Circle Magazine le magazine sur le complotisme by ISCPA

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SCIENCES POURQUOI NOTRE CERVEAU AIME TANT LES COMPLOTS ? SI LES THÉORIES DU COMPLOT SONT SI SÉDUISANTES, C’EST PARCE QU’ELLES RÉPONDENT AU BESOIN D’EXPLIQUER LES INFORMATIONS QUI NOUS PARVIENNENT. LE CERVEAU EST UNE MACHINE À COMPRENDRE CE QUI L’ENTOURE, MAIS IL FAIT PARFOIS DES RACCOURCIS, NOMMÉS BIAIS COGNITIFS. ILS SONT RESPONSABLES DE NOS PENCHANTS POUR LES COMPLOTS, MAIS ILS NE SONT PAS LES SEULS COUPABLES DANS L’HISTOIRE.

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Autre phénomène se produisant dans notre cerveau lorsque l’on est confronté à un complot : la satisfaction intellectuelle. La résolution d’un problème, d’une énigme, produit de la dopamine dans le cerveau, l’hormone du bonheur. Nommé « l’effet de dévoilement », il se base sur le fait que résoudre une énigme est un exercice plaisant. Ainsi, le complot expliquant pourquoi l’Homme n’a pas posé le pied sur la Lune se base sur plusieurs faits troublants du récit, qui ont tous trouvé une « fausse explication ». Mais le cerveau n’est pas le seul responsable ! En effet, le contexte socioculturel a également son importance. Le manque de confiance dans les institutions peut encourager la crédulité face aux théories complotistes. En France, seulement 24% des Français font confiance aux médias (Institut Reuters, 2018), statistique qui est à mettre en parallèle avec les 79% qui croient au moins à un complot.

Certaines informations ont été recueillies auprès d’un rédacteur de Conspiracy Watch, le site de l'Observatoire du conspirationnisme et des théories du complot. qui ne souhaite pas apparaitre dans l’article.

otre cerveau aime les théories du complot, c’est un fait. Selon une étude Ifop réalisée en 2018, 79% des Français croient au moins à un complot. Plusieurs raisons à cela. La première est notre aptitude naturelle à adhérer aux complots. Elle s’explique par plusieurs biais cognitifs de notre cerveau. Il en existe plusieurs à l’œuvre dans l’adhésion aux théories complotistes. Le plus connu est le biais de confirmation : le cerveau a tendance à chercher la confirmation de ce qu’il croit déjà savoir. Si l’on pense que les vaccins sont en réalité nocifs, on va chercher des informations dans ce sens (et on va en trouver !). Autre raccourci de notre cerveau, le biais d’intentionnalité. Nous cherchons une volonté derrière ce qui est accidentel, comme avec « l’assassinat » de Lady Diana. Enfin, le biais de conjonction nous pousse à voir des corrélations entre deux événements distincts.

LE PLAISIR DE RÉSOUDRE UNE ÉNIGME

UN CERCLE VICIEUX

L’autre problématique autour des théories du complot, c’est leur propagation. Une théorie complotiste, bien que partant d’un cercle réduit de « croyants », peut être massivement partagée. Une étude du MIT réalisée en 2018 a pris un échantillon d’informations publié sur les réseaux sociaux. Après un passage par des équipes de fact-cheking pour déceler le vrai du faux, le résultat est clair : une fausse information a 70% de chance de plus d’être partagée qu’une vraie. En moyenne, la vérité est donc partagée 1 000 fois, contre 1 000 à 100 000 fois pour une fake news ou une théorie complotiste. Les adeptes du complot s’expriment beaucoup plus, expliquant ces chiffres. Ils se créent ainsi une visibilité qui peut être prise au sérieux par les indécis. Cet effet « boule de neige » du partage de théories complotistes sur les réseaux renforce les croyances du genre. Nicolas DELATTRE

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INTERNATIONAL

QAnon : simple fiction devenue réalité ?

