Parabole

Page 1



Edition imprimée en 2020 à 50 exemplaire Réalisée dans le cadre de l’ARC Errances EESAB – site de Rennes L’atelier Errances / le blog : http://www.errances.fr/ Errances éditions : http://www.errances-editions.fr

Merci Anna, Thierry, Vincent, Simon, Chillderic pour votre temps et votre soutien. Merci Chloé. Les années sont de plus en plus surprenantes.


Je vous invite dans une paroisse de granite et de vitraux, éclairée par la blafarde de néons clignotants car rarement le jour ne passe ses verrières. Chapelle scintillante de son revêtement de verre pilé. On y entre par la porte principale, sans compter sur les raccourcis. Si vous le prenez, il vous faudra peut être un temps pour vous acclimater à la pénombre qui règne ici. L’atmosphère, opaque, épaisse, peut paraître impénétrable mais en réalité, elle se laisse percer par le regard de celui qui entend le calme derrière l’écaille lézardée des fresques sanglantes. Au delà des sens, la sérénité prend racine. Il faut alors couler dans ses veines, dans cette sève épaisse et lente à la recherche du cœur chaud, strate après strate, derrière les sédimentations. L’architecture que vous pénétrez est l’organisme qui pousse de cet enchevêtrement de racines. Un exutoire pour l’âme.



Je vais tout retourner. Je veux écrire férocement, chaque mot avec l’impact d’une balle. L’arme des mots, les mots pour conjurer la mort. Comme pour enrayer la machine. Une machine qui grandit, qui nous porte, et dont les agressions quotidiennes me plombent à m’en saigner au cutter. Cette putain de machine composée de milliards d’individus. On a rien à voir les uns avec les autres. Individuum. Indivisible. Incompréhension totale dans le vacarme des avions de chasse, des rames de métro, des cris manifestant sous les matraques policières, des hurlements porcins et bovins dans les abattoirs, des respirateurs dans les hôpitaux, des allocutions politiques ouvertement insultantes de démagogie, des publicités


aveuglantes et des complaintes superficielles d’une masse d’individus individualistes. J’en gerbe de voir ce bordel constant. J’en gerbe au point que la vue de chacun de mes semblables m’évoque le dégoût de la trahison, l’horreur du mensonge, la rage de l’égoïsme. Avec une histoire comme celle de notre espèce, le tranchant constat est que la chronique chaotique de l’Homme reflète la fierté, l’arrogance, l’égoïsme de chaque individu. L’esprit de vengeance amène au cycle de la haine. Je me venge avec la force de mes armes, des mots tombés du ciel comme des bombardements aériens.



Tout faire péter. Tout faire péter. Tout faire péter. Faut tout faire péter. IL faut tout reconstruire. Jusqu’au génome humain sûrement. Il faut tout rebâtir. On ne peut revenir à la normalité d’avant. Car la normalité d’avant c’est la source du mal. N’ayez crainte de l’explosion et de ses sursaut. Une seconde cauchemardesque est préférable à une vie de fracas tolérables.

N’ayez crainte, je tremble moi aussi.


C’est pas un monde pour les gosses. On est loin du tiers-monde, tellement loin, mais j’te le dis mon petit pote si t’as encore tes dents de lait tu vas vite te retrouver à manger à la paille. On pourrait croire qu’on véhicule de bonnes valeurs, qu’on essaie de fabriquer un futur meilleur. On est une race d’enfant qui engendre des enfants. Sans sagesse, sans conscience. Avant de procréer, apprenons. Apprenez. Apprenez à comprendre tous les tenants et aboutissants de ce que la vie inculquera à vos gosses. Alors vous essaierez de voir le positif, de vous poser en tant que personnes capables, humains dignes, déjà rangés parmi ceux qui ont un héritage à léguer. Bercez vous. Je ne pretends pas être meilleur loin de là. Mais j’ai l’honnêteté de m’avouer que nous sommes dépassés. Dépassés par nous-même, incapables de saisir une globalité. Et même si malgré tout ca vous vous imaginez être de bons vecteurs d’existences, rappelez-vous que vous ne serez pas un phare au milieu d’une sombre tempête, vous engendrerez des Hommes tout aussi libres de leurs décisions que vous. Magnifique est l’acte de donner la vie. Il est aliéné par l’indécence et l’égoïsme général.




