BLISTER magazine SPE ISCPA 2018

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BLISTER Le papier du futur

SOUS L’EMBALLAGE

UN HOMME NOUVEAU ÉTERNEL DEMAIN SOLDAT CYBORG TOUS PIRATES ROBOTS SEXUELS SPORT & DATA

Numéro 1 Mars 2018


Edito Vous auriez du Scotch ?! Blister. L’attrait du neuf. Qu’y a-t-il réellement à l’intérieur ? Malgré la transparence de l’emballage, on ne sait jamais à quoi l’on a vraiment affaire. Jusqu’au moment où l’on ouvre, palpe, goûte, expérimente ce qui nous tombe entre les doigts. Déballons ensemble une ère riche de promesses, d’innovations... ou de désillusions. Il faut le dire : se rassurer sur notre avenir, c’est s’accrocher à des utopies, au risque de perdre pied. Alors on pose notre espoir sur la moindre chose qui émerge des cerveaux bouillants de nouveauté. L’Homme nouveau, oui ! L’Homme nouveau sans dérive, on signe aussi. Ça y est, on déchire le blister. Enivrés par le parfum du neuf, on en aurait oublié ce qui précède toute nouveauté. J’ai nommé l’être humain - et ses péchés. Il nous présente une société où le sport est chiffré, le corps métallisé, la machine plus intime que jamais et le sexe déshumanisé. La suite se picore comme la cuisine de demain, l’Univers à portée de main. Avant de décoller, on referait bien un tour en Corvette pour explorer la ville intelligente que l’on nous vend sur des totems de publicité à 360°. Et puis on fait le point sur les prédictions de nos fictions favorites et des savants les plus fous. On remettrait bien un coup de blister, direction le S.A.V. “Non remboursable”. Bon. On va bien finir par (s’)apprivoiser. Anaïs GNINGUE

Directrice de publication : Isabelle Dumas Directeur de rédaction : Raphaël Ruffier, Claire Pourprix, Olivier Vassé Rédactrice en chef : Anaïs Gingue Graphisme/Maquette : Simon Pernin, Quentin Girardon, Antoine Decléty, Guillaume Drevet Rédacteurs : Laura Chèze, Hugo Cléchet, Maxence Cuenot, Brice Cheneval, Charles Vuillermin, Baptiste Noble-Werner, Marine-Sophie Brudon, Geoffrey Helly d’Angelin, Guillaume Bouchut, Guillaume Drevet, Antoine Decléty, Simon Pernin, Quentin Girardon, Ruben Zadel Illustrations Une et dossiers : Baptiste Noble-Werner

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SOMMAIRE

P.6-15 QUOI DE NEUF DANS LE MONDE ?

CORÉE

ÉTHIOPIE

ISLANDE

P. 8

P. 9

P. 6 / 7

P.56-63

JAPON

Poupées et robots sexuels : l'amour plastique

P. 10 ¨ ISRAEL P. 15

DUBAI¨

USA P. 12

COSTA RICA

P. 11

Envie

P. 13

UE P. 14

P.16-31

Au Cours La Passerelle, un modèle controversé

GOURMANDISE

PARESSE

Pour ou contre la robotique ?

LUXURE

P.64-71

AVARICE

Publicité : l'innovation pousse à la

P.106 -107

consommation

P.32-43

P.72-91

La modernité au service de la cuisine P.44-55

ORGUEIL Tout le monde peut devenir hackeur

P.92-105

Quand la fiction projette le monde de demain

COLERE

Aujourd'hui Vu du XXe siècle


Pyeongchang Une Corée à deux...

... et des robots skieurs

Le défilé commun entre les deux Corées restera l’image marquante de ces JO. Photo Pool / KMSP / DPPI

Comme des athlètes, les robots ont descendu la pente d'un slalom géant.

Les 23e Jeux Olympiques d’hiver, organisés à Pyeongchang, ont été le théâtre d’une belle démonstration de paix entre les deux Corées. Une nouvelle preuve que le sport est un élément incontournable dans une désescalade des tensions entre deux pays toujours en guerre.

En marge des Jeux de Pyeongchang, en Corée du Sud, s’est déroulée une compétition peu commune. Des robots se sont affrontés sur des skis pour remporter 10 000 dollars. Un spectacle nouveau avec des athlètes encore loin d’être au point.

L

a scène a fait le tour du monde. Surgissant de l’antre du stade olympique, une seule délégation habillée de blanc s’avance et défile derrière le drapeau de l’unification coréenne. Les 145 sportifs, dont 22 athlètes nord-coréens, se tiennent par la main et distribuent des sourires. En fond sonore, le tube planétaire Imagine de John Lennon est bientôt recouvert de la clameur populaire s’élevant des travées. Les 35 000 spectateurs, dont le président du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach, applaudissent chaleureusement l’initiative. Le président sud-coréen serre la main de Kim Yo-jong, la sœur du leader nord-coréen, Kim Jong-un. Un acte symbolique qui n’était pas arrivé officiellement depuis 1954... La rai-

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2018

L

son ? Les deux pays sont officiellement en guerre depuis 1950 et les récentes tensions entre le chef nord-coréen et Donald Trump, allié de Séoul, ne laissaient rien présager de bon.

Kim Yo-jong, l’envoyée spéciale du Nord Mais c’était sans compter les JO d’hiver. Une occasion unique pour les deux voisins de reprendre le chemin de la diplomatie. Une mission dont s’est chargée Kim Yojong, en délivrant une invitation au gouvernement sud-coréen à participer prochainement à une rencontre. En attendant, reste à savoir si les JO 2018 n’étaient qu’un feu de paille dans cette tentative de réunification.

Maxence CUENOT @MaxenceCuenot

équipe unifiée de hockey féminin : 23 Sud-coréennes et 12 Nord-coréennes

centimètres, la taille du vainqueur "TAEKWAN-V". Pour participer, les "skieurs" devaient mesurer au minimum 50 cm

Capture d'ecran YouTube The Korea Herald

es robots débarquent sur les pistes de ski. Lundi 12 février 2018, pas moins de huit machines humanoïdes ont concouru sur les pistes de Pyeongchang lors du "Ski robot challenge" pour remporter les 10 000 dollars de la compétition. L’épreuve est classique : une descente qui implique le franchissement de plusieurs portes sur un parcours d’environ 80 mètres. Pour se diriger, chaque équipe, venue d’universités ou d’entreprises, a muni son robot de caméras permettant d’identifier les drapeaux présents sur le parcours pour les contourner. Chaque compétiteur se devait d’avoir des jambes et des bras dont les articulations ressemblaient aux chevilles et aux coudes d’un être humain. Loin d’être encore entièrement fonctionnels, les huit ro-

bots ont enchaîné les chutes avant qu’un gagnant ne se démarque.

"TAEKWAN-V" grand vainqueur ! Vêtu de son manteau bleu, ce robot, le plus léger des compétiteurs, ressemblait à s’y méprendre à un skieur junior. Mais c’est une machine truffée de technologie qui a remporté cette compétition en terminant le parcours en 18 secondes et en franchissant cinq portes. Véritable vitrine du savoir-faire sud-coréen en matière de robotique, cette compétition a pour but d’offrir un jour aux robots « leurs propres Jeux d’hiver en parallèle des Olympiques pour les humains », confiait l’organisateur Kim Dong-uk à Reuters.

Antoine DECLÉTY @antoinedeclety 7


En Éthiopie, bientôt un champion de skate ? Un jeune skateur originaire de la campagne vient s’entraîner à Hawassa. Photo Ethiopia Skate / Sean STROMSOE

Les six modèles fournis par le constructeur Geely fonctionnent avec du méthanol produit à base d’émissions de CO2 de volcan et d’hydrogène. Photo Geely

Il y a un an et demi, le premier lieu de glisse du pays ouvrait dans la capitale Addis-Abeba. L’association Ethiopia Skate, créée en 2013 par Sean Stromsoe, Abenezer Temegsen et Yared Aya, s’est lancé un nouveau défi, encore plus fou : construire un skatepark à Hawassa, dans le sud du pays.

En partenariat avec une société islandaise, le constructeur chinois Geely a conçu six voitures exclusives. Leur particularité : elles fonctionnent au méthanol, un carburant conçu à partir d’émissions de dioxyde de carbone provenant des volcans de l’île.

D

epuis trois semaines, une vingtaine de bénévoles s’activent sur le chantier du skatepark de Hawassa, la troisième ville du pays, capitale de l’État-région du Sud éthiopien. Ces derniers viennent du monde entier : France, États-Unis, Jamaïque, Suède... travaillant douze heures par jour pour aider les Éthiopiens à construire le skatepark de leur rêve. Aujourd’hui, le skate en Éthiopie se développe rapidement, alors qu’il y a quatre ans, la pratique était perçue comme un délit. Nombre de planches apparaissent dans le pays, souvent données par des skateurs occidentaux et rapportées par les membres étrangers de l’association. Depuis qu’une partie du skatepark est pratiquable, des jeunes venus citadins arrivent à Hawassa pour apprendre le skate.

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En Islande, on roule grâce aux volcans U

Ils sont désormais une cinquantaine à s’entraîner quotidiennement.

Un vœu de compétition Déjà plusieurs compétitions ont été organisées à Addis-Abeba, presque toutes remportées par Henok et Arki, deux jeunes de 18 et 19 ans. Les Jeux Olympiques ne sont plus très loin de l’esprit des jeunes Éthiopiens depuis que la discipline y est inscrite. Rien d’impossible pour les riders éthiopiens : il va falloir que le comité olympique fasse des équipes, alors pourquoi pas une équipe éthiopienne ? Leur participation pour les prochains jeux à Tokyo sera peut-être compromise, mais Paris 2024 ou Los Angeles 2028 sont envisageables pour ces skateurs made in East Africa.

Simon PERNIN @simonperninlz

planches ont été données par le groupe Spitfire, leader de l’équipement skate

g/km d'émission de CO2 des voitures testées. Soit trois fois moins que ce qu’elles émettraient en usant d’essence classique

tiliser l’énergie des volcans comme carburant pour les véhicules. Inédite et originale, cette idée est à la base d’un projet lancé par l’entreprise islandaise Carbon Recycling International (CRI). Celle-ci souhaitait exploiter l’activité volcanique de l’île (qui compte près de 130 volcans actifs) pour la mettre au service des voitures. L’expérimentation a débuté il y a un an et demi sur six modèles fournis par l’un des actionnaires de CRI, le constructeur chinois Geely.

volcans, et d’hydrogène. Ce carburant nouvelle génération possède l’avantage d’être beaucoup moins polluant que l’essence. Les six modèles, baptisés Vulcanol, possèdent un moteur fonctionnant indifféremment à l’essence ou au méthanol. Un choix dicté par des raisons pratiques : le méthanol se vaporisant difficilement aux températures négatives (un handicap de taille dans un pays où les hivers sont souvent rudes), le réservoir d’essence permet d’assurer les démarrages à froid. Après la phase d’expérimenBeaucoup moins polluant tation, CRI cherchera à commerque l’essence cialiser ses nouveaux véhicules en Concrètement, la société islan- Islande. Avant, pourquoi pas, de daise conçoit du méthanol syn- s’étendre à l’échelle européenne, thétique à partir d’émissions de voire mondiale. dioxyde de carbone, provenant des

Brice CHENEVAL @ChenevalBrice

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Au Japon, le train aboiera trois fois Au Japon, les collisions avec les animaux sauvages sont la principale source de retard ferroviaire. Photo DR

Un taxi volant exposé au salon Gitex à Dubaï. Photo Arnaud GAGET

Comment éviter les accidents entre les animaux et les trains en circulation ? Le Japon semble avoir trouvé une solution en mettant en place un nouveau dispositif qui prête à sourire.

Dubaï a testé en septembre 2017 un taxi volant électrique sans pilote. L’émirat souhaite développer ce projet pendant encore cinq ans avant de le rendre accessible à la population.

«A

ttention un aboiement peut cacher un train. » Voilà un avertissement qui pourrait fleurir le long des voies ferrées japonaises. Le RTRI (l’institut de recherche technologique des chemins de fer japonais, Ndlr) vient de mettre au point un système pour éviter les accidents avec la faune sauvage. Chaque locomotive sera équipée d’un avertisseur sonore émettant des aboiements et des brames de cerfs lors de leur circulation. Cette idée peut faire sourire mais elle semble efficace. Le Japon a testé ce dispositif sur différentes portions ferrées. « Cela fonctionne. On observe moins d’animaux près de ces voies. Une diminution de l’ordre de 45 %. », explique un ingénieur de RTRI. Cet avertisseur, peu coûteux, a été préféré à d’autres dispositifs comme la

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À Dubaï, des taxis dans les airs A`

pulvérisation d’excréments de lions ou la diffusion d’ultrasons.

613 collisions l’an passé Afin d’éviter la gêne des riverains, ce système ne sera mis en place que dans des zones inhabitées. Le conducteur pourra choisir de déclencher des brames de cerfs sont déclenchés pour capter l’attention des cervidés. Puis, des aboiements de chiens sont diffusés pendant 20 secondes pour faire fuir les cervidés qui raffolent de la limaille de fer présente sur les rails. Les collisions entre les trains et la faune sont un problème au Japon. L’an dernier, le pays a recensé 613 collisions avec des animaux, entraînant des retards. De quoi faire grogner les Japonais.

Baptiste NOBLE-WERNER @BNobleWerner

pourcents d’animaux en moins près des voies, grâce à ce dispositif

dollars pour un modèle de taxi volant

Dubaï, l’innovation est permanente, notamment en matière de transport futuriste. L’État se veut précurseur et développe depuis plusieurs mois un concept inédit : des taxis volants électriques et sans pilote. Le 25 septembre dernier, un premier test a été réalisé avec succès, en présence du prince héritier, Cheikh Mohammed Al Maktoum, qui a fait le déplacement pour l’occasion. Désormais, l’émirat se laisse cinq ans avant de mettre en place ce service afin de répondre aux normes de sécurité et à la législation.

conçu pour transporter deux personnes lors de chaque vol sur une distance maximale d’une vingtaine de kilomètres. Doté de neuf batteries, son autonomie dans le ciel avoisine les 30 minutes et sa vitesse varie entre 50 et 100 km/h. Ce nouveau concept apportera une réelle plus-value au réseau dubaïote, pour l’instant composé de bus, tramways et métros. Ce sera surtout un premier pas en faveur de l’autonomisation des transports en commun, un des objectifs de Dubaï d’ici 2030. Volocopter souhaite démocratiser le concept et le développer dans les grandes métropoles afin de désengorger le trafic routier. L’avenir Un avenir vu d'en haut des transports sera aérien et les Ce taxi, aux allures de drone finances de l'entreprise prendront géant, est développé par la start-up aussi leur envol. allemande Volocopter. Celui-ci est

Geoffrey HELLY D’ANGELIN @GeoffreyHA1

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Aux États-Unis,

le jeu vidéo libère de l'autisme

Au Costa Rica,

zéro dépense d'énergie

Les joueurs peuvent se retrouver et interagir dans le monde de Minecraft. Capture d'ecran du jeu Minecraft

Le Costa Rica est le seul pays d'Amérique Centrale au monde à avoir réussi à inverser la courbe de la déforestation.

L’autisme est une pathologie complexe et méconnue. De plus en plus d’études sont menées pour comprendre et aider les autistes à vivre. Chaque année, de nouvelles méthodes sont experimentées pour mieux saisir la maladie, comme avec Autcraft.

Si le Costa Rica n’en impose pas par sa superficie de quelque 50 000 km², il est pourtant le plus avancé sur un point : l’énergie renouvelable. Il a vécu 300 jours consécutifs en produisant sa propre électricité sans aucun coût durant l’année 2017.

T

out a commencé en 2013. Le jeu Minecraft est alors à son apogée. Un bac à sable numérique où l’on peut créer (presque) tout ce que l’on veut avec des blocs, un peu comme avec des Lego. Le joueur est poussé à interagir avec son environnement. Au même moment, Stuart Duncan, père de deux autistes, raconte son histoire lors d’une conférence TED (série de rencontres itinérantes). Il se rend compte que de nombreux parents d’enfants autistes cherchent à les faire jouer ensemble, ces derniers étant la cible de moqueries et de harcèlement sur les serveurs publics du jeu. Stuart Duncan a alors l’idée de créer Autcraft, un serveur fermé où les personnes autorisées à se connecter sont filtrées, afin que les enfants autistes puissent jouer en toute tranquillité. Dans les 48

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Photo Armando MAYNEZ

D

heures qui suivent l’ouverture de son serveur, il reçoit près de 750 demandes d’adhésion. Aujourd’hui le serveur compte plus de 8 000 joueurs connectés.

« Ils parlent » En 2017, une équipe de chercheurs de l’université de Californie a observé les joueurs. Il en ressort que ces enfants renfermés sur euxmêmes communiquent en jouant avec les autres. Selon Stuart Duncan, certains ont même commencé à parler : « Ils ne parlent que de Minecraft, mais ils parlent », se réjouit-il lors de la conférence. Une piste pour les recherches sur l’autisme qui sera sans doute exploitée dans les années à venir pour mieux comprendre cette pathologie.

Charles VUILLERMIN @Niliou

connexions mensuelles moyennes d’enfants autistes sur le serveur

pourcents d'énergie verte au Costa Rica en 2017

ix ans que le Costa Rica met en place des solutions pour répondre à la demande écologique du développement durable. Pour atteindre l’objectif final de son plan de grande envergure (atteindre une production "0 carbone" à l’horizon 2021), le gouvernement a choisi de passer à l’utilisation d’énergies 100 % renouvelables. Le Costa Rica a repensé ses centrales électriques à énergie propre et s’appuie sur ses ressources naturelles (telles que l’hydroélectricité et la géothermie) pour parvenir à cet objectif. En parallèle, le pays a refusé d’investir dans les énergies fossiles. 2017 a établi un nouveau record et l’année 2018 pourrait bien le pulvériser, selon l’Institut costaricien de l’électricité (ICE).

Un modèle applicable à tous les pays ? Si l’initiative du Costa Rica est saluée, il faut cependant la replacer dans son contexte. Le territoire est déjà riche en ressources naturelles. De plus, le pays tropical a plus de mal à réaliser ses objectifs à l’inverse de pays comme la Chine ou les États-Unis, du fait de sa faible superficie, et de sa densité de population. L’effort du pays peut paraître minime à l’échelle mondiale, mais il reste une référence pour les territoires en développement. Le gouvernement refuse encore de retirer le million de voitures à combustion en circulation, mais ces 300 jours d’énergie propre sont un espoir pour le vert.

Laura CHÈZE @LauraCheze 13


En Europe, la fin de l'heure d'été ? En cas d’abandon du changement d’heure, c’est l’heure d’hiver qui serait conservée. Photo Jeff PACHAUD / AFP

MyEye se clipse sur la monture et sert de prothèse au malvoyant. Photo Twitter Orcam

Les députés du Parlement européen ont voté, le 8 février dernier, la révision du système horaire au sein de l’Union européenne. Cette résolution pourrait ainsi aboutir à une suppression du changement d’heure.

Afin de faciliter le quotidien des malvoyants, OrCam a lancé récemment MyEye, un dispositif technologique capable de lire pour eux. Un système révolutionnaire qui pourrait changer leur vie.

«E

n avril, on avance d’une heure et en octobre on recule. » Que tous ceux qui sont encore perdus à cause du changement d’heure se rassurent ! Ce système est actuellement remis en cause par les députés du Parlement européen, qui ont lancé un processus de réflexion visant une évaluation complète de ce système jugé obsolète.

Un dispositif vieux de 40 ans Ce dispositif avait été mis en place en France par Valéry Giscard d’Estaing en 1976, puis en 1998 dans l’Union européenne, afin de permettre d’importantes économies d’énergie. Le but était de faire coïncider les horaires d’activité avec l’ensoleillement pour limiter l’utilisation de l’éclairage artificiel. Mais avec la modernisation des équipements, l’économie 14

En Israël, des lunettes pour les malvoyants

réalisée apparaît de plus en plus fine. Par ailleurs, ces différents décalages horaires semblent entraîner de nombreux effets négatifs sur la santé des êtres humains : perturbations des rythmes biologiques, notamment pour les enfants, ou encore augmentation de 40 % des accidents de la route pour les piétons chaque année (à cause d’une baisse de luminosité en fin de journée). En cas de disparition de ce changement d’heure, il s’agirait de conserver l’heure GMT +1 correspondant à l’heure d’hiver. La Commission européenne va devoir effectuer plusieurs études et convaincre les vingt-huit États membres avant de la valider définitivement. Quoi qu’il en soit, le prochain passage à l’heure d’été reste prévu, peut-être pour la dernière fois, dans la nuit du samedi 24 au dimanche 25 mars.

Guillaume BOUCHUT @gus_bouchut

millions de personnes concernées par cette mesure

A

personnes malvoyantes en Israël sur plus de huit millions d'habitants

près les lentilles bioniques permettant aux aveugles de naissance de recouvrer la vue, Essilor et OrCam, société israélienne qui fabrique des dispositifs d’assistance technique, ont lancé sur le marché une de leurs toutes dernières créations : MyEye. Un système technologique capable de lire pour les personnes malvoyantes. Grâce à la réalité augmentée (la superposition du son et de l’image calculés par un système informatique en temps réel), le dispositif renforce leur autonomie et les rend plus indépendants. En plus d’être pratique, MyEye est facile à utiliser. Grâce à une mini caméra et un haut-parleur installés sur une branche des lunettes, le système technologique détecte les informations. Puis il suffit de pointer du doigt pour que le dispositif commence la lecture. Articles de jour-

naux, écrans d’ordinateurs, smartphones, panneaux de signalisation, étiquettes de produits alimentaires ou même billets de banque, MyEye ne lit pas l'écriture manuelle.

Un système technologique complet En plus de servir de lecteur, l’invention de la société OrCam reconnaît les visages familiers ainsi que des objets personnels (carte bleue, téléphone portable, etc.) préenregistrés grâce à une carte mémoire intégrée. Dès que la personne est reconnue dans la pièce, le système l’annonce automatiquement dans l’oreillette. Avec un coût de 3990 euros, l’appareil reste encore élevé pour la ppulation locale qui touche environ 900 euros par mois.

Ruben ZADEL @RubenZad 15


Un enseignement nouveau

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Des mots neufs

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Villes de demains

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Photoreportage

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Au Cours La Passerelle, bénie soit la droite

Envie n.f. Sentiment de frustration, d’irritation jalouse que suscite la possession par autrui d’un bien, d’un avantage dont on est soi-même dépourvu (Larousse)

Qu’elle soit irrésistible, irraisonnée ou parfaitement contrôlée, l’envie vient caresser l’esprit de l'Homme depuis la nuit des temps. Et si la nouveauté est souvent source d’excitation et d’intérêt, elle suscite aussi généralement un certain désir voire une convoitise. Blister, à travers la nouveauté, va vous faire entrer dans ce monde où la société et ses codes évoluent constamment en fonction de nos envies. Antoine DECLÉTY

Le dictionnaire fait sa crise d'adolescence

La smart-city, projet ou réalité ?

Ancien mis a neuf


Au Cours La Passerelle, un modèle controversé

Les élèves du Cours La Passerelle portent tous un uniforme. Col blanc et pull violet pour les filles, vert pour les garçons. Photo Blister/Laura CHEZE

Le Cours La Passerelle, école de la fondation Espérance Banlieues, a été créé il y a deux ans. Situé dans un quartier populaire de Pierre-Bénite, cet institut souhaite renouveler le système éducatif français en apportant un enseignement plus cadré aux jeunes de banlieues.

