Le livre des étoiles part 12

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table. lls croisèrent au large d'Azha une flotille confédérée

-

un des-

troyer de classe Panther et une demi-dguzaine de torpilleurs Wolf, qu'accompagnait un vaisseau corsaire/ le Farga hatyséen, qui était bien connu dans ces parages. Mais led Orionides poursuivirent heureusement leur routeÈân§ s'occüper d'eux. Yerma Volkurt avait décidé de faire quelques coups en Eridanie Ranéê afin d'êgarerlles recherches, au cas où la polile spatiale de la Confédération et de l'Empire

- tous coopêraient

coritre les pirates, malgré la guerre

- s'intéres-

sait encore à lui.

Sherk êtait de garde avec le Hassa devant un des écrans de proue quand I'occasion se présenta. Soudain le centaure noir poussa un cri, ses yeux obliques grands ouverts et le troisième flamboyant au milieu de son front. Sherk vit également la fugitive étincelle qui se dérobait comme si, déjà, elle pouvait comprendre... Le radar tachyonique avait repéré un navire qui se dirigeait visiblement vers Sceptrum. n On le suit ,, décida Yerma Volkurt. lls l'approchèrent, tout en veillant à conserver l'attitude paisible d'un vaisseau honnête. L'autre ne manifestait encore aucune inquiétude. u C'est décidé garçons, grogna le capitaine, on I'aborde dès qu'il

sort de l'hyper-espace pour calculer son prochain saut' "

Cela ne tarda guère. C'était un transport pansu, original de Markab à en croire l'emblème de la Balance et du Poignard. Un bon gros marchand... Mais deux tourelles de tir flanquaient sa coque rebondie de galion

impérial. u Cela vaut presque une cftravelle de la Grande Hanse ! » t1u11urâ

un vétéran. " Plus qu'une hol\ue, en tout cas... » Le Loup des Etoiles émergea en catastrophe dans le hurlement des générateurs malmenés. L'instinct de la chasse faisait briller les yeux des pirates et leurs corps se ramassaient en frémissant, comme ceux de fauves qui s'apprêtent à bondir. * Dans l'espace voguait un fier vaisseau ,, fredonnait Yerma Volkurt, qui avait un répertoire inépuisable de vieilles chansons frontalières. u

On le prend partribord ,, rugit-ilsoudain. L'explosion d'un missi-

le illumina les boucliers énergétiques du pirate. Une longue flamme blanche répondit, malmenant les écrans défensifs du Markabite qui cédèrent dans une envolée de voiles incandescents. La tourelle droite

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y,


du galion vola en éclats et les canons cessèrent instantanément leurs

tirs de rupture. La nef corsaire fonça en avant et se colla au Markabite, suivant à la

vitesse de l'éclair chacune de ses manæuvres désespérêes. Les rayons tracteurs - fibres lumineuses et impalpables dont le chasseur maîtrise sa prise comme une araignée ligote sa proie s'étaient rivés sur la coque bosselée. Les grappins magnétiques secondèrent vivement ces toiles de forces immatérielles, qui enchevêtraient leurs rets ainsi qu'une soie tissée de flammes.

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n Parés aux tubes d'abordage ,, tonitrua Volkurt et les groupes d'assaut en armures spatiales renforcées vérifièrent leurs armes. sherk et Diamarra faisaient partie du même commando. Déjà le tube enfonçait sa tête foreuse dans le blindage ennemi. Bientôt ce serait l'abordage et la curée.

Sherk d'Acamar bondit dans la coursive, un fulgurant dans chaque main. Ses tempes battaient et il tremblait, comme mangé de fièvre. n C'est à I'ouvrage que l'on juge le compagnon », avait dit le capitaine.

Diamarra suivait en serrant son fusil lance-roquettes. pour luiaussi ce combat était une épreuve, celle de I'admission dans la fraternité sauvage des pilleurs d'étoiles. Pour tous deux l'échec signifiait la mort, rapide et impitoyable. Les rayons frappaient l'acier qu'ils portaient au rouge, parfois au blanc. synchronisant le tir de ses deux pistolets, sherk parvint à trouver le défaut d'une cuirasse. Un corps se mit à flotter, un nuage pourpre I'enveloppait doucement. une rafale de roquettes, tirée par le serkor, eut raison d'une escouade de mercenaires qui débouchaient d,un sas interne ils furent mis en pièces dans ce long hoquet mêlé d,ex_

