Le livre des étoiles part 10

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avec leurs armes. Mais pas avant qu'ils n'aient tiré cette flèche... Mog-

hul roulait déjà dans la poussière, le trait dans l'épaule. Cheelah fut prompte à arracher la pointe de silex E§èsêêolenttaillée. Moghul avait étouffé un cri, il haletait, le visage gris et les yeux clos. La fièvre le saisit au soir, il délira pendant des jours en vomissant la nourriture qu'ils luienfonçaient entre les dents. Et l'eau aussi, qu'ils I'obligeaient à boire en lui desserrant les mâchoires à la pointe du couteau. ll la rendait malgré sa soif ! Pourtant Cheelah avait eu soin de bruler la plaie avec une courte lame de bronze rougie à la flamme, alors que Sherk maintenait son ami affolé de douleur. Moghul mit longtemps à mourir, ils I'avaient tralné pendant des jours. A la halte de midi, ils déposèrent un cadavre.

lls l'abandonnèrent sur un btcher selon la coutume des siens, après y avoir mis le feu. Puis ils partirent, sans se retourner, le regard fixe et noyé de cette houle d'herbes sèches dont les rouleaux immenses paraissaient tout écraser jusqu'à l'horizon. * ll faut suivre la vie ,, avait dit Liana. u Sois courageux ,, disaient les yeux turquoise de Cheelah, et elle lui avait pris la main. Et ce soir-là, ils s'aimèrent, avec la sauvagerie du désespoir. Après l'amour, Cheelah le mordit fêrocement à l'épaule et lécha son sang pendant qu'il caressait les mamelons durcis de ses seins, puis ils recommencèrent, avec une passion et une tendresse infinies... Comme s'ils savaient que c'était la dernière fois... Cheelah ne devait jamais voir les vertes collines de la Terre. Elle mourut dans un défilé de montagne, les reins brisés sous une falaise de prophyre rouge que dévalait le torrent où elle avait voulu boire.

Rongé de tristesse, ivre de chagrin, Sherk la porta à l'intérieur d'une grotte à l'entrée de laquelle il roula de grosses pierres. Le lendemain, piqué par une bête volante, ilfut recueilli par les petits Maroz tachetés et soigné avec un moisissure de leur caverne. Par contre, il dut éviter les Burrias des pentes boisées qui ne se teignaient pas les crins et les Sêhs, terrifiants d'ingêniosité meurtrière; un soir, il vit bondir de rocher en rocher.ces tueurs agiles rayés d'ocre brun qui fléchaient et lapidaient des soldats casqués de bronze. Quelques jours après, il faillit succomber dans une effroyable tem-

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i;j.


pète de neige et il ne survécut que grâce à la découverte d,une tanière d'aborr laineux dont, par chance, I,hôte était absent. puis il coupa à travers le pays des pailles jaunes au pied des montagnes bleues et se fraya un passage dans la haute savane infestée d'arrous jusqu'à la fo-

rêt d'arbres gigantesques que faisaient pousser les eaux du fleuve

Kassoum.

Sherk arriva, seul, à cet astroport perdu, envahi de sable et de broussailles. Naufragé de la vie... ainsi parlent les cycles d'Eridan, mais aussi plein de colère et d'une sourde rancceur comme un lion blessê.

ïtubant de fatigue, les pieds en sang, grerottant sous son uniforme gris en lambeaux, il se sentait aussi nu que lorsqu'il s'était effondré devant saher Havn, sur salarrik. car il était à nouveau un proscrit, comme quand il avait fui les carrières d'esclaves et le fouet des gardes.

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CHAPITRE XI

FRANC.CORSAIRE

I t" soleil s'était levé fr\qs, après qu'une aube blême et d'abord

cendrée eut donnê leurs reflets d'argent fondu aux sables que la nuit avait bleuis. Puis Sirga, l'astre glauque, était devenu un grand disque flamboyant. llavait incendié à nouveau les gorges de pierre dans le gémissement des rocs, il recommençait de griller les lambeaux de bois qui n'étaient déjà plus que des piquets noircis en cette saison sèche qui ne semblait jamais devoir finir. C'était le début d'un autre jour de misère pour les pasteurs nomades de race barogal qui ne mangeaient plus que des feuilles bouillies, et aussi pour les pauvres d'Assar qui se levaient transis pour partager la dernière galette entre leurs enfants épuisés de famine, sans chair, déjà moribonds dans les huttes de boue qui étaient les plus nombreuses derrières les orgueilleuses murailles blanches. ... Mais le vent était froid encore, coupant comme une lame, car il soufflait du haut des montagnes glacées. On frissonnait malgré le jour. Sherk d'Acamar était assis au fond de la salle, non loin de l'âtre où le feu ronflait en dévorant d'énormes bûches dans sa chaleur rouge. llétait seul, et sa tête de fauve se penchait comme sielle allait reposer sur ses avant-bras velus. Sherk était un étranger dans cette auberge en briques crues sise hors des remparts où buvaient et festoyaient de grands centaures couleur de sable ou d'or roux qui coiffaient leurs crinières en nattes à

