ACCENT #10 HORS-SERIE L'actualité du monde à travers Disney - ISCPA juin 2020

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Sommaire

Édito

L’accent de la rédac’ Miroir miroir, dis-moi qui est la plus libre Une dernière page se tourne pour l’histoire d’Accent. Et quoi de mieux pour notre dernier magazine hors-série que de vous emmener au pays des rêves et de l’imagination. Dans cette édition finale, nous avons décidé non pas de vous faire découvrir un nouveau pays mais une entreprise si puissante et répandue aux quatre coins du globe que son influence dépasse largement celle de nombreuses puissances de notre monde : Disney. En 97 ans d’existence, le studio d’animation Walt Disney Pictures s’est fait le miroir d’une société qui évolue et dont les codes changent. De la jeune princesse candide coincée dans le cliché de la demoiselle en détresse et attendant l’aide salvatrice d’un beau prince charmant à la femme guerrière et débrouillarde. Un long chemin a été parcouru pour les femmes, aussi bien dans notre monde bien réel qui celui de Mickey. C’est en 1937 que le monde découvre la première princesse de la compagnie aux grandes oreilles : Blanche-Neige. Peureuse, ingénue voire clairement nunuche par moments, la jeune femme appartient à la première génération de princesses, celles qui subissent leur destin en attendant l’aide extérieur d’une tiers personne, quasi-systématiquement un homme. Rappelons qu’à cette époque, les femmes ne peuvent voter aux États-Unis que depuis 17 ans sur l’ensemble du territoire et qu’il faudra encore attendre sept années aux Françaises avant d’obtenir ce droit. Une vingtaine d’année plus tard est engagée une transition dans la mentalité des héroïnes Disney. Elles prennent de plus en plus leur destin entre leur main et défient les figures d’autorité qui les dirigeaient autrefois. Mais souvent encore, leurs décisions sont critiquées par l’environnement où elles se trouvent, sans qu’aucun personnage ne les encourage dans leur démarche. Belle est moquée car elle lit des livres et s’instruit alors qu’Ariel est pointée du

Empire et lobby

MédiAccent page 4

Alixan Lavorel, rédacteur en chef

doigt en voulant quitter son royaume et son confort de princesse, où tout lui est dû. Un changement dans le traitement de ces personnages, donc, mais encore trop solitaire et implicitement critiqué au sein même de l’histoire. Cependant les changements ne se font pas seulement dans les mentalités. Dans les années 1990, les princesses Disney ne sont plus seulement de jeunes femmes blanches en robe de gala. En 1992, 1995 et 1998, ce sont respectivement trois héroïnes venant d’autres continents et d’ethnies différentes qui émerveilleront petits et grands : Jasmine (Aladin), Pocahontas et Mulan. Elles ne sont plus des princesses mais des rebelles, des aventurières ou des guerrières. Cette tendance s’est prolongée jusqu’à nos jours où même les princesses sont imparfaites, commettent des erreurs et se questionnent sur leur vie et leur environnement. En 2020, les princesses Disney sont de plus en plus ancrées dans la réalité, pour toucher et se rapprocher davantage de leur public. Malgré tout, le bilan est quand mince pour Disney. Sur les 12 princesses officiellement reconnues par la firme, seules cinq ne sont pas blanches et de type caucasien. Chefs d’œuvres d’animations multiculturelle, certes, mais sûrement poussés aussi par la recherche d’une bonne image de marque et de la reconnaissance de Mickey partout dans le monde. Si, à défaut de recevoir une éducation ouverte où les codes seraient bloquée 30 voire 50 ans en arrière, les enfants trouvent dans certains de leurs héros d’enfance un message nouveau et réaliste du monde qui les entoure, alors espérerons que les petits princes et les petites princesses pensifs d’aujourd’hui soient les rois et reines décisionnaires de demain.

L’Accent de Dan Lanigan

Interview

page 5

Softpower

Accent de la semaine page 6

Accent Éco page 8

Ghibli vs. Disney

Appropriation culturelle Accent Grave page 9

Accent Aigu

Hôte sportif

page 10

Origines

French Accent page 11

Rédacteur en chef & coordination : Alixan Lavorel Rédaction : Léo Ballery, Guillaume Besson, Lucile Brière, Vincent Imbert, Alixan Lavorel Kévin Masegosa, Lancelot Mésonier, Eulalie Pernelet et Théo Zuili Secrétaires de rédaction : Eulalie Pernelet et Lancelot Mésonnier Conception graphique, maquette & dessin de presse : Alixan Lavorel et Théo Zuili Format PDF uniquement 2

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L’Accent de Dan Lanigan

MédiAccent La Reine des écrans Au fil des décennies, Disney s'est imposé comme un leader mondial des médias. Il s'agit d'une véritable multinationale protéiforme, active à la fois dans le dessin animé, le streaming, la télévision et évidemment le lobbying.

