Le livre des étoiles part 11

Page 1

donc ruiner... Sol savait que cette province, la seule de l'Empire capable de faire renaître l'ancienne civilisation, serait ainsi vidée de sa substance. Achernar exsangue lui revenait à présent, inoffensive... Avec ses patriotes en luite et ses réformateurs dêcimés, avec la sourde révolte des para-humains du « sous-pêupls »pt le spectre de son passé qui

personne.

I ne gênerait plus grand Oui ! Arslan lll était un empereur ! Sa grandeur se mesurait à la puissance de feu des cuirassés de classes Auguste et César, au nombre de ses mercenaires habillés de vert sous leurs armures de combat... Et à la guerre qu'il avait gagnée ! A la ruine d'Achernar, dont la culture ne menacerait plus d'éclipser celle de laTerre impériale... le com-

merce reviendrait, certes, puisqu'il le fallait, mais seulement le commerce... Là aussi, l'Empire était victorieux. La lorce fait le droit. C'êtait la devise qu'aurait dû adopter l'lmperium de Prime Sol, elle lui convenait parfaitement. La main de Sherk se crispa sur la crosse quadrillée du lügan, ses yeux étaient une terrible flamme verte. Le gros homme le fixait en fermant un æil, jaugeant ce beau spécimen de léopard à demi-humain qu'ilallait peut-être faire entrer dans sa meute. " Tu me plais soldat. Tu es intelligent et je vois aussi que tu es fier. Pourquoi as-tu préféré servir un maltre plutôt que d'être chasseur libre ? J'ai besoin de garçons comme toi dans mon équipage. , Sherk le regarda bien en face, avec une froide arrogance dans ses yeux durs, et dit âprement : u Ecoute Franc-Corsaire, je m'appelle Sherk Mroï Ouargâr (il fit sonner le troisième nom, celuidu clan noble de sa mère), né sur Ushar;je me suis échappé des fosses à esclaves de Salarrik où des millions de captifs en haillons crèvent de misère et de désespoir sous le fouet des gardes, pour que de riches Damousses deviennent plus riches encore et que Bételgeuse ait du platine à satiété pour battre sa monnaie.

" Je suis devenu mercenaire pour échapper à cette ignominie.

L'uniforme gris du Libre Echange m'a protégé de leurs chaînes. Je me suis battu pour eux et ainsij'ai payé ma dette. Alors seulement, quand tout a été perdu - je faisais partie des forces planétaires sacrifiées pendant la retraite - j'ai déserté, car je ne voulais pas mourir comme r61


un rat enfumé dans son trou ou être capturé et mis à nouveau au fouet

des esclaves. " Ma bourse est vide, Franc-Corsaire, mais je possède deux choses que nul ne pourra plus m'arracher : la liberté et la haine... , Yerma Volkurt appréciait en connaisseur cette sourde colère de fauve qui, même dans la déchéance et la détresse, llf rappelait sa grandeur de prince sauvage. Oui, il y avait de la noblesse dans ces yeux-là, d'un vert fauve et changeant où l'amère rêvolte allumait de brefs éclats d'émeraudes dorées. Ce vagabond savait porter fièrement sa misère et même affamé il montrait les crocs, défiait la tête haute et ne demandait rien. Le vieil écumeur d'étoiles avait appris à reconnaître la valeur et il admirait cette attitude farouche, encore orgueilleuse, de félin réduit qui ne se rend pas. C'était lui, Yerma Volkurt, qui devrait proposer, insister pour que ce jeune loqueteux accepte de faire partie de son équipage car il ne consentirait aucune avance. Et il le ferait, car ilvoulait I'avoir parmi ses loups... Ce métis de léopard, ce sauvage fils de pan-

thère

!

