus de demander quel effet la musique provoque chez eux comme certains pédagogues veulent faire. C’est en attribuant telle émotion à telle musique qu’on catégorise. Il faut préserver la liberté d’écoute de chacun, prendre le temps de la comprendre.

Chloé Garcia Dorrey


mosaIque ENTRÉe libre dans le chaos Chloé Garcia Dorrey

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Quentin Girardon

La Demeure du Chaos est un musée à ciel ouvert composé d’environ 5 400 oeuvres et dont l’accès est gratuit. Elle est créée par le plasticien Thierry Ehrmann en 1999. Chaque année, 120 000 visiteurs tentent l’expérience de ce site atypique. Demeure du Chaos à 300 mètres » indique un panneau. Nous sommes à Saint-Romain-au-Mont-d’Or, une commune de la Métropole de Lyon, dite «bourgeoise». Parmi les grandes demeures et les maisons anciennes, une bâtisse sombre et inquiétante détonne dans ce paysage presque rural. Depuis le parking, nous apercevons un immense crâne humain qui surplombe le site. Les murs sont noirs et recouverts de graffitis : « L’Homme de l’année ! » pouvons-nous lire sous un visage inspiré par le masque du film « V pour Vendetta », également repris par les hackers d’Anonymous. Et ce n’est pas un hasard car avant d’être artiste, Thierry Ehrmann est d’abord un passionné du Web. « pour lui, c’est quelque chose de presque divin » nous confie un proche. À côté de ce premier graffiti, notre œil est attiré par un tag : « Gaza, silence on tue ! ». Nous n’avons pas encore pénétré les lieux mais on ressent déjà l’énergie protestataire et révoltée de son propriétaire. C’est Ben Vautier, l’artiste post-moderne connu pour ses phrases blanches sur fond noir, qui aurait insufflé l’idée de ce nom « Demeure du Chaos » à Thierry Ehrmann, le jour des attentats du 11 septembre 2001. « Ce jour-là, on aurait dit que Thierry s’était pris les avions en pleine face » nous confie un proche de l’artiste. Lassé de sa demeure bourgeoise et touché de plein fouet par l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center, Thierry Ehrmann décide de tout détruire. Sur place, on retrouve des vestiges de ce choc traumatique : un portrait de Ben Laden et des écrans d’ordinateurs jetés par terre par l’artiste lui-même, le jour de l’attentat. Après avoir longé les murs sombres de la demeure, on arrive devant un portail rouillé qui donne sur une cour. Sur le côté, une inscription blanche semble nous avertir : « Avant d’entrer, oubliez tout ce que vous avez appris ! » Sur la gauche, une nouvelle tête de mort disproportionnée surplombe le cadavre d’un hélicoptère qui semble avoir connu

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la guerre. Devant nous se dresse un amas de tuyaux et de poutres rouillées qui donne un aspect clairement industriel au site. Au-dessus de la structure, des leds éclairent un château d’eau bariolé de graffitis.

Une totale liberté d’interprétation « Vous venez d’arriver ? Dépêchez-vous, on ferme le jardin dans une demi-heure ! » nous crie la gardienne du site. Direction l’arrière de la demeure. On passe devant des conteneurs dans lesquels on entrevoit des télévisions qui diffusent des images saccadées et, plus loin, un téléphone noyé dans la pénombre, teinté de lueurs fluorescentes et verdâtres. Un mur délimite le jardin. La pierre est entièrement recouverte par des visages d’hommes politiques, d’artistes ou de personnalités historiques comme Mère Teresa. Des plaques d’acier rouillées sortent de la pelouse mal entretenue. L’atmosphère est lugubre, silencieuse mais apaisante. On se croirait presque dans un cimetière, hors du temps, et surtout loin de la ville. Rien d’étonnant quand on sait que le propriétaire est fasciné par l’occultisme. On sort du jardin et on retourne dans la cour, devant l’entrée. « Est-ce qu’il serait possible de poser quelques question à Monsieur Thierry Ehrmann ? » Demande-t-on à la gardienne. « Je vous le dis directement : c’est non. Il ne tolère aucune médiatisation. » Un musée facile d’accès où il est même possible de toucher les œuvres, pour un propriétaire qui semble vouloir entretenir l’aspect mystérieux et inaccessible de son rôle d’artiste. La Demeure du Chaos, c’est comme une gifle. À peine l’entrée franchie, on prend de plein fouet des sujets graves, lourds de sens, tant politiques que sociaux, magnifiés par un décor post-apocalyptique. L’entrée est gratuite mais aucune explication n’est apportée sur les œuvres. Libre à chacun de s’y rendre pour se forger sa propre opinion et essayer de déceler les messages de la folie artistique de son créateur.

© Chloé Garcia-Dorrey


© Laura Chèze

« Quelqu’un qui vient chez moi est accueilli dès qu’il franchit la porte » Françoise Besson, fondatrice d’Adèle, réseau de galeries à Lyon. Damien Orsat

Pouvez-vous nous expliquer le projet Adèle ? C’est une association qui tend à démocratiser l’art contemporain en le rendant accessible à tous. Via des visites gratuites, mais aussi avec des médiateurs, on invite les gens à aller dans des lieux artistiques. Il y a des conférences, également gratuites, afin de donner des informations sur les nouveaux modèles alternatifs de diffusions de la culture. On fait venir des intervenants de la France entière qui ont des expériences et des témoignages à partager. Ce sont en tout 31 structures, qui regroupent des musées, des associations, des galeries privées, des galeries associatives... À votre avis, d’où peux venir cette image élitiste que possède l’art contemporain ? La première, c’est qu’on n’est pas forcément bien accueilli lorsqu’on rentre dans une galerie ou un centre d’art, et cela peut rebuter un petit peu le visiteur. Deuxième chose : ces 15 dernières années, on peut dire que le conceptuel a pris le pas sur l’art classique et du coup l’art contemporain a été un peu « hermétique ». Il faut quand même être cultivé, avoir un champ de connaissance assez développé pour accéder à cet art. C’est un travail très intellectuel : cela croise la philosophie, l’anthropologie, la sociologie. Et si on ne s’intéresse pas à ces disciplines, on n’a pas les codes pour comprendre. C’est un milieu assez fermé. Il y a un phénomène de starisation, avec Jeff Koons, Louise Bourgeois, Lucio Fontana ...ce qui a un petit peu empêché l’émergence de nouveaux artistes. Dans les Biennales et autres festivals d’art contemporain, on retrouve très souvent les mêmes artistes. On ne fait pas émerger des gens de la scène du territoire, de la région. A la Biennale, on

