Perspectives n°19

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Perspectives « L’Humanité » Journal fondé par Jean Jaurès – 18/04/1904 BP 14 63018 Clermont-Ferrand cedex 2

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Tel : 06 75 95 59 01 06 26 43 19 65 CCP : Amis de l’Huma n°07525668R024 J.O : 23.07.2011 n°947/3387

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hacun, comme à chaque fois que l'histoire fait irruption et surgit avec sa violence imprévisible, et que l'on sort de l'ordinaire, se souviendra où il était et ce qu'il faisait lorsqu'il découvrit l'horreur de ce massacre perpétré envers la rédaction d'un journal satirique, des policiers en fonction et les clients d'un supermarché juif. Quand la tragédie fait irruption sur la scène de l'histoire nous surprenant dans la banalité du quotidien !

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a tradition philosophique s'est toujours construite en marge ou contre la pensée religieuse. Chez les Grecs, l'affirmation du logos, la raison, se fait au détriment du mythos, le mythe, l'histoire que l'on raconte afin de donner un sens à la naissance de l'univers, au scandale de la maladie de la mort, du tragique de la condition humaine … c'est le paradoxe pascalien de la grandeur de l'homme qui découvre sa petitesse ; du haut de sa force, il se connaît dans son extrême faiblesse … Mais la force de la raison, c'est, par un long travail de Sisyphe, d'accéder à la vérité et de construire un monde de savoir. La connaissance s'oppose à la

croyance. Pour les artisans de la pensée rationnelle, scientifiques ou philosophes, juristes ou techniciens, la religion est une illusion qui peut s'avérer dangereuse dès lors qu'elle prétend se substituer à l'activité de la connaissance rationnelle. Le philosophe Ludwig Feuerbach affirmait que c'est sa propre essence que l'homme projette en Dieu. Après avoir été conçu comme étant à l'image de Dieu, c'est Dieu qui devient à l'image de l'homme ! Et lorsque Marx écrit ". La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple.", il cerne avec exactitude l'impact et le rôle du phénomène religieux. La Révolution française en proclamant l'existence d'une humanité universelle promeut l'unité du genre humain. Les religions se sont progressivement orientées vers un humanisme altruiste. Il demeure que les groupes humains, à travers leur culture, leurs pratiques sociales, les contradictions d'un capitalisme en crise qui utilise guerres et conflits comme outil de régénérescence … génèrent les pires

inquiétudes.

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'est une grande victoire de l'Esprit humain que de pouvoir transgresser des frontières, celles qu'imposent les dictatures de quelque ordre qu'elles soient. Tuer les dessinateurs de Charlie-Hebdo, c'est vouloir abolir l'art qui dévoile une réalité qu'il rend visible. Quoi de plus vain !

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l est un magnifique rêve de Grenade, celui d'Aragon, lorsqu'il évoque dans Le Fou d'Elsa l'Andalousie des trois religions monothéistes réconciliées. Mais le rêve s'achève dans le cauchemar d'une Inquisition victorieuse. " Et puis je sens se dessécher Ces mots de moi dans ma salive

C'est là le malheur pas le mien Le malheur qui nous est commun Épouvantes des autres hommes Et qui donc t'eut donné la main Étant donné ce que nous sommes" Jean Knauf, Président des Amis de l'Humanité