Dans

le domaine des médias, le groupe

comprend l’un des trois networks américains, ABC, qui compte un riche bouquet de chaînes. Qui plus est, de nombreux programmes thématiques comme ESPN ou Disney Channel sont diffusés à l’international par l’intermédiaire du câble. Pourtant, Disney est récemment parti en guerre contre Netflix et les câblo-opérateurs. Au premier, il vient de retirer tout son catalogue pour le proposer luimême sur Disney +. Aux seconds, il a prévenu qu'il allait désormais mettre l'accent sur la commercialisation en direct, via sa propre plate-forme digitale, de son offre ESPN. Or, première chaîne sportive américaine, ESPN représente l'un des principaux motifs d'abonnement au câble en Amérique du Nord. Disney reconnaît de fait que le monde des médias a véritablement changé. Hier, pour l'essentiel, Disney créait du contenu et confiait à des tiers le soin de les diffuser. Il facturait peu le consommateur final. Avec le boom de la diffusion digitale, Disney peut désormais de plus en plus toucher en direct ce dernier. Aujourd’hui, Disney Media Networks qui rassemble les instruments de diffusions audiovisuels de la firme (télévision, streaming, jeux vidéo…) représente quasiment 50% de son chiffre d’affaires, contre seulement 17% pour Walt Disney Studio.

Disney WorldWilde Services Disney Worldwide Services est une filiale de la Walt Disney Company fondée en 1989 pour superviser ses activités de lobbying. Extrêmement opaque, le lobbying de Disney est régulièrement épinglé par l’organisation non gouvernementale Transparency International qui lutte contre la corruption, pour ses « agissements médiocres » en matière de divulgation de ses activités de lobbying. Si très peu d’informations sont accessibles, Transparence internationale estime que Disney dépense en moyenne 4,6 millions de dollars par ans, simplement pour ses activités de lobbying aux États-Unis, contre 850 000 dollars pour

"Disney représente parfaitement ce désir d’histoires, de rêves et de poésie" C’est un timming parfait pour Disney+, de rencontrer sur son passage l’un des plus gros admirateurs des films Disney. Sans aucun doute, il s’agit de Dan Lanigan. Ce fou collectionneur d’objets cinématographiques est le héros de Souvenirs de tournage. Cette série documentaire, produite par Disney +, met en lumière les secrets de réalisation de films mythiques de la compagnie.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’être le héros de Souvenir de tournage ? Le partage. Être aussi passionné par le monde cinématographique peut parfois nous renfermer sur nous-mêmes. Ici, les producteurs m’ont donné l’opportunité de transmettre ma passion. J’ai aussi voulu continuer d’écrire l’histoire. Dans « Souvenirs de tournage », certains films reprennent vie. On découvre de nouvelles facettes des héros, notamment à travers les costumes et décors. Sans oublier ceux qui les ont animés pendant les tournages.

Quelle relation entretenez-vous avec les contributeurs des films présentés ? Quelques unes des entreprises des l'empire Disney.

©ABC

Netflix en 2019. D’un côté, Disney affirme que la majorité de ses actions lobbyistes sont tournées vers la protection de l’environnement et des animaux. De l’autre, Disney est l’un des six membres de la MPAA (Motion Picture Association of America), considéré comme « le lobby le plus influent de l’industrie de l’Entertainment » aux ÉtatsUnis par Fortune. Représentant une industrie prospère et exportatrice, la MPAA bénéficie auprès du gouvernement américain d’une position privilégiée. Les studios hollywoodiens exercent une influence sur la politique de Washington, car ils disposent de formes multiples de capitaux. En effet, l’aura de leurs acteurs, l’impact de leurs symboliques et leur capacité à mobiliser la société américaine s’avèrent autant d’enjeux pour les hommes politiques. Autant dire que le représentant des studios occupe un rôle de choix dans les milieux gouvernementaux. Pourtant, la MPAA est traversée par des rivalités en interne. Il fut un temps ou l’expansion d’un géant du cinéma profité à tout Hollywood. Aujourd’hui, un avantage pour l’un se fait au détriment de l’autre. C’est une course à l’expansion. Par exemple, Disney a essayé d’empêcher la fusion de Time-Warner et d’AOL bien qu’elle-même soit devenue un géant des médias avec le rachat d’ABC en 1995. Vincent Imbert