COMMENT ET POURQUOI CROIRE AUX THÉORIES DU COMPLOT ? CETTE VAGUE QUESTION PEUT S’APPUYER SUR UN DES MEILLEURS EXEMPLES À CE JOUR : LA MOUVANCE QANON AUX ÉTATSUNIS. CRÉÉE SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX EN 2017, ELLE RÉUSSIT DÉSORMAIS À S’INTÉGRER DANS LA POLITIQUE AMÉRICAINE VIA DONALD TRUMP ET CERTAINS RÉPUBLICAINS EXTRÉMISTES.

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out commence il y a trois ans sur le forum anglophone « 4chan » avec un certain « Q ». Un compte tenu par une ou plusieurs personnes à l’identité inconnue, colportant de nombreuses théories complotistes. La nouveauté : chacun peut apporter « ses miettes » à l’édifice, dixit son créateur. Pas de croyance unique et de vérité inculquée, c’est à la communauté de faire grandir l’Histoire et lutter contre les hautes instances pour arrêter le crime et la décadence de notre monde. 5 000 messages sur les forums, des milliers de vidéos YouTube et articles de presse plus tard, le mouvement QAnon dépasse les frontières numériques et s’impose de plus en plus dans la politique américaine. Car parler de pédophilie satanique et d’élites gouvernementales, notamment démocrates, en quête d’un coup d’État, cela semble difficile à croire. Et pourtant les membres et informations autour de la mouvance ne cessent de prendre de l’importance. DONALD TRUMP COMME FIGURE DE PROUE Les dernières élections américaines ayant fait grand bruit, vous n’êtes sûrement pas passés à côté de clichés surréalistes. Vous y voyez des regroupements de supporters du président Trump dont certains brandissaient le symbole « Q ». Oui, mais « QAnon » est en réalité la contraction du signe et d’ «Anonyme», toute action du mouvement circulant sous des pseudonymes. Finis les réseaux souterrains, ses adeptes se montrent et militent pour la politique du pays à visage découvert. Mais cela va plus loin... Dernièrement, Marjorie Taylor Green a été élue en Géorgie pour siéger au Congrès. Une femme politique bien connue qui ne cache pas son soutien à Donal Trump, mais

aussi à diverses opinions déviantes du groupe de l’extrême droite. Cette dernière parle de « Donald Trump comme le meilleur président » pour mener une guerre secrète contre les Grandes Instances favorables à la mixité. Car QAnon est avant tout un groupe majoritairement composé de personnes blanches, antisémites, islamophobes et pro-armes. Il suffit d’aller voir le dernier clip de campagne de Marjorie Taylor Green pour s’en rendre compte. DÉFAITE ET SILENCE RADIO C’est pourtant Joe Biden qui a remporté les dernières élections américaines le 7 novembre. Malgré les prévisions « d’une victoire écrasante » annoncée par « Q ». Et depuis cette date, plus de nouvelles ou de signe de vie du gourou sur le forum. L’auto-alimentation de cette mouvance complotiste prend alors tout son sens. Cela n’annihile en aucun cas la crédibilité de QAnon puisque la force de persuasion de ses membres et sa médiatisation au sens large continuent de porter les messages au-delà des frontières. La fin des masques et de la distanciation, les vaccins utilisés contre la population ou encore la fraude aux élections, tout semble bon pour nourrir les thèses complotistes. Même en Europe ! Et si ces croyants ont pour théorie principale la pédophilie sataniste, composée des Obama, Clinton ou autres stars d’Hollywood, ce n’est pas un hasard. Ils sont tous des signes de réussite sociale, économique et politique teintés de progressisme. Par jalousie, haine viscérale, pour le buzz ou par pur plaisir d’exister, les membres du groupe QAnon se persuadent de la supercherie de ce monde. Ou quand des histoires farfelues dépassent parfois la réalité...

Texte Benjamin LAURIOL Illustration Elzéa COLOMB

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Quatre ans. C’est le temps qu’il aura fallu au président Donald Trump pour décrédibiliser les médias américains aux yeux de ses électeurs. En 2017, lors d’un meeting politique à la mémoire des vétérans américains au Kennedy Center de Washington, il accable la presse américaine devant des millions de téléspectateurs : « Les faux médias tentent de nous faire taire, mais ils n’y arriveront pas, car notre peuple connaît la vérité !  »

