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Pierre Laffitte, le visionnaire n

PIERRE LAFFITTE,

CE VISIONNAIRE QUI A CHANGÉ LE VISAGE DE LA CÔTE D'AZUR

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© DR n HOMMAGE. UN GRAND VISIONNAIRE : C'EST LE TRAIT MIS EN AVANT DANS TOUS LES HOMMAGES RENDUS À PIERRE LAFFITTE, FONDATEUR DE SOPHIA ANTIPOLIS ET ANCIEN SÉNATEUR DES ALPES-MARITIMES, DÉCÉDÉ LE 7 JUILLET DERNIER À 96 ANS.

Un visionnaire doublé d'un homme d'action. En une cinquantaine d'années, l'enfant de Saint-Paul de Vence aura réussi à convaincre et mobiliser les énergies pour transformer en réalité sa vision d'un "Quartier Latin aux champs" et donner naissance à la première technopole d'Europe. Un challenge qui n'a pas toujours été facile, mais auquel il aura consacré l'essentiel de sa vie.

L'idée pas si folle d'un "Quartier Latin aux champs"

Cette idée de sortir de Paris le "Quartier Latin", il l'expose dès 1960 dans une tribune au journal Le Monde. À une époque où l'on stigmatisait "Paris et le désert français", Pierre Laffitte dénonce un « saupoudrage de la fragile matière grise ». Il souligne que celle-ci a « besoin d'un environnement culturel favorable, d'un microclimat qui suppose contacts intellectuels et échanges pour conserver sa créativité ». Sa solution ? Créer une cité à la campagne qui serait vouée à la création et à l'intelligence. Une "Florence du XXIe siècle" qui ouvrirait sur une nouvelle renaissance. Et il propose un plateau de 2 400 hectares de garrigues sur la Côte d'Azur pour installer ce qui assurerait le terreau d'une "fertilisation croisée" entre les différentes disciplines, arts et sciences, entre savoir et savoir-faire.

Une utopie devenue réalité

Idée folle? A paris, on ne manque pas d'ironiser, d'ailleurs... Pierre Laffitte le rappellera plusieurs fois : ce concept de Quartier Latin au soleil, loin des cénacles parisiens, est comparé aux programmes que ressasse Ferdinand Lops, l'improbable candidat à la présidence de la République après-guerre qui prônait le prolongement du boulevard Saint-Michel jusqu'à la mer ! Directeur de la Recherche de l'Ecole des Mines de Paris à partir de 1963, Pierre Laffitte est cependant tenace. Dans la vague de 1968, avec l'aide des élus locaux et la promesse d'une création de 20 000 emplois, l'Etat lui donne finalement le feu vert. Ainsi va naître la technopole, qui compte aujourd'hui plus de 80 nationalités représentées au sein de 2 5000 entreprises (start-up, PME, grands groupes) et centres de recherche, regroupant 4 500 chercheurs, plus 5 500 étudiants dans les établissements de formation.

Une grande aventure qu'il a pilotée à partir de 1969 la matière grise, à l'image de ce qu'a fait Fos sur Mer à l'ouest autour de l'industrie lourde. Second objectif : réussir à combiner économie et écologie pour éviter toute pollution industrielle pouvant nuire au tourisme (le cahier des charges sera drastique pour l’aménagement). En 1969, pour aborder ce vaste chantier, Pierre Laffitte crée deux outils : l’association Sophia Antipolis et le groupement d’intérêt économique Savalor. Ces deux structures seront chargées de rassembler sur un même lieu des grandes écoles, des laboratoires privés, des centres de recherche publics, de grandes entreprises technologiques, des organismes de propriété industrielle. C'est ce qui a permis de bâtir au fil des ans un remarquable écosystème. Il favorise aujourd'hui l'innovation, la créativité, l'esprit d'entreprise et surtout, il a permis de créer près de 40 000 emplois. Le double des 20 000 prévus au départ !

La CCI Nice Côte d'Azur croit en Sophia, dès le début

Consciente d'assurer le renouveau industriel du département, la CCI Nice Côte d'Azur a été présente dès le début de cette grande aventure. Membre fondateur de la fondation dès 1969, l'une de ses actions décisives a été, en 1972, la décision d'implanter dans la technopole le CERAM, sa grande école de commerce (SKEMA aujourd'hui). Gérant le développement et l'aménagement de la technopole pour le Symival, (de 1974 à 1988), la CCI s'est également largement impliquée dans l'installation des grandes entreprises et laboratoires qui ont assuré le "décollage" de Sophia Antipolis comme Rohm & Haas en 1975, Dow Chemical (1977), Air France, l'Inria…, ou plus récemment dans l'implantation du Village by CA. Quant à Pierre Laffitte, inlassable, inclassable, il aura été de toutes les étapes et de tous les combats avec la Fondation Sophia Antipolis dont il assurait la présidence, avec les associations qu'il soutenait (Sophia Business Angels, Sophia Start-up, les Amis de la Fondation…), avec le maillage international en fondant l'IASP (Association Internationale de Parcs Scientifiques), avec les grands colloques qui rassemblaient les plus hautes autorités scientifiques.

Véritable père de la technopole, il sera resté en vigie jusqu'au bout

Son dernier combat, il le menait contre le réchauffement climatique, en appelant à la création d'un club des villes côtières et en imaginant de mettre les innovations "made in Sophia Antipolis" au service de la défense du climat. Sa disparition laisse ainsi un grand vide dans cette technopole qu'il a créée et qui a changé le visage de la Côte d'Azur. n