aArchitecture: armes, amour, action

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aARCHITECTURE

Armes, Amour, Action

aarchitecture.wordpress.com


aARCHITECTURE : armes, amour, action

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“…il s’agit de “trouver de nouvelles armes”, c’est à dire de les forger, et de telles armes, qui doivent être très effilées, sont d’autant plus difficiles et dangereuses à manier. Dans le domaine de l’esprit, la forge de l’arme, que l’on nomme concept, et la pratique de cette arme, qui est d’abord logique, ne sont pas séparables. Intégrer un concept, c’est “apprendre à vivre”, vivre signifiant ici exister, c’està-dire à la fois penser et oeuvrer. C’est, autrement dit, se transformer soi-même, c’est faire de soi-même le théâtre de la lutte aussi bien que la forge.”01

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Bernard Stiegler, De la misère symbolique.

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Vivant

et

T

étudiant

l’architecture

à

Nancy, je cherche à élargir ma pratique

de l’architecture et a en questionner les limites. Chaque individu qui tente de saisir l’environnement dans lequel il

agit est confronté aux limites de son action et aux formes que prend structure

sociales dans lesquelles il agit. Pour

moi, être architecte signifie mener un travail

d’approfondissement

multifocal

d’explicitation des rapports que nous entretenons

avec

cet

environnement.

Multiple, cette démarche que je poursuis

s’ouvre au sortir des études à de nouveaux champs d’exploration et d’expérimentation.

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aRMES, aMOUR, aCTION Armes, Amour, Action est un programme : Programme d’une action architecturale dont la présente publication se veut présenter les motifs et les contours des prémices d’une pratique en devenir. Publication fragmentaire d’une pensée fragmentée, elle tente de présenter une partie du travail d’un jeune architecte encore en formation. Se lancer dans la pratique de de l’architecture, c’est mobiliser et questionner un ensemble d’outils et de methodes pour tenter de se positionner dans une profession en pleine mutation. aARCHITECTURE n’est pas un portfolio. C’est une manière de penser l’architecture et de la mettre en pratique. aARCHITECTURE n’est pas un manifeste, mais un programme que réalise Armes, Amour, Action qui met en oeuvre: Des Armes : L’architecture mobilise des outils et un ensemble de techniques liées à leurs usages. L’architecte se doit d’affuter ces armes et se forger à traver elles un sens aigu de leur maitrise. Support et média de sa pratique, elle lui permettent d’aiguiser son esprit et prendre une distance critique vis à vis de son travail. De l’Amour : Par la création, l’architecte se plonge dans un monde où les univers et les espaces se croisent, bifurquent et se réinventent constament. Monde imaginaire, il est la matière première dont se sert l’architecte au quotidient pour créer et réinventer chaque fois la possibilité de mondes investits de sens. Des Actions : La finalité de l’architecture vise l’action. L’architecte prend position dans le monde est vise à synthétiser l’ensemble de ses savoir pour agir sur et avec l’espace social qui l’environne. Art social par exellence, l’architecture doit être une action au quotidient comme vecteur d’un investissement des espaces.

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Description d’une projet de micro- Description of a project of architecture auto-construite. self-built micro-architecture.

P o r t r a i t Portrait of d’architecture a r c h i t e c t u r e

ARCHITECTURE F R A G I L E F R A G I L E ARCHITECTURE

S O M M A I R E C O N T E N T S

G

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Y

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générique Generic

MAUX LES MOMO DE poetry

MAUX MOMO

diplôme Diploma

project

pharmacologique. Pharmalogical architecture. fin d’étude Diploma project made Emma Schwarb. with Emma Schwarb.

de

de

project Manifest for an architectural action. Extract from the instruction of the diploma project made with Emma Schwarb.

diplôme Diploma

Manifeste pour une action architecturale. Extrait de la notice du projet de fin d’étude mené avec Emma Schwarb.

Projet

E L E C T R O C H O C ELECTROSHOCK

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Architecture Projet de mené avec

Projet

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D I P L O M ED I P L O M A

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Poème à composition mécanique. Poem with mechanical composition.

Poésie

LES DE

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de

project

with

Emma

Schwarb.

Projet

de

diplôme Diploma

project

LE GRAND MULTIPLE X PROJETS A LA CALIFORNIE

project

LE GRAND MULTIPLE X PROJETS A LA CALIFORNIE

diplôme Diploma

Anthropological analyse of an inhabited space. Extract from the instruction of the diploma project made with Emma Schwarb.

de

Analyse anthropologique d’une espace habité. Extrait de la notice du projet de fin d’étude mené avec Emma Schwarb.

Projet

ECOSYSTEMEE C O S Y S T E M

made

Program for a n architectural pharmacology. Extract from the instruction of the diploma project

diplôme Diploma

programme pour une pharmacologie architecturale Extrait de la notice du projet de fin d’étude mené avec Emma Schwarb.

Projet

I M M U N I T EI M M U N I T Y

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made

Schwarb

model

SPACE

Emma

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Etude philosophique de la notion de

autour Philosophical rythme. the notion

studie of

Travail philosophique Philosophical

around ryhtme.

work

L ‘ E S P A C EE U R Y T H M I C EURYTHMIQUE S P A C E

I

Maquettes en cire d’abeilles Beeswax models of Peter Zumthor’s de la chapelle Saint Nicolas Brother Klaus fieldchapel. de Flue de Peter Zumthor.

Maquette processuelle Procedural

with

Architectural intervention in a «grand ensemble» in which is in a process of urban renovation. Extract from the instruction of the diploma project

L ‘ E S P A C E WAX DE LA CIRE

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Intervention dans un quartier de grand ensemble en cours de transformation. Extrait des planches du projet de fin d’étude mené avec Emma Schwarb.

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Intervention

urbain Urban

intervention

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PA R K ( I N G ) - D AY PA R K ( I N G ) - D AY

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documentary becoming of architecture

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Reportage photographique Photograpic sur le devenir mutant de on mutating l’architecture industrielle. industrial

R e p o r t a g e P h o t o g r a p h i c photographique d o c u m e n t a r y

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CONTRE-ESPACE CONTRE-ESPACE

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architectes

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&

a private Nancy with

project

F

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architectes. Bagard

Luron

Luron

&

stage Internship of in

de

F LIBRAIRY

Construction d’une bibliothèque Building privée à Nancy avec Bagard librairy

Projet

BIBLIOTHEQUE

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place

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d’occupation Action of occupying a parking space de parking

d’écoquartier Project of green neighbourhood

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Projet une

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d’école Schoole

de bibliothèque pour Project lecture constellée for a

Projet

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of dotted

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library reading

work

BIBLIOTHEQUE L I B R A I R Y

Projet de parc habité dans un Project of ihabited park in a ancien site industriel à Nancy. encient industrial site in Nancy.

Projet

U T O P I EC O N C R E T E C O N C R E T EU T O P I A

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C’est face à une double schizophrénie que se trouve l’architecte de notre temps. Il se trouve à l’intérieur de lui-même inclut de manière causale dans le devenir du monde, et connaît maintenant consciemment le caractère dangereux et destructeur que revêt sa profession. Cela le met dans un premier état qui fait de lui son propre prédateur, et

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d’un autre côté il se retrouve dans la situation où ses moyens d’appréhender le monde le mettent dans l’impossibilité de connaître l’essence des liens de causalité qui régissent le monde dans lequel il agit. Ainsi, il se retrouve aveugle aux réels problèmes que soulève sa profession. Le monde dans lequel l’aArchitecte agit est la zone, et cette zone recouvre l’entièreté du monde et l’entièreté de son agir. De cette situation l’aArchitecte doit se mettre en mouvement intérieurement, et se mettre à l’écoute de la zone. Il devra tirer les conséquences et les finalités de son voyage, et analyser en profondeur les modalités d’action qu’il en tire. 13


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Nous nous sommes installés dans un appartement sale. Nous avons rampé au sol et balayé les plafonds, nous avons acheté de la peinture blanche et avons redonné une jeunesse à des murs plus âgés que nous. Nous avons trouvé du bois dans la rue et nous avons envahis le salon de palettes. Nous avons transformé notre appartement en atelier de menuiserie où nous avons improvisé avec nos petites mains des petites choses que nous avons installé dans nos chambres. Nous avons fait des croquis pas finis sur des feuilles volantes. Nous avons respiré la poussière en mangeant des pâtes. Nous nous sommes fait des échardes en montant des structures coincées entre le sol et le plafond. Nous avons acheté du feutre pour ne pas abîmer l’appartement avec nos petits objets en bois puis nous avons fermé les espace avec des fenêtres et des rideaux. Nous avons installé nos affaires dans les petites chambres faites entre deux maquettes d’architecture et nous y avons dormi. Nous y avons lu et baisé, dormis et fait l’amour. Nous avons trop bus et dansé. Nous avons lu et joué de la musique. Nous avons cuisiné et mangé, nous avons rangé et balayé. Nous avons réparés nos vélos et nous avons fait des nuits blanches. Nous avons joué de la musique en invitant des amis. Nous avons fait un million de gestes insignifiants mais qui voulaient dire quelque choses. Nous avons essayé de nous comprendre. Nous avons vu qu’il n’y avait rien à comprendre, et nous avons continué à faire des millions de gestes insignifiants dans notre quotidien fragile et silencieux.

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We settled ourselves in a dirty flat. We crawled

along

the

floor

and

swept

the

ceilings, we bought some with peint and we renewed walls olders than ourselves. We found some wood in the street and we invaded the living room with paletts. We transformed our flat in woodwork workshop where we improvised tiny things with our tiny hands Nous avons transformé notre appartement that we put in our bedrooms. We

made

sketches

on

loose

sheets.We

breathed dus while eating pastas. We

get

splinters

structures

between

while the

building

floor

and

the

ceiling. We bought felt not to damage our flat with our tiny wood things and we closed the places with windows and curtains. little

We

put

bedrooms

our

effects

build

in

between

our two

architectural models and we slept there. We read and fucked, slept and made love there. We drunk too much and dance. We read

and

played

music.

We

cooked

and

ate, we cleaned and swept. We repaired our bikes and we made sleepless nights. We

made

a

million

of

insignificant

gesture but who said something. We tried to

understand

each

other

but

we

saw

that there was nothing to understand, and

we

continued

to

make

million

of

insignificant gestures in our fragile and silent everyday life. 14


Pièce étroite Salon

Chambre Entrée

Salle-à-manger

Salle d’eau

W-C

Escalier immeuble Cuisine

Chambre

W-C

Buanderie

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S’isoler dans le salon Optimiser la pièce étroite Diviser la chambre

Habiter la chambre existante

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Pièce/meuble

Dédoublement du sol Cellule de vie Aménagement interstitiel

Complément de mobilier

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Mezzanine

Fermeture de l’espace

Structure séparative

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Les Maux de MoMo D

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écrire décrire des mots des maux mots morts d’écrire des mots des maux aARCHITECTURE : amour

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comme ça comme ça comme ça comme ça

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Nous, Emma et Guilhem, jeunes étudiants en architecture sommes intervenus dans le quartier de la Californie, à Jarville-laMalgrange. Quartier de grand ensemble typique de la reconstruction, il est actuellement l’objet d’une rénovation urbaine sous convention ANRU. Cette entreprise met en cause l’environnement de la vie, et c’est le rôle de l’architecte qui est en jeu. Munis comme seules armes des outils d’observation et d’un potentiel d’imagination, nous avons tenté de nous positionner dans cette grande machine à transformer le monde. Ce projet est une construction multicéphale et multiple autour de la question de la rénovation urbaine, et constitue une réflexion et une expérimentation autour des outils dont dispose l’architecte et comment, avec eux, il peut se positionner dans un environnement complexe. Sont ici présentés des fragments de ce drame en trois actes que constitue ce projet qui est à la fois analyse anthropologique, programme théorique et action architecturale. Electrochoc théorique.

est

Immunité est d’intervention.

un un

O Us, Emma and Guilhem,young students in architecture, took part in the discrict of La Californie, in Jarville-la-Malgrange. This «grand ensemble» district, typical from the reconstruction, is actually the object of an urban renovation under ANRU convention. This enterprise implicate the life environment, and it is the role of the architect that is at stake. Provide as only weapons observation and a potential of imagination, we tried to take one’s stand in this big machine which transform the world. This project is a many-headed and multiple construction around the question of urban renovation, and constitute a reflection and an experiment around the tools which the architect dispose and how, with them, he can position himself in a complex environment. Fragments of this drama in three acts are presented here which constitutes this project which is at the same time an anthropological analysis, a theoritical program and an architectural act.

manifeste

Electroshok manifesto.

programme

Immunity program.

is is

a an

theoritical intervention

Ecosystème est une analyse anthropologique de lieux habités.

Ecosystem is an anthropological analysis of inhabited places.

Le grand multiple, x projets à la Californie est une création architecturale

Le grand multiple, x projets à la Californie is an architectural creation.

L’ensemble constitue un manifeste de pharmacologie architecturale.

All of it constitue a textbook of architectural pharmacology.

