L’embrayage nature/culture - version révisée

Page 1

Nature, technologie, éthique : regards croisés Asie, Europe, Amériques

Colloque international, 10-13 mars 2010, Université Jean-Moulin, Lyon

L’embrayage nature/culture :

des intuitions watsujiennes à une mésologie de l’évolution par Augustin BERQUE

École des hautes études en sciences sociales / CNRS berque@ehess.fr

1. Fûdo, le milieu humain En 1935, le philosophe japonais Watsuji Tetsurô (1889-1960)1 publie Fûdo, ouvrage composé de cinq articles écrits à partir d’un séjour en Allemagne. Il dit dans son préambule que l’idée lui en est venue d’une double réflexion : d’un côté, sur les impressions reçues lors du long voyage en bateau et des multiples escales qui lui avaient fait découvrir successivement la Chine, Singapour, l’Inde, l’Arabie, l’Égypte, la Méditerranée, l’Europe ; de l’autre, sur Être et temps, qu’il a lu sur place dès sa publication en 1927. Ainsi, la réflexion watsujienne combine deux entrées : l’une, par l’expérience concrète de la singularité respective de différents milieux ; l’autre, par la considération générale de l’existentialité. Cette combinaison se reflète dans le concept central que l’ouvrage met en avant : fûdosei, que j’ai traduit par « médiance » pour les raisons que l’on verra plus loin. Fûdosei dérive de fûdo par ajout du suffixe -sei, qui sert à conceptualiser. Le mot fûdo quant à lui rend l’idée d’un complexe naturel et historique localisé. Il se compose des deux sinogrammes « vent 風 » et « terre 土 ». Le premier prend ici le sens de climat, ambiance, mœurs ; le second, celui de base matérielle et de localité. Dans l’ouvrage, Watsuji rapproche expressément fûdo de Klima tel que l’employa Herder ; ce qui a poussé le premier traducteur de Fûdo a choisir pour titre Climate. L’inconvénient, c’est qu’en japonais, fûdo ne veut pas dire « climat » (ce qui se dit kikô), sinon parfois au sens métaphorique de ce terme, et que Watsuji, dès les premières lignes, écarte expressément le déterminisme qui a marqué la théorie des climats. Il distingue catégoriquement fûdo de shizen kankyô (l’environnement naturel, ce qui comprend le climat). En outre, la définition qu’il donne lui-même du terme fûdo, sans ambiguïté, comprend l’ensemble des traits naturels et culturels d’une contrée donnée. D’autre part, fûdo est explicitement placé en regard de rekishi, l’histoire, comme l’espace par rapport au temps. Pour Watsuji, l’histoire est une abstraction, sinon incarnée par un fûdo. Réciproquement, le fûdo est nécessairement historique ; sinon, ce n’est qu’un environnement naturel, c’est-à-dire à son tour une abstraction détachée de l’histoire. Le concept qu’il dérive de fûdo : fûdosei, pourrait ainsi se traduire par « contréité », en pensant à la Gegend heideggérienne. En ce senslà, la fûdosei serait en somme une Gegendheit, pendant spatial de ce qu’en termes temporels est l’historialité (Geschichtlichkeit) chez Heidegger. Le fait est que Watsuji (et après lui, la majorité de ses commentateurs nippons), dans son propos, met l’accent sur la singularité du fûdo ; c’est là en privilégier le côté ontique, existentiel comme dirait Heidegger. Reste pourtant que son concept central, fûdosei, qu’il énonce et définit dès la première phrase du livre, est pour lui « le moment structurel de l’existence humaine » (ningen sonzai no kôzô keiki) ; ce qui est définir un existential éminemment universel, ontologique, même s’il apparaît vite que cette définition s’accompagne de l’idée que l’existence humaine est nécessairement empreinte d’une certaine contréité, laquelle émane de son rapport 1

Au Japon comme dans toute l’Asie orientale, le patronyme (Watsuji) vient avant le prénom (Tetsurô).