n’a quasiment pas d’artiste locaux, alors que ça coûte 20 millions d’euros aux contribuables de la région lyonnaise. Comment votre institution s’y prend pour changer cette image ? Quelqu’un qui vient chez moi est accueilli dès qu’il franchit la porte. Je lui donne un texte et je l’accompagne durant toute l’exposition. L’accès est entièrement gratuit. On met aussi en place des visites avec des écoles. Je forme les instituteurs qui amènent leurs classes. Si on emmène des maternelles dans des galeries, ils seront plus enclins à y aller plus tard. Si les parents ont une pratique culturelle régulière, leurs enfants auront l’habitude de pratiquer. C’est ce qu’on appelle l’éducation du goût et le développement de la culture. Cela se fait dans la famille, mais aussi et surtout à l’école. Avez-vous une approche particulière vis-à-vis des quartiers défavorisés ? J’ai une vraie politique engagée par rapport à ces quartiers. Je travaille avec des associations. L’année dernière, j’en ai accueilli plusieurs qui ont besoin de s’acculturer au milieu de l’art contemporain et des expositions. J’ai de plus en plus d’associations assez engagées qui prennent leurs groupes et viennent, parce que l’accès est gratuit. Ce n’est pas moi qui vient vers les associations, mais l’inverse. Avant, j’en avais une à trois par an, maintenant j’en ai une dizaine. Voyez-vous des résultats concrets ? Oui. L’autre jour, j’ai reçu des adolescents placés en centre d’accueil. Ils ont été témoins d’actes de violence et d’images assez dures. Je leur montre

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certaines œuvres et je leur demande comment ils la reçoivent. Quand ils se lâchent, c’est bouleversant d’émotion. Ce sont des jeunes qui peuvent se réparer par l’art, parce qu’ils ont une sensibilité plus importante que les autres. Certains m’ont demandé de revenir parce que ça leur avait vraiment fait du bien. Je reçois aussi des gens qui n’ont plus de famille. Ils viennent parce qu’ils ont envie de créer du lien social, et l’art les soigne. Cela leur fait une sortie. Il y a vraiment plein de publics et j’essaye de tous les croiser. Je trouve très important d’ouvrir l’art à tous les milieux. Voyez-vous une évolution de l’image élitiste ? Je pense qu’il y a une indéniable démocratisation de la culture, mais il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Il faut développer ce que j’appelle le parent pauvre de l’éducation, qu’est l’éducation artistique. C’est quelque chose à prendre en considération parce que cela a été pendant trop longtemps la dernière roue du carrosse. Il faudrait qu’il y ait, en termes de formation, une généralisation de l’Histoire de l’art, qu’on puisse mettre en place dans les écoles des visites hors-les-murs pour donner envie aux enfants de fréquenter les galeries et les musées. Il faut qu’il y ait un effort dans l’éducation, en termes de pratiques culturelles. Enfin, pourquoi pas envisager des passerelles entre le ministère de la Culture et l’Éducation nationale. Associer une classe avec une galerie par exemple. Il faut pouvoir croiser les champs, et avoir une démarche beaucoup plus transversale et pluridisciplinaire, et ainsi démocratiser l’art dès l’école.


rencontre avec

Nicolas Bianco, pédagogue musical Avec Duos des métiers, l’artiste veut rendre accessible l’art d’opéra. En faisant se rencontrer deux mondes que tout oppose, avec pédagogie. Tanguy Colon

I

l est loin du cliché du musicien d’Opéra, du type en queue de pie, au visage sérieux. Nicolas Bianco, contrebassiste à la cinquantaine passée, est même tout le contraire. Entouré de longs cheveux grisonnants, son visage arbore bien souvent un large sourire. Derrière ses lunettes, un regard pétillant qui se perd quelques fois dans des rêveries dont lui seul connaît les secrets. « Je suis un rêveur, c’est vrai. Mais aussi un travailleur et un « attachiant ». Le mot fait sourire. Pour l’illustrer, Nicolas entre de plain-pied dans son quotidien. Il ne transige pas sur son travail artistique mais garde une certaine souplesse. C’est ce tempérament qui lui permet de mener à bien ses projets. Parmi eux, Duos des métiers, projet qu’il a lancé il y a un an avec l’Opéra de Lyon, après six années de réflexion. Le but ? « Replacer l’art au centre de la cité ». Il fait se rencontrer deux mondes que tout semble opposer : un boucher et un contrebassiste, une coiffeuse et une harpiste, et tant d’autres. En tout, 7 paires ont été formées. « Je choisis l’instrument qui correspond le mieux au métier que je veux éclairer. Plus qu’une simple interaction, le duo «joue» ensemble » ajoute-t-il. C’est pour lui l’une des meilleures façons de rendre la musique d’opéra accessible. « On apprend, on aime découvrir quand on se sent concerné. C’est pour cela que

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j’ai cette volonté d’impliquer des personnes peu familières avec le milieu ».

Un artiste au cœur du réel

Ce désir d’ouverture, Nicolas le plébiscite pour une bonne raison. « On m’a dit un jour qu’être musicien, c’est être en dehors des réalités. Or, pour moi, l’artiste est au cœur du réel, c’est sa matière première » assure-t-il. Tout son travail est ainsi nourri de l’expérience

Tout mon travail artistique est nourri de l’expérience humaine humaine. Le contrebassiste qu’il est s’intéresse aux métiers qui l’entourent. Pour Duos des métiers, il regarde comment travaillent l’ostéopathe, le boulanger, le maçon. S’imprégner de l’ambiance pour retranscrire au mieux le savoir-faire, les émotions dans sa pièce. Le cheminement est similaire au contact des enfants du collège Elsa Triolet (Vénissieux), avec qui il planche aussi sur Duos des métiers. Le rendu, sous forme d’œuvres, servira au générique des duos. « Tout ce travail permet de trouver des vraies réponses à la question : pourquoi l’art à l’école et comment ? » justifie Nicolas. En plus de ce collège, l’artiste s’intéresse, avec sa

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compagnie Diva...gation, à la « France périphérique » en proie à des difficultés pour mener des projets artistiques.

