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Guyaflux, ou comment la forêt respire Plus de saison en Guyane?

#COP21

Nouragues, la sentinelle du climat Petit saut : 20 ans d’hydroélectricité

Portraits d’arbres guyanais

HORS-SÉRIE

HS #COP21 - novembre 2015

Le littoral amazonien depuis l’espace


Une autre vie s’invente ici Parc naturel régional de la Guyane

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Deuxième réserve naturelle de France par sa superficie (94 700 ha), la réserve naturelle des marais de Kaw-Roura, gérée par le Parc naturel régional de la Guyane, se compose d’une zone marécageuse de savane flottante irriguée par la crique Angélique et la rivière de Kaw.

Réserve naturelle des Marais de Kaw

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Réserve naturelle de Kaw-Roura

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ÉDITO

LA GUYANE À LA COP21 ? Loin des grands émetteurs de gaz à effet de serre, entourée d’une forêt dense, sous un climat déjà chaud, la Guyane pourrait se croire à l’abri des effets dévastateurs du changement climatique. Pourtant, avec une population concentrée sur le littoral, l’absence de reliefs sur ses rivages, les zones habitées guyanaises risquent de subir de plein fouet l’élévation du niveau des mers. Quant à la forêt pluviale, sa réaction face aux variations de températures et de pluviométrie demeure mal connue. Certains scientifiques observent une accentuation des saisons sèches, qui pourrait conduire à une diminution de l’humidité, un facteur indispensable pour l'écosystème forestier de la Guyane. Le grand flux d’eau douce charrié par les fleuves (le plateau des Guyanes contient 15% des réserves d'eau douce de la planète) pourrait-il un jour se tarir ? Devant ces interrogations et ces enjeux, la Guyane joue un rôle central. Sa forêt, la plus grande de l’Union européenne, est un fantastique "puit de carbone" ausculté par les scientifiques. Ce numéro dédié à la conférence COP21 de Paris, compile des articles issus des archives de Une saison en Guyane, ainsi qu'un portfolio inédit de portrait d'arbres guyanais. Nous avons souhaité y mettre à l'honneur les thèmes du réchauffement climatique, du carbone forestier, et des énergies ; car notre petit territoire peut contribuer à résoudre la grande équation du réchauffement climatique, et faire aujourd’hui les choix d'une société plus responsable. Logo Final

Pierre-Olivier Jay - Rédacteur en chef Avec

le soutien de

▲ (Ci dessus et page suivante) Arbre émergeant dans la réserve naturelle des Nouragues. Septembre 2015. Photo Tanguy Deville.

Une saison en

Guyane COP21

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►Augmentation de la température entre 1900 et 2100 sur la région amazonienne. Les incertitudes varient entre +1,7°C et +5,5°C en fonction du modèle et du scénario socio-économique choisi. Les valeurs en rose représentent les erreurs sur les mesures entre 1900 et 2000. Tiré du rapport du GIEC (2007).

PLUS DE

SAISON en Guyane ?

CLIMAT

Sommaire#COP21 C° 8 6 4 2 0 1900 voir le couvert forestier3 passer de 65% à environ 50% à l’horizon 2050. Autrement dit, les forêts tropicales continueront à être coupées mais il en restera beaucoup dans cent ans. Un enjeu crucial de conservation est de savoir si ces forêts seront non perturbées et si elles pourront assurer leur rôle de havre de biodiversité et de puits de carbone. Pour répondre à cet enjeu, il faut intégrer des risques nouveaux, plus insidieux (car moins visibles) que les bulldozers et les tronçonneuses. L’utilisation croissante du charbon, du pétrole et du gaz naturel par les hommes a pour conséquence une augmentation de la concentration en gaz à “ effet de serre ” dans l’atmosphère, comme le CO² (dioxyde de carbone). Les molécules de CO² contenues dans l’atmosphère stockent la chaleur émise par la Terre et l’empêchent ainsi de se refroidir. Ce phénomène n’est pas nouveau : il a été décrit par le chimiste

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suédois Svante Arrhenius en… 1896. Le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) est en charge de synthétiser les preuves de l’existence de l’effet de serre. Son quatrième rapport a été publié en 2007 et les scientifiques du GIEC ont reçu la même année le prix Nobel de la Paix pour leurs efforts de lutte contre ces changements climatiques (Al Gore a partagé ce prix avec eux). Sans attendre leur prochain rapport (prévu pour 2014), penchons-nous sur les conclusions du GIEC pour l’Amérique du Sud. Pour la période 2080-2099, la température pourrait y augmenter de 3,3°C par rapport à la période 1980-19994. Une telle augmentation constituerait un réchauffement considérable pour cette région. En effet, les enregistrements à Cayenne suggèrent que la température n’a pas encore augmenté : avec une moyenne de 26,3°C, les extrêmes n’ont jamais dépassé +1°C ou -1°C. Les années les plus chaudes (1983 et 1998) correspondent à des années où le

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Ces résultats ont été obtenus par un consortium de 21 équipes de recherches qui ont comparé les résultats de simulations climatiques à l’échelle globale.

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Un événement El Niño est une année durant laquelle la circulation de l’eau dans l’océan Pacifique se modifie, ce qui a des conséquences globales sur le climat, et entre autres dans les Guyanes.

▲Sécheresse de

l’Amazone en 2005. Ce bateau échoué à l’Est de Manaus reflète l’isolement des communautés vivant au bord du fleuve pendant la sécheresse, dépendantes de l’approvisionnement aérien (cette photo de Daniel Beltrà a été primée au World Press en 2007).

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ans le film Une Vérité qui Dérange, Al Gore nous alerte sur les changements climatiques et leurs conséquences directes pour les hommes. L’augmentation des températures est en route et elle va conduire à une fonte des glaces, donc à une montée du niveau des océans… Mauvais temps pour les ours polaires et les atolls du Pacifique. Mais les forêts tropicales, qui rassemblent les deux tiers de la biodiversité et dont dépendent un milliard d’humains, sont passées sous silence. Fort dommage : les forêts sont un rempart naturel aux changements climatiques car elles ont une grande capacité à stocker du carbone. Que savons-nous vraiment du futur de l’Amazonie ? Le climat de Guyane peut-il vraiment se dérégler ? Et que se passerait-il alors ? Un article publié dans Le Monde en 2003 était

titré « Forêts tropicales : c’est fichu » . Il prédisait la destruction totale des forêts tropicales en moins de cent ans. C’est un fait, le tiers de la superficie potentielle des forêts tropicales a déjà disparu2. La conversion des terres pour l’agriculture intensive reste perçue comme le danger principal qui guette ces forêts, leur conservation a donc concentré l’essentiel des efforts. En témoignent les pressions législatives autour de la réforme du Code Forestier brésilien, qui était encore en examen par le Congrès du Brésil début juin 2012. Cependant, même si la déforestation continue (à une moyenne de 0,5% par an), la plupart des études récentes démontre un ralentissement de cette déforestation dans les tropiques. Avec l’exode rural, on devrait aller vers une diminution de la pression humaine sur les forêts tropicales et 1

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Frédéric Durand, Francis Hallé et Nicolas Hulot, Le Monde, 10 novembre 2003. Wright & Muller-Landau, Biotropica, 38, 287, 2006. Il existe plusieurs définitions d’une forêt. Selon la FAO, est en forêt toute zone dans laquelle les arbres ont au moins 5 m de haut, et couvrent au moins 10% de la superficie. Selon la FAO la superficie des forêts tropicales mondiales est aujourd’hui de 15 millions de km². La définition retenue ici est plus stricte : avec les instruments de mesures montés sur les satellites d’observation de la Terre, on peut précisément déterminer si un pixel est couvert ou non par dela forêt à une résolution de 30 m. Selon cette nouvelle définition, la superficie des forêts tropicales est de 11 millions de km².

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►Inondation sur le Maroni à Loka en juin 2008. Une saison en

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CLIMAT

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Réchauffement climatique

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mais les changements climatiques inquiètent encore plus les scientifiques et les environnementalistes... L’aire de répartition d’une espèce est déterminée non seulement par la présence d’habitats favorables, mais également par la combinaison spécifique de conditions environnementales, comme la température et la pluviométrie. Avec les changements climatiques, ces conditions favorables regroupées dans une “enveloppe climatique” se déplacent (vers le nord, le sud, en altitude...). Les animaux intimement liés à une enveloppe climatique doivent donc migrer avec elle pour éviter l’extinction. ▼La zone de recherche autour de l’inselberg C’est à ce moment précis de l’histoire que l’effet conjugué de la destruction à partir d’une illustration du “Guide des réserves naturelles de directe de l’habitat et des changements climatiques va devenir extrêmement Guyane” DIREN 2008, ouvrage col.lectif, sous la direction de Mael Dewynter de l’ ONF, illustration P-O Jay. préoccupant. Penchons-nous sur l’avenir des espèces restreintes à des zones protégées entourées d’habitats dégradés. Lorsque la température augmente ou que la pluviométrie diminue, l’enveloppe climatique s’éloigne et Camp Inselberg les espèces se retrouvent piégées. Dans l’impossibilité de migrer, elles sont condamnées à

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naturelle des Nouragues.

et interglaciaires. Cela fait des millions d’années que ces cycles rythment la vie et les derniers millénaires ont été particulièrement riches en évènements climatiques. Il est également admis que ces bouleversements du climat, en poussant à l’exil, éclatent les aires de répartition des espèces et isolent les populations. Ces changements représentent l’un des principaux moteurs de la spéciation, c’est-à-dire de la genèse des espèces. Ils créent de la biodiversité. Oui. Mais sur des millénaires. Et encore faut-il que les espèces puissent trouver refuge dans des zones favorables. Sinon, c’est l’extinction. Depuis deux décennies, les changements climatiques ont non seulement modifié le rythme de vie des grenouilles ou des papillons des zones tempérées, mais ils sont fortement mis en cause dans la disparition d’espèces tropicales. Car l’histoire qui nous intéresse se déroule sous les tropiques. Prenons l’exemple des amphibiens. C’est un formidable cas d’école, mais une bien triste histoire. Un tiers des 6300 espèces est sérieusement menacé. La destruction des habitats est directement responsable de l’effondrement de certaines populations,

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▼Localisation de la réserve

otre climat change. Et même si le scepticisme, du moins quant aux causes de ce changement,est encore de rigueur dans certaines sphères, les faits sont là. Les indicateurs de ces changements sont nombreux et les recherches en cours montrent que cette crise ne représente pas une abstraction lointaine, mais bien un phénomène concret, actuel, dont les effets sur les organismes vivants peuvent déjà se mesurer. Eloignons-nous un instant de la Guyane pour des latitudes plus élevées. Dans les régions tempérées de l’hémisphère nord, de nombreuses espèces végétales et animales étendent doucement leur aire de répartition vers le nord. Les oiseaux pondent de plus en plus tôt au printemps, l’émergence des papillons et les spectaculaires floraisons alpines sont de plus en plus en précoces. Les grenouilles et les crapauds quittent leur retraite d’hiver pour rejoindre les mares et se reproduire bien plus tôt qu’au début du siècle... A priori, pas de quoi fouetter un chat ? Il est vrai que par le passé, les organismes ont vu leur répartition se déplacer du nord au sud et du sud au nord au gré des périodes glaciaires

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PORTFOLIO par Tanguy Deville Portraits d’arbres guyanais

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éployant leur houppier au-dessus du couvert végétal, ils viennent troubler l’apparente monotonie de la canopée. Ces « émergents » ne se contentent pas de régner sur la forêt et d’imposer leurs cycles comme principaux moteurs de la dynamique forestière : ils concentrent également l’essentiel des richesses amazoniennes. Car un grand arbre n’est pas une réplique en grand d’un petit arbre : il est infiniment plus complexe, ses nombreuses branches et anfractuosités lui permettent d’accueillir une multitude d’écosystèmes miniatures. Il constitue ainsi un support de biodiversité à part entière, d’autant plus que les fruits des ces arbres émergents sont souvent les plus consommés par les espèces emblématiques de nos forêts, comme les singes ou les oiseaux de canopée. De même, leur capacité à stocker du carbone est sans commune mesure avec les arbres de taille plus modeste. Un tronc d’un mètre de diamètre séquestre autant de carbone que 200 tiges de dix centimètres de diamètre… ce qui correspond aux émissions de gaz à effet de serre d’un français pendant 7 ans ! A l’heure des décisions internationales sur le climat, pas question de se passer de ces alliés de poids : pour maintenir les équilibres climatiques, la forêt primaire et ses géants végétaux ont un rôle clé à jouer .

Ce travail a été réalisé par l’association Semilimax avec le soutien du WWF Guyane. Merci à la Réserve Naturelle des Nouragues, cogérée par l’ONF et le GEPOG, et à celle du Grand Matoury gérée par la Commune de Matoury et l'ONF.

Chacun de ces portraits est constitué d'une centaine de photographies. Ils ont été réalisé en grimpant un arbre émergent face à l'arbre photographié, qui offrait une vue bien dégagée autant sur la canopée que sur le sous-bois. Les images ont été prises à plusieurs niveaux, en progressant sur une corde verticale, puis assemblées.

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►Devant l’inselberg des Nouragues. Septembre 2015

Guyane COP21

QUE SAIT-ON AUJOURD’HUI SUR LE RÔLE DE LA FORÊT GUYANAISE DANS LE CYCLE DU CARBONE ?

Guyaflux

LATOUR QUI MESURE LE BILAN CARBONE DE LA FORÊT

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LE CHANGEMENT CLIMATIQUE EN GUYANE annuelle. Il est aussi projeté que les précipitations varient : une augmentation de 4% lors de la saison des Le réchauffement de la planète est une réalité, un fait pluies, et une baisse de 3% lors de la saison sèche. Les scientifique. Les données météorologiques issues des conséquences d’un tel pronostic sont multiples : des stations d’enregistrement l’attestent et la Guyane n’est sécheresses plus longues et plus sévères ; une hausse du pas épargnée. Météo France confirme que la température niveau de la mer ; la disparition de certaines espèces moyenne de la Guyane a augmenté de 0.6°C depuis un végétales ; de plus importantes inondations ; des maladies demi-siècle, avec une accélération au cours des deux vectorielles telles que la dengue ou le paludisme transmises dernières décennies. Il y a encore quelques années, plus aisément ; la baisse des rendements agricoles, et surtout, l’origine de ce réchauffement était largement débattue. la détérioration de la capacité de la forêt à stocker du CO₂. Mais récemment, en particulier après la publication du dernier rapport du GIEC* en 2007, seuls quelques LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT sceptiques continuent de nier l’évidence : l’augmentation CLIMATIQUE AU NIVEAU INTERNATIONAL de la concentration en gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère est à l’origine de ce réchauffement. Attention L a géopoLitique des quotas : ce n’est pas “l’effet de serre” en soi qui est en cause mais l’effet de serre ADDITIONNEL, lié aux rejets de GES Face à l’imminence des conséquences, essentiellement depuis le début de l’ère industrielle ! L’effet de serre est désastreuses, du changement climatique sur l’Homme et un phénomène naturel sur notre planète Terre, qui nous les écosystèmes, la nécessité impérieuse de conclure au permet d’avoir une température moyenne à la surface du niveau international un accord est apparue dès le début des globe de l’ordre de 15.5°C. Sans cela, elle serait proche de années 1990. Au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en -18°C, un milieu bien trop glacé pour l’espèce humaine ! 1992, 150 pays signent la Convention cadre des Nations Le phénomène est simple. Les rayons du soleil (dans les Unies sur le Changement Climatique. Ils s’engagent à longueurs d’onde du visible) chauffent la planète Terre. Elle “stabiliser les concentrations de GES dans l’atmosphère à émet alors un rayonnement infrarouge, en partie piégé par un niveau qui empêche toute perturbation anthropique les GES (H2O, CO2, CH4, etc.) présents ▼Configuration du réchauffement climatique à la surface du globe extrait du dans l’atmosphère, dont l’une des propriétés rapport du GIEC* 2007. chimiques est d’absorber le rayonnement infrarouge. Cela contribue à conserver l’énergie de ce rayonnement dans notre immense “serre”, c’est-à-dire l’atmosphère, et à la réchauffer. Ainsi, plus la quantité de gaz est importante dans l’atmosphère, plus le piégeage, et le réchauffement donc, est accentué. Ce phénomène s’est amplifié avec l’augmentation des GES depuis 150 ans, et se poursuit à grande vitesse aujourd’hui. Les conséquences sur l’environnement, les ressources vitales, la production alimentaire et la santé notamment sont encore mal connues et difficiles à appréhender. Elles pourront être positives, comme l’extension de l’aire géographique de certaines espèces (ex., le chêne vert pourrait pousser jusqu’à Paris), mais surtout négatives (ex. la montée du niveau moyen des océans et la submersion d’îles, la disparition d’écosystèmes fragiles, dangereuse du système climatique”. C’est là que l’idée d’espèces animales ou végétales, l’arrivée de nouvelles de valoriser les capacités de séquestration de CO₂ de la maladies et surtout l’augmentation des sécheresses). En forêt germe. Il faut pourtant attendre février 2005, et la Guyane, entre les relevés de 1980-1999 et les années ratification du Protocole de Kyoto – élaboré en 1997 – par 2080-2099, le GIEC* prévoit une augmentation de la Russie, pour que cette lutte prenne une autre tournure. la température de l’air de l’ordre de 3,3°C en moyenne Combattre le changement climatique passe alors du Une saison en

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CARBONE

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Carbone & forêt


PETIT SAUT BARRAGE DE PETIT 18 ANS1D’HYDROELECTRICITÉ SAUT

AU SERVICE DE LA GUYANE

Depuis 1994, le barrage de Petit Saut sur le Sinnamary et son immense retenue d’eau fournissent plus de la moitié de l’électricité de la Guyane. À l'heure où se pose la question d'un second grand barrage pour subvenir aux besoins croissants de la Guyane en énergie, retour sur une aventure humaine, scientifique et économique chargée de remous.

▲Le lac de retenue du

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barrage de Petit Saut est le plus vaste de France avec 350 km2.

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Du pétrole

en Guyane ?

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ANALYSE STRATEGIQUE REGIONALE GUYANE

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Source Agence des aires marines protégée et Tullows Oil

Pêche côtière brésilienne et surinamaise Zone de pêche côtière et territoire du projet d'Unité d'Exploitation et de Gestion Concertée

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sont évidemment nombreuses pour exploiter un réservoir à ces profondeurs : les conduites habituellement utilisées pour l’offshore conventionnel sont inadaptées et croulent sous leur propre poids, la température de l’eau (4 degrés à 1500 mètres) est une gêne au bon acheminement du pétrole*, qui jaillit à 80 ou 100 degrés, et doit être conservé aussi chaud que possible afin d’éviter les dépôts de paraffine ou d’hydrate de carbone à l’intérieur des tubes de production. Petrobras, le pétrolier brésilien, s’est lancé dans l’aventure depuis la découverte en 2007 de gigantesques réserves sous-marines au large du Brésil, sous 2100 mètres d’eau, 3000 mètres de sable et 2000 mètres de sel. On estime ces réserves entre 5 et 8 milliards de barils*, soit 40% des réserves actuelles du pays. Plus proche de chez nous, au large du Surinam, des prospections sous 2000 mètres d’eau sont menées depuis 2000. L’histoire de la prospection pétrolière au large de la Guyane n’est pas récente. Elle remonte aux années 1970 et aux travaux d’Elf au large de Sinnamary. A l'époque, le géant français encore contrôlé par l’État fait réaliser 2 forages de 850 mètres de profondeur sous 50 mètres d’eau. Les deux ouvrages sont alors infructueux. Il faudra attendre 2001 et le rachat à la France par le pétrolier britannique Tullow Oil d’un permis d’exploration de 32 000 km² dans la zone économique exclusive pour voir se relancer la recherche d’or noir au large de la Guyane. Les technologies et le contexte économique pétrolier ayant considérablement changé depuis les années 70, les recherches entreprises par Tullow Oil se focalisent sur une ressource ultra profonde sous 2000 mètres d’eau. C’est l’analogie des systèmes géologiques rencontrés au large du Suriname avec ceux du champ pétrolifère de Jubilee face au Ghana qui laisse espérer aux géologues pétroliers la présence d’une ressource exploitable renfermée par le

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▼Les prospections pétrolières dans la ZEE

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Projet de port en eaux profondes

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# Routes maritimes

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Îles du Salut

endant longtemps, le pétrole* enfoui en profondeur sous l’océan paraissait inexploitable, principalement pour deux raisons : d’abord parce que les technologies existantes ne permettaient pas de forages à 2000 ou 3000 mètres au-dessous du niveau de la mer, ensuite parce qu’il était difficile d’envisager qu’avec les moyens à mettre en œuvre pour récupérer l’or noir dans ces conditions, les gisements pourraient devenir rentables à terme. L’avancée technologique, la demande toujours croissante en hydrocarbures et l’augmentation du prix du baril* font que ces barrières ne semblent plus tout à fait infranchissables maintenant. C’est ainsi que les grands groupes pétroliers se tournent vers l’offshore profond (entre 500 et 1500 mètres au dessous du niveau de la mer) et ultra-profond (au delà de 1500 mètres). Le forage offshore le plus profond se situait à 312 mètres en 1978, il est désormais à 2540 mètres depuis 2007. Les difficultés techniques

Guyane COP21

Système de coordonnées : RG FG 95 - UTM 22 N - IAG GRS 1980 Réalisation : Agence des aires marines protégées - janvier 2010

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Guyane COP21

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ENERGIE

Énergies

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Le navire de prospection Geocarribean tractant les “streamers” dans les eaux guyanaises en 2010. En haut à droite, la plateforme de forage en eaux profondes ENSCO 8503. Elle doit forer sur le site Zaedyus courant février 2011.