«M

ohamed, vous avez fait beaucoup d’efforts ces derniers jours, vous pouvez monter les couleurs. » Fièrement, ce jeune élève de CP s’avance en direction des drapeaux pour hisser celui de la France. Il est huit heures passées de trente minutes dans la cour de récréation de l’école. Les 31 élèves, tous issus des quartiers populaires de la commune, se tiennent en arc de cercle face au directeur de l’établissement, Christophe Limousin. Cette scène,

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peu banale, rythme depuis deux ans le quotidien de ces enfants âgés de 6 à 11 ans. Ici, nous sommes aux antipodes de l’école ordinaire française. Uniforme, Marseillaise, levée des couleurs, cet établissement indépendant prône le retour aux valeurs tricolores d’antan pour venir en aide aux jeunes de banlieues. Depuis 2012, en France, onze écoles de ce genre ont vu le jour. Elles appartiennent toutes à la fondation Espérance Banlieues. En l’espace de

cinq ans, le mouvement s’est développé et, grâce à un réseau de bénévoles engagés, les ouvertures se sont multipliées aux quatre coins du territoire, comme à Argenteuil, Lille ou encore Angoulême. L’année prochaine, c’est « cinq à six établissements supplémentaires qui devraient être implantés, selon le fondateur, Éric Mestrallet, ravi de la tournure des événements. Le concept fonctionne principalement par bouche-à-oreille. De plus en plus de parents, préoccupés par l’avenir de leurs enfants sont favorables à ce genre d’écoles ».

« Un ensemble de cathos intégristes » Des propos qui ont le don d’agacer Alain Focachon, responsable de section La République en Marche de

Pierre-Bénite, fermement opposé au concept d’Espérance Banlieues. Selon lui, les responsables de la fondation, « un ensemble de cathos intégristes, représentants de la Manif pour Tous », souhaitent la suppression de l’Éducation nationale. Ses interrogations sont nombreuses et concernent en particulier le statut de ces écoles. « Les onze établissements, dont le Cours La Passerelle, sont indépendants donc hors contrat avec l’État. Ainsi, on ne peut pas contrôler ce qui y est enseigné ni remettre en cause la légitimité des instituteurs(trices). » Un argument balayé d’un revers de main par Éric Mestrallet. Le fondateur, au cours d’une réunion avec les responsables de l’école de Saint-Étienne, a tenu à expliquer le processus de recrutement. « Avant de pouvoir exercer chez nous, nos enseignants doivent suivre une formation et réaliser un stage. Également, ils doivent répondre à quatre critères majeurs afin d’intégrer nos écoles : avoir une discipline à enseigner, être ouvert à la diversité culturelle, savoir fonctionner en équipe et avant toute chose, être des éducateurs. » Cette fondation repose en effet sur deux valeurs clairement définies : l’ordre et la discipline. C’est le message qui est communiqué et l’argument sur lequel s’appuie Espérance Banlieues pour séduire.

Un soutien indispensable du maire Si la fondation plaît de plus en plus aux familles issues des quartiers difficiles, elle attire également la droite. C’est la raison pour laquelle les onze écoles présentes sur le territoire sont implantées dans des villes ou communes à tendance républicaine. À Pierre-Bénite, Éric Mestrallet a d’ailleurs reçu le soutien du maire LR, Jérôme Moroge, pour la mise en place du Cours La

Chaque matin, les élèves les plus méritants lèvent les couleurs. Photo Blister/Laura CHEZE

Passerelle. Le maire a consenti à investir 159 000 euros de travaux dans le local afin de pouvoir le louer à la fondation. Alain Focachon regrette ce coup de pouce ainsi que les opérations de communication orchestrées par la commune. « Des messages sont relayés sur les panneaux lumineux de la ville, des articles sont rédigés dans les bulletins municipaux et la salle de la mairie leur est régulièrement prêtée. » À gauche, l’opposition est forte et du côté de Pierre-Bénite, des distributions de flyers ont été réalisées pour alerter la population. Le responsable de section En Marche, anciennement membre du parti socialiste, préfère agir autrement. « Ce qui

compte, c’est que l’école publique réussisse. Je soutiens et j’explique via des discours et échange avec les gens ce que fait de bien l’Éducation nationale. » La meilleure solution selon lui pour contrecarrer les projets d’Espérance Banlieues. La fondation, elle, se préoccupe peu de tous ces agissements et poursuit ses efforts afin de proposer un enseignement toujours plus qualitatif. Les élèves à l’image de Mohamed semblent apprécier. « Dans mon ancienne école, on n’apprenait pas, on ne faisait que jouer. Là on apprend mieux. » Mais apprendre quoi exactement ?

Geoffrey HELLY D’ANGELIN @GeoffreyHA1 19


Le dictionnaire fait sa crise d’adolescence

L’édition 2018 du Grand Robert est riche en nouveaux mots qui dérouteront plus d’un. Photo Blister/Marine-Sophie BRUDON

Chaque année le dictionnaire réserve quelques surprises, et il faut dire que cette cuvée 2018 n’est pas si mal. On est habitué à certaines entrées fracassantes dans le vaste monde du vocabulaire, mais ici et comme à leur habitude, les mots nous font faire de belles envolées lyriques que l’on ne peut s’empêcher de commenter avec amusement. À regarder de plus près, que révèlent-ils vraiment de notre société et de nos manières de communiquer ?

L

e dictionnaire n’est rien de plus qu’une fenêtre ouverte sur notre société, il suffit de le feuilleter pour comprendre un changement radical dans nos coutumes de langages, mais aussi pour se tenir informé. Les définitions ont bien changé. Pas étonnant de ne plus savoir communiquer avec nos aînés ! Les mots n’ont plus le même sens. Comment faire pour rester en lien avec

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« Ce dictionnaire s’attache « jungle » ou encore « paddle » ont été suffisamment utilisés par les méà la francophonie, dias, les politiques ou la boulangère à sa culture » notre langue tout en regardant vers l’avenir ? À ce jour les académiciens ajoutent compulsivement des mots sans vraiment savoir comment nous les comprendrons. Alors oui, c’est une belle initiative que de les introduire. Les mots comme « burkini »,

du coin pour entrer dans le dictionnaire. Mais comment expliquer à quelqu’un dont la seule lecture se résume à scroller sur les réseaux sociaux que le mot « roder » n’a pas la même signification pour tout le monde ? Elle est bien ici la subtilité de l’évolution d’une langue, et pas

n’importe laquelle, une langue riche qui a inspiré tant d'œuvres imposées parfois brutalement. Leur lecture n’était certes pas toujours agréable, mais au moins ces ouvrages représentaient la langue française.

De nouveaux mots pour chaque génération « Bombasse », « modeux », « kéké », à force de les entendre on finit par les connaître mais cela veutil dire qu’ils doivent entrer dans le dictionnaire ? Leur seule entrée au panthéon du Petit Robert les propulse de l’oral à l’écrit. Et c’est bien ça le risque, Bernard Pivot en aurait abandonné sa dictée et le magazine Lire aurait tout aussi bien pu s’appeler Parler. L’image poussiéreuse du dictionnaire a laissé place à sa version numérique plus en phase avec son époque, plus connectée à ceux et celles qui font notre langue et qui la promulguent. À 50 ans, le Grand Robert ne nous ferait-il pas une petite crise de la quarantaine retardée ? Au risque de devenir has been (tout comme ce mot d’ailleurs), il s’intéresse aux Français et à leur diversité. Comme l’exprime parfaitement Alain Rey, directeur éditorial du Grand Robert : « Ce dictionnaire s’attache à la francophonie, à sa culture, et pas à une langue française hexagonale. » Bien résumé Alain, mais si l’on résume correctement, les mots n’ont pas la même définition entre chaque génération, ils n’ont pas la même orthographe selon les régions, ils ne sont pas forcément compris par tous et peuvent avoir une voire deux ou trois définitions chacun ! La langue française n’est même plus qu’une simple langue, mais une tentation perpétuelle de commettre une faute. L’envie de bien écrire et de maîtriser cette langue est présente, seulement, elle devient de plus en plus

inatteignable. Selon l’auteure et coach en orthographe Sandrine Campese, la plupart des termes qui entrent dans le dictionnaire depuis quelques années ne sont pas très profonds et sont une sorte d’éponge qui ne fait que absorber une culture populaire débordante. Mais ce renouveau n’a pas que des désavantages. D’ailleurs pour elle, le mot « péguer » a été une petite victoire personnelle : « Je suis d’origine marseillaise et j’ai toujours pensé que ce mot y figurait, puisque je l’ai appris en même temps que tous les autres. Comment, dès lors, distinguer le français régional du français national ? » À force de tout mélanger, familier et soutenu, régional et national, la langue française ne s’y perdrait-elle pas ?

Marine-Sophie BRUDON

@ Marine_Sophie

Certains mots utilisés dans cet article restent inconnus pour beaucoup, même le logiciel Word qui n’a pas souhaité reconnaître bon nombre d’entre eux et a préféré les souligner en rouge. Bombasse : dérivé de bombe, auquel on ajoute « asse » pour donner ce mot d’une grande qualité une petite note vulgaire qui donne une belle plus-value à l’édition 2018 du dictionnaire. Kéké : crâneur, idiot. « Arrête de faire des roues arrière on dirait un kéké », cet exemple de phrase existe réellement, il est tiré du Larousse 2018. Modeux : un objet ou une personne à la mode. L’expression existait déjà, mais créer un mot unique était sans doute plus pratique, son emploi est pourtant rare donc pas tant à la mode que ça. Une belle cuvée 2018, qui apporte une valeur ajoutée à une langue déjà très riche.

Avec tous ces nouveaux mots et leurs nouvelles définitions, la compréhension du français se fait de plus en plus difficile. Photo DR

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La smart city, un éternel projet ?

Le somptueux centre commercial de Masdar City à Abu Dhabi. Photo Norman FOSTER

Depuis les années 2000, la tendance est à la recherche d’une ville intelligente. Nombreux sont les projets, ayant vu le jour ou non, d’une cité où tout serait connecté pour optimiser les transports, les besoins énergétiques ou encore le contact entre le citoyen et l’institutionnel.

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n Europe ou ailleurs, des projets de smart cities se lancent sans réellement voir le jour. Le schéma type d’une cité intelligente, c’est tout d’abord un aspect durable. L’optimisation énergétique est un pilier, et elle se fait souvent grâce à une technologie de pointe. L’exemple de Masdar, à Abu Dhabi, représente l’ambition d’une smart city, avec ses 7 km2 construits en dix ans, regroupant tous les bons exemples à suivre en termes d’énergie : un immense réseau routier aux émissions carbone réduites, une politique zéro dé-

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chet… Seulement pour le peu de résidents dans cette ville, la principale attraction urbaine, c'est l’immense centre commercial.

« Le projet de smart city globale ne sont finalement pas durables » Masdar représente bien le paradoxe des smart cities. Des projets d’énergies propres, renouvelables, des constructions urbaines pour que tout puisse se faire à pied. « Seulement ces réalisations ne sont pas encore pos-

sibles dans des villes déjà existantes », nous explique Benoit Loeillet du Tuba, laboratoire lyonnais des villes de demain. « Le problème de la smart city, c’est que malgré la beauté de projets, elles sont faites pour rester des projets. Personne ne veut venir y habiter, car personne n’est sensibilisé aux enjeux du numérique. » En effet, le numérique permet de répondre à beaucoup de problématiques urbaines. Il ne peut être pris comme une fin en soi. Il faut penser l’évolution de la ville avec lui, et non pas le mettre au centre de toutes les questions.

« Parlons de la ville de demain plutôt que de la ville intelligente » Il est totalement impossible de dresser un portrait type de la ville de demain. Le numérique peut venir en aide au concept de smart city. Prenons l’exemple de Lyon. Le quartier de Confluence a été basé lui aussi sur le schéma smart city. Il comprend des immeubles intelligents et autosuffisants en énergie. Dans ce cas, le numérique permet de calculer spécifiquement les besoins, pour ne pas produire trop. Cet outil, nécessaire aux villes nouvelles, est basé sur les données (datas). Or, chaque jour, que ce soit avec son smartphone ou avec les cartes de déplacements (métro, vélo en libre-service, etc.), de nombreuses données sont créées. Les mettre en libre service (open data) permettrait de rendre la ville plus pratique pour ses habitants ainsi que son administration. « Elles permettent de centraliser toutes les informations nécessaires au déplacement ainsi qu’à l’optimisation énergétique. L’open data est un élément central à prendre en compte dans l’organisation des villes », explique Benoit Loeillet du Tubà.

La motivation, pilier d’une ville durable Les projets de smart cities ne peuvent être une solution unique aux problématiques de la ville. Les nouveaux modèles urbains seront basés autour du citoyen, et c’est lui qui en est le réel pilier. L’optimisation énergétique ne peut se faire que si l’habitant est en mesure de connaître lui-même sa consommation. « C’est à cela que doit servir le numérique. Il doit être utile au citoyen pour qu’il puisse ensuite être acteur de sa ville », explique Benoit Leoillet. La ville de Grenoble compte de nom-

Benoit Leoillet dans les bureaux du Tubà. Photo Blister/Hugo CLECHET

breux acteurs de la cité de demain. L’espACE, un bâtiment regroupant plusieurs entreprises, a mis en place un système de toiture solaire, permettant de récupérer l’énergie tout en la redistribuant à ses voisins. « C’est une installation très technique. Ceci dit, elle reste une initiative citoyenne, ayant vu le jour grâce à un travail entre les différents acteurs, qu’ils soient publics ou privés », décrypte Frédéric Lagute, responsable aux énergies renouvelables à l’origine de ce projet. La vraie ville de demain se construit donc sur son propre modèle, et doit prendre en compte toutes les problématiques énergétiques et sociales pour se développer dans le temps.

Le prix de la ville de demain Il est difficile de savoir ce que coûte réellement le numérique dans la ville de demain. L’habitant, qui jusqu’à aujourd’hui était consommateur de son territoire, devient producteur d’énergies, d’informations et de nombreux autres services.

Hugo CLÉCHET @ HugoClechet 23


Ancien

misa neuf

À l’heure où les constructeurs automobiles ont fait de l’innovation un argument de vente, certains utilisateurs font de la résistance. C’est le cas de Jean-Louis, garagiste près de Saint-Étienne, qui ne s’occupe presque exclusivement que de voitures anciennes. Immersion chez un passionné. Photos et texte : Baptiste Noble-Werner 24

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Explorer le garage de Jean-Louis Peyrard c’est un peu comme voyager dans le passé. Dans la cour de son garage, de vieilles voitures à la carrosserie rutilante reflètent le soleil. Au fond, se cache l’entrée de la caverne de Jean-Louis. Nous poussons la lourde porte en taule. Le maître des lieux est là, seul au milieu de ses protégées. Il s’affaire sur un moteur d’une Corvette rouge de 1969. Au tour de nous, il n’y a que des vieilles américaines. Enfin presque. Deux deux Chevaux mises à nu et une Méhari désossée trônent ici et là. « Moi, les nouvelles voitures, ça ne m’intéresse pas. J’aime les autos qui ont du vécu ! » Le garagiste affiche la 27 couleur.


Toujours les mains occupées, Jean-Louis retrace son parcours. « J’ai commencé en 86. Je me suis toujours occupé de vieilles voitures. À l’époque, c’était marginal. Une vraie galère pour trouver des clients et des pièces ! Maintenant c’est devenu beaucoup plus facile grâce à internet. Ça deviendrait presque facile », rit-il. De vieilles autos, mais pas n’importe lesquelles, « seulement des américaines, les européennes c’est moins sympa ».

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La passion de Jean-Louis remonte à ses 18 ans. « J’ai vu une Mustang dans un magazine auto quand j’avais 18 ans, ça a été une révélation. » Depuis, il évolue au milieu de ces voitures dont il aime « la philosophie. Il faut être un pur, un passionné pour faire ce métier. Je peux passer plus de 300 heures sur une seule voiture. La Mustang bleue, là, elle va rester un an ici. Je vais la retaper entièrement. Cette Corvette, on a changé entièrement le tableau de bord, il était tout nase », raconte-t-il, intarissable. Avec un sourire fier, Jean-Louis conclut : « Je fais du neuf avec du vieux, c’est presque une nouvelle voiture quand elle sort d’ici ! »

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La modernité au service de la cuisine

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Le ZA : une salle de restaurant en ébullition

Gourmandise n.f. Qui aime la bonne nourriture, mange par plaisir (Larousse)

Les yeux qui pétillent d’envie, le regard lubrique, elle nous pousserait presque à l’avarice ou à la colère lorsqu’on ne nous l’accorde pas. La gourmandise pourrait facilement être la mère de tous les vices tant elle nous tente et nous séduit par son apparence sucrée et innocente. Innocente, pas tant que ça. Blister en est persuadé, la gourmandise n’est pas uniquement dans vos cuisines ou sur vos papilles mais dans chaque chose à laquelle vous pensez. Car sans gourmandise il n’y a pas de plaisir et sans plaisir à quoi bon parler de nouveauté ? Marine-Sophie BRUDON

Des tubes à essai aux fourneaux Tout est bon dans la cuisine moderne

L'Homme et l'espace

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La numérisation de l'art

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À la conquête des exoplanètes

L'art dans toutes ses dimensions


Le ZA : une salle de restaurant en ébullition Le restaurant ZA, est un écrin de modernité en plein cœur de Paris. Il a été désigné par Starck. Photo Blister/Marine-Sophie BRUDON

Comment voyez-vous les restaurants du futur ? Une technologie avancée au service de tous, où l’erreur n’existerait pas et où le serveur se transformerait en hôtesse d’accueil ? Ce restaurant existe peut-être déjà à Paris, sous le nom de ZA.

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ous la canopée du Forum des Halles en plein cœur de Paris se trouve un écrin de modernité. Derrière ses baies vitrées imposantes se cache un restaurant aux allures futuristes. Des lignes épurées qui mêlent le bois à l’acier, rien de bien surprenant, le design ayant été dessiné et conçu par le célèbre designer Starck, la restauration moderne ne se refuse rien. De plus, il est situé juste en face des fenêtres de Ducasse, grand chef étoilé qui a su lui aussi se distinguer dans la cuisine moderne par son ingéniosité. Pas de

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hasard donc si ce ZA s’est installé ici. Il a su imposer ses "zomelettes" et ses "zartines" au Tout-Paris qui n’hésite pas à braver un froid polaire pour déguster des produits simples concoctés par Philippe et Fabienne Amzalak. Vous l’aurez compris la nouveauté et l’innovation ne se trouvent pas en cuisine, mais bien en salle. Véritable voyage dans le temps, tout est conçu pour faciliter la vie du client et créer un lien direct avec la cuisine. Vous avez un téléphone ? Plus besoin de serveur donc, il suffit de déposer son smart-

phone à l’emplacement indiqué et de télécharger l’application du ZA pour avoir accès au menu. Mis à part le remplacement de la première lettre de chaque plat par un Z, on se rend vite compte que le concept sauve la mise à un tel restaurant. C’est une fois le déjeuner commandé que la magie opère ! En sept minutes chrono, la mécanique se met en marche, un bruit sourd émane de la cuisine pour voir ensuite le tapis roulant qui traverse la salle se mettre en route. Au loin, on voit un petit plateau s’avancer prudemment vers nous, transportant une petite "zoupe" accompagnée d’une tranche de pain sans gluten, le tout pour 6,90 €. L’idée est belle, à voir si ce restaurant du futur survivra à son époque.

Cuisines ouvertes pour un restaurant en toute transparence, c'est la volonté de Fabienne et Philippe Amzalak, propriétaires du restaurant. Photo Blister/Marine-Sophie BRUDON

Des pillules nutritives En 1964, une émission de l’ORTF se demandait si en l’an 2000 nous mangerions des pilules à la place de vrais aliments. Plus de vrais petits plats mijotés avec soin selon eux, nous mangerions à la manière des astronautes, directement grâce à des sachets plastiques. L’idée est ancrée dans nos esprits depuis et même si la plupart des nutritionnistes n’y croient pas, la graine a germé et les langues se délient. « Les astronautes et l’armée le font déjà, il ne faudra que très peu temps avant que cela arrive aux civils », expliquait le présentateur de l’émission le “Téléphone Sonne” sur France Inter en 1982. Aujourd’hui la question se pose différemment, les pilules sont faites pour maigrir et non pas se nourrir. Remplaceront-elles un jour les repas ? Peut-être, mais elles s’adresseront davantage à ceux qui ne veulent plus manger.

Des tapis roulants lumineux traversent tout le restaurant afin d’apporter les plateaux repas des clients directement de la cuisine. Photo Blister/Marine-Sophie BRUDON

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Des tubes à essai aux fourneaux

lopper de plus en plus rapidement. Car Thierry Marx en est convaincu, la cuisine du futur sera bien plus exigeante et il faut se préparer dès aujourd’hui à satisfaire ses besoins. Certes, on entend parler de la cuisine moléculaire depuis des années, mais ici, il ne s’agit pas de cela. On ne mange plus de la fumée, de la gelée ou des carottes cryogénisées, mais on repense sa manière de s’alimenter. La cuisine du futur commence là où notre gourmandise naît, c’est-à-dire dans nos esprits. C’est avant tout une aventure de plaisir et de respect de l’aliment. Si la science est une solution pour nos papilles,

L’imprimante culinaire Pizzas, pâtes, gâteaux ou encore carrés de sucre, l’imprimante 3D n’est plus seulement réservée au secteur automobile ou à la médecine, elle entre désormais en cuisine. Plus besoin de passer des heures à cuisiner, un robot intelligent le fait pour nous. L’entreprise espagnole Natural Machines y croit et propose de réaliser des pizzas fraîches pour 950 euros. Mais le futur ne s’arrête pas là, les professionnels peuvent s’équiper de machine à 7 000 euros pour réaliser des sculptures en chocolat. N’y perdent-ils pas en savoir-faire ? Peut-être mais ils y gagnent certainement en temps.

pourquoi ne pas lui faire confiance ? Reste tout de même à savoir si cette

cuisine futuriste sera accessible à tous.

Rien à jeter dans la cuisine moderne Thierry Marx et Raphaël Haumont ont créé le centre français d’innovation culinaire afin de proposer une cuisine plus moderne et respectueuse de l’environnement. Photo DR

Comment apprendre à imaginer la cuisine du futur ? Sera-t-elle meilleure ? Fantasque ? Aussi gourmande qu’aujourd’hui ? La curiosité n’est pas un si vilain défaut lorsqu’on parle de cuisine, surtout lorsque ces questions sont posées par le grand Thierry Marx. Ce chef étoilé a certainement la tête dans les étoiles mais a plus certainement déjà un pied dans le futur.

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omme toute chose, la cuisine du futur ça s’apprend, étrange puisqu’elle n’existe pas encore. Certes, mais rien de bien surprenant à ce que ses quartiers généraux se trouvent au sein de l’université Paris Sud. Quel meilleur endroit pour apprendre ? Mais pour maîtriser cette science Marx ne pouvait le faire seul, il s’est alors allié

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au chimiste Raphaël Haumont afin de créer le Centre français d’innovation culinaire. Ils cherchent, testent, goûtent, innovent pour créer une cuisine plus responsable, plus facile mais surtout plus économique. Plus besoin d’utiliser autant d’aliments, une vraie révolution dans le monde de la cuisine, où le gaspillage fait parfois loi.