Musique et jardinage Ce côté pédagogue, c’est une grande caractéristique de Nicolas Bianco, louée par les personnes qui travaillent avec lui. Mais c’est surtout quelque chose qu’il tient de sa famille. Notamment de son grand père, René Bianco, grand baryton d’Opéra. Une personne qui l’a marqué durant son enfance à la Croix-Rousse (il y est né en 1963). Lorsqu’il aborde le sujet, la voix se baisse, les bras se resserrent. On entre dans la confidence. « Quand mon grand père était là les dimanches matins, on allait jardiner. Tout en travaillant la terre, il me parlait de musique, de chant. Il cultivait, mais dans tous les sens du terme » raconte-il. Ce savoir qu’il acquiert, il s’en empare pour ne plus le lâcher. Il arrête les Beaux-Arts pour se consacrer au conservatoire. Un passage dans les chœurs de l’Opéra avant une carrière d’artiste de jazz. Puis, en 2007, il arrive à l’Opéra de Lyon, avec plein de projets. « Tout mon travail artistique est nourri de l’expérience humaine ». Une expérience qu’il partage de plusieurs manières, avec des adultes et des enfants. « Comme disait André Malraux, si on veut l’art pour tous, il faut de la pluralité ». Et un peu de pédagogie.


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© Laura Chèze


en route vers l'art

Tanguy Colon

Antoine Decléty

Basile Buron et Gaylor Geugniau ont respectivement 24 et 25 ans. Étudiants à l’IAE Lyon, ils empruntent fréquemment le même trajet les menant du quartier du Vieux Lyon à la place Bellecour, préférant le vélo au métro. Ce choix leur permet de s’intéresser ça et là à l’art qui peut les entourer. Populart a repris cet itinéraire avec eux pour avoir leur ressenti puis s’est penché plus précisément, via une carte, sur les œuvres qui le composaient. elle semble indomptable et plongée dans la Saône. Une sorte de sauveur impossible à bouger...

La statue se trouve en plus juste en face de la cour d’appel, un bâtiment bien conservateur.

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C’est marrant ces échafaudages sur les quais, on dirait un nid en bois.

Même si elle est techniquement incroyable, J’ai du mal à considérer la fontaine comme de l’art. Puis la place en pavés modernes jure un peu avec le reste.

La place me fait penser à l’architecture parisienne mais là c’est trop compliqué pour rien. je préfère la simplicité, les bâtiments modernes aux alentours sont assez moches en plus. Place des Célestins

Place des Jacobins

La place est vraiment moche. Volontairement vide j’imagine mais la place est goudronnée ce qui rend son sol vraiment laid. Seuls la statue de Louis XIV sur la place, l’office du tourisme et l’autre bâtiment, qui me fait étonnamment penser au petit Trianon de Versailles, relèvent le niveau.

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Ce sont des sculptures assez modernes et je me reconnais plus dans ce genre de lieux. Car ici, sur la place, tout est fait pour mettre en avant le théâtre.


en route vers l'art « The Weight of Oneself » Haute de 2,7 m, cette représentation sous forme de nu a été créée par les artistes danois Elmgreen & Dragset. Inaugurée en 2013, cette sculpture d’une dimension philosophique pousse l’observateur à réfléchir sur la portée symbolique de l’œuvre. L’homme vient-il de se tirer des flots se sauvant ainsi de la noyade ? Une hypothèse renforcée par les visages des deux protagonistes qui s’avèrent être identiques. Située face au tribunal, elle met l’Homme face à ses responsabilités civiques et individuelles débattues quotidiennement au Palais de Justice.

Place Bellecour Champ abandonné sous l’époque romaine, vignes au Moyen Âge puis camp d’artillerie à la Renaissance, la place Bellecour a eu plusieurs visages. C’est en 1604, sous Henri IV, qu’elle devient la plus grande place piétonne d’Europe avec ses 62 000 m en terre rouge. Les façades des immeubles entourant la place doivent leur existence à Napoléon Bonaparte. Au centre, trône la statue équestre de Louis XIV. Détruite une première fois sous la Révolution, elle est de nouveau érigée en 1825 par François-Frédéric Lemot. Elle montre le Roi Soleil chevauchant sans selle ni étrier, ce qui lui donne une stature symbolique, en référence à Jules César. De chaque côté du socle, des bas-reliefs représentent le Rhône et la Saône.

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Place des Jacobins Depuis sa création au XVIe siècle, la place a porté bon nombre de noms. Mais c’est en 1871, après la chute du Second Empire que « Jacobins » est définitivement adopté en raison d’un ancien couvent éponyme. Souhaitant doter la place d’un monument, la mairie lance un concours en 1878 remporté par Gaspard André, pour la réalisation d’une fontaine, et à Degeorges, pour quatre statues. Construites à Paris, elles représentent les artistes lyonnais Hippolyte Flandrin, Gérard Audran, Guillaume Coustou et Philibert Delorme.

© A. Decléty / T. Colon

Place des Célestins Ancien terrain abritant un couvent d’un ordre monastique appelé « les Célestins », la place a vu naître en 1792 un théâtre d’art dramatique. Complètement détruit lors un incendie huit ans après, il est reconstruit par Gaspard André en 1885. Il est orné de nombreuses sculptures, actrices en toge, têtes de lions ou encore masques. Au milieu de la place, se trouve un periscope. Cette oeuvre, intitulée « Sans dessus dessous » a été réalisée par Daniel Buren en 1994. À travers la visière, un miroir permet de refléter l’activité du parking souterrain.