Trump et les médias : une guerre sans fin

Devenus la bête noire de Donald Trump, les médias apparaissent peu à peu comme l’ennemi du camp Républicain. Ces derniers l’accusent par exemple de mentir en amplifiant le nombre réel de décès liés à la Covid 19. D’après une récente enquête de nos confrères France Info durant les élections américaines, il s’est avéré que les supporters de Trump préféraient de plus en plus s’informer sur Twitter plutôt que dans la presse. Des noms de polémistes conservateurs sont notamment ressortis comme celui de David Harris Jr ou encore de Trucker Carlson, mais aussi celui du complotiste Dan Bongino. Twitter. Une fenêtre grande ouverte à la désinformation et au complot, mais également la meilleure arme de Donald Trump. Quoi de mieux que s’adresser directement aux Américains sans passer par la censure du traitement médiatique. Mais ses infox, bien que virales, ne lui permettront pas de rester à la Maison-Blanche.

Texte Lucas MOLLARD Illustration Elzéa COLOMB

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L'OEIL LYONNAIS

Qu’est-ce que la francmaçonnerie ?

SELON UN FRANC-MAÇON ANONYME DE LA GRANDE LOGE NATIONALE FRANÇAISE. « Mon rituel m'indique "qu'il s'agit d'un système particulier de morale enseigné au moyen de symboles". Plus largement, je peux dire qu'il s'agit d'une fédération d'Hommes qui se regroupent périodiquement afin de travailler à leur amélioration. Par un travail structuré, baigné de spiritualité, via une organisation structurée, tous cherchent à devenir meilleur, par la réflexion et la communion, par les symboles et la philosophie, par la bienveillance et l'écoute. »

« La culture du secret fait fantasmer beaucoup de monde » QUELLE EST L'INFLUENCE RÉELLE DE LA FRANCMAÇONNERIE DANS NOTRE SOCIÉTÉ ? C'EST LA QUESTION QUI REVIENT LE PLUS LORSQUE L’ON PARLE DE THÉORIES DU COMPLOT. DES FAKE NEWS AUX IDÉES REÇUES, ON REMET TOUT AU CLAIR. EX-FRANC-MAÇON DEPUIS UN AN MAIS SE SENTANT TOUJOURS EN ACCORD AVEC LES VALEURS DE SON OBÉDIENCE, IL A EXERCÉ PENDANT 10 ANS AU GRAND ORIENT DE FRANCE ET RÉPOND ANONYMEMENT À NOS QUESTIONS.

Balade Premier arrêt au cimetière de Loyasse sur la stèle sobre de Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824). Une tombe ornée de plaques funéraires portant des symboles franc-maçonniques de la Grande Loge des Réguliers de Lyon. Jean-Baptiste Willermoz naît et grandit à Lyon. Fils d’un mercier, il devint en peu de temps l’un des plus grands négociants de soie de la ville. Il est initié à la FrancMaçonnerie en 1750, alors âgé de 20 ans. Il gravit rapidement les échelons de la loge lyonnaise jusqu’à en faire une place aussi forte que Paris. Lyon devient le carrefour européen de la

SUR QUOI TRAVAILLIEZVOUS ?

Dans mon atelier, on réfléchissait principalement à des sujets symboliques et on avait aussi des sujets sociétaux, ce qui est interdit dans beaucoup d’autres obédiences. Chez nous, les réflexions sociétales sont même encouragées lorsqu’elles ne portent pas sur des débats politiques. Par exemple on n’aura jamais des sujets du type « Est-ce que vous êtes d’accord avec Emmanuel Macron ? » Ce sont des sujets plus politiques avec un grand P, par exemple on va réfléchir à l’euthanasie, ou avoir des réflexions plus philosophiques comme sur le temps. Nous avions invité des astrophysiciens pour nous en parler dans le cadre de ce qu’on appelle des tenues blanches fermées, où les maçons peuvent leur poser des questions, enrichir les débats, discuter avec eux, ce qui est extrêmement intéressant.

EST-CE QU’IL Y A UN CÔTÉ ÉLITISTE DANS LA FRANCMAÇONNERIE ?