Tous les échanges humains sont très différents. D’un épisode à un autre, les centres d’intérêt peuvent grandement varier. Pourtant, une chose nous lie tous, c’est ce goût pour la magie du cinéma. La réalisation des films Disney est aussi fantastique que les films en eux-mêmes. Dans le deuxième épisode de Souvenirs de tournage, il y a eu cette parfaite alchimie avec le reste de l’équipe. Malgré que le film « Tron » n’est pas eu un grand succès, Dan Lanigan © JERRICA TISDALE les véritables connaisseurs admirent sa complexité. Pour l’époque le film était d’une splendide modernité. Ainsi se retrouver autour des objets de sa réalisation était particulièrement intense.

Quel épisode nous recommandez-vous ? Je dirais que l’épisode qui peut rassembler le plus de téléspectateurs est celui destiné à « Pirates des Caraïbes : la malédiction du Black Pearl ». Le trésor des pièces qu’on y découvre est immense. Rien que la veste de Jack Sparow nous transporte. Il faut dire que le budget accordé à la naissance du film y joue pour beaucoup. Il s’agit ici d’environ 140 millions de dollars américains. Ce film a marqué tant de générations, que nous prenons d’autant plus conscience de la chance que nous avons.

D’où vous vient cette passion pour les objets de films Disney ? Je pourrais vous dire lorsque j’étais enfant. Toutefois répondre ainsi voudrait dire je n’en suis plus un. À vrai dire, je crois garder, grâce à ma collection, cette innocence infantile. Ma vie est totalement animée par les chefs d’œuvre. Disney dans tout ça, représente parfaitement ce désir d’histoires, de rêves et de poésie. Propos de Dan Lanigan, recueillis et traduis depuis l'anglais par Eulalie Pernelet

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Accent de la semaine

L'empire Disney : vers l'infini et au-delà

Depuis sa création Disney est l'un des plus gros acteurs du soft Power américain. À travers ses films d'animation, le premier groupe de divertissement au monde a fortement influé sur la mondialisation de la culture.

Disney a su créer au fil du temps une véritable « culture

Disney », souvent assimilée à la culture américaine. Cet esprit se transmet à travers le monde grâce à leurs films d'animation. Des films qui ne cessent de transmettre des valeurs ainsi qu'une vision de la vie, généralement partagée par un bon nombre d'Américains.

Les valeurs retransmises par Disney s’apparentent généralement aux valeurs américaines, telles que l'importance de la famille, de la religion, mais aussi l'importance du travail. Par exemple, dans « Blanche neiges et les sept nains », les sept nains sont tous passionnés par leur travail, il l’aime tellement qu'il l'effectue en chanson. Également dans ce film, il n'est pas rare que blanche neige s'adresse à Dieu, dans un extrait elle dit « Bénissez les sept petits hommes qui ont été si bons pour moi », même si ça n'est pas dit explicitement on comprend à qui elle s'adresse. Disney a créé un ensemble d'imaginaire narratif ainsi que de personnages fictifs, qui permettent de mettre en avant des principes et des valeurs. Certains personnages comme Mickey Mousse sont devenus de véritable symbole des États-Unis. Cet ensemble de productions leur a permis

de se créer une image d'innocence et de perfection qui a découlé sur l'image de la première puissance mondiale.

Disney nous apprend le monde La firme internationale donne une certaine image des États-Unis, mais partage aussi une vision du monde. Certains longs métrages font découvrir aux enfants les différentes cultures et modes de vie qui le compose. Comme dans « Mulan » où l'on découvre la Chine, dans « Le Roi Lion » où l’on visite l’Afrique ou bien « Aladin » qui nous dévoile l'Orient. Disney a en quelque sorte une double vocation, mise à part divertir, celle de diffuser les valeurs américaines et celle de faire découvrir le monde aux plus jeunes. Cependant, il est important de comprendre que Disney présente une vision du monde qui peut s’apparenter à celle qu’ont les Américains, et que par conséquent les nombreux films Disney transmettent une manière de penser aux enfants du monde entier. Disney participe en quelque sorte à l’américanisation de la culture, le terme de mondialisation de la culture prend donc tout son sens.