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© Christian Ganet

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RENCONTRE AVEC

Patrick Penot, le théâtre à contresens

Ancien co-directeur du théâtre des Célestins, Patrick Penot s’active aujourd’hui sur sa création : le festival de théâtre international, Sens Interdits. Portrait sur cet homme originaire du Forez et artistiquement polyvalent

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a vie de Patrick Penot ne s’est pas cantonnée à rester dans la Métropole lyonnaise. En effet, voyageur dans l’âme, le natif de la région de Saint-Etienne a travaillé consécutivement en Pologne, où il est devenu directeur de l’Institut Français, en Italie, en Autriche et en Grèce. Ces voyages lui ont forgé un caractère polyvalent et ouvert sur le monde. C’est cette ouverture internationale qu’il tente d’instaurer dans son théâtre aujourd’hui, notamment dans son festival : Sens Interdits. Le but de cette (man)œuvre ? Mettre en scène la vie de citoyens vivant dans d’autres régions du globe pour montrer au monde ce qu’il se passe en Colombie, en Afrique, en Russie, etc ... Cela a un sens très fort pour lui : « C’est un festival qui a plusieurs directions mais qui a aussi un objectif, c’est prendre des chemins qui ne sont pas habituels, voire... interdits. » Il évoque haut et fort que ce festival le reflète et qu’il « est né par absolue nécessité ». Bien qu’il ait pris sa retraite aux Célestins il y a maintenant 4 ans, le Forézien reste un homme actif et, surtout, engagé comme personne. Sa volonté de voir chaque année une thématique différente durant son festival par rapport à un pays est inébranlable. Il veut montrer aux amateurs de théâtre que ce dernier n’est pas qu’un divertissement : il peut aussi être un acte de rébellion et de résistance afin de protester. Il n’y a d’ailleurs mieux que lui pour en parler : « La particularité de ce festival, c’est qu’il est le seul à faire du théâtre engagé, politique au sens noble du terme, et pas du tout idéologiste. C’est un théâtre citoyen. Son nom d’origine devait d’ailleurs être : festival du théâtre de nécessité, car les artistes invités ne peuvent mettre en scène que des problématiques se passant dans leur pays, ainsi que leur vécu ». C’est à cette seule condition qu’il leur permet de performer sur sa scène. Le théâtre de rue pour attirer un public plus large Vous ne trouverez pas plus tolérant que Patrick Penot. Cette particularité lui vient de ses voyages mais aussi de son éducation. C’est dans cette optique que le désormais Lyonnais

apporte une grande importance au théâtre de rue, car pour lui « le théâtre ne se joue pas uniquement dans les grands lieux ». Cette initiative a un autre but : permettre aux personnes qui n’ont pas l’habitude d’aller dans des salles, de pouvoir connaître cet art. Tout en dépoussiérant cette image du théâtre classique français, orné de sièges en velours rouge et de dorures, qui ne semble réservé qu’à une certaine élite. Cela n’a d’ailleurs aucun sens pour lui car « ces artistes-là (de rue, ndlr) parlent d’eux-mêmes mais également de vous, de nous tous. Ce qu’ils transmettent est réel et nous touche tous personnellement. » « Impossible que le théâtre soit élitiste en 2017 » Extrêmement fier de sa création, le directeur artistique ne compte pas s’arrêter la. Il est persuadé que le théâtre de nécessité est capable de perdurer et de toucher toutes les classes sociales. Pour lui, en 2017, il est impossible que le théâtre soit resté élitiste : « Ce festival n’a pas d’équivalent, il y a une volonté de rajeunissement du public, et c’est un théâtre que chacun doit percevoir comme le sien, tout habitant doit pouvoir trouver entre 3 ou 5 spectacles par an qui lui conviennent ». Changer le théâtre, le populariser, casser les clichés, il est convaincu de pouvoir y parvenir. Il souhaite élargir le public du théâtre pour que cela subsiste durant plusieurs générations. « Il faut amener les jeunes au théâtre ! » assène-t-il par ailleurs. En France, seulement 4 à 6 % de la population française se rend au théâtre a minima une fois par an. Pour ce romantique, le théâtre reste l’art le plus fort pour parler de la santé culturelle du monde « les images à la télé c’est habituel, ça devient lassant, le théâtre, lui, est humain, créatif et réaliste ». Pour lui, les piliers fondamentaux de son festival sont sans aucun doute : la tolérance, l’ouverture d’esprit, la curiosité, l’égalité homme-femme et la laïcité. Des valeurs qu’il compte bien transmettre jusqu’à sa toute dernière représentation.

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Mathilde Riboulleau


ARTECO L’ART À TOUT PRIX

ans une grande salle aux murs rouges, trente personnes sont réparties sur plusieurs rangées de chaises. Toutes regardent les écrans disposés en hauteur où est affichée une image d’une ceinture en or. Sur la scène en forme de loge, quatre personnes au visage grave leurs font face. Parmi eux, un homme agitant ses bras et débitant des sommes de plus en plus folles, le commissaire-priseur. Son regard se pose sur celui d’un autre homme qui, après avoir réfléchi un court instant, hoche lentement la tête en signe d’acquies-

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payante qui verra l’une des trois protagonistes l’emporter après avoir doublé son prix d’origine : « Une petite folie pour noël ça ne fait de mal à personne » justifiera-t-elle, sous le regard bienveillant du commissaire-priseur. Une fois l’enchère remportée, la nouvelle acquéreuse doit présenter une pièce d’identité et peut régler la vente soit par carte bancaire soit par chèque. Un autre acteur joue un rôle important, l’antiquaire. Discret pendant les enchères, il se positionne sur chaque vente ne dépassant jamais ses limites. Pas de folies,

cement. Aussitôt l’officier ministériel clame : « 2 700 pour monsieur ! Adjugé vendu ! » tout en martelant dans un grand et tonitruant « BAM » son marteau en bois sur un socle.

mais un choix stratégique. Acteur incontournable du marché de l’art, il attire un public de passionné, souvent très âgé : les collectionneurs. Trouver, démarcher et restaurer sont ses trois principales missions. Jérôme est antiquaire à Lyon, dans son magasin, situé aux abords de la place Bellecour, des armoires, des tables et des tableaux sont exposés. Ces pièces, venues de différents siècles, restent en moyenne un an en exposition. Une situation qui l’oblige à être doté d’un carnet d’adresses bien fourni où fidéliser et établir un lien de confiance avec son client. Si aujourd’hui, la présence d’Internet est venue bouleverser la relation entre vendeur et client, elle a permis d’établir un lien plus fort avec les acheteurs étrangers. « Forcément ça change notre approche, mais ce n’est pas plus mal que ça. On fait un métier en sursis qui doit se renouveler ». Un atout pour Jérôme dans un monde toujours un peu plus ouvert sur l’art.

