Perspectives n°17

Page 1

N°1 7

1 5

N O V .

2 0 1 4

Perspectives « L’Humanité » Journal fondé par Jean Jaurès – 18/04/1904 BP 14 63018 Clermont-Ferrand cedex 2

amishuma@yahoo.fr http://amishuma63.over-blog.com

Tel : 06 75 95 59 01 06 26 43 19 65 CCP : Amis de l’Huma n°07525668R024 J.O : 23.07.2011 n°947/3387

C

'est peu dire que l'on vit une drôle d'époque ! D'un côté, le pilonnage médiatique incessant s'acharne à faire entrer dans les têtes que, peut-être, la gauche est morte ; de l'autre, le marché éditorial parle du retour de Marx et de l'actualité de sa pensée. En témoigne notre quotidien L'Humanité. Chaque jour, trois débatteurs échangent autour d'une thématique d'urgence qu'il s'agisse de la révolution numérique ou de questions environnementales. Chaque vendredi, L'Humanité des débats se présente comme un lieu, un moment de rencontre et de réflexion unique par sa qualité dans la presse d'expression française, du moins dans un quotidien.

I

l n'en demeure pas moins que l'état de la gauche est préoccupant. D'une gauche en plein accord avec Jaurès lorsqu'il écrit : "Seul le socialisme, en absorbant toutes les classes dans la propriété commune des moyens de travail, résoudra cet antagonisme et fera de chaque nation enfin réconciliée avec ellemême une parcelle d’humanité." La fuite de la majorité du Parti Socialiste vers le centre, les désaccords entre les composantes du Front de Gauche quant à la stratégie à adopter au moment des élections municipales, le manque de lisibilité des compo-

Le Temps de la Réflexion santes d'Europe-Ecologie-Les Verts … tout cela nous pénalise gravement. Et par conséquent, la droite extrême en quête de réhabilitation s'habillant des mots et des attitudes qui sont les nôtres comme si tout cela n'était pas qu'imposture fait les yeux doux à une partie de l'électorat de gauche. Mais tout se passe sur une scène médiatique dans un décor d'insécurité sociale permanente entre deux protagonistes, et deux seuls, un conglomérat socialo-centriste bien terne et une extrême droite en habits neufs ! Autant de raisons qui font que nous devons prendre le temps de la réflexion.

R

etour aux années 30 ? A cette différence près que les forces de gauche étaient infiniment plus combatives et moins résignées. Et puis, le contexte idéologique et politique était plus lisible, plus manichéen aussi : d'un côté, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne avec les menaces fascistes ; de l'autre, l'Union Soviétique et la promesse communiste d'un monde enfin dégagé des chaînes du servage ! Enfin, le croyait-on ! Aujourd'hui, le capitalisme triomphe partout. Il serait la fin de l'histoire, la fin d'une histoire sans finalité !

A

ujourd'hui, le temps qui passe modifie et transforme considérablement les humains, les cultures,

le champ des questionnements. Rien ne se passera plus comme avant. C'est pourquoi nous avons décidé d'ouvrir notre Perspectives à Espaces-Marx. Un petit groupe se réunit chaque mois à Beaumont et on y réfléchit, on y travaille, on y produit … mais dans la confidentialité. Deux ateliers ont ouvert des chantiers : un atelier Histoire s'est donné pour tâche de dépouiller les riches archives de la Fédération du Parti Communiste du Puy-de-Dôme afin de mettre en perspective toute une histoire vieille de bientôt un siècle. Un second atelier, Philosophie, réfléchit à la question de l'art. Nous avons donc décidé d'ouvrir nos colonnes aux comptes rendus d'Espaces-Marx afin de contribuer, à notre niveau, à l'avancement du débat et l'enrichissement des points de vue.