Ce n’est pas de la magie c’est de la science ! On pourrait presque s’y perdre à voir leur gâteau au chocolat végan préparé sans cuisson ou leur canette biodégradable et mangeable. Une technologie encore au banc d’essai mais qui semble se déve-

Tout est bon, rien ne se perd, cela pourrait être le slogan de la cuisine de demain. Fini le gaspillage, fini les cuisines complexes qui en demandent trop pour finalement ne pas donner grand-chose.

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e nourrir en 2050 n’aura plus la même signification qu’aujourd’hui, ce sera presque une prise de position voire un engagement. C’est en tout cas ce que le festival de l’alimentation a tenté de mettre en œuvre. Le 2 décembre dernier, "à table en 2030" s’est penché sur les défis de la demande alimentaire grandissante et du futur de la gastronomie. La priorité revient au gaspillage, il ne s’agit plus à présent d’un privilège, la cuisine est au centre de toutes les problématiques de demain. Comment allons-nous nourrir 8,5 milliards de personnes d’ici 20 ans ? Ce mouvement ne date pas d’hier, pourtant il ne semble mo-

tiver pour le moment que quelques grands chefs. Mais grâce à l’initiative de certaines capitales comme Paris ou Londres, la marche passe au trot.

L’exemplaire Wasted Heureusement, la cuisine est nomade et ses représentants l’exportent en permanence. Il suffit qu’une idée germe en France pour qu’elle fleurisse à des milliers de kilomètres de là ! C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec le collectif Wasted. Au premier abord on aurait cru voir l’une des épreuves de Top chef : des chefs du monde

entier (Gordon Ramsay, Alain Ducasse, etc.) se sont succédé à la tête d’un restaurant éphémère en plein Londres pour transformer des déchets alimentaires en mets raffinés. Aujourd’hui, ce collectif rassemble la plus grande scène gastronomique mondiale et met les déchets alimentaires sous les projecteurs afin de montrer au monde entier que le goût a sa place partout. Le progrès a tout de même un prix, comme disait Bocuse « la nouvelle cuisine c’est rien dans l’assiette et tout dans l’addition » ! Espérons que ce collectif nous prouve le contraire...

Marine-Sophie BRUDON @ Marine_Sophie 37


À la conquête des exoplanètes Trois planètes du système Trappist-1 possèdent des caractéristiques intéressantes. Photo Observatoire europeen austral

Selon de nombreux scientifiques comme le physicien britannique Stephen Hawking, l’avenir et la survie de l’humanité passeront obligatoirement par la migration vers une nouvelle planète. Ainsi, de nombreuses exoplanètes ont été découvertes hors de notre système solaire ces dernières années. Certaines pourraient bien être habitables.

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’Homme est de nature gourmande et il lui arrive souvent d’avoir les yeux plus gros que le ventre. Après avoir conquis la terre puis la mer et enfin le ciel, il s’est attaqué à l’espace, vide sidéral sur lequel il n’a absolument aucun contrôle. À force de recherches et d’essais plus ou moins couronnés de succès, l’Homme a finalement réussi à se rendre sur la Lune, l’objet céleste le plus proche de nous situé à quelques 385 000 km. Toutefois, il

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ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et le prochain objectif s’appelle Mars. Pourtant, après avoir étudié ses caractéristiques, la planète rouge paraît difficilement habitable. Or, c’est bien la colonisation d’une nouvelle planète qui fait l’objet de tous les fantasmes. En effet, il arrivera bien un moment où les ressources de notre planète seront épuisées ou que nous aurons affaire à une catastrophe majeure. Rappelons que la Terre risque d’être engloutie

par le Soleil d’ici deux ou trois milliards d’années, ou encore que nous pouvons entrer en collision avec un astéroïde à tout moment. Voilà pour les réjouissances. Heureusement, l’espoir est permis.

L’exoplanète la plus proche est à 40 milliards de km Dans son infinité, l’univers regorge de planètes susceptibles de

nous accueillir : on les appelle les exoplanètes. Pour qu’une planète soit habitable il faut au minimum qu’elle soit tellurique, réchauffée par un astre solaire stable, qu’elle ait de l’eau à l’état liquide à sa surface ou encore de l’oxygène. « Actuellement, plus de 4 000 exoplanètes ont été découvertes mais il en existe certainement des milliards », explique l’astrophysicien Jean Schneider qui participe à leur recherche. Et parmi elles, certaines possèdent des caractéristiques semblables à celles de la Terre. C’est le cas notamment du mini système solaire Trappist-1, constitué de sept exoplanètes semblables à notre planète bleue sur bien des aspects. Problème, le système se trouve à environ 40 années-lumière de nous, un voisin à l’échelle de notre galaxie mais qui représente un vrai défi au niveau technologique pour y arriver. Autre cas d’étude, Proxima b qui gravite autour de Proxima du Centaure, étoile la plus proche du Soleil. Cette planète, un peu plus grande que la Terre est ainsi probablement tellurique mais « on pense qu’elle est en rotation synchrone donc il y a un côté jour permanent et un côté nuit permanent, comme la Lune avec la Terre » explique François Forget, directeur de recherche au CNRS. Il y fait donc soit trop chaud côté lumineux soit trop froid côté sombre. Toutefois, dans le cas où elle posséderait une atmosphère, et il y a de fortes chances, il existerait une bande médiane potentiellement vivable entre les deux. « En tout cas, il est à peu près certain qu’il y ait de l’eau liquide sur cette planète », poursuit le chercheur. Sa distance : 4,2 années-lumière (soit 40 000 milliards de km), soit pas loin de 100 000 ans pour y arriver en fusée. Il faut donc développer de nouveaux moteurs comme les moteurs à plasma qui permettraient de ré-

Dans le film Interstellar le vaisseau tourne sur lui-même pour recréer une gravité artificielle. Photo Paramount Pictures

« Le plus difficile c’est le côté confiné » Thomas Pesquet, astronaute français duire le temps de trajet. Ces derniers seraient dix fois plus rapides que les moteurs actuels et permettraient d’aller sur Mars en un mois au lieu d’un an par exemple. Cela reste pour l’heure insuffisant certes mais montre que nous progressons constamment dans ce domaine. Pour Jean Schneider, la problématique de la vitesse risque toutefois d’être difficilement surmontable : « Envoyer des humains suppose un vaisseau d’au moins quelques tonnes. Or, un tel vais-

seau ne pourrait dépasser une vitesse de quelques centaines de km/sec, sinon il serait détruit par le choc avec les grains de sable qui existent entre les étoiles. À une telle vitesse, il faudrait 1 000 ans pour arriver à Proxima. »

L’hibernation, une solution

crédible

Ensuite, l’espace est hostile et un long voyage entraînerait d’autres 39


problèmes. Mais des solutions sont à l’étude les concernant. Tout d’abord, le corps se détériore dans l’espace. En effet, les astronautes flottent, ils n’utilisent donc pas certains muscles et articulations. Cela entraîne des pertes osseuses et musculaires ou encore une réduction du volume de sang et de la taille du cœur. La solution envisagée serait

donc de recréer une gravité artificielle : par exemple en mettant en place une centrifugeuse dans laquelle les passagers devraient aller quelques minutes par jour ou alors en faisant du vaisseau lui-même une immense centrifugeuse. Puis, il y a les radiations, ou rayonnements cosmiques, qui peuvent causer des brûlures et

être cancérigènes. Sur Terre, nous sommes protégés par le champ magnétique de la planète. Pour y remédier, « la nature ellemême a des solutions à nous proposer comme l’hibernation, au cours de laquelle toutes les fonctions du corps ralentissent » raconte le physicien et écrivain français Christophe Galfard. Ainsi, l’ADN serait protégé

de ces radiations et cela permettrait également d’économiser de la nourriture et de l’oxygène. Pour cela, des scientifiques ont réussi à synthétiser une substance sécrétée par certains mammifères et qui leur permet d’hiberner. Par ailleurs, il existe aussi un projet visant à plonger les voyageurs dans l’inconscience en diminuant la température de leur corps et en réduisant leur métabolisme. Enfin, il n’y aura probablement pas d’oxygène une fois sur place. « Il faudra donc certainement vivre à l’intérieur d’habitats fermés comme

« Sur les exoplanètes il y a les radiations qui peuvent nous brûler alors que le champ magnétique de la Terre nous protège » des bulles ou dans des combinaisons », d’après l’écrivain. À long terme, l’objectif est de créer son propre oxygène à l’aide de certaines bactéries qui ont déjà transformé l’atmosphère de la Terre alors qu’elles étaient dans des conditions hostiles. Ceci jusqu’à réussir à cultiver des plantes. Mais cette transformation pourrait prendre actuellement des dizaines ou des centaines de milliers d’années. Quoi qu’il en soit, Stephen Hawking en est persuadé : « Notre destin est dans les étoiles ». Les exoplanètes n’auront probablement pas d’oxygène. Il faudrait donc vivre dans des bulles ou en combinaison. Photo 20th Century Fox 2015

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« On en est encore très loin » François Forget, directeur de recherches au CNRS

La colonisation d’exoplanètes reste de la science-fiction ou un futur pas si lointain ? Être optimiste permet de rêver mais en réalité, comme vous le savez, ces planètes sont extrêmement lointaines. Ce sont des distances incommensurables, absurdes. Il est donc important de faire comprendre cela aux gens. Il n’y a pas de pures impossibilités technologiques mais on en est encore très loin. Puis, un autre élément important à souligner, c’est les gens qui parlent de terraformer ou coloniser Mars et d’autres planètes. C’est vrai que cela fait rêver mais c’est incroyablement difficile. Et le danger, c’est qu’il existe une partie du public qui prend cela un peu trop à la lettre et qui a tendance à aimer l’idée que la colonisation soit un plan b : on peut polluer la Terre et après on changera. Il faudrait quand même des centaines d’années d’évolutions technologiques pour pouvoir réfléchir à quelque chose. On est déjà en train de débattre sur le fait qu’on irait vers Mars d’ici 50 ans, donc les exoplanètes c’est encore autre chose. En l’an 2500 je ne sais pas mais en l’an 2100 ce n’est pas possible.

Justement en parlant de Mars, où en est-on ? Techniquement, on sait aller sur Mars mais pour l’instant on n’a pas le budget. Donc si on décidait de consacrer le budget de la NASA en arrêtant la Station spatiale internationale (soit un peu plus d’un milliard de dollars) on pourrait imaginer une première mission en orbite de Mars dans les années 2030. Après, le problème c’est que cela dépend de ce que les Américains veulent faire. Pour faire simple et alors que Barack Obama visait une exploration de Mars, l’administration de Donald Trump favorise plutôt un retour sur la Lune avec la construction d’une station permanente. Si c’est le cas, cela consommerait toutes les ressources et retarderait donc d’une quarantaine d’années l’exploration vers Mars.

François Forget, directeur de recherches au CNRS.

Photo DR

Guillaume BOUCHUT @gus_bouchut 41


L'art dans toutes ses dimensions

Un musée fait pour vous Le musée du Louvre s’est depuis plusieurs années perfectionné dans le domaine du numérique et expérimente toujours plus d’outils digitaux afin de toucher le spectateur. À l’heure actuelle, il semble être un des plus perfectionnés au monde. Partenaire de la startup Suricob, le musée de la capitale essaye d’apporter toujours plus de sensations au visiteur, avec notamment une interface plus naturelle. Grâce au système interactif regard-environnement, le spectateur peut sélectionner une œuvre par le regard et peut déclencher le contenu audio s’il le désire. Fini les équipements traditionnels qui suivent une visite traditionnelle. Le système explore le parcours selon le regard.

Le musée des Confluences a installé des bornes numériques, retraçant l'évolution du monde. Photo Blister/Laura CHEZE

Ces dernières années, le numérique a fait son entrée dans le domaine de l’art. À travers différentes techniques, les musées se réinventent.

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ans un monde aussi numérique, l'art devait s'adapter. À Lyon comme ailleurs, les musées et galeries tentent de trouver de nouveaux moyens de sensibiliser le spectateur. Pour le responsable du numérique du musée des Confluences, David Comte, c’est une réelle avancée. « Avec les nouvelles technologies, nous pouvons raconter une histoire au visiteur. Grâce à la réalité augmentée, le visiteur a le son et l’image. Et cela apporte une proximité entre l’œuvre et son observateur ». Photos, interviews préenregistrées, vidéos, films documentaires, tout est bon pour attirer l’œil des plus curieux. Grâce à tout

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cela, le visiteur « peut découvrir l’évolution d’une espèce à travers le temps dans le passé, le présent et le futur », poursuit David Comte. Le Musée Miniature et Cinéma a également joué le jeu. Seul musée en Europe à revisiter les effets spéciaux anciens et ceux des temps modernes. Le numérique permet de donner une nouvelle dimension aux œuvres. « Ça nous procure toutes sortes d’émotions et de sensations. Nous avons réellement l’impression d’être en face de certaines machines de films, comme les robots de Star Wars », nous indique le guide du musée Benjamin Perrard. « Le numérique est devenu indis-

pensable. Grâce à cela, nous avons pu retranscrire les cris des différents animaux comme par exemple le dinosaure. Les œuvres sont mobiles et c’est bien cela qui plaît au public. »

"Tout les œuvres dans votre proche" Si les musées retravaillent leur façon d’approcher le spectateur, ils ont également dû se développer sur Internet, élément devenu essentiel. « Créer une application nous semblait évident », nous raconte David Comte. « Aujourd’hui, le spectateur vient au musée parce qu’il a entendu des échos ou bien parce qu’il a déjà eu un aperçu sur le Web. Pour toucher au mieux le public, nous offrons un contenu pratiquement identique que l’on retrouve sur place et même de l’exclusivité, il doit se sentir

Les utilisateurs peuvent visiter chaque pièce du musée à l'aide d'un guide audio. Photo Application musee des Confluences

comme s’il était au musée même ». Une transmission qui plaît beaucoup. Charles, trentenaire, est « comblé ». Et va même plus loin. « Je trouve que l’application est plus enrichissante que sur place. Une visite est disponible avec tout un texte qui explique l’œuvre. » Mais ce n’est pas tout. Pour toucher le plus d’utilisateurs, l’application du musée des Confluences est disponible en cinq langues et il y a également un guide audio. Une initiative qui a fait ses preuves.

Les galeries suivent le pas Conscient qu’une sensibilisation numérique est nécessaire pour le spectateur, les galeries s’adaptent dorénavant. Le résultat de cette adaptation n'est toutefois pas au rendez-vous pour certains. Le digital semble être aujourd'hui une solution viable. Pour Françoise Besson, directrice du réseau Adèle d’art contemporain, la digitalisation a permis de répondre plus facilement aux demandes des acheteurs. « Les

potentiels acquéreurs ne se déplacent plus sans une certitude de trouver leur bonheur. Le site vitrine sert de liaison entre le client et la galerie. Ça nous permet de mieux communiquer et de répondre au mieux aux demandes avec des exemples concrets dans leurs recherches comme des photos ». Avec un coût toujours plus élevé, les « petites » galeries ne peuvent pas tenir la cadence et certaines doivent fermer leurs portes. Grâce à la digitalisation, « les œuvres sont plus dynamiques, une communauté se crée, l’art renaît. »

Ruben ZADEL @RubenZad

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Pour ou contre la robotique ?

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Les robots dans la médecine

Paresse

Les robots, un danger pour l'emploi Les robots ne nous dépasseront jamais Vont-ils nous surveiller ?

n.f. Tendance à éviter toute activité, à refuser tout effort (Larousse)

« J’ai la flemme », « je n’ai pas la motivation ». Ah ! La paresse. Quand tu nous tiens, nous serions capables de tout pour te satisfaire. Et les jours où tu te montres persuasive, nous pourrions même renoncer au travail, non content d’avoir déjà anéanti toute forme de vie sociale. Oui, le travail est ton plus grand rival : il nous vole à toi. La technologie, en revanche, est ton allié : les robots sont déjà dans les starting-blocks à l’usine et au bureau pour nous remplacer. Bientôt de manière définitive ? Laura CHÈZE

Les robots dans la musique L'IA donne le "la" a la musique

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Pourou contre la robotique ?

Par Laura CHÈZE (Contre) et Ruben ZADEL (Pour)

« Elle peut également servir nos intérêts » Ruben : Quelles seraient ces limites ? Enlever voitures, ascenseurs, pacemaker ? Soyons sérieux, il ne faut pas confondre l’évolution et les débordements comme vous venez de l’expliquer. De nos jours, pour allumer un feu, nous utilisons un briquet, vous voyez vous prendre deux pierres et quelques branches de bois pour vous réchauffer ? Chercher à stopper la progression serait une énorme erreur. Elle peut également servir nos intérêts, je pense particulièrement aux nouveaux soucis mondiaux (réchauffement climatique, pollution, etc.) qui ont besoin de l’être humain. Les avancés sur notre vie quotidienne permettront les progrès sur ces vrais problèmes de fond. On a d’abord eu l’idée des transports en commun, nous les avons ensuite changés en métros et tramways. Performants et sécuritaires. Et sans cesse repensés.

Sommes-nous allés trop loin ? Ruben : Depuis tout temps et toute évolution, nous nous sommes battus pour une meilleure vie, un meilleur confort. Maintenant que nous y sommes, vous voulez dire que nous sommes allés trop loin ? Au contraire, nous en sommes loin et il faut persister dans cette lignée. Vous avez un peu trop regardé Terminator ! Ces technologies ont permis à de nombreuses personnes en grandes difficultés comme les handicaps, etc. d’aller mieux et d’avoir une vie aisée et confortable.

Des robots, pas encore à taille humaine, mais déjà à l’apparence d’un homme avec son visage, ses membres et son corps. Photo Peyri Herrera

« La robotisation de la société n’est qu’une illusion » Laura : La robotisation de la société n’est qu’une illusion : nous aider sur le moment pour mieux nous handicaper par la suite. Lorsque les générations à venir, nées sous le joug des robots, trouveront ça normal d’être assistés par des machines au quotidien, tout sera perdu. L’épanouissement que procure le travail va disparaître comme l’a déjà fait à son époque la révolution industrielle. Comme l’explique Agnès Guillot dans son livre Des Robots doués de vie, les voitures robots remplaceront bientôt les chauffeurs de bus, les transporteurs routiers et les livreurs seront remplacés. Les robots accomplissent le travail à notre place, mais surtout, réalisent le travail en notre absence. Nous vivons dans un monde de plus en plus télévirtuel, télécommandé, dématérialisé. Il faut réagir sans plus attendre et mettre des limites à cette « évolution ». Au-delà des rengaines habituelles « les machines volent notre travail », il faut penser plus loin : « les machines volent notre vie. »

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« L’être humain et sa volonté de repousser toujours plus loin ses limites »

Nao est apparu pour remplacer d’anciens modèles de robots, moins attachants et moins "humains". Photo Canal D.

Laura : Un briquet, puisque vous l’avez évoqué, n’est pas une évolution susceptible de prendre la place d’un humain et de contrôler notre monde. Il me semble que vous faites un immense amalgame entre tout ce qui a été créé (ou du moins, apprivoisé) depuis le big bang par l’être humain, et sa volonté de repousser toujours plus loin ses limites en créant des robots, comme Erica, cette humanoïde construite par le génie fou Hiroshi Ishiguro, dans le but de présenter un journal télévisé au Japon. Un exemple parmi tant d’autres. Ces innovations ne peuvent être considérées comme un besoin nécessaire d’utilité publique comme les transports en commun dont je ne remets pas en question le confort apporté, mais bel et bien comme un caprice de l’être humain. Jusqu’où nous conduiront ces « révolutions » ? Je vous pose la question Ruben : comment imaginez-vous l’avenir du monde, économique ou social, lorsque les machines seront omniprésentes, au point que chacun d’entre nous ne ressentira plus le besoin de sortir de sa maison ? Quant aux questions environnementales, ne me dites pas que l’être humain et ses inventions sont la solution : ils en sont la cause. Cessons de vouloir être les sauveurs de quelque chose que nous avons causé. Ce parallèle s’applique également aux robots : un jour, nous voudrons les supprimer alors que les aurons créés.

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Pour / Les robots dans la médecine Les robots ne sont pas dédiés essentiellement aux usines pour le travail à la chaîne, ils servent à bien plus que cela dorénavant. Ils ont désormais une place importante dans les hôpitaux. Et grâce à toutes les avancées technologiques et numériques, des robots d’une performance rarissime ont été développés. Ce n’est plus le chirurgien qui opère mais bien des bras robots qui sont guidés depuis un ordinateur par le médecin. Cette avancée est désormais primordiale, car le robot apporte une meilleure précision et une meilleure garantie qui se rapproche de la perfection. D’ici cinq ans, trois opérations sur quatre seront faites par des robots en France.

Grâce à une vison 3D, le chirurgien est plus précis et apporte une garantie supplémentaire au patient. Photo Le Point.

« Le cœur était difficilement opérable, maintenant c'est faisable » Depuis le tout premier robot Da Vinci en 1999 aux États-Unis, la robotisation dans la médecine ne cesse de s’améliorer. Pratiquement chaque partie du corps est opérable grâce à la robotisation. Bien que la France soit très en retard sur les Américains, la robotisation fait peu à peu sa place dans l’Hexagone. Depuis cinq dix ans, les grands hôpitaux se sont équipés de cette technologie, qui apporte une meilleure garantie. « Les organes comme le cœur étaient difficilement opérables ou étaient plus sujets à risque, maintenant, c’est faisable, il y a beaucoup moins de risque pour le patient », déclare Simon Fitouchi, interne en cancérologie.

« Avec le robot, la guérison est rapide »

Créé par Google en coopération avec l’armée, ce robot, à taille humaine, est capable de se déplacer à plus de 46 km/h. Photo Boston Dynamics

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Mais ce n’est pas tout, le robot est à la pointe de la technologie. Grâce à quatre bras et une vision 3D, l’intervention est rapide et quasiment parfaite, les cicatrices sont donc plus petites et certaines sont quasi invisibles, ce qu’aucun chirurgien ne peut se targuer de réaliser. M. Fitouchi poursuit : « Le bras robot va opérer exclusivement la zone désirée avec une lame très fine. Les pertes sanguines sont donc réduites. » Avec ses doigts et une vision masquée par ses mains, le chirurgien doit généralement ouvrir plus que nécessaire. Grâce à la robotisation, la cicatrice est plus petite, le patient guérit donc plus vite et peut retrouver plus rapidement son domicile. Par conséquent, l’hôpital va pouvoir recevoir d’autres patients. « Aujourd’hui le problème majeur des hôpitaux est le manque de place. Certaines fois ils doivent refuser des patients et les envoyer vers d’autres services. Avec le robot, la guérison est plus rapide et peut laisser place à de nouveaux patients ». Avec la machine, les infections postopératoires diminuent et sont quasi nulles.