Commando Duck est paru en 1944, et fût réalisé par Jack King, animateur chez Disney, qui a travaillé sur la quasi-totalité des films de propagande. © Walt Disney Pictures

Mais Disney ne s’est pas toujours limité à promouvoir le soft-Power américain, ils ont également été acteur de la propagande durant la Seconde Guerre mondiale. Une propagande dissimulée, mais pourtant bien visible.

Commando Duck

Caricature représentant le soft power américain en train de conquérir le monde. © A.B Singer

Durant la Seconde Guerre mondiale, Disney a produit une grande quantité de court-métrage de propagande proaméricaine, de 1941 à 1945, 93% des productions de Disney sont liées à la guerre. Ces films de propagande s’adressent majoritairement aux soldats américains. En 1944 paraît « Commando Duck » (à découvrir en suivant le QR code), racontant l’histoire de « Donald Duck » (représentant un soldat américain), qui doit infiltrer une base japonaise pour la détruire. Ce court-métrage transmet deux messages de manière subliminale. Tout d’abord, « Donald Duck » n’est pas très malin et peureux, mais il a énormément de courage, lorsqu’il se retrouve en danger de mort, il l’affronte fièrement. Par la suite il arrive à détruire la base accidentellement, mais il est constamment sauvé par son courage. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’avec du courage un soldat américain peut tout faire, et surtout, sauver son pays. Ce film donne une image de « super soldat » aux Américains, et avance l’idée qu’ils sont supérieurs en tout point, par exemple « Donald » a accès à des outils technologiques avancés, tels qu’une petite boîte contenant un canoé. Le second message transmis à travers ce film est très fortement anti-japonais. Les soldats japonais se cachent, ils sont maladroits, mauvais tireur et surtout ils sont lâches, ils attaquent « Donald » uniquement lorsqu’il est de dos. L’un des personnages japonais va jusqu’à dire « Selon la coutume japonaise il faut toujours abattre un

Cette image clôturant le court-métrage « Commando Duck », illustre la défaite du Japon face durant la seconde guerre mondiale.. © Walt Disney Pictures

homme par-derrière ». Tout le long du court-métrage les Japonais se font ridiculiser, de plus ils perdent face à un « Donald », vainqueur malgré lui. « Donald » a vécu de nombreuses autres aventures durant la Seconde Guerre mondiale, mettant en scène des personnages et évènements historiques. Toutes ses aventures ont pour objectif de faire la propagande des États-Unis.

De la propagande à nos jours Il est très difficile de comparer la propagande faite par Disney durant la seconde guerre mondiale aux films que la firme a produits depuis, le contexte étant totalement différent. Pourtant tout n’a pas changé. On peut remarquer qu’aujourd’hui les films Disney continuent à faire l’éloge des États-Unis, tout comme durant la guerre. Évidemment, de manière beaucoup plus raisonnée, ils ne critiquent d’ailleurs plus les autres populations. Mais la principale ressemblance entre les films actuels et les films de propagande, se trouve dans la façon implicite de toujours influencer le spectateur. Comme évoqué auparavant, Disney transmet des valeurs et une vision de la vie de manière subliminale, et ce encore aujourd’hui, tout comme il le faisait durant la guerre. Mais il ne faut pas dramatiser, car les valeurs et principes mis en avant par Disney aujourd’hui ont bien changé, et ont tendance à suivre la même évolution que les mouvements sociaux. Léo Ballery

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Accent Éco

C’est l’histoire de la vie, du fric éternel

Accent Aigu

Eh oh eh oh, on retourne au boulot

Afin de gagner toujours plus et de s’assurer des flux de revenus continus, le géant Disney utilise un stratagème, sans être révolutionnaire, originale. Celui de l’appropriation. Tout ce que Disney sort de son studio, devient une marque déposée, interdisant de fait l’usage de mots, logos ou chansons à certains.

Croyants en train d’effectuer la prière du "Fajr" (première prière de la journée au lever de soleil) © Paul Lorgerie Timon empêcherait-il Pumba de parler Swahili ? © Walt Disney Pictures