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C L’architecture n’existe pas. L’architecture est la condition de la vie humaine, l’environnement qui lui permet de se développer. Si il a été longtemps possible de penser que l’homme érigeait des systèmes habitables qui avaient tendance à se détacher du monde pour instaurer un régime humain artificiel, il devient clair que c’est en tant qu’écosystème global que l’architecture se développe. Dans cet espace l’architecte a un rôle majeur. Il est un élément qui participe activement à l’ensemble de ces changements majeurs et en constituent la forme et la nature. Dans cette situation l’architecture n’existe pas dans l’absolu, mais est incluse dans des circonstances et des réseaux de relations dans lesquels elle se déploie, se forme et se transforme. C’est dans ce tissu contextuel et transitionnel que l’architecture tire son sens, sa cause. La vie se développe en perpétuelle relation avec ce contexte, noue et renoue des relations et des situations, forme l’espace au fil des jours. Fin et moyen de la vie, l’architecture est le fruit et l’objet de cette prolifération. Prothèse technique à la condition naturelle, l’architecture s’articule avec le vivant comme environnement fondamental de la vie. Elle est la condition de

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O la domesticité de l’homme, le cadre de sa domestication, pour reprendre Peter Sloterdijk. Ainsi, l’architecte est un architecte en jeu car son travail est l’enjeu de la condition de la vie, sa nécessité. C’est dans cette dialectique entre le contexte et la tendance à la domesticité que l’architecture se déploie. Pour l’homme architecte qui construit sa domus, sa maison, la condition primordiale est la nudité, la faiblesse dans un contexte qui fait défaut. La domestication ne peux se faire que par l’architecture, et c’est en tant qu’elle fait défaut dans le contexte naturel que l’homme construit son architecture, pour pouvoir se construire. Je reprends ici la thèse développée par le philosophe Bernard Stiegler selon laquelle l’homme est ce qui n’existe pas, ce qui fait défaut, qui n’a pas de racine. Confronté à son défaut d’origine, l’homme construit. Il construit un environnement qui fait défaut, un défaut qu’il lui faut, dans le sens où il est ce qu’il lui faut. L’architecte contextuel est alors fondamentalement en état de choc, en crise, en défaut d’architecture. Ses constructions sont des prothèses nécessaires à la vie domestique, qui se constituent après-coup, comme remède à une 27


situation de crise. Ces prothèsesremèdes, objets techniques de l’être technique qu’est l’homme, et pour reprendre la thèse de Bernard Stiegler, sont ce qu’il appelle des pharmakon, comme il l’explique dans le dictionnaire d’Ars Industrialis, l’association qu’il préside, sont autant des remèdes à des situations de crise que des crises potentielles liées à leurs usages. «En Grèce ancienne, le terme de pharmakon désigne à la fois le remède, le poison, et le boucémissaire. Tout objet technique est pharmacologique : il est à la fois poison et remède. Le pharmakon est à la fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin, au sens où il faut y faire attention : c’est une puissance curative dans la mesure et la démesure où c’est une puissance destructrice. Cet à la fois est ce qui caractérise la pharmacologie qui tente d’appréhender par le même geste le danger et ce qui sauve. Toute technique est originairement et irréductiblement ambivalente : l’écriture alphabétique, par exemple, a pu et peut encore être aussi bien un instrument d’émancipation que d’aliénation. (...) La pharmacologie, entendue en ce sens très élargi, étudie organologiquement les effets suscités par les techniques et telles que leur socialisation suppose des prescriptions, c’est à dire un système de soin partagé...» 1 Ainsi, l’architecte médecin est dans une situation critique où il doit autant prendre soin du contexte dans lequel il intervient que des objets qu’il crée. Sa pratique s’avère alors par essence remise en cause. Il se rend compte que les

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enjeux de cette architecture sont précisément la remise en cause de lui-même et de la légitimité de son action. L’enjeu d’un tel positionnement tient dans la possibilité et le déploiement de cette architecture, en tant qu’il la faut, ainsi que dans la nature de la composition entre contexte et projet. La prise de soins demande de clarifier la nature des relations qui se créent entre contexte, prothèse et la pratique de ces différents espaces. Bernard Stiegler parle d’une organologie pour penser ces relations, qu’il défini ainsi : «Ce terme est dérivé du grec « organon » : outil, ap- pareil. L’« organologie générale » est une méthode d’analyse conjointe de l’histoire et du devenir des organes physiologiques, des organes artificiels et des organisations sociales. Elle décrit une relation transductive entre trois types d’ « organes » : physiologiques, techniques et sociaux. La relation est transductive dans la mesure où la variation d’un terme d’un type engage toujours la variation des termes des deux autres types. Un organe physiologique – y compris le cerveau, siège de l’appareil psychique – n’évolue pas indépendamment des organes techniques et sociaux.» 2 Cette organologie se doit alors de permettre de comprendre de quelle nature est la relation que nous entretenons à l’espace, en prenant en compte des différents espaces physiques, sociaux et psychiques. Intervenir de cette manière revient à comprendre comment ces différents espaces se relient, et comment ils influent sur la constitution du projet. Ainsi prendre psychiquement soin d’un habitant en situation de détresse 28


dépend de la manière dont il se met en relation avec son environnement, comment il s’identifie autant à son cadre bâti qu’a lui-même tout autant qu’au groupe social qui l’accompagne, ainsi que la manière dont ces relations se créent. Ainsi, c’est d’une imbrication d’espaces, d’échelles, et de mondes différents qu’il est question pour l’architecte contextuel. C’est de ce point de départ que nous tentons de nous situer en tant qu’architectes pour notre projet de diplôme. Nous tentons de situer une attitude, une manière d’être architecte, et de la tester, de la mettre en oeuvre. Mais ce diplôme n’est qu’une «occasion», une situation prise dans un contexte plus grand. Il est un temps fort mais court d’une démarche en devenir que nous comptons développer plus avant dans la suite de nos parcours respectifs et communs. Cette position que nous essayons de tester dans notre projet détermine fondamentalement quelle est la nature de l’intervention, c’est-à-dire le site et les problématiques internes à son contexte, qu’une attitude de se comporter en architecte, c’est à dire comment nous pensons prendre soin des espaces dans lesquels nous intervenons. Ainsi, nous tentons dans ce projet d’articuler différentes strates de réflexion pour tenter de nous positionner dans un contexte difficile et symptomatique des espaces que nous héritons de la modernité. Avec comme armes un ensemble de pratiques qui croisent art, architecture, anthropologie, sociologie, journalisme, écriture. Cette ensemble se regroupant sous la notion présentée plus haut de pharmacologie. Cette idée de pharmacologie, soit la pensée d’un usage de la technique comme outils de création de circuits de

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relations sociales favorisant le déploiement d’une vie attentionnée et habitée, est le noeud de la réflexion que nous menons en projet pour ce diplôme. Cette idée de pharmacologie fut fondamentale dans le choix du sujet. Partant du principe que l’environnement technique est l’environnement originel dans la définition de l’espace et des villes contemporaines, et que cette situation rend la responsabilité de l’architecte critique, nous nous sommes mis en quête d’un sujet nous mettant en situation d’intervenir sur des espaces surdéterminées impliquées fortement dans la définition de vies et d’identités. Cette idée de pharmacologie, parce qu’elle induit une prise de soin, une attention particulière aux usages et aux pratiques qu’elle implique, est un outil clef pour comprendre l’espace contemporain que la modernité nous a laissé, et permet de penser un ensemble de pratiques et une manière de créer des circulations entre les différents organes qu’elles mettent en oeuvre, autant psychiques, physiques que sociaux. Ainsi sous cette notion nous pouvons situer une attitude et un positionnement de notre pratique de l’architecture qui regroupe des interrogations théoriques ainsi qu’une véritable mise en pratique dans le réel. 1 Ars Industrialis, Dictionnaire, http://arsindustrialis.org/ pharmakon 2 Ars Industrialis, Dictionnaire, http://arsindustrialis.org/ organologie-générale

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I E Les antibiotiques, c’est pas automatique. Développer une pratique thérapeutique est pour un architecte une question primordiale. Héritière d’un monde en décomposition, notre génération doit trouver à l’intérieur de celui-ci ce qui peut permettre qu’il se préserve et réinvente sa propre immunité, sa propre santé. Si les constructions des grands ensembles au lendemain de la guerre était un remède nécessaire à une misère architecturale et urbaine extraordinaire, leur médecine antibiotique n’a toujours pas été assimilée par les systèmes immunitaires du corps urbain et social. Victimes d’une stigmatisation persistante, ces quartiers sont les bouc émissaires faciles d’une ville qui peine à se renouveler. Les projets de rénovation urbaine, s’ils se veulent plus doux et moins autoritaires que les grands projets de la reconstruction, restent des machines programmatiques très lourdes, aux budgets colossaux et dont la chaine de décision reste très hiérarchisée. Les tentatives d’articulation de la population et des acteurs de la construction sont encore très faibles et les projets se réalisent à une échelle dépassant largement le cadre de la vie se déployant dans ces morceaux entiers de ville. Dans ce projet nous pensons qu’une

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homéopathie architecturale est nécessaire et possible dans ces territoires urbains pour repenser la manière de faire des villes. Nous pensons que l’établissement d’un procédé alternatif est possible pour réorganiser les relations qui se tissent entre le bâti et les habitants, entre les concepteurs et les récepteurs, entre les subjectivités qui se rencontrent dans ces processus de transformation et de renouvellement urbain. Nous développons dans ce projet ce que nous pourrions appeler une écologie de l’esprit, dans le sens où nous pensons qu’une écologie, une logique des écosystèmes est possible en favorisant l’établissement de systèmes immunitaires architecturaux, sociaux, urbains actifs. Nous pensons que c’est en faisant d’abord une écologie de l’esprit qu’une écologie architecturale et sociale est possible dans un contexte urbain et sociologique difficile. Nous pensons que la participation à la production symbolique, qu’elle passe par des réseaux physiques ou psychiques, de la ville et de la société est un élément qui permet de passer d’une thérapeutique active à une thérapeutique passive. Ne pas guérir de l’extérieur mais permettre à une immunité de se créer de l’intérieur est une voie plus sure pour l’établissement d’une valeur supérieure de la vie dans un espace habité qui peut arriver 30


par là à développer ses propres forces pour habiter et construire le réel. Nous prônons une urbanité de la contribution plutôt que de la consommation et nous pensons que cela peut être un levier pour que la vie se développe de l’intérieur et prenne des forces à mesure qu’elle construit son environnement. Nous pensons qu’il est plus pertinent de travailler sur des petites échelles pour permettre que les grandes évoluent de manière saine dans le sens où le renouvellement urbain doit se faire dans un temps long et qu’il soit le fruit de la contribution. Convoquer des petites échelles et permettre qu’une évolutivité de ces structures puisse être possible nous semble une piste pour que le corps social et urbain puisse assimiler les effets toxiques liés aux grands ensembles tout en préservant au maximum ce qui en fait les qualités. Pour cela il est nécessaire de constituer une organologie architecturale spécifique et c’est ce à quoi nous nous sommes attardés pendant une bonne partie du temps du projet. Nous avons arpenté le quartier, découvert ses spécificités dans un temps long nourris d’observation et de rencontres avec les différents acteurs présents sur le terrain. Ce temps de l’observation nous a per- mis de cibler certains points fondamentaux pour comprendre un peu de la vie qui s’y développe, et de la forme que prend ce développement. Nous avons alors pu croiser les regards avec différents techniques et différents outils afin de clarifier les usages et les pratiques sociales, spatiales propres aux différents lieux. La question de l’immunité et de l’instauration de systèmes immunitaires nous semble centrale pour penser l’espace contemporain

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et les transformations majeurs dont il est le théâtre. Sans refaire l’histoire de la modernité et de l’architecture, nous situons notre démarche dans une évolution de la conscience architecturale concernant la manière de projeter et de construire. L’espace contemporain est depuis la révolution industriel fortement défini par l’évolution technique et technologique. Si la modernité est avérée et que le discours révolutionnaire qui l’accompagnait s’est fortement trans- formé, les processus actuels sont héritiers de cette modernité qui se perpétue par la poursuite d’une évolution technique et technologique toujours croissante. Mais cette histoire est le fruit de différentes recherches, de tâtonnements, de réussites et d’échecs. Tout au long de cette histoire de l’évolution de la modernité, un ensemble d’acteurs on essayé de la domestiquer, de la comprendre pour assimiler ses effets radicaux. Il n’est pas question ici de faire une histoire de l’architecture, mais de cibler quelques repères qui nous on aidé pour penser une thérapeutique architecturale.

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Jarville, Californie. Situé dans la commune de Jarvillela-Malgrange, en Lorraine, dans la continuité de l’agglomération nancéienne, le quartier de la Californie est une quartier de grand ensemble typique de la reconstruction des années 60-70 en France. Se situant sur un ancien site industriel, le quartier s’étend le long du canal de la Marne au Rhin. Ses longues barres de béton se dressent fièrement sur la berge face au vieux quartier constitué le long de l’axe historique de la ville. Elles constituent un ensemble composé de construction parallélépipédiques aux infimes

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variations qui se développent en archipels sur un long terrain horizontal continu et ouvert. Cet ensemble bâti s’articule à la limite entre la ville constituée et le grand paysage que découpe la Meurthe bordée d’arbres. Ce grand paysage est marqué par la présence de l’autoroute, entrée de la ville de Nancy où circulent une grande quantité de voitures. Ce paysage plat est habité par 2216 vies qui se constellent en une infinité de cellules de vies presque toutes identiques. Trois typologies de constructions principales organisent l’espace en une composition plastique selon une alternance régulière. Des tours, des barres forment un maillage ouvert de volumes sous la lumière et des établissements publics se placent dans des vides stratégiques au coeur de ce vaste champ urbain. Certaines barres se coudent, d’autres préservent une stricte ligne droite. Certaines sont surélevées, d’autres articulent difficilement dans leurs rezde-chaussée des logements, des garages, des halls d’entrées. Quelques excroissances au sol bordent de quelques dizaines de centimètres de haut les logements qui s’y glissent en de timides cours privées. Entre ces monstres de béton et le territoire se nouent tout un ensemble de relations, de tensions qu’il est très difficile de caractériser. C’est l’enjeux 32


de notre travail que de repérer, comme le disent Jean-Marc Stébé et Hervé Marchal, les lieux des banlieues et de trouver à l’intérieur de ces écosystèmes, autant paysagers, architecturaux, sociaux, psychiques, techniques ou naturels, ce qui fait sens dans le devenir de la vie foisonnante qui s’y développe. Ce territoire est caractérisé par de fortes déterminations physiques, autant paysagères, urbaines qu’architecturales. Ces déterminations constituent l’identité du quartier. Il revient à nous d’en comprendre la nature.

Cité archipel. La Californie se caractérise par une insularité qui en détermine les contours à différentes échelles. Que ce soit à l’échelle du grand territoire, de celle de ses limites propres où de sa morphologie interne, la Californie est un grand archipel urbain qui s’installe dans le territoire urbain et paysager. Cette insularité, cette manière d’occuper le territoire détermine la manière dont il est habité, et c’est cette dimension là que nous avons retenu et qui a grandement défini la manière dont nous avons développé notre projet. Nous avons tenté de nous situer entre l’urbain et l’humain, entre le construit et le l’habiter pour tenter de comprendre le mode de fonctionnement du quartier dans les interrelations qui se nouent entre les vies et le béton, dans les franges qui se nouent entre les lieux. Cette insularité se décompose en plusieurs échelles significatives, qui donnent au quartier sa morphologie qui la singularise fortement dans l’ensemble du territoire.