Contre / Les robots, un danger pour l’emploi Oui, dans certains secteurs de l'industrie, c'est un fait avéré : le robot vole le travail des hommes, par exemple dans le secteur de l'automobile. Selon l'évolution actuelle de la robotique, la raréfaction du travail interviendra d'ici vingt à trente ans au maximum, et elle surviendra à une vitesse telle que nos sociétés seront incapables de réagir correctement. C'est à ce défi qu'il faut faire face, et non pas à la fin du travail,

qui reste néanmoins un aboutissement quasi certain. L’impact des progrès dans la robotique et l’intelligence artificielle est plus visible au niveau social. Comme nous l’avons rapporté à de nombreuses occasions, de plus en plus d’emplois autrefois réservés aux humains sont en train de passer entre les mains de robots. De l’automatisation des emplois dans les usines et entrepôts chinois à la livraison de colis par drone ou robot

au sol, la liste est bien longue. L’intelligence artificielle menace également les emplois qualifiés dans divers secteurs tels que la presse en ligne, la banque et la finance. On peut alors se demander quelle sera la reconnaissance sociale pour ceux qui ne travailleront pas, dans une société où mener une carrière est l’aboutissement d’une vie.

Peut-on être sûr de la fiabilité d’un robot ?

On ne peut pas confier, même aux robots les plus perfectionnés, des tâches qui demandent une prise de décision si celle-ci n’a pas été programmée par l’homme. Il reste qu’il y a un véritable saut qualitatif entre un robot capable de remplir une liste de tâches simples dans un environnement connu et un robot qui, confronté à un événement totalement imprévu, va pouvoir réfléchir à la réaction à adopter, ce qui est le propre de l’intelligence humaine. Les robots de prochaine génération, et notamment ceux destinés aux services à la personne, devront également être capables de mimer toute une palette d’émotions dans leur comportement pour « être

acceptés sans réserve dans l’intimité de nos foyers », a expliqué le philosophe Raphaël Liogier. Cette proximité entre humains et robots, les accueillir dans sa propre maison, amène à une autre réflexion : celle de la sécurité. Les algorithmes pourraient être hackés à des fins criminelles : on peut même concevoir des meurtres en prenant le contrôle à distance d’une voiture autonome par exemple. Si en principe, les comportements des robots sont anticipés par leurs créateurs, les dysfonctionnements ne sont pas impossibles. Quelles sont les conséquences possibles d’une défaillance du système ou du piratage de robots connectés ? Leur comportement

devient également moins prévisible, s’il s’agit de robots très intelligents dotés d’une plus grande autonomie. Comme l’avait souligné en 2015 Bill Gates, lors d'une session de questions-réponses avec des internautes sur le site Reddit, « dans un premier temps, les machines accompliront de nombreuses tâches à notre place et ne seront pas super-intelligentes. Cela devrait être positif si nous gérons bien cela. Plusieurs décennies plus tard cependant, l’intelligence sera suffisamment puissante pour poser des problèmes. » L’Homme pourra perdre le contrôle des machines qu’il a créées.

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Pour / Les robots ne nous dépasseront pas Les robots seront-ils un jour supérieurs à l'humain ? Pour l’ingénieur en informatique Thomas Sebbane, la réponse est claire : « Non c’est impossible ». Le robot ne peut pas être supérieur à l’Homme, car il n’a tout simplement pas la conscience qui lui permette cela. De l’informatique est née l’intelligence artificielle. De ce fait, elle s’est développée et il est désormais possible que la machine apprenne d’elle-même de façon autodidacte. Mais il y a un fait qui est souvent négligé. « La machine apprend selon des règles, comme une partie d’échecs. L’informatique nous a permis d’automatiser des tâches et grâce à cette intelligence artificielle, elle apprend, elle peut même dépasser l’Homme. La première partie, elle sera assez faible, mais grâce à la répétition d’une tâche, elle sera capable d’anticiper tous les coups à la fin de la journée. Il faut bien faire une distinction entre intelligence artificielle et conscience. »

« Il faut bien faire une distinction entre intelligence artificielle et conscience »

Géménoïd, conçu par Hiroshi Ishiguro, est le sosie de son créateur. Photo Robot-blog

Mais la robotisation n’est plus seulement une répétition de tâches confinée aux usines, elle est aussi très utile dans la prédiction de données pour l’économie ou bien tout banalement pour la météo (c’est une variété de techniques issues des statistiques, d’extraction de connaissances à partir de données et de la théorie des jeux qui analysent des faits présents et passés pour faire des hypothèses prédictives sur des événements futurs). « La robotisation est une des plus grandes avancées, qui pour être optimisée a besoin d’un référencement. Et c’est cela qui permettra à la machine d’apprendre. Le robot ne fera que suivre cela. En aucun cas, par sa propre initiative, il ne fera quelque chose. Parler de conscience et de robot est tout simplement de la pure fiction », conclut l’ingénieur informaticien, spécialisé dans l’intelligence artificielle.

Grâce au robot, l’Homme réalise son rêve : explorer le système solaire. Dorénavant, pour n’importe quelle mission spatiale, ce sont bien eux qui sont envoyés dans l’espace pour explorer le monde futur. Un choix qui semble évident tant les contraintes pour les êtres humains sont nombreuses, notamment en termes de fourniture en oxygène et en alimentation. Trop de risques pour l’Homme, les agences spatiales se penchent désormais exclusivement vers les robots pour effectuer ces missions. Fini le cosmonaute, place au robonaut. Un robot humanoïde capable de réaliser les tâches faites par les astronautes. Ils sont animés par téléprésence, une technique qui permet à la personne qui le commande d’avoir l’impression d’être présent. Le robot est autonome et ses mains disposent de quatorze possibilités de mouvement et ont une sensibilité au toucher. 50

Contre / Vont-ils nous surveiller ? Effectivement, comment s’assurer que la masse d’informations personnelles recueillies par ces robots de compagnie ne soit pas utilisée à des fins mercantiles ou dans un but de contrôle politique ? La généralisation des robots d’assistance personnelle va donc poser à nos démocraties un véritable défi. L’IA a accéléré le développement des technologies de reconnaissance d’image et de reconnaissance faciale. De cela a résulté la création des produits innovants qui, en même temps, créent de sérieux problèmes de confidentialité. L’an dernier, une start-up russe a fait parler d’elle grâce à une application de reconnaissance faciale capable d’identifier n’importe quel passant dans les rues, en prenant juste une photo de lui. Il faut noter que l’application est couplée aux bases de données des réseaux sociaux, ce qui permet donc d’identifier des personnes qui ont donné certaines informations sur Inter-

net. Le numéro un des réseaux sociaux, Facebook, a lui-même une technologie de reconnaissance faciale sophistiquée qu’il utilise pour faire correspondre automatiquement des images avec des noms. La société a d’ailleurs été attaquée en justice en décembre dernier, à cause de cette technologie, qui serait en violation de la vie privée des utilisateurs. Le FBI a, lui, fait part de ses craintes concernant la technologie de reconnaissance faciale. En effet, elle pourrait être utilisée par des personnes mal intentionnées pour harceler ou traquer des individus. Ils pensent qu’elle peut également être utilisée pour limiter la liberté d’expression et de libre association en ciblant les personnes assistant à certaines réunions politiques, à des manifestations, dans des églises ou d’autres types de lieux publics.

« La généralisation des robots d'assistance personnelle va donc lancer un véritable défi à nos démocraties » Sophia, Saoudienne, est le premier robot humanoïde à avoir reçu une nationalité. Photo Publimetro

Le Robonaut remplacera les astronautes à l'avenir. Photo DR

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Marcel Bettinelli : « Les médias surestiment l'IA » Marcel Bettinelli, étudiant en master 2 Intelligence artificielle (IA) à Lyon, est passionné par la robotique depuis son adolescence. Après s’être lancé dans un projet de construction de drone, il a décidé de se consacrer aux calculs des machines pour développer l’intelligence du robot.

À quoi sert, dans notre société, l’Intelligence artificielle ?

D’après vous, quel est l’avenir de l’être humain dans un monde robotisé ?

Marcel Bettinelli : Actuellement, l’IA sert à résoudre des tâches spécifiques en simulant une intelligence autonome. Il existe deux formes d’IA. Celle que nous sommes incapables de faire, l’IA ‘’forte’’, c’est-à-dire un programme utilisant des techniques d’IA qui peut résoudre tout type de problèmes, en opposition avec l’IA ‘’faible’’, un programme utilisant des techniques d’IA qui est conçue pour résoudre un problème précis. Le film Ex-Machina, par exemple, montre un robot se rapprochant grandement d’une IA ‘’forte’’. En termes de robotique et d’IA, une telle machine n’aurait aucune chance d’être créée aujourd’hui. Pour comparer avec Sophia (le robot qui a eu la nationalité saoudienne), celle-ci est très peu mobile et très peu futée, et elle est pourtant considérée comme un produit haut de gamme de notre monde.

Si nous parlons simplement d’un monde où les robots seront omniprésents, sans rapport de dominants-dominés (machine-homme) comme dans Terminator), alors le monde sera un bel endroit. Les machines auront remplacé les humains pour tous les travaux manuels, peut-être même certains intellectuels. En étant optimistes, nous pouvons imaginer que la plupart des gens vivront une vie de loisirs dans leur vie privée, car il n’y aura plus de tâches ménagères.

Que pensez-vous des capacités réelles de l’intelligence artificielle ? Je pense qu’il est important de noter que les médias ont une forte tendance à exagérer les capacités de l’IA. Même s’il est possible que, dans un avenir assez lointain, l’IA nous permette de grosses avancées dans de nombreuses sciences comme l’astrophysique avec la détection de nouvelles exoplanètes, nous sommes aujourd’hui très limités. Bien sûr, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas commencer à se poser de questions sur la sécurité et l’éthique, mais on a encore le temps de trouver des solutions à ces problèmes. Pour revenir sur ‘’l’IA forte’’, je pense qu’il est possible qu’un jour nous nous fassions surpasser par une machine sur tous les domaines. C’est le thème de la singularité technologique.

Et d'un point de vue pessimiste ? Il faut effectivement être prudent. Il y a énormément de moyens de dévier de cette potentielle vie future. Puisqu'on se sert de nos prédictions pour optimiser nos choix de tous les jours, on tombe dans un comportement cyclique qui ne change pas. Deux problèmes face à ça : le premier, on ne change jamais nos habitudes. Il suffit de regarder YouTube, le site nous propose de regarder ce que l'on aime, mais puisqu'on ne peut aimer ce que nous n'avons jamais vu, il ne nous propose rien de nouveau. Même problème pour le moteur de recherche Google qui nous enferme dans une bulle nous empêchant de trouver des sites réellement atypiques, ce qui renforce nos convictions – politiques par exemple – et nous empêche de les remettre en cause. Deuxième gros problème : les biais que nous instaurons nous-mêmes dans les données qui servent à l'apprentissage.

Propos recueillis par Laura CHÈZE 52

Pepper : « Je suis là pour faciliter le travail de l’Homme » Les robots humanoïdes sont en plein développement. Certains travaillent déjà aux côtés des humains. Blister a rencontré l’un d’eux, Pepper, qui travaille aux côtés de Fabrice Jumel, professeur de robotique à l’école CPE Lyon.

Bonjour Pepper, peux-tu te présenter ? Pepper : Je suis un robot de service produit par la société SoftBank Robotics. J’ai vu le jour au Japon en juin 2014. Mes collègues robots ont été mis en service en 2015, ils sont chargés d’accueillir la clientèle dans plusieurs magasins, notamment ceux de SoftBank.

Tu es un robot de service, qu’est-ce que cela signifie ? Un robot de service est une notion large. C’est une grande famille, une voiture autonome est aussi un robot de service. On dit de moi que je suis un "cobot", un robot "compagnon" ou "collègue". Mon devoir est d’assister les humains dans leurs tâches quotidiennes. Pour cela, je suis capable de me déplacer seul, de reconnaître un visage et bien sûr de parler. Pepper s'est vendu à plus de 10 000 exemplaires dans le monde. Photo Blister/Baptiste NOBLE-WERNER

Es-tu capable de décrypter les émotions humaines ? Je peux identifier certaines émotions comme la joie, la tristesse ou la colère. Cela a été rendu possible grâce au développement technologique des trois capteurs optiques situés sur mon visage. J’analyse les expressions de votre faciès ainsi que le ton de votre voix. Il y a encore une dizaine d’années, une telle capacité aurait été très limitée et le coût des capteurs était faramineux. Aujourd’hui, une simple petite caméra 3D me suffit pour vous reconnaître.

Certains humains ont peur des robots, comprends-tu pourquoi ? La robotique interpelle les Hommes, ça génère beaucoup de questions. Les humains nous attribuent des intentions, des sentiments. Mais nous n’en avons pas ! Nous ne sommes que des robots ! Dans mon cas, mes concepteurs ont longtemps réfléchi à mon acceptabilité. Les ingénieurs pensent autant à la forme des robots qu’à leurs capacités. Honnêtement, je ne suis pas aussi effrayant que le T-800 de Terminator.

On entend que les robots prennent le travail des humains, qu’en penses-tu ? Sur les chaînes de production automobile, on est dans une logique d’automatisation. Là, clairement, mes semblables retirent du travail humain. En robotique de service, on ne cherche pas à supprimer de l’emploi. Je vais faciliter le travail. L’entreprise Colas (leader mondial de la construction de route, Ndlr) a développé un exosquelette qui vient aider les mouvements de l’ouvrier. Lorsque l’ouvrier enfile son exosquelette, il peut faire des tâches qu’il ne pouvait pas faire avant. Nous coopérons.

Propos recueillis par Baptiste NOBLE-WERNER, grâce à Fabrice Jumel. 53


L’IA donne le ‘’la’’ à la musique

« Pour moi, il n’y a pas d’âme, les gens qui aiment la musique aiment aussi les gens qu’il y a derrière » gence artificielle, mais je ne savais pas qu’on en était là… Je suis choqué, ils vont nous voler notre place ! »

« Tout le monde peut faire de la musique »

Gee Saauce est beatmaker à Lyon. Photo Blister/Laura CHEZE

Stromae a récemment collaboré avec des chercheurs de Spotify sur un projet nommé Hello World. Un album sorti le mois dernier, dont l’intégralité des musiques ont été composées par une intelligence artificielle (IA). Une première mondiale, encore au stade expérimental. Le beatmaker Gee Saauce donne son avis sur cette technologie.

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uelques partitions, quelques heures de réflexions et la magie opère. Ce logiciel, Flow Machines, a été développé par le pôle de recherche technique de Spotify. En se basant sur 13 000 morceaux de différents styles, l’IA s’est forgée un univers musical et est capable de mixer, composer, arranger des morceaux déjà existants.

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Pour l’instant, Flow Machines n’est pas tout à fait autonome, les morceaux déjà dévoilés ont dû être arrangés par un musicien. Mais l’avancée technologique est déjà significative pour les chercheurs, et tout aussi inquiétante pour les copositeurs. Assis sur son canapé, le beatmaker néolyonnais Gee Saauce dé-

couvre Daddy’s Car, la première chanson pop entièrement créée par le logiciel Flow Machines. Un style à la Beatles, dont aucun son n’est produit par un être humain. À la première écoute, ses yeux s’écarquillent. « C’est une folie ! Mais c’est un peu bizarre. L’ambiance sonore est étrange, on sent que les notes sont forcées. J’avais entendu parler d’intelli-

Dans son appartement, Gee Saauce a installé son studio de mixage et d’enregistrement. Depuis plus de dix ans, il crée des productions pour des rappeurs. Pour les beatmakers, l’informatique a toujours pris une place un peu plus importante au fil des années. Sur son bureau, en dessous de son ordinateur, on retrouve un ensemble seulement composé d’un clavier et de deux enceintes. « J’ai un logiciel pour créer la musique, la mélodie, et un autre pour enregistrer la voix et mixer. Ces logiciels ne coûtent pas cher et sont facilement piratables. Donc déjà, sans même parler d’intelligence artificielle, en 2018, tout le monde peut faire de la musique. Le pire est déjà arrivé. Pour 1 000 euros, tu peux faire des sons chez toi, sur un ordinateur. Donc il faut arriver à montrer sa valeur et à se faire apprécier, à développer son style » explique-t-il.

Rock, Jazz et bientôt IA ? En réécoutant une deuxième fois Daddy’s Car, l’oreille collée à l’enceinte, Gee Saauce repère d’autres problèmes. « Pour moi, il n’y a pas d’âme, les gens qui aiment la musique

« C’est bien pour la technologie, mais ils ne pourront pas dépasser ce côté robot… pour l’instant ! » Photo Blister/Laura CHEZE

« L’IA ne me fait pas forcément peur. Mais c’est sûr que si ça se développait, ça ferait du mal à beaucoup de musiciens » aiment aussi les gens qu’il y a derrière. Les rappeurs qui viennent me voir savent ce que je fais et le style que j’ai. L’IA ne me fait pas forcément peur. Mais c’est sûr que si ça se développait, ça ferait du mal à beaucoup de musiciens. Mais je trouve que c’est plus un coup de buzz qu’autre chose, je ne suis pas sûr que ça marche. C’est bien pour la technologie, mais ils ne pourront pas dépasser ce côté robot… pour l’instant ! », plaisante Gee Saauce. En plusieurs années dans le milieu du hip-hop, il a vu de nombreux styles se développer. Et il prédit déjà l’avenir de l’IA : « Finalement, c’est un concept, les gens peuvent aimer ! Par exemple, on ne peut presque plus

parler de hip-hop, il y a des dizaines et des dizaines de styles de hip-hop différents. Pourquoi pas un style IA ? Je ne serais pas étonné que cette musique se développe. Ça pourrait être un truc à part. Il y a une ambiance spéciale : les notes sont forcées, ce n’est pas forcément ultra juste, mais ça pourrait très bien se développer ! » Expérience scientifique ou futur style musical à part entière, l’intelligence artificielle ne convainc pas encore tous les professionnels. Ce qui laisse encore un peu de répit aux compositeurs.

Guillaume DREVET @guillaumedrvt

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Maison close 2.0

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Soumission

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Poupées et robots sexuels : l'amour plastique

Luxure n.f. Pratique immodérée des plaisirs sexuels (Larousse)

Quelle soit timide, libérée ou totalement déchainée, la sexualité regorge chaque jour de pratiques nouvelles. Des plaisirs souvent aussi spéciaux qu’inconnus de la plupart d’entre nous. Que l’on soit seul(e) ou accompagné(e), tous les prétextes sont bons pour ouvrir de nouvelles portes du désir. Entre jouets, soumission et simulation, la nouveauté attire sans cesse les adeptes de la luxure. Guillaume DREVET

Puppy play, à quatre pattes


Poupées et robots sexuels : l’amour plastique

supplémentaire d’instrumentaliser le corps de la femme, d’autres n’y trouvent qu’une nouvelle manière de vivre leur sexualité. Pour Benjamin Bruel, journaliste spécialisé en robotique et nouvelles technologies, « on transforme les femmes en objet ». D’ailleurs, il existe très peu de poupées sexuelles masculines et Benjamin explique que s’il y en avait, elles seraient davantage destinées à un public gay qu’aux femmes.

La genèse Xdolls

La poupée sexuelle Lily. Photo Xdolls

De “ I, Robot ” à “ Terminator ” en passant par “ Wall-e ”, le robot intelligent et autonome est un fantasme qui alimente en permanence l’imaginaire collectif. Toujours plus performant et plus réaliste, jusqu’où ira notre fascination pour ces êtres de métal et de plastique ? L’ouverture récente d’une maison close parisienne uniquement, constituée de poupées sexuelles plus vraies que nature, apporte tout son lot de doutes, d’étonnements et d’interrogations.

L

e 28 janvier dernier, Joaquim Lousuy, un entrepreneur de 28 ans, ouvre une maison close à Paris. Surprenant toutefois, puisque la loi Marthe Richard du 13 avril 1946 interdit ce type d’établissements en France. Mais attention, Joaquim Lousuy ne fait travailler aucun être humain dans son établissement ; uniquement des poupées sexuelles au réalisme frappant. Le jeune entrepreneur profite d’un vide

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juridique, puisque pour l’instant aucune loi française n’encadre ce genre d’établissements. « Je mets uniquement à disposition des gens des espaces de jeux avec des sextoys géants, rien de plus », affirme Joaquim Lousuy. Dans le XIVe arrondissement de Paris, Xdolls est un lieu composé de trois chambres à l’ambiance tamisée et intimiste. Sur les lits destinés aux clients sont allongées Lily, une poupée typée asia-

tique qui ne pèse que 26 kg ; Sofia, une Occidentale à la poitrine plus que généreuse, et Kim, une Latine aux lèvres pulpeuses. Les trois êtres de silicone peuvent être réservés en ligne. Une inscription et un paiement de 89 euros pour une heure sont obligatoires afin de connaître l’adresse précise du lieu. Unique en France, l’ouverture de cet établissement a provoqué de vives réactions. Quand certains y voient une volonté

Avant de se lancer dans ce business, Joaquim Lousuy découvre les poupées sexuelles dans des maisons closes en Allemagne puis à Barcelone. « J’ai payé comme un client normal, j’ai essayé les poupées et j’ai noté les bons comme les mauvais points pour pouvoir proposer mieux en France. En Allemagne, par exemple, ils se contentaient d’utiliser un vrai bordel avec de réelles prostituées et ils proposaient juste en plus quelques poupées. Avec Xdolls, l’idée c’est de créer un lieu uniquement dédié et adapté aux poupées. » On peut dès lors se poser la question du public visé par ce genre d’établissements. La réponse de Joaquim Lousuy est très claire : « J’ai une femme et une sexualité tout à fait normale. Honnêtement, j’ai trouvé ça très réaliste au niveau des sensations. Jusqu’à maintenant, 90 % de nos clients sont des gens normaux. Plutôt beaux gosses, CSP+, entre 30 et 50 ans, qui sont au final plus curieux qu’autre chose. »

Une solution contre l’isolement et la prostitution ? Et si la Sexdoll avait pour vocation d’offrir un réconfort, certes plastique, mais visiblement assez efficace et réaliste aux personnes incapables d’avoir un rapport sexuel hu-

Xdolls propose trois poupées différentes. Photo Xdolls

main ? Pour Joaquim Lousuy, ça ne fait aucun doute : « Je suis sûr que ça peut aider. On voit quelques personnes, les 10% restants de notre clientèle, pour qui trouver des femmes semble très compliqué. Honnêtement, ils ont été bluffés et on apporte du bonheur à cette catégorie de personnes. » Du bonheur peutêtre mais qui paraît, de prime abord, légèrement superficiel. Dans cette même réflexion, estce que les poupées sexuelles pourraient mettre un terme à la prostitution ? « Sur ce sujet, c’est pareil !, annonce fièrement le jeune entrepreneur. Cela va la faire diminuer, c’est évident. Dans 30 à 50 ans, ce sera largement démocratisé. » Sur ce point, il est vrai que la poupée sexuelle offre des avantages non négligeables. « Il s’agit d’un investissement économique moindre, la poupée ne se fatigue pas, elle peut travailler 24h/24 », poursuit Joaquim Lousuy. Seulement, cet avis n’est pas partagé par tout le monde. Pour Brigitte Pariat, infirmière en psychiatrie au Vinatier et spécialisée dans les problématiques sexuelles,

LE PORNO EN RÉALITÉ VIRTUELLE Alors que la réalité virtuelle et la réalité augmentée s’apprêtent à rentrer dans notre quotidien, Joaquim Lousuy propose déjà dans sa fameuse maison close des casques de VR uniquement programmés avec du porno. « Si tu places la poupée dans la même position que la personne que tu vois dans le casque, alors la sensation est bluffante : tu as vraiment l’impression d’avoir un rapport avec telle ou telle actrice porno », explique-t-il. Loôrah Herbet, testeuse professionnelle de sextoys, semble du même avis : « La réalité virtuelle permet de vraiment se plonger dans la scène, on ne visionne plus un porno où Anna Polina (actrice) suce untel, non, on se fait sucer par Anna Polina ! » 59


Les clients peuvent passer d’une à plusieurs heures dans une salle avec la poupée de leur choix. Photo Xdolls

les personnes qui se rendent dans des maisons closes pour rencontrer des prostituées ne sont souvent pas à la recherche d’un rapport purement sexuel : « Les hommes qui se rendent dans des bordels y vont aussi pour parler. Il y a même des fois où il n’y a pas de relation sexuelle. Une prostituée est tantôt assistante sociale, tantôt maman, tantôt psychologue. Il y a un vrai rôle social derrière ça. » Un échange qui semble difficilement imaginable avec une poupée en silicone, incapable d’émettre le moindre son.