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a séance d’ouverture a bien auguré de la suite de la semaine avec notamment la projection du film lauréat de l’édition 2014 ‘Mon ami Nietzsche’ du réalisateur brésilien Fauston Da Silva et celle du film de René Vautier ‘Afrique 50’ que j’ai retrouvé le lundi suivant au Rio avec la chaleureuse présence de Michel Le Thomas D’abord le prix du public ‘Guy Moquet’ du réalisateur Demis Herenger (pr ogr amme franç ais n° 12) Bien sûr j’ai voté pour ce film, parce qu’il m’a touché par sa fraîcheur, son humour et aussi par sa pertinence par rapport à l’actualité de ce début d’année démontrant que cette jeunesse colorée des ‘quartiers’, des ‘banlieues’, n’a pas des aspirations différentes de celles des autres jeunes : quête d’amour, quête d’absolu, quête d’amour absolu, et de reconnaissance. Peut-être qu’en allant à la rencontre de ces jeunes (et moins jeunes !), et en retissant le lien social avec eux pourrait-on se prémunir de la répétition des dramatiques événements de ce début d’année ? Ce film est une belle contribution à ce travail. Ensuite le film ‘Les invisibles’ du réalisateur japonais Akihiro Hata (programme français n°6), astucieuse réalisation (tournée en Auvergne) qui nous fait pénétrer dans la réalité sociale de la vie des travailleurs du nucléaire, et illustre la casse humaine provoquée par leurs conditions de travail. Avec un zeste d’onirisme et une pincée de philosophie pour pimenter cela. Dans ce même programme un conte très drôle et très inventif du réalisateur Guillaume Rieu : ‘Tarim le brave contre l e s m i l l e e t u n e f f e t s ’ Collectivement aux programmes ‘vélo’ (rétro-pédalage), pratiquant et amateur de la ‘petite reine’ depuis mon enfance j’ai aimé et apprécié les différents films des 3 programmes consacrés à ce sujet, de qualité très homogène, approché sous des angles divers : historique (frères Lumière, Jacques Tati, Louis Malle, …), humoristique (L’école des facteurs, Paris Shanghai, Panique au Village, …). Tous ces films traduisent parfaitement la sensation de liberté totale et ce sentiment de faire partie intégrante de la nature par tous ses sens (contacts avec les éléments, le relief, les parfums, …) qui sont vécus par tout pratiquant de ce sport de cette activité. Non définitivement le vélo n’est pas un sport, n’est pas qu’un sport, c’est une façon de vivre, un art de vivre ! => Collectivement également aux programmes ‘Afrique’ et ‘Palestine’. Ces films ayant pour principal sujet la lutte des peuples de ces nations pour se sortir de situations de précarités liées aux conflits et/ou aux conséquences des colonialismes d’hier et d’aujourd’hui, nous interpellent. Ils nous confortent aussi sur la nécessité de faire corps avec eux pour une lutte commune, les prédateurs de nos pays occidentaux étant également ceux de ces pays du sud, d’Afrique, du Moyen-Orient et d ’ A s i e . Mention particulière au film de la réalisatrice Claire Savary ‘Sous l’arbre à palabres’ (programme Afrique n°1) film de restauration de la mémoire de la ‘grande époque’ coloniale française vu ‘du côté des vaincus’ et qui m’a amené à mettre en perspective ce film avec les réalisations de René Vautier et celles de Jean Rouch et a donné lieu à quelques échanges épistolaires avec Claire Savary.

Enfin les programmes ‘Court d’histoire’, ‘Carte Blanche ‘Politique’ et Collection’ sur Boris Vian. - Une belle rencontre tout d’abord lors de la séance ‘Court d’Histoire’ avec l’historienne Sylvie Lindeperg que j’avais découvert quelques jours avant en visualisant sur Arte la colossale série sur la shoah ‘jusqu’au dernier’, touché par son attachement à restituer la mémoire et l’histoire des ‘petites gens’ des ‘seconds rôles’ et sa conviction que je partage que ce sont ces personnes aussi qui font la ‘grande histoire’ et non pas uniquement les monarques, empereurs et autres généraux. La lecture des travaux des historiens américains ‘Howard Zinn’ (A people’s History of America) et Francis Jennings (The Founders of America) m’avait mis sur cette voie il y a q u e l q u e s a n n é e s . Pas étonné également que Sylvie Lindeperg et Ginette Lavigne cinéaste franco-portugaise (la nuit du coup d’état – nuit du 25 avril 1974) se soient retrouvées pour des réalisations communes. - De belles surprises dans le programme ‘Carte Blanche Politique’ avec notamment un film ‘bonus’ non annoncé de Jean-Gabriel Périot sur les Black Panthers ‘The Devil’ ; de ce même réalisateur ‘Eût-elle été criminelle’ avec des séquences communes avec le film projeté pour le ‘le court d’histoire’ ‘Journal de la résistance : la libération de Paris’ et enfin le film militant et historique de la cause féministe réalisé par Agnès Varda en 1975 ‘réponse de femmes : notre c o r p s , n o t r e s e x e ’ . - Pas déçu non plus par les différents films de la collection consacrés à Boris Vian (programme C2) ou l’on retrouve toutes les facettes de l’esprit, du génie !, de Vian, poésie, surréalisme, humour noir et décalé, iconoclaste, avec pour chacun de ces films la reprise d’une chanson emblématique du répertoire de Boris Vian interprét é p a r u n ( e ) j e u n e a r t i s t e .

Les déceptions Déçu mais pas surpris par l’appropriation du slogan ‘Je suis Charlie’ à des fins commerciales par l’un des principaux annonceurs du f e s t i v a l . Déçu et surpris, interpellé, par des films de réalisatrices mettant en scène des femmes en position dégradée, soumises, odieuses ou ridicules (‘Irene’ d’Alexandra Latishev programme International n°11 ; ‘No free Lunch’ de Leeron Revah programme International 1). OK le statut des femmes doit être amélioré et ces situations doivent être dénoncées, mais perçus au premier degré ces réalisations ne contribuent-elles pas à perpétuer dans nos esprits (surtout chez les ‘mâles’) et dans les faits de telles situations ?, telle est mon i n t e r r o g a t i o n . Ces films m’ont rappelé une autre réalisation de la même nature projetée à Clermont-Ferrand dans le cadre de la ‘Semaine du Cinéma Hispanique’ : ‘Pelo Melo’ film multi-primé de la réalisatrice Vénézuélienne Mariana Rondón de 2013.