2 avec la nature. Ainsi, pour Watsuji, étudier le fûdo est d’ordre à la fois ontique et ontologique. L’idée de « moment » (keiki), quant à elle, vient de ce que pour Watsuji l’être humain (ningen 人間) combine dynamiquement deux dimensions, l’une individuelle (hito 人) et l’autre relationnelle (aida 間). L’accent qu’il met sur l’aida (mot que l’on pourrait ici rendre par « entrelien ») dans toute son œuvre et en particulier dans son Éthique, discipline qu’il définit comme « l’étude du ningen », permet d’entendre ce dernier terme comme « l’entrelien humain ». Dans la fûdosei, l’entrelien en question ne lie pas seulement les humains entre eux, mais par là aussi, concrètement, les humains avec les non-humains. Enfin, abstraction faite de sa perspective herméneutique, le propos de Watsuji mène à rapprocher fûdo de « milieu » dans le sens où l’utilisait l’école française de géographie, celle de Vidal de la Blache et de ses disciples. C’est pourquoi j’ai dérivé de l’étymologie de « milieu », à savoir de la racine latine med-, ma traduction de fûdosei par « médiance » (Berque 1986 : 162) ; mais cela, au début, sans comprendre la définition qu’en donne Watsuji lui-même. Je me contentais d’entendre le terme comme « sens d’un milieu ; à la fois tendance objective, sensation/perception et signification de cette relation médiale » (Berque 1990 : 48). Ce n’est que par recoupement avec d’autres approches que la richesse de la définition watsujienne m’est apparue plus tard. 2. Le moment structurel de l’existence humaine Ce retard venait de la difficulté posée par keiki. Suivant l’usage des philosophes nippons, j’en suis venu à rendre ce terme par « moment », comme dans la définition ci-dessus. Or keiki veut habituellement dire « occasion, opportunité » ; ce qui a pour moi, géographe, longtemps fait un mystère de kôzô keiki. Qu’entendre en effet par « occasion structurelle » ? Rien, sinon d’ésotérique ; ce qui n’est pas étranger au fait que la plupart des lecteurs de Fûdo – y compris les philosophes – négligent la définition que Watsuji donne lui-même de la médiance, et que les traductions anglaise et allemande de ce livre n’ont même pas essayé d’en rendre le concept (la version espagnole, quant à elle, donne ambientalidad). Il faut être averti en effet que, dans l’histoire très germanophone de la philosophie japonaise moderne, keiki a rendu Moment, mot qui lui-même est déroutant puisque son sens diffère suivant le genre : au masculin, der Moment désigne un intervalle de temps, mais au neutre, das Moment est originellement le moment d’une force en mécanique, d’où en philosophie, à partir de Kant, un sens proche de cause, facteur, composante. La Science de la logique de Hegel en donne la définition suivante : « Une chose n’est sursumée (aufgehoben) que dans la mesure où elle a accédé à l’unité avec son contraire ; selon cette détermination plus précise en tant qu’il s’agit d’un réfléchi, on peut de façon appropriée l’appeler moment » (cité dans Cassin 2004 : 815). Les contraires en jeu dans cette Aufhebung sont la thèse et l’antithèse, la suppression et la conservation, le réel et l’idéel ; leur sursomption est illustrée par le verbe aufheben lui-même, qui possède à la fois le sens de « faire cesser, mettre un terme » et de « conserver, maintenir ». C’est ce qu’a rendu le néologisme japonais shiyô suru : arrêter-élever. Dans Fûdo, Watsuji n’utilise ce dernier terme qu’à propos de Hegel. En revanche, il utilise souvent keiki, à commencer par la définition qu’il donne d’emblée de la médiance. Quelle est donc la contradiction que sursume ce moment ? Elle est


3 contenue dans le mot même de ningen ; à savoir d’une part la « moitié2 » individuelle (nin, ou hito), d’autre part la « moitié » relationnelle (gen, ou aida) dont le couplage fait l’humain dans sa plénitude. C’est ici toutefois mon propre commentaire ; car, curieusement, Watsuji n’explicite à aucun moment cette définition abrupte, « le moment structurel de l’existence humaine ». Néanmoins, la chose est suffisamment éclairée par les développements qu’il consacre à la « structure duelle » (nijû kôzô) de l’humain, qui selon lui est à la fois individuel en tant que hito et social en tant qu’aida ou aidagara. Ce dernier terme, aidagara, qui désigne en général les relations que l’on entretient avec autrui, peut à la limite être rendu par « corps social » ; non seulement par ce qu’il recouvre, mais parce que gara, dans certaines expressions, peut effectivement vouloir dire « corps ». On a vu que Watsuji a fondé son éthique sur le sens particulier qu’il donne à ningen. Dans Fûdo, l’embrayage est fait avec les choses (donc avec l’environnement) par l’idée que c’est à travers la relation à autrui qu’est vécue la relation avec celles-ci. Les choses sont donc imprégnées d’un aidagara qui est fondamentalement social. Il est vrai que Watsuji n’argumente pas à proprement parler une théorie des choses ; il reste essentiellement un penseur du ningen, ce qui du reste est impliqué par un principe qu’il pose dans les premières lignes de Fûdo : « Bien que les phénomènes médiaux3 soient ici constamment mis en question, c’est en tant qu’expressions de l’existence humaine dans sa subjectité4 ». C’est donc bien l’entrelien des sujets humains qui qualifie lesdits phénomènes ; ce qui, effectivement, ramène fondamentalement la question des milieux humains à celle de la médiance du ningen. En cela, comme Watsuji le pose également dans les premières lignes de l’ouvrage, son approche doit être catégoriquement distinguée de celle du déterminisme environnemental, qui considère l’action d’un objet (l’environnement) sur un autre objet (la société). Il s’agit au contraire de saisir herméneutiquement, de l’intérieur, comment un certain sujet collectif exprime, dans son existence même, la manière (shikata) qu’il a de vivre sa contréité. Dans les développements subséquents de Fûdo, la problématique de Watsuji reste donc phénoménologique, et en définitive se ramène à ses intuitions de voyageur ; ce qui le fait tomber à plus d’un égard dans ce déterminisme environnemental qu’il écartait d’emblée. Cela toutefois n’annule pas sa position de principe, et en particulier n’amoindrit pas le potentiel de la définition qu’il donne de la médiance. Celle-ci peut, en particulier, fournir une ontologie au rapport corps animal/corps social que Leroi-Gourhan (1964) a plus tard mis en lumière dans l’émergence de l’espèce humaine ; car ce rapport est, de toute évidence, homologue à celui que Watsuji établit entre hito et aida : L’humain dans sa médiance selon Watsuji : l’être humain (ningen人間) 2