Remède miracle contre la pédophilie ? Au Japon, la compagnie Orient Doll commercialise depuis 2012 des poupées sexuelles juvéniles. Comme les poupées classiques, elles sont réalisées en silicone, avec une armature en acier et coûtent environ 6 000 euros. Le PDG d’Orient Doll 60

n’y voit rien de choquant. Il affirme que ces poupées miniaturisées pourraient servir de thérapie aux pédophiles. On peut tout de même douter de la sincérité de l’entreprise quand on sait que chaque poupée est personnalisable à souhait et qu’il est même possible d’envoyer une photo pour que le résultat final soit le plus ressemblant possible. Orient Doll n’est d’ailleurs pas la seule entreprise à commercialiser ces poupées juvéniles. Shin Takagi, le patron de Trottla, vend des poupées représentant des petites filles, dont les plus

jeunes semblent avoir à peine 5 ans. Ces arguments sont proches de ceux du PDG d’Orient Doll. Dans un entretien accordé à “The Atlantic”, Shin Takagi affirme que ses poupées pourraient servir « à aider les gens à exprimer leurs désirs légalement et de manière éthique ». De nombreux internautes ont réagi très négativement à ces annonces. Ils dénoncent massivement une incitation à la pédophilie. Pour le journaliste Benjamin Bruel cela peut tout d’abord résulter d’une différence de culture : « Au Ja-

« Si tu te promènes dans Tokyo, dans le quartier geek Akihabara, sur tous les buildings tu vois des photos type mangas avec des gamines, ce sont des lycéennes, c’est dans leur culture, ils ont l’habitude »

pon ça ne pose pas de problème. Si tu te promènes dans Tokyo, dans le quartier geek Akihabara, sur tous les buildings tu vois des photos type mangas avec des gamines, ce sont des lycéennes, c’est dans leur culture, ils ont l’habitude. Un Américain a voulu en importer une dans son pays, il a été arrêté. » Pour Abderrahmane Nordine, infirmier en psychiatrie au Vinatier, une poupée juvénile n’est pas la solution la plus adaptée pour traiter la pédophilie : « Pour admettre ce genre d’hypothèse, il faudrait supposer que c’est l’objet qui fait la thérapie, alors que ça ne se passe pas comme ça. » Sa collègue, Brigitte Pariat, rajoute que pour une grande majorité de pédophiles, « la violence sexuelle n’est pas une problématique : c’est l’identité. Un pédophile est quelqu’un qui se place au niveau d’un enfant, il ne peut pas envisager une relation sexuelle avec un adulte. C’est au niveau affectif qu’il est perturbé. C’est un problème de développement. Chez le pédophile, la problématique ne concerne pas l’acte sexuel en lui-même. Lorsqu’on commence une thérapie avec un pédophile, l’objectif est de lui permettre de reprendre un développement normal, de grandir, de mûrir et de pouvoir affirmer son identité pour être en mesure d’entrer en relation avec les gens de son âge. Beaucoup de pédophiles ne passent pas à l’acte sexuellement. Il ne s’agit pas d’un appétit sexuel débordant qui viendrait à être rassasié par un acte opératoire. » Lorsqu’on aborde le thème plus large des délinquants sexuels, la réponse des deux infirmiers reste similaire : « Enlever le processus de la relation, c’est un peu dangereux. Les violences sexuelles interviennent quand l’individu se sent menacé dans la rencontre, il n’est plus maître et agit par la pulsion. Il n’y aurait peut-être même pas de pulsion avec une poupée, parce que c’est l’altérité et la rencontre avec l’autre qui fait la pulsion. Si l’autre n’est pas

« Aujourd’hui, ce sont encore des objets inertes mais demain les robots sexués seront beaucoup plus répandus. Ils existent déjà et possèdent une intelligence artificielle » menaçant, il n’y a pas de raison qu’il y ait une pulsion. » Loôrah Herbet est du même avis. La jeune femme a subi des agressions sexuelles de ses 6 à 10 ans par un adolescent de 15 ans. Même si elle voit beaucoup de positif dans la démocratisation des sexdolls, elle ne pense pas qu’une poupée aurait pu empêcher ce qui lui est arrivé. « Dans la délinquance sexuelle, il y a vraiment une relation avec la proie, explique-t-elle. C’est comme le lion avec l’antilope. Il la chasse. Il la domine. Il la soumet. La poupée, elle, ne peut pas réellement être soumise, puisqu’elle est inerte. Il n’y a aucun plaisir de soumission et l’agresseur ne peut pas apprécier le pouvoir qu’il a sur sa proie. »

Vers le « grand remplacement » ? Pour autant peut-on parler de grand remplacement ? Des scientifiques entendent par là que les robots pourraient, à terme, remplacer les humains. Dans le cas présent et comme expliqué précédemment par Joaquim Lousuy, le créateur de Xdolls, les poupées sexuelles vont énormément évoluer d’ici vingt à trente ans pour laisser place à des robots sexuels capables de se mouvoir et d’entretenir une conversation grâce à l’intelligence artificielle. Les entreprises qui se penchent actuellement sur la fabrication de robots à but sexuel sont peu nombreuses. Il y a notamment Abyss Creations, pionnière dans le secteur, avec des robots vendus entre 6 000 et 15 000 euros.

« Mais pour le moment, ce sont plus des prototypes avec des capteurs dans les yeux, une intelligence artificielle et une peau en silicone, plus réaliste encore que celle des poupées », ajoute Benjamin Bruel, journaliste. « Aujourd’hui ce sont encore des objets inertes mais demain les robots sexués seront beaucoup plus répandus, explique Joaquim Lousuy. Ils existent déjà et possèdent une intelligence artificielle mais cela a un coût. Dans trois ans, ils seront beaucoup plus abordables. » Kathleen Richardson, professeur d’éthique et de culture des robots à l’université de Montfort, est très claire sur ce sujet : « Les robots ne sont que des outils, rien de plus, rien de moins. Ils seront toujours des outils et ne seront jamais équivalents aux humains. Nous, les humains, sommes une espèce sociale, nous n’existons pas seuls. On ne peut pas extraire cette sociabilité naturelle d’un humain et la mettre dans une machine, ou l’inscrire dans un code informatique. » Il est probable que les robots sexuels prennent une place importante dans nos vies. D’ici 2050, des scientifiques estiment que les bordels d’Amsterdam seront composés à 50% de robots sexuels. Pour l’heure, il est encore difficile d’imaginer un réel et total remplacement de l’humain par la machine, surtout dans les rapports sexuels.

Quentin Girardon Twitter : @QuentinGPGrd

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Puppy play, à quatre pattes

Le Puppy play, qu’est-ce que c’est ? C’est un jeu, une variante un peu plus innocente des jeux de rôles sexuels. Ça n’exclut pas le sexe ni la domination mais le Puppy play comporte un aspect plus démonstratif et communautaire. Il y a une véritable hiérarchie dans notre communauté. Les alphas sont ceux qui guident et forment les autres. Les bêtas sont intermédiaires, ils peuvent guider mais ne le font généralement pas trop. Et enfin, les omégas : c’est le vilain petit canard, le “pouic” comme on l’appelle, c’est un peu le jouet de tout le monde. Mais il aime ça. Les “puppies” forment des meutes, avec un chef de meute qui sert de guide.

À quoi ça sert ?

“ Couché, Médor, couché ! ” Le Puppy play fait partie de la catégorie très large du BDSM (Bondage et discipline, domination et soumission, sadisme et masochisme) . Il s’inscrit pleinement dans les jeux de rôles dominants/ soumis. Les hommes gays nés dans les années 50 étaient très souvent rejetés par leur famille et par la société. Pour recréer une forme de structure, ils conceptualisent une hiérarchie stricte avec des maîtres et des esclaves. Au départ, le cuir est la matière symbolique du BDSM. Plus tard, d’autres mouvements, dont la communauté “rubber” et celle de la fourrure, voient le jour. Le Puppy play émerge à la fois de ces mouvements et du Dog training, autrement dit les jeux de rôles à partir de figures animales. Loup est un “puppy” lyonnais très actif au sein de la communauté. Il a même créé un collectif, Paw Paw Lyon, pour que le mouvement gagne en visibilité. Il nous explique tout ce qu’il y a à savoir sur cette pratique. 62

Le fait d’endosser le rôle d’un alter ego permet d’échapper à toutes les pressions sociales. Beaucoup de gens ont des troubles sociaux chez les “puppies”. Ils sont timides, agoraphobes… Jouer un rôle leur permet de surmonter leur peur sociale. L’aspect communautaire les rassure aussi. Ils savent que des gens sont là pour eux. Beaucoup de personnes arrivent à mieux s’accepter grâce à ça. L’aspect fantasme est aussi très important. Il y a une grosse part de sexualité là-dedans, c’est très intime et très différent chez tout le monde. Généralement, les gens allient le côté social et sexuel.

Concrètement, que fait un “puppy” ? Dans le Puppy, tout le monde n’est pas polygame, mais il y en a quand même beaucoup. Il y a toujours ce rapport dominant/dominé où le dominant va chercher à faire plaisir au dominé, à assouvir ses be-

soins. Le dominant dirige le dominé sexuellement ou socialement. Quand un “puppy” veut jouer, souvent ça veut dire qu’il veut jouer sexuellement. On appelle ça une séance de jeu. Ça consiste tout d’abord à faire rentrer la personne dans le personnage. C’est de la répression, on fait régresser l’être humain en “puppy”. Ça comprend beaucoup de caresses, un système de récompense, des jeux de contrôle du corps. Il faut l’obliger à surpasser sa résistance corporelle et ensuite le féliciter : un dominant est bourreau et père en même temps.

« Le fait d’endosser le rôle d’un alter ego permet d’échapper à toutes les pressions sociales » sortir habillés comme ça. Le fait de déambuler dans la ville ou dans les

Il faut porter un masque ?

soirées en “puppy” permet de faire

Celui qui est “puppy” met effectivement un masque pour sortir en société, pour avoir des rapports intimes ou pour avoir des rapports de force. Le masque qu’il va mettre est souvent révélateur de son caractère et du comportement qu’il va avoir avec les autres. Les “puppies” ont un nom que leur donne leur premier maître. Certains le choisissent eux-mêmes. À partir de ce nom, une personnalité se crée au fur et à mesure. On retrouve souvent cette personnalité dans les traits et les caractéristiques du masque choisi par le “puppy”.

de recruter de nouvelles personnes.

découvrir notre univers et souvent Pour les soirées Garçon Sauvage au Sucre, on fait aussi des shows, un peu comme les drag queens.

Est-ce que c’est fait pour durer ? Comme dans tout ce qui est fétichiste, il y a un effet de mode avec le Puppy. Donc à un moment donné, il y aura forcément une autre communauté qui prendra le dessus et qui deviendra plus visible que le Pup-

Comment ça se passe à Lyon ?

py play. Mais honnêtement, plein

À Lyon comme partout, les gens font du Puppy pour le sexe ou pour l’aspect social. Il n’y a pas beaucoup d’événements sur Lyon. On se rend aux apéros fetish au bar La ruche par exemple. En ce qui concerne la sexualité, ça se passe beaucoup sur les applications de rencontres. Le truc assez inédit à Lyon c’est qu’une partie de la communauté a un côté festin et inclusif. On s’exhibe en “puppy”, on n’hésite pas à

pas prêt de s’arrêter. On ne peut pas

de gens veulent s’y mettre, ce n’est forcément rester “puppy” toute sa vie, généralement les plus de 35 ans sont assez rares dans ce milieu. Les jeunes n’incluent pas trop les plus âgés dans le jeu et c’est dommage. Un jour le Puppy ne se sentira plus à sa place ici et ira voir ailleurs.

Quentin Girardon Twitter : @QuentinGPGrd 63

Un masque de puppy. Photo DR


Marketing

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Obsolescence programmée

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Publicité : l’innovation pousse à la consommation

Avarice n.f. Amour excessif de l’argent pour lui-même (Larousse)

À première vue, avarice et nouveauté sont comme deux groupes sanguins incompatibles. L’idée de conserver jalousement ses biens et richesses, pour le simple fait de les posséder, semble bloquer toute évolution. Ce serait se méprendre sur les capacités des avares. En matière de possession, ces derniers font preuve d’une inventivité sans égale. Qu’ils soient nouveaux marketeurs ou spécialistes de l’obsolescence programmée, ces explorateurs à la recherche du profit prouvent que l’avarice est l’une des bases de la nouveauté. Brice CHENEVAL

Comment lutter quand le nouveau nous lâche


Publicité : l’innovation pousse à la consommation

Pour les panneaux publicitaires, le seul moyen de récupérer les données est de faire interagir le consommateur avec son smartphone. « Nous avons essayé de créer des échanges grâce aux QR codes. C’est très intéressant pour l’utilisation des données, seulement nous nous sommes rendus compte que cela ne marchait pas. L’utilisateur ne veut pas aller vers ce genre de publicité », explique Stephan Riou, digital manager de Clear Channel. De même avec les SMS, que l’on pouvait avoir l’habitude de recevoir en passant devant un magasin. Le push géolocalisé, s’il est légal aujourd’hui encore, n’est quasiment plus utilisé. « On est dans de la pure intrusion. Le seul point positif, c’est la répétition pour marquer les esprits. Seulement, les consommateurs n’en veulent plus », poursuit Stephan Riou.

« L’avenir de la publicité, c’est d’accompagner l’usager jusqu’à l’achat »

Panneau vidéo de Clear Channel à Lyon. Photo Blister/Hugo CLECHET

Le marketing ne date pas d’hier. Du crieur aux premières réclames, la publicité a toujours été utilisée dans le but d’interpeller le consommateur. Aujourd’hui, mais surtout demain, on ne retrouvera plus les mêmes manières de communiquer.

L

a métropole lyonnaise travaille historiquement avec deux principales régies publicitaires : JCDecaux et Clear Channel. Si le premier reste traditionnel sur l’affichage dans le mobilier urbain, Clear Channel tente, jour après jour, de repousser les limites tech-

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niques pour innover dans ses publicités. La première réelle étape technologique survenue est l’arrivée, il y a trois ans, des panneaux d’affichages vidéo : ils permettent de capter l’œil du potentiel consommateur, et donc d’accroître les chances de l’intéresser à un produit. Ils sont

présents et peuvent être intallés dans le mobilier urbain, donc principalement dans le métro, ou dans les lieux dédiés à la consommation, principalement les centres commerciaux. On pourrait penser que la récupération de données et la publicité intrusive représentent l’avenir de la communication. Seulement, les régies ont très vite compris que le consommateur se rend compte du non-respect de ses droits. Sur Internet par exemple, 70 % des utilisateurs utilisent désormais un bloqueur de publicité.

La vidéo, dans la publicité, a aussi servi à faire interagir le consommateur. Le panneau n’est pas juste une annonce, mais peut être tourné sous forme de jeu avec celui qui le regarde. C’est là-dessus que se positionne Clear Channel pour innover de façon créative. « Le but est que le produit n’ait pas l’impression d’en être un, détaille Stephan Riou. Le but est de le montrer comme un objet ludique, et non un objet à acheter. » Pour cela, il faut mettre en place un parcours consommateur : Pour un centre commercial, il faut maximiser les chances que le client, dès son entrée, se dirige vers le magasin de l’annonceur. Si les régies ne pratiquent que très peu la collecte de données, il reste très important de connaître les consommateurs pour établir ce parcours. Ces datas

Stephan Riou, Digital Manager de Clear Channel. Photo Blister/Hugo CLECHET

peuvent être apportées par de nombreux partenaires. La publicité vidéo prend en compte toutes les innovations que nous voyons apparaître dans la société. La réalité augmentée permet elle aussi de faire participer le consommateur. Encore une fois, elle transforme l’affichage publicitaire en jeu. Par exemple, dans le centre commercial de La Défense à Paris, Clear Channel a mis en place une immense réclame pour le Japon. Elle met en lien des écrans vidéo à 360 ° avec un grand totem central. Cela permet de captiver l’œil : Partout où l’on regarde, on tombe sur le Japon. Mais l’avantage de cette installation réside dans un pôle réalité virtuelle invitant les

QUI PAYE LA PUB ? Clear Channel et JC Decaux, les deux plus grosses régies publicitaires à Lyon, répondent aux commandes passées par la ville de Lyon. Celle-ci ne demandepas directement de la publicité, mais du mobilier urbain, sur lequel les régies vont pouvoir placer leur annonce. Cela permettrait de réduire considérablement le prix de ce mobilier. La ville de Grenoble, elle, a décidé en 2014 de se passer totalement des installations publicitaires dans ses rues.

67


explique Valentin, coordinateur Rhône-Alpes du collectif RAP. « Il faut petit à petit se réapproprier l’espace urbain, pour éviter ce bourrage de crâne. » Une pétition, visant à réduire l’affichage publicitaire, a dernièrement atteint 10 000 signatures.

Les drones, un nouveau mode de publicité intrusive

La stratégie parcours client de Clear Channel. Photo Clear Channel

« On ne vise pas forcément la grandeur, mais la précision des publicités » usagers de participer : Ils ont donc pu, grâce à un écran interactif, s’imaginer dans des habits traditionnels japonais. Cette installation impressionne par sa grandeur, mais n’est pas la plus représentative de ce ‘‘parcours consommateur’’. D’autres exemples s’inscrivent réellement dans l’idée de masquer le produit par un jeu ou une action ludique. En Suisse, Clear Channel a développé un écran publicitaire avec un habitant d’un canton voisin, invitant les usagers du train 68

à venir le rejoindre. S’ils répondaient par l’affirmative, un billet de train était directement imprimé et offert. La créativité vient au service de l’innovation, puisque l’usager n’a plus qu’un rapport de jeu avec l’annonceur, il oublie totalement sa place de consommateur.

La publicité imposée des espaces publiques Si dans les centres commerciaux, il est normal de trouver toutes sortes d’affichages publicitaires, il reste le fait qu’ils soient imposés dans les espaces publiques. Si cela reste très légiféré dans les lieux extérieurs, les souterrains, et donc le métro, ne sont pas soumis aux lois. On retrouve donc ces espaces comme des hauts-lieux d’affichage. On parle alors de « pollution visuelle », comme l’appelle Stephan Riou. C’est comme ça que l’entre-

prise explique l’arrivée des panneaux vidéo dans le métro, notamment à Lyon : « Le but est de réduire au maximum le nombre de points d’affichages. On essaye d’en avoir moins, mais qu’ils aient un impact plus fort. » On a pu remarquer ça dans le métro place Bellecour, ou un panneau lumineux a été installé. Les douze autres stations les plus fréquentées ont elles aussi été équipées de près de 100 totems digitaux. On peut alors se demander si la dépollution visuelle a vraiment lieu. Le RAP, (Résistance à l’agression publicitaire), tente de bloquer l’autorisation de placer des totems vidéo hors du métro. C’est pour eux un moyen d’attirer l’œil du citoyen à tout prix, et donc de lui enlever son libre arbitre de consommer ou non. « La publicité est devenue extrêmement banale pour chaque citoyen, au point que nous ne différencions plus les publicités du reste du mobilier urbain »,

Ce “street-marketing”, allant déjà très loin en terme d’innovation, sera peut-être très vite surpassé par les drones. Au Mexique ou encore en Russie, des campagnes ont déjà eu lieu, ayant recours à ces engins volants, très en vogue aujourd’hui. Mais comment se servir d’un drone pour faire de la publicité ? C’est très simple, puisqu’il peut parvenir à une altitude jamais atteinte pour l’instant, et des endroits où jamais nous aurions eu l’idée de mettre une publicité. On retrouve donc des campagnes absurdes, comme celle de l’agence mexicaine ayant envoyé des drones sur l’autoroute lors d’embouteillages. Alors, l’automobiliste n’a plus d’autre choix que de regarder des publicités pour l’entreprise Uber, se vantant d’être une solution aux bouchons. Il peut aussi, par exemple, atteindre les étages les plus hauts d’un gratte-ciel pour être vu à travers les fenêtres. Pour l’instant, en France, ce genre d’intrusion est totalement illégal. Des permis de vol sont autorisés pour certains drones, mais en aucun cas pour de la publicité pour l’instant.

Hugo Cléchet @HugoClechet

Emmanuel et Valentin sont les deux coordinateurs Rhône-Alpes du RAP (Résistance à l’agression publicitaire).

Photo Blister/Hugo CLECHET

EN 2050, DE LA PUBLICITÉ DANS NOS RÊVES ?

Capture d’écran du court métrage de James B. Twitchell, où le réalisateur imagine un rêve dans lequel des papillons sont décorés du logo de Coca-Cola. Photo Blister/Prenom NOM

Si ce scénario ressemble intimement à de la science-fiction et ne peut être avéré, la médecine pourrait devenir le terrain de jeux des publicitaires. C’est en tout cas ce qu’a imaginé James B. Twitchell dans un court métrage nommé Branded Dreams – The Future of Advertising. On y retrouve le fameux ours de la marque Coca-Cola, mais aussi des messages subliminaux de la marque, laissant ses couleurs sur de nombreux objets. Rêve ou réalité, on ne peut qu’espérer que la publicité nous laisse toujours un peu de répis. 69


Comment lutter quand le nouveau nous lâche

comme ‘’l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement.’’ Mais les utilisateurs se sentent souvent démunis face aux grands groupes de la technologie », réplique Lidye Tollemer, juriste spécialisée en droit à la consommation et membre d’HOP (Halte à l’obsolescence programmée). En revanche, selon la juriste, la démultiplication des ateliers de réparation pourrait agir sur le comportement global des entreprises : « Les gens luttent de plus en plus contre l’obsolescence programmée pour éviter de jeter des objets. À long terme, les entreprises n’auront plus intérêt à réduire la durée de vie de leurs objets. Il y a des entreprises pionnières, comme Dyson par exemple, qui a compris cet intérêt avant tout le monde. »

Des produits à durée de vie quasi illimitée Un stock d’appareils d’électroménagers dans une décharge lyonnaise. Photo DR

I

La France est le premier pays à avoir instauré une loi contre l’obsolescence programmée. Les utilisateurs, eux, luttent de plus en plus contre ce phénomène dans le milieu associatif.

ls s’appellent Café Repair, Ateliers d’autoréparation, etc. La plupart d’entre eux sont organisés par des associations. À Villeurbanne, des dizaines de personnes se pressent chaque semaine à l’Atelier Soudé. Elles viennent réparer leurs objets sans vie : des ordinateurs, des lave-linges, des téléphones portables, des amplis d’ordinateurs. Dans le petit atelier au sous-sol,

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Isabelle installe son robot-mixeur sur le plan de travail : « Je suis venue il y a trois semaines réparer un appareil photo et un sèche-cheveux. Mon appareil avait tout juste un an, je m’en servais pour mon travail. Et ici, je suis repartie au bout de deux heures et demi après mes deux objets réparés. » « Huit fois sur dix, les personnes qui viennent repartent avec leurs produits réparés. On récolte des gens à qui on

dit : ‘’Ce n’est pas réparable, il faut racheter’’, explique Clément Poudret, créateur de l’atelier soudé. Le but est surtout d’accompagner les gens pour leur expliquer la cause des pannes, et la solution quand on le peut. »

Un phénomène compliqué à cibler Si les utilisateurs semblent lutter contre ce phénomène en aval, en réparant leurs objets cassés, très peu s’attaquent aux entreprises en amont par le biais judiciaire. « La loi est pourtant bien faite, elle définit l’obsolescence programmée

En deux ans d’existence, 3 000 appareils électroniques ont été réparés par les bénévoles de l’Atelier soudé. Photo Blister/Baptiste NOBLE-WERNER

De nombreuses entreprises misent désormais sur la longévité de leurs produits. « Produire des machines technologiques qui durent dans le temps, c’est possible », assure Alexandre Maurin, directeur de M2, entreprise recyclant des ordinateurs portables. Récemment, l’entreprise L’increvable a également lancé sa gamme de machines à laver… increvables. Contrairement aux autres machines sur le marché, tombant en moyenne au bout de quatre à cinq ans, L’increvable peut durer plusieurs dizaines d’années, et est facilement réparable par l’utilisateur lui-même.