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plosions qui revêtit les parois de lambeaux calcinés. Rien ne rêsistait aux quatre fulgurants du Sagir, quifonçait dans la mêlée comme un char d'assaut. Le Gor cognait I'une contre I'autre deux choses inertes. Les Zaktes couraient avec une grâce souple, bondissant et roulant en vrais léopards qu'ils étaient. Leurs grenades étaient précises et leurs rafales terriblement meurtrières. Diamarra, ses chargeurs épuisés, faisait tournoyer son fusil lancefusées comme une masse et chacun de ses coups terrifiants mettait un adversaire hors de combat. Le shamite était pourvu d'un lance172


bombes léger et d'un êquipier approvisionneur, il assenait méthodiquement ses capsules soniques partout où pouvait se former un nid de résistance. Les charges vibrantes déflagraient avec un bruit mat, que les parois se renvoyaient en écho avec des morceaux dêchiquetés de corps en bouillie. Un Markabite géant sautait sur les épaules de Sherk, ils luttèrent emmêlés sur le sol de métal mais le Markabite, deux fois plus louid que le métis, parvint à poser le canon du fulgurant sur la visionneuse de son casque. D'un seul bond fantastique Diamarra fut auprès d'eux, ilarracha le Markabite et le projeta contre une cloison, puis il lui cassa la nuque d'un coup sec en tirant sur la mentonnière, maintenant le corps sous une de ses pattes de lion que renforçaient les bottes spatiales. ll sourit à sherk qui se relevait et s'élança à nouveau dans la batailyeux brillants sous la visière transparente. les le, Brusquement ce fut fini. Les Markabites jetaient leurs armes et se rendaient de la proue à la poupe de l'énorme nef marchande. La vision des lieux du combat êtait insoutenable. Les charges de pression des grenades avaient été particulièrement efficaces dans l'espace resserrê des coursives. La chair collait en mucosités et le sang ruisselait sur les murs... cette tuerie avait tout peint en rouge ! Le butin était un chargement d'épices perséïdes et un coffre blindé bourré de pierres-feu, qui fut long à forcer. Yerma Volkurt recueillit aussi quantitê d'informations en menaçant les officiers markabites de la tétanisation lente avec un fulgurant réglé au plus bas. ll fallut nêanmoins faire un exemple - un prisonnier se roulait en hurlant sur la passerelle de commandement, tenant son épaule prise d'un tremblement convulsif. D'abord la Diète de la Confédération, effrayée par la défaite, venait de destituer le Syndic Winand Miles et plusieurs membres du Collège. L'équilibre des tiers s'était modifié : la section Rigel-Bellatrix, qui usait de la guerre pour serrer davantage et à son profit les liens communs, avait dt céder sur plusieurs points au groupe saïphan. Mais les principaux vainqueurs étaient sans conteste les planètes d'obédience bételgeuséenne, ainsi que la Grande Hanse d'Orion. Yerma Volkurt grommela une imprécation : ce triomphe des vieux mondes hanséatiques n'était pas pour lui plaire car une haine ancienne liait les FrancCorsaires à Lorne, comme un pacte de sang ! Mais il préférait encore cela à un succès rigellien qui eût renforcé l'union du Libre Echange.

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Rigel aurait policé les Marches, et cela il n'en voulait à aucun prix. Le commerce avait repris dans la province d'Achernar. ceux de Prime sol avaient repoussé les orionides jusqu'aux environs deZibal, mais les confédérés avaient reçu en renfort la ll" Flotte de l,amiralvon der Launitz, avec ses porte-avisos et ses escadres légères revenant de cetus. une furieuse bataille d'astronefs se serait livrée dans le sec-

teur d'Azha...

Le duc Rufus Leinster, un ultra bien connu des salons terriens, venait d'être nommé Lieutenant d'Empire et l'on assurait que I'empereur en difficultés financières faisait là une concession à la vieille aristocratie. Le sultanat de canope se montrait hostile à prime sol, la flotte canopéenne d'Hamilton Pacha venait d'occuper le système de Miaplaci-

dus. L'Empire n'avait pas réagi. sauf en dévaluant le crédit terrien. Mais cela faisait déjà longtemps que le capitaine avait changé sa réserve de devises impériales en piastres de canope et en béhocs saiphans, monnaies sûres qui valaient presque autant que le marc lornien. La constellation de la croix, aux marches de l'Empire, subissaitdepuis peu des raids terriblement dévastateurs dont l'un avait complètement ruiné le système d'Acrux. cette annonce mit en joie le capitaine, mais la cause de ce plaisir resta secrète car il n'en dit rien à personne. Et cela continua, pendant des heures... Un détecteur de menson-

ges du dernier modèle garantissait leurs dires. La démonstration avec I'astrot avait produit l'effet attendu sur ses supérieurs, et aucun ne chercha à mentir ou à dissimuler quoi que ce soit.