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Credit : Keppel Offshore & Marine Group

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Petit Saut, comme souvent, tout commença avec la construction d’une route. Une fois le lieu du barrage décidé, la première étape fut la création d’une bande d’asphalte de 27 km entre la route de Kourou et le lieu du barrage, afin d’acheminer le matériel. Aujourd’hui ce serpent de bitume, entre la RN1 et le barrage de Petit Saut, est interdit au public. Seul le personnel travaillant sur le barrage, pour EDF ou pour le laboratoire d’analyses environnementales Hydreco, a le droit de l’emprunter. On croise parfois quelques quads de la gendarmerie ou des touristes ignorants au milieu de la cinquantaine de carcasses de voitures qui jonchent les bas-côtés. Ce cimetière d’épaves, brûlées par dizaines, serait dû en partie à l’orpaillage illégal mais surtout à des voleurs qui viendraient désosser les voitures volées, puis les brûler sur cette piste reculée, pour ne pas être retrouvés. Quand le chantier du barrage commence en 1989, la route a été construite et ouverte par EDF. Elle est ensuite rétrocédée à l’Etat, qui par défaut la confie à l’Office National des Forêts en tant que route forestière. Faute d’entretien, la route se dégrade et devient inadaptée à la circulation, le préfet l’interdit au public en 2001. Aujourd’hui, il faudrait environ 4 millions d’euros de travaux pour la remettre en état et en attendant, les agents d’EDF appellent régulièrement des services extérieurs pour évacuer les carcasses qui la parsèment. Une fois dépassé ces épaves, esquivé de justesse les singes et les serpents, apparaît le barrage de Petit Saut. Au cœur de la forêt équatoriale de

ENERGIE

A

Le solaire comme solution énergétique de développement local pour les communes de l’intérieur Dimanche 30 Juin, à Vila Brasil. Le Brésil vient de gagner la finale de la coupe des confédérations, et après une semaine sous tension suite au décès d’un orpailleur, la vie retrouve un semblant de quiétude après la victoire, sous les explosions de pétards et les bourdonnements des groupes électrogènes. Demain débute, de l’autre côté de la rive, une semaine de formation à l’électricité photovoltaïque pour les habitants de Camopi. LE SOLAIRE À CAMOPI : UNE HISTOIRE RÉCENTE ET COMPLEXE

En 2002, au terme d’années de tractation, un programme européen a enfin débouché sur la mise en œuvre de plus de 80 systèmes de production d’électricité photovoltaïque individuels, et répartis au sein du bourg, en amont sur les sites de Saint-Soit et tout au long du fleuve Camopi, pour alimenter les villages essaimés sur les rives de cet affluent de l’Oyapock. DIX ANNÉES PLUS TARD, UN CINGLANT CONSTAT D’ÉCHEC PRÉDOMINE… Aujourd’hui, seule une trentaine d’installations fournit encore de l’électricité, avec plus ou moins d’efficacité. La confluence de plusieurs facteurs peut expliquer cet affreux bilan.

P54 Une saison en

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Les installations du bourg (un peu plus d’une

vingtaine), qui devaient fonctionner en relais de la centrale thermique existante, n’ont jamais été connectées au réseau. Les vestiges des installations croulant sous la végétation offrent ainsi une fusion de sentiments délétères de gaspillage d’argent public et de futilité des systèmes solaires. Sur le reste des villages (ou « écarts »), la maintenance nécessaire à la pérennité de ce type d’installations n’a pas ou peu été effectuée, et plus de la moitié est tombée en désuétude. Les familles bénéficiaires de ce programme n’ont pas (ou trop ponctuellement) été formées à leur utilisation et n’ont par ailleurs rien payé. Il n’y a eu de fait que très peu d’appropriation des systèmes par leurs utilisateurs. « On me l’a apporté, ça ne marche plus, il faut qu’on me le change ». Sur un plan technique, les installations étaient complexes, trop sans doute, entraînant de fait une incompréhension des populations et des pannes récurrentes non solutionnées

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Guyane COP21

les littoraux

A

depuis l’espace, grâce aux images des satellites SPOT, issues du programme de cartographie PROCLAM

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©CNES/Distribution Spot Image/Traitement SEAS Guyane

UNE CÔTE SOUS INFLUENCE..

le cap Caciporé (2007)

◄ Cette image SPOT 5 montre l’estuaire de la rivière Caciporé situé au coeur du Parc National de Cabo Orange dans l’Amapà, au Brésil

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défaut de se situer sur le bassin versant de l’Amazone, le plateau des Guyanes, et tout particulièrement sa bande côtière, n’en est pas moins influencé par le roi des fleuves : l’Amazone. Avant même d’avoir atterri à Cayenne, le nez collé au hublot, force est de constater que la rumeur sur les “eaux marron” de la Guyane est bel et bien fondée. Mais d’où provient cette matière en suspension ? Des fleuves guyanais, certes mais pas seulement. Les modifications morphologiques et la dynamique hydro-sédimentaire des zones côtières sont un des traits caractéristiques du littoral guyanais. Ces phénomènes observables de l’Amazone à l’Orénoque sont la conséquence du système de dispersion amazonien.

amazoniens

Littoral

Guyane COP21

TERRITOIRE

Comme l’ensemble des communes de l’intérieur de la Guyane, celle de Camopi n’est pas connectée au réseau électrique du littoral, et l’accès à l’énergie de ses habitants n’est toujours pas une question résolue malgré quelques tentatives, notamment avec le solaire, qui se sont avérées complexes et loin d’être adaptées à ces territoires amazoniens reculés.

Les deux facteurs essentiels à prendre en compte pour comprendre ce système sont la situation géographique des rivages du plateau des Guyanes et, bien entendu, la proximité de l’embouchure de l’Amazone. La rotation de la terre entretient un système de courants de part et d’autre de l’équateur, se déplaçant de l’Afrique vers l’Amérique. L’un de ces courants, l’équatorial sud, en atteignant les côtes du Brésil, donne naissance, entre autres, à un courant orienté Nord Ouest qui se dirige ainsi vers l’arc antillais en longeant la côte des Guyanes. UN COURANT DES GUYANES CHARGÉ DE SÉDIMENTS

Légende cLassification (@ iRd - souRce pRojet pRocLaM) Mangrove adulte Forêt inondable de Varzea Forêt primaire* Marais Une saison en

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Guyane Energie-Climat Des observatoires au service des décideurs & des politiques publiques Guyane Energie-Climat Guyane Energie-Climat est née de la volonté des décideurs locaux (collectivités, État, entreprises et associations). Association sans but lucratif, la structure est tournée vers l’observation et la sensibilisation du grand public sur les questions énergétiques et climatiques. Initialement centrée autour de l’observation de l’énergie, l’ancien OREDD (Observatoire Régional de l’Énergie et du Développement Durable) a évolué pour intégrer de nouvelles thématiques comme la sensibilisation à la maîtrise de l’énergie et depuis 2014 un observatoire du carbone et des gaz à effet de serre en Guyane dans l’optique de la COP 21.

▼Expérimentation d’une navette

fluviale photovoltaïque à Iracoubo – Photo Mairie Iracoubo

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Guyane COP21

La Guyane : un territoire exceptionnel pour la recherche et l’observation du climat Seul territoire européen d’Amazonie et

hébergeant sa seule forêt tropicale d’importance, la Guyane est un territoire au patrimoine exceptionnel riche de ses cultures et de sa biodiversité. C’est aussi un territoire en profonde mutation où la préservation de l’environnement, les enjeux démographiques, culturels et de développement économique créent une diversité de situation et de stratégies exceptionnelles. La grande stabilité politique et économique du territoire, l’excellence scientifique européenne et française, ont permis le développement d’un ensemble de dispositifs scientifiques d’observation du carbone exceptionnels à l’échelle amazonienne et tropicale. Les Guyanais bénéficient ainsi d’un réseau de suivi des stocks et des flux de carbone, le plus ancien en forêt tropicale, mobilisable pour répondre aux enjeux du changement climatique. Ce réseau comprend 4 sites de mesure des flux de carbone intégrés dans le réseau européen ECOS, et des placettes de mesure des stocks couvrant une large partie du territoire (GUYAFOR). Il permet d’analyser des séries de données particulièrement longues, puisque les plus anciennes remontent à près de 30 ans. Au-delà des travaux de recherche, cette expertise se doit d’être au service du territoire, de ses décideurs et de ses habitants. C’est pour répondre à cet objectif que l’observatoire guyanais du carbone et des gaz à effet de serre est créé en 2014, avec le soutien financier de la Région Guyane et du FEDER, fonds européen pour le développement économique régional. L’observatoire : une passerelle


▲Vue des capteurs au sommet de la tour de

mesure de Guyaflux – crédits CIRAD

naturelle et nécessaire entre recherche et décideurs locaux La vocation de cet observatoire est de mobiliser les connaissances scientifiques sur le cycle du carbone en Guyane pour répondre aux problématiques que se posent les décideurs locaux et évaluer les politiques publiques mises en place. Dans un premier temps, l’observatoire s’est attaché à réaliser un état des lieux, des émissions du territoire en se concentrant plus particulièrement sur les secteurs prioritaires que sont l’UTCF (Cf. L’UTCF-un secteur à part) et l’agriculture. À terme l’objectif est double : développer des méthodologies adaptées au territoire et produire des outils d’évaluation à destination des filières en matière d’émissions de gaz à effet de serre.

▲ Animaux en pâture sur une parcelle du dispositif de mesure des flux CARPAGG – crédits CIRAD

Les premiers résultats de l’observatoire Les travaux menés ces 2 dernières années ont permis de mettre en œuvre des méthodologies adaptées au territoire en intégrant les données issues de la recherche locale. Ces résultats permettent d’identifier des potentiels de réductions des émissions dans une optique de filière en développement. Jusqu’à présent les chiffres produits au niveau national ont permis d’identifier des secteurs prioritaires : - l’UTCF représente plus de 80% des émissions de la Guyane - l’agriculture - ou encore l’énergie, en s’appuyant sur les données de l’observatoire de l’énergie, lui aussi porté par Guyane Energie-Climat.

▼La Guyane a émis 4 802 kT CO² équivalent en 2012. Le bilan GES de la Guyane représente en

moyenne entre 1% et 2% du bilan national. Le changement d’affectation des Terres (UTCF) représente plus de 80% du bilan (3 904 kT CO² éq en 2012) Les transports routiers sont la 2ème source d’émission du Département (304 kT CO²éq en 2012) Pour le graphique : crédits GEC – données CITEPA

Encadré GES L’UTCF, bilan UN SECTEUR À PART deL’Utilisation la Guyanedes Terres, leur

UTCF 81%

Autres transports 3% Transport routier 6%

Source: Citepa, 2012

Agricullture 2%

Transformation d'énergie 5% Résidentiel 1%

Industrie manufacturière 2%

changement et la Forêt (UTCF) comprend les émissions liées à la déforestation, aux changements d’affectation des sols et à l’exploitation La Guyane a émis 4Ce 802secteur, kT CO² des forêts. prédominant équivalent en 2012 dans les pays en développement de Le bilan GES de la Guyane la zone tropicale, contribue à près représente en moyenne entre 1% dedu 23bilan % des émissions mondiales de et 2% national gaz à effet de serre. des Le changement d’affectation Terres (UTCF) représente plus de 80% du bilan (3 904 kT CO² éq en 2012)

Les transports routiers sont la 2ème source d’émission du Département (304 kT CO²éq en 2012)

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Les négociations internationales impliquent essentiellement les gouvernements, mais la COP de Paris a prévu une place importante pour la société civile. Dans cette optique la Région Guyane, Guyane Energie Climat, et ses partenaire ont organisé en juin un débat citoyen sur le climat et l’énergie. L’objectif était de présenter à un panel de citoyens les grands enjeux du territoire (aménagement, production d’électricité, agriculture, etc.) et leur fournir les informations clés sur ces sujets. Cette partie plus technique a permis d’ouvrir un espace d’expression et ainsi permettre aux citoyens de participer à la construction des objectifs pour le territoire en matière de climat. Les principales conclusions de ce débat sont intégrées dans l’agenda des solutions pour la Guyane, qui sera officiellement présenté lors de la COP21.

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▲(En haut) Discussions

lors du débat citoyen climat-énergie du 06 juin 2015 (crédits Guyane Energie Climat) ▼ Affiche du débat citoyen

Régional sur le climat et l’énergie.


▲ Yayamadou montagne

(Virola michelii) Photo P-O Jay ▼ Contenu carbone des

parcelles forestières exploitées en Guyane (CIRAD, source : ONF)

Par exemple, les travaux de l’observatoire ont permis de donner une vision plus claire de l’impact des activités humaines en intégrant la reconstitution de la biomasse après exploitation, ou encore en calculant un impact carbone différencié selon le type de forêt concerné.En prévision de la COP21, Guyane Energie-Climat a également joué un rôle d’animation

stratégique et de collecte de données ayant permis l’émergence de propositions concrètes et argumentées de la Guyane à travers l’agenda des solutions du territoire ou encore des planifications stratégiques comme la Programmation Pluri-Annuelle de l’Énergie. Texte par l'équipe de Guyane EnergieClimat

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PLUS DE

SAISON en Guyane ?

▲Sécheresse de

l’Amazone en 2005. Ce bateau échoué à l’Est de Manaus reflète l’isolement des communautés vivant au bord du fleuve pendant la sécheresse, dépendantes de l’approvisionnement aérien (cette photo de Daniel Beltrà a été primée au World Press en 2007).

D

ans le film Une Vérité qui dérange, Al Gore nous alerte sur les changements climatiques et leurs conséquences directes pour les hommes. L’augmentation des températures est en route et elle va conduire à une fonte des glaces, donc à une montée du niveau des océans… Mauvais temps pour les ours polaires et les atolls du Pacifique. Mais les forêts tropicales, qui rassemblent les deux tiers de la biodiversité et dont dépendent un milliard d’humains, sont passées sous silence. Fort dommage : les forêts sont un rempart naturel aux changements climatiques, car elles ont une grande capacité à stocker du carbone. Que savons-nous vraiment du futur de l’Amazonie ? Le climat de Guyane peut-il vraiment se dérégler ? Et que se passerait-il alors ? Un article publié dans Le Monde en 2003 était 1

titré « Forêts tropicales : c’est fichu »1. Il prédisait la destruction totale des forêts tropicales en moins de cent ans. C’est un fait, le tiers de la superficie potentielle des forêts tropicales a déjà disparu2. La conversion des terres pour l’agriculture intensive reste perçue comme le danger principal qui guette ces forêts, leur conservation a donc concentré l’essentiel des efforts. En témoignent les pressions législatives autour de la réforme du Code Forestier brésilien, qui était encore en examen par le Congrès du Brésil début juin 2012. Cependant, même si la déforestation continue (à une moyenne de 0, 5 % par an), la plupart des études récentes démontre un ralentissement de cette déforestation dans les tropiques. Avec l’exode rural, on devrait aller vers une diminution de la pression humaine sur les forêts tropicales et voir le couvert forestier3

Frédéric Durand, Francis Hallé et Nicolas Hulot, Le Monde, 10 novembre 2003. Wright & Muller-Landau, Biotropica, 38, 287, 2006. 3 Il existe plusieurs définitions d’une forêt. Selon la FAO, est en forêt toute zone dans laquelle les arbres ont au moins 5 m de haut, et couvrent au moins 10 % de la superficie. Selon la FAO la superficie des forêts tropicales mondiales est aujourd’hui de 15 millions de km². La définition retenue ici est plus stricte : avec les instruments de mesures montés sur les satellites d’observation de la Terre, on peut précisément déterminer si un pixel est couvert ou non par-delà forêt à une résolution de 30 m. Selon cette nouvelle définition, la superficie des forêts tropicales est de 11 millions de km². 2

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CLIMAT

►Augmentation de la température entre 1900 et 2100 sur la région amazonienne. Les incertitudes varient entre +1,7°C et +5,5°C en fonction du modèle et du scénario socio-économique choisi. Les valeurs en rose représentent les erreurs sur les mesures entre 1900 et 2000. Tiré du rapport du GIEC (2007).

C° 8 6 4 2 0 1900

passer de 65 % à environ 50 % à l’horizon 2050. Autrement dit, les forêts tropicales continueront à être coupées mais il en restera beaucoup dans cent ans. Un enjeu crucial de conservation est de savoir si ces forêts seront non perturbées et si elles pourront assurer leur rôle de havre de biodiversité et de puits de carbone. Pour répondre à cet enjeu, il faut intégrer des risques nouveaux, plus insidieux (car moins visibles) que les bulldozers et les tronçonneuses. L’utilisation croissante du charbon, du pétrole et du gaz naturel par les hommes a pour conséquence une augmentation de la concentration en gaz à “ effet de serre ” dans l’atmosphère, comme le CO² (dioxyde de carbone). Les molécules de CO² contenues dans l’atmosphère stockent la chaleur émise par la Terre et l’empêchent ainsi de se refroidir. Ce phénomène n’est pas nouveau  : il a été décrit par le chimiste

1950

2000

2050 2100

suédois Svante Arrhenius en… 1896. Le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) est en charge de synthétiser les preuves de l’existence de l’effet de serre. Son quatrième rapport a été publié en 2007 et les scientifiques du GIEC ont reçu la même année le prix Nobel de la Paix pour leurs efforts de lutte contre ces changements climatiques (Al Gore a partagé ce prix avec eux). Sans attendre leur prochain rapport (prévu pour 2014), penchonsnous sur les conclusions du GIEC pour l’Amérique du Sud. Pour la période 2080-2099, la température pourrait y augmenter de 3, 3°C par rapport à la période 1980-19994. Une telle augmentation constituerait un réchauffement considérable pour cette région. En effet, les enregistrements à Cayenne suggèrent que la température n’a pas encore augmenté  : avec une moyenne de 26, 3°C, les extrêmes n’ont jamais dépassé +1°C ou -1°C. Les années les plus chaudes (1983 et 1998)

4

Ces résultats ont été obtenus par un consortium de 21 équipes de recherches qui ont comparé les résultats de simulations climatiques à l’échelle globale. 5

Un événement El Niño est une année durant laquelle la circulation de l’eau dans l’océan Pacifique se modifie, ce qui a des conséquences globales sur le climat, et entre autres dans les Guyanes.