Plus de 60 milliards de dollars de chiffre d’affaires en

2019. A titre de comparaison, c’est autant que le PIB de la Croatie ou du Liban ; à peine moins que celui du Luxembourg (67 milliards). 10 milliards de recettes, uniquement sur les films sortis en salle, 8,3 milliards de bénéfices sur l’année. La Walt Disney Company se porte bien, très bien même. Pour autant, il n’y a pas de petites économies et tous les moyens sont bons pour un sou, si cher à Picsou. Le péché mignon de Disney ce sont les copyrights. L’emblème même de la marque, la fameuse souris « Mickey », est au cœur d’une bataille juridique depuis 90 ans. Figure de proue de tous les produits dérivés de Disney, ces trois cercles noirs ont une puissance financière et symbolique phénoménale. Cependant, depuis 1984 les droits auraient déjà dû être tombés dans le domaine public. A l’époque où Walt Disney dépose la marque « Mickey », en 1928, la loi est on ne peut plus claire : les copyrights ne peuvent pas durer plus de 56 ans. Mais ça n’était pas du goût de la firme. Grâce à une stratégie d’influence sans précédent, Disney obtient de faire passer la durée à 75 ans, en se calquant sur la loi européenne. Ce qui ne fait que repousser le problème à la fin des années 90. Pas grave, l’entreprise californienne retourne défendre sa propriété et obtient de nouveau du congrès américain l’allongement de la durée du copyright jusqu’à 95 ans, au prix d’un chèque de 90 millions de dollars. C’est donc en 2023 que les droits sont censés retomber dans le domaine public, d’ici là nul doute qu’un nouvel accord devrait être trouvé entre les deux parties. En même temps quand une marque vous rapporte 6 milliards de dollars par an, il est difficile de l’abandonner. Mais ce désir d’avoir propriété sur tout, dépasse parfois le sens commun

Disney a négocié avec les instances sportives américaines l’accueil de la NBA ( (National Basketball Association ) et de la MLS ( Major League Soccer ) pour que les deux ligues puissent finir leur saison. Grâce à cela, Disney renverse la crise enclenchée par le Covid et son parc va bénéficier d’un énorme coup marketing.

Hakuna Matata : pas sans soucis Tout le monde (ou presque) connaît « Hakuna Matata », parole tirée d’une chanson du Roi Lion, et phrase devenu culte par la suite. Eh bien, comme le disent Timon et Pumba en introduction du chant, « Hakuna Matata » veut dire « sans souci » ou « pas de problème ». Mais non pas, dans une langue imaginaire de l’univers Disney, mais dans la vraie vie. C’est du Swahili, langue parlée par 150 millions de personnes en Afrique de l’Est, notamment au Kenya où il s’agit de la langue officielle. Sauf que cela, la Walt Disney Company s’en moque en peu. Fidèle a elle-même, à la sortie du film, la compagnie décide de déposer une marque « Hakuna Matata » pour l’impression textile. La firme américaine revendique la propriété d’une phrase banale de la vie quotidienne de millions de gens, une sorte de privatisation du langage sans le moindre égard pour les personnes concernées. Jusqu’à fin 2018, cette appropriation avait échappé à la vigilance de tout le monde. C’est lors de la promotion d’un remake du film que certains activistes s’en sont rendus compte. C’est Shelton Mpala, un militant canado-zimbabwéen qui a mis au grand jour les agissements de Disney, en lançant une pétition pour que le swahili récupère ses mots et que la Walt Disney Company reverse tous les bénéfices faits grâce à « Hakuna Matata ». Elle compte aujourd’hui plus 200 000 signatures mais sans avoir atteint son objectif. Cette obsession à vouloir tout posséder est particulièrement ironique quand on sait que l’entreprise a fait son miel de dizaines de contes et de personnages libres de droit. A commencer par les contes de Grimm, Cendrillon, Raiponce ou encore Blanche-Neige. La Reine des Neiges, tirée du conte d’Andersen, a rapporté près d’1,2 milliards de dollars à la firme... mais comme le disait Timon et Pumba :« Hakuna Matata ». Lancelot Mésonnier

C'est

sur son site de 103 hectares que Disney va accueillir les deux ligues nord-américaines afin qu’elles puissent finir leur championnat. À partir du 31 juillet, Disney va voir la NBA disputer plus d’une centaine de matchs jusqu’au 12 octobre. Joli coup pour Disney. Le parc d’attractions d’Orlando possède déjà un énorme complexe sportif avec trois salles couvertes regroupant 18 terrains de basket qui peuvent être changer en configuration football, la MLS y effectuera un tournoi du 8 juillet au 11 août. Une opération gagnante pour la Walt Disney Company qui s'assure ainsi fréquentation, programmation et publicité durant un début d'été plombé par le coronavirus. Pandémie oblige, tous les matchs se joueront à huis clos et avec un minimum de personnes par délégation pour limiter les risques de propagation du virus.