© Maxence CUENOT

Maxence Cuenot

On a souvent tendance à considérer le marché de l’art comme élitiste et réservé aux personnes fortunées. Pourtant, à l’image des antiquaires ou encore des ventes aux enchères.

Démocratiser l’art par les ventes aux enchères Cette scène de vente aux enchères publiques s’est déroulée jeudi 23 novembre dernier au Crédit Municipal du troisième arrondissement de Lyon. D’une durée de 3h45, elle a permis de vendre les 395 lots à des prix allant de 1 à 2 700 €. Les acheteurs ? Des curieux, des habitués et des collectionneurs. Chacun est présent pour satisfaire son propre besoin. Si certains sont en quête de bonnes affaires, d’autres se positionnent sur des objets plus spécifiques. C’est le cas de trois femmes qui se disputent une broche en diamant en augmentant déraisonnablement les enchères. Une tactique

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Galeriste à Lyon, unE VRAIE galère... Depuis treize ans, la galerie d’art éponyme de Françoise Besson se dresse sur les pentes de la Croix-Rousse. Sans la moindre exposition touristique, la galeriste a su tracer son chemin, non sans difficulté, pour s’imposer sur le marché lyonnais. œuvres à mon boucher, à ma boulangère, à des gens qui ne sont pas forcément collectionneurs, mais qui s’investissent, se passionnent », explique-t-elle. Une situation qui lui sied, mais qui a provoqué des tensions et des rejets avec la bourgeoisie locale. Convaincue du potentiel artistique de la ville, Françoise Besson est déçue par « le copinage » qu’entretiennent certains musées et organismes lyonnais, comme la biennale. Une perspective collatérale qui pousse les artistes locaux et « les petits commerces » à mettre la clé sous la porte, alors qu’ils considèrent Lyon comme « une grande capitale de l’art ». Pour contrer cette influence, la présidente du © Laura CHÈZE

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u 20 octobre au 9 décembre, la galerie accueillait une dizaine d’œuvres de Marie Anita Gaube, un pur produit de la formation des Beaux-Arts lyonnais. Ses peintures d’art contemporain, restituant un mélange de tension entre l’Homme et son univers, portent un regard critique sur le monde qui nous entoure à travers petits et grands formats, composés de couleurs vives. Artiste confirmée à fort succès, Marie Anita Gaube a choisi d’exposer chez celle qui l’a révélée en 2015. Un partenariat qui remplit sa mission, grâce à Françoise Besson. Installée depuis 2004, la galeriste a dû batailler, non sans difficulté, pour s’imposer sur le marché lyonnais. Souhaitant démocratiser l’art, l’ancienne maître de conférences s’est constituée un réseau © Maxence CUENOT composé tout aussi bien d’amateurs que de professionnels. « J’ai vendu des

réseau Adèle s’est tournée vers l’international : « J’ai des collectionneurs ou des gens qui m’achètent des œuvres depuis la Belgique, la Chine et dernièrement, il y a eu des représentants dumusée de la Slovénie, de la Havane, de Sao Paulo et même la fondation Qatar. C’est fou, mais c’est agréable ! », se réjouit-elle. Un marché en pleine expansion qui lui permet de réaliser la moitié de ses bénéfices et de faire un pied de nez à ses détracteurs.

La Suisse, plaque tournante Troisième trafic mondial après les armes et la drogue, le commerce illégal d’œuvres d’art est un fléau de plus en plus répandu. Si l’Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels (OCBC) est l’autorité chargée de contrer ces trafics, les services douaniers sont également confrontés au problème: « Ce n’est pas notre mission première, mais nous devons rester vigilants et éveillés face à ses trafics illicites, explique le service français. Il faut savoir que Lyon est géographiquement un carrefour stratégique en termes de flux migratoires et commerciaux, de par sa proximité avec la Suisse, considérée comme le plus grand marché d’art clandestin, avec l’Italie et l’Allemagne. » Si le commerce clandestin d’art perdure, les douaniers constatent une recrudescence d’œuvres provenant de Syrie, mis au marché par l’État Islamique. Dotées d’une forte valeur, ces pièces archéologiques sont très prisées par les collectionneurs qui n’hésitent plus à contourner la législation mondiale.

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art et connaissances Écoles d’art : sont-elles réservées à une élite ? © Jusa

Brice Cheneval

Entre une concurrence exacerbée dans le public et des prix considérables dans le privé, les écoles s’art sont inaccessibles pour bon nombre d’étudiants. De leur côté, les établissements repoussent l’idée d’élitisme et affirment être ouverts à tous les profils.

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yon et l’art entretiennent un lien étroit. Il suffit de recenser le nombre d’écoles spécialisées pour s’en rendre compte. La capitale des Gaules en compte 22 (16 privées et 6 publiques), auxquelles s’ajoutent sept autres en périphérie, à Villeurbanne, Vaulx-en-Velin et Bron. Certes, ce total est très loin de Paris et ses 120 écoles d’art, mais c’est plus que toutes les autres villes françaises. À titre comparatif, Bordeaux en possède huit, Toulouse et Nice neuf, et Marseille huit. À Lyon, de nombreux arts sont étudiés. Tout ce qui a trait au design occupe une place importante, mais il ne faut pas occulter la musique et le son, le cirque, la photographie, l’architecture, la mode ou encore le cinéma. A priori, ce large panel de possibilités a de quoi satisfaire les jeunes artistes en devenir. Il existe toutefois un obstacle de taille : le prix. Pour une année scolaire, les coûts d’inscription varient de 5000 à 9000 euros, avec une tendance plutôt comprise entre 6000 et 8000 euros. « Beaucoup ne font pas d’école d’art à cause de cela. J’avais une amie qui était obligée de prendre une bourse mais ça n’était pas suffisant, donc elle a dû arrêter », explique Tessy, étudiante en Concept Artist à Bellecour école. Aux frais d’inscription s’ajoutent en plus le coût des fournitures. « Il faut compter 200 à 300 euros pour la première année puis 80 euros pour les suivantes », indique Tessy. Outre le prix, l’autre difficulté majeure réside dans la concurrence. Une donnée surtout valable dans les établissements publics. À l’école nationale des Beaux-Arts (ENSBA), la plus réputée de Lyon, seuls 75 élèves sont acceptés en première année sur les

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quelque 800 candidats de départ, soit moins d’un élève sur dix !