►Inondation sur le Maroni à Loka en juin 2008. Une saison en

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▲Précipitations annuelles moyennes à Cayenne entre 1950 et 2011. Données tirées du National Environmental Satellite, Data and Information Service, http://lwf.ncdc.noaa.gov/oa/ climate/climatedata.html

▲Températures annuelles moyennes à Cayenne entre 1950 et 2011. Source cf. graphique de gauche sur les précipitations.

correspondent à des années où le phénomène El Niño5 a été très intense, ce qui a conduit à un réchauffement d’environ +0, 5°C en Guyane. En 2005 et 2010, la température a été anormalement élevée et la saison sèche plus prononcée. Durant ces deux années, la sécheresse a eu un impact limité en Guyane mais un effet très important en Amazonie brésilienne, ainsi que sur les populations qui y vivent6. Certains villages au bord du Rio Negro ont dû être approvisionnés par hélicoptère et des millions de poissons de rivière sont morts, ce qui a créé une situation sanitaire exceptionnellement grave. Ces sécheresses sont dues non pas à des épisodes El Niño intenses, mais à un réchauffement de l’eau de surface dans l’océan Atlantique Nord, conduisant à un ralentissement du 6 8

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Gulf Stream et à un déplacement de la zone intertropicale de convergence. Là où cette histoire rejoint vraiment un scénario de Hollywood (on peut par exemple penser au film Le Jour d’après de Roland Emmerich), c’est qu’elle avait été prévue par les modèles climatiques. En 2000, une étude sous la direction du Professeur Peter Cox de l’Université d’Exeter au Royaume-Uni, a prédit une aridification massive des forêts amazoniennes au cours du XXIème siècle7. Le mécanisme est le même que celui qui a mené aux sécheresses observées en 2005 et 2010 ; il est lié à une augmentation de température dans l’océan Atlantique Nord. Cette sécheresse persistante est une très mauvaise nouvelle pour la production hydroélectrique mais des conséquences bien plus dramatiques sont

Lewis et al. Science 331, 554 (2011) - 7 Cox et al. Nature (2000) Marengo et al. Dangerous Climate Change in the Amazon. Avril 2011. Rapport INPE, Met Office (UK). http://www.ccst.inpe.br/relatorio_eng.pdf

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envisagées. En effet, les forêts amazoniennes pourraient être remplacées par des savanes arborées, similaires aux grandes savanes du Venezuela ou du Brésil  ! La déforestation amazonienne contribuerait aussi à augmenter l’impact de l’aridification. Lorsqu’une forêt est coupée, la transpiration des plantes est moins efficace et le vent est moins freiné par le couvert hétérogène de la forêt. Ainsi, une déforestation de 40 % de l’Est amazonien conduirait à une diminution des précipitations de près de 20 % sur la région. En cumulant l’effet de la déforestation et celui des sécheresses causées par les changements climatiques à l’échelle globale, il est possible de prédire une chute des précipitations de 30 à 40 % 8. Nous sommes donc confrontés à une situation dans laquelle l’action des émissions globales de CO² se combine à la déforestation tropicale pour nous conduire vers une transition écologique irréversible et d’une gravité sans précédent. Et les scientifiques pourront difficilement être accusés d’un excès de pessimisme : les émissions de CO² dans l’atmosphère se sont accélérées à une vitesse alarmante depuis dix ans. Elles se situaient aux alentours de 6 milliards de tonnes par an entre 1990 et 2000 ; elles ont dépassé les 9 milliards de tonnes par an en 2010, une croissance plus rapide que celles prévues dans les pires scénarios du GIEC. En cause, le développement économique rapide de la

50% 30 20 10 0 -10 -20 -30 -50

Chine9 (qui n’a pas signé le traité de Kyoto). Une aridification de l’Amazonie aurait à terme des conséquences profondes sur l’environnement de la région. Une grande partie du carbone stocké sous forme de biomasse10 dans les forêts serait émise dans l’atmosphère probablement suite à des feux de grande ampleur. Cela aurait pour conséquence d’accélérer encore les émissions de CO² dans l’atmosphère. Par comparaison, lors de l’événement climatique le plus dramatique des cent dernières années, le méga El Niño de 1997-1998, une étendue de forêt de la taille de la Guyane a brûlé en Amérique tropicale, ainsi que la même superficie en Indonésie. Cela avait entraîné de sévères problèmes de santé pour les populations locales, en particulier des maladies des poumons causées par l’inhalation des fumées. On peut imaginer les conséquences cataclysmiques de feux couvrant l’Amazonie toute entière, qui représente une superficie cent fois plus grande que la Guyane. Les populations qui habitent en Amazonie ou dans ses alentours seraient les premières touchées par ces modifications radicales des forêts amazoniennes, avec une disparition des ressources traditionnelles, utilisées tant pour la chasse et la pêche que pour les industries locales, comme la noix du Brésil ou l’huile de

◄Évolution des

précipitations annuelles

►Évolution des

températures moyennes entre 1990 et 2090 pour l’Amérique du Sud selon les modèles du GIEC.

►Assèchement de l’Amazonie en 2005 et en 2010. Les valeurs inférieures à -2 signalent des zones où la sécheresse a été très importante. Cartes tirées de Lewis et al. Science, 2011.

◄Troncs calcinés jonchant une jeune parcelle agricole palikur en Guyane française.

Global Carbon Project. Carbon Budget 2010. 10 La biomasse est l’ensemble du bois et des feuilles dans une forêt. Elle est très majoritairement contenue dans le bois. 11 PM Brando et al., Philosophical Transactions of the Royal Society B, 2008 9

10°C 7 5 4 3 2 1 0 -1 Une saison en

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▲Feu de savanes anthropiques dans la Gran Sabana au Venezuela.

carapa. Les maladies émergentes présentent un autre danger dans un tel environnement en transition. On peut penser à des maladies activement étudiées aujourd’hui en Guyane comme le paludisme, la dengue ou la leishmaniose, mais aussi de nouvelles pathologies non encore étudiées ou identifiées. Tout comme la déforestation implique des contacts plus fréquents entre populations humaines et réservoirs de maladies, l’aridification de l’Amazonie devrait également augmenter considérablement le risque infectieux dans cette région du monde. Ce problème de santé publique représente un enjeu majeur de recherche fondamentale et appliquée. Les conséquences pour l’écosystème forestier seraient elles aussi dramatiques. Des études ont démontré la sensibilité des grands arbres amazoniens à la sécheresse. Une équipe internationale de scientifiques travaillant au Brésil a par exemple eu l’idée de simuler la réponse des plantes à une sécheresse en disposant des bâches plastiques dans le sous-bois d’une forêt. Ce faisant, ils ont réussi à exclure 40 % de l’eau de pluie du sol. Cette expérience démontre la susceptibilité de l’écosystème forestier amazonien au déficit en eau : la forêt non irriguée a produit jusqu’à 40 % de biomasse en moins qu’une forêt voisine non touchée après quelques années11. Ainsi, avant même la disparition des forêts tropicales, on peut 12 13

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SP Hubbell et al. PNAS (2008) www.labex-ceba.fr

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prévoir une modification importante de la structure forestière, avec un impact direct sur la biodiversité. Les espèces animales et végétales des tropiques vivent dans des conditions climatiques précises et contraintes par leur physiologie. Ces espèces ne tolèrent pas la sécheresse durant au moins une partie de leur cycle de vie. Aucune étude complète n’a encore été menée sur la réponse de la biodiversité amazonienne aux changements climatiques, ce qui n’est pas très surprenant lorsqu’on sait que seule une infime partie de cette biodiversité est connue. Certaines extrapolations proposent cependant que jusqu’à un tiers des espèces d’arbres d’Amazonie pourrait disparaître à la fin du siècle12. Si les arbres disparaissent, les animaux qui s’en nourrissent directement disparaîtront aussi. La création récente du Laboratoire d’excellence Centre d’Étude de la Biodiversité Amazonienne CEBA13 à Cayenne répond à cette urgence environnementale et soutient la recherche scientifique sur ces questions cruciales. Plus de saison en Guyane ? Les résultats des modèles climatiques ont été beaucoup critiqués par certains “ climato-sceptiques ”, qui dénigrent la foi aveugle que l’on met en eux. En effet, les modèles ne peuvent pas être entièrement testés. Cependant, bien que le scénario original de disparition de la forêt amazonienne ait été critiqué parce qu’il

Huntingford et al. Philosophical Transactions of the Royal Society B (2004) ME Power et al. Climate Dynamics (2008) - 16 Malhi et al. PNAS (2009)


prédit des précipitations trop faibles et parce que la végétation y est représentée de manière trop simpliste, des améliorations plus récentes des modèles le confirment largement14. L’étude du passé des forêts amazoniennes nous prouve qu’elles ont déjà été exposées à des feux de grande intensité : il y a environ 1500 ans, à l’époque où Clovis régnait sur la Gaule, un épisode de sécheresse a manifestement touché l’Amazonie15. Ce type d’événement peut donc bien arriver dans les forêts guyanaises. De plus, une étude publiée en 2009 confirme que cet effet d’aridification devrait être ressenti à partir de 2020 même s’il pourrait ne pas conduire à une disparition complète des forêts16. La probabilité d’un tel scénario mérite au moins qu’une discussion soit menée sur les politiques publiques qu’il faudrait mettre en œuvre pour le prévenir. Face aux enjeux énormes que les changements climatiques sous-tendent, il n’est pas suffisant de faire un diagnostic, il faut aussi proposer des solutions. Ce besoin vital est évoqué dans les textes du sommet de Rio + 20 qui s’est tenu sous l’égide des Nations Unies à Rio en juin dernier. La réduction des émissions de CO² dans l’atmosphère a débuté avec le traité de Koto en 1997, avec l’engagement pour les États développés de réduire de 5, 2 % les émissions de CO² à l’horizon 2010.

Non seulement cet objectif n’a pas été atteint mais en plus les pays non signataires (dont la Chine) ont augmenté leurs émissions de CO² de manière très importante durant cette période. D’autres négociations ont concerné le rôle des forêts dans le réchauffement climatique. Des traités internationaux ont été négociés en 2008 pour réduire l’effet de la déforestation et la dégradation des forêts (protocoles REDD). Ces actions sont importantes, car elles contribuent à réduire la déforestation tropicale et les conséquences directes de cette déforestation sur le climat amazonien et tout particulièrement en Guyane, qui abrite le tiers de la superficie boisée de France. Mais en dépit de ces mesures globales, il est important de prendre sérieusement en considération le fait que des changements radicaux, comme une modification de grande ampleur de la structure des forêts tropicales, ont une chance non nulle de se réaliser. Il est alors essentiel de réfléchir à une rénovation des politiques publiques afin de nous adapter à de telles modifications majeures de notre environnement de vie. Extrait de Une saison en Guyane n°9 - août 2012. Texte de Jérôme Chave, chercheur au CNRS directeur scientifique du Labex CEBA, Cayenne. Photos de Daniel Beltrá, Guillaume Aubertin, Claude Delhaye, Pierre-Olivier Jay. Une saison en

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Nouragues UNE SENTINELLE face aux changements du climat N

▼Localisation de la réserve naturelle des Nouragues. Cayenne

A

Régina

Une saison en

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g ua ro pp

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otre climat change. Et même si le scepticisme, du moins quant aux causes de ce changement, est encore de rigueur dans certaines sphères, les faits sont là. Les indicateurs de ces changements sont nombreux et les recherches en cours montrent que cette crise ne représente pas une abstraction lointaine, mais bien un phénomène concret, actuel, dont les effets sur les organismes vivants peuvent déjà se mesurer. Éloignons-nous un instant de la Guyane pour des latitudes plus élevées. Dans les régions tempérées de l’hémisphère nord, de nombreuses espèces végétales et animales étendent doucement leur aire de répartition vers le nord. Les oiseaux pondent de plus en plus tôt au printemps, l’émergence des papillons et les spectaculaires floraisons alpines sont de plus en plus en précoces. Les grenouilles et les crapauds quittent leur retraite d’hiver pour rejoindre les mares et se reproduire bien plus tôt qu’au début du siècle… A priori, pas de quoi fouetter un chat ? Il est vrai que par le passé, les organismes ont vu leur répartition se déplacer du nord au sud et du sud au nord au gré des périodes glaciaires

et interglaciaires. Cela fait des millions d’années que ces cycles rythment la vie et les derniers millénaires ont été particulièrement riches en évènements climatiques. Il est également admis que ces bouleversements du climat, en poussant à l’exil, éclatent les aires de répartition des espèces et isolent les populations. Ces changements représentent l’un des principaux moteurs de la spéciation, c’est-à-dire de la genèse des espèces. Ils créent de la biodiversité. Oui. Mais sur des millénaires. Et encore faut-il que les espèces puissent trouver refuge dans des zones favorables. Sinon, c’est l’extinction. Depuis deux décennies, les changements climatiques ont non seulement modifié le rythme de vie des grenouilles ou des papillons des zones tempérées, mais ils sont fortement mis en cause dans la disparition d’espèces tropicales. Car l’histoire qui nous intéresse se déroule sous les tropiques. Prenons l’exemple des amphibiens. C’est un formidable cas d’école, mais une bien triste histoire. Un tiers des 6300 espèces est sérieusement menacé. La destruction des habitats est directement responsable de l’effondrement de certaines populations,


CLIMAT mais les changements climatiques inquiètent encore plus les scientifiques et les environnementalistes… L’aire de répartition d’une espèce est déterminée non seulement par la présence d’habitats favorables, mais également par la combinaison spécifique de conditions environnementales, comme la température et la pluviométrie. Avec les changements climatiques, ces conditions favorables regroupées dans une “enveloppe climatique” se déplacent (vers le nord, le sud, en altitude…). Les animaux intimement liés à une enveloppe climatique doivent donc migrer avec elle pour éviter l’extinction. C’est à ce moment précis de l’histoire que l’effet conjugué de la destruction directe de l’habitat et des changements climatiques va devenir extrêmement préoccupant. Penchons-nous sur l’avenir des espèces restreintes à des zones protégées entourées d’habitats dégradés. Lorsque la température augmente ou que la pluviométrie diminue, l’enveloppe climatique s’éloigne et les espèces se retrouvent piégées. Dans Camp Inselberg l’impossibilité de migrer, elles sont condamnées à disparaître. Ce phénomène commence

▼La zone de recherche autour de

l’inselberg à partir d’une illustration du “Guide des réserves naturelles de Guyane” DIREN 2008, ouvrage col.lectif, sous la direction de Mael Dewynter de l’ONF, illustration P-O Jay.

Camp Pararé / Copas

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à être observé dans les zones tropicales et il va probablement se généraliser au cours du siècle. On considère d’ailleurs que l’impact des changements climatiques sur la biodiversité surpassera la destruction directe des habitats naturels d’ici la fin du siècle. La manifestation la plus évidente de ce processus est visible dans les forêts tropicales à nuages. Ces forêts montagnardes baignent constamment dans une brume nuageuse. Les études scientifiques ont montré que la déforestation et de petites modifications de la température de surface de l’océan peuvent provoquer l’élévation de la couverture nuageuse. La brume disparaît ; le sous-bois s’assèche. Les populations d’espèces montagnardes déclinent… Mais les changements climatiques peuvent également avoir des effets plus directs sur les amphibiens. Des sécheresses accrues entraînent l’évaporation prématurée des mares de reproduction avant que les têtards n’aient achevé leur métamorphose. Une augmentation de la température ou une diminution des précipitations peuvent stresser biologiquement les amphibiens et les rendre plus vulnérables aux maladies. À Porto Rico, au Costa Rica, en Équateur ou dans les forêts atlantiques du Brésil, la synergie entre fragmentation du milieu, changements climatiques et maladies émergentes est responsable du déclin et de la disparition récente de plusieurs espèces de grenouilles. Certaines, insignifiantes pour une grande part de l’opinion publique, et donc pour les décideurs et les industriels, ont disparu en silence ; d’autres, parce qu’elles sont endémiques d’un pays ou tout simplement magnifiques, ont vu leur disparition élevée au rang de drame national. C’est le cas du crapaud doré du Costa Rica dont les populations se sont effondrées suite à l’allongement de la durée de la saison sèche. Aucun spécimen n’a été observé depuis 1989. L’espèce est officiellement éteinte depuis 2001. L’étude des amphibiens représente un très bon modèle pour comprendre l’effet des changements climatiques sur la biodiversité. Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Que dire de la survie des jeunes plantules dans le sous-bois en cas de saisons sèches prolongées ? Comment évoluera la forêt face à des sécheresses récurrentes  ? Comment les jardiniers de ces forêts, les oiseaux et les chauves-souris, réagiront-ils à ces changements. Bref, comment un tel réseau d’êtres vivants interconnectés, interdépendants, va-t-il évoluer si le climat de nos forêts changeait ? Mais d’ailleurs, en Guyane, le climat va-t-il changer ?

QUELLE FORÊT EN GUYANE, DANS 50 ANS ? Les nouvelles ne sont pas très bonnes. Nombreuses sont les équipes de chercheurs qui moulinent leurs jeux de données pour essayer de prédire l’avenir. Elles élaborent des modèles climatiques qu’elles valident ou modifient au gré des nouvelles données. In fine, certains scénarii sur le destin de l’Amazonie nous sont régulièrement restitués par les chercheurs. Selon Yadvinder Malhi de l’Université d’Oxford et ses collègues, la Guyane a 8 chances sur 10 de chance de connaître une intensification des saisons sèches d’ici la fin du siècle. Autant dire qu’il faut s’y préparer. La probabilité d’un déclin sévère des pluies en saison sèche est de l’ordre de 30 % : une chance sur 3 de vivre des sécheresses. La situation empire dès lors qu’il y a déforestation. Une forêt intacte sur de grandes surfaces est plus à même de résister aux contraintes du climat que des fragments forestiers isolés. Dès lors, les choix d’aménagement et de gestion du territoire guyanais doivent être mûrement réfléchis et doivent prendre en compte les recommandations des chercheurs… Revenons à nos forêts. Que pourrait-il se passer dans les prochaines décennies ? Nous pourrions donc connaître des sécheresses récurrentes : la répartition saisonnière des pluies serait plus marquée et les périodes de déficit hydrique (manque d’eau) plus longues. La flore et la faune guyanaises auront-elles la capacité de résister à ces changements ? La question est ouverte. Tentons d’y apporter une réponse.

▲Le

fourmilier Manikup, Pithys albifrons, est l’oiseau le plus abondant des sous-bois de la réserve des Nouragues. Il a été choisi comme emblème du projet d’observatoire de la biodiversité.

(haut) Un jeune “jacquot”, Bothrops bilineatus, se déplace au sol.

◄(bas)

Un couple de “rainettes de verre”, Hyalinobatrachium iaspidiense, s’apprête à déposer sa ponte à l’aplomb d’un ruisseau.

QUEL RÔLE POUR LA RÉSERVE DES NOURAGUES ? En 2008, l’Office National des Forêts et

▼Le

serpent liane, Oxybelis fulgidus, bien qu’arboricole, s’aventure parfois au sol.

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▲ (haut) Couple de petits diptères* phlébotomes*.

▼Cercosaura sp. est un petit lézard assez rare. Cette espèce n’a toujours pas été décrite par les scientifiques.

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l’Association de Gestion des Espaces Protégés sont devenus, conjointement, gestionnaires de la réserve naturelle des Nouragues. Un privilège. Cette immense réserve de 1 000 km2 héberge non seulement la biodiversité la plus élevée de France et de l’Union européenne (aux côtés du Parc amazonien de Guyane et de la réserve de la Trinité), mais également une station de recherche en écologie tropicale particulièrement dynamique. Le Centre National de Recherche Scientifique (CNRS) y accueille des équipes de chercheurs spécialisées dans des domaines aussi variés que les stratégies de défenses chimiques des plantes, la pollinisation, le stockage du carbone dans la végétation, la diversité des champignons du sol, les traits d’histoire de vie des grenouilles, etc. Un éclectisme apparent. Car tous s’intéressent, chacun dans son domaine, au fonctionnement de la forêt tropicale et à son avenir. Doucement, l’idée s’est imposée que la réserve des Nouragues, en s’appuyant sur la station de recherche du CNRS, pouvait offrir à la communauté internationale un site témoin pour l’étude des changements climatiques. Depuis 30 ans, les placettes botaniques des Nouragues permettent de suivre l’évolution du carbone stocké dans la végétation. 30 années de données, pour un chercheur, c’est une mine d’or… Et c’est un trésor autrement plus utile à la société que celui que renferment les sols de la réserve. Car rappelonsle, ce n’est pas l’or qui rend cette planète habitable, c’est la diversité des formes de vie qui la peuple. Ces espèces, à travers leurs interconnections, composent les écosystèmes. Et les écosystèmes, comme les forêts tropicales, interagissent directement avec le climat… Climat et biodiversité sont intimement liés. Les impacts directs sur la biodiversité modifient le climat local (la déforestation entraîne des sécheresses) et les changements climatiques bouleversent les communautés végétales et animales. Il est donc essentiel, à l’image des placettes botaniques opérationnelles depuis 30 ans, de dresser dès maintenant un état des lieux robuste de la biodiversité des Nouragues afin d’offrir une base de données extrêmement bien renseignée


UN OBSERVATOIRE DES CHIROPTÈRES AUX NOURAGUES. La communauté des chauves-souris de la réserve naturelle des Nouragues constitue indéniablement l’une des faunes d’Amazonie les mieux connues. L’étude des chiroptères de la région des Nouragues a commencé en 1979 avec les premières captures de Pierre Charles-Dominique. 30 années et quelques thèses plus tard, la liste mise à jour de la réserve des Nouragues compte 81 espèces. Ces trois décennies ont permis d’acquérir des données très complètes sur l’écologie de nombreuses espèces et sur le rôle fondamental des chauves-souris dans la régénération forestière. Elles ont également contribué à apprécier l’abondance relative des espèces du sous-bois. Il est d’ailleurs remarquable qu’en 30 années d’études, certaines espèces n’ont été capturées qu’une unique fois, mettant en exergue la difficulté d’évaluer le statut de certains taxons. Comme le soulignent Meyer et ses collègues (2010), les chauves-souris associent un ensemble de traits d’histoires de vie qui les désignent comme d’excellents indicateurs biologiques des perturbations d’origine humaine, notamment de l’impact des changements climatiques et de la

modification des habitats. É t a n t donnés leur importance dans les écosystèmes tropicaux, leur statut d’espèces indicatrices et leur vulnérabilité, le suivi de chauves-souris tropicales pour l’évaluation des tendances des populations sur de longs pas de temps devient urgent. À ce titre, la réserve des Nouragues a lancé un programme intitulé “observatoire permanent des chauves-souris forestières”, en partenariat avec le groupe chiroptère de Guyane. Le projet, initié en 2011 pour l’année internationale de la chauve-souris, a pour ambition d’assurer une veille à long terme des populations de chiroptères. La valeur d’un tel projet se mesure en années : Meyer et ses collègues ont ainsi démontré qu’une étude de durée inférieure à 20 ans était à peine suffisante pour mettre en évidence une baisse régulière d’effectifs. À moins d’un déclin brutal de certaines espèces . . .