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la façon d'Assar, c'était pourquoi nul ne lui adressait la parole ou ne s'approchait de lui. Mais Sherk était également un étranger parmi les hommes, ou parmi ces êtres félins originaires de Saïph; car il était un métis, un sang-mêlé, bien qu'il ne fût pas le seul de cette sorte... Ses yeux d'ambre vert clignotaient à la lumière incertaine des lampes à huile, et c'étaient des yeux pareils à ceux des panthères et des tigres.

Son visage fin et angulaire - avec des pommettes hautes, des joues plates et le nez un peu court entièrement recouvert de poils tel un masque de velours clair. Mais le front large était plus haut et le crâne moins allongé que ceux des Tchirghri. ll avait fière allure, cet aventurier des Marches, malgré le poids de la fatigue qui l'écrasait, de la fatigue et aussi des souvenirs... En vérité Sherk mâchait son amertume, et ilse sentait ainsiqu'un lion solitaire. Le métis ne payait pourtant pas de mine, il était vêtu d'une vieille tenue militaire poussiéreuse et rapiécée, un uniforme gris qui avait connu des jours meilleurs dans les régiments de mercenaires confédérés. Un ex-Marine, un de ces innombrables lansquenets qui étaient la piétaille des conflits interstellaires... ll avait fait la guerre d'Achernar dans la Sixième Flotte du raumsmarschall Sargol. Mais les escadres de l'amiral - imperatoir Hermon avaient taillé en pièces les cuirassés orionides et Sherk, qui faisait partie d'un corps planétaire abandonné pendant la retraite, avait préféré la désertion à l'esclavage. Prêsentement il se trouvait sur Lokri, troisième planète de Sirga la Verte, le monde des Hommes-Lions (félins géants au buste de centaure qui se dêsignaient eux-mêmes sous le nom de Serkors), dans un bouge enlumé près de l'unique spacioport de la planète. Et au bout du rouleau : ayant dépensé presque tous les anneaux de fer reçus en êchange des derniers marcs de sa solde de mercenaire, l'estomac criant famine et le nez sur une chope vide; attendant, guettant, espérant. Lansquenet sans emploi, comme tant d'autres que la guerre avait laissés dans son sillage... Sans maître, car ilavait refusé de combattre les ennemis des Murs Blancs. Et buvant la bière épaisse, pour tromper sa faim, car la viande séchée et les galettes étaient maintenant hors de ses moyens - il n'était pas le seul, la sécheresse avait tué les rêcoltes 154


et dêcimé les troupeaux d'Assar. Au milieu de la salle, un guerrier Diara reconnaissable à son casque sommé d'un cimieren crête et à sa courte épée au pommeau lenticulaire, pérorait au milieu d'un cercle admiratif. ll racontait comment les siens avaient mis en fuite un rezzou d'Ahars du Tarkiet comment ils avaient forcé les prisonniers à leur dire où était caché le butin. ll narra ensuite de quelle façon le général Sokkor avait traqué les Gyrrs dans la brousse, détruisant les callebasses, enterrées où était leur provision d'eau et faisant garder les puits. Après une ultime bataille, la plus grande partie du peuple Gyrr s'était rendue, et Sokkor avait fait couper per trois cents têtes, le reste se trouvait aux mains des marchands d'esclaves qui suivaient ordinairement les expéditions militaires. Le chef Nguese et son jeune fils Sékrit seraient exhibés sur la voie des Maisons de Pierres, avant d'être cloués sur le chevalet des nomades. Le guerrier montrait en riant le lourd collier d'ivoire qu'il disait avoir conquis de haute lutte et se faisait payer à boire pour continuer son récit.