« En se formant seul, c’est plus difficile » Rebuté par ces obstacles, Yves Durif a préféré suivre son propre chemin. Après avoir réalisé une mise à niveau en arts appliqués et un BTS design graphique médias numériques au lycée, il s’est dirigé vers une licence pro en techniques et activités de l’image et du son. Si son parcours est indéniablement artistique, il n’est cependant jamais passé par une école d’art à proprement dit. Âgé de 23 ans, Yves Durif exerce actuellement une activité de motion designer en freelance. Surtout, il espère percer en tant qu’illustrateur. Pour cela, il réalise quelques dessins, sous le nom de JUSA, et tente de faire connaître son travail. Selon lui, un artiste autodidacte possède l’avantage d’avoir « un style plus frais par rapport à ce qui se fait habituellement dans le milieu ». Toutefois, il reconnaît que les écoles d’art offrent davantage de garanties : « En se formant seul, c’est plus difficile de se faire un nom. Il faut faire beaucoup d’expositions et d’évènements culturels, rencontrer des personnes... Il y a un manque de contact évident par rapport à ceux qui sortent des écoles et ont déjà leur réseau. » Autre point non négligeable souligné par Yves Durif : l’importance du style. « Mes illustrations sont très « moyenâgeuses » et assez sombres dans l’ensemble, explique-t-il. Cela me ferme certaines portes parce que les maisons d’illustration sont méfiantes au premier abord. À l’inverse, les diplômés sortent du


3 questions à ... Cécile Richard, responsable de l’action culturelle du Conservatoire à Rayonnement Régional de Lyon Beaucoup de gens ont gardé l’image très rigide des écoles de musique et conservatoires. D’où cela vient-il ? Pendant longtemps, la musique était institutionnalisée, les musiciens avaient un rôle défini : ils étaient formés au service du pouvoir religieux, ou royal, puis républicain. C’est vrai que ce système était très élitiste. C’est de là que vient cette image. Ce qui est regrettable, c’est qu’elle en soit restée là alors que ça a changé dans les années 80, grâce à Jack Lang. A ce moment-là on a commencé à s’intéresser à la pratique amateure pour le plaisir, et pas seulement à la formation de musiciens professionnels. On a compris que la pratique musicale pouvait être un formidable vecteur de culture, de lien social. Comment le Conservatoire participe à la démocratisation de la musique classique, aujourd’hui ? Le Conservatoire a 35 intervenants à temps plein, dans les écoles de la région. Les élèves ont donc de la musique toute l’année, enseignée par des gens dont c’est le métier de s’adresser à eux. Ensuite, il y a 2500 élèves au sein du Conservatoire ! On a des tarifs basés sur le quotient familial, des classes pour les petits, où ils peuvent découvrir les instruments ... Aussi, beaucoup de partenariats avec des établissements : nos élèves jouent dans les maisons de retraites ou dans les quartiers en difficulté par exemple.

© Chloé Garcia

Que faites vous pour ce public parfois éloigné de la musique classique ? On va notamment dans le 8ème arrondissement et à la Duchère. Il y a un intervenant entièrement dédié au quartier, qui va dans les écoles mais pas seulement. Il a créé une chorale d’adultes qui chante un répertoire éclectique, il y a aussi un atelier d’écriture de chanson pour adolescents. Il ne peut y avoir une solution miracle, cela passe par une multitude d’actions par lesquelles pour prendre le problème par tous les bouts.

moule de l’école, qui est adapté aux demandes du marché, et il est plus facile pour eux de s’intégrer dans le milieu. »

Un milieu en plein développement Directrice pédagogique du pôle Design de Bellecour école, Cécile Scesa-Blanché pointe une autre difficulté rencontrée par les autodidactes. « Ils n’ont pas ce recul sur leur travail que leur apporte l’école, à travers la confrontation avec des camarades et des professionnels », expose-t-elle. Actuellement, la quasi-totalité des artistes lyonnais sont issus d’une école d’art. Et pour cause : le secteur artistique est en plein développement depuis plusieurs années, ce qui entraîne une professionnalisation de plus en

plus importante. Raison pour laquelle les entreprises privilégient un jeune artiste formé aux exigences du milieu plutôt qu’un autodidacte, qui apportera moins de garanties.

La motivation, premier critère de sélection Pour devenir artiste, le choix le plus sûr serait donc de passer par une école. Reste que ces dernières sont inaccessibles pour de nombreux étudiants. De leur côté, les établissements réfutent l’idée que seule une élite peut y entrer. Concernant le prix, Cécile Scesa-Blanché estime qu’il ne s’agit pas un problème rédhibitoire. « Nous avons énormément de profils différents: des étudiants issus de familles aisées, mais aussi ceux dont les parents se saignent

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pour payer leur scolarité. Nous avons aussi beaucoup d’élèves qui bénéficient de bourses ou travaillent à côté de leur cursus », indique-t-elle. Quant à la concurrence, Emmanuel Tibloux, directeur de l’ENSBA, affirme qu’elle ne se joue pas sur le niveau des élèves : « L’habileté technique n’est pas notre premier critère de sélection. Ce qui fait la différence, c’est la singularité de la personne, sa motivation et l’engagement qu’il a dans la pratique artistique. » Les écoles se veulent ouvertes à tous, sans distinction de niveau. « Ce serait idiot de se limiter seulement aux meilleurs, parce que ça freinerait la créativité que tout le monde peut apporter », conclue Cécile Scesa-Blanché. Une position éloignée de l’idée élitiste, bien que la réalité tende à montrer l’inverse.