Les Markabites, grands humanoldes marsupiaux d'un noir de jais, se soumettaient en silence à la volonté des vainqueurs. Leurs yeux grenat imploraient la vie et ils espéraient être libérés contre une rançon qui rapporterait plus aux corsaires que leur vente aux marchands d'esclaves. Presque tous les contrats des grandes compagnies comportaient une clause de rachat du personnel naviguant, et ils appartenaient au puissant stellarlmperialrrust. Les pierres et les épices furent portées à bord du Loup. un équipage de prise prit possession de la nef marchande afin de la mener chez un associé de volkurt qui se chargerait d'écouler le navire et de négocier la rançon de l'équipage, ou d,en tirer 174


un bon prix comme esclaves. Le capitaine Yerma Volkurt se frottait les mains, tout à ses aises, et chantonnait l'air de sa complainte préférée. Tous à bord la connaissaient. C'êtait le chant d'une jeune femme de la Vieille Terre qui avait perdu son ami dans quelque abîme inconnu, au fond des gouffres in-

terstellaires. u Flots glacés

ÿ

de l'espace'du temps Flots glacés de l'espace du temps Houle insensée du neant\fipI Yl Ramenez-moi mon

X

amant I Ramenez-moi mon amant ! " C'était beau et triste, comme le sont souvent les histoires du Grand Vide. Puis les deux vaisseaux se séparèrent. Yerma Volkurt se plongea dans les calculs du navigateur, non sans avoir jeté à Sherk un regard bienveillant : il était content de son petit léopard, quivenait de donner sa vraie mesure au combat. Sherk était heureux d'être Franc-Corsaire, et il lui avait rendu son regard bien en face, de ses yeux brillants dont la lumière du bord faisait une eau verte où venaient crever de petites bul-

les d'or. Sherk avait été soulagé de voir partir les Markabites. lls s'étaient valeureusement défendus puis il les avait vus s'aplatir ignominieusement devant leurs vainqueurs, cédant sans murmurer à tous leurs caprices. lls le déconcertaient et le dégoûtaient en même temps. Quand le vaincu a opposé une dure résistance, son espoir réside souvent dans le respect de ses adversaires. Or les prisonniers avaient tout fait pour le perdre. Avec une audace inouïe, Yerma Volkurt s'enfonçait dans l'Empire ïerrien, changeant lréquemment de route pour gêner d'éventuelles recherches, poursuivit un courrier à moins de six parsecs de Sol et le laissa s'échapper derrière un nuage Oe Oebris cosmiques. lls attaquèrent un autre navire au large de Sirius. C'était un lourd cargo avec un équipage d'insectes géants. Sherk et Diamarra furent les premiers à I'assaut, et ce fut au tour de Sherk de porter secours à son ami pris au piège dans un filet magnêtique. La lutte fut acharnée car les êtres-soldats combattaient avec une sauvagerie indescriptible. Mais leur résistance se mua en fureur imbécile quand succombèrent les officiers-cerveaux, flambés dans leurs cuves aux rayons in-