Brusquement il fit plus chaud, dehors le vent était tombé. Des servantes se précipitèrent pour éteindre le feu et enlever les bûches qui étaient encore bonnes à brûler. On ouvrit tout grands les panneaux de bois peints des lenêtres au jour glauque et à la brise légère qui amenait à présent I'odeur sucrêe des ravins emplis de broussailles sèches. Sherk aussi sentit cette bonne chaleur monter en lui, avec la griserie des parfums. ll était heureux de vivre. " Bien, bien... Mais les riches on les détrousse, est-ce que cela ne vaut pas mieux que de trimer ou de se faire tuer pour engraisser la racaille cousue d'or ? , Le pirate eut un sourire cruel, quasi féroce, et se pencha soudain. n Viens avec moi, garçon, et la fortune est faite ! Je suis sur un coup et mon Orque est prêt à partir, je dois seulement renflouer l'êquipage et cherche les gars quiveulent se soûler d'aventures et de beaux combats. Ah !j'oubliais... Je me présente, capitaine Yerma Volkurt et commandant du Loup des Etoiles. , Sherk ravala le oui qui lui montait aux lèvres, pourtant il mourait d'envie de le laisser s'échapper comme un crid'espoir, mais il luifallait se taire et attendre encore. La porte s'ouvrit et un Serkor èntra, un ieune mâle musclé, à peine sorti de l'adolescence. Une couverture roulée de laine indigo luicei-

162


gnait la taille et lui couvrait le garrot, un simple vêtement de nomade qui s'avêrait indispensable au long des froides nuits d,Assar. Au côté, il portait, engainée dans un fourreau de cuir blanc orné de dessins géométriques, une de ces rares et précieuses épées en fer. u Je te présente Diamarra Nyorr, une de mes recrues. Les centaures félins sont de rudes combattants. Je connais les Jorughas d'Alcyone dont l'empire pourrait bientôt secouer nos bons amis de Terra et de Rigel, ils causent déjà bien du soucià ceux de Beltégeuse depuis que ces derniers ont rallié certaines planètes hyadéennes à leur parti dans la Confédêration. S'ils avaient pu savoir... lls auraient refusé de prendre le système d'AIn et les autres dans leur tiers ! , (Les yeux de Volkurt étaient devenus mauvais, il avait une détestation particulière pour la section beltégeuséenne du Libre Echange, car Lorne était encore à la tête des Confédérés quand avaient péri les Mondes franc-corsaires). - J'aivécu aussi une saison parmiles Rôhrmstachetés d'une lointaine planète nommée Marl, qui se font toujours leurs guerres de clans... (il dit quelques mots en saccade, les paroles d'une langue rêche)... c'est l'" âbgom que parlent les Abghas et les Kâbghas. Une race fière et très secrète, de vrais sauvages... superstitieux, craignant leurs sorciers, cruels et sans pitié, pleins de ruses, acharnés jusqu'à la démence quand ils ont senti le sang. Les Serkors sont moins sanguinaires, pourtant, ils savent être tout aussi fêroces... On dit que la reine Warrasu des Sa'bors ne mange nulle autre viande que la chair de ses ennemis... et les rites veulent qu'ils soient amenês vivants ! Viens ici, Diamarra, je crois que nous avons un nouveau compâsno[. » D'une seule détente de ses jarrets puissants, le jeune Serkor fut auprès d'eux, allongea négligemment une patte vers un large coussin et lova dessus la partie léonine de son corps. Le jeu des grands muscles faisait onduler son pelage roux. La tête haute, il ignora dédaigneusement I'etfroi mal dissimulé que suscitait sa présence. Un étranger à fourrure brune, dont les longs crins en tresses étaient attachés autour du poitrail, et deux ou trois petits seigneurs des Barogals portant de très belles capes à franges ornées de perles se retirèrent discrètement, ayant perdu le goût du rire et du vin. Diamarra s,était accoudé à la table et dévisageait Sherk de ses yeux d'héliodore brillants, cernés de blanc comme ceux des lions, en plongeant son regard dans le sien avec la franchise spontanée mais exigeante des jeunes gens. Sa crinière, teinte en rouge selon la coutume des guerriers burrias, était tail-