▼Artibeus planirostris ►Vampyrum spectrum

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à la future génération de chercheurs. C’est l’ambition du projet MANIKUP. UN OBSERVATOIRE DE LA BIODIVERSITÉ

(millieu) Cette sauterelle exubérante, à l’image de milliers d’insectes capturés aux Nouragues, attend d’être identifiée par un spécialiste.

Rappelons-le, la sixième crise d’extinction est en marche. L’Amazonie cède du terrain et un patrimoine naturel inestimable aux monocultures et aux agrocarburants. La Guyane, à ce titre, est une exception. Elle bénéficie d’un répit. Si aucun projet agricole mégalomane (palmier à huile, soja, canne à sucre) ne vient dévorer sa forêt, elle pourrait bien demeurer l’un des derniers sanctuaires de la forêt amazonienne. Les grands espaces protégés, comme la réserve des Nouragues ou le coeur du Parc Amazonien de Guyane, garantissent d’ailleurs le maintien d’immenses surfaces forestières intactes. C’est l’un des points forts de la réserve des Nouragues. En offrant une forêt isolée et protégée, susceptible de ne pas être perturbée par une route, des mines ou un barrage hydroélectrique, elle offre toutes les garanties à un observatoire de la biodiversité strictement focalisé sur la problématique des changements globaux. Enfin, la stabilité politique de la Guyane et son statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne parachèvent ce contexte favorable. Le décor est planté  : une immense forêt protégée, éloignée de toute perturbation

directe, sise dans une région d’Amazonie membre de l’Union européenne, héritière de trois décennies de recherche en écologie tropicale et hébergeant une station scientifique de renommée internationale. Un observatoire de la biodiversité tout indiqué. ACTION ! Alors que les réflexions sur le projet MANIKUP s’alimentaient des premières données des grands inventaires biologiques - comme les programmes IBISCA* au Panama (2003), en Australie ou à Santo (2006) - un certain nombre d’études préfigurant l’observatoire de la biodiversité étaient lancées aux Nouragues grâce à des financements alloués par le ministère en charge de l’écologie. Dès 2008, une placette de 4 hectares, dédiée au suivi à long terme des oiseaux et des chauvessouris a été installée sur les terrasses de la rivière Arataye. En deux ans, près de 400 oiseaux du sous-bois y ont été bagués par les équipes du GEPOG*. La communauté des chauves-souris a également été étudiée sur le même site par les membres du Groupe Chiroptères de Guyane. Ces deux premières années ont permis de caler la méthode : il ne s’agissait pas de se lancer dans un suivi à long terme avec un protocole inadapté. Pour plus d’efficacité, le dispositif de suivi des chauves-souris a été délocalisé au pied de l’inselberg des Nouragues, à 6 km plus au nord. Là, les grottes abritent de grandes colonies de chauves-souris faciles à suivre. C’est ainsi qu’est né, en début d’année 2011, l’observatoire permanent des chiroptères forestiers. Un tel suivi, s’étalant sur 40 hectares, devra se poursuivre pendant au moins vingt ans. Deux décennies, c’est un pas de temps minimum pour mettre en évidence des tendances dans les effectifs des différentes espèces. Dans le même esprit, le projet MANIKUP intègre déjà un observatoire des amphibiens. La réflexion s’étend aux grands mammifères dont le suivi devrait démarrer prochainement. Parallèlement, la Société Entomologique Antille Guyane - la SEAG – se lançait dans un inventaire tout à fait impressionnant des insectes des alentours du camp Pararé sur les berges de la rivière Arataye. Pendant un an, une douzaine de vitres de 2 mètres carrés, ont intercepté, en continu, les insectes volant dans le sous-bois. Quelques dizaines de pièges appâtés à la banane ou au mauvais vin sont venus compléter le dispositif…

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En un an, des dizaines de milliers d’insectes ont été collectés. Un réseau d’une centaine de spécialistes à travers le monde s’est consacré à l’identification de ce matériel et à ce jour, 4 400 espèces ont été identifiées. Il s’agit du plus gros inventaire des insectes jamais réalisé dans le monde. Et une grande partie des insectes attend encore d’être examinée… Au-delà des collections remarquables de spécimens et des précieuses listes, la base de données nous permet surtout d’estimer le nombre d’espèces présentes sur un site forestier pendant un cycle annuel… De l’inédit. Dans la foulée, la SEAG a lancé un inventaire complémentaire autour du camp de l’inselberg plus au nord. Dans quelques mois, nous saurons si la faune est la même en tout point de la forêt ou si les compositions faunistiques divergent dans l’espace. Si c’est le cas, les estimations de la biodiversité de la forêt guyanaise pourraient être revues sérieusement à la hausse. Cette étude, aussi impressionnante soit-elle, est préliminaire. Il s’agit maintenant de mettre en place le même protocole sur huit sites et pendant 5 années. C’est la composante essentielle de projet MANIKUP, et celle qui sera probablement la plus coûteuse à mettre en oeuvre. Avec un

tel effort d’échantillonnage, les Nouragues produiront des données inédites sur les fluctuations saisonnières des populations de milliers d’espèces d’invertébrés et apporteront enfin un état des lieux digne de ce nom de la biodiversité de la forêt guyanaise. Sur ces bases, nous pourrons alors suivre certains groupes indicateurs, particulièrement sensibles aux modifications climatiques. Il nous reste donc à continuer à fédérer un vaste réseau de taxonomistes - ces chercheurs ou amateurs éclairés en voie de disparition, car leur discipline est considérée, ô combien à tort, peu compétitive sur le plan scientifique. Pour paraphraser Philippe Bouchet du Muséum National d’Histoire Naturelle : « au rythme où vont les choses et dans l’hypothèse où il n’y aurait que 10 millions d’espèces à recenser dans le monde, ce travail prendrait mille ans… ». Nous n’avons assurément pas un millénaire pour connaître notre planète. Extrait de Une saison en Guyane n°7 - août 2011. Texte de Mael Dewynter - Office National des Forêts Guyane. Photos Mael Dewynter , P-O Jay , Vincent Rufray/Biotope Remerciements Bérengère Blin

▲Le

maître de la brousse (ou grage grands carreaux), Lachesis muta, est le serpent venimeux le plus gros d’Amérique du Sud. Sous un aspect sévère, c’est une espèce peu agressive

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Malhi Y., Roberts J.T., Bettes R., Killeen T., Wenhong Li, Nobre C., 2008. Climate Change, Deforestation, and the Fate of the Amazon. Science, 319.

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PORTFOLIO

par Tanguy Deville

Portraits d’arbres guyanais

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éployant leur houppier au-dessus du couvert végétal, ils viennent troubler l’apparente monotonie de la canopée. Ces « émergents » ne se contentent pas de régner sur la forêt et d’imposer leurs cycles comme principaux moteurs de la dynamique forestière : ils concentrent également l’essentiel des richesses amazoniennes. Car un grand arbre n’est pas une réplique en grand d’un petit arbre : il est infiniment plus complexe, ses nombreuses branches et anfractuosités lui permettent d’accueillir une multitude d’écosystèmes miniatures. Il constitue ainsi un support de biodiversité à part entière, d’autant plus que les fruits de ces arbres émergents sont souvent les plus consommés par les espèces emblématiques de nos forêts, comme les singes ou les oiseaux de canopée. De même, leur capacité à stocker du carbone est sans commune mesure avec les arbres de taille plus modeste. Un tronc d’un mètre de diamètre séquestre autant de carbone que 200 tiges de dix centimètres de diamètre… ce qui correspond aux émissions de gaz à effet de serre d’un français pendant 7 ans ! À l’heure des décisions internationales sur le climat, pas question de se passer de ces alliés de poids : pour maintenir les équilibres climatiques, la forêt primaire et ses géants végétaux ont un rôle clé à jouer. Texte de Florent Taberlet - WWF bureau Guyane.

Ce travail a été réalisé par l’association Semilimax avec le soutien du WWF bureau Guyane. Merci à la Réserve Naturelle des Nouragues, gérée par l’ONF et le GEPOG, et à celle du Grand Matoury gérée par la commune de Matoury et l'Office National des Forêts. Chacun de ces portraits est constitué d'une centaine de photographies. Ils ont été réalisés en grimpant un arbre émergent face à l'arbre photographié, qui offrait une vue bien dégagée autant sur la canopée que sur le sous-bois. Les images ont été prises à plusieurs niveaux, en progressant sur une corde verticale, puis assemblées.

►Devant l’inselberg des Nouragues. Septembre 2015 Une saison en

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CARBONE Une saison en

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Figuier (Ficus sp.) RĂŠserve naturelle des Nouragues. Septembre 2015.


Ebène verte (Tabebuia serratifolia) RÊserve naturelle du Mont Grand Matoury. Septembre 2015.


Fromager (Ceiba pentandra) RĂŠserve naturelle du Mont Grand Matoury. Septembre 2015.


Mahot cigare (Couratari guianensis) RĂŠserve naturelle des Nouragues. Septembre 2015.


Guyaflux

LATOUR QUI MESURE LE BILAN CARBONE DE LA FORÊT Une saison en

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LE CHANGEMENT CLIMATIQUE EN GUYANE

annuelle. Il est aussi projeté que les précipitations varient : une augmentation de 4 % lors de la saison des pluies, et une baisse de 3 % lors de la saison sèche. Les conséquences d’un tel pronostic sont multiples  : des sécheresses plus longues et plus sévères  ; une hausse du niveau de la mer ; la disparition de certaines espèces végétales ; de plus importantes inondations ; des maladies vectorielles telles que la dengue ou le paludisme transmis plus aisément ; la baisse des rendements agricoles, et surtout, la détérioration de la capacité de la forêt à stocker du CO₂.

Le réchauffement de la planète est une réalité, un fait scientifique. Les données météorologiques issues des stations d’enregistrement l’attestent et la Guyane n’est pas épargnée. Météo France confirme que la température moyenne de la Guyane a augmenté de 0.6 °C depuis un demi-siècle, avec une accélération au cours des deux dernières décennies. Il y a encore quelques années, l’origine de ce réchauffement était largement débattue. Mais récemment, en particulier après la publication du dernier rapport du GIEC* en 2007, seuls quelques LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT sceptiques continuent de nier l’évidence : l’augmentation CLIMATIQUE AU NIVEAU INTERNATIONAL de la concentration en gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère est à l’origine de ce réchauffement. Attention : L a géopolitique des quotas ce n’est pas “l’effet de serre” en soi qui est en cause mais l’effet de serre ADDITIONNEL, lié aux rejets de GES Face à l’imminence des conséquences, essentiellement depuis le début de l’ère industrielle ! L’effet de serre est désastreuses, du changement climatique sur l’Homme et un phénomène naturel sur notre planète Terre, qui nous les écosystèmes, la nécessité impérieuse de conclure au permet d’avoir une température moyenne à la surface du niveau international un accord est apparue dès le début des globe de l’ordre de 15.5 °C. Sans cela, elle serait proche de années 1990. Au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en -18 °C, un milieu bien trop glacé pour l’espèce humaine ! 1992, 150 pays signent la Convention-cadre des Nations Le phénomène est simple. Les rayons du soleil (dans les Unies sur le Changement Climatique. Ils s’engagent à longueurs d’onde du visible) chauffent la planète Terre. Elle “stabiliser les concentrations de GES dans l’atmosphère à émet alors un rayonnement infrarouge, en partie piégé par un niveau qui empêche toute perturbation anthropique les GES (H2O, CO2, CH4, etc.) présents ▼Configuration du réchauffement climatique à la surface du globe extrait du dans l’atmosphère, dont l’une des propriétés rapport du GIEC* 2007. chimiques est d’absorber le rayonnement infrarouge. Cela contribue à conserver l’énergie de ce rayonnement dans notre immense “serre”, c’est-à-dire l’atmosphère, et à la réchauffer. Ainsi, plus la quantité de gaz est importante dans l’atmosphère, plus le piégeage, et le réchauffement donc, est accentué. Ce phénomène s’est amplifié avec l’augmentation des GES depuis 150 ans, et se poursuit à grande vitesse aujourd’hui. Les conséquences sur l’environnement, les ressources vitales, la production alimentaire et la santé notamment sont encore mal connues et difficiles à appréhender. Elles pourront être positives, comme l’extension de l’aire géographique de certaines espèces (ex., le chêne vert pourrait pousser jusqu’à Paris), mais surtout négatives (ex. la montée du niveau moyen des océans et la submersion d’îles, la disparition d’écosystèmes fragiles, dangereuse du système climatique”. C’est là que l’idée d’espèces animales ou végétales, l’arrivée de nouvelles de valoriser les capacités de séquestration de CO₂ de la maladies et surtout l’augmentation des sécheresses). En forêt germe. Il faut pourtant attendre février 2005, et la Guyane, entre les relevés de 1980-1999 et les années ratification du Protocole de Kyoto – élaboré en 1997 – par 2080-2099, le GIEC* prévoit une augmentation de la la Russie, pour que cette lutte prenne une autre tournure. température de l’air de l’ordre de 3, 3 °C en moyenne Combattre le changement climatique passe alors du monde Une saison en

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CARBONE

QUE SAIT-ON AUJOURD’HUI SUR LE RÔLE DE LA FORÊT GUYANAISE DANS LE CYCLE DU CARBONE ?


▼ Points de vue depuis les étages supérieurs de la tour Guyaflux, pendant la récupération des données.

de la géopolitique à celui de l’économie : 55 pays industrialisés, qui représentent au moins 55 % des émissions de CO₂ se mettent d’accord pour réduire globalement de 5, 2 %, par rapport au niveau de 1990, leurs émissions des six principaux GES entre 2008 et 2012. Pour cela, ils imaginent des règles de comptabilité des émissions des GES et de flexibilité : chaque pays industrialisé dispose d’un quota d’émissions maximal qu’il doit faire respecter à ses entreprises. La pollution engendrée par les GES ayant la particularité d’être diffuse et de concerner l’ensemble de notre planète, ce quota, annuellement fixé et comparé à l’inventaire national des émissions de GES, peut s’échanger d’État à Etat, d’État à entreprise ou d’entreprise à entreprise. Si les émissions sont inférieures au seuil maximal, l’État peut céder une partie de son quota à un autre pays. Si au contraire il dépasse le seuil autorisé, l’État doit équilibrer son bilan annuel et dispose pour cela de divers moyens (achat de quotas auprès d’autres États ; prise en compte du carbone séquestré par les forêts du pays ; achat de crédits carbone auprès de projets de lutte contre le changement climatique validés par les Nations Unies). À travers ces projets, avant tout dans des pays en voie de développement, toute tonne de CO₂ non émise dans l’atmosphère (ex. groupes électrogènes moins gourmands en diesel) ou séquestrée (ex. plantation d’arbres)

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donne droit à un crédit carbone qui va venir s’ajouter aux quotas d’émissions.

Et

la forêt dans tout ça  ?

Le Protocole de Kyoto reconnaît l’importance de la forêt dans la lutte contre le changement climatique, tant via le processus de séquestration que de substitution (remplacement d’énergies fossiles ou de matériaux par du bois issu d’une gestion durable). Outre le pouvoir de capter le carbone atmosphérique, la forêt, si elle est gérée durablement comme en Guyane, fournit aussi des produits bois, de l’énergie neutre d’un point vue atmosphérique, contrairement au béton, au fer ou au pétrole dont la production ou la combustion est fortement émettrice de GES. Toutefois, dans l’état actuel du protocole de Kyoto, seules les plantations forestières réalisées dans des pays en voie de développement sur des terrains qui n’ont pas été boisés depuis le 1er janvier 1990 peuvent produire des crédits carbone valides (cf. règles du Mécanisme de Développement Propre – MDP). Ce sont les fameux puits de carbone biologiques. Pour l’instant, le nouvel “or vert guyanais” ne sera donc pas le carbone. À vrai dire, il faut bien avouer qu’à ce jour, ce ne sont pas les puits de carbone biologiques qui vont enrichir les pays et les promoteurs des projets.


CO2

Sur 47 projets ayant demandé leur validation, seuls cinq sont officiellement validés – en Chine, en Inde, en Moldavie, au Vietnam et en Tanzanie – et représentent à peine plus de quelques milliers d’hectares. Mais la communauté scientifique et des responsables politiques - en particulier en Guyane - œuvrent pour que les modalités du protocole actuel évoluent et qu’elles prennent en compte potentiellement le rôle de puits de carbone de certaines forêts naturelles gérées. Si la voie du MDP est semée d’embûches, aucune initiative ne doit être négligée pour lutter contre le changement climatique – en particulier les initiatives volontaires – et créer des puits de carbone biologiques. Si ce n’est pas LA solution, cela doit y contribuer. Dès 1997, l’ONF s’est investie dans ce défi à travers la création de sa filiale ONF International. La 1ère expérience s’est faite au Brésil, dans l’État du Mato Grosso, pour Peugeot, au cœur de l’arc de déforestation amazonien. Douze ans plus tard, environ 2 000 hectares ont été plantés et capturent aux alentours de 20 000 tonnes de CO₂/an, soit l’équivalent des émissions annuelles moyennes de GES de 3 200 Français de métropole ou de 11 000 Brésiliens. Aujourd’hui, ONF International participe à la création de plusieurs dizaines de puits de carbone biologiques à travers le monde (Chili, Colombie, Argentine, Brésil, Cameroun, Rép. Démocratique du Congo, Madagascar, Indonésie, Cambodge, etc.), que ce soit pour le MDP ou pour

des initiatives volontaires. Depuis la fin 2007, le nouvel enjeu forestier au sein du Protocole de Kyoto se situe ailleurs, et les nouvelles règles seront fixées cette année. Près de 20 % des émissions annuelles de GES sont dues à la coupe, au brûlage du bois et à la perturbation des sols qu’entraîne la conversion de terres forestières à des fins d’urbanisation et surtout d’agriculture, phénomènes qui ne sont pas nouveaux. Près de 13 millions d’hectares de forêt partent ainsi en fumée tous les ans. Au premier rang des pays concernés, on trouve l’Indonésie et le Brésil dans sa partie amazonienne. Connaître le fonctionnement de la forêt amazonienne, et guyanaise, vis-à-vis des échanges de GES a donc toute son importance  : bien évaluer le stock de carbone en forêt et bien comprendre les mécanismes susceptibles d’influencer ce stock, c’est se donner les bases scientifiques nécessaires pour lutter contre le changement climatique et enrichir les débats des négociations internationales. Aujourd’hui, on estime que la biomasse végétale de forêt guyanaise représente 1.5 gigatonne de carbone (Guitet et al., 2005), soit environ la moitié de la quantité de carbone qui s’accumule tous les ans dans l’atmosphère sur notre planète. Un argument supplémentaire pour prendre soin de cette forêt, l’exploiter durablement en soutenant l’utilisation de bois guyanais dans la construction et planifier l’aménagement de ce vaste territoire en construction, car les menaces existent (installations Une saison en

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anarchiques, exploitation minière sans revégétalisation). LE RÔLE DE LA FORÊT DANS LE STOCKAGE DE CARBONE : SOURCE OU PUITS ? Les forêts, en milieu boréal, tempéré ou tropical humide, jouent un rôle primordial dans les échanges gazeux avec l’atmosphère, car elles sont le lieu de flux majeurs de GES. Pour le plus important d’entre eux, le dioxyde de carbone (CO₂), la forêt peut être à la fois source et puits.