P

our cette première édition, Jonathan Boudet rend compte de la conférence passionnante de Marc Jennar sur le traité transatlantique de libre-échange, ses enjeux. Tous ceux qui ont eu la chance d'y assister sont unanimes quant à son intérêt. Puis, nous parlerons du concept d'aliénation dans l'œuvre de Marx. Le philosophe Lucien Sève met en évidence son caractère décisif


comme concept opératoire de notre compréhension du réel. Vous trouverez, comme à l'accoutumée, l'annonce des manifestations de nos amis du Temps des cerises et des Amis de la Commune de Paris.

V

enez nombreux au rendez-vous que nous vous fixons le lundi 1er décembre à un spectacle dédié à Jean-Jaurès, Eclats de voix. Crée à la Fête de l'Humanité, il a tout l'éclat de la jeunesse de ses interprètes et de leur créativité mêlant percussion et texte. L'affiche a été confiée à Maria Berlioz, artiste et graphiste lyonnaise. Pour le reste, accordons-nous le temps de la réflexion afin que l'action politique débouche sur quelque chose qui ressemble enfin à une promesse d'avenir. Jean Knauf Président des Amis de l'Humanité 63 Secrétaire-adjoint d'Espaces-Marx 63

Sur une lecture de l'ouvrage de Lucien Sève,

Aliénation et émancipation (La Dispute, 2012) En 2012, Lucien Sève publie à La Dispute, Aliénation et émancipation, un ouvrage par lequel il revient sur son désaccord avec Althusser. Celui-ci qui occupa une position dominante dans la pensée marxiste des années 60-70 affirma que le concept d'aliénation est abandonné par Marx dans son œuvre de maturité, Le Capital. L'aliénation est un concept sans fiabilité scientifique, la période du "jeune Marx". Depuis toujours, Lucien Sève s'est opposé à cette thèse et il propose 82 textes du Capital sur l'aliénation. En août 2013, au cours de l'Université d'été du Parti Communiste Français, il revient sur ces questions *

Trois concepts-phares sont au cœur du débat : aliénation, émancipation et communisme.

Si

l'idée d'aliénation demeure comme "dépouillement", "dépossession" du travailleur, il convient de la réactualiser, afin de penser les formes nouvelles que prend la crise contemporaine du capitalisme.

A l'opposé de l'aliénation fait pendant le concept d'émancipa-

tion. On a longtemps pensé dans la tradition marxiste marquée par le léninisme et le modèle de la révolution soviétique que l'émancipation était collective. Or Marx écrit en 1848, "le libre développement de chacun est la condition du développement de

tous" (Manifeste du Parti Communiste II. Prolétaires et communistes). Et pourtant tout se passe comme si on avait lu cette déclaration à l'envers. Troisième terme de la réflexion l'émancipation communiste. Selon Lucien Sève, le projet communiste doit s'emparer des domaines de l'écologie et de l'anthropologie car le genre humain est en grand danger.

Une réponse communiste consisterait en l'appropriation réelle de tous les niveaux par les acteurs sociaux eux-mêmes. Il y aurait des signes annonciateurs de cette appropriation "horizontale", critique du fonctionnement "vertical" des partis. Il faut favoriser ces actions de terrain et les réfléchir sur le plan théorique afin d'ouvrir le champ à une politique d'avenir. Mobilisons les intelligences ! Les actions de terrain, plurielles, en équipes, par quartiers, en groupes d'échange et d'informations peuvent déboucher sur des voies nouvelles. Jean Knauf * http://www.youtube.com/watch?v=FHV2rtEah9A

Conférences Amis du Temps des Cerises Jeudi 20 novembre - Jacques CAPLAT « Changeons d’agriculture» - 20h – Fac de Lettres — amphi 2 — 29 boulevard Gergovie. l’auteur explique quels ont été les choix scientifiques, économiques et politiques qui ont présidé à l’élaboration du modèle “conventionnel”, et démontre que d’autres choix tout aussi performants sont possibles. Il décrit alors les étapes d’une transition en s’appuyant sur la réalité de milliers de paysans passés de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique. Jeudi 4 décembre – Jean-Claude MAIRIAL « Peuple citoyen» -20h– Salle multimédia – Espace Georges Conchon. Enseignant et philosophe de formation. C’est en permettant à notre société d’être pleinement démocratique que nous favoriserons l’émergence d’une société plus solidaire, plus juste et plus respectueuse de l’environnement. Rien de bon ne pourra se construire sans le peuple, ni contre lui. La démocratie est donc plus que jamais le moyen et le but de tout projet de transformation sociale et écologique. Jeudi 11 décembre – Eric Hazan – «Une histoire de la Révolution française» - 20h – La Cour des 3 Coquins, 12 rue Agrippa d’Aubigné. Eric Hazan est éditeur et écrivain.