Tout doit brûler pour renaître. Je brûlerai tout.





Le crâne c’est la voûte physique qui bloque et castre la liberté de vivre dans son esprit. Y’a ceux qui pensent, et ceux qui ne pensent pas. Là dessus on est d’accord. Mais ceux qui ne pensent pas, on en a pas grand chose à foutre, et eux non-plus de toute façon, ils ne pensent pas. Restent les autres. Ceux qui pensent et qui ont tout un putain de royaume d’univers florissant sous la caboche. Eux, sont les plus à plaindre. C’est beau, c’est mignon, y’a tout plein de belles choses et profusion de passés, d’avenirs, de possible, de projection, de volonté, et de et si? et si? Sauf que les royaumes, ça se fait la guerre. Y’a celui qu’on a été, celui qu’on veut être, celui qu’on est. La déjà, j’annonce, c’est la merde. Puis y’a le juge, et lui c’est, l’exponentiel de tes univers. Y’a celui que t’es et que t’aime pour ce qu’il montre au gens, mais que tu hais dans sa nature profonde. Celui que tu veux être que tu aime dans sa nature profonde mais que celui que t’es à peur d’avoir les épaules, parce que là, celui que t’es, là tout de suite, il veut la facilité de celui que t’étais, mais c’est plus possible t’as plus 16 ans, mais tu fais comme si, parce que quand même, ça fait du bien, mais t’as le juge qui te rappelle que tu vas mourrir et qu’il faut se bouger le cul parce que celui que t’es maintenant, il suffit tellement pas. Paraît que faut se concentrer sur le présent et tout ce se passe bien. C’est comme ça qu’on brise les menottes qu’on a tous dans nos putains de petites caboches bordéliques. Freud montre mais ne resout pas. Qu’il aille, lui aussi se faire rosser.


Imagine une espèce parasite. Des individus qui naissent dans le but de vivre sur la vie d’autres individus. Ajoute à ça qu’ils naissent aveugles, et qu’en réflexe de survie, premier éveil, première lutte de la vie sur la mort, ils s’attachent avidement à leurs frères nouveaux-nés. Eux mêmes s’attachent à leur maternelle et pompent les dernières forces qui l’animent. Une chaîne de petits parasites avides et dévorants.




Tu peux osciller entre l’instinct animal et la raison humanisante. Mais tente un tête-à-tête avec un ours que t’as mis en rogne, tu me diras comment ça se goupille pour tes vertèbres. Peut-être que même là tu ne capteras pas la faiblesse de ton espèce



2020, la connexion fibre me balance du 2Go/s. L’Homme, être communiquant, a réussi la prouesse de mettre les conneries de 80% de la population dans sa poche. Au plus près de son appareil reproducteur, dans des appareils cancérigènes. Satellites, antennes, paraboles, câbles par centaines de milliers de kilomètres. On peine à imaginer l’énergie déployée pour permettre l’échange d’informations, de connaissances. Entreprise faisant passer les travaux d’Hercule pour de l’étirement. Une intervention divine. La télépathie à l’échelle globale. L’outil déifiant de l’Homme, l’internet. La communication est dans les ondes invisibles qui nous transpercent; et nous transperce notre insensibilité devenue de plus en plus profonde. Édifiant de foutre cet outil dans les mains d’un gamin incapable de s’exprimer. Je parle de notre humanité infantile, inefficace dans la compréhension mutuelle. Nous sommes sourds des peines individuelles, étouffées dans le brouhaha global d’un milliard de piaillements. Solitude au milieu d’une foule. On a mis la connexion dans les mains de chacun et on passe notre temps à matter des animaux à travers nos écrans en nous prenant pour une race supérieure. À regarder les messages que vous n’avez pas reçu. À regarder, les derniers films les plus flingués de Netflix. À regarder l’estime de nous mêmes décroître. À regarder le nivellement du monde par le bas. À regarder. Et bien regardez moi, en haut de cette tour blindée de putains de transmetteurs métalliques, centre des communications. Regardez mon corps tomber de ses 30 mètres. Vous comprendrez peut-être qu’on a rien compris. Ça c’est faire passer un message. Tenez-vous à 1m du cadavre et de vos followers, bon tweet.


Est-ce une parabole?


On cherche. La communication.