Détour par un petit rappel de biologie. Toutes les cellules vivantes (humaines, végétales, bactéries, etc.) respirent, et dégagent donc du CO₂ dans l’air. Ainsi, 24 h sur 24, la forêt dégage du CO₂ : c’est le flux lié à la respiration. Mais la propriété des feuilles (et de certaines bactéries des océans) est d’absorber aussi du CO₂ quand le soleil brille : c’est la photosynthèse. Donc, de jour, la forêt absorbe de grandes quantités de CO₂, beaucoup plus qu’elle n’en rejette par la respiration. Bilan sur une année entière : la photosynthèse est plus forte que la respiration pour la forêt

tropicale humide non perturbée par l’homme. Elle joue donc le rôle de puits de CO₂ pour l’atmosphère. C’est ce que révèlent des études sur l’ensemble du bassin amazonien. Résultat conjoncturel ou tendance durable ? Intuitivement une forêt mature, primaire, très ancienne devrait absorber autant de CO₂ qu’elle en rejette et atteindre ainsi un certain équilibre. Deux hypothèses sont avancées pour expliquer ce bilan positif : 1) un stockage de CO₂ pourrait être la réponse de la forêt aux changements climatiques et notamment à l’augmentation de CO₂ ;

▼Le cycle du carbone (flux en gigatonne de carbone par an)

Atmosphère 60 GT

92 GT

90 GT

Respiration Décomposition Photosynthèse

Forêts

Océans

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61,4 GT

5,5

GT


T

2) les forêts ne sont pas si matures qu’on le croit et seraient encore en phase de régénération après des perturbations passées (au cours de la période 2000 à 10000 ans avant J.C) pouvant laisser de profondes traces sur leur fonctionnement. Mais attention, si les forêts tropicales humides stockent du CO₂, couper un volume plus grand que leur capacité à se régénérer (les raser complètement pour faire de l’agriculture ou de l’orpaillage) entraîne une diminution importante de ce stock de CO₂ et elles deviennent des sources de GES. Quand on parle de bilan d’une région, l’Amazonie par exemple, il importe donc de préciser de quelle zone on présente le bilan. La forêt amazonienne non perturbée est un puits très important de CO₂, mais dans son

Énergie, déforestation (1,7 GT), transports, urbanisation, élevage, agriculture

ensemble, quand on inclut les forêts non perturbées et les forêts détruites et brûlées, la forêt amazonienne est une source importante de CO₂ pour l’atmosphère. Le constat est différent pour les forêts tempérées européennes où les surfaces forestières augmentent régulièrement depuis de nombreuses décennies. En outre, la plupart de ces forêts stockent du carbone : l’exploitation pour le bois maintient les forêts dans un régime de croissance soutenu. CE QUE NOUS GUYANAISES ?

RÉVÈLENT

LES

FORÊTS

G uyaflux  : une tour pour mesurer le bilan c arbone En Guyane, des chercheurs du CIRAD et de l’INRA ont mis en place des dispositifs expérimentaux pour préciser les stocks de carbone dans les forêts de Guyane et le bilan de CO₂ entre la forêt et l’atmosphère. Afin d’obtenir les mesures de respiration et de photosynthèse, des capteurs de haute technologie ont été placés au sommet de la tour Guyaflux, à Paracou, près de Sinnamary. Cette tour, qui mesure 55 m de haut et dépasse les cimes de 20 m environ, permet de caractériser les flux semihoraires de CO₂ échangés par la forêt, sur une surface pouvant mesurer jusqu’à 100 ha environ. Ce type de dispositif, qui utilise la méthodologie des “corrélations turbulentes”, est installé dans 250 autres sites à travers le monde, mais seulement dans deux autres en forêt tropicale humide, au Brésil. Il permet de comprendre les flux de CO₂ entre l’atmosphère et les écosystèmes, ainsi que l’influence du climat sur le fonctionnement de ces derniers. Les données enregistrées par ces dispositifs sont intégrées dans des réseaux (Fluxnet) afin de comparer ces fonctionnements, les modéliser et en définitive proposer des prévisions sur l’influence des changements climatiques. Sur le site de Paracou, les données acquises depuis 5 ans par D. Bonal et ses collègues de l’INRA montrent que la forêt de Paracou absorbe chaque année plus de CO₂ qu’elle n’en rejette, confirmant donc qu’elle est un puits de carbone. Cependant, ce bilan annuel cache de fortes variations des flux et bilans journaliers entre les saisons. Au cœur de la saison des pluies (maijuin), le faible rayonnement solaire engendre une faible photosynthèse, alors que la respiration est forte. La forêt est alors une source de CO₂ vers l’atmosphère. Quand la saison sèche commence, la respiration reste forte et la photosynthèse l’est également, du fait des belles journées ensoleillées. Mais le bilan est en faveur de la photosynthèse et la forêt est un puits de carbone. Quand les saisons sèches sont très fortes (cas en 2003, 2005 ou 2008), la respiration, en particulier au niveau du sol, a tendance à diminuer très fortement, du fait du manque d’eau dans le sol. La photosynthèse diminue également, mais dans une moindre mesure. Le bilan est alors un puits de CO₂ encore plus important. Quand les pluies reviennent en décembre-janvier, la respiration redevient très forte et les journées pluvieuses représentent des sources importantes de CO₂ vers l’atmosphère.

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►Variation au cours de la journée du rayonnement solaire (en orange) et du flux net de CO2 (en vert) entre l’écosystème et l’atmosphère Chaque point correspond à la moyenne de nombreux jours de mesure. Le flux NET correspond à la différence entre la photosynthèse (brute) et la respiration (brute). On voit (i) que de nuit, la forêt ne fait que respirer (OUF !), (ii) que vers 8 h du matin, la photosynthèse est déjà aussi forte que la respiration, et le flux net est nul, (iii) et qu’au cours de la journée (quand on a du soleil), la photosynthèse est bien plus forte que la respiration, et le flux net est négatif, c’est-à-dire que la forêt absorbe plus de CO2 qu’elle n’en rejette. ▼Variation au cours de l’année (2005) de la photosynthèse brute et la respiration brute de l’écosystème, à gauche, et de la différence entre photosynthèse brute et respiration brute (= bilan de CO2) Chaque point correspond aux valeurs moyennes d’un jour. La courbe en gras correspond à la tendance moyenne sur 15 jours. En trait jaune large, la saison sèche ; en trait bleu large, la saison des pluies. Le bilan (à droite) montre un écosystème qui peut être un puits de carbone (valeurs négatives) ou une source de carbone (valeurs positives) au cours de l’année. Plutôt source en saison des pluies, c’est davantage un puits en saison sèche (petit été de mars et grande saison sèche). Le bilan GLOBAL d’une année (somme de tous les points) est une valeur négative. La forêt de Paracou est un puits de carbone. C’est le cas depuis 2004 ! ►Cycle du carbone dans un écosystème forestier Une forêt qui croit absorbe plus de CO2 par Photosynthèse de la photosynthèse qu’elle n’en rejette par la l’écosystème respiration. Le carbone du CO2 est le principal constituant de la matière vivante des arbres (troncs, branches, feuilles, racines, etc.). Cette RESPIRATION matière vivante en respirant libère du CO2. TOTALE Devenue morte, elle est dégradée au sol par DE L’ÉCOSYSTÈME des micro et macro-organismes de la litière qui rejettent alors de grandes quantités de carbone. La différence entre le flux de carbone entrant dans l’écosystème (photosynthèse) et le flux sortant (respiration) indique si la forêt est un puits de carbone (différence positive) ou une source (différence négative). Ainsi une plantation forestière ou une forêt après exploitation sont des Respiration des feuilles puits de carbone alors qu’une forêt après et troncs le passage d’une tempête (beaucoup d’arbres morts au sol qui vont se décomposer) est une source de carbone

Respiration liée à la décomposition des litières Turnover racinaire exsudats Une saison en& Guyane COP21

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Chute de branches, troncs, ou litière Respiration des racines


P aracou  : un observatoire forêts en G uyane

à long terme des

Si l’ensemble de la forêt semble être un puits de CO₂, il est important de comprendre où le carbone absorbé est stocké. Les travaux de L. Blanc et ses collègues du CIRAD ont pour objectif de caractériser le bilan de carbone dans le compartiment comprenant le tronc et les feuilles. Depuis la fin des années 1970 en Guyane, les forestiers et les chercheurs mesurent régulièrement la taille des arbres (circonférence, hauteur) sur des dispositifs forestiers permanents. Répartis le long de la bande côtière de Guyane, ce sont autant d’observatoires de l’évolution à long terme des forêts. Les données recueillies, complétées par celle sur la densité du bois, sont intégrées dans des modèles mathématiques qui fournissent la biomasse de l’arbre (son poids). Un arbre de 70 cm de diamètre peut peser jusqu’à 8 tonnes, soit environ 4 tonnes de carbone ! Suivre le comportement démographique de chaque arbre (apparition, croissance et mortalité) sur une parcelle bien délimitée permet ainsi de connaître l’évolution du stock de carbone contenu dans les arbres d’une forêt. Une forêt avec un plus grand nombre ou de plus gros arbres va stocker du carbone. Au contraire, une forêt qui perd des arbres déstocke du carbone. Sur le dispositif de Paracou, les arbres mesurés depuis 1984 sur 6 parcelles permanentes à proximité de la tour Guyaflux nous indiquent que la forêt “grossit”, confirmant ainsi les résultats de la tour. Chaque année la forêt accumule en moyenne 380 kg de carbone sur un hectare ! Mais ce chiffre varie dans l’espace, certaines forêts ayant même perdu du carbone. En outre, ce constat n’est valable que pour les quelques décennies de suivi des forêts. Une forte sécheresse (comme celle qui a sévi dans le bassin amazonien en 2005) pourrait provoquer une forte mortalité des arbres et faire chuter le stock de carbone des forêts, qui mettront de nombreuses décennies à reconstituer le stock perdu en quelques mois. Il serait donc imprudent d’extrapoler ces résultats à une plus grande échelle et de considérer la forêt guyanaise comme un puits de carbone. La mise en place d’un réseau de parcelles forestières (réseau GUYAFOR) fournira dans quelques années un bilan carbone pour 15 sites en Guyane. Un premier pas vers la validation (ou non) des résultats de Paracou. ET DEMAIN ? Avec ces dispositifs de terrain historiques et l’utilisation de technologie parmi les plus avancées, la Guyane se positionne comme un site de recherche majeur en zones intertropicales pour

l’estimation des stocks et du bilan de carbone des forêts tropicales humides. Mais il reste tant à faire. Quels impacts auront les changements climatiques sur le cycle du carbone dans ces forêts et sur leur rôle de puits de carbone ? L’effet a priori favorable de l’augmentation de carbone dans l’atmosphère sur la croissance des arbres sera-t-il contre-balancé par l’augmentation de la longueur des saisons sèches générant une forte mortalité ? Comment généraliser des résultats pour un territoire immense (550 millions d’ha de forêts en Amazonie !) dans un contexte de gestion et d’utilisation des forêts extrêmement diversifié ? Que peut-on déduire de l’observation fine du fonctionnement des forêts sur quelques décennies alors que la plupart des arbres sont pluricentenaires ? Un beau challenge pour les générations à venir !

▲Instruments de

mesure au sommet de la tour Guyaflux

Extrait de Une saison en Guyane n° 3 - août 2009. D . Bonal - INRA, L. Blanc - CIRAD, J. Demenois - ONF International Photos : P-O Jay - Illustrations : J-P. Penez Une saison en

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PETIT SAUT BARRAGE DE PETIT 18 ANS1D’HYDROÉLECTRICITÉ SAUT

AU SERVICE DE LA GUYANE

Depuis 1994, le barrage de Petit Saut sur le Sinnamary et son immense retenue d’eau fournissent plus de la moitié de l’électricité de la Guyane. À l'heure où se pose la question d'un second grand barrage pour subvenir aux besoins croissants de la Guyane en énergie, retour sur une aventure humaine, scientifique et économique chargée de remous.

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▲Le lac de retenue du

barrage de Petit Saut est le plus vaste de France avec 350 km2.

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ÉNERGIE

À

Petit Saut, comme souvent, tout commença avec la construction d’une route. Une fois le lieu du barrage décidé, la première étape fut la création d’une bande d’asphalte de 27 km entre la route de Kourou et le lieu du barrage, afin d’acheminer le matériel. Aujourd’hui ce serpent de bitume, entre la RN1 et le barrage de Petit Saut, est interdit au public. Seul le personnel travaillant sur le barrage, pour EDF ou pour le laboratoire d’analyses environnementales Hydreco, a le droit de l’emprunter. On croise parfois quelques quads de la gendarmerie ou des touristes ignorants au milieu de la cinquantaine de carcasses de voitures qui jonchent les bas-côtés. Ce cimetière d’épaves, brûlées par dizaines, serait dû en partie à l’orpaillage illégal, mais surtout à des voleurs qui viendraient désosser les voitures volées, puis les brûler sur cette piste reculée, pour ne pas être retrouvées. Quand le chantier du barrage commence en 1989, la route a été construite et ouverte par EDF. Elle est ensuite rétrocédée à l’État, qui par défaut la confie à l’Office National des Forêts en tant que route forestière. Faute d’entretien, la route se dégrade et devient inadaptée à la circulation, le préfet l’interdit au public en 2001. Aujourd’hui, il faudrait environ 4 millions d’euros de travaux pour la remettre en état et en attendant, les agents d’EDF appellent régulièrement des services extérieurs pour évacuer les carcasses qui la parsèment. Une fois dépassé ces épaves, esquivé de justesse les singes et les serpents, apparaît le barrage de Petit Saut. Au cœur de la forêt équatoriale de Guyane,


d’une hauteur de 35 m et long de 750 m, ce monstre de béton contient la retenue d’eau la plus importante de France : 3, 5 milliards de mètres cubes d’eau. UNE CONSTRUCTION PHARAONIQUE AU CŒUR DE LA FORÊT Construit sur un socle granitique à fleur d’eau, ce barrage est entouré par de nombreuses digues. D’une puissance totale de 116 MW, il fournit plus de 60 % d’électricité de la Guyane pour un coût de construction d’environ 400 millions d’euros. La centrale hydraulique, autonome en électricité et en eau est composée de quatre turbines identiques qui tournent à 200 tours par minute avec une puissance de 29, 3 MW et un débit de 100 m3 d’eau à la seconde. Cependant la puissance d’une centrale hydraulique ne dépend pas que du débit, mais aussi du dénivelé, c’est-àdire de la hauteur de chute. Sur Petit Saut, elle est d’environ 30 mètres, ce qui est peu proportionnellement à la taille de la retenue. En amont du barrage, la plus grande retenue de France : un immense lac artificiel de plus de 350 km2, plus vaste que l’agglomération parisienne. On y croise des

▼Le chantier du barrage sur le Sinnamary en 1991.

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pirogues de gendarmes qui poursuivent des orpailleurs clandestins, de rares touristes, ou des scientifiques en mission. En aval du barrage, la rivière Sinnamary, telle qu’elle était en apparence avant la construction, courant clair et limpide, s’écoulant vers le littoral. A l’origine de cet ouvrage, un site touristique  : carbet, plage et une cascade d’où lui vient le nom de “ Petit Saut ”. Dès le milieu des années 1970, le projet est en cours. Face à la poussée démographique de la Guyane et aux besoins énergétiques croissants, les centrales électriques ne suffisent plus à alimenter le département. Selon les chiffres d’EDF, de 1976 à 1983 les besoins en énergie y ont augmenté de 300 %, avec notamment la création du Centre Spatial Guyanais (CSG). Une fois le projet concrétisé, missions et études se succéderont de 1981 à 1987, pour définir l’emplacement du futur barrage. Plus de 500 forages sont réalisés sur l’ensemble du département pour trouver un sol propice. Finalement, c’est un resserrement naturel de la rivière Sinnamary, à 60 km de son embouchure, qui est choisi. Un emplacement stratégique à 50 km de Kourou, où est installé le CSG et à 110 km de Cayenne.

De nombreuses recherches sont lancées en même temps que la construction, avant même la mise en eau : autour de la faune, de la flore, mais aussi des 310 sites archéologiques amérindiens découverts. Ces études menées après le choix du site, n’ont donc en rien influencé le positionnement du barrage. Cécile Reynouard est responsable chimie dans le laboratoire Hydreco à Petit Saut depuis 18 ans. Elle se souvient de son arrivée : « C’était en mai 1993, le barrage était presque fini. Le plan “Faune sauvage” a récupéré environ 5000 animaux pour les sauver des flots. C’était une super image pour EDF mais l’important pour moi c’était surtout que ce soit fait. » LA QUESTION DE LA DÉFORESTATION Lors de la construction, plus de 300 hectares de forêt sont coupés pour la création du site, de la route, mais aussi afin de réaliser une tranchée dans la forêt pour acheminer l’électricité vers le littoral. Une grande polémique éclate à l’époque pour savoir s’il est mieux de déforester ou de noyer les arbres qui allaient se retrouver dans la retenue. La solution la plus “propre”, selon les décideurs de l’époque est de noyer


la forêt. Pour Philippe Cerdan, directeur du laboratoire Hydreco, c’est de loin la meilleure : « tronçonner la forêt aurait produit beaucoup de gaz à effet de serre, ça aurait été une aberration écologique ! Les 300 ha déforestés sont un désert sans vie. On y trouve 70 % d’espèces en moins. » La question de la coupe des arbres avant la mise en eau pourrait être encore d’actualité sur un éventuel nouveau barrage, car les arbres utilisés comme bois d’œuvre ne rejoignent pas l’atmosphère sous forme de CO2. Cependant, les recherches montrent désormais que la principale source de GES provient du sol. De la vie à Petit Saut il y en avait. Au moment de la mise en eau du barrage, le 6 janvier 1994, « quand les îles se sont formées c’était le paradis des naturalistes, vétérinaires, assistants, ils voulaient tous venir ici et s’éclataient ! » affirme Cécile Reynouard. Quand le barrage s’est fermé, le lac aurait dû être rempli au bout d’une saison des pluies. Mais il n’a pas plu cette année-là, il a donc fallu attendre une année de plus pour remplir totalement la retenue. À partir de cet instant, l’écosystème du lieu s’est entièrement transformé, passant de fluvial à lacustre. De quoi nourrir les recherches de la vingtaine de scientifiques qui travaillent sur place au laboratoire Hydreco. « Certes on a transformé une rivière en lac, déplacé des milliers d’animaux, noyé la forêt, déforesté plus de 300 ha, mais même les écologistes sont conscients qu’on a besoin d’électricité ! affirme Cécile Reynouard. Dans les années 80/90, on était précurseurs du développement durable, bien avant qu’on nous en rabâche les oreilles ! » SINNAMARY  : LES INQUIÉTUDES DE L’ÉPOQUE En aval, les peurs apparaissent avant même la construction et dès 1991, grèves, manifestations et autres opérations de blocage se succèdent. La qualité de l’eau devient l’une des revendications, et après des tatonnements et de nombreux essais pour maintenir une eau à 2 mg d’oxygène, compatible avec la vie aquatique, un seuil aérateur (une première mondiale), est installé pour permettre aux eaux en aval de se réoxygéner, et EDF finit par prendre en charge le déplacement de la station d’eau potable, selon le principe du pollueurpayeur. Le maire de l’époque, Elie Castor, négocie avec l’entreprise une taxe professionnelle généreuse, permettant de compenser les impacts qu’aura ▲Seuil d’oxygénation : système à deux cascades permettant l’oxygénation et le dégazage des eaux turbinées sortant de l’usine. le barrage sur les habitants. Aujourd’hui, la fiscalité liée au barrage représente 14 millions ▲Changement de l’hélice de l'une des quatre turbines du barrage. Octobre 2012.