Le Grand Marché Transatlantique, ou la démocratie en danger Retour sur la conférence de Raoul Marc Jennar* Ne cachons pas notre plaisir. C’est devant une assistance nombreuse (près de 200 personnes), attentive et déterminée, réunie à la Maison du Peuple de Clermont-Ferrand le jeudi 30 novembre dernier, que le docteur en sciences politiques Raoul Marc Jennar est venu décrypter la menace que représente le GMT pour les peuples des deux continents européen et américain. Le 14 juin 2013, les 28 gouvernements de l’Union européenne ont demandé à la Commission européenne de négocier avec les ÉtatsUnis la création d’un grand marché transatlantique (GMT). Derrière ces mots anodins se cache la plus grande menace non militaire jamais lancée contre les peuples d’Europe. En une phrase empruntée au milliardaire américain D. Rockefeller, tout le danger de ce projet est parfaitement résumé : « Quelque chose doit remplacer les gouvernements, et le pouvoir privé me semble l’entité adéquate pour le faire » (Newsweek, 1er février 1999) En somme, il s’agit d’appliquer complètement tous les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui visent à éliminer tous les obstacles à la concurrence. Dans la littérature de l’OMC, les obstacles sont constitués par tout ce que le secteur privé considère, dans les Constitutions, les lois, les règlementations et les procédures administratives, comme « une discrimination à la concurrence » ou comme une disposition « plus rigoureuse que nécessaire ». Et l’article 3 du mandat de négociation du GMT réclame un « haut niveau d’ambition d’aller au-delà des engagements actuels de l’OMC ». Obéissant aux attentes des multinationales européennes, les 28 gouvernements veulent se mettre d’accord avec les États-Unis sur trois objectifs. 1) Tout d’abord, éliminer au maximum les droits de douane entre Union européenne et USA. C’est déjà presque fait, sauf dans l’agriculture où ils demeurent élevés. 2) Ensuite, réduire, voire éliminer ce qu’on appelle, dans le jargon, les barrières non tarifaires. C’est à dire le démantèlement complet de l’appareil législatif et réglementaire des 28 États de l’UE chaque fois qu’une norme est considérée comme un obstacle excessif à la libre concurrence. Et cela vise, aussi bien les normes sociales, alimentaires, sanitaires, phytosanitaires, environnementales, culturelles que les normes techniques. 3) Enfin, permettre aux firmes privées d’attaquer les législations et les réglementations des États quand ces firmes considèrent qu’il s’agit d’obstacles inutiles à la concurrence, à l’accès aux marchés publics, à l’investissement et aux activités de service. Elles pourront le faire, non plus devant les juridictions nationales, mais devant des groupes d’arbitrage privés, ce qui aura pour conséquence que les juridictions officielles (tribunaux, Conseil d’État) ainsi que le Conseil Constitutionnel seront dépouillés de toute compétence dès qu’une firme privée sera plaignante. Si ce projet est adopté, ce sont les firmes privées qui définiront progressivement les normes de la vie en société. Soumettre les pouvoirs publics aux firmes privées Lorsque qu’une firme privée considère que des normes sociales ou environnementales adoptées par les pouvoirs publics, au niveau national, régional, départemental ou local, sont plus rigoureuses qu’il est nécessaire ou constituent une entrave à la libre concurrence, l’article 32 du mandat de négociation instaure un mécanisme de règle-