Nous avons la chance d’avoir une obédience qui a une mission




DOSSIER COVID-19

UN AN APRÈS L’APPARITION DU PREMIER CAS DE COVID-19, LES THÉORIES DU COMPLOT CONCERNANT LE VIRUS SE SONT MULTIPLIÉES DANS LE MONDE. LA CULPABILITÉ DE LA CHINE, LA COMPLICITÉ DES LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES ET DES GOUVERNEMENTS ENGRAINÉS DANS LE COMPLOT, UNE MULTITUDE DE THÉORIES ONT VU LE JOUR. DES HYPOTHÈSES AUXQUELLES DES MILLIONS DE PERSONNES SE SONT JOINTES ET QUI ONT ÉBRANLÉ TOUT UN SYSTÈME TENTANT DE FAIRE LE MÉNAGE POUR RÉTABLIR LA VÉRITÉ.

© Lukasmilan

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REPORTAGE

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Un père et son fils à Laurent Bonnevay

Jeux d’influence HUIT FRANÇAIS SUR DIX ADHÈRERAIENT À AU MOINS UNE THÉORIE DU COMPLOT. CETTE ÉTUDE, RÉALISÉE PAR L’IFOP EN 2018 METTAIT DÉJÀ EN LUMIÈRE LA DÉFIANCE FACE À L’ACTUALITÉ. DEUX ANS PLUS TARD AVEC LA COVID-19, C’EST AU TOUR DES THÉORIES CONSPIRATIONNISTES SUR LA PANDÉMIE DE FAIRE LEURS APPARITIONS DANS LE PAYSAGE MÉDIATIQUE. À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE OÙ LES INFORMATIONS SONT EN LIBRE ACCÈS, L’ESPRIT CRITIQUE ET LA MULTIPLICATION DES SOURCES SONT DE MISE. CHEZ LES JEUNES, PARTICULIÈREMENT INFLUENÇABLES ET SENSIBLES À LEUR ENVIRONNEMENT, QUELLES SONT LES SPHÈRES LES PLUS INFLUENTES ?

e cocon familial représente le premier noyau de l’enfant. Ce sont les parents qui définissent avec quels principaux moyens d’information les enfants peuvent s’informer. Juliette, Lyonnaise de 14 ans, a l’habitude d’entendre plusieurs versions, mais elle sait « qu’il ne faut pas croire à tout, parfois à la maison et à l’école on n’entend pas la même chose et sur internet c’est encore différent » explique-t-elle. Pour cette collégienne, les réponses aux questions actuelles sont un peu floues, « on m’a dit que le virus a été crée dans un laboratoire et à l’école ils ont dit que c’était un animal chinois » ajoute-t-elle avant d’être interrompue par ses parents. Ils ne souhaiteront pas répondre à d’autres questions. Il faut aller du côté de l’école pour comprendre pourquoi certaines théories ne disparaissent pas en classe. « Ils ne sont pas du tout demandeurs d’explications sur l’actualité », note Valérian, professeur d’histoire, avant de reprendre : « entre eux ils en parlent beaucoup, mais les




« HOLD-UP » : INVESTIGATION AU SERVICE DU COMPLOTISME LE DOCUMENTAIRE « HOLD-UP, RETOUR SUR UN CHAOS », SIGNÉ PIERRE BARNÉRIAS, A ÉTÉ MIS EN LIGNE LE 11 NOVEMBRE DERNIER. MAIS IL A DEPUIS ÉTÉ RETIRÉ DES PLATEFORMES À CAUSE DE SON CARACTÈRE COMPLOTISTE. D’AUTANT PLUS QUE LE DOCUMENTAIRE A ÉTÉ FINANCÉ PAR UNE CAGNOTTE PARTICIPATIVE EN LIGNE METTANT AINSI EN PÉRIL SON IMPARTIALITÉ… «On est captif d’un système obscur », explique l’anthropologue JeanDominique Michel au début du documentaire « Hold-up ». Cette phrase peut inspirer chez certains le sentiment d’être trompé, l’inquiétude, le danger, voire même la terreur. Des émotions inhérentes à l’homme et sur lesquelles peuvent aisément se fonder l’idée de complot. Un complot. C’est bien l’origine de quoi est accusé le journaliste et auteur Pierre Barnérias, dont le dernier documentaire « Hold-up » dénonce sans ménagement la mauvaise gestion de la crise de la Covid-19 par les élites françaises, à savoir les élus, mais également les médias auteurs de certaines Fake news depuis le début de la crise.