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Tout d’abord à l’échelle du grand territoire la Californie se situe au carrefour d’un ensemble d’éléments paysagers forts qui structurent l’ensemble de l’agglomération du grand Nancy. Située au sud de Nancy, le quartier prend place entre la Meurthe, le canal de la marne au Rhin, la voie ferré ainsi que proche de l’autoroute A330 qui débouche à la tête du quartier sur la départementale 674. La ville de Nancy s’est développée dans son rapport à l’eau, dans une relation de mise à distance/conquêtes des berges de la Meurthe et c’est le long de la Meurthe que Jarvillela-Malgrange s’est développée, le long de l’axe historique de Nancy. La ville de Jarville est caractéristique d’un tissu urbain qui s’est constitué dans le temps le long de son axe principal en se construisant petit à petit sur lui même. En marge de l’agglomération du grand Nancy, Jarville et plus encore la Californie font partie de ces franges urbaines aux frontières de la ville qui ne se sont pas encore intégré au tissu urbain général. La Californie est un morceaux de territoire qui s’individualise dans l’ensemble de ces éléments urbains et paysagers. Elle y côtoie ainsi les infrastructures autoroutières, les dépôts de bus, les friches industrielles et les zones commerciales qui y ont vu le jour. Île solitaire dans le grand paysage, la Californie doit alors se confronter à ces grand espaces vides et peu qualifiés. Ainsi la Californie est une île en marge du tissu urbain qui s’isole dans le paysage par une série de limites fortes. Mais ce qui caractérise fortement le quartier de la Californie, outre son isolation du reste du paysage urbain, est la caractéristiques propres de sa forme urbaine. Composé 33


d’un ensemble de construction architecturales indépendantes, l’ensemble urbain constitué de la Californie forme un archipel de béton dans un espace public horizontal. Des tours et des barres se constellent dans un ensemble composé d’îles architecturales habitées. L’ensemble est composé par un principe géométrique clair qui s’est adapté aux caractéristiques du site en profitant des perturbation géométriques pour donner un mouvement à chaque édifice. Ainsi, l’ensemble est une composition de barres et de tours dans laquelle chaque bâtiment prend sa propre orientation et son propre rapport au reste du site.

Principe de composition général. Au nord un ensemble plutôt renfermé à la tête du quartier délimité par de hautes barres le long de la route, par deux barres aux bords des berges surélevées et fermées au sud par une barre transversale. L’ensemble crée un îlot plus fermé. Les édifices s’encrent sur le sol au nord avec des rez-dechaussée accueillant quelques timides logements qui n’arrivent pas à habiter le sol. Les barres le long du canal profitent d’un beau positionnement, mais n’arrivent pas à profiter de leur installation en bord de canal, et malgré une opération de résidentialisation récente, leurs rez-de-chaussé surélevés sont délaissés. De même pour le bâtiment qui ferme l’îlot au sud, qui s’isole maladroitement le long de la voirie, et qui voit ses rez-de-chaussée mal adossés au nord à la cour de la ludothèque qui découpe l’espace central de sa solitaire limite. Ces rezde- chaussée voient, comme les bâtiments le long des berges, des

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caves empêcher d’assoir sur le site ces monstres de béton. C’est dans cette partie du quartier qu’une barre est vouée à la destruction dans les mois à venir contre laquelle nous prenons position. La partie centrale du quartier se voie constitué d’une toute autre façon. Bordé au nord par l’axe central routier qui traverse le quartier vers l’autoroute, emprunté par bon nombre d’automobilistes tout le long de la journée, et qui donne à voir le quartier dans la perspective de sa traversé. Partie du quartier organisée longitudinalement, sa traversée propose un ensemble de façades qui organisent la profondeur en différentes limites urbaines. Ces limites organisent alors l’espace vide longitudinal. Pour l’instant peu qualifié, cet espace au centre du quartier peine à trouver son sens et est actuellement en restructuration avec le mail central qui vient d’être réaménagé en place principale. À l’emplacement d’une tour qui a été démolie prend place un parking semi sauvage provisoire en attente d’un projet. L’ensemble souffre d’une ambiguité créée par la barre centrale qui coupe l’espace en deux, empêchant une hiérarchisation de l’espace. La logique compositionelle en barres et tours structurant un espace uniforme et continue trouve ici ses limites. Une ville demande des lieux, et ces lieux s’organisent par des hiérarchies et des orientations. Sinon l’ensemble qui s’organise sur les bords trouve une certaine logique urbaine pour l’instant pas mal mise en valeur, mais qui peut trouver son sens dans une requalification douce. La dernière partie du quartier est le négatif de la première. 34


Organisée de la même manière avec un bâtiment transversal qui l’isole un peu du centre et par une grande barre le long de la route, l’ensemble créé est très ouvert, d’autant plus depuis la destruction de deux longues barres qui s’installaient autrefois le long du canal. L’ensemble crée un espace très ouvert, fuyant vers le grand paysage qui rentre fortement dans le quartier. Ces espaces qui flottent sont occupées au centre par deux édifices publics qui aimeraient bien donner la centralité qu’une école pourrait prendre dans un quartier social, mais leur géométries solitaires ne structurent rien, tout comme les limites de leurs cours qui errent au milieu d’un espace vide mal délimité. Il est fondamental de comprendre les caractéristiques physiques de ce quartier, qui d’après Jean-Marc Stébé et Hervé Marchal représente l’archétype du quartier de grand ensemble hérité de la reconstruction en France, pour penser toute intervention urbaine. Particulièrement insularisé à différentes échelles, le quartier se caractérise fortement par cette idée. Île urbaine dans le grand paysage, délimité par des limites fortes, elle est occupée par un archipel urbain qui se constelle selon une logique formelle très forte qui crée des formes urbaines très structurées autant que peu habitées et hiérarchisées. Le statut des espace est très difficile à cerner, et l’espace urbain qui entour ces îles de béton est souvent très mal défini. Des tours et des barres dans le vide peu entretenu est un peu la figure principale de cette forme urbaine. Ce est

frontières mais des limites, des marges qui créent des transitions entre un espace et un autre. Une île n’est pas un découpage de la mer, elle est une plage qui limite des bords. Abruptes ou douces, ces limites structurent un ensemble continu de paysage. Nous pensons que ces bâtiments fonctionnent de la sorte, refusant la parcelle, le découpage du sol pour créer des limites composées dans le territoire plat, sorte de mer métaphorique peu qualifiée. Et c’est de la qualité de cette limite que ces îles peuvent créer un rapport avec le site, articuler des hiérarchies qui leur seraient propres. La question des espaces intermédiaires se pose alors ici de manière primordiale. Comment articuler les transitions entre le public et le privé, les marges dans lesquelles se créent les rapports sociaux ? Nous pensons qu’il est nécessaire de donner de l’épaisseur à ces limites pour permettre qu’une vie se déploie dans ces marges pour l’instant résiduelles qui se trouvent à différentes échelles dans le quartier. De la porte du logement aux berges du canal, un ensemble de limites se développent, et notre projet tente de les requalifier pour transformer en douceur la morphologie de la ville. Ces marges se veulent des espaces en plus qui permettent aux pratiques habitantes de se déployer et trouver de l’espace. Nous avons pour cela analysé les usages et les pratiques sociales dans le quartier pour tenter de comprendre la manière dont ces îles sont habitées.

qui caractérise une île qu’elle ne possède pas de

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Kaléidoscope, Regards croisés sur un quartier : Au travers cinq rencontres, nous avons pu recueillir des témoignages provenant de regards différents sur un même territoire. Ces cinq protagonistes portent chacun leur propre regard façonné par leur expérience proche ou lointaine du quartier, leur sensibilité, leur formation et le rôle qu’il joue ou on joué au sein de ce quartier. A partir de ces témoignages nous avons reconstitué un dialogue imaginaire, qui pourrait avoir lieu entre ces différents acteurs du quartier. Il propose une idée multiple, qui se reflète dans chaque regards, dans chaque vison personnelle. Nous avons tenté de cerner ces échos, ces résonances. Le bruit de la Cali. -Audrey Dony est responsable construction neuve et réhabilitation pour la mmH. -Karim Chebli est Médiateur chargé de la relation avec les locataires au sein de l’agence locale de la mmH à Jarville. C’est un enfant de la Cali, il habite le quartier depuis 1978. - M. Jager est le président de l’association de défense des consommateurs et locataires de Jarville. Il habite le quartier depuis 1967, deux ans après sa construction. -Shahrazad est Médiatrice sociale pour le ser- vice de cohésion social de la commune de Jarville-la-Malgrange. Elle est sur la Cali depuis 13 ans dont 5 en tant que médiatrice. -M. Stébé est un professeur de sociologie à l’université de Lorraine, il est un des pionniers de la sociologie urbaine. Il a participé de 2006 à 2007 à la consultation « cadre de vie » concernant la rénovation urbaine du quartier de la Californie.

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La rénovation urbaine : destruction, re-construction, rénovation ?

-Shahrazad : Le quartier de la Californie comme il est constitué actuellement a perdu beaucoup de ces habitants avec la rénovation urbaine. C’est le but comme pour tous les projets de rénovation urbaine sur les zones sensibles : c’est d’ouvrir le quartier sur les autres quartiers de la commune et, géographiquement parlant, sur le canal d’un côté et la Meurthe et le Grand Nancy de l’autre. -Audrey : Finalement sur les 1000 logements du quartier il y en a seulement 333 qui sont détruits. Ce qui a été décidé dans la carde de la loi, c’est qu’il y aurait plus de mixité donc si on détruit 333 logements, c’est pas pour reconstruire les mêmes. Il était prévu qu’il y ait de la mixité, du commerce, des logements en accessibilité, de la promotion privée à la place de la tour détruite et des commerces et de l’activité en façade sur la rue. -Karim : C’était pas réalisable comme projet, les tarifs des logements n’étaient pas adaptés aux gens du quartier. Y a beaucoup de précarité ici. C’est pas possible pour eux d’acheter un logement à 130 000 / 140 000 euros... et puis les gens extérieurs ne voulaient pas venir. « et pourquoi avoir choisit la destruction-reconstruction plutôt que la rénovation pour les grandes barres qui fonctionnaient plutôt bien ? »

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-Audrey : Pourquoi on choisit de reconstruire ou de réhabiliter, y’a des questions qui se sont posées. Bon on était financé à 100% pour démolir par l’ANRU. Et puis on avait la possibilité de reconstruire du neuf donc de renouveler notre parc aussi. On a quand même un parc très vieillissant de 14 000 logements qui n’est plus très attractif. -Karim : La destruction à la basse c’était surtout pour l’image du quartier. C’est vrai que c’est vendeur comme image le logement en bande à la place des grandes barres. Mais après y avait plein de petits trucs : des fenêtres qui ferment mal, les locataires avaient du mal à chauffer, des problèmes de bruit... -Audrey : Ce que tout le monde veut c’est changer l’image du quartier, c’est des choix avant tout politiques. -Shahrazad : C’est vrai qu’on a des problèmes de trafics, de sécurité, de décrochage scolaire ... mais comment on fait ? Je pense pas que se soit en venant avec les gros moyens, on casse, on éparpille la population, qu’on va arranger les choses. « A propos du projet de rénovation, on s’intéresse à la manière dont il a été perçu et appréhendé par les habitants » -Karim : La crainte, c’est de savoir que le quartier allait changer et le devenir des locataires, où ils vont aller, qu’est ce qu’ils vont devenir, quel logement ils vont avoir, y’a des locataires qui ne voulaient pas aller dans du neuf pour avoir le même type de logement qu’avant. Faut pas que ça change trop pour les anciens du quartier.

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-M. Stébé : Les personnes sont majoritairement informées de l’opération de rénovation urbaine mais de façon assez imprécise, la plupart d’entres elles ne sachant pas effectivement ce qui va être réalisé, excepté la démolition de certains bâtiments. Cela peut s’expliquer en partie par le fait que le « bouche à oreille » est le vecteur principal d’information entre les habitants. La question du relogement est source d’angoisse en ce qui concerne son propre avenir ; c’est d’autant plus vrai lorsque l’on habite depuis longtemps au sein du quartier de la Californie. Cette crainte trouve son origine dans la peur d’un relogement à l’extérieur sans retour possible. Le retour des délogés : preuve d’un attachement fort au quartier -Karim : Y a des familles qui sont la depuis la création, y’en a qui sont parties faire leur vie en dehors du quartier mais la plupart re- viennent car ils ont leurs parents ici. Y’a des familles, si y avait pas eu de démolitions, elle seraient toujours dans leur logement d’origine. Y a d’autres locataires qui sont là depuis pas longtemps, eux ça a pas posé de problème pour les reloger, mais ceux qui sont là depuis longtemps voulaient rester sur le quartier. Y a eu un attachement au quartier et à leur logement, c’est un repère. Y a beaucoup de travail pour reloger ces familles qui sont là depuis longtemps, elles voulaient rester sur le quartier, on en a reloger pas mal dans la barre en face des terrains de foot.

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-Shahrazad : L’étude qui a été faite en 2007 a démontré que beaucoup de gens n’était pas attachés à leur quartier ou en avait cette idée que c’était une cité dortoir alors que c’était tout à fait le contraire. Avec la première opération on a commencé à chambouler la vie du quartier alors c’était plus ou moins calme à ce moment. Quand on a touché un peu au bâti et à cette identité là, on a trouvé que les habitants étaient pour la plus part très attachés à leur quartier. Ceux qui sont parti restent encore en contact avec le quartier. Ils ont quitté la commune, mais ils reviennent. Beaucoup de familles qui ont déménagées dans une commune limitrophe réalisent qu’avec ce déménagement elles ont perdu en qualité de vie. Peut-être que le bâti n’était pas terrible ou beau mais ils n’ont pas retrouvé cette qualité de vie. Ça tenait au travail qui a était mis en place, aux actions sur le terrain, le tissu associatif. -M. Jager : Les gosses qui sont partis là-bas ils reviennent jouer ici car ils n’ont pas de jeux. Dès qu’y a un rayon de soleil, ces gosses sont ici, sur le city stade, même s’il est un peu délabré. -Shahrazad : Après voilà la Cali a brassé tellement de monde et tellement de familles qui restent, mais elle aussi un côté très turnover : y a des jeunes couples qui ne font que passer et veulent fonder une famille ailleurs et ceux qui sont nés à la Cali et qui ont leur famille ici et qui sont très attachés au quartier. Ça dépend de l’histoire de chaque famille. -M. Stébé : Au terme de la consultation « cadre de vie », nous sommes en mesure de proposer une typologie de la population de

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La Californie en quatre groupes : 1/ 2/ 3/ 4/

les les les les

Désaffiliés Dissidents Enracinés Consensuels

Transversalement à ces groupes, il existe une ligne de fracture entre ceux qui sont installés de longue date et relativement bien insérés, et ceux qui se sont installés à la Californie « par défaut » et qui sont d’une certaine façon « captifs » de leur logements HLM. Une autre ligne de démarcation traverse ces quatre groupes : d’un côté il y a les ménages qui ont des revenus modestes, et de l’autre des ménages qui sont dans une situation de grande détresse économique. C’est ainsi que la rénovation urbaine est perçue de façons différentes d’une famille à l’autre selon des variables à la fois économiques et sociales : opportunité de quitter le quartier pour les Dissidents, risque de désenracinement pour les Enracinés, et anxiété pour les Désaffiliés.