dimension individuelle hito 人

dimension commune aida 間

Ce n’est pas Watsuji, mais moi-même qui utilise ce terme, métaphoriquement bien entendu puisque ces choses ne se mesurent pas. Le latin medietas (moitié) a donné en français médiété, dont le doublet médiance veut dire en somme « alliage de deux moitiés ». 3 Fûdoteki, c’est-à-dire relatifs au milieu, fûdo. 4 Shutaisei, c’est-à-dire le fait d’être sujet souverain de soi-même (subjecthood, Subjektität). Soulignons que cette subjectité ne se réduit pas à celle de l’individu : ce n’est pas celle, abstraite, du hito individuel, mais celle de l’humain concret dans sa médiance de ningen. Précisons en passant que Watsuji considère le Dasein heideggérien comme un hito, et cela du fait que Sein und Zeit subordonne la spatialité à la temporalité.


4 selon Leroi-Gourhan : l’espèce humaine

corps animal

corps social

Cette homologie est d’autant plus frappante que les deux approches n’ont rien en commun. Celle de Leroi-Gourhan reste strictement dans le cadre d’une paléontologie positiviste, qui voit le développement du corps social comme l’extériorisation et le déploiement, sous forme de systèmes techniques et symboliques, de certaines des fonctions du corps animal. Cela étant, le couplage qui en résulte entre corps animal et corps social équivaut clairement à ce moment structurel qu’est la médiance ; et l’on pourrait donc à cet égard, en rendant à « moment » un peu de son sens temporel, concevoir l’hominisation comme le « moment de l’émergence d’Homo sapiens ». Réciproquement, l’existential qu’est la médiance se trouve conforté par l’évolution physique analysée par Leroi-Gourhan : l’effet rétroactif, sur le corps animal, du déploiement du corps social, est précisément la transformation du premier dans le processus de l’hominisation. Restait à préciser (Berque 2000) que, ni le corps animal ni le corps social n’étant abstraits des écosystèmes – que la technique anthropise tandis que le symbole les humanise – , le second, plutôt que simplement social, est en fait un corps médial, éco-techno-symbolique ; autrement dit, c’est un milieu humain (fûdo). 3. L’être-vers-la-vie des choses de l’écoumène Si, au-delà de Leroi-Gourhan, l’on poursuit le mouvement induit par la définition watsujienne, on rejoint pour commencer l’idée que résume le terme de néoténie : l’être humain, dans sa dimension physique individuelle, est à la naissance un être inachevé, encore malléable. Cet être n’acquiert sa plénitude que dans la mesure où l’entrelien humain lui permet non seulement de survivre durant les longues années où il est totalement dépendant, mais aussi lui transmet la culture qui ne lui est pas moins indispensable pour vivre ensuite par ses propres moyens. Autrement dit, cet être ne s’achève que dans sa médiance : dans la mesure où, à son corps animal, vient se combiner un corps médial, que le premier suppose dans sa physiologie même. La médiance n’est donc pas une simple addition de la culture à la nature, du corps social au corps animal ; c’est bien le moment structurel de l’existence humaine. La néoténie quant à elle ne vaut pas que pour le processus de maturation de l’individu ; elle sous-tend l’ensemble des phénomènes humains. Récemment par exemple, Dany-Robert Dufour (2005) l’a appliquée au phénomène – humain s’il en est – de la religion. C’est pour lui du fait de son inachèvement que l’être humain éprouve le besoin de s’aliéner à des êtres surnaturels ; mais de Platon à Lacan, le même inachèvement a aussi été invoqué à bien d’autres propos. Du point de vue de la médiance, il s’agit là du manque-à-être structurel qui frappe le corps animal si on l’abstrait du corps médial (Berque 2000 : 130). Or il se trouve que la modernité tout entière s’est enclenchée justement par une telle abstraction, lorsque le cogito s’est auto-institué en tant que conscience individuelle face à un monde converti en objet. Ce faisant, le sujet moderne a forclos sa médiance. Par suite, il s’est irrépressiblement poussé à combler le manque-à-être qui en résulte par l’appropriation et la consommation des objets qui désormais composent le monde. C’est là, fondamentalement, aussi bien le ressort du capitalisme en général que, plus particulièrement, celui du fordisme : la consommation individuelle de masse des biens durables, substituée au ménagement du capital social (i.e. l’entrelien humain). C’est donc la raison première, et elle est ontologique, de la crise de l’environnement. De fait, à la forclusion du corps médial – lequel est ontologiquement nécessaire à notre existence – correspond l’oubli que le milieu est