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◄Équipe de travail EDF dans

l’enceinte du barrage lors du changement de l’hélice. Octobre 2012.

d’euros, répartis entre les communes de Sinnamary et de Saint-Elie et surtout le Conseil Général et la Communauté des Communes des Savanes. Ce qui permet à la commune de Sinnamary d’avoir des projets de rénovation des berges, une salle de spectacle, une maison des pêcheurs modernisée, une marina… Mais à l’époque, l’argent n’est pas la question. Patrick Cosset, adjoint de l’actuel maire et membre actif d’une association qui a défendu les droits des pêcheurs, explique le bouleversement qu’a représenté cette construction : « Le fleuve était notre force. Tous les habitants vivaient de la pêche, et puis un jour, les traditions doivent changer. Les bateaux partent pêcher plus loin au large à cause de l’envasement des rives sur l’embouchure. En fait, à ce moment-là, on vous paye pour vous taire. » Cependant, une étude de l’IRD est venu infirmer que l’envasement soit lié à la présence du barrage. Après une période difficile, la situation

s’apaise. Certains pêcheurs sont indemnisés et la population s’adapte. Pour l’actuel maire, Jean-Claude Madeleine, qui après de « trop longues années de silence » a rétabli le lien avec les responsables du barrage, « on peut penser que la commune est riche, mais elle est réellement défavorisée en terme d’environnement. Et puis on vit ici en se disant qu’un jour, ça peut péter… » Mais en matière de sécurité, sur plusieurs centaines de barrages français, il n’y a eu qu’un accident en 1959. Si EDF a mis en place toutes ses obligations légales à Petit-Saut, c’est seulement depuis 2008 qu’un plan communal de sauvegarde est mis en place par le maire. En mars 2013, un exercice devrait tester la fiabilité de ce plan. UN SUIVI ENVIRONNEMENTAL UNIQUE AU MONDE Avec plus de 40 laboratoires au travail, pilotés par un comité scientifique, un laboratoire sur place et surtout des études uniques en milieu tropical, avant, pendant

et après la mise en eau, « Petit Saut est le barrage le plus suivi au monde » selon le directeur d’Hydreco. La responsable Chimie du laboratoire reconnait qu’« ici on est totalement privilégiés. Jusqu’en 1998, EDF avait l’obligation légale de prévention et détection de problèmes éventuels. Donc on a eu un très bon budget, des équipements de qualité, etc. » Les recherches sont aujourd’hui pilotées par un comité composé de 22 membres : 5 personnes d’EDF Guyane dont le Directeur, mais aussi le directeur du laboratoire Hydreco, ainsi que d’autres chercheurs et scientifiques du CNRS, de l’INRA… La neutralité d’un laboratoire, piloté par un comité scientifique en partie formé de membres d’EDF pourrait laisser certains perplexes : « Il a toujours été important de choisir les termes quand on parlait d’un sujet sensible, mais je n’ai pas eu le sentiment qu’il y avait quelque chose à cacher » affirme Cécile Reynouard. Une fois l’obligation de suivi scientifique d’EDF levée en 1998, beaucoup ont

▼Fonctionnement de la centrale électrique de Petit Saut.

1-Digue amont permettant le turbinage de l’eau de surface de la retenue. 2 - Barrage 3-Conduite forcée vers la centrale (section de 4,70 m) 4- L’eau entraine la turbine de type Kaplan à axe vertical 5 pâle. 5 -La turbine entraine l’alternateur de 33,6 Mva, pour produire le courant 6 - conversion du courant en haute tension grâce à un transformateur 7 - L’eau rejoint le fleuve Sinnamary en passant par le seuil d’oxygénation (8)

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cru que le laboratoire allait fermer. « Hydreco existe car il y a le barrage, sinon qu’est ce que ferait un laboratoire au milieu de la forêt amazonienne ? ! » s’amuse Julie Soumaille, qui travaille comme chimiste au laboratoire depuis 2 ans. Aujourd’hui le travail d’Hydreco pour le barrage représente plus que 1/5 de ses recherches totales. Paradoxalement, la modification profonde de cet écosystème a permis de mieux le comprendre. Elle a certes donné lieu à des découvertes scientifiques essentielles pour le développement de l’hydroélectricité en zone tropicale, mais pas seulement. En essayant de minimiser les nombreux impacts du barrage sur son environnement, les chercheurs ont acquis de nouvelles connaissances sur cette forêt et ses systèmes si complexes. PERTE DE BIODIVERSITÉ MAIS NOUVELLES ESPÈCES Après les opérations de sauvetage des animaux sur les îles, une équipe du Muséum National d’Histoire Naturelle a été en charge en 1993 et 2004 des études sur l’impact de cette fragmentation de la forêt. Parmi eux, JeanMarc Pons. « Ces îlots ont perdu en richesse. On ne peut pas parler de disparition d’espèces puisqu’elles ont migré vers la forêt continue, mais les communautés présentes sur les îles sont aujourd’hui très simplifiées. » Ces études ont donné lieu à des observations très rares, voire uniques. De nouvelles espèces ont été découvertes comme un petit rongeur nocturne arboricole, l’Isothrix sinnamariensis, et une grenouille nommée l’Adenomera heyeri. Dans le milieu aquatique complètement bouleversé, outre le manque d’oxygène dissous dans l’eau turbinée, une problématique a retenu l’attention du public : le mercure. Tout a été dit sur le sujet. Son contraire aussi.

mangeant tous les jours du poisson plus ou moins contaminé en mercure qui sont exposées à ce risque » précise Jorg Shafer, de l’équipe d’Alain Boudou, chercheur à l’université de Bordeaux. Mais sur l’aval du fleuve, il n’existe aucun village et les prélèvements faits sur la population de Sinnamary sont rassurants. Aujourd’hui, la couche oxygénée du lac s’épaissit et les taux de mercure ont tendance à retrouver un niveau normal. LE SUIVI DU METHANE D’après Robert Delmas, le président du comité scientifique, la principale découverte scientifique sur le barrage concerne les émissions de gaz à effet de serre (GES). En effet, jusqu’en 1995,

▼L’équipe du laboratoire Hydreco analyse régulièrement de nombreux paramètres sur l’eau du barrage.

LE SPECTRE DU MERCURE « On savait qu’il y avait du mercure dans le fleuve, à cause de l’orpaillage » explique Cécile Reynouard. Reste à savoir s’il est un danger réel pour les êtres vivants. En 1994, alors que le barrage est construit mais que le débit de la rivière n’est pas encore perturbé, une première étude permet d’élaborer un point zéro, un état de la faune aquatique avant la mise en eau. Les chercheurs réalisent l’ampleur de la contamination des eaux du Sinnamary au mercure. On s’aperçoit que le manque d’oxygène au fond des eaux de la retenue favorise la transformation du mercure en méthyle mercure, plus facilement assimilable par les êtres vivants. Certains poissons en aval de la retenue ont une concentration en méthyle mercure dix fois plus élevée que leurs congénères en amont. Pour développer des maladies dues au mercure, il faut avoir une consommation importante de poisson. « Ce sont surtout les populations amérindiennes,

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▲Taux de méthane dans la retenue sur 18 ans. (moyennes mensuelles) Source Hydreco

les barrages sont considérés comme une énergie propre, “ neutre ”. Mais l’expérience Petit Saut va, là encore, bouleverser les idées reçues. « Ce sont principalement des émissions de méthane. Cet aspect était vraiment méconnu au point qu’il avait été ignoré dans l’étude d’impact antérieure à 1994. » Il faut dire que la majorité des barrages ne dispose pas d’un budget de recherche aussi important. Mais surtout, ils ne sont pas implantés en zone équatoriale avec une forêt entière immergée à des températures élevées : un terreau idéal pour la production de méthane. À l’époque, la découverte fait beaucoup de bruit. Le méthane dégagé dans l’atmosphère a un pouvoir radiatif 21 fois supérieur au CO2, (il contribue 21

LE PETIT FRÈRE LAOTIEN DE PETIT SAUT Les recherches menées sur le barrage de Petit-Saut ont permis pour la première fois de renforcer les savoir-faire en matière de barrages tropicaux. Un recul idéal pour travailler par exemple sur ce que les responsables d’EDF appellent le “ petit-frère ” de Petit Saut : le barrage Nam Theun 2 au Laos. Financé par la Banque Mondiale, le plus grand barrage d’Asie du Sud-Est est détenu à 40 % par EDF. Le bureau d’étude Hydreco a aussi monté un laboratoire sur place avec d'anciens scientifiques de Petit-Saut. Mais le projet a suscité quelques polémiques. De nombreuses ONG, écologistes et politiques, ainsi que des scientifiques et des représentants des populations locales se sont opposés au projet de barrage de Nam Theun 2. Leurs arguments : le coût exorbitant du projet, estimé à 1,4 milliard de dollars, les déplacements de minorités ethniques, 1240 familles, et les dégâts écologiques sur la faune et la flore, notamment le déplacement des éléphants qui vivaient sur la zone inondée. Enfin, ce barrage ne sert pas son pays de construction, puisque 95 % de sa production d’électricité est à destination de son pays voisin : la Thaïlande. Le barrage de Nam Theun 2 a finalement commencé à produire de l’électricité en 2010, après deux décennies d’études, de polémiques et de travaux de construction. Plusieurs autres barrages, notamment réalisés par des entreprises chinoises sont en construction dans le pays.

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fois plus à l’effet de serre). Des chiffres qui pourraient inquiéter la population, mais leur diffusion est considérée comme une preuve de l’indépendance des chercheurs vis-à-vis d’EDF. « Ceci a certes été à l’origine d’une polémique importante, mais qui a débouché sur des travaux de recherche pour évaluer les émissions de GES de tous les barrages tropicaux », explique le chercheur aujourd’hui retraité. Les premières années de fonctionnement du barrage, ces émissions étaient comparables à celles d’une centrale thermique de même capacité. Avec la dégradation progressive de la forêt immergée, ces chiffres ont fini par redescendre. 130 000 tonnes d’équivalent carbone (majoritairement sous forme de méthane) s’échappaient encore en 2003 des eaux du barrage tous les ans. Mais contrairement au schéma d’anticipation, les chercheurs se réjouissent aujourd’hui haut et fort qu’en 15 ans, méthane et mercure auraient quasiment disparu. Sur 100 ans, le barrage émettrait donc 6 à 7 fois moins d’équivalent CO2 qu’une centrale thermique. UNE VIE AUTOUR DU BARRAGE Un véritable microcosme s’est créé autour du barrage : une vingtaine de personnes travaillent dans le laboratoire ainsi qu’une trentaine pour la centrale hydraulique, à Hydreco la plupart sont des jeunes, venus de métropole. « Il est difficile de recruter localement des têtes scientifiques » explique Philippe Cerdan. « Les Guyanais préfèrent souvent travailler dans le public, ou dans le spatial ». L’isolement du lieu entraîne une organisation de groupe. Tous les matins les scientifiques se retrouvent à Kourou pour faire un covoiturage jusqu’à Petit Saut. « On amène aussi notre gamelle pour le midi, sinon il n’y a rien. Le plus près c’est Kourou à 50 km ! » raconte Julie la chimiste. « Mais je préfère travailler ici dans ce cadre, que dans un labo dans la ville en métropole. Au moins ici c’est tranquille, dans un cadre sympa et naturel. En plus il n’y a pas vraiment de hiérarchie, il vaut mieux voir çà comme une grande famille ! » Du côté de la centrale hydraulique, les techniciens sont essentiellement guyanais. Robert Zulemaro est directeur technique sur la centrale de Petit Saut depuis 18 ans. Il parle du barrage comme de son bébé, qu’il a connu de sa mise en eau à nos jours. Il prendra sa retraite dans quelques mois. « J’ai grimpé toutes les marches de l’escalier, contre maitre, responsable de maintenance… Ça va me manquer, l’équipe, l’ambiance. On a tout créé ici, l’ambiance, l’organisation, la rigolade… ». Les ouvriers qui s’occupent de la maintenance et de la sûreté hydrauliques du site sont pourtant souvent dans les tunnels sous le niveau de la retenue à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, juste derrière la retenue d’eau, avec l’eau qui ruisselle sur les murs de béton. « Il ne faut pas avoir peur,


on n’a pas le temps d’avoir peur, il ne faut pas y penser. Pour travailler ici il faut être bien physiquement et mentalement » affirme Robert Zulemaro. L’HYDROÉLECTRICITÉ : L’ÉNERGIE PROPRE DE LA GUYANE ? Il existe de nombreux cadres légaux au développement des énergies : plans régionaux, schémas départementaux, impératifs nationaux… Tout est strictement encadré. Un débat national a été lancé sur la transition énergétique du pays, suivant les objectifs du Grenelle 2 : qualité de l’air et autonomie énergétique autour de 2030. Les scénarios les plus optimistes qui s’ouvrent à la Guyane misent sur le développement des énergies renouvelables (EnR) et la maitrise des énergies (MDE). Pour EDF pourtant, même dans le scénario le plus optimiste de maitrise de l’énergie, avec l’arrêt de la centrale thermique de Dégrad des Cannes, un manque de 100 MW serait à prévoir en 2030. Tout laisse à penser que les collectivités se tourneront tout de même vers la construction d’un second grand barrage. Une position déplorée par le GENERG qui constate dans un communiqué daté du 15 novembre 2012, l’abandon des stratégies d’économies d’énergie : « frein à la diffusion des chauffe-eau solaires, absence d’accompagnement et de contrôle de la réglementation thermique, fin du label

ECODOM pour l’habitat bioclimatique, inadaptation de l’urbanisme pavillonnaire à la mobilité durable, panne des opérations exemplaires dans le tertiaire ou l’industrie. » Selon ces professionnels de l’énergie renouvelable, « la course à la production est une chimère : plus qu’un second barrage, c’est en priorité une politique très volontariste d’efficacité et de sobriété énergétique qui est indispensable, ainsi que le développement d’un mix énergétique. » Différents sites seraient envisageables sur l’Approuague ou plus probablement sur la Mana. Des régions peu peuplées, mais où se poseraient les mêmes problèmes de GES et de mercure. Seule différence, et pas des moindres, les centaines de km² de surfaces déforestées seront normalement prises en compte par les mécanismes internationaux qui succéderont au Protocole de Kyoto, un calcul qui pourrait se chiffrer à plusieurs centaines de millions d’euros d’équivalent financier… En 2013, notre département est encore dépendant de l’importation d’énergies fossiles qui représentent 90 % de sa consommation totale. Extrait de Une saison en Guyane n° 10 - février 2013. Texte de Marie Le Guillou et Nina Montagné Photos de P-O Jay, N . Montagné, EDF.

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Petite & Mic Barrage Hy d r o au fil de l’eau ▼Hydrolienne fluviale en

développement par l’entreprise Hydroquest.

Micro hydro - Station des Nouragues La station scientifique des Nouragues du CNRS est située sur Saut Maman Valentin l’un des inselbergs de la réserve naturelle des Nouragues, commune de Régina. Cette station d’études qui peut accueillir jusqu’à quinze personnes, est approvisionnée en Saut Bief électricité par une « micro turbine d’une production maximale Saut Athanase de 10 KW » explique Philippe Gaucher, le directeur technique Saut Parare Station des Nouragues des stations de terrain du CNRS Guyane. Inaugurée en 2005, la microcentrale a été installée sur le cours d’eau Camopi qui enregistre un dénivelé de près de 40 mètres. « Pour nos installations relativement légères, c’est un outil extraordinaire q u i nous permet d’avoir une salle sèche, une étuve, des congélateurs, des microscopes… Nous avons un générateur pour pallier les défaillances de cette turbine et nous devons également rénover le parc solaire, car une panne prolongée est toujours possible » complet Philippe Gaucher. Micro hydro - Hydroliennes à Camopi C’est à Camopi que sera implantée une « première mondiale », l’hydrolienne fluviale à flux transverse. L’idée est d'équiper des hameaux isolés pour substituer aux petits groupes électrogènes une « énergie verte ». L’hydrolienne est une barge flottante équipée d’une roue qui transforme l’énergie cinétique du courant en énergie électrique. En avril, un test sera mené sur le splendide site de l’îlet Moulat situé à quelques centaines de mètres du bourg. Si les s i x mois d’essai sont probants, la première machine de production sera implantée sur Maripa 2 pour une capacité de « 50 KW ». Un aménagement du site accompagnera la mise en fonctionnement : les pirogues devront emprunter un chenal de quatre mètres de fond et cinq de large ; des lignes aériennes raccorderont la barge au réseau électrique ; une signalisation nocturne lumineuse par « LED et solaire » sera installée. Si l’hydrolienne de Camopi est concluante, cette technique pourrait être étendue à d’autres écarts. Petite hydro - Sur la Mana Saut Maman Valentin est la première centrale au fil de l’eau de Guyane. Sa mise en route opérationnelle remonte à décembre 2011. Elle est dimensionnée pour produire 4, 5 MW en valeur maximale, « l’équivalent des besoins de 15 000 habitants ». Un an après sa mise en route, l’ouvrage de « 17 millions d’euros » répond partiellement aux attentes selon Voltalia qui évoque même « un loupé ». « Techniquement l’ouvrage fonctionne très bien, mais en 2012 la pluviométrie a été extrêmement importante sur le premier semestre, et le second a connu une sécheresse prononcée », regrette Alain Cyrille, le directeur du développement.

▼La centrale au fil de l’eau de Saut Maman Valentin sur la Mana

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Ces situations extrêmes, qui ont surpris l’administration et l’opérateur, auraient ainsi perturbé la chute d’eau et le débit, entraînant l’arrêt de fonctionnement des turbines pendant « vingt-cinq jours cumulés ». Pour s’extraire de tels aléas, les experts envisagent de construire un seuil, soumis à une nouvelle étude d’impact. Petite hydro - Sur l’Approuague Les sauts Mapaou et Athanase emboitent le pas à la Mana. Un dossier a été déposé en mai 2012 à la Direction de l’environnement et de l’aménagement. Contrairement à Saut Maman Valentin, cette nouvelle centrale au fil de l’eau s’accompagnerait de l’excavation d’un canal de dérivation, conservant ainsi « la majeure partie du lit du fleuve intact » selon l’opérateur. Le saut Athanase sera en revanche « modifié » pour « gérer les débits réservés et les passages des embarcations ». La mise en service est espérée pour 2017. Situé à six kilomètres en amont, le Saut Mathias est aussi regardé avec attention, mais le dossier est moins abouti. D’autres chutes pourraient connaître le même destin, car l’idée de Voltalia est de « pouvoir sortir une centrale par an pour la Guyane » à compter de 2016, pour qu’à « l’horizon 2020-2025 » la petite hydro apporte « 60 MW », soit 300 GWh pour des besoins tendanciels estimés par EDF à quasiment 1200 GWh. Petite hydro - Saut Bief à l’arrêt Le saut Bief, où aiment nager les riverains de Cacao le weekend, est aussi sur la liste de Voltalia. L’idée consisterait à se greffer sur la roche existante élevée d’un seuil pour atteindre « quatre mètres » de chute. Selon le dossier présenté en consultation publique, une surélévation du lit mineur est prévue pour créer un plan d’eau de « 56 hectares ». Équipé d’un chenal pour les pirogues et de passes à poissons, le plan d’eau s’échelonnerait sur sept bassins successifs, séparés par des sauts artificiels de quarante-cinq centimètres. Lorsque Voltalia avait présenté le projet aux citoyens et aux collectivités, il évoquait la création d’une plage artificielle sur la retenue d’eau. Mais aujourd’hui, deux grains de sable bloquent le projet. « Le raccordement » est impossible en raison de l’état du réseau EDF qui ne pourrait supporter l’injection de 2, 1 MW supplémentaire ; le plan de prévention

▼Fonctionnement d’une centrale au fil de l’eau.

ÉNERGIE

cro é l e c t r i c i t é Hydrolienne - microturbine ▼ “Barrage au fil de l’eau”sur

saut Mapaou, fleuve Approuague

des risques d’inondation « qui n’a pas été formellement réglé, faute à un blocage administratif ».

L’EAU POUR ÉCLAIRER LES MAISONS ISOLÉES En 2008, dans le cadre de la révision du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux de Guyane, une étude sur le potentiel hydroélectrique de la Guyane avait été menée. 817 sites avaient alors été identifiés. L’idée de l’Office de l’eau est de compléter cette étude en prospectant sur les deux fleuves frontaliers, autour de 49 sites isolés comptant chacun entre cinquante et plus de cent habitants, pour évaluer le potentiel de la petite hydroélectricité. Il en est de même pour la prospection du potentiel des hydroliennes. En site isolé, une famille ne disposant pas encore d’électricité aura besoin dans les premières années d’1 KW.

LES OPPOSANTS À LA PETITE HYDRO Parfois, l’installation d’ouvrages d’hydroélectricité dite “ énergie verte ” pose des problèmes au voisinage. C’est le cas des sauts de l’Approuague. Pour Jean-Pierre Caira, conseiller municipal à Régina, les projets de Voltalia « se trouvent sur des sites touristiques, qui génèrent une activité estimée à 500 000 euros de chiffre d’affaires ». Il juge que si le projet voyait le jour il nuirait aux activités et invaliderait l’orientation prise par la commune de Régina de « renforcer son positionnement sur le tourisme et la conservation du patrimoine », pour lesquels « 2, 4 millions d’euros » ont été alloués par l’Europe. À Saut Bief, l’association de riverains Bagot 973 s’oppose au projet. Elle estime que la construction d’une centrale perturberait le niveau des eaux jusqu’à « quinze kilomètres » en amont, contre « deux cents mètres » selon l’étude d’impact de Voltalia. De tels mouvements de grogne pourraient se répéter dans la mesure où une centrale au fil de l’eau n’est envisageable que si elle se situe à une vingtaine de kilomètres des bourgs et réseaux existants. Or ces zones d’embouchure sont aussi les bassins des activités de tourisme nature et d’implantation des populations. Par Marion Briswalter

Photos P-O Jay et Voltalia Une saison en

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Du pétrole en Guyane ? ►Le navire

de prospection Geocarribean tractant les “streamers” dans les eaux guyanaises en 2010. En haut à droite, la plate-forme de forage en eaux profondes ENSCO 8503. Elle doit forer sur le site Zaedyus courant février 2011.