L’identité « Cali-Village » : la vie collective, identité, image et solidarité. -M. Stébé : On a pu observer que certaines familles d’anciens du quartier sont dans une très large majorité très attachées au quartier, tant du point de vue des relations qu’ils y ont nouées que du lieu lui-même. Ces Enracinés ont globalement une image positive de leur quartier ; certains disent même qu’ils ont « envie de le défendre », se sentant eux-mêmes blessés, voire injuriés, dès lors qu’une mauvaise image du quartier 38


est véhiculée dans les médias ou dans les représentations communes des habitants du centre-ville par exemple. « Au départ on voulait travailler uniquement sur le projet de la barre mais on s’est rendu compte que la Cali c’était pas un morceau de ville mais qu’il y avait vraiment une unité, c’était plus comme un village. » -Shahrazad : Oui vous ne pouvez pas prendre la Cali partie par partie, il faut la prendre dans sa globalité, c’est comme un squelette qui se construit. Par ce qu’ après ça risque de flouter votre vision. Ici, la vie du quartier c’est surtout tout ce qui est vie d’un quartier populaire, y a une grande diversité et mixité dans la typologie de famille. A la Cali 1 y avait beaucoup de familles étrangères très nombreuses. Un peu moins du côté Cali 2 où on retrouvait plus une typologie de famille française, des familles nombreuses et des personnes seules qui vivent dans les studios. Avec le recul, la partie Cali 1 était la plus calme du point de vue sécurité. -Karim : Jarville c’est petit, tout le monde se connaît bien. Quand on met en place la fête du quartier ça marche bien. -Shahrazad : Il y a une vie collective très forte, par le passé, il y avait les fêtes de quartier au mois de juin. C’était quelque chose de très positif, y avait des spectacles, après les gens faisaient un barbecue. C’était des moments très importants qu’on a un peu perdu faute de financements. -Karim : Après l’école ça aide aussi : les enfants se fond des copains et ça fait se rencontrer

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les familles. -Shahrazad : Si y un coeur à travailler à la Cali c’est vraiment la place qui mène à l’école. L’école a un rôle très important dans la vie du quartier. -M. Stébé : D’après nos observations, nous avons repéré l’existence d’une certaine solidarité interlocataire qui parvient à s’imposer en dépit de l’individualisme ambiant et des nombreux départs de locataires du quartier. Cette solidarité peut être perçue, à certains moments particuliers, comme les sorties d’école, la fréquentation des bancs sur la place centrale ou les fêtes de quartier. Il n’est pas rare de voir certains soirs d’été des petits groupes de personnes discuter aux pieds des immeubles ou sur les bancs situés au sein du quartier. -Shahrazad : Ici y a énormément de gens qui ont grandis dans le « système D » en s’aidant entre voisins. Une voiture par exemple, ça se répare pas forcément au garage, on peut de- mander un coupe de main au voisin ou au cou- sin. S’il y avait un garage social qui les aide- rait à s’organiser sur un planning et à gérer le matériel ça serai bien. Les prix seraient à la portée des gens d’ici. -Karim : Avant y avait ça, on avait des ateliers mécaniques : vélo et mobylette, menuiserie y avait des personnes qui nous encadraient et puis on tournait d’atelier en atelier. De remettre ça sur le quartier ça serait vraiment intéressant. Surtout qu’y a plein de gens qui bricolent ici. On pourrait faire ça avec une as- soc et donner des coups de main aux gens qui ne savent pas bricoler ou aux personnes âgées. 39


-Karim : On a aussi mis en place un service : quand y a des problèmes d’ascenseur. Avec des jeunes du quartier, on donne un coup de main aux personnes âgées pour montrer les courses. Ils ont un moment où ils doivent être là et ils sont rémunérés par la mmH. Les gens s’entraident entre eux. -Shahrazad : Un quartier comme la Cali, ce qui pourrait la sauver c’est que le tissu associatif se développe d’avantage et que les associations puissent travailler sur des projets communs et une certaine complémentarité. Le plus important c’est le bien être de l’habitant et que l’habitant n’hésite plus à aller vers les associations. C’est notre travail au quotidien de démystifier tout ce qui est culture, sport. -Karim : Moi j’ai eu la chance d’avoir eu des assos de quartier; y avait le Saloon, quand on cherchait quelqu’un on savait qu’il était là. Ils organisaient des activités, des chantiers jeunes ... tout le monde se retrouvait là-bas. Y avait jamais de problème ... Y avait une assos, ça serait bien d’en avoir d’autre. -M. Jager : Ben y aussi le problème de solitude, c’est un problème sociologique. Ils ont des difficultés à constater quels sont les gens qui sont seuls, si les familles s’en occupent alors personne ne s’en occupe. -Karim : C’est pour ça qu’on organisait des fêtes de quartier, pour que les gens sortent de chez eux et qu’ils se rentrent.

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S’ouvrir : -Drifa (médiatrice famille au centre de la cohésion sociale de Jarville-la-Malgrange): Ce qui est dommage c’est qu’on a pas beaucoup de service de proximité, il faut aller rue de la République pour avoir du pain. -Shahrazad : Sur la Cali y a quand même le dépôt de pain au tabac. Dans certain quartier y a vraiment aucun commerce. Et puis la passerelle de l’abbé Pierre qui a été mise en place, ça fait gagner du temps pour aller faire ces courses à l’inter ou au Lidl. Le fait de ne pas trop mettre de commerce à l’intérieur du quartier c’est pour l’ouvrir. Il faut pas enfermer les gens dans l’état d’esprit d’un village. En sortant de chez soi et de la Cali, à 100 mètres, on trouve une boulangerie, un boucher, un fleuriste ... c’est aussi pour le brassage. -Karim : C’est vrai que ça manque de petits commerces, ce qui marcherait bien et je l’ai toujours dit, c’est un marché. Connaissant les gens du quartier c’est sûr que ça marcherait. -Shahrazad : On a proposé l’idée de mettre en place un marché hebdomadaire sur le mail central au sein de l’atelier « cadre de vie ». Après est-ce que ça a été pris en considération ? Je sais pas ... Mais ça permettrait d’amener des gens extérieurs sur le quartier au moins une fois par semaine. « Ça pose quand même une question, parce que la Cali s’est quand même 2000 personnes. Pour un sociologue c’est déjà une ville donc forcément ça crée une identité, si on ouvre 40


trop on va perdre cette identité et ça redeviendra une cité dortoir, faut que les gens ils fassent quelque chose à la Cali. » -Shahrazad : Faire des choses s’ouvrir et tout ça, c’est une question de volonté, il faut que ça vienne des gens, qu’est-ce qu’ils veulent sur leur quartier ? C’est cette envie de s’épanouir et de se sentir bien sur son lieu d’habitation et en même temps de se sentir bien dans sa commune. La peur quelque part, c’est qu’il y ait ce communautarisme qui prenne le dessus. -Shahrazad : Par rapport au problème de la jeunesse, le problème d’un local pour les jeunes y en déjà eu. Toutes les équipes municipales ont eu la volonté d’en mettre en place mais le problème c’est que ces lieux se sont vite transformés en lieu de squatte et d’activités qui ne correspondaient pas aux statuts de l’association. Les jeunes qu’on a sur le quartier aujourd’hui sont confrontés à un problème d’identité. On a à faire à des jeunes d’origines étrangères qui voilà veulent faire les choses mais qui sont très mal formés pour gérer un association ; à un certain moment y a un amalgame entre bénéficier d’un local prêté par la collectivité et qui ne doit être utilisé qu’en fonction des statuts de l’association et se retrouver pour squatter. -Karim : On ne leur laisse pas une chance. Y a pas d’assoc pour les occupés, Du coup les jeunes ils squattent les halls, ils ont pas d’en- droit où aller. Ils ont pas les outils pour émerger. Y’a un manque. Sur Jarville comme structure pour accueillir des activités, y

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a l’atelier. On peut y faire de la musique, de la danse, ... Mais le problème c’est que les gamins d’ici ils y vont pas, ils ont l’impression d’être mal vue làbas. -Shahrazad : l’atelier, le centre socioculturel de Jarville doit normalement répondre à tous les quartiers. Mais après l’état d’esprit la résistance au changement et la victimisation fait que certains jeunes ne se sont pas approprié l’atelier comme espace d’expression. Après c’est sûr que l’état d’esprit de l’atelier ne correspond pas forcément à l’état d’esprit des jeunes du quartier. Mais quand on parle de stigmatisation, elle est dans les deux sens. Ces jeunes là quand il vont visiter l’atelier et qu’il se disent « waouh c’est un peu trop huppé pour moi » et de leur coté les gens qui travail à l’atelier ne sont pas prêts à recevoir cette population. Le changement de mentalité ne se fait pas du jour au lendemain. Pour ça l’accompagnement est primordial comme il y a de la résistance des deux cotés. On peut pas toujours jeter la pierre à l’état qui ne fait rien pour les jeunes,Il faut être très vigilant et ne pas se cacher toujours derrière la victimisation, quand cette génération va prendre ses responsabilités et se rendre compte que, derrière leur échec, c’est pas toujours l’autre, mais c’est aussi eux, ils vont émerger.

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Les espaces publics. -M. Jager : Y a des incivilités, parfois les gens jettent tout par la fenêtre. En ce moment c’est propre, ils ont nettoyé, juste avant que le Pré- fet vienne faire un tour dans la cité. Alors bon quand y a des personnalités comme ça qui passent ils font du nettoyage mais sinon ... Mais je suis surpris tout de même, je ne sais pas qui nettoie mais la place centrale reste propre. - Audrey : L’entretien des espaces publics c’est compliqué. Avant c’était la mmH qui était propriétaire de tout le foncier et donc responsable de tout l’entretien. Mais maintenant ce qu’on essaye de faire c’est de garder que l’espace au pied des immeubles et on rétrocède le reste à la commune ou à la Communauté Urbaine pour qu’ils les entretiennent. Toujours dans le but de réduire les charges pour les locataires. Si on est dans un quartier où y a pas de passage de voitures ou de piétons, on va essayer d’attribuer un jardin privatif en rez de chaussée. Pour l’aménagement, on réfléchit toujours à la manière dont ils vont traverser l’espace; ils vont aller au chemin le plus court, ça sert à rien d’aller dans des délires d’Archi : il faut regarder comment le locataire va se comporter. Nous maintenant on essaye de retrouver des limites qu’on comprenne quand on est chez nous ou pas chez nous, tout ça le locataire il le comprend aussi. C’est pas le cas dans les barres des années 60 où y avait la barre, les accès, les trottoirs, où on sait pas trop on peut se garer aussi, les parkings, ... « Nous l’idée c’est de travailler sur ces espaces là ».

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-Audrey : Y’a une problématique de réorganisation de stationnement, comment rentrer dans le hall, comment privatiser le pied d’immeuble, que se ne soit pas des grandes éten- dues comme il y en a beaucoup, ou on ne sait pas qui fait quoi qui entretien, qu’avec que de la pelouse ou il n’y a que les chiens et puis des papiers. C’est quoi mettre comme espace vert pour qualifier le truc, est ce que y’ a besoin d’un banc a un endroit par rapport aux pratiques observées. Le mail central. -Audrey : L’aménagement du mail central est issu d’une démarche de conservation avec les habitants. Ca donne ce que y a maintenant, avec les bancs en béton, quand c’est fleuri ça marche pas trop mal. C’est assez minéral, c’est pour ça que la ville à voulu faire un parc en face. -Shahrazad : Des choses très très positives en sont sorties, le débat a été travaillé : Entre le désir des habitants, le travail d’architecte et la faisabilité économique, le résultat, il est là. Avant la place centrale était peut-être un peu cradosse, mais elle était belle et toujours pleine. Y il avait les grands marronniers. C’était très représentatif du quartier dès qu’il commençait à faire beau, vous pouviez pas trouver un banc de libre. En début d’aprèm y avait les hommes et les grands parents qui ne travaillaient pas et qui venaient taper la causette. Ensuite c’étaient les mamans et les grand-mères qui sortaient avec les enfants. Bon y avait pas les airs de jeux mais les enfants se débrouillaient pour jouer et vers 5 h, c’était les jeunes qui 42


venaient prendre place. Maintenant voilà les gens sont déçus car les arbres ne poussent pas, les bancs en granite font très froids, y a pas un truc qui rassemble donc chacun doit trouver une moyen, les gens ramènent des chaises pliantes ... peu à peu et ils investissent à nouveau le mail. -Sonia, une habitante qui aime retrouver ces amies sur le mail central en début d’après midi : Moi je m’ennuie ici, il se passe vraiment pas grand chose. C’est calme, la journée il ne se passe rien y a personne sur la place, les gens ne s’arrêtent plus ils passent seulement. Bon après d’accord à 16h 30 y a la sortie des écoles et tout les mamans qui se retrouvent pour discuter pendant que les enfants sont à l’air de jeux, mais avant il ne se passe rien. Avant y avait toujours du monde sur la place. Moi j’aimerai qu’il y ai plus d’animation. Pourquoi y a personne qui joue aux boules ? Tiens je vais m’acheter des boule et y jouer. Ça donnera peut être des idées aux gens... Mais bon maintenant c’est plus que des étrangers, les boules et tout ça ça les intéresse pas. Par contre passé 20h-20h30 moi je sors plus. Ça devient dangereux, vous avez vu tous les cadavres de voitures grillées là derrière ? Y a plus de jeunesse, le soir il sortent, ils foutent le bordel toute la nuit mais la journée on les voit plus ils dorment,y a plus de jeunesse.

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Les espaces communs entre usage et usure: -M. Stébé : Bien qu’ils défendent avec vigueur une image positive de la Californie, les habitants bien insérés dans le quartier n’en dressent pas un portrait idyllique. Ils se montrent plutôt réalistes : montrant un attachement fort à leur lieu de vie, et en même temps énumérant ses désagréments. Parmi ces désagréments, l’état dégradé des parties communes est souvent mis en avant. Aux yeux des habitants, les interventions sur le cadre bâti et plus particulièrement la construction de logements neufs apparaissent comme une réponse limitée pour résoudre les problèmes d’incivilités et de délinquance au sein du quartier. Nombreux sont celles et ceux pour qui ces problèmes ne relèvent pas directement du bâti mais sont avant tout sont d’ordre humain. Non pas que chacun soit en conflit perpétuel avec son voisin mais il s’agit plutôt de critiques mutuelles et de processus de distinction envers l’autre qui ne partagent pas les mêmes manières de vivre et qui vit pourtant à proximité. -Karim : Comme dans tout les quartiers, on a des bâtiments qui sont squattés mais y a de la vidéo surveillance qui se met en place : un nouveau système avec des micros et des haut- parleurs pour qu’un agent extérieur puisse intervenir, ça fait peur aux gens. Mais ça dé- pend des immeubles. Y a des familles qui ne se laissent pas faire, dès que y a le moindre bruit ils descendent dans les halls et demandent gentiment. Il y a la communication, savoir discuter avec les jeunes et puis ça se passe bien.