163



lée court pour ne pas offrir de prise au combat et auréolait de feu ses traits juvéniles. L'expression orgueilleuse de son visage rude lui donnait une splendeur barbare, une majesté hiératique... ll avait encore sur lui l'odeur des collines et de leurs manteaux de buissons que la sécheresse transformait en pelade craquelée. Une brève lueur alluma les lucioles vertes des prunelles phosphorescentes, il découvrit ses crocs en un sourire qui plissa ses babines velues et tendit une main semblable à une patte de fauve. Sherk pressa fortement les pelotes de cette paume à la fois souple et dure, supportant sans broncher l'étreinte formidable du léocentaure, sans cesser de regarder droit dans les grands yeux jaunes. n Alors, tu es des nôtres ? » s'enquit la voix de rogome. Une voix rauque, rugueuse, un peu I'accent de Cheelah qui faisait si étrange dans la bouche d'une fille des hommes. Sherk acquiesça d'un battement de paupières; pouvait-il seulement refuser cette offre ?... Même s'il avait su ce qui l'attendait, il I'aurait encore acceptée... n A la bonne heure, approuva Yerma Volkurt, Diamarra Nyorr est déjà un expert du corps à corps et des rezzous - les Burrias sont redoutés par toutes les tribus des steppes - et toi tu connais les règles de la guerre technique, puisque tu as servi comme mercenaire dans les troupes les mieux équipées du bras spiral. Si vous faites un effort pour vous entendre, vous deviendrez une fameuse équipe de choc ! Mon Loup des Etoiles est aussi puissant qu'un croiseur léger, mais je manque de combattants expérimentés. J'ai perdu la moitié de mes commandos, lors d'un accrochage avec les Gardes Spatiaux confédérês sur.le satellite de Theemin V - des durs, ceux-là, presque tous des Bâghères d'Haÿsa, des Oberlandois et des S'Sarkites : de vrais fils de l'Epée d'Orion ! , ll souffla un instant et reprit : « Avec mes canonniers kursans, mes voltigeurs zaktes que je viens de recruter et vous deux nous pouvons repartir. ll y a de fameuses chasses à faire en Léonée depuis que les dix escadres de Regulus, détachées par la Flotte lmpériale aux ordres du tribun militaire Enêe Corylo et du préfet Hendersson pour réduire la sécession du stellarque Achylles de Ras Australis, sont venues rejoindre les flottes d'Eridan. ll ne reste que des forces de police et la prospérité de la province léonide est un défi pour les prédateurs que nous som-

mes!" n Par Sarog !Tu parles en vérité ! » gronda le

Serkor,lesyeuxflam-

bants.

165


Yerma Volkurt s'esclaffa pour toute réponse, Sherk et Diamarra firent écho à son rire. Le jeune Burria saisit d'une main son collier de dents enfilêes. « Les crocs de six arrous abattus à la chasse, et les canines de trois ennemis que j'ai tués ! , rugit-il, ses yeux étincelaient. " Ah ! la belle razzia que nous avons faite l'an passé au pays de Hoûr, chez le M'Barôd des Barogals... !A présent les Chignons Noirs s'applatissent de terreur au seul nom des Crinières Rouges... Voilà comment nous sommes, nous du clan Shoubliouma et gens du chef