5 écologiquement nécessaire à notre vie ; ce qui, concrètement, s’exprime par le ravage de la biosphère (Berque 2005). Ce qui précède implique avec évidence que l’on ne pourra surmonter la crise de l’environnement sans une révolution copernicienne de notre ontologie. C’est cela même que, par rapport au sujet moderne, veut dire la médiance. Toutefois, ce n’est pas cette perspective qu’il s’agit ici d’argumenter. Nous nous attacherons plutôt à déployer les implications de la médiance au-delà de l’ontologie, en généralisant le rapprochement fait plus haut entre Watsuji et LeroiGourhan, pour définir une interprétation mésologique de l’embrayage entre l’histoire naturelle et l’histoire humaine. L’étude de chaque milieu humain en particulier, comme celle en général de l’écoumène (l’ensemble des milieux humains, autrement dit la relation de l’humanité à la Terre), révèle immanquablement la justesse du principe posé par Watsuji : le milieu est historique, de même que l’histoire est mésologique. Watsuji n’a cependant pas clairement défini le lien de ce principe avec la définition qu’il donne de la médiance. Il s’en tient à des prémisses comme les suivantes : La subjectité de la chair a pour base la structure spatio-temporelle de l’existence humaine. Par conséquent, ce qu’est la chair subjective n’est pas une chair isolée. S’unissant tout en s’isolant, isolement dans l’union, voilà la structure dynamique que possède la chair subjective. Dans le temps, cependant, où toutes sortes de solidarités se développent au sein de cette structure dynamique, elle devient une chose historique-médiale. Le milieu aussi était la chair de l’humain. Mais, de même que la chair de l’individu a été considérée comme un simple « corpsobjet », l’on en est venu à ne le considérer qu’objectivement, comme un simple environnement naturel. Or, au même titre que l’on doit restaurer la subjectité de la chair, il faut restaurer la subjectité du milieu (Watsuji 1979 : 21-22).

C’est ici que le bât blesse. Il n’est en effet pas possible de poser sur un même plan de subjectité la conscience, le corps et le milieu environnant. Du reste, la définition même de la médiance, en ce qu’elle reconnaît un « moment structurel » dans la relation humaine à l’environnement, implique une contradiction entre les termes de cette relation. C’est donc ici qu’il convient de se rappeler la curieuse expression que Platon, dans le Timée, utilise à propos du milieu où advient la réalité sensible (genesis), ce qu’il appelle la chôra : il qualifie celle-ci de « troisième et autre genre » (triton allo genos, 48e3). Troisième genre, la chôra l’est par rapport d’une part à la genesis, d’autre part à l’être absolu (ontôs on, eidos ou idea) : elle ne relève proprement ni de l’intelligible qu’est celui-ci, ni du sensible qu’est celle-là. Si l’on applique cette idée au dualisme moderne, on voit qu’il s’agit, pour saisir la réalité des milieux humains, de lui envisager un genre autre que celui de la seule bipolarité entre le sujet et l’objet. Ce troisième genre, autre que le sujet et l’objet, c’est ce que j’ai proposé d’appeler la trajectivité (Berque 1986 : 147). Les choses qui constituent notre corps médial (notre milieu) sont trajectives dans la mesure où elles ne sont ni proprement nous-mêmes (i.e. des sujets), ni de purs en-soi détachés de notre existence (i.e. des objets). Si elles existent pour nous, ce n’est en effet que dans la mesure où nos sens, et les systèmes techniques et symboliques qui les extériorisent, les rapportent à nous-mêmes en tant que quelque chose. La trajection, c’est justement l’opération de cet en-tant-que par lequel les choses, de l’abstraction d’un pur en-soi, deviennent une réalité humaine – c’est-à-dire la réalité, puisque nous ne pouvons être qu’humains et qu’il n’est donc pour nous de réalité qu’humaine. Ce devenir au sein du monde sensible, ce n’est autre que la genesis.