Fraîchement installés à la table voisine, une demi-douzaine de Zaktes vêtus d'étoffes bouffantes et chatoyantes miaulaient avec entrain. Leurs mains aux griffes rétractiles avaient des gestes prompts, pour saisir les mots comme des proies lestes. Leur peau avait l'apparence du velours où affleuraient des marques pareilles à des taches de son, leur poil devenait plus sombre et plus fourni au sommet de la tête, formant une chevelure qui descendait jusqu'aux oreilles sans lobe. Les yeux jaunes aux iris verts brillaient d'excitation dans le pétillement des pupilles noires piquetées d'or, la lumière souffreteuse des lampes se reflétait dans leurs regards où elle allumait de vifs éclats de sphènes et de démantoirdes. Dangereuse menace que ces aventuriers tchirghri... Fourbes et retpurs, rieurs, pervers, féroces et cruels plus souvent qu'à leurtour. Les rites de procréation, usage multi-millénaire des clans tchirghri, avaient affiné leur race de prêdateurs. Ces êtres vifs et dorés étaient péril mortel. Les Jeux Sacrés, qui sélectionnaient les reproducteurs, en faisaient des machines de guerre. Toujours il fallait guetter leurs yeux, se garder du moindre mouvement car ils avaient tous le pistolet ou le poignard à moitié hors de gaine...

Courageux aussi, et fiers. De rusées mais nobles canailles... Pas un

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qui n'aurait trahi sa parole, ou demandé grâce devantla mort. Les Zaktes étaient tchirghri et ressemblaient à des léopards sans queue, des léopards dressés sur deux pattes et devenus pareils aux hommes. Sherk d'Acamar êtait à moitiê tchirg, mais le métissage avait fait de lui un géant quidominait les membres des deux espèces l,humaine et la tchirg. Sans bouger la tête il les suivait de son regard scrutateur, coulé en coin et acéré comme une flèche de béry|. ll les étudiait comme un carnassier observe une proie nouvelle, et il les jaugeait silencieusement. Vêtements somptueux et lourds ceinturons d,armes. Mines de conspirateurs et allures de chasseurs. un gibier vraisemblablement

coriace, même trop pour lui... Alors, marchands ou bandits ? Sans doute les deux. Plus loin une poignée de nautes humains sanglés dans des tenues bleu sombre dont les insignes avaient été arrachês. Des déserteurs d'un navire de guerre. Pas question de se joindre à eux !

Les spatiaux êtaient très forts aux commandes d,un navire ou d'une tourelle d'artillerie mais bien peu, à I'exception des compagnies de débarquement, savaient se débrouiller sur une planète. Mieux vaut faire sa route seul que mal accompagné, Sherk n,avait pas oublié le proverbe spanique que lui répétait Joris Spasss alors qu,ils étaient tous deux esclaves sur Salarrik. Entre les tables circulaient, en un va-et-vient affairé et presque silencieux, les jeunes femelles serkors qui faisaient le service. La plupart des serveuses portaient encore la toison tachetée et duveteuse de l'enfance, beaucoup avaient l'oreille percée en signe de servitude. Leurs mouvements rapides et précis étaient une rousse harmonie de forces fluides et de grâce aristocratique. Sherk reconnaissait en elles les formes et les allures étrangement racées du peuple sêh des montagnes du Nord. Ces tribus farouches vivaient autrefois dans les hautes vallées des Monts Ouâr, qui séparent la grande plaine fertile des Cinq Fleuves du sauvage pays burria. Les Sêhs prétendaient descendre de la race légendaire qui fonda jadis le très ancien Empire Slha, dont il ne subsistait plus que d'informes ruines vitrifiées et des signes mystérieux à demi effacés sur d'immenses tables de pierre, ainsi que des légendes qui épouvantaient tou-

jours les nomades... Les raids sêh avaient longtemps terrorisé les villages gu'kùm et 156


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même les prospèr_es cités de la plaine, aussi les Diaras d'Assar et les Gandyi-Hanu. Or.lFt"rr" Rouge finirent par s'allier et unir leurs forces contre les montagnards. De l'orgueilleux peuple çêh, il ne restait à présent que quelques clans libres et pourchassés. La plupart des guerriers étaient morts dans la fureur des combats, et les autres avaient été