UNE INVESTIGATION DOUTEUSE

Le financement participatif dont a bénéficié le documentaire est le premier hic de l’histoire. En août 2020, les sociétés de productions ont en effet récolté par moins d’une centaine de milliers d’euros lors d’une cagnotte en ligne. Sur la plateforme de « Crowdfunding » (financement participatif) Ulule, le Jackpot de 183 000 euros a été rendu possible à travers la mobilisation de près de 5 232 contributeurs. Un chiffre important qui soulève tout de même la question de l’indépendance de l’enquête dans un monde où l’opinion publique prend un poids de plus en plus conséquent. Holdup n’est-il pas finalement le fruit de ce que voulaient entendre les Français depuis plusieurs mois ? Et même si le CV de Pierre Barnérias semble sérieux : grand reporter à TF1, France Télévision, LCI, M6, chroniqueur à France Info et rédacteur en chef pour RTL2 ou même journaliste de presse écrite à Ouest-

France où il commence sa carrière, l’homme reste cependant connu pour ces documentaires à caractères polémiques. Comme lorsqu’il sort en 2013 le documentaire « A qui profite le flou ? », dénonçant le fait que la préfecture de la manifestation pour tous aurait délibérément truqué les images de la Manif pour tous pour minorer le nombre de participants. Information qui sera démentie plus tard pas l’AFP.

UN CRUEL MANQUE DE CONTRADICTION

Durant ses 2h43, le film donne la parole à des acteurs plus ou moins controversés de la scène scientifique : parmi eux des chercheurs, médecins, anthropologues ou même philosophes. Tous donnent l’alerte à travers des phrases-chocs, parfois à la limite de l’affabulation, à l’image de l’ancien directeur de recherche chez Pfizer Michael Yeadon: « Je suis beaucoup plus effrayé par mon gouvernement que par le virus ». Une sage-femme, nommée Nathalie Dérivaux, va même jusqu’à comparer la gestion de la crise aux camps de concentration des années 40 : « On fait preuve d’une inhumanité qu’on n’a pas connue depuis les heures les plus sombres de notre histoire. Trier les gens en fonction de leur âge… », faisant ici référence au traitement réservé aux personnes âgées dans les Ehpad. Mais à aucun moment il n’est possible d’entendre les principaux intéressés de ces accusations : les politiques ! Un constat que n’a pas manqué de souligner le réalisateur et essayiste Tristan Mendès France, au micro de France Culture : « C'est un documentaire unilatéral, qui n'a qu'un seul objectif : nous montrer qu'il y a un complot international d'une élite mondiale associée, pourquoi

COVID-19 pas, à du big pharma, à des lobbies pharmaceutiques. Une élite qui comploterait contre les citoyens et notamment contre les pauvres. »

DES INEXACTITUDES VOIRE DE FAUSSES INFORMATIONS

Sur le banc des accusés, Le Monde ou encore Libération ne se sont pas gênés pour dévoiler les contre-vérités de cette enquête et notamment la remise en cause du premier confinement, appuyée par une courbe graphique provenant de l’Insee. « Le virus a particulièrement sévi du 15 mars au 15 avril, période où nous étions tous confinés grâce à une mesure historique censée ne pas faire apparaître cette courbe. », dénonce la voix off du documentaire. Le pic de mortalité est effectivement apparu après l’entrée en vigueur du confinement (le 17 mars), or les décès surviennent trois semaines après la période de contaminations ce qui explique que le pic du nombre de morts soit survenu la première semaine d’avril bien que les Français soient confinés.Hélas, cette affirmation approximative est loin de faire tache dans ce documentaire d’une durée de presque trois heures, puisque les deux quotidiens nationaux ont dénombré pas moins d’une quinzaine de propos infondés, parfois même totalement erronés. Malgré ce « Fact Checking » publié seulement le lendemain de la mise en ligne de « Hold up », c’est déjà trop tard… La machine est lancée et la suppression du reportage sur la plateforme Vimeo ne fait qu’accentuer ce phénomène de propagation.