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-M.Jager : C’est vrai que ça dépend des immeubles, dans la plupart des HLM le problème c’est les gens qui pissent dans les ascenseurs. Soit c’est les gens, soit c’est les chiens ? Ça c’est infernal ! Mais dans mon entrée ça se passait bien. Avec certains voisins on a regretté de se quitter. Y a un minimum de respect à avoir par rapport aux voisins, mais y a aussi des possibilités de se rencontrer, de pouvoir discuter dans l’entrée. -Audrey : Dans certains bâtiments de la Cali les gens se sont tellement bien appropriés le pallier qu’il y mettent leur meubles à godasses. « ça permet une tolérance entre voisins » -Audrey : Alors pourquoi pas prolonger les paliers pour y mettre la poussette du gamin ou tous les truc qu’il ne savent pas où mettre comme les vélos. Y a toute cette problématique : qu’est-ce qu’il font de leurs petits vélos, y en a même qui ont déjà monté leur scooter dans l’ascenseur. Logement : prend garde l’architecte ! - Shahrazad : Il faut être vigilant quand on veut construire dans les quartiers populaires de prendre en considération la typologie des familles et leur manière d’habiter. Les architectes quand ils construisent des logements parfois on a pas l’impression qu’ils ne prennent en compte les besoins des gens. Le séjour, la salle à manger, les chambres, la cuisine qui est séparée,c’est important ça pour les familles maghrébines d’avoir la cuisine bien séparée de séjour. « Nous on se demande ce que veulent les gens ici. 90% des français

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veulent avoir leur propre maison avec un petit jardin, ça doit avoir des échos ici ? » -Karim : Oui exactement, les gens veulent leur petite maison, ils veulent leur propre entrée, un petit jardin, un balcon. T’as aussi la question du rangement dans les logements. Les gens ont besoin de ranger leurs vélos, les jouets des enfants. Dans les nouveaux logements y a un salon, une cuisine, des chambres et rien de plus, les placards faut les construire soit même. -Audrey : Les gens les modes d’habiter ils veulent pas forcement plus d’espace, ce qu’il veulent eux c’est une bonne fenêtre, une VMC qui fonctionne bien, une porte palière bien isolée acoustiquement, des sols qui soient propres, un bon coup de peinture sur les murs mais l’agrandissement de logement oui quand on intervient avec des balcons sur l’extérieur oui ça marche bien, ils ont leur pièce en plus. -Audrey :Les architecte/maîtres d’œuvre, il faut essayer de se mettre à la place des gens qui vivent à dans le logement pour le concevoir. Shahrazad : C’est au bâti d’être au service de l’humain et non l’inverse.

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Après coup chez l’architecte. - « Bon alors... Avec toute cette matière brute, il y a de quoi faire !» - « Il y aurait mille projets à faire ici, il y a tellement de besoins, d’attentes. » - « Oui, et en même temps il y a vraiment des envies, de l’énergie disponible. Il y a une vrai vie de quartier, on dirait presque un village. » - « Il faut vraiment faire quelque chose de tous ces potentiel, faire émerger quelque chose avec tout ça. Les gens habitent vraiment ici, il faut leur donner les moyens pour que ça crée quelque chose... » - « Il y a tellement d’espaces disponibles, des espaces vacants, mais ils sont vraiment délaissé pour l’instant. » - « Mais ils sont habités, tous ces lieux, en tous cas potentiellement. Nous avons bien vu comment les gens investissent malgré tout leur espace vital, il y a de quoi créer des espaces pour toute cette vie. » - « Oui, nous baser sur ces pratiques, c’est fondamental ! » - « Nous avons de quoi structurer un projet, il y a tous ces vides, nous devons vraiment nous positionner dessus. Le projet actuel, il ne pense pas comment est habité le quartier, nous devons proposer quelque chose de différent. Si nous pouvons éviter de trop marquer le quartier, il ne fait pas le figer... » - « Lui laisser la possibilité d’évoluer, c’est clair ! » - « Si nous permettons aux gestes de la vie de prendre place, peut-être que le quartier pourra trouver sa propre forme, évoluer doucement. - « Oui, les usages peuvent densifier la ville, c’est eux qui sont les moteurs, s’ils arrivent à trouver une place. » - « Pour ça il faut leur donner les outils adéquats, et leur faire confiance. »

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Architecture homeopathique.

Homeopathic architecture.

Ce projet est le fruit du travail d’analyse présenté dans les travaux Electrochoc, Immunité et Ecosystème. Il est issu des postulats théoriques développés dans Electrochoc et s’inspire des stratégies d’actions exposées dans Immunité. Ces postulats et affirmations théoriques on été confrontés aux observations faites sur le terrain, ce qui a mené à une reflexion de fond sur la stratégie et les échelles d’intervention.

This project is the result of the analysis works Electroshock, Immunity and Ecosystem. It arises from theoretical postulates developed in Electroshock and it’s inspired by strategies of actions exposed in Immunity. These postulates and theoretical assertions were confronted with the observations made on site, what led to a thorough reflection on the strategy and the scales of intervention.

La question de la participation et la réfléxion sur les ecosystemes a mené à proposer un projet qui ne s’intéresse pas directement à la forme mais aux stratégies d’intervention pour penser une manière de permettre à une ville surdéterminée socialement et spatialement de se renouveler sur elle même.

The question of involvment and the reflection on ecosystems led to propose a project which is not directly interested about formal questions but more about the strategies of action to consider a way to allow a city socially and spatially overdetermined to be renewed on her even.

Manifeste pour une homéopathie architecturale, ce projet propose la requalification d’une grande barre d’habitation vouée à la destruction par le projet de renouvellement urbain.

Manifesto for an architectural homeopathy, this project propose the requalification of a wide housinf block fated to destruction by the project of urban renewal.

Le projet consiste à questionner le rapport qu’entretient ce monstre de béton avec son environnement urbain et social et proposer une manière de recréer une fluidité et une souplesse dans ces espace surdéterminé. De la voie de circulation au logement, le projet tente de questionner ces rapports d’échelle et redonner des épaisseurs aux espaces de transition en proposant des dispositifs d’assouplissement de ces limites autant spatialement que temporellement.

The project involve to interrogate the relations which maintains this concrete monster with its urban an social environment and to propose a way to recreate fluidity and flexibility in these overdeterminated spaces. From the traffic lane to the housing, the project try to interrogate these scales relations and to give back thickness to transitional spaces by proposing devices of softening of these limits so spatially as temporarily.

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Contexte Context

Dynamiques Dynamics

Acupuncture urbaine Urban acupuncture

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Marges Edges

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Coupe sur l’espace public central Section on central public space

Plan masse Ground plan

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Plan RDC Ground floor

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Etage courant Current floor

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Du parking au palier de la porte, tout une constellation d’espaces organisent les proximités, les ruptures, les continuités. Une barre d’habitation entretient avec ces échelles des relations très particulières. Découpant radicalement l’espace urbain en une limite radicale, elle juxtapose un grand ensemble de logements dans un espace fortement contenu dans une continuité bâtis de grande échelle. Se créent alors des confrontations fortes dans les rapports d’échelles. Le projet conciste dans la réinstauration de paliers entre ces échelles pour reconstituer des continuités dans l’ensemble des rapports d’échelles. Cela a été réalisé en gardant la typologie de la barre, en repensant sont rapport à l’urbain en créant des failles toutes hauteur à travers la barre. Au sol cela a créé des espaces de continuité, et aux étages les rapports de voisinage et l’utilisation des espaces communs on été repnsés. Changement de typologie et instauration d’une flexibilité structurelle pour anticiper des processus d’autoconstruction ou de transformation douce.

Immunité urbaine Urban immunity

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From parking to the door, an entire constellation of spaces organize the closenesses, the ruptures, the continuitys. A housing block have very particular relationships with these scales. Cutting radically the urban space in a radical limit, it juxtapose a large set of housing in a space strongly contained in a large building continuity. Strong confrontations in the relation of scales build up themselves then. The project conciste in the reinstauration of landings between these scales to reconstitute continuities in the whole of the relations of scales. It was realized by keeping the typology of the block, by thinking again its relation with the urban by creating faults on all the height through the block. On the ground it created continuitys, and in floors the neighbouring relations and the use of the common spaces we were thought in another way. Changing typologys and establish a structural flexibility to anticipate self-help housing and soft transformations.


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Rehabiter une structure surdéterminée: Propositions de typologies autour de paliers créés par le découpage de la barre. Réinterpréter la trame existante très rigide et offrir une plus grande flexibilité afin d’envisager d’autres manières d’habiter et des perspectives nouvelles de transforamtion des espaces. Re-inhabit an over-determinated structure: Proposals of types around landings created by the division of the block. Reinterpret the very stiff existing weft and offer a bigger flexibility to envisage other manners to live and new perspectives of transforamtion of the spaces.

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Grand-ensemble Grand-ensemble

Logement ouvert Open housing

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Village vertical Vertical village


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Ce projet est une analyse de la démarche que Peter Zumthor a élaboré dans la construction du projet de la chapelle Saint Nicolas de Flüe qu’il a construit dans les champs de Wachendorf en 2007. Ce projet ne s’intéresse pas à la reproduction fidèle de la forme de la chapelle. Sont ici reconsruits les processus performatifs de son élaboration en proposant, à l’échelle de la maquette, un rapport équivalent à l’expérience architecturale par les qualités propres de la cire d’abeille.

R This project is an analysis of Peter Zumthor’s approach which he developed during the building of Bruder Klaus Field Chapel he made in the Wachedorf’s field during 2007. This project does not interest in the faithful reproduction of the shape of the chapel. Are recreated the performative processes of its elaboration while proposing, at the model’s scale, an equivalent relationship to the architectural experience by the own qualitys of beeswax.

Projet de maquette par Brice JeanFrançois, Julien Klein, François Langlais, Clémence Merklen, Maxime Santiago et Guilhem Vincent, encadré par Joseph Abram et Alain Cardon dans le cadre du cour «Architecture Contemporaine – Critique et expérimentation» en troisième année de licence à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy.

Project of models by Brice JeanFrançois, Julien Klein, François Langlais, Clémence Merklen, Maxime Santiago and Guilhem Vincent, lead by Joseph Abram and Alain Cardon in the framework of «Contemporary architecture – Criticize and experimentation» lesson, In the third year of license in Nancy’s Architecture National Schoole.

Travail sur l’oeuvre de l’architecte Peter Zumthor. Réalisation d’un ensemble de maquettes en cire d’abeille de la chapelle Saint Nicolas de Flüe à Wachendorf. Echelle 1/33è.

Work on the Peter Zumthor’s work. Realization of a set of beeswax models of the Bruder Klaus field chapel in Wachendorf. Scale: 1/33è.

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E ATHIKTÉ Je ne sens rien. Je ne suis pas morte. Et pourtant, je ne suis pas vivante ! SOCRATE D’où reviens-tu ? ATHIKTÉ Asile, asile, ô mon asile, ô Tourbillon ! — J’étais en toi, ô mouvement, en dehors de toutes les choses…1 Introduction. Cet essai envisage d’introduire une certaine esthétique de l’habiter, pour situer la problématique de l’habitant et de sa participation à l’espace. Dans le cadre des précédents développements je me suis attaché à soulever les transformation que le devenir de l’espace contemporain fait subir à notre relation au monde et à l’architecture. Il s’agit ici d’introduire une réflexion sur la réappropriation de l’espace disloqué dans lequel la pratique de l’architecture contemporaine se réalise. Dans la suite du texte

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«écologie de l’esprit – Introduction à une pharmacologie générale», il s’agit de développer une pratique de soin de l’architecture contemporaine qui prenne appuis sur les énergies renouvelables définis alors. C’est de ces énergies de l’esprit qu’il sera question ici, au travers de l’analyse d’un bâtiment sous le prisme d’une certaine façon d’appréhender la notion de rythme, façon qu’il s’agit ici de préciser. Cette manière de penser le rythme tentera, aidé en cela par les développements de M. la. Guinzbourg, de dépasser la stricte définition du rythme comme structure en répétition et en variation. L’enjeu consistera à soulever la primauté de l’élément mobile dans l’édification d’une rythmique de l’architecture, et par l’analyse des notions de rythmos et d’eurythmie, de définir ce qui sera appelé un espace eurythmique. Il ne sera plus alors question d’une analyse structurelle et formelle des éléments architecturaux mais il s’agira de penser l’espace comme pratique, comme danse. Le rythme comprit comme pratique sera défini alors comme activité consistant à tenir des formes singulières et distinctes dans l’harmonie de leur singularité dans un mouvement d’amour de leur dynamique interne. Cette définition 71


Le rythme comme mouvement.

regard sur cette classification à postériori des formes rythmiques architecturales, et il convient alors d’approfondir le regard sur une définition plus précise de la notion de rythme et voir comment il se structure et apparait dans le champs de l’expérience globale de l’espace. Dans son livre Le rythme en architecture, M. la. Guinzbourg se base sur une double définition du rythme qu’il comprend d’abord d’après la définition du mot grec rythme qui signifierait écoulement, flux et donc mouvement. Il défini en premier lieu «l’essence de tout phénomène rythmique» comme résidant «avant tout dans le mouvement (le mot «rythme» signifie en grec «l’eau qui coule»).»2. Nous reviendrons sur cette définition quand il s’agira de qualifier la notion de Rythmos d’après les développements de Émile Benveniste. Mais dans un premier temps cette définition permet à M. la. Guinzbourg de définir le rythme comme organisation structurée de ce mouvement. «La dynamique du rythme dépend d’une alternance bien déterminée des éléments, de leur mouvement de progression. Un élément succède à un autre, et la corrélation entre ce que l’on perçoit à cet instant et ce que l’on a perçu l’instant précédent, constitue l’essence de la sensation rythmique.»3

Il est d’usage de comprendre le rythme comme une structure, dans le sens ou il serait une structure de répétition et/ou d’alternance d’éléments dans le temps. Cette idée permet de comprendre comment identifier le rythme en tant que construction, et est d’une certaine manière exacte car elle permet de définir comment se manifestent et s’organisent les structures constituées rythmiquement, du moins dans une très large part des usages effectuées du rythme dans l’ensemble des constructions humaines. Mais c’est occulter tout un champs d’investigation quand à la notion de rythme d’arrêter son

Cette première approche permet de comprendre les raisons que nous pouvons avoir à penser le rythme comme structure de répétition et d’alternance. En effet, il qualifie à partir de cette notion de mouvement le rythme comme constitué de deux éléments organisateurs de ce mouvement, le rythme activodynamique et le rythme statique. Cela forme la trame de ce que nous pouvons penser en tant que structure rythmique telle que qualifiée plus haut. Le rythme est alors la succession d’éléments statiques qui le constituent, qui sont d’une certaine manière fixe dans le temps et l’espace, en tant que «fonction» de celui-ci, comme il le précise

sera alors explicitée par l’analyse de la chapelle Saint Nicolas de Flüe construite à Wachendorf par l’architecte suisse Peter Zumthor. Cela aidera à comprendre comment cette définition de l’espace eurythmique permet de le comprendre comme création et recréation de formes en tant que participation esthétique fondamentale à l’espace. Il sera alors question de définir les matériaux qui constituent cet espace eurythmique vu comme participation active. Enfin, la définition de ce espace ouvrira sur une pratique globale de l’espace en tant que matériau plastique afin de servir dans un cadre plus global pour repenser la définition d’une pratique de l’espace contemporain. C’est à l’intérieur de ce renouvellement q’une écologie de l’esprit pourra alors viser à réconcilier l’espace contemporain à une pratique habitante de l’espace contemporain. Cette re-habitation sera alors à penser dans les cadre des enjeux qui sont ceux de l’architecture contemporaine, mais dans un premier temps il s’agit de se plonger sur les processus esthétiques à l’oeuvre pour une écologie de l’esprit.