enchaînés pour les sanglants plaisirs des vainqueurs. Des milliers de captifs avaient été ramenés des Monts Ouâr et vendus à I'encan comme du bétail, pour servir des gens qu'ils méprisaient... Les traits finement ciselés des serveuses évoquaient la secrète noblesse des races antiques. Elles étaient belles et altières dans leur humiliant esclavage, princesses dignes comme si dans leurs veines coulait un sang royal. Leurs manières n'étaient pas serviles et Sherk avait remarqué qu'elles ne remerciaient jamais. Les châtiments leur avaient appris I'obéissance mais non I'humilité, et elles avaient le silence féroce quand la chicote du maltre leur labourait les reins. Dans les yeux des plus grandes brillaient, comme une flamme d'or glacée, l'amère fierté et la haine muette des seigneurs déchus. Mais le fouet avait fait d'elles des bêtes de somme, les côtes saillaient sous le pelage en loques de leurs flancs poudreux et les coussinets de leurs pattes maigres tambourinaient avec une sourde frénésie. Une main preste remplaça la chope de Sherk, après avoir enlevé la mince et petite rondelle de fer placée en êvidence sur la table maculée de graisse. , " Oui, encore une, dit-il en diôr, la monnaie est pour toi. ll sourit en croisant le regard brillant, timide, de la petite Serkor qui ne baissa pas les yeux. Elle avait peur cependant, et il aurait voulu la rassurer. ll connaissait assez de mots de cette langue râpeuse que comprenaient la plupart des tribus, mais ne savait comment s'y pren-

dre.

Pauvre petite ! L'oreille déchirée et la marque des coups ne laissaient aucun doute sur son misérable sort, et quand elle serait plus grande son maltre la livrerait aux caresses brutales des mâles. Sherk sentit sa gorge se serrer. ll se souvenait. On luiavaittanné le cuir dans son temps d'esclave. Au fouet ! Lui aussi avait été battu par un propriêtaire quand il était enfant. Battu sa pleine peau et jusqu'au sang, pour des vétilles... Comme cette petite sæur de misère qui savait

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déjà l'amertume de la vie. Elle l'avait remercié noblement du regard. Elle portait beau et fier, la petite princesse ! Un grincement le fit sursauter, une onde parcourut ses vertèbres. ses ongles saillirent et ses paupières devinrent des fentes étroites sous lesquelles luisaient deux fils glauques et glacés. Un homme entra pesamment avec le jour vert, un obèse qui s'appuyait sur une canne de bois précieux et semblait n,exister que pour montrer jusqu'où pouvait aller la peau humaine. Sur son justaucorps de laine bleue il portait une légère cotte d,armes d'un noir terne, faite de milliers d'écailles minuscules d,une incroyable finesse et imbriquées de façon à réfléchir les rayons cohérents. Un turban verdâtre dissimulait à moitié son visage moite, d,un

jaune huileux, et des boucles d'or pendaient aux lobes de ses oreilles. A sa ceinture étaient passés une dague ouvragée et un fulgurant dont une main aux doigts boudinés, couverts de bagues multicolores, flattait la crosse ivoirine comme on caresse une bête ombrageuse mais fidèle. Un Franc-Corsaire ! Les Zaktes le saluèrent d'un signe de tête, puis revinrent à leurs discussions félines. Rapidement, Sherk se remémora ce qu,il savait des Francs-Corsaires. Chassés il y avait longtemps des abords de la nébuleuse Tête de Cheval par les croiseurs de la Confédération, ils avaient essaimé vers d'autres confins. On les retrouvait en Transhékanie, en Argonée... et certai ns d'entre eux r azziaient pêriodiq uement l,Eridan ie. Raids, pi llages et trafics divers étaient leur vie. Malgré leur nom, c,étaient des pirates. Aucun d'eux ne se souciait d'obtenir une lettre de marque de I'Empire, du Libre Echange, de la Ligue ou de quelque Etat de moindre importance - et pourtant ceux-là ne marchandaient guère leurs patentes, car tous recrutaient éperdument des vitailleurs pour les lancer contre les arrières de leurs ennemis. Mais les Francs-Corsaires ne harcelaient les routes de I'espace au nom d'aucune cause, sinon la leur. Pirates, cela signifiait qu'ils attaquaient sans discrimination les vaisseaux qu,il leur semblait bon d,arraisonner, qu'ils fondaient sur n'importe quelle planète qui leur paraissait sans défense... lls tuaient et pillaient, simplement, sans jamais chercher à se justifier. Tous les craignaient, et ils ne redoutaient que la Garde Spatiale du 158


Libre Echange dont les rapides patrouilleurs êtaient les seuls à pou-

voir lutter de vitesse avec leurs nefs de proie. Et encore, pas longtemps... Nul ne s'y entendait comme un Franc-Corsaire à semer un poursuivant.