6 Cette genèse est ce qui constitue l’écoumène, c’est-à-dire ce qui, de la Terre, fait la demeure de notre être5. Autrement dit, c’est la trajectivité des choses, qui nous rend la Terre habitable. Elle en fait un milieu avec lequel nous sommes en prise, c’està-dire nous offrant ces prises6 – ressources, contraintes, risques et agréments – qui non seulement nous permettent concrètement de vivre, mais qui sont notre ek-sistence même en tant qu’humains : elles sont en effet la trajection, par la technique et le symbole, de nos corps animaux respectifs en un corps médial qui nous est commun ; c’est-à-dire qu’elles sont l’expression concrète de notre médiance. Ainsi, de même que notre corps médial, au-delà de la vie biologique de notre corps animal, vit d’une certaine vie qui n’est autre que sa trajectivité, de même les choses, qui constituent ce corps médial, y naissent (gignontai : genesis) à cette même vie trajective, qui n’est autre que la réalité. Dans cette réalité, on le voit, les choses et le milieu sont indissociables, puisque supposant également l’existence humaine. Notre milieu n’est pas seulement constitué des choses qui nous entourent, il les constitue en nous constituant nous-mêmes dans notre médiance. Il est donc à la fois l’empreinte et la matrice de notre existence. Effectivement Platon, déjà, voyait dans la chôra non seulement l’empreinte (ekmageion, 50c1), mais la mère (mêtêr, 50d2) ou la nourrice (tithênê, 52d4)7 du devenir (genesis). Il faut maintenant savoir le pourquoi de ces très anciennes métaphores, en remontant à leur source concrète. 4. L’assomption de la Terre en monde Pour fonctionner, les métaphores supposent un milieu, ce qui excède le langage verbal. Si Platon fait de la chôra une nourrice qui donne son lait, c’est parce que concrètement, pour un Grec de son temps, la chôra était d’abord la campagne qui nourrissait la ville (l’astu), et dont l’embrassement faisait l’horizon quotidien, au-delà des remparts. Cela sans quoi les gens de la ville, par exemple les philosophes, n’auraient pu exister, faute de manger. En revanche, les gens de la ville étaient ceux qui, en fondant celle-ci, avaient non seulement fondé la polis (le couple astu/chôra), mais fondé le monde. Cette fondation du monde, à savoir de l’existence des êtres, est plus explicite chez les Romains (à l’école des Étrusques) que chez les Grecs, mais les uns et les autres poursuivaient en cela une très vieille idée : là où l’on fonde la ville, là est le foyer de l’être. Le mot astu dérive d’une racine indo-européenne, wes-, signifiant être quelque part, que l’on retrouve dans le sanskrit vastu (emplacement), mais aussi dans l’anglais was, were (formes de to be), l’allemand war, gewesen (formes de sein), Wesen (être, nature, conduite), etc. À cette condensation de l’être qu’est l’astu, la chôra n’est que subordonnée, mais elle est nécessaire à son existence. Elle est en effet son ek-sistence même, puisque ce n’est qu’avec elle que la polis acquiert la totalité de son être, dont subséquemment procède celui de chacun de ses citoyens8. Dans quoi donc l’être existe-t-il – ek-siste-t-il, c’est-à-dire se tient-il au dehors de lui-même ? Dans son milieu, cela va de soi. Tel est le sens profond du couple

5

Oikoumenê (écoumène) vient d’oikos (maison) ; c’est le participe passé d’oikeô, j’habite ; c’est-à-dire proprement « l’habitée ». 6 On notera la parenté de ces prises avec les affordances au sens de Gibson ; mais le point de vue de ce dernier néglige la symbolicité, qui est au contraire l’une des dimensions constitutives de la trajectivité : à la cosmisation du corps animal par les systèmes techniques répond la somatisation du monde par les systèmes symboliques (Berque 2000 : 206). 7 Ce mot vient de la racine indo-européenne tit, qui a donné en français téter, téton, et se retrouve encore telle quelle dans l’anglais tit (téton). En somme, la chôra donne le sein à la genesis. 8 Comme Benveniste (1966, vol. II) l’a montré dans « Deux modèles linguistiques de la cité », à l’inverse du couple civis/civitas, c’est politês (citoyen) qui dérive de polis (la cité-État).


7 genesis/chôra dans le Timée9, construction homologue à celle du couple astu/chôra pour un Grec ; mais pas seulement pour un Grec : c’est cette même construction que reprend inconsciemment10 Heidegger lorsqu’il écrit La limite n’est pas ce où quelque chose cesse, mais bien, comme les Grecs l’avaient observé, ce à partir de quoi quelque chose commence à être (sein Wesen begint). (Heidegger 1958 : 183)

Cette construction existentiale, c’est cela même qu’a forclos ce que j’appelle le « topos ontologique moderne », en abrégé TOM (Berque 2000 : 183), qui a prétendu limiter l’être au topos du corps animal ou de l’objet matériel, en négligeant le milieu (la chôra) nécessaire à leur commune existence ; et cette forclusion, c’est ce que nous devons dépasser si nous voulons survivre sur la Terre (Berque 2005, 2007). Platon, comme on l’a vu, nous dit que la chôra est à la fois l’empreinte et la matrice de la genesis ; contradiction que l’on dépassera facilement si l’on veut bien voir que dans la réalité, l’être et son milieu sont fonction l’un de l’autre. Il faut cependant pour cela d’abord dépasser la doxa moderne, inapte à saisir de telles symbioses puisqu’elle forclôt la médiance. Cette forclusion est sensible dans le courant dominant du darwinisme, pour lequel l’être s’adapte à son milieu, mais sans réciprocité ; c’est par exemple la critique que Francisco Varela fait à l’encontre des affordances gibsoniennes, en plaidant au contraire pour ce qu’il appelle l’énaction : une histoire de couplage structurel [entre le sujet et son environnement] qui fait émerger un monde. (Varela 1993 : 278)