Pourquoi Disney World ? ESPN. C’est la raison principale. L’ESPN Wide World of Sports est propriété de Disney depuis plus de 5 ans. Et cette chaîne de télé possède les droits de la NBA et de la MLS. Une coïncidence ? Pas sûr. Vecteur idéal donc. En plus de cela, signe de cette forte relation, Disney a inauguré, l’an dernier, la NBA Experience, une sorte de petit musée interactif de la ligue de basket américaine. Ce dernier se trouve en plein milieu du parc d’Orlando, un parc de plus de 100km2, soit, environ, la taille de San Francisco. Ensuite la deuxième raison est le savoir-faire,

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Disney a déjà accueilli des événements sportifs puisque la compagnie a signé un contrat de trente ans avec l’AAC, principale organisation de sport jeunesse aux USA. C’est donc pour cela qu’elle possède déjà des installations sportives en conséquence. Las Vegas organise tous les ans la ligue d’été de la NBA sur le complexe de l’université de Nevada. Le problème est que les deux salles sont en cœur de ville à Las Vegas. Alors que le complexe de Disney est une cité totalement autonome. Cela simplifierait la gestion des risques sanitaires liés au Covid-19 et un fonctionnement à huis clos.

Money, money et money Le parc était fermé depuis le 14 mars. Un manque d’activité synonyme de perte d’argent colossale pour Disney. Les différents parcs à thème du site floridien rouvriront leurs portes les 11 et 15 juillet prochain déjà. Mais Disney World ne tournera pas à plein régime tout de suite, avec diverses limitations en termes d’accueil du public qui auront un impact sensible sur ses rentrées d'argent. L’accord avec la NBA arrive donc à point nommé pour renflouer les caisses du géant américain, touché de plein fouet par la crise sanitaire et économique. Du côté de la NBA aussi, un arrêt définitif de la saison aurait eu un coût certain. Tant pour les joueurs que les franchises, et donc la ligue dans son ensemble. C’est bien un deal gagnant-gagnant, entre deux interlocuteurs qui se connaissent bien. Kevin Masegosa 9


French Accent

Accent Grave Ghibli versus Disney, la belle et la bête

Entre Disney et la France, les bonnes relations ne datent pas d’hier : elles remontent même aux origines de Walt Disney. Aujourd’hui encore, cette histoire d’amour se prolonge avec le parc d’attractions « Disneyland Paris », un projet qui n’a bien failli jamais ouvrir en France et plus précisément à Marnela-Vallée.

Il est périlleux de comparer l’empire de Walt Disney au royaume du studio Ghibli. Représentés d’un côté par l’entrepreneur et producteur qui n’a jamais écrit ses films, et de l’autre, par le duo Hayao Miyazaki et Isao Takahata, tous les deux scénaristes-réalisateurs reconnus.

Walt

Disney célèbre réalisateur américain, trouve ses réelles origines en France, plus précisément en Normandie dans le village d’Isigny-sur-Mer. Disney qui rayonne à présent sur la planète Terre, est une anglicisation du nom d’Isigny, qu’auraient porté Hugues et son fils Robert, tous deux soldats normands en 1066 au côté de Guillaume Le Conquérant. Guillaume devenu roi, ils vont rester en Angleterre et leur nom se transforme en Disney. Avec le temps les descendants de la famille quittent l’Angleterre, pour l’Irlande, le Canada puis les États-Unis. Les générations se succèdent jusqu’à la naissance de Walt Disney. Les origines du réalisateur lui ont conféré une profonde admiration pour l’Europe, mais principalement pour la France. Aujourd’hui encore, la nature du mot Disney vient interférer dans la vie du parc Disneyland Paris, puisque les visiteurs peuvent trouver à table dans les restaurants du beurre d’Isigny, un réel clin d’œil. Au XXe siècle, la France inspire de nombreux films pour les Studios Disney, le groupe implante sa première filiale sur les Champs-Élysées et des émissions de télévision sont consacrées à l’univers Disney. Le clou du spectacle fait son apparition en 1984, lorsqu’il est à nouveau question d’implanter une destination Disney en Europe. Naturellement le site de Marne-la-Valée à proximité de Paris est envisagé, mais ce dernier aurait bien pu ne jamais voir le jour.

Hayao

Miyazaki, le cofondateur de Ghibli, a déjà

David contre Goliath Le studio d’animation de Walt Disney est né en 1923, soixante ans avant la sortie du premier long-métrage d’animation de Ghibli. Ce studio a justement fêté ses 35 ans le 15 juin. Disney, bientôt centenaire, a eu l’opportunité entre-temps d’aiguiser ses armes. En 1984, le studio américain avait déjà éprouvé la recette du succès, et les grands films contemporains de cette décennie étaient déjà ceux qui allaient marquer notre enfance et les générations à venir. Ghibli a alors rencontré un large succès dans son pays, et a décidé de s’exporter.