Sur son grand désert glacé, le morse, mammifère massif, observe l’immaculé qui l’entoure. Il n’a pas de prédateurs ici. Ses congénères sont partis, il est seul, attentif à son environnement. Le va-et-vient des thons, le mouvement des bancs de krills, la reproduction des manchots… Le morse s’attache à cette nature aride, immobile et pensif, l’animal puise dans cette solitude pesante la force du discernement. Eloigné des siens, les distractions futiles s’évaporent laissant l’âme à froid. Aussi calme que la banquise gelée. Il ignore la raison de cette retraite. Peut-être veutil comprendre, tout comprendre, se comprendre, percer les secrets des cycles des


reflux. Quitter l’instinct animal, primaire pour s’élever. Pas pour la supériorité, plutôt pour revenir à l’équilibre. Il s’abandonne complètement, devient la glace, la neige, l’eau, le vent, l’air, la roche. Bientôt, rien ne peut plus le percevoir, même lui, ne se perçoit plus. Il est mort. C’est dans la mort que lui apparaissent les réponses qu’il cherchait. L’œil est neuf, le regard est nouveau. Il ne voit plus que ce qui lui est visible et pourtant tout est plus clair. La brume s’est dissipée. Une paire d’ailes s’est matérialisée sur sa colonne. L’Odobenus rosmarus se laisse glisser dans l’eau glacée et disparaît dans l’abîme, sans un seul remous. Part-il rejoindre les siens? Il a encore tant à apprendre.



J’voudrais voir brûler toutes vos utopies. Réduits à néant, tous vos beaux idéaux retrouveraient leur vrai nature. Vides de sens, inutiles, infondés. L’humanité entière s’attache à se donner bonne conscience, à tendre la main à son prochain pour se tendre la main à elle-même. Ils ont créé l’objet qui produit l’enfer sur Terre, ils peuvent montrer notre vraie nature, vile et destructrice, faire brûler la chair, fondre les structures les plus monumentales que l’Homme a produit, rappeler à quel point nous sommes éphémères fragiles. Ôter de vos esprit votre médiocre supériorité. Je banderai de voir la dévastation de tout ce que vous connaissez, vous ramener à l’esprit que nous ne somme que de la vermine, uniquement capables des crasses les plus abjectes. Balancez des bombes, j’attends que ça. J’attends que de voir ce monde de merde dans lequel on m’a foutu dévasté par ceux-mêmes qui l’ont bâti.


On est pas là pour prendre des coups soit-disant, mais on y passe tous. On va tous raquer un jour ou l’autre pendant cette courte existence. Mais c’est pas rare de voir des gens s’en prendre plus que d’autres. On se croit tous uniques dans nos peines, nos tristesses. Comme si personne n’avait jamais vécu la même chose. Tout ce que vous vivez a déjà été vécu. Alors pour les coups, c’est pas à la force de la mandale, c’est à l’épaisseur du casque. Là, tu mesures les dégâts. Plus tu prends des coups, plus il durcit. Jusqu’à peser lourd. Jusqu’à ce qu’il compresse ton crâne, jusqu’à ce qu’il ne pense plus avec logique.




On t’apprend à réduire ton espace pour ne pas empiéter sur l’espace des autres. Pas de partage d’espace. Maintenant, mon espace est réduit au maximum, bien fermé, bien verrouillé. L’enfant curieux et sociable, sera dégoûté par sa curiosité. J’ai trop goûté la sournoiserie humaine, l’odeur de périmé. Tout se gâte avec le temps. Nous en premier.

La trinité se trouve sur les trois roues d’un tricycle.





La ceinture, c’est important. La sécurité c’est important. L’ennui est un puissant moteur, probablement le seul qui meut tous les individus de notre espèce « dominante ». L’instinct de survie va te porter vers la stabilité et l’équilibre. « Il faut trouver l’équilibre », l’extrémisme est néfaste. Et l’équilibre à l’extrême nous plonge dans un ennui profond. L’ennui est l’ennemi de l’homme. L’ennui c’est la mort. Il le poussera à renverser tout ce qu’il a établi. Par curiosité du nouveau, par terreur de l’ennui. Nous vivons pour remplir le vide, puis la crainte du plein, nous pousse à la destruction. C’est dans cette éternelle insatisfaction que nous évoluons, dans cette boucle dérisoire. Alors demain, sans regret, j’irai au Tibet me coiffer comme les gars en chimio, ou j’prendrai la caisse à 180 sans attacher ma ceinture.