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de chaque «pas» d’une danse. Le rythme activo-dynamique en est la «composition entière de toutes ces positions, (…) est une fonction temporelle…)4. Ainsi il qualifie le rythme comme constitution structurée de l’espace et du temps par des éléments construits. Cette base lui servira dans la suite de son livre pour développer son analyse du rythme. Il analysera alors le fonctionnement de ces principes de rythmes dans les formes géométriques simples et complexes, en relevant les caractéristiques rythmiques de ces formes. Cette méthode lui permettra ensuite d’analyser des oeuvres architecturales diverses, en partant des formes primitives de l’histoire de l’architecture jusqu’aux manifestations les plus récentes. Il attachera beaucoup d’importance à soulever les principes forts des phénomènes rythmiques qu’illustrent certaines oeuvres majeurs de l’architecture, et formulera alors certaines règles fondamentales et récurrentes dans la formations des édifices architecturaux. Ces règles permettent de donner autant une méthode de composition rigoureuse et fondamentale pour l’architecte soucieux de l’équilibre formel de ses constructions qu’une théorie fondamentale pour penser l’équilibre d’un édifice architectural. Il permet d’orienter le regard sur les forces rythmiques internes aux formes architecturales et ouvrir sur des règles applicables à l’ensemble des édifices de l’histoire de l’architecture. Cette première étape dans l’analyse du fait rythmique permet de dépasser d’un peu la définition introductive, en situant sa construction comme structure du temps et de l’espace organisant un mouvement. Il s’agit alors de revenir sur cette définition du rythme comme écoulement, et c’est ce que le texte de Émile Benveniste propose, en ouvrant sur une définition qui permettra de rentrer plus en profondeur dans une définition du rythme.

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Le Rythmos. Dans son texte Problème de linguistique générale, 1, Émile Benveniste revient justement sur cette définition du mot rythme en grec. Sans rentrer dans les détails de son analyse, il critique la signification lié à l’écoulement de l’eau comme origine du mot rythme. Il propose alors la formulation de Rythmos qui serait plus près de l’idée originelle de rythme. Le mot rythme ne signifierait pas directement écoulement mais forme. Cette forme serait comprise comme «la forme distinctive, l’arrangement caractéristique des parties dans un tout.»5 . Cette précision lui permet de définir un peu différemment les notions de rythme statique et de rythme activo-dynamique que M. la. Guinzbourg développe, . Il apporte en ainsi en plus de la notion de dynamique des compositions et des éléments architecturaux de M. la. Guinzbourg la notion de forme distinctive, singulière dans un tout. Cela semble impliquer que au delà d’un «moment» fixe dans un écoulement de temps, la forme rythmique constitue un moment unique, une forme singulière isolée dans un ensemble. Il va jusqu’à introduire la notion de disposition comme manière de penser le rythme comme forme. À la page 332 il précise la définition qu’il fait de la forme rythmique. Il parle de «forme distinctive; figure proportionnée; disposition.»6. Cette forme serait alors un agencement, une composition propre. À partir de là il réintroduit la notion de rythme dans sa compréhension comme flux, comme mouvement. La disposition constitue une forme singulière unique dans un mouvement. Ainsi il qualifie le Rythmos comme désignant «la forme dans l’instant qu’elle est assumée par ce qui est mouvant, mobile, fluide, la forme de ce qui n’a pas de 73


consistance organique : il convient au pattern d’un élément fluide, à une lettre arbitrairement modelée, à un péplos qu’on arrange à son gré, à la disposition particulière du caractère ou de l’humeur. C’est la forme improvisée, momentanée, modifiable.»7 La forme rythmique est ici montrée comme une action, un mouvement de disposition d’éléments dans le temps et dans l’espace en tant que constitution d’une forme particulière. Cette forme n’est alors pas un élément répétitif mais à chaque fois un évènement rythmique qu’il s’agit de tenir en l’agençant. Ainsi, le rythme n’est plus le résultat d’une dynamique picturale propre à une forme ou un objet mais une dynamique issue d’une activité de constitution, d’agencement. La forme rythmique est alors chaque fois unique, tenu dans l’esprit dans sa forme propre. La répétition devra alors se comprendre dans la répétition de cette concentration rythmique propre, et ne sera donc pas une série, un tout. Pour comprendre cette relation de la forme rythmique au tout la notion d’eurythmie semble adéquate pour penser le rythme dans son ensemble, pour analyser les relations qui lient le tout aux parties. Eurythmie. Dans le commentaire au De Architectura de Vitruve de Barbaro publié dans Le Savoir De Palladio – Architecture, Métaphysique Et Politique Dans La Venise Du Cinquecento, Livres 1, 2 et 3 de Pierre Caye l’Eurythmie est défini ainsi : «L’Eurythmie (Eurithmia), c’est le beau nombre (bel numero) et la gracieuse manière (Venusta species ou, en italien, Maniera bella) qui procure à tout ce qui est composé de parties son effet harmonieux. Elle est atteinte quand les parties de l’oeuvre conspirent

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de sorte que, de la hauteur à la largeur, et de la largeur à la longueur, tout corresponde à sa mesure propre (suae symmetriae)»8. L’eurythmie est donc ce qui lie les parties au tout, dans une relation harmonieuse qui est le fruit de ce qu’il appelle une conspiration. Cette précision a son importance dans le fait qu’elle indique que cette relation harmonieuse que constitue l’eurythmie est le fruit d’une relation particulière, et d’une dialogue même entre des parties. Il ne s’agit pas directement d’une règle générale qui dirigerait les parties mais d’un effet produit par la relation propres des parties entre elles en tant que conspiration. Conspirer se fait forcement entre des entités, et non dans un groupe, ou selon une règle imposée d’en haut. Ciceron précise cela quand il dit à propos de l’eurythmie «que chaque chose semble se donner dans la perfection et l’apparence de sa singularité». Ainsi l’eurythmie est un effet produit par des parties qui se donnent dans l’apparence de leur singularité en formant ainsi un tout harmonieux. Ainsi cela permet de comprendre les relations qu’entretiennent, dans une composition rythmique, les parties entre elles. Nous avions vu avec la notion de rythmos comment les formes rythmiques étaient le fruit d’dune action, d’un mouvement de disposition d’éléments dans le temps et dans l’espace en tant que constitution d’une forme particulière. Si nous considérons ainsi le rythme, et que l’esprit participe ainsi directement en tant qu’élément constitutif des parties, la composition d’un ensemble rythmique serait également alors une activité eurythmique de constitution. Ainsi il y aurait une extension de l’activité de disposition et de constitution des formes rythmiques qui serait une activité d’eurythmisation de 74


toutes ces formes entre elles. Pour garantir la préservation des qualités singulières des formes rythmiques il convient que l’activité eurythmique continue à être une activité de constitution de cette eurythmie, d’un agencement de ces parties entre elles pour former un tout qui serait alors une forme rythmique plus grande. De l’espace eurythmique. L’activité eurythmique pensée dans ce cadre peut être défini comme acte de composition d’un ensemble rythmique composée de formes rythmiques distinctes. Dans la suite de ce que nous avons dit, il semble possible de la définir comme activité consistant à tenir des formes singulières et distinctes dans l’harmonie de leur singularité comme acte de constitution fondamentale des éléments qui fondent le rythme et la composition générale. Cette activité constituante se déploie dans le temps et forme la structure rythmique globale. C’est là que l’activité eurythmique prend son sens en tant que constituante du temps propre de l’oeuvre. Le passage de la forme singulière à un ensemble eurythmique nécessite que la forme générale soit le déploiement des formes singulière qui la constituent. La dynamique eurythmique serait alors le fruit des formes rythmiques particulières dont la dynamique interne se déploierait en un espace. C’est là la première base de cette conspiration qui fait que l’ensemble apparait comme ensemble harmonieux. Ce déploiement, si l’on comprend la dimension dynamique du rythmos en tant qu’écoulement, dans lequel des agencements rythmique se forment, se devrait alors d’être aussi une action, un mouvement de disposition d’éléments dans le temps et dans l’espace en tant que constitution. L’espace

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eurythmique est à constituer, par l’action même qui conspire à l’harmonie des parties entre elles. Si l’action qui consiste à disposer, constituer les formes rythmiques est, en tant qu’elle consiste à tenir des formes dans l’esprit, une connaissance de ces formes, l’activité de conspiration doit être la perpétuation de la connaissance des formes singulières dans un ensemble plus grand. Mais l’eurythmie n’est pas seulement le résultat de l’addition des formes rythmiques, et cette conspiration doit, si elle est une action, être la poursuite de l’activité de constitution des formes rythmiques dans la composition globale sans en détruire les force rythmique propre. Ainsi, l’activité eurythmique apparait comme action qui métamorphose la dynamique formelle propre des formes qui constituent le rythme pour former un espace eurythmique singulier. Cette métamorphose se fait alors sans perturber la dynamique fondamentale du rythme mais permet d’en faire justement l’élément fondamental du rythme global en le déployant, le métamorphosant. Cette métamorphose est ce qui fonde alors l’espace et le temps de l’oeuvre, constitue ce rythme dans lequel les formes rythmiques se composent et se décomposent formant l’élément de «ce qui est mouvant, mobile, fluide.» et se déploie en tant que mouvement. Ce mouvement n’est pas alors un élément fondamental qui s’écoule éternellement, mais le fruit d’une constitution, d’un réagencement constant en tant qu’espace eurythmique. Ainsi il est possible de qualifier l’espace eurythmique comme activité consistant à tenir des formes singulières et distinctes dans l’harmonie de leur singularité dans un mouvement d’amour de leur dynamique interne. Cette activité tient plus de la danse ou de la musique que de l’architecture dans le sens où elle est une activité de construction de l’espace au présent , ce que 75


permet la musique ou la danse. Mais il est possible de penser que cette pensée puisse nourrir une pratique de l’architecture et peut-être en renouveler certains aspects. Architecture eurythmique. La chapelle Saint Nicolas de Flüe construite en 2007 à Wachendorf par l’architecte suisse Peter Zumthor, et c’est ce que j’entend démontrer ici, propose une vision de l’espace qu’il est possible de relier très fortement à la notion d’espace eurythmique telle qu’elle a été caractérisée dans les développements précédents. J’irais jusqu’à dire qu’avec cette construction manifeste Peter Zumthor propose une vision de l’espace et de l’architecture suscitant une pratique eurythmique de l’espace. Ce projet tient une place singulière dans l’oeuvre de l’architecte. Elle est d’un côté une synthèse de l’ensemble de son oeuvre ainsi qu’un manifeste radical des principes qui la constituent. Cela tient tout d’abord dans la particularité du projet, de son programme spécifique. Le projet est une chapelle privé située dans les champs d’un agriculteur allemand quoi souhaitait construire une chapelle dédiée à Saint Nicolas de Flüe, un mystique suisse qui mena une vie d’ermite. Il fit appel à Peter Zumthor qui construisait alors dans la ville voisine de Cologne le Musée diocésain Kolumba au dessus de la chapelle Madonna in den Trummern de l’architecte Gottrfied Böhm et des ruines de la chapelle mariale Sankt Kolumba, détruite pendant la deuxième guerre mondiale. L’architecte, après hésitation, décida d’offrir la chapelle au client et de travailler en auto-construction avec les matériaux locaux. Une ensemble d’affinités électives se