Un contraste vertigineux

Depuis 1996, c’est The Walt Disney Company qui obtient l’exclusivité sur la distribution des animés de Ghibli à l’étranger. Ce rôle de distributeur permet à la fois à Ghibli de prendre de l’ampleur, tout en garantissant à Disney Théo Zuili Image tirée de « Princesse Mononoké », un film de studio Ghibli paru en 1997. © Studio Ghibli

exprimé son dédain face au surnom qu’on lui a donné outre-Atlantique : "le Walt Disney japonais". En effet, Ghibli et Walt Disney n’ont que peu de choses en commun. Excepté leur titre de studio d’animation préféré dans leur pays d’origine.

Le plus grand succès de l’histoire du cinéma japonais est un film de Ghibli : « Le voyage de Chihiro ». Avec ses 274 millions de dollars (243 millions en euros) de recette, cet incontestable succès reste bien loin derrière celui de « La reine des neiges ». Il s’agit du plus grand succès de Disney en termes de film d’animation, avec des recettes vertigineuses : au total 1 milliard 274 millions de dollars (soit 1 milliard 155 millions d’euros). Sur ce point aussi, il est ridicule de comparer l’empire Disney au royaume de Miyazaki.

Les deux géants ne jouent pas dans la même cour : les Disney typiques sont des réadaptations pensées comme du 10

Le site Disneyland Paris appelé auparavant Euro Disney a été fondé en 1992 à Marne-la-Vallée. © Disneyfile

« pur divertissement » avec des personnages parfois jugés vides, des scénarios attendus et une morale cartésienne. Les œuvres de Ghibli sont bien plus nuancées, destinées à un public plus âgé, peuplées de personnages gris à multifacettes, et scandant poétiquement des morales politiques, tant féministes qu’écologiques. Mais Ghibli, du haut de ses 45 productions, est loin d’être la machine à films qu’est Disney, avec ses 200 films produits. Entre les deux studios d’animation, celui qui a le plus marqué l’enfance de ses spectateurs est de loin Disney. Le titre « Sous l’océan », issu de « La petite sirène », témoigne de ce fait : en lisant ces mots, il est obligé que vous ayez eu son air en tête.

« Sous l'océan, sous l'océan ; Doudou, c'est bien mieux, tout l'monde est heureux sous l'océan ; Là-haut, ils bossent toute la journée ; Esclavagés et prisonniers ; Pendant qu'on plonge comme des éponges sous l'océan » Musique caractéristique du film signé Walt Disney Pictures : "La Petite Sirène" paru en 1989. © Walt Disney Pictures

L'amour brille sous les étoiles de Paris

Un projet aux multiples rebondissements Cette histoire nous renvoie en 1985, l’année ou tout a basculé pour le projet d’un parc Disney en Europe. Après une visite en Europe du neveu de Walt Disney, les candidatures de deux pays sont retenues pour héberger le site : la France avec Marne-la-Vallée ou l’Espagne avec Barcelone ou Alicante. Deux nations touristiques et cela deux ans après l’ouverture du premier parc Disney en Asie au Japon. Dans un contexte économique difficile en Europe, Disney à la main mise sur le dossier et se permet de faire monter les enchères. A ce petit jeu c’est l’Espagne

qui gagne, mais en France malgré les conflits politiques entre le gouvernement socialiste et la région Ile de France dirigée par la droite, un accord est trouvé pour présenter un projet concret. Une offre basée sur plusieurs critères comme le prolongement du RER, une sortie d’autoroute, des aéroports à proximité, 1 800 hectares de terrain et une réduction de la TVA à l’entrée du parc. C’est en décembre 1985 que le journaliste Fabrice Bertin annonce sur France Inter « la venue de Mickey et Donald pour bientôt à Paris ». Malgré les enjeux financiers, Disney et Paris semblaient être une évidence, et cette lutte contre l’Espagne semblait dès le départ, déséquilibrée.