Tout est orthonormé, architecturé, mesuré, calculé. Trottoirs piétons, pistes cyclables, voies ferrées. On a tracé tous vos chemins, on les a préparés pour vous. Vous les empruntez joyeusement. « C’est déjà pas facile, ça serait pire si je m’éloignais du sentier ». Putain de pensée de la médiocrité, résignation funambule. Nous sommes le créateur de nos propres rêves. Et on piétine à chaque instant l’inconsistance de nos élucubration. L’âge adulte vous a ternis comme ont ternis vos rêves. Même le tuperware le plus hermétique ne conserve rien à l’éternel. Alors je m’empresse de vivre, pour que ne se délaissent les sens primaires. Je cherche la mesure, mais abat les tiges métalliques tricolores comme ils abattent les arbres, nos poumons et nos songes. Au prochain feu rouge. Arrêtez votre caisse. Coupez le contact. Soyez sûrs que cette route est la vôtre. Que cette route est la bonne. Je me suis arrêté, je suis sorti de la voiture, j’y ai mis le feu, je suis parti en sens inverse. Derrière moi, conflagration d’une vie sans saveur.


Monde en chantier. Monde de puta. Monde avide, de chiens prêts à mordre pour la liasse. Monde bruyant en chantier où chacun enfile son uniforme pour creuser son pécule. Chaque bifton en cache un autre. Alors creuse, creusons. Creusons chacun dans notre coin en oubliant le boucan général. Forons le sol de la Terre, minons chaque ressource monétisante, labourons pour transfigurer l’humus en petites coupures. On creuse une fosse commune en croyant déterrer nos rêves.








Nique toute forme d’autorité. Je pisse sur ces lois faites pour ceux qui les écrivent. Justice factice, le bandeau qui couvre ses yeux n’a jamais été si opaque. Alors tant que les institutions ne se tourneront pas vers l’ensemble des hommes, leur illégitimité restera assise sur le trône de leur crédibilité. Je ne m’assiérai plus sur mes principes sous prétexte qu’ils ne collent pas à ceux que vous véhiculez. J’ai serré les dents à m’en briser la mâchoire. Je ne prône pas la violence, ce serait traiter l’abject par l’abject. Mais les nerfs sont trop à vif pour que je soit celui qui brise le cercle de la haine. Alors brûlez les voitures bleues, brûler l’image c’est brûler un bout de l’essence.


Une vie entière à identifier chaque pièce, chaque engrenage. Où sont les rouages essentiels, où est le surplus. L’exterieur peut sembler irreprochable. La machine peut ronronner sans rien laisser paraître de ses grésillements internes. Seule une attention profonde peut vous laisser entendre les défauts du mécanisme. Il n’y a pas de garagiste. Pas plus qu’il n’y a de mécanicien ou de contrôle technique. Même les yeux grand ouverts ne peuvent percevoir l’invisible. Personne n’en à rien a foutre. Personne. A l’ère de l’obsolescence programmée, la mécanique commune est au remplacement. L’entretien n’est que factice, superficiel. La facilité. L’aisance de la paresse, celle qui anesthésie le corps et l’âme, et qui rend sourd de sa propre détresse, de sa propre incohérence. Ici se tient l’inconsistance d’un moteur en sur-régime, dont les gaines s’usent doucement, et les rouages rouillent à petit feu. Une vie entière. J’arrache les câbles, les mains dans la graisse glissent et tachent. Je démonte et remonte chaque partie du moteur. Il faut trouver la source du sifflement qui résonne faux, l’origine de mes grincements. Les pièces de métal froid se réchauffent avec le mouvement, l’animal minéral s’est mis à penser. Une putain de vie entière à rectifier la liesse de ma rage. C’est dans le but que je trouve le berceau, c’est dans la finalité qu’il y a recherche.