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sont créées entre le commanditaire, le programme et l’architecte. L’occasion se manifestait de travailler directement avec le client sur un projet qui permettait à l’architecte de proposer une manifestation radicale de son rapport à l’espace. Le programme défini en lui même des enjeux architecturaux permettant à l’architecte de se consacrer sur cette question là. Il s’agit de construire une chapelle qui ne soit pas à vocation liturgique, mais en hommage à Saint Nicolas de Flüe, qui propose un lieu de retraite et de recueillement personnel. L’abstraction radicale de la fonction permet en effet de concentrer le projet architectural sur le rapport même à l’espace et permit à l’architecte de traiter ce bâtiment en mettant en oeuvre les principes hérités de l’art contemporain qui fondent sont travail. Cette chapelle est plus une oeuvre d’art, un happening architectural qu’un édifice, et c’est ainsi que j’entend le comprendre. En effet, ce projet se caractérise d’abord par le processus qui a dirigé son élaboration, qui est une application directe à l’architecture de principes que Peter Zumthor reprend à certains artistes contemporains. Ces principes sont le fondement de l’idée fondatrice du projet et organisent l’ensemble de l’édification de l’oeuvre ainsi que du rapport qu’elle entretient avec l’usage qui en est fait. Tout dans cette chapelle tient de la performance et de la sculpture telle qu’elle fut développée par certains artistes de l’art minimal, de l’art conceptuel, ou encore de l’Arte Povera. Tout d’abord, c’est par la compréhension et la formalisation conceptuelle maximale du programme que ce projet tire sa force. L’idée principale du projet qu’a utilisé l’architecte sous forme d’image fondatrice est l’action 76


de recueillement, de pèlerinage . Interpréter en architecture le geste de Saint Nicolas de Flüe de quitter le monde urbain pour mener une vie contemplative, au plus proche de la nature, de soi. L’image fondatrice du projet telles que les utilise Peter Zumthor, comprend dès le début un lieu, une ambiance qui est directement liée à un geste, une pratique, et donc à de la, une forme psychique, que le terme allemand de Stimmung exprime bien. L’image première du projet constitue une constellation de formes imprécises accessible par la pensée et avec laquelle l’architecte peut travailler. Ici l’idée de recueillement et de pèlerinage comme retraite et promenade constitue cette image fondatrice pour évoquer une manière d’habiter et de construire l’espace. La démarche méditative et rituelle comprise comme pratique spirituelle prend forme d’image, de forme du projet comme construction et comme usage. Dans un premier temps, en tant que construction cela s’est manifesté par une formalisation artistique de cette image en tant que happening architectural global. Peter Zumthor n’a pas édifié une chapelle selon des plans précis décidés à l’avance, mais à pensé un principe de construction organisé et planifié non en tant que forme fixe, mais en tant que processus. Il n’a pas défini un objet mais d’abord une structure qui a été interprétée à postériori en tant que rituel. Dans son livre Penser l’architecture il explique comment il reprend des principes de John Cage qu’il interprète en architecte-artiste «John Cage expliquait dans une conférence qu’il n’est pas un compositeur qui entend la musique dans sa tête puis essais de la transcrire. Sa manière de travailler est différente. Il conçoit des esquisses et des structures qu’il fait interpréter faisant ainsi seulement ensuite l’expérience de leur sonorité.»9

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Cela se manifeste comme projet architectural en un principe unique dans l’histoire de l’architecture qui rend ce projet si unique et si puissant. L’idée de la construction comme performance, comme rituel à abouti en un principe aussi simple que riche de sens. Il a été dressé une sorte de tipi de bois de forme organique fait de tronc d’épicéas récupérés dans la forêt voisine. Ce tipi de bois servait alors de coffrage pour permettre de couler 24 strates de béton mélangé à de la terre locale coffré également à l’extérieur par des banches formant une forme géométrique asymétrique. Ces 24 strates de 50 centimètres on été coulées rituellement pour former un corps brut de matière pleine qui a séché entre les deux formes coffrantes. Une fois le béton sec les banches on été déposée et les troncs d’arbre on été brûlés dans le vide qu’ils avaient laissés au coeur du bloc de matière, libérant alors la forme intérieur. Celle-ci est alors directement l’empreinte du coffrage et du feu et définissant le volume intérieur en tant que trace du processus rituel, en tant que vide. La forme des volumes laissé par les banches sera expliqué dans la suite de l’analyse, mais leur principe de création sont directement le fruit de la démarche rituelle et artistique définie en tant que structure conceptuelle, et non en tant que forme pure. De la même manière le sol a été réalisé en plomb brut coulé à la louche et forme ainsi une surface grise/bleue étant également la trace du processus qui l’a créé, en plus de ses qualité sensibles et symboliques. Cette démarche questionne fortement la notion de forme rythmique qui a été développé dans la première partie de cet essais. En effet, Peter Zumthor ne semble pas partir d’une forme qu’il agence dans son esprit, mais développe un processus dynamique qui tend à harmoniser une 77


«danse» en mouvement, un processus dynamique, une pratique. C’est là qu’il est possible de parler de processus eurythmique dans le sens où il ne défini pas une forme figée mais harmonise une «danse» qui permet de susciter une pratique eurythmique de la part de l’usager-artiste qui pratique cette architecture, qui anime et interprète la structure formelle proposée. La forme rythmique du projet avec laquelle travaille Peter Zumthor pour nous la rendre accessible en tant que démarche est cette image première, cette constellation d’idées, de sensation, d’image qui constitue le projet. C’est donc un projet dynamique, actif, une forme eurythmique dans le sens qu’en tant que constellation, elle permet un réagencement constant et une recréation infinie de sa consistance. Le projet tient ainsi son fondement de la forme rythmique comme pratique, telle qu’elle a été explicitée au début de ce texte. Cela se manifeste dans un autre temps par un rapport aux matériaux particulier, qu’il est possible de comprendre en profondeur, (et non seulement d’une manière approximative telle qu’elle a cour dans une partie de la critique architecturale). uniquement dans cette démarche conceptuelle. Le rapport aux matériaux que développe Peter Zumthor rentre directement dans cette démarche conceptuelle héritière des concepts de l’art contemporain. Dans la constellation d’idées et d’images qui s’agencent dans la forme eurythmique primordiale de la chapelle les matériaux occupent une place particulièrement forte. Il constituent, en tant que readymade une forme rythmique propre qui rentre dans l’ensemble eurythmique du projet. Les matériaux constituent un agencement particulier pris comme ready-made dans le projet. La démarche de Peter Zumthor est alors de l’intégrer dans l’eurythmique générale de l’ensemble et arriver

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à trouver la structure qui pourra en révéler les qualités propres. Ici l’intégration de la terre locale dans le béton, la manière de s’en servir de matière brute dans le processus rituel de coulage, de brûlage permet de créer un matériaux eurythmique dont la dynamique propre est révélée par le processus de coulage. Ainsi, tout d’abord forme rythmique dans la constellation d’idée et d’image qui fonde le projet, les matériaux sont eurythmisés dans l’ensemble général du projet. Cet ensemble est alors non pas une composition réglée, mais une eurythmie qui a été permise par une pratique, un processus artistique et rituel réunissant alors en un projet un ensemble de données, de formes rythmiques se répondants entre elles, en constellation. Cet ensemble eurythmique ainsi édifié dans son principe et dans ses matériaux est dans un troisième temps édifié selon l’usage même qu’il est sensé en être fait. Si l’idée du programme de créer un lieu de recueillement et de pèlerinage est un élément fondant le projet en tant qu’image mentale, et comme nous l’avons vu défini ainsi une pratique particulière, une activité qui a donné forme au projet en tant que processus d’édification, et en tant que matériaux, elle en donne aussi la définition formelle. Le projet est en effet vu comme recueillement, comme pèlerinage, comme pratique spirituelle personnelle. Cet aspect permet de comprendre une grande partie des choix fait en ce qui concerne des choix formels fondamentaux du projet. Tout d’abord l’implantation qui correspond à la demande, mais que l’architecte à choisis méticuleusement. En effet, pour accentuer l’effet de cheminement et de parcours la chapelle a été implantée en pleins champs, et n’est accessible qu’a pied. Elle se dresse ainsi au milieu des champs, et en étant visible de loin, elle se dresse tel un monolithe ancestral. 78


L’architecte a ainsi situé dans les terres du commanditaire ce monolithe et a organisé un parcours pour s’y diriger. Ce parcours inclus la chapelle dans l’ensemble du territoire et en fait une étape le long d’un chemin. En approchant de la chapelle nous faisons un parcours en S, et visible de loin elle se manifeste à nous. Ce chemin a été l’élément fondamental pour définir la forme extérieure du volume de béton. Si sa forme générale de monolithe sert à l’encrer dans le paysage, sa géométrie complexe peu évidente à comprendre prend son sens dans la démarche de l’architecte d’eurythmie architecturale. En effet, si la forme de monolithe crée une forme forte facilement compréhensible, la forme géométrique qui a été définie est difficile à appréhender. Elle prend son sens dans le parcours qui est fait d’approche du bâtiment au milieu des champs. La forme surprend au fur et à mesure du parcours et révèle sa complexité petit à petit. Ainsi, la forme n’est pas un élément totalement défini mais surprend et se recompose constamment faisant en sorte que la chapelle nous apparaît alors sous un angle toujours changeant. Peter Zumthor prend ici en compte directement les données de la perception telles que les artistes de l’art minimal l’on développés, pour faire appréhender la chapelle par les sens et ainsi éveiller un parcours, une curiosité pour la forme étrange qu’il propose. Ainsi, la forme rythmique fondamentale du volume architectural se comprend de la même manière que le processus d’édification en tant qu’activité de constitution eurythmique, en tant que rituel individuel. Si l’idée de monolithe est toujours présente elle s’eurythmise constamment dans un parcours et permet alors une participation active à sa définition. Le parcours crée l’oeuvre et s’organise ainsi en paliers. Petit à petit, en se rapprochant la chapelle passe de monolithe dans le paysage dressant

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une face plutôt large à objet étrange angulaire. Arrive en face de l’entrée le volume se dresse comme un flèche dans toute sa verticalité, et dévoile une porte triangulaire mystérieuse. Arrivé au pied du volume de béton un banc intégré dans la masse architecturale offre une proximité avec le site, crée un lieu de repos extérieur. La mystérieuse porte triangulaire et d’apparence lourde et massive invite à dévoiler le mystère que renferme ce bloc de matière brute. Ainsi tout le volume extérieur est défini par le parcours de visiteur dans le paysage et à son cheminement. Le volume intérieur est quand à lui tout différent, et c’est que l’on découvre en faisant doucement tourner la masse d’aluminium triangulaire qui ferme l’espace intérieur. Nous y découvrons un passage mystérieux sombre qui s’enfonce dans la matière, et se caractérise par sa forme triangulaire et ses parois portant l’empreinte du feu et du moulage des troncs d’arbres, rappelant une colonne d’un temple grec déroulée en une surface courbe continue. Nous pensons eu pavillon de l’architecte Alvar Aalto, ou à une cabane disparu qui aurait été immortalisée dans un manteau de béton. L’odeur de brulé nous saisi, et l’obscurité invite à s’aventurer pour plonger au coeur du mystère qu’on imagine atteindre au coeur du projet. La hauteur du passage rétréci pour accentuer cet effet, et après quelques pas remonte en une courbe vertigineuse vers le sommet de la chapelle, en même temps que l’espace s’ouvre au dessus tout en nous englobant en créant un cocon centré autour du corps. Cet espace intérieur s’ouvre vers le haut révélant un oculus en forme de goute d’eau laissé ouvert par le tipi de bois. Cet oculus laisse couler une lumière douce sur les parois qui se reflète sur une constellation de billes de verre disposées dans les trous des supports de banches disposé de manière aléatoires. Les parois 79


vibrent ainsi entre la lumière du ciel et l’obscurité mystérieuse laissée par le feu sur le négatif des tronc entre lesquels la rugosité du béton mélangé qui a coulé se découvre. Cette surface vibrante presque vivante, complètement biologique, nous enserre comme une robe de béton courbe. Cette forme presque utérine s’ouvre vers le ciel dans un mouvement général vertical qu’accentuent des empreintes des troncs verticaux qui se rejoignent autour du vide de l’oculus. En bas la forme en plan organise l’espace autour du demi cerce faisant office de coeur et l’espace de recueillement où s’installe un simple banc de bois de forme courbe sur la gauche dans un léger renfoncement juste situé à la sortie de l’espace de l’entrée. La forme en plan est unifiée par la paroi courbe du tipi qui organise l’espace central autour du corps du visiteur, comme une peau architecturale, un manteau de béton mouvant. Cet espace vivant est occupé par trois éléments fondamentaux. Au dessus de l’espace du coeur une roue mystique en métal s’encre dans le béton, sur la partie gauche une sculpture d’un buste d’une facture brute et expressive en métal , et à côté du banc un porte cierge rempli de sable accueille de fines cierges en cire d’abeille, dont les flamme ondoient au rythme du vent qui passe dans cet espace intérieur ouvert aux éléments. L’espace central est ainsi le lieu où se rencontrent les éléments, les différentes matériaux du projet, ses différentes formes rythmiques. Il peut être décrit comme la réunion d’un plan centré hermétique et ouvert sur le ciel et d’un parcours architectural horizontal. Le couloir s’unit à la forme verticale en un ensemble organique où le corps du visiteur prend une place principale. En effet, tout cet espace est compristcomme manifestation du pèlerinage, comprit en tant que pratique intérieure de méditation

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et comme pratique extérieure de pèlerinage. L’architecte a créé un espace de recueillement pensé comme lieu de rencontre entre l’espace mental du méditant et l’espace sacré, qu’il soit naturel dans les matériaux qu’il s’agissait de révéler dans le projet, ou qu’il soit symbolique en tant qu’espace architectural sacré ouvert vers le ciel. Il s’agit là d’une pratique eurythmique par excellence, et c’est l’aboutissement des principes qui on été développé dans cette description du projet de Peter Zumthor, où la définition du projet est vu en tant que pratique eurythmique générale dans le sens où l’élément central du projet vise à mettre en oeuvre un processus eurythmique qui prend appui sur une pratique de l’espace dans laquelle le visiteur prend une place centrale, et où l’architecte s’efface au maximum dans la définition propre des formes. Au contraire, par une démarche extrêmement rigoureuse qui permet au visiteur de participer en tant qu’élément moteur, en tant que forme rythmique pure qui devient un matériaux propre de l’architecture. la démarche de Peter Zumthor est donc de permettre de libérer cette dynamique rythmique et de lui permettre de s’eurythmiser. Ce projet de Peter Zumthor est donc dans sa totalité un espace eurythmique pur qui organise en un ensemble cohérent une constellation de formes mises en relations selon des principes radicaux qu’il est possible d’appeler eurythmiques. Il propose une vision complète de la question en intégrant une pensée des formes rythmiques fondamentales et de leur agencement en un ensemble eurythmique pensé dans sa globalité, dans ses dynamiques propres et selon une méthode qui s’organise autour de processus particulièrement pertinents.

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Considérations sur l’espace eurythmique. Cet espace eurythmique que propose Peter Zumthor se base sur une vision globale que la méthode de projet basée sur l’utilisation d’images mentales riches et ouvertes, des sortes de constellations d’idées, de ressentis, de souvenirs permet d’intégrer dans une pratique générale de l’architecture. Cette méthode se base sur une connaissance poussée des processus mentaux qui mènent à penser les différents aspects de la conception architectural ainsi que de son usage. L’architecture qu’il propose repose sur ce qui a été ici appelé un espace eurythmique qui met en oeuvre une activité créatrice constante, qui agence et compose constamment de l’espace et du temps architectural. Cette activité peut être qualifiée de participation esthétique fondamentale à l’espace par ce qu’elle implique que l’espace soit organisé constamment et prend cette activité même comme matériaux principal. L’homme agissant, son activité mentale est comprise comme matériaux principal de l’architecture, et il est donc appelé à participer activement à l’espace. En ça Peter Zumthor se base en partie sur le travail de l’artiste allemand Joseph Beuys dans son concept de plastique sociale dans laquelle chaque homme est un artiste et participe activement,en tant qu’élément producteur de chaleur, à la création de l’espace dans lequel il évolue. C’est cette chaleur que Joseph Beuys utilise comme matière première, non pas pour sculpter les pensées des hommes mais pour susciter leur activité, éveiller en eux l’activité libre de penser et de créer. Cette pratique, qui est chez Beuys un activité thérapeutique semble cruciale pour comprendre la place de l’esthétique dans la société contemporaine, et permet de réintégrer le rythme comme élément dynamique de thérapie, en tant qu’eurythmie sociale.