ment des différends afin de permettre à cette firme d’introduire une action contre le pouvoir public concerné. L’article 45 crée un mécanisme identique pour toutes les dispositions de l’accord en négociation. De quoi s’agit-il ? Le mécanisme de règlement des différends est une structure privée d’arbitrage constituée au cas par cas, dont les arbitres ne sont pas des magistrats professionnels, mais des personnes privées désignées par les parties ; les débats ne sont ni contradictoires, ni publics. Il n’y a pas de procédure d’appel. Ce mécanisme ne peut en aucune façon être assimilé à un tribunal. Le modèle le plus connu en France est le groupe d’arbitrage créé pour le différend entre Tapie et l’État. On a vu ce que cela a donné. Mais d’autres exemples existent. Dans le cadre de l’accord de libre échange entre le Canada, les USA et le Mexique, cet ALENA dont le projet d’accord UE-USA en négociation est la réplique, un tel mécanisme existe. En 19 ans, le Canada a été attaqué 30 fois par des firmes privées américaines. Dans la majorité des cas, ces firmes contestaient des mesures introduites au niveau fédéral, provincial ou municipal en vue de protéger la santé publique ou l’environnement ou pour promouvoir des énergies alternatives. Il faut savoir que le Canada et le Mexique ont perdu toutes les plaintes déposées par les firmes américaines. Aucune des 22 plaintes déposées contre les USA par des firmes canadiennes ou mexicaines n’ont abouti. Les négociations devraient durer jusqu’en décembre 2015. Ensuite le résultat sera présenté à la ratification des 28 Etats membres de l’U.E. Il est encore temps pour l’action. Un argument de poids est souligné par le conférencier. Toutes les études qui ont été menées sur l’impact économique de ce GMT montrent les effets dérisoires sur la croissance et l’emploi. Les 5 instituts libéraux qui ont travaillé le sujet s’accordent pour dire qu’il y aurait seulement 300 000 à 800 000 emplois créés pour un gain de de 0,5 à 0,8% de croissance. Et tout ça à l’horizon….2025 ou 2029! Dérisoire en comparaison des 27 millions de chômeurs que compte aujourd’hui le continent européen! L’exemple de l’ALENA est là aussi criant. En 20 ans, ce sont les faibles salaires mexicains qui ont tiré vers le bas les salaires états-uniens et canadiens. En 20 ans, le Mexique est devenu importateur de denrées agricoles alors qu’il était l’un des principaux producteurs de maïs au monde. Entre 3 millions et 5 millions de paysans ont perdu leur emploi. La signature des USA n’est pas digne de foi! Nous sommes prévenus et nous conclurons avec Raoul Marc Jennar en disant « il appartient à chacune et à chacun d’entre nous que nous n’ayons jamais le GMT! ». Et pourquoi pas en créant dans notre département un collectif anti-GMT comme il en existe déjà des centaines en Europe. Jonathan BOUDET * Vous pouvez réécouter cette conférence (http://www.mixcloud.com/amitempsdescerises/legrand-march%C3%A9-transatlantique-une-menace-pour-les-peuples-deurope/). Pour aller plus loin, vous pouvez lire le blog de Raoul Marc Jennar (http://www.jennar.fr/)


Célébrer JAURES « Eclats de Voix » Lundi 1er décembre - 20H30 à 22H Maison de la Culture—Salle Boris VIAN

Les Amis de L'Huma organiseront un spectacle intitulé "éclats de voix" à l'occasion du centenaire de l'assassinat de Jean Jaurès. Il s'agit d'un spectacle conçu et joué par les membres de la Compagnie Inouïe. Le comédien Benoît Marchand lira des extraits du discours à la jeunesse prononcé à Albi en 1903 par le tribun socialiste sur une musique jouée par le batteur Eric Groleau. La billetterie sera ouverte à partir de 20h à la Maison de la Culture. Les places vous sont proposées au tarif de 10 euros (précaires, étudiants, membres de l’association) et de 15 euros. Vous pouvez évidemment réserver vos places en écrivant à l’adresse mail suivantes : amishuma@yahoo.fr

ADHESION 2014/2015


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.