L’Humain, cette espèce « ultra-sociale ». Phénomène unique dans le monde du vivant. Les hommes sont capables de s’entre-aider, sans se connaître, comme un accord commun subjacent. L’empathie est notre force sociétale, capable d’assimiler la peine comme la joie d’autrui et de la faire nôtre. C’est ainsi que des cycles d’entre-aide s’amorcent. Mais vous emballez pas, ça fait pas de nous des saints, tout ça existe dans le monde animal. Notre empathie soit-disant, « humaine », commune à aucune autre espèce. Rien du tout. La symbiodivesité, c’est la base de la survie. La 2ème loi de la jungle. Celle qui pousse les individus d’une même zone géographique à établir des liens entre eux, des échanges de dons en quelque sorte. Et plus le milieu est hostile, plus l’entre-aide est forte. Mais l’hostilité c’est pas notre truc, hein? Avez-vous eu peur pour votre vie la dernière fois que l’étagère de PQ était vide au super-marché? Vous êtes vous déjà sentis menacés? Une peur qui prend les tripes et tord les boyaux, celle qui fait surgir les instincts les plus primaires. Notre milieu de vie est aseptisé, karsherisé de tout danger. Ne reste de place que pour le confort. Le confort personnel. Car dans l’insouciance de la vie se perd la conscience de la mort et se crée le sentiment divin. On peut mesurer l’importance d’une catastrophe à la force de l’altruisme et de l’auto-gestion des hommes. C’est au centre des flammes que le calme et la raison atteignent leur paroxysme. « Après le tremblement de terre, l’Eternel fit pleuvoir du ciel sur Sodome et sur Gomorrhe, du souffre et du feu. Et après le feu, un murmure doux et léger ». Nous voyons le feu s’abattre, nous voyons de nos yeux les conséquences directes de nos modes de vie. Et je vois la même inconséquence dans le quotidien de mes semblables. Des gens se gueuler dessus dans les super-marchés, se presser, se stresser. La bile mauvaise, amère me monte quand je vois des flics, porteurs symboliques de cette entre-aide, profiter de ces contextes pour punir par la violence. À ces comportements je mesure l’infantilisme général, l’absence de murmure, le manque de douceur comme de légèreté. Je vous souhaite de connaître le feu. Je souhaite que l’Eternel, ou n’importe quelle autre connerie qu’on a inventé, vous frappe de plein fouet et que la souffrance vous balaie. Que vos proches rendent leur dernier souffle dans vos bras. Je me souhaite de connaître pareilles douleurs, afin que la modestie regagne le cœur de tout homme et que règne l’altruisme et la décence, là ou la sensibilité n’est devenue qu’un putain de péché.





Le pronostic vital est engagé. Asphyxie quasi-complète. Il me reste juste de quoi respirer pour ne pas succomber. La noyade est longue et, comme lesté au fond de l’étang, l’homme se met dans tous ses états. Il se tue pour ne pas mourrir. Dans le réflexe de vie, ouvre sa bouche grand pour inonder jusqu’au fond de ses alvéoles pulmonaires. On est comme des patients cancéreux, aux poumons suppurants et nécrosés, qui entre deux toux, fûme un paquet entier de cigarettes au pétrole. On repousse inexorablement une fin inéluctable. Toute une population hospitalisée. Ironie d’une civilisation suffocante. Incapable de faire face à ses propres réactions médiocres. On manque de respirateurs, accusez qui vous voulez, trouvez un bouc émissaire à pauvre conscience. Ce manque est le symptôme des additions de nos choix.



L’Homme est, au regard de l’autre, ce qu’il est à ses propres yeux. Observez-vous, car l’enfer ce n’est pas les autres, mais c’est celui qui vous regarde à travers vos propres yeux. Celui dont l’œil ne ferme pas, connexion 24h/24, 7j/7 pour le reste de notre vie. C’est en l’absence de regard extérieur que le notre peut s’ouvrir le plus. Il ouvrira sa gueule. Et il va brailler, et il va brailler tout ce que vous détestez entendre. Il tape là où c’est sensible. Il sait toutes vos failles. Ce soir entre deux gorgées de liqueur, fatigué de l’entendre murmurer à mon oreille, j’suis allé voir le juge de l’autre côté de la camera et j’ai tranché ses cordes vocales au rasoir. Ensanglanté, dans le coffre de ma voiture, au fond du lit de la Vilaine, ses gémissements sonnent comme une douce mélodie dans le silence de mon salon.