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Ainsi, et c’est le but de cet essai, que de le défendre, c’est réintégré en tant que pratique et en tant qu’eurythmie que l’esthétique et le rythme peuvent trouver une place et un rôle dans le monde, en tant que thérapie. 1 Paul Valery, L’Âme et la danse, in http://ugo.bratelli.free.fr/ValeryPaul/ ValeryAme_et_danse.pdf 2 M. la. Guinzbourg, Le rythme en architecture, Infolio éditions, collection Archigraphy Poche, 2010, p. 27. 3 Ibidem, P. 27. 4 Ibidem, P. 31. 5 Émile Benveniste, linguistique générale, 2000, p. 330.

Problème de 1, Gallimard,

6 Ibidem, p.332 7 Ibidem, p. 333 8 Pierre Caye, Le Savoir De Palladio – Architecture, Métaphysique Et Politique Dans La Venise Du Cinquecento, Livres 1, 2 Et 3, Klincksieck, 1995 9 Peter Zumthor, Penser l’architecture, Bâle, Birkhäuser, Suisse, 2008, p.31

«L’espace eurythmique», texte écrit dans le cadre du cours de philosophie «Rythme et architecture» en deuxième année de master à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy. «L’espace eurythmique», text wrote within the framework of the lesson of philosophy «Rhythm and architecture» in the second year of Master’s degree to the Nancy’s Architecture National Schoole.

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F Nichée dans une parcelle au coeur d’un îlot, isolée de la rue par une petite venelle traditionnelle, la bibliothèque s’installe dans le tissu serré de ces jardins discrets typiques de l’urbanité nancéienne. Se dressant dans un foisonnant jardin, le projet propose un espace dédié à l’étude et au calme de la lecture pour un couple d’éditeurs.

Nested in a plot at the heart of a block, isolated from the street by a small traditional alley, the library settles down in a squeezed fabric of those discreet gardens typical of Nancy’s urbanity. Erecting itself in an abundant garden, the project proposes a space dedicated to the study and to the peace of the reading for couple of publishers.

Au delà de la rigueur de son plan qui affirme une figure très forte, le projet se joue des images. À la fois pavillon de jardin, grenier secret dans une toiture protectrice, jardin suspendu enveloppé d’un treille offerte à la faune et à la flore, il offre une multiplicité sémantique qui en fait toute l’identité et la personnalité.

Beyond the toughness of his plan who assert a very strong figure, the project, defy images. Both garden house, secret attic under a protective roof, hanging garden sourrounded by an wood arbour offered to the fauna and the flora, offers a semantic multiplicity which makes it all the identity and personality.

Composé de deux niveaux sur un plan carré, le projet s’adosse contre un grand mur mitoyen fermant le terrain au nord, et se positionne au cœur du jardin planté. Le rez-de-chaussée profite de cette situation pour offrir un espace de bureau totalement vitré ouvert sur le jardin, et ceinturé par la série de piles de bois soulevant du sol le volume supérieur. L’étage abrite une bibliothèque qui se déploie dans tout le volume clos de mursétagères. Habillées de la matière même des livres, les parois opaques adoptent la forme archétype de la maison à toiture à deux pas, simplement incisé de quelques baies étroites sur ses différents plans. Par elles une lumière solennelle manifeste la variation des jours et des saisons dans cette pièce intime.

Composed in two levels one a square plan, the project leans against a big party wall closing the plot in the north and positions at the heart of the standing garden. The ground floor take advantage of this situation to offer a space of totally glazed office opened on the garden, and encircled by the serie of wooden piles picking up the upper volume. The upper storey shelters a library which spreads in all the closed volume of shelves-wall. Dressed by the material of the books , the opaque walls adopt the archetypal shape of the house with roof close, simply incised by few narrow bay on differents planars. By them the solemn light indicate the change of days and seasons in this intimate room.

Crédit : Bagard et Luron architectes Guilhem Vincent.

Crédit : Bagard et Luron architectes Guilhem Vincent.

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1 - Situation urbaine Urban situation

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1 - Plan RDC Ground floor 2 - Plan R+1 First floor 3 - Coupe longitudinale Longitudinal section 4 - Coupe transversale Cross section

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« Le ciel était nu et blanc mais la mer était encore déchainée. Elle est

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dans état

nocturne d’aberration et de vanité, insomniaque et vieille. Elle s’est débattue longtemps sous le jour qui l’éclairait comme si elle se devait d’achever ce broyage imbécile de ses propres eaux, elle-même proie d’ellemême, d’une inconcevable grandeur.» 01

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Marguerite Duras, L’été 80, Paris, Les éditions de minuit, 2008. Marguerite Duras, L’été 80, Paris, Les éditions de minuit, 2008.

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Dans un lieu commun Vide place d’attente Se tourne une main discrète

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D Y «PARK(ing) DAY est un événement mondial ouvert à tous. Organisé le 3e week-end de septembre, il mobilise citoyens, artistes, activistes pour transformer temporairement des places de parking payantes en espaces végétalisés, artistiques et conviviaux. Pendant une journée, les espaces bétonnés deviennent des lieux d’initiatives engagées, originales, créatives et écologiques. Manifestation festive, événement international, PARK(ing) DAY, c’est aussi et surtout l’occasion de réfléchir au partage de l’espace public, d’imaginer de nouveaux usages urbains et de formuler ensemble des propositions pour la ville de demain !» *

PARK(ing) Day is a annual opensource global event where citizens, artists and activists collaborate to temporarily transform metered parking spaces into “PARK(ing)” spaces: temporary public places. PARK(ing) Day has evolved into a global movement, with organizations and individuals creating new forms of temporary public space in urban contexts around the world. The mission of PARK(ing) Day is to call attention to the need for more urban open space, to generate critical debate around how public space is created and allocated, and to improve the quality of urban human habitat … at least until the meter runs out!» *

En 2012, nous avons, avec quelques amis, occupé une place de parking pendant deux jours à nancy. Camping urbain, nous avons créé un salon mobile extérieur. Créer un espace de rencontre, de débat, pour faire une pause et echanger autour de la ville mobile et de l’habitation de la rue. Cet évênement fut l’occasion d’une psychanalyse urbaine, à la rencontre des usages des trottoirs et des habitants de cet espace conflictuel.

In 2012, we occupied, with some friends, a parking space during two days in Nancy. As an urban camping, we created an mobile exterior living room. To create a meeting space to have a brake and exchange about mobile city and the street inhabitation. This event was the occasion af an urban psychanalysis, meeting pavement uses and the inhabitants of this coflictual space.

*: http://www.parkingday.fr

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*:http://parkingday.org/aboutparking-day/ 102


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C E E Projet utopique et théorique d’habitation d’un espace paysager post-industriel où se mêlent nature plus où moins contrôlée et patrimoine architectural mourant. Projet encadré par Laurent Beaudoin en deuxième année de master à l’Ecole Nationale Supérieure de Nancy

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O R T Utopian and theoretical project of inhabitation of a postindustrial landscaped space where get involved more or less mastered nature and dying architectural heritage. Project lead by Laurent Beaudoin in the second year of Master’s degree to the Nancy’s Architecture National Schoole.

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LE POÈME DES ARCHIPELS : « Tel il est qui habite, tel il est dans un champs. Il détourne et contourne la rugosité du paysage, de ce paysage inconnu où s’entremêlent et se démêlent les temps, les histoires. Ce champs rugueux, territoire du proche qu’il détourne et contourne. Tel est le moindre geste, telle est l’habitation de l’étranger dans le champs ouvert du paysage. Histoire de l’étranger qui lie et délie les temps. Etranger le proche, recomposer du temps avec des temps entremêlés dans le terrain de jeu du paysage ouvert. La ville de l’étranger est une école, un lieu d’apprentissage renouvelé de la recréation d’espaces, de l’ouverture de lieux. Espace ouvert et collectif, la ville de l’étranger se construit au pluriel, se constelle en un grand ensemble de potentiels. » Partant de cette condition primordiale, l’espace de l’île est pensé comme un paysage où se constelle un ensemble de constructions, entités relations se définissant en tant qu’interactivité créative au milieu d’une mer paysage sauvage et habité. La métaphore de l’archipel, serait une pensée de l’île dans le paysage urbain et naturel autant qu’une idéalité d’un projet de cité basé sur une sensemble d’entités-relations interragissant dans un ensemble créatif. Cette idée définira alors autant un programme spécifique qu’une manière de le répartir et de mettre en relation les îles qui le constituent. Ces mises en relation archipelliques seraient donc le moyen de penser le rapport entre ces îles architecturales et le paysage de l’île, tout comme le rapport de l’île avec la ville et le grand territoire.

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PAYSAGE ALL-OVER ALL-OVER LANDSCAPE Guisseppe Penone empreinte digitale. Guisseppe Penone, fingerprint.

ESPACE ARCHIPELIQUE ARCHIPELIC SPACE Sanaa - Maison Moryama Sanaa - Moryama house

ÎLE=MER+TERRE ISLAND=SEA+EARTH Une île n’a pas de frontière, mais des limites, elle est par nature un paysage sauvage. A island have no borders, but boundarys, she is by nature a wild landscape.

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Immeuble partagé Shared builing

Ecole maternelle Infant schoole

Ecole de design School of design Atelier d’art partagé Open-source art factory P é p i n i è r e d’entreprise Open-source working place Acceuil Reception Ecole de danse School of dance Bibliothèque Library

Accueil musée Museum reception Musée Museum Institution Institution Logement et a c t i v i t é Housing + business Logement Housing

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LE POÈME DU PROGRAMME : « Espace ouvert et collectif, la ville de l’étranger se construit au pluriel, se constelle en un grand ensemble de potentiels. Elle se dévellope en archipel, poésie du lien est son nom. Constellation d’activités humaines collectives en résonance. Tel il est, ensemble mouvant et interdépendant. Ensemble d’étrangers qui se lient et se délient, il est un complexe de temps qui se supperposent en milles plateaux. Entité créative partégée, le lieu devient timbre plutôt que note. La composition d’ensemble deviens résonnance plutôt qu’accord, musique sociale. » Penser le programme, penser l’archipel urbain et social en tant que constellation d’entités-relations créatives permet de s’accorder avec l’idée de cité du design. Ville utopique, école rêvée comme si le Bauhaus avait perduré et avait fait mai 68, le rêve de Prouvé réincarné sur le site même de sa mort. La ville comme école et comme atelier est vu comme un ensemble sauvage qui s’implante comme un happening dans un parc où se mèlent les histoires, les temps. Ce programme s’organise comme mise en relations d’éléments eux mêmes foyers de pluralités. L’école prend écho dans les ateliers d’artistes et d’artisant, pour un processus de projet passant de la tête, du rêve en passant par l’expérimentation techniques pour finir sur l’ouverture maximale des possibles. Cette ébulition utopique deviens alors générateur, emmeteur de formes pour le public, en devenant ville et musée, parc vivant et sauvage. Diagramme programmatique Programatic diagram

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Coupe DD’ Secrtion DD’

Coupe CC’ Secrtion CC’

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Coupe AA’ Secrtion AA’

Plan masse Ground plan

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Plan Ground

RDC floor

Plan First

R+1 floor

Plan Ground

RDC floor

Plan RDJ Garden level

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aARCHITECTURE : action


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«...… l’Art, qui habite la même rue que la Vie, mais en un lieu différent, l’Art qui soulage de la vie sans pourtant soulager de vivre, et tout aussi monotone que la vie – simplement en un lieu différent. Oui, cette rue des Douradores contient pour moi tout le sens des choses…» Fernando Pessoa Une bibliothèque se vit en tant que rencontre. Rencontre entre un livre et un lecteur, qui crée dans une pluralité d’évènements particuliers, uniques, «l’expérience bibliothèque» Autant espace du livre que du lecteur, elle se tourne dans deux sens. Vers la ville, en tant qu’espace public, elle crée un microcosme, une petite ville du livre dans la ville, où habitent des livres. Vers le lecteur, en tant qu’espace intime, elle attend d’être réalisée, comme espace vide, absent. Venant du grec ancien βιβλιοθήκη : biblio, «livre» ; thêkê, «place»), la «place du livre» est ici remplacée par la «place du lecteur» dans le schéma originaire du projet. Partir de l’activité du lecteur comme élément « faisant bibliothèque » permet de ne pas mettre le livre au centre, mais le lecteur. On ne viendrait plus dans la bibliothèque chercher des livres, mais on chercherait en soi et dans les livres comment « faire bibliothèque ». L’enjeux de la redéfinition de la bibliothèque, du mot même affadie par le préfixe «média» qui éjectant d’un coup l’univers, la Bible, tient dans la perte du sens du livre, et c’est ce sens qu’il faut réactiver.

aARCHITECTURE : action

Z


John Cage «Atlas eclipticalis»

Sou Fujimoto «Primitive future»

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« C’est peu dire que Bernardo Soares, alias Fernando Pessoa, est intranquille. Mieux vaudrait parler d’errance infinie à travers ses limbes tourmentés ou de la plainte insensée d’un banni de l’existence. Au fil de ce journal intime, Fernando Pessoa inspecte l’intérieur aux mille facettes d’un de ses nombreux hétéronymes c’est-à-dire d’une de ces « proliférations de soi-même » dont chacun de nous est construit. Ces pensées « décousues » dénotent une supra-conscience des êtres et de l’existence, le plus souvent douloureuse, presque insoutenable, mais qui suscite aussi curieusement, parfois, une douceur indicible, un bercement insondable au cœur de ce ciel où, déclare-t-il “je me constelle en cachette et où je possède mon infini”. » Laure Anciel à Propos de Fernando Pessoa

aARCHITECTURE : action


Une bibliothèque, en tant que place du livre est un univers qui contient tous les livres, tous les mondes possibles. Espace de la connaissance, elle offre un espace dans la lumière dans laquelle se constelle l’imaginaire en un labyrinthe virtuel. A librairy, as square for book, is a univers which contains all the books, all the possible worlds. Space of the knowledge, it offers a space in the light in which dots the imagination in a virtual labyrinth.

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aARCHITECTURE : action

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aARCHITECTURE : amour

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