LE SUCCÈS VIRAL

D’après nos confrères de France Inter, on dénombre sur Twitter près de 400 000 tweets comportant des motsclés liés au documentaire. Initialement mis en ligne sur VimeoVOD en version payante, il a rapidement été supprimé de la plateforme. Il est désormais disponible (cette fois gratuitement) sur le site « Odysee », connu pour ces contenus à caractère complotiste. Alors qu’on dénombre près de trois millions de vues en additionnant les différentes versions de la vidéo, le film « Hold-up » se répand déjà comme une traînée de poudre, à l’instar des plus grands complots qu’il relate.

Lucas MOLLARD

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LA CHINE AU CŒUR DES THÉORIES SUR L’ORIGINE DE LA COVID-19 RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DÉBUT DÉCEMBRE 2019. LES PREMIERS CAS DE COVID-19 SONT RECENSÉS À WUHAN. RAPIDEMENT, LES THÉORIES SUR L’ORIGINE DU VIRUS SE DÉVELOPPENT. DEUX RUMEURS S’OPPOSENT : LA COVID-19 EST NÉE DANS LE LABORATOIRE P4 DE WUHAN OU AUX ÉTATS-UNIS.

Dès le mois de janvier, Wuhan apparaît comme l’épicentre de la pandémie de Covid-19. Cette ville chinoise possède le seul laboratoire de virologie P4 officiel du pays. En mars, lorsque la situation sanitaire s’améliore en Chine et se dégrade à l’étranger, cette spécificité va être utilisée pour alimenter la théorie selon laquelle le virus est né dans le laboratoire. Interrogé par Circle Magazine, Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine, chercheur à la fondation de la recherche stratégique et professeur à Science Po Paris, nous affirme : « Il n’y a aucune raison pour faire le lien, mais dans l’imaginaire collectif, un laboratoire de haute sécurité fait fantasmer. » La théorie va apparaître dans un contexte sanitaire particulier. Le 14 janvier, la Chine affirme que le virus est seulement transmissible des animaux aux humains. Le 23 janvier, le gouvernement reconnaît la transmission interhumaine. Une erreur qui va lancer les critiques sur la gestion de la crise. Antoine Bondaz note aussi « un relâchement dans les appareils de censure et de propagande chinois ».

COVID-19

CONTRE-ATTAQUE CHINOISE : CRÉATION D’UNE NOUVELLE THÉORIE

Début février, les autorités chinoises reprennent la censure de manière accrue. Pour faciliter la suppression de publications, « les autorités chinoises vont rajouter les mots qui concernent la pandémie à leur liste de détections de mots sur internet », indique Barthélémy Courmont. En parallèle, la Chine relance sa politique de propagande. Début avril, sur Twitter, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijiang, accuse l’armée américaine d’avoir amené la Covid-19 à Wuhan. Selon lui, la contamination aurait eu lieu lors des 7e Jeux mondiaux militaires organisés en octobre 2019 dans cette ville. Cette rumeur va rapidement être relayée par les organes de presse officiels chinois tels que Global Time. Pour Barthélémy Courmont, « cela représente le complot le plus important propagé en Chine. Cette théorie n’est pas démontrable, mais semble assez farfelue ».

LA CHINE OCCULTE SES RESPONSABILITÉS DE COOPÉRATION INTERNATIONALE

« La Chine n’est pas transparente dans la recherche sur l’origine du virus. L’OMS [Organisation mondiale de la santé] ne peut pas mener son enquête de façon libre », affirme Antoine Bondaz. Il continue : « ce serait nécessaire d’avoir davantage d’informations sur les premiers cas déclarés. » Des informations qui devraient être accompagnées d’un « historique des cas ressemblants à des cas de Covid dans les hôpitaux de Wuhan» avant le premier cas officiel. Réaliser ensuite des analyses médicales sur ces patients pour savoir s’il s’agissait de cas de Covid-19. Or la Chine n’a pas modifié la chronologie officielle de son épidémie depuis le mois de janvier. Antoine Bondaz conclut : « aujourd’hui personne ne pense à un seul instant que l’épidémie n’a pas commencé en Chine. Néanmoins, il faut comprendre comment cette pandémie a démarré pour prévenir les prochaines. »