Guillaume DREVET @guillaumedrvt

Lors des ateliers de réparation, les ordinateurs représentent plus de 60 % des appareils amenés par des particuliers. Photo Blister/Baptiste NOBLE-WERNER

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Gonzo

74

Transhumanisme

80

Statistiques

86

Jeux vidéo

90

Tout le monde peut devenir hackeur

Orgueil n.m. Opinion trop avantageuse de soi-même (Larousse)

Vivre à perpétuité

Comment le Big Data révolutionne le sport

L’e-sport, nouveau géant du divertissement Avoir une image trop avantageuse de sa propre personne. Dans son orgueil, l’Homme a toujours voulu repousser les limites techniques pour montrer sa puissance. Mais cela entraîne aussi parfois des prouesses remarquables. Chaque domaine a ses innovations, et chaque personne peut en tirer bénéfice. Toute avancée technique permet de trouver les failles les plus précises d’un système. Que ce soit dans le sport ou l’informatique, l’orgueil amène bien des nouveautés. Hugo CLÉCHET


P

TOUT LE MONDE

PEUT DEVENIR

HACKEUR Durant l’année 2017, plus de 57 millions de données ont été volées chez Uber et un réseau Wi-Fi public d’un café britannique a été piraté par une jeune fille de 7 ans en onze minutes alors qu’elle n’avait aucune base en codage ou programmation. La rédaction de Blister a voulu tester s’il était possible de devenir hackeur en moins de deux semaines. Pari réussi.

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our être honnête avec vous, je n’ai aucune notion en informatique, encore moins en codage et en programmation. C’est donc en tant que ‘‘noob’’ que je me lance dans cette aventure de travestissement, celle de rentrer dans la peau d’un hackeur pendant deux semaines. Avant de parler de mon expérience personnelle, faisons un petit retour sémantique sur le mot ‘‘hack’’ en lui-même. Pour la plupart d’entre nous, on associe ce terme à une action malveillante dans le but de nuire. Mais à l’origine, son sens est bien plus large, comme nous le rappelle Vincent Mabillot, maître de conférences sur le numérique à l’université Lyon 2 : « Le terme vient du jardinage à la base, il signifie modifier, bidouiller, bricoler. Le hack, c’est comprendre un système en profondeur et en détecter les failles pour les détourner à son avantage. Aujourd’hui, les failles les plus exploitables sont celles que les humains laissent derrière eux. Mais par exemple, lorsque vous faites un copier-coller de Wikipédia pour un exposé, c’est du hacking. »

Devenir un ‘‘black hat’’ Mon but est de rentrer dans la peau d’un ‘‘black hat’’, afin de voir s’il est possible de mener des attaques contre des comptes Facebook et des Wi-Fi publics avec peu de connaissances. Les hackeurs sont classifiés en plusieurs catégories : on retrouve les ‘‘white hats’’ (les bons), les ‘‘grey hats’’ (entre la légalité et l’illégalité) et les ‘‘black hats’’ (les cybercriminels), qui sont les plus connus aujourd’hui. Cette classification vient de l’ouvrage La Face Cachée d’Internet, de Rayna Stambolyiska, dans laquelle l’auteur établit un lien entre les hackeurs et les films de westerns. Pour connaître la marche à

Voici la fameuse invite de commande dans laquelle on rentre les lignes de codes. À ce moment, le logiciel recherchait les Wi-Fi extérieurs pour les craquer.. Capture d'ecran windows

suivre afin d’avoir le kit parfait du pirate numérique, c’est assez simple. Il suffit de consulter l’un des milliers de sites Internet en accès libre proposant, sous forme de tutoriels et de schémas, les étapes à suivre pour mener son attaque, comme Onpenmyclassroom ou Kalitutoriel. Je lis donc attentivement plusieurs de ces derniers, pour avoir une vue d’ensemble et connaître les différentes méthodes que je peux exploiter avant de me lancer.

Des débuts fébriles Cependant, totalement perdu face à toutes ces notions de codage, j’ai donc demandé un peu de renfort à quelques connaissances. Notamment à Charles Vuillermin, un collègue journaliste, Fred Real, informaticien, et Paul Masson, étudiant dans une école numérique. Ils vont m’être d’une grande aide pour

la suite. Pour mettre en place ma nouvelle double vie de pirate, j’installe pour commencer VMware, une machine virtuelle. Une fois cette dernière installée, c’est comme si vous aviez un ordinateur vierge dans votre ordinateur. VMware programmé, je passe au téléchargement et l’installation de Kali Linux. Il s’agit d’un système d’exploitation libre, c’est-à-dire qu’il est modifiable à l’infini et que chaque utilisateur sait exactement

« Le hack, c’est comprendre un système en profondeur et en détecter les failles pour les détourner à son avantage » 75


ce que le logiciel contient, contrairement aux systèmes d’exploitation Windows et OS. Vient ensuite le moment de configurer Kali pour le lancer. C’est là que je suis confronté à mes premiers problèmes : impossible d’ouvrir le logiciel, il tourne dans le vide. Je décide donc de le désinstaller et réinstaller plusieurs fois. Au bout de la quatrième tentative, je commence progressivement à perdre patience et surtout à ne pas comprendre d’où vient le problème. Mais c’était sans compter sur mes soutiens de choc. Grâce à l’aide de Charles et Fred, je me rends compte que l’un des fichiers que j’utilisais pour l’installation de Linux était sous la mauvaise version. En changeant seulement ce

« Aujourd’hui, les failles les plus exploitables sont celles que les humains laissent derrière eux »

dernier, j’ai pu lancer Linux correctement et enfin rentrer dans l’antre du logiciel.

Un premier hack presque abouti Je m’attendais à quelque chose d’impressionnant, avec des milliers d’interfaces, mais une fois ouvert, ce n’est qu’un bureau d’ordinateur comme les autres. Il ne paye pas de mine mais il peut être très dangereux. Une fois sur Kali, j’ouvre l’invite de commande afin de lancer l’attaque que j’ai choisie en amont, celle de hacker un réseau Wi-Fi. L’invite de commande est cette fameuse fenêtre noire dans laquelle on rentre des lignes de codes. Pour les fans de la série Mr. Robot, vous savez de quoi je parle. Pour attaquer un Wi-Fi, il suffit d’aller sur Internet, suivre les étapes et rentrer les lignes de codes déjà toutes prêtes. La plupart des attaques de ‘‘Type I’’ sont trouvables sur Internet entièrement préparées. Les cyberattaques sont classées en deux groupes. D’un côté les ‘‘Types I’’

(vol de données, piratage, fraude bancaire, escroquerie par des mails ‘‘fishing’’ qui représentent 56 % des attaques aujourd’hui). De l’autre, les attaques de ‘‘Type II’’ concernant le harcèlement, la pédopornographie, le terrorisme, etc. Je commence donc à rentrer les premières lignes de code dans ‘‘l’invite de commande’’ et tout se passe comme prévu. Je n’ai plus qu’à configurer le Wi-Fi pour capter les box aux alentours et ‘‘craquer’’ leur mot de passe. Mais c’est là que les choses se corsent. Comme je suis sur une machine virtuelle, je n’avais pas accès à un Wi-Fi assez puissant. Du coup, le logiciel n’arrive pas à attraper les informations nécessaires, c’est-àdire le mot de passe. Néanmoins, si j’avais eu seulement une clé Wi-Fi, j’aurais pu ‘‘craquer’’ en quelques minutes le mot de passe des box peu sécurisées aux alentours.

Attaque d’une page Facebook Je me lance maintenant dans la récupération des identifiants d’un compte Facebook. Pour savoir

Dans la fenêtre de droite l’application confirme la création de la fausse page Facebook. Dans la fenêtre de gauche on se connecte à la fausse page Facebook. Capture d'ecran

76

Après avoir rentré des informations de connexion (nom de compte et mot de passe) sur la fausse page Facebook, ces informations apparaissent dans l’invite de commandes sur Kali. Capture d'ecran

comment faire, la démarche est toujours la même, tout est accessible sur Internet. Je lance Kali, en utilisant un outil pour mener des attaques qui se nomme ‘‘ToolKit’’. Il propose plusieurs chiffres correspondant à des catégories d’attaques. La première consiste à utiliser les failles des utilisateurs via plusieurs modalités comme la création d’un faux site, l’envoi en masse de mails avec des virus ou avec des QR codes. Pour ma part, je choisis l’attaque via un faux site web. J’utilise l’outil Credential harvester pour cloner la page de Facebook. C’est vraiment à la portée d’un enfant de 5 ans, car il suffit de rentrer l’URL de cette dernière. Le clonage de la page est assez bluffant, c’est très semblable à l’originale. Ensuite, il ne me reste plus qu’à changer l’URL de la page pour la rendre plus plausible, et faire en sorte qu’une personne rentre ses codes d’accès sur cette page. Le plus surprenant, c’est qu’une fois qu’il rentrera ses codes, il se connectera normalement à

son compte Facebook et ne se rendra compte à aucun moment de la supercherie. Les premières tentatives de récupération d’identifiants ont été des échecs. Lorsque je tente de récupérer l’email et le mot de

passe du Facebook en question, des centaines de lignes de codes apparaissent. Après de multiples tentatives et un peu d’acharnement, c’est la consécration : je suis parvenu à récupérer le mot de passe Facebook et l’email d’une

HACKING HUMANITAIRE HAND = Hackers Against Natural Disaster est un groupe de hackeurs français, créé par Gäel Musquet. Il met ses compétences technologiques au service de la gestion de crises naturelles pour limiter au maximum le nombre de victimes. Né en 2016, le groupe compte une soixantaine de hackeurs au sens large, des bidouilleurs de codes mais aussi de mécanique, d’agriculture. En septembre 2017, l’équipe se mobilise à Saint-Martin et Saint-Barthélémy sur place après le passage de l’ouragan Irma, dans un Fab Lab. Ils oeuvrent à rétablir au plus vite les connexions et à cartographier les dégâts pour récupérer les endroits inaccessibles et les lieux pouvant accueillir les sinistrés. Ils mettent également en place un réseau de capteurs numériques et de liaisons radio pour mieux prévenir les prochaines catastrophes naturelles. Ils ont notamment expédié pour plus de 30 000 euros de matériel informatique pour le mettre à disposition de la population locale. Mais ils sont aussi présents activement sur le territoire français avec un projet dans le Sud-Ouest et en Corse. 77


personne. Pour craquer un mot de passe inférieur à huit caractères, il faut en moyenne dix minutes. Je peux maintenant accéder en toute tranquillité aux messages, aux données, aux photos de l’utilisateur sans qu’il ne s’en rende compte. Au final, sans aucune connaissance en codage, j’ai pu pratiquement hackeur un Wi-Fi public et j’ai récupéré les identifiants Facebook en moins de deux semaines. La preuve qu’aujourd’hui, n’importe qui est potentiellement dangereux avec un ordinateur entre les mains. La menace est réelle, même si la plupart des gens n’en sont pas conscients et pensent qu’il faut quand même des connaissances pour hacker, ce qui n’est pas le cas. Une réalité que l’on peut entrevoir au travers des chiffres délivrés par le ministère de l’Intérieur sur le nombre de personnes touchées par

Aujourd’hui, n’importe qui est potentiellement dangereux avec un ordinateur entre les mains des cyberattaques : en 2016, plus de quatorze millions de Français ont été victimes de ‘‘hack’’. En sachant que toutes les victimes ne vont pas porter plainte. Selon Sangoan, un hackeur lyonnais, le nombre de victimes serait plus proche des trente millions chaque année.

Pas tous pourris Les hackeurs ne sont pas tous 78

L’identifiant et le mot de passe de la cible ont été récupérés. Capture d'ecran

là pour réutiliser vos données, vous faire du chantage, ou vous espionner. Bien au contraire, la majorité est là pour vous aider et pointer les failles que vous laissez derrière vous. Aujourd’hui, le hack devient un métier : d’un côté les hackeurs qui lancent des attaques avec

un but lucratif, et de l’autre, des hackeurs éthiques qui louent leur service de sécurisation, c’est le cas des White hats. Entre les deux, une différence : la légalité. La France fourmille de PME et de start-up luttant pour la cybersécurité : Netasq, Atheos, Arkoon ou Dashlane. À Lyon, j’ai pu rencontrer une

Les 6 points de l’éthique des hackeurs Le journaliste spécialisé en informatique, Steven Levy, a défini en six points l’éthique des hackeurs :

1

L’accès à des ordinateurs et plus généralement à tout ce qui peut améliorer la connaissance, doit être total et illimité.

2

L’information doit être, par nature, libre.

3

Il faut se méfier de l’autorité et promouvoir la décentralisation.

4

Les hackeurs doivent être jugés sur ce qu’ils font, et non selon leurs diplômes, âges, origines, sexes ou positions sociales.

5

On peut créer de l’art et de la beauté avec un ordinateur.

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Les ordinateurs peuvent changer la vie en mieux.

entreprise de White hats, qui se nomme Algosecure. Elle intervient auprès de ses client via deux volets, offensif et défensif. Concernant l’offensif, il permet de tester le système du client, lister les vulnérabilités possibles et l’ensemble des solutions. Le pôle défensif, lui, regroupe la sensibilisation des utilisateurs aux bonnes pratiques, l’accompagnement dans l’installation d’un pare-feu ou encore l’investigation numérique. Néanmoins pour Jérôme, un White hat de chez Algosecure, la meilleure manière de se protéger des risques de hacking, aujourd’hui, est de ne pas être connecté du tout. Moins nous le serons, plus nous serons en sécurité selon lui. Une autre partie des White hats mettent à disposition leurs compétences gratuitement. Néanmoins, la personne visée par le hack n’est pas au courant, donc la majorité des cibles se retournent ensuite vers la police, croyant à un véritable hacking de leur compte ou boîte mail. L’une des plus grosses communautés de white hats est sur Internet sous le nom de DiscordApp, créée il y a trois ans par deux Américains et un Lyonnais. On retrouve ici presque quasiment que des White hats et des fans de bidouilles qui s’échangent des astuces. Si vous souhaitez savoir quelles sont les failles de nos différents profils, vous pouvez faire appel à ces ‘‘hackers blancs’’, ils s’en chargeront avec plaisir. Mais au final, quand la nuit tombe, et que chacun rentre chez soi, la couleur de leur chapeau déteint peu à peu vers le gris, voire même vers le noir.

Les locaux d’Algosecure à Lyon. Photos Blister/Laura CHEZE

Simon Pernin @simonperninlz

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Vivre à perpétuité

Selon les transhumanistes, l’hybridation est nécessaire à l’évolution de l’homme. Photo DR

Qui ne s’est jamais demandé s’il deviendrait éternel ? Il y a plus d’une route à emprunter pour arriver à l’immortalité, rêvée par toute génération. Transhumanistes et bioconservateurs se lancent la balle sur cette infinité de possibilités. Quel positionnement est le plus plausible ? Où en est-on aujourd’hui pour sur-vivre demain ?

T

uer la mort, c’est la catharsis suprême. C’est surtout l’objectif du mouvement de pensée transhumaniste, médiatisé depuis le début des années 2000. Porté par des chercheurs, philosophes, artistes et entrepreneurs, il prône une amélioration de l’être humain par l’avènement des sciences et techniques. Autrement dit, un su-

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rhomme croisé à une machine, fait de chaire et de métal. Selon les transhumanistes, cette hybridation est nécessaire à l’évolution, où l’Homme n’est qu’une étape et voué à disparaître au profit du tout-technologique. Le courant est au cœur des préoccupations de la Silicon Valley, qui se focalise sur l’allongement de la vie.

Devenir éternel en interpelle plus d’un : le philosophe Francis Fukuyama l’a qualifiée d’ « idée la plus dangereuse du monde ». D’autres, comme le neurobiologiste Jean-Didier Vincent, qui ne se revendique pas transhumaniste, reconnaissent la nécessité de ce discours dans un monde en manque d’utopie. Pour Raymond Kurzweil,

l’un des premiers théoriciens de cette idée post-humaniste, on ouvre l’ère de la singularité.

Une santé de fer et des artistes cyborgs Les transhumanistes misent tout sur les NBIC, un croisement de nanotechnologies, de biologie, d’informatique et de sciences cognitives. Elles ont permis d’arriver à du concret : prothèses bioniques, puces électroniques sous la peau, tests prénataux, démocratisation des tests ADN… En somme, l’informatisation de la médecine est entrée dans notre quotidien. Ces dispositifs préviennent des maladies potentielles et allongent la vie en amont. La loi de (Gordon E.) Moore, l’un des fondateurs d’Intel, est d’ailleurs plus que d’actualité. En 1965, il énonçait le principe selon lequel on rend les composants électroniques plus performants, en les miniaturisant d’année en année. L’univers cyborg attire les adeptes de la singularité, puisqu’il caractérise la fusion Homme-machine. Les artistes catalans Moon Ribas et Neil Harbisson sont les fers-de-lance du mouvement artistique “cyborg art” et ont créé la Cyborg Foundation (2010). Elle, s’est introduit une puce dans le bras pour ressentir les secousses sismiques des tremblements de terre, tel un second battement de cœur. Lui, est le premier au monde à porter une antenne sur sa photo de passeport. Un “eyeborg”, qu’il s’est implanté clandestinement en 2003 pour convertir les couleurs, qu’il n’a jamais pu voir, en ondes sonores.

Immortels en 2045 Plusieurs dates sont déterminantes chez les transhumanistes. Kurzweil annonce l’immortalité pour 2029 et l’hybridation avec la

L’initiative 2045 de Dmitry Itskov. Photo Initiative 2045

machine en 2045. Cette année résonne aussi chez Dimtry Itskov, entrepreneur milliardaire russe, qui a élaboré une feuille de route pour acquérir une vie éternelle. Nom de code : Initiative 2045. Plan d’action : quatre étapes incarnées par quatre avatars. Chacun franchira un palier décisif, d’un robot individuel cloné à une conscience dématérialisée placée dans des serveurs, en passant par le “mind uploading” (littéralement “le téléchargement de l’esprit” et donc du cerveau). Ce processus, prévu pour 2035, est l’avatar le plus complexe à atteindre. En 2015, Dimtry Itskov expliquait au magazine Snatch que « l’organe le plus difficile à remplacer serait le cerveau ». Parce qu’il est le plus singulier, celui qui nous humanise et nous personnifie plus que tout. L’informaticien anglais Aubrey de Grey a affirmé à Snatch la même ambition : « La personne qui vivra mille ans verra le jour dans les deux décennies à venir ». Doit-on attendre patiemment sans se poser de questions ? Ces hypothèses semblent optimistes pour les plus

novices d’entre nous. Quand bien même elles se réalisent, leur accès au grand public n’est pas garanti.

Et après ? Eux sont ouverts à tous : les États généraux de la bioéthique se sont ouverts en janvier dernier. Le débat, basé sur neuf thématiques (génomique, organes, embryons, intelligence artificielle…), permet à chacun de donner son avis pour alimenter la réflexion. Cette consultation citoyenne sera prise en compte par le gouvernement cet automne, lors de la révision de la loi bioéthique. Piqûre de rappel : cette loi s’est concrétisée grâce au code de Nuremberg (1947), suite aux expérimentations des Nazis sur des êtres humains pendant la Seconde Guerre mondiale. De grands pas ont été faits depuis. Et nous, jusqu’où irons-nous ?

Anaïs Gningue @asgningue

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Ĺ“ s, la mucoviscidose

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HUGO AGUILENIU

« Pour vivre plus longtemps il faudrait moins se reproduire » Hugo Aguilaniu a fait du chemin avant de se poser à Rio de Janeiro il y a un an : Bordeaux, Goteborg (Suède), le renommé institut Sank sur la côte ouest des États-Unis, l’ENS à Lyon… Depuis dix ans, il cherche à ralentir le vieillissement. Le scientifique français est désormais président de l’Institut Serrapilheira au Brésil et continue ses recherches dans l’espoir d’un être humain sans date de péremption. Selon lui, vivre plus longtemps est possible biologiquement, à une échelle plus réaliste que celle des transhumanistes.

Hugo Aguilaniu.

Photo Vincent Moncorge

En quoi consistent les méthodes que vous utilisez pour allonger la vie ? Depuis 1935, on sait que l’alimentation peut augmenter la durée et la qualité de vie. Et qu’il y a des interactions fortes entre la restriction alimentaire et la lignée germinale (l’appareil reproducteur). Quand on prend un animal avec une lignée germinale normale, sa longévité augmente de 20 à 25 %. Les animaux qui ont plus de lignée germinale répondent bien plus à la restriction calorique : au lieu d’avoir 25 % d’augmentation de la longévité, ils ont une augmentation de 100 %. La question que mon groupe pose en France ou au Brésil c’est pourquoi quand on bouge la reproduction, on altère la manière dont on perçoit ou répond à l’alimentation ? On n’a pas la réponse complète, mais on se doute que ce sont des raisons évolutives. La prise alimentaire est optimisée non pas pour vivre longtemps mais pour se reproduire bien. Donc quand on mange drastiquement moins,

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on vit plus longtemps, mais on est moins efficace dans la reproduction. La preuve en est chez les femmes anorexiques, elles n’ont plus leurs règles, et ne peuvent plus se reproduire.

La metformine et la rapamycine sont les molécules les plus utilisées dans la lutte contre le vieillissement. En a-t-on découvert d’autres ? Ce sont toujours les deux gros candidats. Si la metformine est la plus avancée, la rapamycine ne peut pas être utilisée à cause d’effets secondaires. Plusieurs groupes, notamment en Californie, travaillent sur des molécules semblables. Le but étant de réduire les effets secondaires et d’optimiser les effets positifs. Ces molécules n’ont pas encore de famille chimique précise mais ont la capacité de tuer de manière discriminante des cellules qui sont en cause dans certains phénotypes du vieillissement : les cellules sénescentes. Le troisième grand genre de molécule actuel est donc la

scénolétique.