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cendiaires. Les derniers des monstres cuirassés de chitine s'entretuèrent, jetant leurs armes pour se mettre mutuellement en pièces de leurs terribles mandibules et mourir emmêlés dans la fumée pestilentielle des cloisons de mucus calcinées. Les pirates ne trouvèrent en guise de butin que des coffres remplis de grosses perles laiteuses, sécrétées par les esclaves qui ressemblaient à des pucerons démesurés, énormes et idiots. Les cales étaient remplies de cruches et d'amphores contenant des sécrêtions diverses, également dépourvues d'intérêt aux yeux de Yerma Volkurt. Les canonniers du Loup détruisirent le cargo, puis la nef pirate reprit sa course aventureuse et téméraire l'Equipée du Franc-Corsaire que relate la tradition des anciens contes, et qui fut pourtant dépassée par I'exploit de Paul Beneke, un corsaire de Bételgeuse qui razzia Ariel et Umbrielà I'intêrieur du Système de Prime Sol. Mais l'aire impériale se faisait vide autour d'eux. Les vaisseaux ne sortaient plus qu'en convois puissamment escortés. Les patrouilles se multipliaient et, maintes fois, ils ne durent leur salut qu'à la grande sensibilité de leurs détecteurs. Le capitaine réunit l'équipage, après avoir fait mettre le cap sur les étoiles du Lion. " Et maintenant que les nobles terriens mouillent leurs culottes à I'idée qu'un pirate rôde au seuil de leurs palais ce qui ne leur est plus arrivé depuis plusieurs siècles - nous allons nous occuper tranquillement des riches planètes léonides », âr'l[onÇâ-t-il, toujours riant du bon tour qu'iljouait aux lmpériaux. ll poursuivit pendant un moment de la même manière, puis il les renvoya avec force plaisanteries. Mais d'abord ils firent escale sur l'un de ces mondes oubliés, loin des axes commerciaux. Nerat était alors un havre pour les proscrits et les brigands de tous poils. ll y eut des sorties dans une ville lépreuse et enfumée où tout était permis. Sapphor, la Cité des Vices, était en fait connue des autoritês impériales mais nulle police ne s'y risquait car nombre d'aristrocrates venaient s'y livrer à des débauches interdites ailleurs. Deux journées et deux nuits passèrent en une folle orgie qui mangea presque tous leurs gains, puis Yerma Volkurt rassembla son équipage et les recrues qu'il avait trouvées sur place. Le Loup repartit au petit matin avec sa meute de fauves encore étourdis par l'ivresse vaseuse de plaisirs insensés.

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Deux semainea-standard après, ils s'appræhalent de leur premier obiectif. Sherk MroT Ouargâr contrôlala charge de son fusurant, un lourd pistolet confédêré dont la crosse était frappêe aux armes du Llbre Echange, et prlt place âræe Diamarra à bord de la plus grande des chaloupes de débarquenrent.

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Larguêes en haute atmosphère, à l'imprécise frontière de la nuit et jour, du les chaloupes spatiales plongèrent vers le sol inconnu. C'était une calvacade de collines et de pitons habillés de jungle encore sombre, mais que nimbaient déjà aux crêtes les couleurs chatoyantes de l'aube prochaine. Elles filèrent au ras des arbres, à frôler les rocs, leurs brouilleurs à plein régime. Une bande de sauvages se dispersa. C'êtaient des de criminels et de dêlinquants rêcidivistes jadis \ \IgIgll!:-adant abandoïné@Seut restait un captif tié au À pour de torture, les nerfs mis à vif êtr'e chatouillés avec des pluOoteau [\ et qui leva sur les chaloupes des yeux aussi bleus que ceux d'un \mes, chat siamois. Quelques heures plus tard ils sortaient sur les graviers et la caillasse brillants sous le soleil soufre, plus très loin de la colonie qu'ils allaient piller. Les groupes se séparèrent, suivant les pistes grossières des trappeurs et des orpailleurs. S'enfonçant dans la jungle étrangère, une jungle fluide parée de soleil en chamaille, décorée de lianes en fleurs pareilles à de merveilleuses guirlandes. Jaunes et vert fauve du maquis omniprésent, tons roux dans tous leurs flamboiements... ! Mille rumeurs insolites montaient du sol et tombaient des arbres aux feuillages clairs, flottaient dans l'air chaud qui goûtait le miel. Les oiseaux et les insectes étaient comme des joyaux volants dans

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la griserie des parfums, des pierres miroitaient dans le lit des torrents.