±

ANALYSE STRATEGIQUE REGIONALE GUYANE

Synthèse Usages

Activités humaines 9 Sites de prospection pétrolière

!(

# Routes maritimes

!h !h

!8 Pôle d'accueil touristique Pêche de loisir du bord

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¤' Pêche de loisir embarquée

Port de pêche ou commerce Projet de port en eaux profondes

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Port de plaisance

Pêche professionnelle Zone de pêche aux vivaneaux Zone de pêche aux vivaneaux (forte activité) Zone de pêche crevettière Zone de pêche de subsistance ! !!! !! ! ! ! ! !! ! ! !! ! ! ! ! ! ! !! !!! ! ! ! ! !!! ! !! ! ! ! ! ! ! !!

Pêche côtière brésilienne et surinamaise Zone de pêche côtière et territoire du projet d'Unité d'Exploitation et de Gestion Concertée

Occupation humaine Espaces agricoles Espace rural de développement Centre Spatial Guyanais Zone de concentration de la population Pollution Qualité des eaux de baignade moyenne Mauvaise

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Apports de polluants du à l'activité d'orpaillage Modéré 0

Important 25

kilomètres

0

10 Milles nautiques

Sources des données : - GEBCO (Bathymétrie) - IGN Système de coordonnées : RG FG 95 - UTM 22 N - IAG GRS 1980 Réalisation : Agence des aires marines protégées - janvier 2010

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P

endant longtemps, le pétrole* enfoui en profondeur sous l’océan paraissait inexploitable, principalement pour deux raisons : d’abord parce que les technologies existantes ne permettaient pas de forages à 2000 ou 3000 mètres au-dessous du niveau de la mer, ensuite parce qu’il était difficile d’envisager qu’avec les moyens à mettre en œuvre pour récupérer l’or noir dans ces conditions, les gisements pourraient devenir rentables à terme. L’avancée technologique, la demande toujours croissante en hydrocarbures et l’augmentation du prix du baril* font que ces barrières ne semblent plus tout à fait infranchissables maintenant. C’est ainsi que les grands groupes pétroliers se tournent vers l’offshore profond (entre 500 et 1500 mètres au-dessous du niveau de la mer) et ultra-profond (au-delà de 1500 mètres). Le forage offshore le plus profond se situait à 312 mètres en 1978, il est désormais à 2540 mètres depuis 2007. Les difficultés techniques

▼Les prospections pétrolières dans la ZEE

guyanaise.

Source Agence des aires marines protégée et Tullows Oil

sont évidemment nombreuses pour exploiter un réservoir à ces profondeurs : les conduites habituellement utilisées pour l’offshore conventionnel sont inadaptées et croulent sous leur propre poids, la température de l’eau (4 degrés à 1500 mètres) est une gêne au bon acheminement du pétrole*, qui jaillit à 80 ou 100 degrés, et doit être conservé aussi chaud que possible afin d’éviter les dépôts de paraffine ou d’hydrate de carbone à l’intérieur des tubes de production. Petrobras, le pétrolier brésilien, s’est lancé dans l’aventure depuis la découverte en 2007 de gigantesques réserves sous-marines au large du Brésil, sous 2100 mètres d’eau, 3000 mètres de sable et 2000 mètres de sel. On estime ces réserves entre 5 et 8 milliards de barils*, soit 40 % des réserves actuelles du pays. Plus proche de chez nous, au large du Surinam, des prospections sous 2000 mètres d’eau sont menées depuis 2000. L’histoire de la prospection pétrolière au large de la Guyane n’est pas récente. Elle remonte aux années 1970 et aux travaux d’Elf au large de Sinnamary. À l'époque, le géant français encore contrôlé par l’État fait réaliser 2 forages de 850 mètres de profondeur sous 50 mètres d’eau. Les deux ouvrages sont alors infructueux. Il faudra attendre 2001 et le rachat à la France par le pétrolier britannique Tullow Oil d’un permis d’exploration de 32 000 km² dans la zone économique exclusive pour voir se relancer la recherche d’or noir au large de la Guyane. Les technologies et le contexte économique pétrolier ayant considérablement changé depuis les années 70, les recherches entreprises par Tullow Oil se focalisent sur une ressource ultra profonde sous 2000 mètres d’eau. C’est l’analogie des systèmes géologiques rencontrés au large du Suriname avec ceux du champ pétrolifère de Jubilee face au Ghana qui laisse espérer aux géologues pétroliers la présence d’une ressource exploitable renfermée par le


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ÉNERGIE

Credit : Keppel Offshore & Marine Group


0 km

Profondeur

150km

15

Océan Atlantique

1000 m 2000 m 3000 m 4000 m 5000 m 6000 m 7000 m

s

Profil géosismique du talus continental de Guyane et sur le site du forage. Source Tullow Oil 0

km

15

Zone visée

s

s

Figure 4.2 copie: Profil géosismique – La position du puits est projetée vers la ligne sismique 2D régionale la plus proche (à 10km) La prospection sismique en mer Pour réaliser la prospection préalable à tout forage, on fait appel à des navires sismiques, dont le rôle sera de sillonner le terrain afin d’obtenir une image du sous-sol. La méthode est relativement similaire à celle d’une échographie, à plus grande échelle : Une onde sismique est générée au moyen de canons à air, qui projettent dans l’eau de l’air sous haute pression. Selon la profondeur de recherche désirée, il est possible de modifier la fréquence de cette onde : plus la fréquence est élevée, plus la résolution est forte, moins la profondeur d’investigation est grande. Pour des images à moins de 200 mètres de la surface (on parlera alors de sismique très haute résolution), la fréquence de l’onde sera de 300 à 2000 Hertz, tandis que la sismique dite conventionnelle, pouvant offrir une image du sous-sol jusqu’à 50 kilomètres, utilise des fréquences de 5 à 80 Hertz. L’onde ainsi générée se propage dans la mer, puis dans le sous-sol marin suivantPetroleum les loisFrance de réflexion etGM-ES-1 de réfraction. Tullow Oil – Hardman – DOT Forage / PER-H n°Fixées 10/2001 -derrière Version : Ale - navire, des flûtes sismiques 28/10/2010 ou streamers composées d’hydrophones enregistrent les échos de l’onde, ce qui permet ensuite de reconstituer une image en 2 dimensions de la structure du sous-sol, appelée profil sismique. Un navire sismique traîne en général une dizaine de streamers derrière lui. La qualité du profil obtenu est fonction de celle de l’onde envoyée, du nombre d’informations collectées (c’est-à-dire du nombre d’hydrophones ayant reçu des échos de l’onde), de la géologie et de la topographie du terrain, ainsi que de la météo. Le n a v i re quadrille la zone de prospection afin d’obtenir un grand nombre de profils sismiques parallèles suivant une ligne d’acquisition préétablie, qui donneront quasiment une image en 3 dimensions du sous-sol. Les géophysiciens à bord assurent le contrôle qualité des données récoltées, et leur font subir une série de modifications afin de les améliorer. Ce processus, appelé traitement sismique, consiste par exemple à filtrer les données, les corriger en fonction des vitesses de propagation de l’onde dans les différentes couches, en bref à éliminer le plus possible d’informations inutiles sans dénaturer les informations utiles : c’est l’augmentation du ratio signal/bruit. C’est là que s’arrête le rôle du prospecteur, puisque l’interprétation est le plus souvent effectuée par des géologues dans des centres de traitement.

sous-sol maritime guyanais. En effet, la surrection* des Andes combinée à l’ouverture de l’Atlantique Sud lors de l’éclatement de la Pangée et à l’action de méga-fleuves permet d’imaginer la présence de “roches-réservoirs” matures âgées d’environ 90 millions d’années au pied du talus continental face à la Guyane.

Profondeur 0 m 1000 m 3000 m 4000 m 5000 m

▲Vue bathymétrique 3D du talus continental guyanais © Ifremer/ Extraplac

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Afin de valider cette théorie, la compagnie s’allie dans un premier temps à Gaz de France et mène une campagne de prospection sismique en mer au large de l’embouchure du fleuve Mana, dans un secteur profond de 1800 mètres baptisé Mata Mata. Au vu des résultats, les chances de rencontrer une ressource exploitable aussi bien de gaz que d’huile sont minces et Gaz de France se retire du projet. Une seconde tentative infructueuse mettant en œuvre les mêmes moyens sismiques aura lieu en 2005 à l’extrême est du permis. Ce n’est qu’en 2009, au prix d’une campagne de prospection mettant en œuvre des techniques plus complexes et en créant un consortium* avec Total et Shell, que Tullow Oil estime enfin ses chances de succès suffisantes pour s’engager dans la réalisation d’un puits d’exploration. Aujourd’hui, la Guyane s’apprête donc à voir surgir une plate-forme de forage pétrolier à 160 km au large de Cayenne. Prévu d’être achevé en mai de cette année, le puits GMES-01 sera un forage ultra


Sédiments amazoniens à la dérive au large de la Guyane

profond puisque sous 2050 mètres d’eau et à environ 4000 mètres sous le fond de l’océan. Les dernières hypothèses font état de réserves comprises entre 500 millions et 1 milliard de barils* soit la quantité de pétrole* produite à travers le monde en une dizaine de jours (ou encore 300 ans de consommation guyanaise au rythme actuel !). On comprend alors que le pétrole* guyanais risque de passer inaperçu sur le marché mondial de même que dans l’auto-alimentation de la France bien trop éloignée. Cependant, sa revente aux marchés voisins peut alors devenir une source de revenus sous forme de taxes pour les caisses de l’État et peut-être de la future Collectivité unique. Il faut espérer que la catastrophe survenue en mai 2010 sur la plate-forme de forage ultra-profond Deepwater Horizon, appartenant au groupe britannique BP, ayant entraîné une catastrophe écologique sans précédent (5 millions de barils* rejetés dans l’océan et sur les côtes de Louisiane et de Floride), serve de leçon au futur exploitant de notre “pétrole péyi”. Par ailleurs, suite à cette expérience traumatisante, le gouvernement américain a pris la précaution de décréter un moratoire*1 sur l’exploration pétrolière offshore, et la Commission européenne a invité les États membres à user de leur principe de précaution2. Extrait de Une saison en Guyane n° 6 - février 2011. Texte de Hadrien Le Texier & Manuel Parizot Photos de J. Chevalier, S. Bedel , J Vogt -Tullow Oil , Keppel Offshore . 1 : Les États-Unis d’Amérique se sont prononcés le 2 décembre 2010 en faveur d’un moratoire* de 17 ans sur tout nouveau forage dans le Golfe du Mexique. 2 : Communication du Commissaire Européen à l’énergie à l’attention du Parlement Européen du 12 octobre 2010, visant à renforcer le cadre juridique européen applicable en la matière. Dans l’attente de la mise en place de ces améliorations juridiques, la Commission invite les États membres à user de leur principe de précaution à l’égard de tous les projets de forage, y compris exploratoires.

▲À la découverte de la faune du grand large.

La prospection pétrolière réalisée en Guyane en 2009 et 2010 a donné lieu à un suivi des espèces animales présentes à environ 150 km au large des côtes guyanaises. Lors de la phase de prospection sismique, deux observateurs étaient continuellement à bord du navire afin de détecter et d’identifier les espèces présentes pour stopper les tirs. En parallèle, l’impact de la recherche pétrolière sur la répartition des cétacés a été étudié par survol aérien. En Guyane, si la zone littorale a fait l’objet de nombreux travaux, dès que l’on s’éloigne de la côte, on aborde un territoire très largement méconnu. Dans ce contexte, les données récoltées lors de ces suivis s’avèrent particulièrement intéressantes. Le suivi aérien des cétacés est toujours en cours, il n’est donc pas possible de présenter ici une synthèse générale de ce travail. Toutefois, un certain nombre d’espèces emblématiques ont déjà été observées : des cachalots (), des baleines à bosse et même les premières orques répertoriés dans les eaux guyanaises (). Par ailleurs, certaines espèces moins connues, comme les globicéphales* pantropicaux ou les dauphins longirostres*, ont été rencontrées à de nombreuses reprises. Lors du suivi réalisé à bord du GeoCarribean, 367 observations d’oiseaux ont été répertoriées pour un total de plus de 763 individus. Les espèces les plus fréquemment rencontrées étaient des puffins, des frégates, des sternes et des labbes. Les fous masqués () ont aussi été observés à de nombreuses reprises, bien que cette espèce n’ait jusqu’alors jamais été vue au large de la Guyane. De manière générale, les données récoltées ont permis de mettre en évidence la saisonnalité très marquée de la présence de la faune pélagique*. Ainsi, certaines espèces d’oiseaux comme les océanités et une grande partie des cétacés ne semblent être présents qu’au cours d’une partie de l’année. Cette incursion au large de la Guyane a donc permis de récolter de nombreuses informations originales. Elle a surtout ouvert un peu plus les portes d’un nouveau territoire qui reste encore largement à découvrir. Johan Chevalier

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KWALA FAYA

DES KITS PHOTOVOLTAÏQUES EN AUTOCONSTRUCTION POUR LES VILLAGES NON ÉLECTRIFIÉS Une saison en

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ÉNERGIE

Face aux différents constats d’échec des programmes d’électrification menés dans l’intérieur de la Guyane, l’association Kwala Faya propose aujourd’hui des formations participatives pour le montage de kits photovoltaïques par les habitants des communes dites isolées. Pour mieux s’approprier son énergie. Dimanche 30 Juin 2013, à Vila Brasil. Le Brésil vient de gagner la finale de la coupe des confédérations, et après une semaine sous tension suite au décès d’un orpailleur, la vie retrouve un semblant de quiétude après la victoire, sous les explosions de pétards et les bourdonnements des groupes électrogènes. Le lendemain débute, de l’autre côté de la rive, une semaine de formation à l’électricité photovoltaïque pour les habitants de Camopi. La première d’une longue série.

de production d’électricité photovoltaïque individuels, et répartis au sein du bourg, en amont sur les sites de Saint-Soit et tout au long du fleuve Camopi, pour alimenter les villages essaimés sur les rives de cet affluent de l’Oyapock. DIX ANNÉES PLUS TARD, UN CINGLANT CONSTAT D’ÉCHEC PRÉDOMINE…

LE SOLAIRE À CAMOPI : UNE HISTOIRE RÉCENTE ET COMPLEXE

Aujourd’hui, la moitié des installations sont hors services, donnant l’image exécrable d’un système inadapté et peu efficace. La confluence de plusieurs facteurs peut expliquer cet affreux bilan.

Comme l’ensemble des communes de l’intérieur de la Guyane, celle de Camopi n’est pas connectée au réseau électrique du littoral, et l’accès à l’énergie de ses habitants n’est toujours pas une question résolue malgré quelques tentatives, notamment avec le solaire, qui se sont avérées complexes et loin d’être adaptées à ces territoires amazoniens reculés.

Les installations du bourg (un peu plus d’une vingtaine), qui devaient fonctionner en relais de la centrale thermique existante, n’ont jamais été connectées au réseau. Les vestiges des installations croulant sous la végétation offrent ainsi une fusion de sentiments délétères de gaspillage d’argent public et de futilité des systèmes solaires.

En 2002, au terme d’années de tractation, un programme européen a enfin débouché sur la mise en œuvre de plus de 80 systèmes

Sur le reste des villages (ou “  écarts  ”), la maintenance nécessaire à la pérennité de ce type d’installations n’a pas ou peu été effectuée, et

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plus de la moitié est tombée en désuétude. Les familles bénéficiaires de ce programme n’ont pas (ou trop ponctuellement) été formées à leur utilisation et n’ont par ailleurs rien payé. Il n’y a eu de fait que très peu d’appropriations des systèmes par leurs utilisateurs. « On me l’a apporté, ça ne marche plus, il faut qu’on me le change ». Sur un plan technique, les installations étaient

complexes, trop sans doute, entraînant de fait une incompréhension des populations et des pannes récurrentes non résolues par l’absence d’entretien. Les utilisateurs les plus impliqués ont tenté d’intervenir sur les installations en tripatouillant sans grand succès dans l’armoire électrique, dont l’accès était, malgré toutes les précautions prises, possible à tous et notamment aux enfants avec les dangers que cela représente. Enfin, le caractère immobile des installations n’était pas forcément approprié à la culture amérindienne, sédentarisée depuis peu, et aux mouvements géographiques récurrents des habitants des villages, qui abandonnent parfois carbet et village suite à un mariage, une maladie ou un décès. Un groupe électrogène relève à ce titre beaucoup plus d’intérêts. Sur la Camopi, une installation solaire sur 5 alimentait en 2012 un carbet déserté.

L’énergie est pourtant nécessaire dans ces villages dont certains habitants dépensent entre 150 et 400 euros par mois en essence pour leur groupe électrogène et la satisfaction de besoins basiques (éclairage, télé et congélation). Il y a 40 ans, constatant une baisse de la mortalité

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infantile, des Wayãpi de Trois-Sauts affirmaient « Nous sommes en train de réapprendre à vivre avec le rire des enfants ». Aujourd’hui, ils doivent apprendre à vivre avec le ronflement nouveau des groupes électrogènes… et une dépendance excessive à l’essence coûtant à Vila Brasil, entre 2, 5 et 3 € le litre. DÉVELOPPEMENT LOCAL ET RÉHABILITATION DE L’IMAGE DU SOLAIRE C’est sur la base de ce constat qu’est née il y a trois ans l’association Kwala Faya, comme pour relier sémantiquement les 2 fleuves Oyapock et Maroni qui délimitent son domaine d’action : “ kwalai ” signifie soleil en Teko ou Wayãpi, et “ faya ” le feu, l’énergie ou l’électricité en langue bushinengé. Son champ d’intervention concerne les communes, bourgs et villages dits “ isolés ”, et son action consiste à mettre en œuvre des installations photovoltaïques individuelles (kits) autoconstruites « par les habitants pour les habitants ». À travers son action, l’association affiche de multiples ambitions. La première d’entre elles est de réhabiliter l’image de l’électricité photovoltaïque, qui en raison de ces malheureuses expériences passées, souffre d’un

gros déficit médiatique et culturel. C’est pourtant une énergie locale, gratuite et non polluante. La mise en œuvre de ces systèmes de production individuels a également pour objectif d’améliorer le bien-être et le niveau de vie de familles qui n’ont pas l’électricité ou qui la payent au prix fort. Aujourd’hui, une dizaine de formations ont été réalisées, d’abord sur l’Oyapock (Camopi, TroisPalétuviers, et Trois-Sauts) puis plus récemment à Antecume Pata et Talhuen, impliquant plus d’une centaine de personnes. Au final, une trentaine de kits ont été réalisés par les stagiaires, et installés par leurs soins sous forme de mayouris. Ils pourvoient ainsi aux besoins de base de plus d’une centaine d’habitants, en échange d’une participation financière plus modique que vénale, mais qui permet une appropriation du système, et donc un meilleur entretien. PARTICIPATION ET ESPRIT COLLECTIF Les formations durent généralement 3 à 4 jours, pendant lesquels les habitants sont initialement invités à échanger sur la thématique de l’énergie, son coût en fonction des besoins, et la nécessité d’en optimiser son usage. Les stagiaires ne possèdent généralement pas un niveau d’études techniques poussé, la plupart ayant arrêté au Collège ou au Lycée, souvent par faute

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de moyens financiers. Mais l’adhésion se fait rapidement, car la solution de kit proposé permet de répondre à une problématique quotidienne : l’accès à un service énergétique minimal. Les aspects théoriques ne passionnent globalement pas les foules, lorsqu’il s’agit de triturer des chiffres ou des Ampères, mais la mise en pratique donne de suite un sens à cette formation. Du concret. Apprendre en se sentant utile plutôt que de prendre des notes. « Nous, amérindiens, on sait tout faire, mais le problème c’est répondre aux questions ». Au fur et à mesure du montage des kits, on s’interroge, on échange, entre stagiaires et formateurs, puis entre stagiaires eux-mêmes. Le futur acquéreur doit être de la partie, et reçoit également une formation sur les principes de base de la maîtrise de l’énergie d’usage. Des gestes a priori simples (extinction de lampes la journée, de la télé lorsque personne ne la regarde, utilisation de l’ordinateur sur batterie en soirée) mais qui ne sont pas toujours innés, et qui en tout cas permettent d’allonger la durée de vie du matériel et la satisfaction de l’utilisateur. Les kits sont ensuite installés, toujours en groupe, chez le futur propriétaire qui participe également au montage, et à la mise en sécurité de son installation électrique intérieure afin de prévenir d’éventuels accidents domestiques.