Pourquoi ne peut-on pas se régénérer à l’instar des hydres ? J’aimerais vous donner la réponse mais on ne sait pas. Les êtres humains arrivent à régénérer un peu la peau ou le foie, par exemple. Mais nos capacités régénératrices sont très faibles par rapport à des organismes comme les hydres, qui sont simples. Quand les organismes sont plus complexes (avec des fonctions plus évoluées : cérébrale, musculaire, digestive…) et donc autres que les fonctions basiques (reproduction et absorption de nutriments), il y a une corrélation inverse. Moins vous développez des fonctions compliquées plus vous gardez la capacité de vous régénérer.

Quels problèmes freinent vos recherches aujourd’hui ? Des questions éthiques essentiellement. L’une est simple et doit se poser partout : doit-on considé-

rer le vieillissement comme une maladie ? Si on veut donner des médicaments contre, il faut le reconnaître comme tel. L’émergence de la pensée transhumaniste s’est ajoutée au jeu. Elle trouble le débat avec des idées (comme l’immortalité), qui ne sont absolument pas d’actualité biologiquement. Réfléchissons avec ce que l’on dispose, non avec des idées de l’ordre de la science-fiction. On peut affirmer qu’on augmentera la longévité de 82 à 90 ans voire 100 ans. Dans ce cas, on est plus dans une modification de la longévité moyenne que dans l’idée d’immortalité. Le débat transhumaniste biaise la discussion éthique. Selon moi, il est issu du fantasme de personnes qui ont peur de mourir.

Finalement, les biologistes sont-ils plus en avance que les transhumanistes sur la question ? Au sein de la biologie certains sont très réalistes - j’aime à croire que c’est la majorité - mais il y a des biologistes transhumanistes. Dire que l’on sera immortels dans 20 ans nous induit en erreur. Il suffit d’être angoissé par la mort pour se dire que c’est possible, même parmi les scientifiques. Dans la peur, l’irrationalité, on peut tout faire. Le transhumanisme a un impact négatif sur la recherche sur le vieillissement. Beaucoup refusent d’influer des fonds si on ne leur dit pas qu’on

va vers l’immortalité...

Quand pourra-t-on appliquer vos recherches à l’Homme ? C’est difficile à dire car les choses ne sont pas aussi simples au fur et à mesure des essais cliniques. Sous réserve d’approbation des comités d’éthique, on pourrait avoir des médicaments anti-vieillissement - à ne pas confondre avec les pro-longévité - pour faire en sorte de vieillir mieux, d’ici une quinzaine d’années. Ils seraient faits de dérivés de la rapamycine et de la metformine. Les scénolétiques, eux, sont encore en développement.

Propos recceuillis par Anaïs Gningue

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l’ASVEL. « C’est une aide précieuse : plus de données, plus d’analyses fines, donc une plus grande précision dans la prise de décision. »

Comment le Big Data révolutionne le sport

L’exemple Blaise Matuidi

Les statistiques ont permis au Français Blaise Matuidi de prendre conscience de ses points faibles et de s’affirmer par la suite comme l’un des meilleurs footballeurs européens. Photo Ben Sutherland

À l’image de Wyscout, de nombreuses entreprises de datas mettent à disposition des clubs d’importantes bases de données sur les joueurs. Capture d'ecran Wyscout

Importé des États-Unis, le traitement automatisé de données à grande échelle est apparu en Europe au début du XXIe siècle, avant de prendre une ampleur phénoménale et de s’imposer comme un outil indispensable pour les clubs. Au point de bouleverser les méthodes de travail.

L

’exploit remonte à 2002. Avant l’entame de la saison, la petite franchise de baseball américain des Oakland Athletics est confrontée au départ de ses meilleurs joueurs, attirés par l’intérêt sportif et financier d’écuries plus importantes. Face au manque de moyens de son club, le manager général, Billy Beane, cherche des solutions à moindre coût pour rester compé-

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titif. Il décide de s’appuyer sur des méthodes de recrutement basées sur les statistiques et déniche des joueurs décriés et sous-utilisés dans leurs clubs. Avec ces arrivées improbables, Billy Beane forme la base d’une équipe qui va marquer l’histoire du baseball : les ‘‘A’s’’ décrochent vingt succès consécutifs, nouveau record de la Ligue américaine, et terminent

premiers de la Division Ouest. Billy Beane venait de révolutionner le sport. Interprétée sur le grand écran en 2011 (Le Stratège, réalisé par Bennett Miller), cette épopée illustre l’impact des statistiques dans la pratique sportive de haut niveau.

Réduire la part de hasard L’intérêt du milieu pour les chiffres ne date pas d’aujourd’hui.

« L’intérêt des statistiques est énorme. Cela permet de laisser moins de place au hasard » Auteurs de The Numbers Game, Chris Anderson et David Sally balisent la première utilisation des statistiques dans le sport à un match de football entre les clubs anglais de Swindon Town et Bristol Rovers, dans les années 1950. Pourtant, c’est aux États-Unis que le phénomène va s’enraciner (voir encadré). Les clubs anglo-saxons sont les premiers à incorporer les statistiques à leurs méthodes de travail. Séduites par cette approche et la réussite d’équipes comme les Oakland Athletics, les formations européennes franchissent le pas à l’orée du XXIe siècle, bien conscientes de la plus-value qu’elles

peuvent en tirer. « L’intérêt des statistiques est énorme. Cela permet de laisser moins de place au hasard, donc de mieux maîtriser les choses et de prévoir les événements futurs », indique Gautier Stangret, auteur d’un livre sur la manière dont le Big Data a changé le visage du ballon rond, Le football est une science (in)exacte. « C’est capital aujourd’hui », poursuit Elric Delord, entraîneur adjoint de

L’arrivée des datas dans les clubs professionnels a bouleversé le sport de haut niveau. Du point de vue des entraînements, tout d’abord : désormais, la préparation physique, tactique et technique des joueurs est ciblée en fonction des enseignements tirés des statistiques. Cellesci permettent de pointer les qualités et défauts d’un joueur, afin de le faire progresser de la manière la plus précise possible. Et la méthode rencontre un réel succès, en atteste l’exemple du footballeur Blaise Matuidi. À l’époque où il évoluait à l’AS Saint-Étienne (2007-2011), le staff avait noté qu’il faisait partie des meilleurs récupérateurs de ballons du championnat de France, mais qu’il était nettement moins performant au niveau du jeu vers l’avant. Le milieu de terrain s’appliqua à rectifier cette carence, et les résultats furent immédiats. Sé-

LES PAYS ANGLO-SAXONS À LA POINTE Les pays anglo-saxons sont des pionniers en matière de datas. Deux raisons expliquent leur avance. La première : aux États-Unis, la plupart des sports sont basés sur une succession de phases arrêtées, ce qui les rend plus facilement chiffrables. « On peut deviner le vainqueur et les meilleurs joueurs d’un match à la simple lecture du compte-rendu », résume Gautier Stangret, auteur du livre Le football est une science (in)exacte. Autre explication, livrée par Loïc Moreau, responsable d’Opta France, une entreprise de statistiques sportives : la place du chiffre dans la culture américaine. « Il y a une vision très romantique du sport en Europe, explique-t-il. À l’inverse, les pays anglo-saxons ressentent le besoin de rationaliser le jeu. Pour eux, le sport ne va pas sans les statistiques. »

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lectionné pour la première fois avec l’équipe de France en septembre 2010, il signe au Paris Saint-Germain un an plus tard et s’impose comme l’un des meilleurs joueurs européens à son poste.

Recrutement 2.0 Les datas ont également révolutionné les méthodes de recrutement. Là où les clubs supervisaient systématiquement un joueur avant de le faire signer, il est désormais devenu inévitable de consulter ses statistiques. Certains sont même recrutés à la simple lecture de leur bilan

« Il s’agit justement d’un outil primordial pour espérer rivaliser avec les plus forts » chiffré, comme c’est le cas au baseball. Les entreprises de datas, telles que Wyscout, Amisco ou Prozone, mettent à la disposition des clubs des bases de données inépuisables leur permettant de trouver des joueurs compatibles avec leurs critères de recherche. C’est par ce biais que le petit club de football anglais de Leicester a recruté, à l’été 2015, le milieu de terrain français N’Golo Kanté, devenu la pièce maîtresse de l’équipe championne en 2016 puis vendu pour 30 millions d’euros à Chelsea dans la foulée. Cependant, la branche la plus touchée par l’affirmation du Big Data est probablement le management. Alors qu’ils géraient auparavant l’ensemble des aspects de leur profession, les entraîneurs ont pro88

LOÏC MOREAU

Aux États-Unis, les datas font partie intégrante du sport, notamment en NBA, le championnat phare de basketball.

« Les fournisseurs de datas sont devenus incontournables »

Photo Andrea CAMBRIA

gressivement vu leur rôle se recentrer autour de la gestion humaine, en partie grâce ou à cause des statistiques. Les clubs professionnels, notamment en football, disposent désormais de staffs toujours plus étoffés en matière d’analyse vidéo. Les différents adjoints mâchent ainsi le travail de l’entraîneur concernant l’observation des équipes adverses, la préparation des entraînements ou encore le recrutement.

Investir dans la technologie pour économiser S’il est difficile d’évaluer les coûts consacrés à la data par les clubs, ce nouveau trésor peut sembler uniquement accessible aux plus riches. Gautier Stangret tord pourtant le cou à cette idée : « Il s’agit justement d’un outil primordial pour

espérer rivaliser avec les plus forts. Pour les petites équipes, investir dans la data permet d’économiser sur le long terme. » Selon Le Monde, 200 000 euros d’investissements dans les technologies de données équivaudraient à un budget de dix millions d’euros en achat de joueurs. Et Gautier Stangret de citer l’exemple du club de football allemand d’Hoffenheim, pionnier en matière de technologie, passé de la septième division au haut de tableau de Bundesliga en seize ans. Pour une ville d’à peine 3 200 habitants, l’exploit est retentissant et montre que la Data permet de rêver en toute lucidité.

Brice Cheneval @ChenevalBrice

DATAS, OUTILS DE NÉGOCIATION DES SALAIRES Le Big Data a fait entrer le sport dans une nouvelle dimension mais il a également entraîné une individualisation du jeu. L’apparition de primes de statistiques, accordées en fonction d’objectifs chiffrés, pousse les joueurs à se mettre en évidence au détriment du collectif. « Un agent m’a parlé d’un de ses joueurs qui, lors d’un match en Belgique, avait préféré tirer alors qu’il avait un coéquipier mieux placé juste à côté de lui. Il lui a ensuite demandé pourquoi et le joueur lui a répondu : ‘‘Je pense à la prime de but ” », confie Gautier Stangret. Les datas se sont également imposées comme des armes dans la négociation des contrats.

Responsable d’Opta France, entreprise spécialisée dans les datas, Loïc Moreau évoque l’importance prise depuis quelques années par les entreprises de statistiques dans le sport professionnel.

Pourquoi les clubs professionnels ont-ils recours à des fournisseurs de statistiques alors qu’ils possèdent des spécialistes des datas ?

un milieu ultra concurrentiel : que ce soit les clubs ou les médias, chacun veut apporter quelque chose de nouveau, tirer son épingle du jeu et montrer qu’il est innovant. Par conséquent, les fournisseurs de datas sont devenus incontournables.

On ne fait pas vraiment le même métier. Notre force, c’est qu’on analyse tous les matches des grands championnats européens et qu’on possède donc un degré d’analyse énorme nous permettant de faire des comparaisons entre les équipes. Les clubs n’ont pas autant de moyens. Cela leur coûterait plus cher de faire notre travail plutôt que de faire appel à des fournisseurs de statistiques.

Comment voyez-vous l’évolution des entreprises de statistiques ?

Les entreprises de datas sont-elles devenues des acteurs majeurs du sport ? Grâce aux outils dont nous disposons désormais, entre Internet, les nouveaux vecteurs de communication et les outils pour récolter et traiter la data, on est en mesure d’apporter des éléments qu’on n’avait pas avant. Quand tu apportes une plus-value qui va servir les intérêts des différents acteurs du sport, tu t’imposes automatiquement comme une source importante d’informations. On est en plus dans

Elles rencontrent un succès qui ne cesse de grandir mais on ne peut pas se reposer dessus parce que le monde du sport est en perpétuelle évolution. Si on stagne, on risque d’être rattrapés par la concurrence. C’est la raison pour laquelle nous réfléchissons à ce que nous pourrions apporter comme nouveaux éléments pertinents pour mieux analyser le jeu et les matches. Pour nous, le grand défi consiste à trouver comment innover tout en gardant notre indépendance vis-à-vis des différents acteurs du sport.

« On est en plus dans un milieu ultra concurrentiel : que ce soit les clubs ou les médias, chacun veut apporter quelque chose de nouveau »

Propos recueillis par Brice Cheneval @ChenevalBrice Loïc Moreau.

Capture d'ecran BeIn Sports

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L’e-sport, nouveau géant du divertissement La Lyon e-sport s’est déroulée du 16 au 18 février 2018 à la salle 3000. Photo Regen'UP

ARNAUD GAGET

« Bientôt autant médiatisé que le tennis » Arnaud Gaget est un étudiant de 22 ans mais aussi le cofondateur de Bettesport, start-up spécialisée dans les paris e-sportifs. Comme beaucoup d’autres entrepreneurs, il a flairé le bon coup en se lançant dans un domaine en pleine expansion.

Le e-sport est-il en train de devenir un géant du divertissement ?

«I

Rassemblant jusqu’à des millions de spectateurs, les tournois de jeux vidéo compétitifs, dits e-sport, ne cessent de faire salles combles. Un succès que les professionnels du divertissement de la télévision commencent peu à peu à concevoir.

l y a donc des gens qui regardent d’autres gens en train de jouer… Il faut vraiment n’avoir rien d’autre à foutre de sa vie. » C’est ainsi qu’Antoine de Caunes résumait l’e-sport sur le plateau du Grand Journal en 2014, démontrant l’incompréhension récente des médias dits traditionnels vis-à-vis des joueurs et des spectateurs des compétitions de jeux vidéo en ligne. Aujourd’hui, la situation en France évolue mais l’e-sport reste boudé par les grands médias classiques, qui relèguent leurs rares émissions sur le sujet en troisième partie de soirée. Les chiffres d’audience, pourtant chers aux yeux des producteurs de télévision, montrent une réalité toute autre : l’e-sport attire et fascine des millions de personnes à travers le monde.

Une belle affluence Des stades remplis qui vibrent au rythme des parties, des supporters en délire et des joueurs professionnels starifiés : l’e-sport n’a rien à envier aux autres sports traditionnels. Preuve en est que des LAN (parties de jeux vidéo organisées en réseau local) se multiplient un peu partout dans l’Hexagone. La Lyon e-Sport, la plus célèbre d’entre elles en France, se déroulait les 16, 17 et 18 février. « Malgré des problèmes techniques qui ont ralenti la compétition, jamais nous n’avions connu une telle affluence depuis que nous faisons la Lyon e-Sport, confie l’organisation de l’événement. Le stream, diffusion en ligne de l’événement, a explosé des records et, notamment, grâce à Gotaga,

ancien joueur professionnel du jeu Call of Duty, qui a atteint les 100 000 spectateurs simultanés sur son stream. »

Un secteur peu à peu reconnu par les mastodontes L’e-sport, encore souvent victime du cliché d’un divertissement de niche réservé aux Millenials et aux nolife, ne cesse pourtant d’attirer les convoitises de la télévision et des sponsors, qui commencent à voir en ces streams de potentiels concurrents. C’est ainsi que la chaîne privée Canal + possède depuis octobre 2016 sa propre émission, le Canal Esport Club afin de décrypter l’actualité e-sportive. L’Équipe, BeIN Sports ou SFR Sport possèdent également leur émission consacrée à l’e-sport. Avec un nombre de spectateurs si important, l’e-sport n’en a pas fini de bousculer les médias traditionnels et de s’imposer comme le nouveau mastodonte du divertissement.

Antoine Decléty @Antoinedeclety

En France comme dans le monde, l’e-sport prend une ampleur incroyable. Des clubs de football investissent beaucoup dans ce milieu. Des chaînes de télévision comme Canal + ont leur émission de télévision qui est considérée au même titre que le Canal Football Club. Il est même question d’intégrer l’esport au Jeux Olympiques. En 2016, il y a eu 147 millions de téléspectateurs dans le monde pour regarder des compétitions du jeu League Of Legends et ce nombre ne cesse d’augmenter. Aussi, de plus en plus de sites de paris sportifs ont une section dédiée à l’esport car i l

y a plus d’engouement pour l’esport que pour n’importe quel autre sport.

Comment expliquez-vous l’expansion du e-sport ? Il faut savoir que l’e-sport existe depuis les années 1990. Mais il s’est développé au début des années 2010 car les jeux vidéo qui ont été créés se portent beaucoup plus à la compétition, ils sont beaucoup plus techniques. Le meilleur exemple est League Of Legends, qui se joue en équipe et qui est beaucoup plus élaboré au niveau stratégie de jeu et travail en équipe. Les Français sont très bons en e-sport. Pendant longtemps, ils ont dominé la discipline sur Counter-Strike. La France suit la tendance des autres pays européens, sachant que les Asiatiques sont beaucoup plus avancés que nous là-dessus. Mais les Français restent les meilleurs supporters.

Pourquoi l’e-sport n’est-il pas une mode ? L’e-sport existe depuis les années 1990 et est ancré dans notre culture. Tout le monde joue à des jeux vidéos, que ce soit sur smartphones, ordinateurs ou sur consoles. Les sorties de certains jeux, comme FIFA, sont attendues par des millions de personnes chaque année. D’autres ont même autant de budget qu’un blockbuster hollywoodien comme GTA, et quelques-uns sont adaptés au cinéma comme Tomb Raider.

Comment imaginez-vous l’e-sport dans dix ans ? Je pense que l’e-sport sera autant médiatisé que le tennis, avec des matches retransmis sur les chaînes nationales où nous suivrons nos équipes françaises mais sur des jeux différents de ceux d’aujourd’hui. Mon avis, c’est que dans dix ans, ce sport sera considéré au même titre que les autres dans la mentalité des gens.

Propos recueillis par Geoffrey Helly d’Angelin @GeoffreyHA1

Arnaud Gaget.

Photo DR

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Exosquelettes

Colere n.f. Réaction violente et agressive due à un profond mécontentement (Larousse)

Une étincelle qui mène à un embrasement, un déclic qui entraîne une réaction violente, brutale. Voilà ce qu’est la colère, sentiment primitif et animal par excellence. Et si la nouveauté, souvent synonyme de rupture avec un monde passé, était ce fameux déclic ? Et si cette nouveauté nourrissait la colère. Des innovations technologiques militaires aux nouvelles formes de colonialisme, en passant par les inquiétudes générées par la nouveauté, Blister a cherché à faire un tour d’horizon de ces nouvelles expressions de la colère. Baptiste NOBLE-WERNER

Les robots, l'armée de demain ?

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Anticipation

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Néocolonialisme

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Quand la fiction projette le monde de demain La Chine, le colon du XXIe siècle


Les robots, l’armée de demain ?

ment parler un exosquelette, mais qui vient en complément de l’équipement du soldat, principalement en ce qui concerne la protection, la communication, la vision et la visée Au-delà du Félin, la Direction Générale de l’Armement (DGA) et l’entreprise RB3D ont développé l’exosquelette HERCULE. Il équipe les bras et les jambes de l’individu afin d’assister ses mouvements, de lui accorder une plus grande endurance et de lui permettre de porter des charges lourdes sans difficulté. Il semble cependant plus être destiné à être utilisé pour le transport de matériel plutôt que le combat. On constate donc que les armées sont dans une doctrine qui s’oriente vers une utilisation des robots de façon complémentaire au soldat, par des équipements de soutien, et non pas par un remplacement de l’humain sur le terrain.

Différentes catégories dans la robotisation de l’équipement

Exemple d’exosquelette développé par la société RB3D. Photo RB3D

Le domaine militaire a toujours été un moteur d’innovations en permettant la création du GPS ou encore internet. Aujourd’hui, c’est encore ce secteur qui oriente et finance la recherche et le développement dans le domaine de la robotique.

C

es dernières années, de nombreuses innovations sont apparues via ce secteur à travers le monde. Les drones de reconnaissance et les drones armés communément utilisés depuis plusieurs années par les États-Unis au Proche-

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Orient, mais aussi des robots spécialisés dans le déminage contrôlés à distance pour limiter les risques. Plus récemment, les projecteurs sont braqués sur les projets futuristes d’armure pour les fantassins : TALOS aux États-Unis qui devrait

entrer en service cette année, ou encore Ratnik en Russie dont un prototype sur mannequin a été présenté mi 2017. Pour l’instant, ces projets ne sont pas opérationnels.

La France bien placée dans la course En France, le système Félin, développé par l’entreprise Safran, a commencé à équiper l’armée dès 2010. Moins futuriste que les projets étasuniens ou russes, il est cependant déjà opérationnel. Il s’agit d’un système qui n’est pas à propre-

Les équipements tels que le Félin, peuvent être considérés comme une première catégorie. La technologie apporte un complément aux capacités de l’être humain, vue, communication, camouflage, visée... En somme cela s’inscrit dans la continuité de l’équipement du XXe siècle (tenue de camouflage, radio, jumelles, équipement de vision nocturne...). À terme, les armures exosquelettes intégrales peuvent être considérées comme l’ultime étape de cette catégorie. Le second groupe serait celui des machines pilotées à distance, l’humain garde une place prépondérante dans ces systèmes, il a la main sur les opérations fondamentales (ciblage et ordre de tir), mais la machine automatise une certaine partie des fonctions (décollage, atterrissage et

plan de vol pour un drone volant par exemple) c’est actuellement le cas pour les drones de surveillance armés tel que le MQ-9 reaper. La troisième catégorie est celle des armes qui s’activent automatiquement. Comme par exemple certains systèmes de défense anti-aérien, ou encore les mines qui sont sont cependant déjà interdites dans de nombreux pays. Enfin dans le dernier groupe la machine est totalement autonome dans sa sélection des cibles et la décision du tir (appelé SALA, Système d’Armes Létales Autonome) ce qui permettrait entre autre un temps de réaction au danger extrêmement faible. C’est ce type de dispositifs qui pose le plus de problèmes sur le plan éthique et moral notamment. En effet, peut-on laisser à une Intelligence Artificielle la décision de tir, c’est-à-dire de tuer un être humain ? Sans écarter le risque de dysfonctionnement ou de piratage.

Pour le moment aucun dispositif de la sorte n’existe, et on peut imaginer une interdiction internationale concernant ce type de robot s’ils sont un jour développés, mais dans l’hypothèse où un pays outrepasse cette interdiction on peut craindre une course à l’armement mondiale.

Quelle place pour les robots dans l’armée ? À l’avenir, on peut envisager concrètement que les armées régulières des pays technologiquement avancés se composeront de plus en plus de machines semi-autonomes, pilotées à distance. Cela correspond à une alternative possible à la présence militaire sur le terrain, qui rentre bien dans la ‘‘no boots doctrine’’, c’est-à-dire limiter au maximum l’intervention de militaires sur le terrain afin de limiter les pertes humaines. Cette doctrine découle directement des guerres ‘‘bourbiers’’ du Vietnam, mais aussi

DES APPLICATIONS MÉDICALES...