Kàthi ! ,

ll regarda Sherk fixement. n Et toi, combien de dépouilles ? , n Nous n'en prenons pas, et je n'ai pas comptê... Mais j'en ai déjà

tuê un certain nombre... des lmpériaux surtout. , Diamarra sourit à Sherk car il reconnaissait en lui un cousin lointain, un parent des étoiles qui avait été nourri comme lui-même au lait de la sauvagerie. Tous deux étaient du même sang, une obscure fraternité les liait déjà car chacun pouvait voir dans les yeux de I'autre ce feu vert et clignotant qui s'allume au fond des prunelles de la bête de proie. Le Serkor leva le bras en serrant le poing, Sherk connaissait ce salut traditionnel des guerriers aux crins rouges et le lui rendit en sou-

riant. Le jeune centaure léonin semblait éclater de férocité ioyeuse. Sherk d'Acamar'sentit le feu couler dans ses veines à I'idée des combats à venir, la vibration implacable des grands carnassiers parcourut ses fibres exultantes, à ses oreilles résonnait la stridence des fifres et des cornemuses qui accompagnaient de trilles et de sauvages plaintes nasillardes les compagnies orionides à la parade, un feu triomphal alluma ses yeux de chat dans un vif êclair d'aurore. Yerma Volkurt haussa les sourcils. n Mais je dois d'abord t'avertir que tu vas entrer dans une confrérie très stricte. La discipline te semblera peut-être plus exigeante que celle des troupes grises où tu as servi. Une règle avant tout : la loyauté. Et une sanction : la mort. Loyauté envers le navire et les compagnons de la Course. Tu m'obêiras comme les autres m'obêissent : parce que mon autorité est iuste et efficace. " J'ai fait mes preuves dans la grande chasse des étoiles, d'abord comme simple naute et commando d'abordage, et c'est pour cela que les autres me suivent.

166


» Les hésitants, les pleutres et les traltres sont abattus. L'un de vous me succédera peut-être, élu par l'êquipage quand je seraidevenu trpp vieux... Mais attention ! D'ici là je suis le chef et, au combat, j'ai droit de vie et de mort sur chacun de vous. , Autrement c'est le conseil qui décide... , Et bien... Toujours oui ? , Sherk cligna ses yeux de fauve, en guise d'assentiment. " Alors c'est entendu ,, fit le capitaine. " Bon, aujourd'hui c'est moi qui régale... , Dehors une sonnerie rauque éclata. C'était la fanfare âpre et fière des buccins de la garde des remparts. On entendit à peine ensuite les cris enroués, le bruit que faisaient les lanciers dans leurs harnois de bronze et de cuir bouilli (mieux que les promesses de distributions, ces parades calmaient les paysans dépossédés et les artisans sans travail, eux aussi victimes de l'esclavage). Les trompettes de guerre sonnaient seulement pour la relève, mais leur grande voix d'airain clamait la force d'Assar. L'équipage de Yerma Volkurt ressemblait assez à sa description. Les artilleurs et les nautes, de grands hommes blonds aux yeux bleus et à la tête carrée étaient originaires de Kursa et parlaient un lourd sabir tudesque apparentê au hanséate des Libres Echangistes. lls portaient des uniformes bleus ou gris clair, que rehaussaient des galons de fantaisie. Les Zaktes étaient de purs Tchirghri aux allures faussement nonchalantes de panthères au repos, leur fin pelage +æx était plus foncé que celui des Damousses et moins sombre que celui des Kardes chez qui le mélanisme est fréquent. La plupart étaient vêtus, en dehors Çu seçvice, de tuniques brodées et d'amples pantalons de soie allaient pieds nus. lls êtaient minces et vigoureux, N'noire, "&tÀ ' 'pleins de sagacité : ils avaient d'antiques traditions d'eugénisme; deE épreuves nombreuses sélectionnaient les reproducteurslÿ l;n ù* Un Sagir rouge vif à crête bleue tranchait avec ses quatre bras ainsi que le Gor pareilà un grand singe anthropolde et le Hassa, centaure rharsupial aux yeux comme trois saphirs jaunes en triangle et à la robe noire. Les deux premiers s'habillaient d'un pagne, le centaure se contentait de ses poils qui lui êtaient une somptueuse simarre de ténè-

bres. Et ily avait aussi un homme en vêtements sombres, au teint olivâtre et à lrétrange noblesse. Déserteur des légions de Sham, il disait avoir eu des ennuis avec les Gardiens de la Foi et qu'il était un proscrit tra-