Eulalie PERNELET

Wuhan déclare le premier cas de Covid-19 le 17-11-2019. © Unsplash

Cette atmosphère va laisser place à deux nouvelles rumeurs sur les réseaux sociaux. La première : le virus est naturellement présent dans le laboratoire et a fuité. La seconde : la Covid-19 a été créée par l’homme dans le P4. En avril, Luc Montagnier, prix Nobel en 2008 pour sa participation à la découverte du VIH, a affirmé que la Covid-19 a été créée par les Chinois avec des molécules du VIH. Les chercheurs chinois ont alors démenti cette théorie en analysant le code génétique du virus. Apportant la conclusion que « le génome du SARS-CoV-2 ne présente pas de traces humaines ». Interrogé par Circle Magazine, Barthélémy Courmont, géopolitologue et rédacteur en chef de la revue trimestrielle « Monde chinois – nouvelle Asie », revient sur cette théorie en affirmant que « la Chine ne pouvait avoir imaginé ce virus, dans la mesure où la Chine ne possède pas de vaccin pour se protéger de la pandémie ».

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BILLET D'HUMEUR

Les médias, l’influence par excellence COMME VOUS AVEZ PU LE LIRE OU L’ENTENDRE, DES COMPLOTISTES ANONYMES PROPAGENT DANS LE MONDE DES NOUVELLES EXTRÊMEMENT FAUSSES. MAIS POUR CELA, IL FAUT BIEN DES TRANSMETTEURS D’INFORMATIONS DONT LES PRINCIPAUX SONT LES MÉDIAS. CES DERNIERS SONT, ENTRE AUTRES, LES PRINCIPALES CAUSES DE PROPAGATION DES THÉORIES DU COMPLOT À CAUSE DE LEUR INFLUENCE.

Eh oui, les médias ne disent pas toujours la vérité, marrant quand on pense que notre rôle est de vérifier et de transmettre de fausses... ah non pardon, de vraies informations. Au fond j’essaie de me rassurer, je me dis que peut-être cela ne vient pas de nous, les journalistes, mais plutôt de la population qui est naïve dès lors qu’elle s’attaque à quelque chose qui la dépasse. Mais bon dire que la France est naïve, cela serait remettre en cause son éducation et donc l’État. Dernière solution donc, c’est peut-être l’État le fautif, dont les pouvoirs économique et politique contrôlent les médias. Mais bref, le sujet n’est pas là, ne nous égarons pas. Les médias, considérés comme le « quatrième pouvoir » : c’est certainement cela qui nous donne autant de légitimité. Car ce sont bien les médias qui vous transmettent l’information, qu’elle soit vraie ou fausse, peu importe, au petit bonheur la chance. Toutes les dimensions de l’existence d’une chose sont concernées par les médias et leur médiatisation : pas de médiatisation, pas d’information. La critique des médias est donc primordiale, ne soyez pas dupes mesdames et

messieurs, pensez à effectuer une critique des médias, c’est ce qui nous permet de reconnaître la place centrale et transversale qui est la nôtre sans s’égarer. Revenons sur ce surnom de « quatrième pouvoir ». Cette puissance se traduit par notre capacité à influencer les modes de pensée. Je dirais même à façonner les modes de pensée, bien que finalement l’influence est plus subtile : elle se contente dans un premier temps à la définition de l’ordre du jour, en choisissant par exemple de quelle actualité on va parler, et oriente ainsi indirectement la pensée. On est puissant parce qu'on a les outils et les mécanismes qui nous permettent d'imposer l’ordre du jour. Et c’est grâce à cela qu’on conditionne le comportement des autres pouvoirs. En gros, si vous n’avez pas compris, on choisit à votre place, et c’est plutôt sympa. Ah oui, on possède aussi la capacité de détruire une réputation dans tous les domaines. On peut choisir ce qui est bien ou ce qui est mal comme bon nous semble, donner de l’importance ou non à ce que l’on veut. Donc quand un média décide de diffuser une théorie du complot, l’idée est certainement réfléchie et vise les faibles d’esprit et les vulnérables. Tout le monde n’a pas la chance de faire partie des « élites » et du « quatrième pouvoir », vous devez bien le savoir.

Texte Kevin MASEGOSA Photo - Pile de de différents journaux. © Pixabay

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