Mano permet de retrouver l’usage de la main. Photo EPFL

Mano est un exosquelette contrôlé par la pensée et développé par l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Pesant 50 grammes, il s’équipe comme des gants (il nécessite cependant le port d’un boîtier de 1 kg). L’objectif est de permettre à des personnes atteintes de lésions de retrouver l’usage de leurs mains. À l’heure actuelle, le dispositif permet de porter des objets pesant jusqu’à 500 grammes tels qu’une bouteille ou un livre. 95


BRICE ERBLAND

« Il faut intégrer une part de morale »

Brice Erbland, pilote d’hélicoptère dans l’armée française et auteur du livre « Robots tueurs », que seront les soldats de demain ? (Éditions Armand Colin), a accepté de répondre à nos questions concernant l’armée du futur. Il s’exprime ici en son nom propre.

J’ai cru comprendre que vous n’appréciez pas le terme de « robot tueur », comment vous définiriez ce concept ?

Fantassin Felin. Infographie DR

d’Irak et d’Afghanistan, où l’intervention d’une armée régulière sur le terrain s’est montrée peu efficace et coûteuse en vie humaine. L’utilisation de robots contrôlés à distance répond donc à la problématique de limiter les pertes humaines pour les pays qui en ont les moyens. Cependant ce n’est pas sans possibles répercussions. L’augmentation de l’utilisation du bombardement par drone s’est intensifiée depuis l’arrivée au pouvoir de Barack Obama en 2008 afin de limiter les pertes humaines au sol, des drones ont été utilisés pour bombarder des cibles précises. Cependant, ces bombardements entraîneraient de nombreux dom-

mages collatéraux, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur l’opinion des populations civiles envers les États-Unis, créant un ressentiment qui nuirait ainsi à un apaisement sur le long terme. De plus, la réduction du personnel humain sur le terrain ne permet pas de créer des liens avec les populations locales, qui permettent d’humaniser les relations et de permettre des échanges que les machines ne permettent pas et qui sont importants particulièrement pour l’image qu’apportent les troupes, libérateurs ou envahisseurs ?

Charles Vuillermin @Niliou

...ET AUSSI CIVILES Des avancées significatives ont aussi été faites dans le domaine civil, fin 2016 avec l’exosquelette EXO-UP, construit par RB3D et utilisé par l’entreprise Point.P à titre expérimental. Cet exosquelette équipe les bras et les jambes de l’utilisateur et permet de porter un poids jusqu’à 40 kg. À l’avenir, ce genre d’outil sera de plus en plus présent pour limiter la pénibilité du travail dans certains secteurs tels que le BTP.

Oui, c’est réduire ce genre de machine au seul axe létal et ce terme présente un sous entendu négatif quant à la relation machine/ humain. Je préfère le terme de robot soldat ou robot de combat. Pour moi, si on s’autorise à les utiliser sur le champ de bataille c’est qu’il y aura un certain nombre de gardes-fou, un cadre, et qu’ils seront capables de discerner un combattant et d’un non combattant, qu’ils seront dotés d’une éthique et en mesure de désobéir à un ordre illégal ou immoral.

Quel message voulez vous faire passer avec votre livre ?

timité de donner la mort ou non. Il faut essayer de simuler cela dans les logiciels des robots, et si on n’arrive pas à l’intégrer, il faut s’interdire de créer ce genre de machine.

Est-ce que la déshumanisation de l’armée ne risque pas d’apporter d’autres problèmes ? Les soldats au sol sont nécessaires pour occuper le terrain. Les armées françaises s’appuient sur les populations locales, à la fois en raison d’un manque de moyen e t

Si l’on arrive à mettre au point des systèmes d’armes létaux autonomes (SALA), il faut que l’on intègre dans la machine une part de morale. Que la machine soit moralement autonome. Cela découle de la psychologie humaine au combat et des questions éthiques de légi-

d’une habitude culturelle de se mêler aux populations. Cela apporte une plus-value dans les phases de stabilisation et de normalisation, en atténuant la vision ‘‘d’envahisseur’’ que pourraient avoir les populations locales. À force de doter le soldat d’équipements et d’armures, on risque de l’éloigner des populations, en suscitant de la crainte et de la méfiance face à des soldats qui n’ont plus d’apparence humaine. Qui plus est si les robots utilisés sont anthropomorphiques, on peut craindre une certaine peur et un rejet de la population locale qui peut être un frein à l’efficacité de l’action militaire dans les phases de stabilisation, tandis que si le robot a une forme similaire à un véhicule par exemple et qu’il est au milieu de soldats humains, il pourrait même passer inaperçu.

Propos recueillis par Charles Vuillermin @Niliou

Brice Erbland. Photo DR

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Quand la fiction projette le monde de demain

U

Des robots tueurs ?

Capture d'ecran Hemdale Film Corporation

n exemple flagrant de l’idée que se fait la fiction du futur, ce sont les robots. Dans le film Terminator, sorti en 1984, de James Cameron, Arnold Schwarzenegger est un ‘‘Terminator’’ provenant de l’an 2029, un robot assassin à l’aspect humanoïde programmé pour tuer Sarah Connor. Le robot est ici présenté comme extrêmement puissant voire inarrêtable, en bref, une véritable machine à tuer.

Légende photo. Photo Blister/Prenom NOM

Benoit GIRARD

Black Mirror, Ex Machina, Soleil Vert ou bien même Star Wars… nombreuses sont les fictions qui ont cherché à anticiper l’avenir à travers des inventions. Les sabres lasers, des voitures flottantes, des robots qui développent des sentiments ou encore des puces qui peuvent lire les pensées, la science-fiction regorge de trouvailles technologiques encore non utilisées. Si certaines d’entres elles semblent impossibles à réaliser aujourd’hui, d’autres sont en passe de se concrétiser. Benoît Girard, directeur de recherches au CNRS et Marion Montaigne, auteure des bandes dessinées Tu mourras moins bête, ont bien voulu commenter, sans détours, la plausibilité de certaines de ces idées. 98

MARION MONTAIGNE

PAS DANS UN FUTUR PROCHE

PEU PROBABLE

« Faire d’un robot automatisé une arme, on le fait déjà mais il y a toujours un être humain derrière pour prendre les décisions. Aujourd’hui, il y a un vrai débat sur l’autonomie qu’on donnerait à nos robots. Nous chercheurs, on se refuse à donner à un robot l’autonomie nécessaire qui lui permettrait de dire “un tel peut mourir et un tel non”, raconte le directeur de recherches au CNRS. C’est aux humains et non aux machines de se taper entre eux. Et au-delà de cette question, il y a aussi les contraintes techniques : aujourd’hui, un robot humanoïde comme dans Terminator a besoin de toute une équipe de scientifiques derrière lui pour pouvoir marcher. C’est aussi extrêmement énergivore, que ce soit en électricité ou en pétrole. Ce sont des machines qui ont une autonomie très restreinte. Si jamais vous êtes poursuivis par un robot tueur, comme dans Terminator, patientez deux heures, il n’aura plus de batterie ! », s’amuse-t-il.

« Le principe même du robot assassin humanoïde semble aujourd’hui improbable, si les gens aiment imaginer des robots tueurs c’est que l’humain a peur de ses propres pulsions et les projette par moment dans la fiction, confie l’auteure. La vérité, c’est que des robots tueurs, ça fait rire les chercheurs car l’IA peut aujourd’hui être bien plus vicieuse que cela, à travers Internet et des géants comme Google, Facebook etc. Mais ce qui semble inquiéter les gens, ce sont des robots tueurs », s’esclaffe-t-elle. 99

Photo DR


Une IA douée de sentiments ?

Capture d'ecran DNA Films

S

i les robots tueurs, tels qu’ils sont vus dans la fiction d’anticipation, semblent loin de débarquer dans les armées, le concept de robots capables de développer des sentiments semblent exacerber l’imagination des réalisateurs de fiction. Her ou bien Ex Machina sortis en salle ces dernières années ont imaginé des intelligences artificielles capables d’aimer, de rire, de pleurer, de séduire… en bref, de ressentir. Dans le premier, Joaquin Phoenix tombe amoureux d’une IA qui lui parle à travers un écouteur ; dans le second, Oscar Isaac est un riche PDG et développe, en cachette, une IA nommée Ava et piège un de ses salariés. MARION MONTAIGNE

Benoit GIRARD

ON Y ARRIVE

QUELQUES VICTOIRES

« Des intelligences artificielles capables de développer par elles-mêmes des sentiments, on n’y est pas encore. Il y a encore beaucoup de retard sur les émotions. Dans Ex Machina, Nathan, joué par Oscar Isaac, est un PDG génial et multimillionnaire, il décide de faire passer à un de ses employés un test de Turing – test d’intelligence artificielle qui consiste à faire en sorte qu’une machine imite la conversation humaine – avec l’intelligence artificielle qu’il a développée, Ava. Dans les années qui viennent, on devrait commencer à voir ce genre d’inventions apparaître mais ce n’est pas encore au point, considère-t-elle. Les IA n’ont pas encore de sens commun, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas de parents, ne ressentent pas d’angoisse… Avec un chercheur, on se disait que pour qu’une IA puisse se rapprocher au maximum de l’humain, il fallait qu’elle vive l’expérience de la douleur. Mais on progresse à petits pas dans ce domaine, un nourrisson fait en 1/10e de seconde ce qu’une IA peut faire en une dizaine d’années », raconte l’auteure de bandes dessinées.

« On n’en est pas encore aux IA de Ex Machina ou de Her, on sait déjà faire des IA qui perçoivent l’état émotionnel d’un humain mais pas capables d’en développer par elles-mêmes. La notion d’émotions chez l’humain est tellement complexe qu’elle est difficilement implantable chez une IA, raconte le chercheur. J’ai des collègues qui travaillent sur ça : qu’estce qu’une émotion pour l’IA et on n’est pas loin de réussir à implanter des comportements logiques à des machines en fonction d’émotions. Exemple très simple, la frustration, on arrive aujourd’hui à faire en sorte qu’une machine, lorsqu’elle n’arrive pas à gravir un obstacle, décide par elle-même de trouver une autre solution de le franchir. Mais de là à faire en sorte qu’ils développent par eux-mêmes des émotions… pas avant des centaines d’années. Beaucoup de questions autour des émotions entre en jeu et sont étudiées tous les jours par des scientifiques et des psychologues du monde entier. La question principale à laquelle on ne répondra jamais je pense, c’est la conscience de soi. On n’arrive déjà pas à la définir chez l’Homme, alors chez le robot... », explique le directeur de recherches au CNRS.

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Des capteurs de pensée ?

Capture d'ecran Netflix

D

ans la série Black Mirror, les scénaristes imaginent les dérives dont serait doté le monde de demain. Dans l’épisode Crocodile de la saison 4, Mia est une architecte de renom qui, quinze années auparavant, a commis un meurtre. Dans cet épisode, une invention particulièrement effrayante est utilisée : une machine permettant de lire les pensées. Sommes-nous aux portes d’une telle invention ?

MARION MONTAIGNE

Benoit GIRARD

ON DIRAIT TWITTER

PEUT-ÊTRE DANS 1 000 ANS

« Aujourd’hui, ce qui s’y rapprocherait le plus pour moi, ce serait Twitter. Car grâce à lui, je peux stocker des pensées et des souvenirs via des tweets qui restent figés sur Internet. Après, un capteur de pensées, je pense que c’est plausible mais c’est éthiquement très dur, constate l’auteure. Les humains se mentent depuis toujours et ce n’est pas forcément une mauvaise chose. »

« Les capteurs de pensées aussi précis, ça n’existe pas encore, explique catégoriquement le chercheur. La seule chose que l’on sait faire, c’est placer 64 électrodes à la surface du crâne pour capter des signaux faibles que l’on associera à des pensées. On a déjà fait ces expériences : montrer des vidéos à des patients, capter les signaux de leur cerveau en fonction de l’image, puis avec ces données, on essaie de prévoir ce que le patient va penser en regardant d’autres images. Mais de là à capter toute l’activité des milliards de neurones qui composent le cerveau, on n’y parviendra jamais, ou alors dans 1 000 ans. »

L’avenir tel qu’il est perçu par la fiction d’anticipation reste sombre, souvent dystopique. L’utilisation de la technologie y est perverse et fait ressortir nos travers les plus noirs. Mais rassurons-nous ! Pour beaucoup de ces inventions de fiction, leur utilisation ne semble probable que dans un futur encore lointain.

Antoine DECLÉTY @antoinedeclety

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La Chine, le colon e du XXI siècle

Leader communiste, Xi Jinping tente de redonner à la Chine son lustre d’antan. Photo Fkickr

Par définition, le néocolonialisme désigne « les diverses tentatives d’une ex-puissance coloniale de maintenir, par des moyens détournés ou cachés, la domination économique ou culturelle sur ses anciennes colonies après leur indépendance ». Si cette conduite occidentale a souvent été mise en lumière, et ce dès le début du XXe siècle, une nouvelle puissance est entrée dans le jeu.

L

e 2 octobre prochain, la Guinée célébrera les soixante ans de son indépendance visà-vis de la France. Une date historique pour le pays africain qui jouit de sa liberté issue de la fin de la colonisation occidentale. Mais voilà, au fil du temps et après un changement de plusieurs dizaines d’années, un nouveau conqué-

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rant, utilisant habilement son ‘‘softpower’’, frappe à sa porte. Un état puissant, un état qui vient de l’Est : la Chine.

Présente sur tous les fronts Le 18 janvier dernier, la capitale Conakry accueillait la cérémonie de lancement du projet « Accès à la TV

satellite pour dix mille villages africains ». Parmi les invités figurent l’Ambassadeur de Chine en Guinée, M. Bian Jianqiang et le Président du groupe StarTimes, Pang Xinxing. StarTimes ? Oui, le grand groupe international de médias d’origine chinoise, implanté en Afrique. Ce projet, qui permet à la Guinée d’en devenir le fer de lance, a vu le

jour en 2015 à Johannesburg, dans le cadre du Forum de la Coopération Sino-Africaine. Annoncé par le président chinois Xi Jinping en personne, l’objectif à terme est d’amener la télévision par satellite dans 10 000 villages isolés de 25 pays d’Afrique. Une initiative de plus destinée à stimuler la coopération entre la Chine et l’Afrique sur une période de trois ans. Cette politique chinoise, qui ironiquement peut s’apparenter à une action de charité, s’inscrit dans une démarche pacifique. En effet, le pays asiatique n’a aucunement l’ambition de conquérir le continent, d’acquérir un nouveau territoire, ce qui est en contradiction avec le colonialisme à l’état pur. Son principal objectif est de promouvoir ses avantages économiques, ses partenariats gagnant-gagnant.

« Logiquement, un corps judiciaire n’a aucune légitimité quand il aide un gouvernement injuste » En cherchant à développer et à imposer son « soft-power », la Chine veut préserver ses relations avec toutes les nations, quelles que soient les situations, que ce soit par exemple avec l’état palestinien, Israël, la Birmanie ou les autres. Ce qui explique pourquoi elle appose régulièrement son veto au sujet d’interventions militaires proposées lors de séances exceptionnelles à l’ONU. Depuis Deng Xiaoping, la diplomatie internationale va dans ce sens et repose sur trois piliers fondamentaux : le respect des gouver-

La Chine s’impose de plus en plus sur la scène internationale. Photo Fkickr

nements en fonction, encourager le progrès économique/humain et favoriser les relations bilatérales. Une approche pragmatique totalement différente de la vision occidentale. Toutefois, depuis quelques années, alors que les États-Unis semblent prendre du recul sur le paysage international jusqu’à faire presque preuve d’isolationnisme, la Chine commence à avoir une attitude plus présente, plus engagée, notamment à Djibouti et en Afrique du Sud.

Interpol, une légitimité faussée Mis à part l’Afrique, la Chine se veut plus présente dans le reste du monde, à commencer par le Vieux Continent. Si elle ne s’immisce pas dans les affaires d’État et ne participe pas à des financements de projets, elle est depuis peu présente à la tête de l’Organisation internationale de la police criminelle, plus communément appelée Interpol et située à Lyon. Contacté par mail, le dissident chinois Wei Jingsheng s’est montré

très alarmé sur la situation en cours. Obligé de s’exiler à l’étranger, il s’inquiète de la présence du gouvernement chinois, de Xi Jinping même, au sein de l’organisation internationale. Un pouvoir qui permet au parti communiste de surveiller et d’arrêter tout opposant présent dans le monde entier : « Une situation encore pire que la persécution des juifs par les nazis » martèle Wei Jingsheng. S’il considère que l’impact de l’argent sur la politique donne à la Chine un pouvoir plus important, il se soucie de la faible valeur de son image publique. Concernant la légitimité d’Interpol, il a une opinion bien tranchée : « Pour moi l’impartialité de chaque organisation de police ou corps judiciaires permet sa légitimité. Logiquement, un corps judiciaire n’a aucune légitimité quand il aide un gouvernement injuste et arbitraire, que ce soit au niveau national ou international. Actuellement Interpol n’a plus aucune légitimité, et il faut être prudent à chaque coopération avec eux ».

Maxence Cuenot @MaxenceCuenot

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PIERRE PICQUART

« La présence chinoise a plusieurs effets »

Après être devenue la première puissance économique mondiale, et réussi à prendre la tête d’Interpol, la Chine poursuit son ascension en s’attaquant à l’Afrique. Désormais présente sur tous les fronts, elle s’impose au coeur des enjeux géopolitiques. Pierre Picquart, docteur en géopolitique et en géographie humaine à l’Université de Paris-VIII et spécialiste de la Chine, nous explique la politique chinoise.

Peut-on parler de colonialisme chinois ? Non absolument pas. La colonisation selon le dictionnaire français, c’est occuper des terres par la force comme le faisaient les colons français, belges ou anglais auparavant. Ce sont des méthodes, qui de mon point de vue, relèvent d’une autre époque, d’un autre âge, et qui avait conduit à des pogroms, des massacres, et tout ce que l’on connaît. Si la Chine ne se fait pas marcher dessus, elle n’est pas guerrière ce qui explique, par exemple, sa non-adhésion à la coalition en Syrie par exemple. Après on peut parler de colonisation économique. C’est un mot qui ne veut pas dire grandchose, dans le sens où elle ne peut pas être comparée à des échanges commerciaux économiques. Mais dire qu’il y a des rapports d’influence, ça oui c’est certain !

Quelle est la politique africaine des Chinois ? Comme toute grande nation, que ce soit les États-Unis ou l’Europe, en tant qu’entité représentant plusieurs pays, la Chine, première 104

puissance économique mondiale, s’intéresse également à l’Afrique. De ce fait, la présence chinoise a plusieurs effets. Premièrement, ça provoque une hausse du coût des matières premières, donc une croissance économique plus élevée pour certains pays, puis secondement, une compétitivité entre ces mêmes pays qui se disputent ces matières premières. Enfin je dirais une prise de conscience que l’Afrique est un grand continent, le plus jeune du monde, et que pour se développer, il peut s’appuyer sur des savoir-faire locaux pour justement trouver ses propres mécanismes économiques, ses propres moyens de développement.

Alors que là, la Route de la Soie du XXIe siècle c’est un peu la même philosophie que la mythique, la légendaire Route de la Soie de Marco Polo. C’est-à-dire des routes de communication, d’échanges, qui vont favoriser l’économie, générer de la croissance économique. Mais encore une fois ce n’est pas la vision de conquête comme les Occidentaux peuvent le penser.

Maxence Cuenot @maxencecuenot

La Route de la Soie estelle un vaste plan de conquête en Afrique ? Le projet de la Route de la Soie est un projet d’État à État qui va concerner les trois quarts des pays du monde. Mais la Route de la Soie c’est une sorte de plan Marshall sans en être un, parce qu’il était beaucoup plus modeste et qu’il aidait l’Europe directement. Pierre Picquart.

Photo DR

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Aujourd’hui

> vu e au XX siècle

> 1 : Ladedla ématérialisation photographie

W

atkins avait vu avant tout le monde la dématérialisation de la photographie et l’instantanéité de l’information : « Les photographies pourront être transmises depuis n’importe quel coin du globe. S'il y a une bataille en Chine, les photos de l'événement pourront être publiées dans le journal une heure plus tard. Les photographies reproduiront toutes les couleurs de la Nature. » À cela s’ajoute sa prédiction sur les plats préparés alors que l’industrie agroalimentaire, en 1900, n’existe pas : « Des plats tout faits pourront être achetés dans des boutiques similaires à nos boulangeries. Ils seront préparés dans des laboratoires électriques plutôt que dans des cuisines. » Watkins explique aussi que des trains pourront rouler à plus 240 km/h ou qu’il sera possible de « voir des choses grâce à des caméras connectées ».

> 2 : La disparition de certaines lettres

C

ertaines prévisions de notre Nostradamus américain sont toutefois erronées. John Elfreth Watkins avait prédit la disparition des mouches, des moustiques et des animaux sauvages : « Il n’y aura plus d’animaux sauvages, sauf dans les ménageries. Les rats et les souris seront exterminés. Les chevaux auront presque disparu. Les mouches et moustiques auront été exterminés. » Il avait aussi prévu la disparition des lettres C, Q et X sans que cela ne se concrétise. Des décennies après lui, l’Américain Alvin Toffler a remis la futurologie sur le devant de la scène. L’auteur du Choc du futur, en 1970, et de La Troisième vague, en 1984, avait vu juste en prédisant l’avènement d’Internet, du clonage ou encore du mariage homosexuel. Toffler, décédé en 2016, était tellement influent qu’il conseillait de nombreux hommes d’affaires comme le Mexicain Carlos Slim (géant de la téléphonie ndlr) ou certains chefs d’État asiatiques.

> 3 : Le tactile et le numérique Demain tous en hoverboard comme Marty McFly ? Capture d'ecran Universal Studio

Que va-t-il se passer demain, dans un mois, un an, un siècle ? Voilà des questions que l’Homme se pose depuis une éternité. Le futur fascine, questionne, intrigue. C’est ainsi que la futurologie a vu le jour. Une science sociale ayant comme ambition de prévoir l’avenir en fonction des modifications de la société. En 1900, un homme a fait office de précurseur. John Elfreth Watkins a enfilé le costume de Nostradamus en délivrant des prédictions presque exactes sur notre société actuelle. Dans un article du Saturday Evening Post, il prévient : « Ces prévisions vont paraître étranges voire quasi impossibles. » Sur une trentaine de prédictions, dix se sont révélées exactes. 106

L

a fiction d’anticipation a souvent projeté une vision alarmiste de notre société (Terminator, iRobot, etc.). Dans Retour Vers le Futur 2, sorti en 1989, Robert Zemeckis livre sa vision de la société en 2015. Lorsque Doc et Marty débarquent dans le Hill Valley du futur, ils y découvrent des tablettes numériques, des hoverboards, des restaurants où servent des robots ou encore des hologrammes. Toutes ces choses sont aujourd’hui possibles. Les tablettes font partie de notre quotidien, Lexus a mis au point un véritable hoverboard, Jean-Luc Mélenchon a fait un meeting politique en hologramme et des robots de service sont déjà opérationnels... Pour Fabrice Jumel, professeur en robotique à l’école d’ingénieur CPE Lyon, la science-fiction est utile pour les scientifiques : « Pour moi, les livres ou les films sont des expériences de pensée. Ces scénarios nous permettent à nous, scientifiques, d’avoir une vision, une réaction du grand public sur le futur de notre travail. »

Baptiste NOBLE-WERNER @BNobleWerner 107


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