La Chine, une quête difficile Si proche de Paris, le site de Marne-la-Vallée inauguré en 1992 n’a failli jamais exister. La Chine, qui depuis 2016 compte deux parcs d’attractions Disney avec Shanghai et Hong-Kong, a pendant longtemps refusée l’implantation de la marque Disney au cœur de son pays. La faute dans un premier temps, à la révolution culturelle de Mao Tsé-toung dans les années 60, puis au piratage en 1990 et enfin aux films de l’entreprise Disney consacrés à la gloire du dalaï-lama. Une fois les tensions apaisées, c’est en 2005 que Disneyland Hong-Kong ouvre ses portes à sa population. Petit couac, l’effet escompté ne prend pas forme à cause d’une culture américaine trop implantée sur le sol chinois. En 2008, Disney revoit ses plans et se converti davantage à la culture asiatique, les espérances et les recettes remontent, la stratégie paye enfin. Les leçons du passé sont retenues et Disneyland Shanghai fait son apparition en 2016. Un pari gagnant pour ce parc de 15 kilomètres carrés et qui est désormais l’un des plus beaux joyaux du monde de Disney. À titre d’exemple chaque année le parc chinois accueille 12 millions de visiteurs soit 2 millions de plus qu’en France. Néanmoins l’expansion du site parisien pour 2025 devrait leur permettre de dépasser largement leurs confrères chinois. Guillaume Besson

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Walt Disney voulait déjà être roi "Je ne fais pas des films pour les enfants, je m'adresse à l'innocence enfantine", disait Walt Disney. Cette innocence enfantine, l’icône moustachu du divertissement l’a cultivée et la cultive, aujourd’hui encore, des décennies après sa mort. L’innocence racontée à travers ses films ne dessine pas la véritable image de l’homme d’affaire, maniaque du contrôle.

"Experimental

Prototype Community of Tomorrow » autrement dit, E.P.C.O.T, le dernier projet imaginé par Walt Disney peu avant sa mort, en 1966. Un film de 25 minutes, met en scène l’homme moustachu, costard cravate, pour la dernière fois. Il présente ce projet d’urbanisme avec autant d’assurance qu’un business man. « Construire un nouveau type de communauté. E.P.C.O.T, c’est ça. Un prototype de communauté expérimentale », déclare face à la caméra, l’urbaniste en herbe. A travers un parc imaginé et idéalisé, le producteur a souhaité laisser, derrière lui, une ville utopique sur fonds de commerce. Centre commerciaux, ville climatisée, une ville finalement pour les employés où les employés sont, euxmêmes, l’attraction. La petite dictature imaginée par Walt ne se refuse rien. Plusieurs bémols à ce projet. Les 20 000 habitants ne devaient ni être au chômage ni retraité, sinon ils se devaient de quitter la ville. Plus, aucun d’eux ne pourraient acheter un bien puisque chaque maison devrait appartenir à la seule Disney World Company. Par conséquent aucun habitant ne serait en mesure de voter, puisque ce droit reviendrait uniquement au propriétaire. Finalement en 1975, E.P.C.O.T ouvre comme « simple » parc d’attractions.

Jeune père d’Alice et de Mickey Mouse Avant d’imaginer cette ville terrifiante à son image, le Kid rêve de dessiner. Mais comme tout américain modeste de l’époque, il commence par travailler pour la création

d’animations publicitaires. Sans satisfaction, ni succès. L’homme aux grandes ambitions se voit victime d’un premier échec avec la faillite de son premier studio Laugh-O-Gram, qui venait de produire un court-métrage d’animation en prise de vue réelle : Alice’s Wonderland. C’est par son fidèle frère Roy, installé à Hollywood, que Walt est sauvé de la faillite. Ils fondent ensemble les Disney Brothers Studios – ancêtre de Walt Disney Company – en 1923. La même année, il produit Alice’s Wonderland sous forme de série. C’est après un rendez-vous houleux avec le distributeur de sa seconde série "Oswald, le lapin chanceux", que Walt imagine et fait naître Mickey Mouse, le début d’une troisième série.

Le très contesté Walt Vu comme le personnage emblématique de Disney Company, la souris devient le représentant de l’Amérique impérialiste et est détourné, au même titre, que Ronald Mac Donald, des décennies plus tard. La puissance de Walt est diffusée à travers l’Amérique et bien au-delà. En 1937, son frère Roy part négocier, outre-Atlantique, avec le ministre de la propagande Joseph Goebbels la distribution de Blanche Neige et les 7 nains, en Allemagne. Des dessins animés, les années qui suivent, ne cessent d’hanter les télévisions américaines montrant des personnages comme Donald répétant à tu tête « Heil Hitler » Walt Disney c’est aussi l’homme qui connaissait les tenants et aboutissants de l’économie de son époque et qui a su se forger un nom, dans le monde jamais propre des affaires. Un univers Disney qui, finalement, se projette vers l’infini et l’au-delà.

Lucile Brière


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