Visions et odeurs violentes, la splendeur toujours nouvelle qui se mêle de notes étranges. C'était, explosant autour d'eux, l'exubérance brutale de toute la vie d'un monde. Et le soleil brassait cette pâte de couleurs, l'écrasait sur les sentes et les clairières comme sur une palette enchantée. La tâche des groupes de combat êtait de disperser la garnison par une attaque surprise, puis de maîtriser les batteries du spacioport, ensuite ils appelleraient le Loup pour luilivrer la proie réduite à l'impuissance... Le groupe 5 roulait depuis un certain temps déjà quand le P 68 en tête sauta sur une mine vibrante, la charge sonique le fit éclater comme un fruit trop mûr. Avec un sifflement atroce et multiple la salve de roquettes d'un ribaudequin s'abattit sur eux et les inonda de ses éclaboussures de mort... Le feu et la terre jaillissaient partout en éruptions fantastiques, tout se souleva et disparut dans un univers labouré. ll ne fallait pas longtemps pour recharger un orgue, et les armes énergétiques claquaient dêjà de tous côtés. " Déploiement, à terre... , Les véhicules flambaient et se renversaient parmi les explosions. LesButres taillaient et découpaient au laser. lls tiraient avec des fusils magnétiques à aiguilles, des armes silencieuses qu'on ne pouvait repérer. Sherk mit à feu les missiles de l'autochenille, qui partirent en rafale de leurs chargeurs... Mais il sauta de suite, sans actionner le faisceau de guidage. lls trouveraient tout seuls leurs cibles ! Sherk roulait déjà dans les pailles jaunes, craquantes, et son fulgurant de poing incendiait les buissons. Des cris de mort éclatèrent au milieu des explosions sèches. A ses côtés, courant par bonds souples, Diamarra faisait un vide ardent dans la toux quinteuse de son fusil à roquettes. Le Gor qui maniait un orgue à main - transportant aussi ses munitions, ce qui eût demandé plusieurs porteurs humains - fit jaillir une salve en saccades hurlantes. Un instant plus tard il courait en rond, immense torche aveugle et trébuchante... Le lance-flamme cueillit trois autres victimes, par jets courts, avant de finir en nova à fleur de rocher. Les fusiliers verts accouraient de toutes parts, avec des miaulements aigus qui glaçaient le sang... des Tchirghri ! Les Franc-Corsaires essayèrent de faire leur retraite en bon ordre,

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tenant en respect la vague féline qui se coulait autour d'eux. Diamarra était une tornade rousse et tournoyait dans la mêlée, dressé sur ses hanches, dispersant parfois des groupes entiers de soldats. Un char restait au groupe 5, endommagé mais combattant encore, couvrant le recul à coups de roquettes. Hurlements démoniaques ! Cette fois la salve fila au-dessus des arbres, pour que les petites lusêes à têtes chercheuses rêduisent I'orgue au silence... Les feuillages éclataient dans des nappes de feu, des explosions lointaines et quelques champignons de fumée ,lamboyants annoncèrent de mystérieux coups au but...

Un incendie ronflait à l'êchancrure des deux collines mangées de brousse fauve. Mais le char venait de verser, de se disloquer dans un hoquet de flammes - une volée de torpilles soutflantes lancées par cet orgue maudit qui faisait à lui seul autant de ravages que toute une batterie de mortiers... Et ces geysers tonitruants de la salve qui monte puis s'écrase, volcanique ! La longue plainte démente des roquettes submergea encore par deux fois les sifflements diaboliques des rayons de mort qui se mêlaient aux cris en une rumeur d'enfer. Les Franc-Corsaires succombaient, malgré leur courage qui était celui du désespoir. Une aiguille siffla aux oreilles du métis. Traversé à la hauteur de I'estomac leur chef de groupe n'était plus qu'une bouillie rouge, les viscères éclatés par la vitesse du dard minuscule. N, Sherk vit, près de lui, le visage lêonin de Diamarra qui se plissait et \l se fronçait de colère alors que le§erkor vidait son dernier chargeur. \La rude beauté de ses traits s'était convulsée, métamorphosée en un masque etfrayant qui faisait penser aux masques de guerre que portaient au combat les Boungs des forêts de Lokri. Le guerrier burria enrageait parce qu'il allait devoir fuir. La haute silhouette démoniaque s'aplatit soudain, une large patte dure écrasait Sherk dans la broussaille. L'obus du mortiervint avec un soufflement saccadê, explosa en flammes et en cris. Leur amitié les liait en une paire indissoluble, chacun veillait sur l'autre comme sur lui-mème. lls s'étaient déjà mutuellement sauvê la vie. Frères de la Course, ils se sauveraient ou mourraient ensemble... Sherk sauta sur le dos du Serkor, les oreilles pleines du staccato agonisant des armes légères. Diamarra était puissant et rapide, ses bonds fantastiques trouaient la jungle. lls allaient échapper... La grenade tétanique les assomma dans une même bouffée de gaz conducteur. Presque sans bruit.

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