167

.l


qué par la Hiérarchie. Tout cela ne l'empêchait pas de se faire, à l'occasion, l'âpre défenseur des Vrais-Humains. D'emblée, Sherk se sentit attiré par cet homme. Son nom était Toghril Salama et Sherk apprit beaucoup auprès de lui concernant la Ligue des Royaumes Humains. Salama était un aristocrate de SadirVll qui avait été accusé d'hérésie - en fait la richesse des siens avait suscité nombre de jalousies, et de telles choses sont monnaie courante sous les rêgimes épris d'orthodoxie. u Notre doctrine rend la vie facile et la politique aisée dit-il un jour ", à Sherk alors qu'ils conversaient pour tromper I'ennui. * Elle dit que ce nous voulons est juste et qu'est faux ce à quoi les autres aspirent. Cela ne diffère pas tellement des philosophies dominantes de l'Empire et de la Confédération, qui estiment juste ce que désirent les riches et les puissants. Nous pensons seulement que les humains (ceux de souche pure, ce quiveut dire non métissés ni mutés) ont tous les droits parce que nous appartenons à la race des hommes, et non à cause d'une croyance quelconque en notre supériorité - bien que de telles superstitions soient répandues dans le peuple, et cela est bien car le peuple a besoin de croire à des enfantillages puisqu'il doit être laborieux, sobre et pieux. llest faux de dire que nous sommes hostiles à toutes les autres nations, car nous sommes amis de celles qui ne sont pas nos voisines et ne cessons de l'être que lorsqu'elles le deviennent. Et même alors nous les respectons pour autant qu'elles acceptent notre bienveillante tutelle, dans ce cas I'amitié persiste. , Les Vrais-Humains ne font que pratiquer de manière plus franche et plus directe les usages établis : la raison du plus fort est toujours la meilleure, ce dicton est universel et c'est sans doute le seul à l'être, aussi nous semblet-il superflu de rechercher des justifications oiseuSeS...

»

Sherk ne devait jamais oublier ces propos qui se gravèrent dans sa mémoire. En chef prévoyant, Yerma Volkurt avait acheté quelques adolescents humains et tchirghri des deux sexes dont la présence rendrait I'inaction et la promiscuité forcées du sub-espace plus supportables aux siens. Une jeune femelle serkor, dont la robe claire portait encore les taches de l'enfance, complétait le lot à I'intention de Diamarra Nyorr et du Hassa Uyhuym Yihi Ffrrh. Ces esclaves paraissaient se satisfaire de leur sort et s'ingénièrent à se rendre utiles de mille façons aux

168


membres de l'équipage. Le lieutenant navigateur faillit arriver en retard pour cette réunion, où l'on présentait les nouveaux aux anciens. C'était un humain blême originaire d'Alrisha. L'empereur Arslan lll avait permis à Lochlann Vl, stellarque de Fomalhaut, de joindre la Piscanie septentrionale - en récompense de son aide lors des guerres contre Sham - à son royaume d'Austrapiscanie et l'Eglise Universelle de Fomalhaut n'avait guère tardé à persécuter les rationalistes, assez nombreux dans la province d'Alrisha. Le navigateur - répondant au nom de Horvann - avait fui les assiduités du Saint Office, dont la férocité valait largement celle de la Santé Morale Shamite, et sa rancæur contrastait avec l'ardeur joyeuse des autres Franc-Corsaires. il n'en était que plus redoutable. Le chirurgien de bord était de race tchirg : une femme de la Race Dorée dont les marques étaient nettement visibles, alors qu'elles se confondaient souvent avec le pelage chez les mâles. Ses yeux splendides avaient la couleur des saphirs et ne souriaient jamais. Elle ne fréquentait guère les autres pirates et nul, hors peut-être le capitaine, ne connaissait son véritable nom. Elle se faisait appeler Keerabah, nom courant chez les siens. Son corps était beau comme celui d'une merveilleuse panthère mais elle se refusait à tous, sauf à sa servante Mogir quiétait une Karde mince et noire, plus farouche encore que sa maltresse. Keerabah s'enfermait souvent avec elle le+rBr pour jouer à d'anciens jeux tchirghri, dont on disait qu'ils étaient lascifs et parfois cruels. Les liens qui les unissaient étaient plus complexes que ceux de I'amour, car Sherk surprit plus d'une fois dans le regard gris vert de l'esclave une lueur secrète qui devait distiller un poison amer dans la volupté des caresses et mêler une ironie diabolique aux râles du plaisir. Tous se montrèrent courtois envers les nouveaux compagnons et Sherk d'Acamar sentit qu'il les impressionnait par son aisance souple de grand tigre ainsi que par la puissance des muscles longs qui rou-