ŠPopu

lart

I N I T I A T I V E S

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Taverne Gutenberg : l’art pour tous Café-galerie et résidence artistique, la Taverne Gutenberg est un lieu de diffusion artistique où le public côtoie les artistes. Créé en janvier 2016, l’établissement a accueilli 30 000 visiteurs et 400 artistes en résidence. Pour ses Mathilde Riboulleau deux créateurs, Maïa d’Aboville et Henri Lamy, l’art doit être accessible au plus grand nombre.

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ichée au 5 rue de l’Épée, à deux pas du quartier Guillotière, la Taverne Gutenberg attire d’abord l’attention par sa façade entièrement recouverte d’un immense graffiti, signé Birdy Kids (un collectif de street art lyonnais). Au rez-de-chaussée, on entre par le bar. Les murs clairs sont remplis de tableaux et d’oeuvres en tout genre. Quant au plafond, il sert également de support à la créativité des artistes. La Taverne Gutenberg est une association créée en septembre 2015, qui compte aujourd’hui 18 000 adhérents. Face au succès des premières expositions éphémères qu’elle organise, elle ouvre définitivement ses portes début 2016. Des expositions collectives voient le jour. L’objectif : donner une visibilité à de jeunes artistes qui n’ont pas la chance d’exposer. Au deuxième étage, ils se partagent des ateliers pour y travailler mais aussi recevoir le public pour discuter et expliquer leur démarche. « Il s’agit de démystifier l’artiste, de montrer que ce n’est pas quelqu’un d’inaccessible », explique Romain Weber, chargé de programmation. La Taverne Gutenberg rend l’art accessible, d’une part en permettant à un public de découvrir un milieu artistique et culturel auquel il n’est pas habitué, et d’autre part, en donnant une chance aux jeunes artistes d’exposer pour la première fois.

La Taverne Gutenberg propose à des artistes plusieurs ateliers, durant une période de trois à six mois. A ce titre, elle leur permet de participer à des temps de création, une insertion au sein d’une communauté, une visibilité auprès du public lors des vernissages, et l’accès à un réseau national et international. Le public est libre, les ateliers sont ouverts et on peut découvrir les œuvres à travers une rencontre. « Un des objectifs de la Taverne serait de créer en février le premier centre de résidence artistique à Lyon. L’idée est de casser les barrières qu’il y a dans les galeries ou les musées », affirme Romain Weber. La Taverne popularise donc l’art en le rendant «atteignable». Cela crée un rapprochement, une égalité entre l’artiste et le public. En ce moment même, l’association accueille 6 artistes. Illustrations, peinture, tissage, street art ou encore photographie à l’ancienne se mêlent.

Un lieu pluridisciplinaire pour tous À ses débuts, la Taverne Gutenberg touchait plutôt les jeunes, mais elle a évolué et propose de plus en plus d’activités pour tous les âges et les milieux. L’objectif des bénévoles est de proposer des nouvelles visions sur

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l’art et nouvelles manières de créer. La Taverne est située dans un quartier «difficile» et dépourvue de lieux culturels. Elle ouvre donc ses portes à des jeunes du quartier et de Lyon grâce à un programme pédagogique de médiation culturelle. L’objectif est d’éveiller la curiosité et de faire découvrir d’autres cultures et pratiques permettant au public d’être acteur créatif au quotidien. Elle essaie également d’attirer de plus en plus de personnes âgées pour développer une approche autant sociale que culturelle. La Taverne Gutenberg travaille aussi pour les enfants avec des associations du quartier telles que Awal ou Terre d’encrages. Récemment, l’association a créé des ateliers et workshop, dédiés principalement aux familles, en compagnie des artistes toutes les semaines. Mais l’on peut aussi pousser la porte de la Taverne pour boire un café autour de l’ancien bar des années 60. Le lieu culturel propose des spectacles vivants, du théâtre, des concerts, des projections, des conférences, des expositions, des ventes d’illustrations au profit des réfugiés, etc... En deux ans, la Taverne à réalisé des partenariats avec les Nuits Sonores ou encore la Ville de Lyon, le Mirage festival ou la Salopette. Un lieu qui n’a pas fini de faire vivre la création et la culture à Lyon.


POPUL'end Fourvière expose le street-art Laura Chèze

Depuis le 11 novembre, les street-artistes lyonnais de Birdy Kids se sont introduits, avec la bénédiction du musée d’art religieux de Fourvière, au sein de leurs murs pour monter de toute pièce l’exposition Watching You. Aucun thème n’était imposé à la vingtaine d’artistes qui ont répondu présents à l’appel. Pendant trois mois, les œuvres resteront exposées en accès libre. Le grand public pourra découvrir de larges peintures, tantôt cassant les codes, comme cette représentation de la Vierge tenant dans ses bras une bombe de peinture (cf photo), tantôt amenant un nouveau souffle à la religion à travers une représentation toute en couleurs. De quoi surprendre les habitués du musée.

DAY 2 DAY : une galerie d’art virtuelle à la portée de tous Day2DAY Gallery est une galerie d’art virtuelle basée à Lyon, qui a pour but de populariser l’art etle rendre accessible à tous. Virtuelle, C’est-à-dire qui s’appuie sur une plateforme de vente enligne proposant des œuvres à prix relativement doux pour ce monde ou les prix grimpent un peu haut parfois. L’objectif ? Que tout un chacun puisse s’offrir une œuvre d’art quand ille souhaite.

Mathilde Riboulleau

Son fondateur, Nicolas Grousset est un passionné d’art. Auto entrepreneur, diplômé et passionné d’art, il a fréquenté des galeries durant une grande partie de sa vie. Mais, comme il l’explique : «Je voulais sortir des clichés selon lesquels l’art n’est accessible qu’à une élite. Ce qui pendant longtemps a été vrai, mais cette idée tend à changer ». Il décide alors de créer Day2Day gallery avec pour souhait de permettre à tout le monde d’acheter etde découvrir des artistes principalement locaux. La plateforme expose le travail d’une dizaine d’artiste chaque année, sélectionné par NicolasGrousset lui-même.