La même forclusion ne se manifeste pas moins, mais à l’envers, dans la vulgate antidéterministe des sciences sociales, pour laquelle l’être se projette sur son environnement, mais sans réciprocité. Cette inversion spéculaire, procédant du TOM, ne fait que refléter le dualisme sujet/objet, et à travers celui-ci la logique aristotélicienne du tiers exclu. Selon de telles prémisses, il ne saurait exister de troisième genre ontologique, ni donc y avoir de milieu sinon objectifié en environnement – comme par exemple l’entend encore Georges Canguilhem (1992 : 165 sqq) alors même qu’il critique la vision mécaniste de la relation entre « le vivant et son milieu ». Et c’est justement cela, comme on l’a vu, que récuse Watsuji dans les premières lignes de Fûdo. Or si Watsuji amplifiait ainsi volontairement la thèse de Heidegger, il ne savait pas que celle-ci avait été anticipée dans les sciences de la nature par les travaux d’Uexküll ; ni, donc, que la distinction qu’il établissait lui-même entre fûdo et shizen kankyô était homologue à celle qu’avait établie Uexküll entre Umwelt (le monde ambiant propre à une espèce donnée) et Umgebung (l’environnement objectif) – à ceci près qu’ontologiquement, elles ne sont pas au même niveau. En effet, si Uexküll et Watsuji veulent tous deux saisir la réalité concrète plutôt qu’un objet abstrait, ce qu’étudie Uexküll, c’est le comportement du vivant dans son écosystème, au niveau ontologique de la biosphère et de l’évolution, tandis que Watsuji s’attache à saisir l’entrelien humain, supposant donc des systèmes éco-techno-symboliques, au niveau ontologique de l’écoumène et de l’histoire : Environnement abstrait, milieu concret

9

C’est bien la raison pour laquelle Jean-Luc Brisson (1994 : 222) traduit chôra par « le milieu où se produit le devenir ». 10 « Inconsciemment » parce que, consciemment, Heidegger a fait au contraire de la chôra l’ancêtre de la conception moderne de l’espace, qu’il rejette quant au Dasein. Alain Boutot (1987 : 131) a critiqué ce contresens.


8

selon Watsuji, au niveau ontologique de l’humain dans l’écoumène et dans l’histoire selon Uexküll, au niveau ontologique du vivant dans la biosphère et dans l’évolution

la condition abstraite de l’objet, vu de nulle part shizen kankyô : l’environnement naturel

la condition concrète de la chose, dans sa trajectivité fûdo : le milieu humain

Umgebung : l’environnement comme donné objectif

Umwelt : le milieu comme monde ambiant

Uexküll et Watsuji ont ainsi tous deux pressenti la trajectivité, le second en récusant comme on l’a vu la réduction du milieu à un environnement objet, le premier en écrivant par exemple que un animal ne peut entrer en relation avec un objet comme tel. (Uexküll 1965 : 94) Restait à formuler explicitement cette relation dont le dualisme sujet/objet ne peut rendre compte, et qui n’est autre que la trajection par laquelle une chose acquiert concrètement sa réalité ; c’est ce que j’ai voulu faire en posant (Berque 2003) que cette trajection peut s’écrire r = S/P, et se lire « la réalité, c’est S en tant que P ». S, c’est ce dont il s’agit ; i.e. le sujet (pour le logicien), ou l’objet (pour le physicien). P, le « prédicat », c’est ce que S est en réalité pour un existant quelconque ; c’est-à-dire, s’agissant de l’humain, les termes dans lesquels on saisit S par les sens, la pensée, la parole et l’action. L’oblique /, c’est l’en-tant-que écouménal, autrement dit l’opération de trajection (l’assomption de S en tant que P). L’idée de parler ici de prédicat est inspirée par Nishida (1927), lequel, en contestant la logique aristotélicienne de l’identité du sujet, lui opposa ce qu’il a nommé « logique du lieu » (basho no ronri) ou « logique du prédicat » (jutsugo no ronri). C’est toutefois sans rapport avec Heidegger, Uexküll ni Watsuji que Nishida, fort de cette logique, parlait de « monde prédicatif » (jutsugo sekai) ; et c’est à mon tour sans rapport avec la mystique nishidienne – mystique en ce qu’elle absolutise le prédicat, comme l’Évangile selon saint Jean pose le Verbe en tant que Dieu –, mais en référence directe à l’ontologie des trois premiers, que je poserai la définition suivante : l’écoumène, ensemble des milieux humains, c’est l’assomption de la Terre (S) en tant que monde (P). Autrement dit, ce qui engendre la réalité (S/P), c’est la trajection de la Terre en monde (Berque 2000 : 144). Le principe de cette trajection vaut aussi bien au niveau ontologique de la biosphère (pour le vivant, soit dans les termes écologiques d’une Umwelt) qu’à celui de l’écoumène (pour l’humain, soit dans les termes éco-techno-symboliques d’un fûdo). Il faut bien voir en outre que cette relation est dynamique ; c’est un engendrement (une genesis), un Moment qui non seulement se déploie dans l’espace, mais se déroule dans le temps. Or à toute échelle de temps (dans l’histoire comme dans l’évolution), l’assomption de S en P (S P) produisant la réalité (S en tant que P, i.e. S/P), ce résultat S/P devient à son tour le donné objectif (l’Umgebung, S) par rapport auquel de nouveaux êtres établiront leur propre médiance. Par exemple, les générations humaines de l’an 2000 vivent à tous égards (aussi bien écologiquement que techniquement et symboliquement) dans un monde où existe déjà l’internet ; et c’est dans la médiance de ce monde-là qu’elles inventeront de nouveaux mondes, pas