Les Confédérés orionides, dont Sherk portait toujours l'uniforme, étaient leurs ennemis de toujours. Les Francs-Corsaires n'avaient pas

oublié la destruction de leurs Mondes Libres par les forces libreêchangistes... Les yeux du gros homme, pareils à des billes noires entre les bourrelets de graisse, examinèrent rapidement la salle délabrêe. Sherk ca- \ i ressait avec nonchalance le bandeau de cuir rouge qui retenait le désordre de sa crinière blond%e+dré, puis il reposa l'avant-bras sur la j'r,. table. Ses muscles frémissaient comme d'impatience. Son autre main , ,, glissa en dessous et ouvrit la gaine du fulgurant de poing. Le lourd pistolet était une présence amie à son côté. Lui aussi avait un compagnon

quidonnait la mort. Hors cela il demeura immobile, hiératique,lesyeux bien ouverts, plus énigmatiques et pltrs durs qu'ils ne l'avaient jamais

été. Le fulgurant était réglé sur effet thermique simple et faisceau étroit, afin d'économiser la charge qu'un jet à pleine puissance eût épuisé en une seconde. Sherk n'avait plus qu'une cartouche d'énergie - celle qui était dans le radkpist - aussi devait-il en user avec prudence. Mais il lui en restait encore assez pour ce pirate et quelques autres,

s'il le fallait. Sherk resta figé, bloc ramassé de vigilance et de méfiance. Ses prunelles irradiaient un éclat cruel et acérê comme celles d'un lynx aux aguets. ll lécha sur ses lèvres devenues sèches un restant du goût sucré

de la bière. u Laisse

fouet.

ton arme, soldat ! " La voix claqua comme un coup de

Sherk sourit et posa son lügan sur la table, la main dessus. Prêt

à

ti-

rer. ll sourit derechef et regarda droit dans les yeux le nouvel arrivant,

pour le défier... u D'accord soldat, tu as raison d'être prudent... Le gros homme ti" ra un escabeau en soufflant comme un phoque et s'assit à la table de

Sherk.

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Alors on s'est engagé chez les Orionides, mais on a filé dès que ça a tourné mal. " Sherk tressaillit sous I'insulte. Un frisson de rage parcourut son corps dur et souple, comme autrefois, quand les næuds de l'escourgée lui faisaient flamber les reins. " C'était la mort ou l'esclavage, i'ai choisi la troisième solution , grogna-t-il, les yeux pareils à deux pierres vertes. Son ton évoquait le feulement d'un tigre qui retrousse ses babines sur la menace de ses crocs. u Tu as raison fils ! , souffla le Franc-Corsaire, conciliant. u Ces Arslanides, la nouvelle dynastie de Terra, sont de véritables démons ! Quand je pense à l'état dans lequel ils ont trouvê l'lmperium, à l'opposition des féodaux et des lettrés ! Au peuple qui se soulevait et qu'ils ont maté comme on dresse un chien. Sais-tu ce qu'ilvoulaitvraiment le peuple ? Du sexe et des jeux ! Les Arslanides lui en ont donné son content, jusqu'à ce qu'il en sue par tous les pores. lls ont ramené les provinces à I'obéissance, écrasé la Ligue de Sham à Rotanevet refoulé les Royaumes Humains dans leur Sagitée barbare. , ll fallait supprimer ces privilèges et franchises exorbitants que les Hanséates avaient extorqués jadis en profitant de la faiblesse de l'Em«

pire...

" lls l'ont fait ! En retour le Libre Echange occupe Achernar, prenant prêtexte des comptoirs fermês par Sol. Arslan lllvient de les corriger, ces porcs... Et Achernar retourne à la préfecture d'Eridan... Une bonne chose de faite pour Sol. , Sherk ne dit mot, il but une gorgée de sa bière - sans cesser de surveiller le pirate malgré la bienfaisante vague de chaleur qui apaisait la longue torture de son estomac. Oui ! il était grand I'Empire d'Arslan lll... l'Empire qui avait chassé un jeune noble innocent qui, à cause de cela, était mort en esclavage. Sherk se rappelait sa promesse, celle qu'il avait faite à Joris Spassky. La vengeance ! Châtier la Vieille Terre corrompue... Les glorieux empereurs avaient assis leur puissance sur la terreur et la servitude... La guerre aussi. lls savaient ce qu'ils faisaient quand ils avaient fermé le grand comptoir orbital de Sirius, puis celui d'Achernar. L'intervention confédérée devenait inévitable... Le Libre Echange avait réuni ses flottes, mobilisé les contingents des Mondes Associés, levé la taxe de contribution sur les compagnies hanséatiques... Et pris Achernar ! Achernar, qu'il ne pouvait garder et qu'il luifallait 160


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