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Je voulais sortir des clichés selon lesquels l’art n’est accessible qu’à une élite


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Les expos à la maison : interview Manon Remacle

C’est le nombre de street-artistes qui ont participé à l’exposition watching you

Les expos à la maison, c’est une entreprise qui propose de transformer un appartement en véritable galerie d’art lors d’un évènement particulier. Le but : rendre l’art accessible à tous. Thibault Chazal, un des fondateurs, a répondu aux questions de Populart. Pourquoi les expos à la maison ? Il est très compliqué pour les artistes de trouver des galeries, car très souvent elles sont trop chères. Sellah Alidor, la créatrice, a eu l’idée un jour d’utiliser sa propre maison pour exposer ses œuvres. Cela a énormément plu aux artistes, et ils l’ont rappelé pour tenter de nouveau l’expérience. Les expos à la maison sont nées dès ce moment-là. Comment ça marche ? On a un catalogue d’artistes qui sont d’accord pour exposer leurs œuvres chez des particuliers. Ou alors ils peuvent directement s’inscrire eux-mêmes. Les expos à la maison, c’est comme de la vente privée… mais à domicile, en faisant des expositions éphémères. Une de nos principales conditions : que l’artiste soit présent lors de l’évènement. Le but est pour lui de vendre ses œuvres, et pour l’hôte d’avoir accès plus facilement à l’art. Dans l’évolution des expos à la maison, on a décidé de proposer aux entreprises l’organisation d’évènements artistiques, pendant une semaine ou même un mois entier. Voulez-vous, à travers cette démarche, populariser l’art ?

Le jeune homme choisi des artistes peu connus mais qui l’inspirent. Tout type d’art peut être représenté, sans distinction. Une fois par mois, l’undes artistes présents sur le site, est exposé dansun lieu différent dela capitale des Gaules. Tout au long de l’année, Nicolas Grousset organise aussi des ateliers afin de tisser un lien réel entre le public et l’artiste. Une manière pour les novices de mieux comprendre l’art.

Exactement. On a une double mission. A la fois de permettre aux artistes de vivre de leur travail, et à l’art d’être plus présent dans notre quotidien. C’est-à-dire chez nous, dans notre maison ou notre lieu de travail, là où on passe le plus de temps. Le but est de créer de nouveaux lieux de démonstration de l’art, sortir des milieux qui peuvent être un peu froids et distants pour certaines personnes qui n’ont pas l’habitude d’aller en galerie ou en vernissage. Le but aussi est de discuter avec un artiste, ce qui rend l’exposition beaucoup plus chaleureuse. Trouvez-vous que l’art est élitiste aujourd’hui ? C’est un constat de base, je pense que peu de personnes pensent le contraire. L’art est issu de l’aristocratie, et je trouve que cela a peu évolué depuis. Le seul art qui a réussi à sortir de cette image c’est le street art. C’est justement parce qu’on l’a fait sortir de ces lieux très privilégiés, très élitistes et fermés.

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Propos recueillis par Manon Remacle


L’Opéra s’invite dans les prisons

FLOP

L’Opéra de Lyon, en plus de s’investir auprès de l’école des Minguettes, s’est rapproché du milieu carcéral depuis 2005. Un partenariat entre l’Opéra et la maison d’arrêt de Corbas a été signé en 2011, actant une collaboration qui donnera vie à de nombreux projets. Depuis 4 ans, deux concerts par an sont organisés à Saint-Quentin-Fallavier par l’Opéra de Lyon. Ce dernier a aussi fait savoir qu’il pouvait recevoir des personnes pour la réalisation de leur peine de Travaux d’intérêt général.

TCL se renouvelle Depuis quelques années et avec la numérisation du réseau, les TCL disposent d’écran sur lesquels de l’information est délivrée. Les dirigeants ont donc eu la bonne idée de proposer régulièrement des événements liés aux arts, quels qu’ils soient. Une initiative qui joue avec notre inconscient et qui donne envie aux utilisateurs d’aller visiter les lieux présentés. Et vu le nombre de Rhodaniens qui prennent les bus, trams ou métros chaque jour, ça donne une idée de l’influence que peuvent avoir les TCL.

RIDEAU SUR LES VACANCES SCOLAIRES Les vacances scolaires, toujours le bon moment pour sortir et pourquoi pas changer ses habitudes, comme par exemple aller au théâtre ou à un spectacle de danse ! Oui... mais non. En effet, les salles de spectacles sont elles aussi en vacances durant ces périodes de l’année. Incroyable, quand on se dit que c’est certainement là qu’elles pourraient générer leurs plus fortes affluences. Et surtout donner du plaisir aux spectateurs qui cherchaient autre chose qu’aller au cinéma.

Superposition : l’art de rue (re)visité

le jeudi gratuit : la fausse bonne idee Proposer un jour gratuit par semaine pour aller dans un musée ? Mais quelle bonne idée ! Attendez, un jeudi ? Mais pourquoi donc ce jour-là ? C’est pourtant la mesure qu’ont décidé de prendre la majorité des sites lyonnais. Une initiative qui plaît très certainement aux retraités voire aux quelques touristes ... mais c’est à peu près tout. Pour les enfants, à l’école et les parents, au travail, compliqué de trouver un moment pour en profiter. Il faudra pour ça attendre les vacances ...

Lancé depuis maintenant un an et demi, l’artiste propose à des grapheurs de venir taguer une rue entière de Lyon pendant quelques jours. Les visiteurs peuvent donc venir observer ces artistes produire leur œuvre en direct. La prochaine étape serait de consacrer une artère à tous les citoyens qui voudraient s’y essayer, comme cela se fait à Melbourne par exemple.

Pass’Région : Pour tout le monde !... sauf toi, et toi, et toi ...

Le remplaçant de la Carte M’Ra déçoit : il est réservé aux 1625 ans, aux lycéens, aux apprentis, aux étudiants en BTS, à ceux en formation à distance, sociales ou sanitaires, ainsi qu’aux missions locales. Côté culture, seul un concert par an (30 € de crédit spectacles), un seul livre (8 € de crédit), un an d’accès à un site de streaming dont le catalogue laisse perplexe... En bref, payez votre place aux Reperkusounds avec, puis jetez-le

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