Pascal DOYEN


René VAUTIER, « le petit breton à la caméra rouge » nous a quittés

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é le 15 janvier 1928 d’un père ouvrier d’usine et d’une mère institutrice, René Vautier est mort chez lui à Cancale le 4 janvier 2015. Membre des Eclaireurs de France, il mène sa première activité militante au sein de la Résistance en 1943, alors âgé de 15 ans, ce qui lui vaut la Croix de Guerre à 16 ans et une citation à l’Ordre de la Nation par le général de Gaulle en 1944 pour faits de Résistance. Après des études secondaires, il entre en 1948 à l’Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (IDHEC) d’où il sort diplômé . Militant du Parti Communiste, il réalise en 1950 son premier film « Afrique 50 », chefd’œuvre du cinéma engagé . Interdit pendant plus de 40 ans, ce film lui vaudra 13 inculpations et une condamnation à un an de prison pour violation d’un décret datant de 1934 signé Pierre Laval. Il est incarcéré à la prison militaire de St-Maixent, puis en zone occupée en Allemagne, d’où il sort en 1952 . En 1955, il réalise « Une nation : l’Algérie », histoire de la colonisation, qui lui vaudra d’être poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Entre 1957 et 1958, il tourne dans les maquis des Aurès , au péril de sa vie (il sera blessé 3 fois) , un film superbe : « Algérie en flammes » . Après l’indépendance , il est nommé directeur du Centre Audiovisuel d’Alger où il donne des cours pour former les algériens à l’image et leur permettre de réaliser eux-mêmes leurs films. De retour en France, c’est en 1972 qu’il est révélé au grand public grâce au film « Avoir 20 ans dans les Aurès » pour lequel il a obtenu à Cannes le prix de la critique internationale. Toute sa vie, caméra citoyenne et indignée au poing, René Vautier n’a cessé de s’engager contre le capitalisme , le patronat , le racisme. D’où tournages difficiles, montages clandestins, négatifs confisqués, commissions de censure, inculpations, condamnations, emprisonnements, grève de la faim, dégradation ou destruction des copies, séances de diffusion menacées, attentat . Voilà les actes qui ont accompagné le cinéaste et son œuvre, riche d’une cinquantaine de films ou documentaires et d’un livre : « Caméra citoyenne - Mémoires ». Avec l’aide de sa fille Moïra, elle-même cinéaste, une petite coopérative audiovisuelle a édité un coffret regroupant 15 films , dont « Avoir 20 ans dans les Aurès » en version restaurée. Préserver son œuvre est un devoir de mémoire car elle est un témoin précieux des luttes et des évènements de notre histoire récente. Malgré son âge et des problèmes de santé, René avait accepté plusieurs fois de faire le voyage jusqu’à Clermont pour présenter ses films et animer des débats . On garde de lui le souvenir d’un homme de conviction, courageux, simple et chaleureux , un camarade. Un hommage lui sera rendu au cinéma Le Rio le 2 février à 20H avec une présentation de cinq documentaires, en présence de Michel Le Thomas , cinéaste et ami de René. Gilbert BEAUMONT

Nos conférences Jeudi 29 janvier à 20h Stéphane VEYER

« Faire société : le choix des coopératives » Une réflexion sur la manière d’organiser le travail aujourd’hui et de promouvoir le modèle des coopératives ouvrières. Stéphane Veyer est ancien dirigeant de la société coopérative Coopaname

Amphi 2 — Fac de Lettre — Entrée libre

Jeudi 19 février à 20h Benoît Schneckenburger

« L’intelligence du matérialisme » Alors que nous assistons à un retour du religieux, faisons un effort de réflexion pour remonter aux sources du matérialisme afin d’en explorer toute la richesse analytique. Benoît Schneckenburger est agrégé et docteur en philosophie

Salle multimédia — Espace Georges Conchon 7 Rue Léo Lagrange


L'Humanité et l'Humanité Dimanche sont en grand danger. Des difficultés de trésorerie les menacent gravement. Pour faire face à cette situation, l'Humanité et ses équipes font appel à leurs lectrices et lecteurs, aux organisations progressistes et démocratiques, à toutes les personnes attachées au pluralisme des idées et de la presse.

Conférence des Ami(e)s de la Commune Véronique FAU-VINCENTI et Josiane GARNOTEL « Soirée Louise MICHEL» Vendredi 06 mars — 20h à 22h30 Salle multimédia — Espace G. Conchon — 7, rue Léo Lagrange

ADHESION 2015


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