laient sous sa peau de velours doré, le doux pelage lisse oÙ affleuraient sous certains jours les taches de sa mère plus nombreuses aux épaules et sur le cou comme des rosettes d'or bruni. ll se laissa entralner par une fille aux cheveux blancs de lin qui disait avoir été, jadis, une enfant noble de la Terre... Une adolescente

169


belle et gracieuse comme un lys.

1,

Comme le capitaine l'avait prédit, Sherk et Diamarra devinrent commg/des frères. lls ne furent pas longs à se raconter leur vie. Diamarra s'était disputé ayec Gîr-Adréat, un sous-chef de son clan, pour une captive, et il avait (û Oartir car il était orphelin et n,avait pas de parenté pour le défendre. sherk dit sa propre histoire, mais elle vous est déjà connue. Les deux s'amatelotèrent, c'est-à-dire furent liés par un pacte d'amitié, tant pour le travail de bord que pour le combat et le partage des prises, ainsi qu'il était de coutume chez les compagnons de la Course. lls dormaient côte à côte, êtaient du même guart, se complétaient presque toujours comme deux jumeaux à I'exercice et aux diverses manceuvres. Et selon la charte des Francs-corsaires, si I'un d'eux était tué, l'autre avait droit à la part du mort avec la sienne. Mais cela se fit plus tard, après leur première bataille dans le vide. Le Loup des Etoiles était bien un de ces incomparables vaisseaux corsaires de la classe orque qui alliait la puissance d'un croiseur lêger à la vitesse et à la maniabilité d'une vedette. son équipage êtait celui d'un grand destroyer - plus de deux cents nautes et combattants. L'armement impressionnait : qix tourelles pourvues de lasers et de

[s,o.fulgurateurs,destubesffi.6Ë*f,o,"etenpoupe.Cha-

' \qre Franc-Corsaire

était muni d'une véritable panoplie d'armes de poing. Pour les débarquements, il y avait de grandes chaloupes. Dans les soutes se trouvaient des chars lêgers p 68 achetés à un trafiquant rigellien

-

excellents pour la reconnaissance et le soutien, mais aux-

quels il valait mieux souhaiter de ne pas affronter des tanks lourds. Egalement des auto-chenilles blindées et toute une artillerie portative : canons énergétiques démontables, obusiers sans recul usinés sur un monde de Spica, roquettes, lance-bombes magnétiques... parmices derniers, une demi-douzaine de mortiers automatiques bételgeu'séens, dont le capitaine êtait particulièrement fier. ses commandos en avaient dépouillé un bataillon defusiliers mercenaires du Libre Echange, prêté avec son matériel de Magnat de Saransk pour garder une mine d'aurabal dont le minerai avait empli les cales du Loup ! La nef de chasse filait sans peine ses deux ou trois parsecs par jour-standard. Humains et non-humains s,installèrent sans peine dans la routine du haut espace et sherk utilisa ses loisirs à se perfectionner dans le pilotage astronautique. ll n'y eut qu'un seul incident no-

170


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.