Des couleuvres. On t’en fait avaler, comme si on trouvait qu’elles avaient bon goût. Tu trouves qu’elles ont bon goût toi? Les affronts, les conneries. Quand on pisse sur tes principes avec la flegme et la non-chalence du mécréant fort de son ignorance. Tes valeurs n’ont d’importance qu’à tes yeux car ce sont tes yeux qui leur donnent leur seul crédit. Tu auras beau te battre, tu te battras seul sur un champs de bataille sans parti. Autant de bannières que de soldats. Sur un sol sédimenté de cadavres que les siècles et les siècles ont entassés sur leurs putains de croyances. Je combats. Chaque jour avec la force de mes convictions vacillantes. Avec la faiblesse de savoir que je ne détient pas la vérité. Avec la puissance de la fierté de toutes mes certitudes. Et il en va de même pour tout un chacun. Je combat comme vous, même quand le calme semble à son paroxysme, même quand l’ataraxie semble à son apogée. Nous nous combattons. Certes avec, une inconstance dans la violence de l’acharnement, mais sans trêves. Aujourd’hui, pourtant, au milieu de l’agitation des passions, je goûte un nectar nouveau. Les muscles las, se détendent, les plaies vives se résorbent, les douleurs lancinantes du combat s’atténuent. Progressivement, avec la lenteur dont seul le temps a le secret, cette épée de Damocles, sans disparaître, se range à mes côtés. Les temps ont changé. Je parviens à trouver le repos en ses bras, les yeux mis-clos, entrevoyant son visage qui a su chassé les démons, les soldats et le charnier. J’entends encore l’affrontement au loin. Comme les rumeurs absurdes et emmêlées. Puissions-nous ne nous être affrontés qu’autrefois.


Je suis parti en guerre. Je suis parti en guerre pour faire comme les Hommes. Je suis parti en guerre avec l’automatisme des foules. Je suis parti en guerre, esclave de mes propres pulsions. Avec l’acharnement de celui qui est persuadé. Non-seulement de sa légitimité, mais de sa raison aussi. Il n’y a pas de petit conflit, chacun d’eux s’ajoute à la somme du chaos. Je suis parti par pulsion et c’est cette pulsion qui me discrédite à mes propres yeux. Suis-je le pantin de ma rage pour ce monde abjecte? Suis-je réduit à combattre avec la seule force de la colère? Chaque fois qu’elle s’exprime, je ressens cette même putain de haine à mon égard, irrépressible comme un sanglot. Quand la pulsion laisse place à l’autre.


Je suis parti en guerre du mauvais pied. J’ai voulu brûler le feu qui me consume. Je suis en fait parti en guerre contre moi-même. Et j’ai brûlé et je brûle encore, et je me demande maintenant, s’il y a de guerre contre l’autre. Le recul que j’ai pris ne m’a, sans doute, pas fait avancer d’un pas. Je suis, l’émetteur et le destinataire de mes paroles tranchantes, de cette sale bile. Je crache à la face de l’Homme. Je crache à ma propre face avec un sourire d’homme. Le sourire de l’aveugle assuré qui dit : « regarde, un char d’assaut ». Seul triomphe est celui sur soi.


Comme un envol de nuit dans le silence chargé d’orage. Se tait un temps la rumeur des tumultes, l’oiseau expire, comme le souffle d’un été gonflé de pluie et longuement déversée. Il y a de l’humidité dans l’air, rafraîchi par les précipitations. Le volatile sait que ce calme qui résonne une fois finie la clameur, est celui qui doit gagner son âme avant que l’humidité ne se saisisse de ses yeux. Atteindre la vue avant la cécité. La clairvoyance. J’écrivais convaincu. Crachant mécaniquement l’amertume accumulée, entassée, des bassesses dont je témoigne. J’ai transité le mal dans les maux et les maux dans les lettres. Pour que l’affliction ne soit substantielle et que les mots deviennent essence de repentir. J’accepte que l’apprentissage soit un délaissement. Comme la montgolfière doit lâcher du lest pour s’élever, l’oiseau digère son contenu avant l’envol. Les mots comme expiation, comme digestion lente mais brutale. Quitte à voler, que ce ne soit pas dans la tonitruance d’un Rafale mais plutôt dans la quiétude du battement d’aile d’une grue. Le mal par le mal se consume quand revient l’ataraxie.




Même les plus belles fleurs plongent leurs racines dans la pÊnombre pour grandir dans la lumière.



Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.