9 dans l’abstrait (à partir de rien). De même dans la biosphère : les hominidés du pléistocène existaient dans un monde où les mammifères avaient depuis longtemps remplacé les dinosaures du jurassique ; et c’est, spécifiquement, dans la médiance de ce monde-là qu’ils évoluaient, pas dans un « environnement » abstrait. C’est dire que ce qui était P (un monde) à une certaine époque, à l’époque suivante devient S : ce à partir de quoi il y aura trajection d’un monde nouveau, P’. En d’autres termes, au fil du temps, il y a hypostase (substantialisation) de P en S (P S) ; ce qui peut se représenter par la formule suivante : (((S/P)/P’)/P’’)/P’’’ et ainsi de suite, où l’on voit qu’avec le temps, S/P se trouve indéfiniment hypostasié en position de S par rapport à P. Ce va-et-vient évolutif entre sujet et prédicat, substance et accident, Terre et monde, nature et culture, génétique et épigénétique, c’est la trajectivité ; et c’est cela qui fait l’histoire (au niveau ontologique de l’écoumène), comme cela fait l’évolution (au niveau ontologique de la biosphère) : Du milieu à l’histoire et à l’évolution – l’embrayage nature / culture –

du Réel abstrait à la réalité concrète, par l’assomption de S en P de la réalité au Réel, par l’hypostase de P en S et ainsi de suite

au niveau ontologique de l’écoumène d’environnement (objectif) en milieu (trajectif) : r = S/P R = (((S/P)/P’)/P’’)/P’’’…

au niveau ontologique de la biosphère d’Umgebung (objective) en Umwelt (trajective) : r = S/P R = (((S/P)/P’)/P’’)/P’’’…

l’histoire

l’évolution

5. Conclusion : hasard, nécessité, contingence Autrement dit, avec le temps, l’immatériel (un mode d’existence) devient le matériel (une forme vivante). C’est ainsi par exemple que, par effet en retour, l’humanisation des choses par le symbole a entraîné l’hominisation, et le langage acquis la capacité physiologique innée de parler. La même raison trajective (Berque 2000 bis) est valable pour toutes les formes de l’évolution, au moins depuis l’apparition de la vie, voire de la flèche du temps. Telle est la perspective théorique – l’hypothèse – à quoi conduit l’ontologie de la médiance (Berque 2009). Il faudra du temps, et du monde, pour la construire scientifiquement. L’on voit cependant, d’ores et déjà, qu’elle exclut le déterminisme, autrement dit la nécessité. Certes non pas qu’il ne s’agirait que de hasard (dans l’évolution) ou d’arbitraire (dans l’histoire humaine) ; cette alternative entre le hasard et la nécessité, la détermination et l’arbitraire, est en effet typique du dualisme moderne, que la médiance exclut. Elle fut, à la lettre, exemplifiée par Jacques Monod (1970). Pour ce mécanicisme abstrait, il n’y avait effectivement pas de troisième genre possible entre la nécessité (toujours ceci après cela) et le hasard (n’importe quoi n’importe quand n’importe où). Du point de vue mésologique, en revanche, ce troisième genre, Aufhebung du hasard et de la nécessité, c’est la contingence de la réalité concrète : elle pourrait être autrement, mais elle est ce qu’elle est de par la médiance d’un certain milieu et l’historialité de son histoire. À chaque étape de l’hypostase de P en S (autrement dit, de la création d’un être), en effet, celle-ci intègre indéfiniment la contingence de P (qui, de l’échelle individuelle à celle de l’espèce, est une interprétation subjective de S) dans ce qui deviendra S’ (un nouvel être) ; mais en retour, quand cet être déploie son monde, il suppose l’existence objective de S (dont la sienne propre) dans l’assomption de S en P.


10 La contingence de la réalité ne se réduit donc ni au hasard ni à l’arbitraire. Pour cette même raison, il est faux, par exemple, de qualifier d’arbitraire la relation entre signifiant et signifié, parce qu’elle ne s’établit pas dans l’abstraction d’un arrêt sur objet (Berque 2000 : 69), mais concrètement et dynamiquement dans le fil d’une histoire et dans la trajectivité d’un milieu ; elle n’est donc pas « arbitraire », elle est contingente. Corrélativement, ce ne sont pas des objets dans l’abstraction de leur ensoi que désignent les mots, ce sont des choses, issues avec eux-mêmes de l’histoire d’un certain milieu dans son croître-ensemble (sa concrétude)11. La contingence ne se réduit évidemment pas non plus à la nécessité ni à la détermination. L’on ne peut donc pas davantage, même a posteriori, prédire ce que deviendra une espèce, parce que son évolution est spécifique à son Umwelt, dont l’interprétation ne relève pas seulement de la mécanique, mais aussi de l’herméneutique puisqu’elle suppose une subjectité. Si l’évolution ne relevait que de l’universalité de l’Umgebung, il n’y aurait pas de spéciation : tout le vivant serait logé à la même enseigne, et n’aurait donc aucune raison de se différencier ; alors qu’en réalité, chaque espèce habite son monde avec ses raisons propres ; un monde qui devient objectivement de plus en plus spécifique de par sa trajectivité même : (((S/P)/P’/)P’’)/P’’’… et ainsi de suite, dans une contingence exponentielle qui n’est autre que l’évolution. Il en va ainsi, a fortiori, de l’histoire humaine, la culture étant advenue comme une trajection supplémentaire de la trajectivité du monde de certaines espèces (Berque 2008 : 100 sqq), et étant donc d’emblée une histoire : (S/P)/P’. Autrement dit, la nature vivante – non pas la nature morte du mécanicisme – est toujours à naître. N’est-ce pas ce dont les Romains eurent le pressentiment lorsqu’ils traduisirent phusis par le participe futur du verbe nasci ? Palaiseau, Pâques 2010. BIBLIOGRAPHIE AGAMBEN Giorgio (2002) L’Aperto. L’uomo e l’animale, Turin, Bollati Boringhieri, 2002.. BENVENISTE Émile (1966) Problèmes de linguistique générale, Paris, Gallimard, 2 vol. BERQUE Augustin (1986) Le sauvage et l’artifice. Les Japonais devant la nature, Paris, Gallimard. - (1990) Médiance, de milieux en paysages, Paris, Belin/Reclus. - (2000) Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains, Paris, Belin. - (dir., 2000) Logique du lieu et dépassement de la modernité, Bruxelles, Ousia, 2 vol. - (2000 bis) Tsûtaiteki risei to kindai no chôkoku (Raison trajective et dépassement de la modernité), Genshôgaku nenpô, 16, 83-98. - (2003) Shizen to iu bunka (La culture comme nature), in KIHEI 2003, 7-23. - (2005) La forclusion du travail médial, L’Espace géographique, XXXIV, 1, 81-90. - (2007) Vers une mésologie – au delà du topos ontologique moderne –, in WIEWIORKA 2007, 149-154. - (2008) La pensée paysagère, Paris, Archibooks. - (2009) Les travaux et les jours : histoire naturelle et histoire humaine, L’Espace géographique, XXXVIII, 1, 73-82. BRISSON Jean-Luc (1994) Le Même et l’autre dans la structure ontologique du Timée de Platon, Sankt Augustin, Akademia Verlag. BOUTOT Alain (1987) Heidegger et Platon, Paris, PUF. CANGUILHEM Georges (1992 [1965]) La Connaissance de la vie, Paris, Vrin. CASSIN Barbara (dir.) Vocabulaire européen des philosophies, Paris, Seuil / Le Robert. d’ESPAGNAT Bernard, Le Réel voilé. Analyse des concepts quantiques, Paris, Fayard, 1994. DUFOUR Dany-Robert (2005) On achève bien les hommes, Paris, Denoël. 11

On sait que concret vient de cum-crescere (croître avec). Ce qui croît ensemble, ce sont les gens, les mots et les choses ; mais cette concrétude, c’est justement ce que forclôt le TOM.


11 GIBSON James (1979) The Ecological approach to visual perception, Boston, Houghton Mifflin. HEIDEGGER Martin (1958) Essais et conférences, Paris, Gallimard. KIHEI Eisaku (dir., 2003) Shizen to iu bunka no shatei (La portée de la culture comme nature), Kyôto, Kyôto Daigaku daigakuin bungaku kenkyûka. LEROI-GOURHAN André (1964) Le Geste et la parole, Paris, Albin Michel, 2 vol. MONOD Jacques (1970) Le Hasard et la nécessité, Paris, Seuil. NISHIDA Kitarô (1966[1927]) Basho (Champ), in Nishida Kitarô zenshû, IV, Tokyo, Iwanami. PLATON (1925) Timée, Paris, Les Belles Lettres. POPPER Karl (1957) The Poverty of historicism, Londres, Routledge, 1957. SUZUKI Sadami (2007) Seimeikan no tankyû (La Quête d’une vision de la vie), Tokyo, Sakuhinsha. UEXKÜLL Jacob von (1965 [1934]) Mondes animaux et monde humain, Paris, Denoël. VARELA Francisco (1993) L’Inscription corporelle de l’esprit, Paris, Seuil. WATSUJI Tetsurô (1979 [1935]) Fûdo (Le Milieu humain), Tokyo, Iwanami. WIEWIORKA Michel (dir., 2007) Les Sciences sociales en mutation, Auxerre, Sciences humaines.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.