CRÉATION D’ENTREPRISE : BESOIN D’INNOVER Au-delà de la formation, l’autre but avoué de l’association est de susciter le développement d’une activité rémunératrice pour les habitants de l’intérieur qui souhaitent s’investir dans l’offre d’un service énergétique à partir de kits solaires de type Kwala Faya. La forme associative permet de favoriser l’entreprise collective et égalitaire, en gérant à distance les aspects administratifs et financiers (comptabilité, assurance, trésorerie, commande et acheminement), et en garantissant une formation continue (création d’entreprises, électricité), pour assurer une montée en compétence progressive, avant d’atteindre une maturité entrepreneuriale nécessaire à la pérennité de l’action. À ce jour, cinq personnes en demande de formations complémentaires ont été accompagnées et sont désormais les référents de l’association au sein de ces villages. Deux d’entre eux ont même récemment été recrutés par l’association pour assurer l’essaimage de ce type de formations participatives sur d’autres parties du territoire. Avec pour objectif de devenir au sein de leur société les promoteurs d’une évolution maîtrisée et pérenne des consommations d’énergie, garants de ce que certains appellent par ailleurs le développement durable. Texte & Photos par Laurent Pipet

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ENTRE PRÉSERVATION DE LA NATURE & DÉVELOPPEMENT HUMAIN UN NOUVEAU MODÈLE EN CONSTRUCTION

Parc amazonien de Guyane

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I

l dispose pour cela de deux zones : la zone de cœur, qui possède une réglementation forte propre au parc et qui a des objectifs affichés de connaissance et de protection des patrimoines, et une zone d’adhésion, sur laquelle le droit commun s’applique et où le parc national a principalement vocation à soutenir les projets de développement local. Le Parc amazonien de Guyane a été créé en février 2007 après quinze années de concertation. Il est né de la volonté de l’État et de certains élus locaux de préserver un vaste espace de la forêt amazonienne. Le PAG, qui est implanté sur les territoires des communes de Camopi à l’Est, Papaïchton et Maripasoula à l’ouest et Saül et Saint-Elie dans le centre, fait figure d’ovni parmi les parcs nationaux français. En effet, il s’étend sur 3, 4 millions d’hectares de forêt tropicale est très difficilement accessible et plus de 15 000 habitants y vivent. Ils appartiennent aux communautés amérindiennes Teko, Wayana, Apalaï et Wayampi, Noirs-marrons Aluku et Créoles, qui tirent pour la plupart leurs ressources des fleuves et de la forêt. Un contexte singulier qui n’a pas échappé à l’État qui a reconnu des droits particuliers aux communautés d’habitants dans le décret de création de cet immense espace protégé. En effet, contrairement aux non-résidents, la réglementation en zone de cœur de parc ne leur impose aucune contrainte en matière de circulation, de pêche, de chasse, d’agriculture itinérante sur brûlis, de construction de nouveaux villages ou encore de domestication d’animaux sauvages, dans la limite du droit commun. Des dispositions que les habitants ont âprement négociées avant la création du parc national. « C’était à l’époque une attente forte des personnes vivant dans le territoire concerné par le futur parc national,

car les territoires utilisés pour la subsistance peuvent parfois se superposer à l’actuelle zone de cœur, justifie Bérengère Blin, directrice par intérim du PAG. Aujourd’hui, leurs modes de vie traditionnels sont reconnus par l’arrêté de création du PAG. C’est un cas un peu unique au sein de la République ». Un parc national comme territoire vécu, conciliant développement durable et préservation de la biodiversité, loin de l’image de mise sous cloche qui colle parfois aux espaces protégés, c’est une réalité que défend Claude Suzanon, le président du conseil d’administration du PAG : « Ce sont les projets de création des parcs de la Guyane et de la Réunion qui ont poussé l’État à réviser la loi sur les parcs nationaux pour leur confier des missions de développement local. À partir de là, c’est à nous d’inventer un nouveau modèle qui redonne à l’homme une place centrale, tout en répondant aux enjeux de connaissance et de protection de la nature qui incombent aux parcs nationaux ». Ce projet est formalisé par la charte des territoires, signée par les communes concernées, le Parc amazonien de Guyane et l’État. Pour le parc national, l’élaboration de la charte est intervenue en même temps que sa mise en place. Cet exercice a permis de poser les bases de son action et de son mode de fonctionnement avec les communautés : « pendant quatre ans, nous avons sillonné le territoire et tenu des réunions dans les villages avec les autorités coutumières, les habitants, les partenaires institutionnels et associatifs. », précise Gwladys Bernard, chargée de mission charte au PAG. Les débats et les nombreuses réunions ont fourni la matière pour élaborer la feuille de route à mettre en œuvre dans les années à venir. Dans ses grandes lignes, la charte propose des pistes d’actions en termes

◄ En haut : pirogue du Parc amazonien de Guyane franchissant Gaan Chton, dans les abattis

Cottika (Maroni). En bas : sculpteur de Tembé à Papaïchton. Saül, haut lieu de la randonnée en Guyane. Photo G. Feuillet Une saison en

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TERRITOIRE

Comme les parcs nationaux de la Réunion et des Calanques, le Parc amazonien de Guyane (PAG) fait partie de cette nouvelle génération de parcs nationaux français, nés après la réforme de la loi qui les régit, en 2006. Désormais, un parc national doit répondre non seulement aux enjeux de conservation et de connaissance de la biodiversité et des patrimoines culturels, mais aussi à la question du développement durable local.


d’amélioration de la qualité de vie des habitants (accès à l’eau potable et à l’électricité, gestion des déchets…), de développement local adapté aux modes de vie, de soutien à la lutte contre l’orpaillage illégal, et de préservation et de valorisation des patrimoines naturels et culturels des territoires. « Évidemment, le PAG n’est pas toujours compétent dans tous ces domaines. Il n’a pas vocation à se substituer ni aux communes ni aux autres partenaires. En revanche, il peut appuyer des projets, faire part de son expertise sur le terrain et jouer un rôle de facilitateur pour les organismes compétents », complète Gwladys Bernard. ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES ET DÉVELOPPEMENT DURABLE En zone d’adhésion du parc, le développement local et durable, adapté au contexte local est un enjeu fondamental qui fait l’objet d’une attente forte des populations, tant d’un point de vue économique que social et culturel. Au travers de la charte, le PAG et ses partenaires souhaitent accompagner un développement économique peu impactant pour le patrimoine naturel et qui favorise l’émergence de solutions alternatives à l’exploitation intensive des ressources naturelles. Pour la directrice par intérim du PAG, « ce développement doit être compatible avec les spécificités culturelles des populations, et ne devrait pas systématiquement être calqué sur les modèles occidentaux. On doit pouvoir valoriser les savoirs et savoir-faire des populations et privilégier l’exploitation des ressources locales. Les élus locaux sont en attente de création de microfilières et d’emplois. Nous nous efforçons de mettre en place les conditions requises pour atteindre ces objectifs qui figurent entre autres dans la charte ». Ainsi, depuis sa création en 2007, le PAG accompagne des projets dans les domaines de l’exploitation forestière durable, de l’artisanat, de l’agriculture ou encore de l’écotourisme. Formations, soutien technique, subventions, assistance au montage de projets sont autant d’actions que le PAG fédère, toujours avec l’appui de partenaires : « avec le Centre de formation professionnelle et de promotion agricole de Matiti, nous accompagnons un dispositif de profession-

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nalisation des agriculteurs du Haut-Maroni qui comprend des cycles de formation, des échanges de pratiques, des voyages d’études… cite en exemple Sarah Ayangma, chargée de mission agriculture au PAG. Nous souhaitons contribuer à la pérennisation d’une agriculture durable et familiale et qui puisse aussi fournir le marché local en produits de qualité ». L’exploitation du bois, notamment pour les besoins locaux de construction, est aussi une filière que le parc aide à structurer, en vue d’accompagner le développement économique local tout en limitant la pression sur la ressource. « L’exploitation des bois en milieu tropical nécessite d’adopter des pratiques spécifiques, afin de valoriser au mieux les bois exploités pour ne pas gaspiller la ressource, mais aussi améliorer la sécurité des bûcherons. Pour cela, des formations à l’abattage contrôlé sont mises en place, explique Fanny Rives, chargée de mission forêt-bois au PAG. Nous pouvons aussi apporter des conseils et appuyer des projets d’investissement, notamment via le dispositif européen LEADER ». Cependant, le développement des filières économiques basées sur l’exploitation des ressources naturelles renouvelables doit nécessairement être accompagné de mesures de gestion de ces ressources. « Pour être mises en œuvre durablement, ces mesures de gestion devront être élabo-

rées en concertation avec les communes, les autorités coutumières et les représentants des usagers », complète Fanny « Ce développement doit être compatible avec Rives.

les spécificités culturelles des populations, et ne devrait pas systématiquement être calqué sur les modèles occidentaux ». VERS UNE GESTION PARTICIPATIVE DES RESSOURCES NATURELLES Comme le bois, la faune sauvage fait partie des ressources naturelles exploitées traditionnellement par les populations et indispensable à leur subsistance : dans certains villages, la chasse et la pêche constituent encore le seul apport protéique pour les habitants. Cependant, l’explosion démographique, la sédentarisation et la pression de chasse exercée par les nombreux orpailleurs clandestins font que les ressources viennent parfois à manquer, voire à connaître des extinctions locales. Les autorités coutumières, bien conscientes du problème, ont interpellé le PAG dès sa création sur ces questions de chasse et pêche. Ne souhaitant pas se voir imposer une ré-

◄ Lever du jour sur la rivière Camopi. Photo G. Feuillet.

▼ L’exploitation durable du bois

est une filière que le parc aide à structurer, en vue d’accompagner le développement économique local. Photo Fanny Rives.

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▲ Les agents du parc et

les autorités coutumières échangent régulièrement sur la question de la gestion des ressources naturelles. Ici, discussion sur le thème de la chasse à Trois Sauts. Photo G. Feuillet.

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glementation inadaptée, les habitants ont fait part de leur volonté d’étudier l’état de la ressource avant toute mise en place de nouvelles règles. C’est ce à quoi ambitionnent de répondre les programmes chasse et pêche développés par le PAG, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’INRA de Rennes et l’Observatoire Hommes-Milieux du CNRS. L’originalité de ces programmes réside dans la participation volontaire à des enquêtes de centaines de chasseurs et pêcheurs de tout le territoire. « Il s’agit de mieux connaître les territoires de chasse et de pêche, les espèces prioritairement ciblées, de déterminer des fréquences de prélèvement ou encore de mettre en avant d’éventuels effets de saisonnalité, détaille Raphaëlle Rinaldo, responsable recherche et développement au PAG. Le travail d’enquête est mené par des personnes sous contrat et que nous avons recrutées localement, dans les villages ». Les résultats attendus de ces programmes devront permettre, selon le souhait des autorités coutumières, de construire collectivement des règles de gestion de la faune sauvage sur le territoire du parc national, en vue d’une adaptation de la réglementation relative à la chasse. Ce type de programme participatif, qui vise à acquérir des connaissances sur les milieux naturels tout en répondant à des préoccupations liées aux modes de vie des populations, constitue une des

bases de l’action du Parc amazonien de Guyane : « Nous apportons un soutien et participons à beaucoup de programmes de recherche, conclut Bertrand Goguillon, responsable du service patrimoines naturels et culturels Au PAG, mais nos priorités vont à ceux qui ont un intérêt ou des retombées pour le territoire, que cela soit dans le domaine des sciences de la vie ou des sciences humaines ». Le massif forestier du Sud guyanais est en bon état de conservation et détient encore bien des secrets. Mieux le connaître et le préserver font partie des missions qui ont été confiées au Parc amazonien de Guyane, tout comme la prise en compte des aspirations légitimes de développement des populations qui y vivent. En ayant mis en place une gouvernance particulière, basée sur l’écoute et la concertation des populations concernées, mais aussi des nombreux partenaires fondés à intervenir dans l’espace parc national, le PAG espère réussir ce pari collectif de faire rimer développement économique et valorisation avec préservation et gestion des ressources naturelles. Extrait de Une saison en Guyane n° 13 - août 2014. Texte de Guillaume Feuillet - Parc amazonien de Guyane. Photos G. Feuillet, F. Rives


Trois questions à Claude Suzanon, Président du conseil d’administration du Parc amazonien de Guyane. Quelle est la place du Parc amazonien de Guyane au niveau régional ? Le PAG appartient à l’immense écorégion du plateau des Guyanes comprise entre l’océan Atlantique, l’Orénoque et l’Amazone. Avec le parc national des Tumucumaques du Brésil, nous partageons 450 km de frontière et formons le plus vaste espace de forêt tropicale protégé au monde, avec 7,3 millions d’hectares. Le PAG est une structure jeune et dynamique qui peut partager les expériences des autres et y apporter une démarche innovante. Quel rôle peuvent jouer les aires protégées à l’échelle régionale ? Un réseau d’aires protégées avec des corridors écologiques peut être un atout pour une cohésion entre pays voisins et contribuer au développement d’activités économiques complémentaires basées davantage sur les services rendus par la nature et les choix culturels de la population. Quels sont les facteurs limitants pour une bonne coopération, voire la création d’une aire supranationale ? L’orpaillage illégal sévit dans la plupart des pays du plateau des Guyanes. C’est aujourd’hui un frein à la coopération entre les aires protégées qui ne pourra être levé si les gouvernements des différents états s’unissent pour endiguer ce fléau. Nous avons aussi des difficultés de communication tant dans les langues que les moyens de transport, mais on constate surtout que la dynamique n’est pas encore bien affichée au plus haut niveau. Une zone Man And Biosphere avec les deux parcs frontaliers serait une reconnaissance mondiale. La coopération régionale ne peut donc que se renforcer, car même en présentant de nombreuses différences, nous sommes tous par notre nature, des Guyanais, des Guyanais du plateau des Guyanes !

▼ Phylloméduse carénée (Phyllomedusa vaillanti)

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CONSERVATION du plateau des Guyanes

Aires protégées et autochtones sur le plateau des Guyanes Zone de protection forte Réserve indigène Zone d'utilisation durable

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Depuis la création du Parc national de Kaieteur en 1929, puis de Canaima au Venezuela en 1962, les aires protégées se multiplient sur le bouclier des Guyanes. La conservation de la dernière grande forêt tropicale intacte de la planète constitue un enjeu planétaire.


UNE CÔTE SOUS INFLUENCE.. Une saison en

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À

amazoniens

depuis l’espace, grâce aux images des satellites SPOT, issues du programme de cartographie PROCLAM

© CNES/Distribution Spot Image/Traitement SEAS Guyane

le cap Caciporé (2007)

◄ Cette image SPOT 5 montre l’estuaire de la rivière Caciporé situé au cœur du Parc National de Cabo Orange dans l’Amapà, au Brésil

TERRITOIRE

les littoraux

défaut de se situer sur le bassin versant de l’Amazone, le plateau des Guyanes, et tout particulièrement sa bande côtière, n’en est pas moins influencé par le roi des fleuves  : l’Amazone. Avant même d’avoir atterri à Cayenne, le nez collé au hublot, force est de constater que la rumeur sur les “eaux marron” de la Guyane est bel et bien fondée. Mais d’où provient cette matière en suspension  ? Des fleuves guyanais, certes mais pas seulement. Les modifications morphologiques et la dynamique hydro-sédimentaire des zones côtières sont un des traits caractéristiques du littoral guyanais. Ces phénomènes observables de l’Amazone à l’Orénoque sont la conséquence du système de dispersion amazonien. Les deux facteurs essentiels à prendre en compte pour comprendre ce système sont la situation géographique des rivages du plateau des Guyanes et, bien entendu, la proximité de l’embouchure de l’Amazone. La rotation de la Terre entretient un système de courants de part et d’autre de l’équateur, se déplaçant de l’Afrique vers l’Amérique. L’un de ces courants, l’équatorial sud, en atteignant les côtes du Brésil, donne naissance, entre autres, à un courant orienté nord-ouest qui se dirige ainsi vers l’arc antillais en longeant la côte des Guyanes. UN COURANT DES GUYANES CHARGÉ DE SÉDIMENTS

Légende classification (@ IRD - source projet PROCLAM) Mangrove adulte Forêt inondable de Varzea Forêt primaire* Marais Une saison en

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▼Image SeaWifs

L’image ci-dessous montre une synthèse de cinq images successives Seawifs (du 21 au 25 juillet 2007). Ces images sont acquises quotidiennement par la station de réception en “Bande L” située à l’IRD à Cayenne. La plateforme, qui reçoit également des données des satellites NOAA, s’inscrit dans un réseau mondial de stations appelé SEASNET qui permet d’observer les dynamiques océaniques à l’échelle planétaire. Si les données NOAA fournissent notamment la température de surface des océans, le satellite Seawifs possède quant à lui des capteurs capables de détecter la concentration en chlorophylle dans l’eau à partir de la turbidité* de celle-ci. L’image ci-dessous met ainsi en évidence le panache amazonien en phase de rétroflexion (de juillet à décembre). La couleur noire indique la présence de nuages.

Le courant des Guyanes ainsi créé transporte alors jusqu’à 20 % de la charge sédimentaire de l’Amazone, et entraîne la formation de bancs de vase qui donnent cette couleur chocolat aux eaux littorales des Guyanes. En une année, on estime que 100 millions de tonnes de sédiments sont déplacées par ce courant et forment les bancs de vase, tandis que près de 150 millions de tonnes restent en suspension dans l’eau au large des Guyanes. Mais le système de dispersion amazonien est en réalité plus complexe. En effet, il faut prendre en compte encore deux autres phénomènes : la rétroflexion du courant Nord Brésil (responsable du courant des Guyane) et la Zone Intertropicale de Convergence (ZIC), équateur météorologique responsable de l’alternance des saisons en Guyane (cf. Une Saison en Guyane n°1).

De juillet à décembre, c’est la saison sèche. L’alizé de sud-est contient la ZIC au nord de l’équateur. À cette période, l’observation du courant Nord Brésil montre une rétroflexion de ce dernier. Plus schématiquement, le courant principal opère un quasi-demi-tour entre 4° et 6° nord. Il déverse alors environ 50 % de ses matières en suspension, non plus sur le littoral des Guyanes, mais au large dans l’Atlantique. Le courant des Guyanes s’affaiblit et la houle prend une orientation est, presque parallèle à la côte. Les vagues, qui dépendent de l’intensité du vent, sont en général inférieures à 2 m.

De janvier à juin s’abat la quasi-totalité des précipitations de l’année. La ZIC se trouve dans sa position sud et l’alizé de nord-est prédomine. Durant cette période, le courant des Guyane est fort et se déplace sur une bande relativement étroite le long de la côte. Il assure alors le transport des rejets de l’Amazone, crée une houle perpendiculaire à la côte, des vagues hautes de plus de deux mètres et enfin poussent les bancs de vase à la vitesse d’environ 1 000 mètres par an.

À partir du cap Orange sur le rivage brésilien de l’Amapà, se forment ainsi d’immenses bancs de vase, qui se déplacent ensuite sur l’ensemble du plateau des Guyanes, à une vitesse de 1 km par an. Ces bancs mesurent jusqu’à 5 m de haut, 60 km de long, 30 km de large, et se prolongent dans l’océan jusqu’à des profondeurs d’une quinzaine de mètres. Ils sont séparés par des zones inter-bancs ou zones interditales de dimension identique. Mais pourquoi cette vase n’est-elle pas

De juillet à décembre, le ciel est bleu, la mer l’est presque, et les idées reçues sur la Guyane ont la vie dure. DES BANCS DE VASE EN MIGRATION

Source & traitement réseau SEASNET IRD-ESPACE

Venezuela Guyana

Suriname Guyane

Brésil Échelle de turbidité*

Faible Une saison en

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Forte


 dispersée par les flots ? Il semble que la houle soit totalement amortie par la crème de vase qui existe en surface, contribuant ainsi à sa stabilisation. En revanche les zones inter-bancs, non protégées, sont soumises à une forte érosion. C’est ainsi qu’on assiste cycliquement en Guyane au recul du trait de côtes. Quand un banc de vase s’installe le long du littoral, il est très difficile pour des espèces vivantes de s’y développer. En effet, les vasières sont des milieux très mous, et forment de ce fait un support a priori difficile pour l’installation d’espèces ligneuses. De plus, c’est un milieu salé donc toxique pour les espèces végétales non marines. Avec le mouvement des marées, la mer recouvre régulièrement ce milieu, et le reste du temps, le soleil de plomb assèche cette mer de boue. Quelle espèce vivante pourrait avoir la singulière envie de s’installer sur un milieu aussi peu accueillant ? UNE FORÊT ENTRE TERRE ET MER

Et pourtant une formation végétale s’adapte dans cet environnement hostile : la mangrove. L’espèce prépondérante de la mangrove est le palétuvier. Si en zone indopacifique elle se subdivise en 44 espèces différentes, la mangrove guyanaise n’est composée que de 5 espèces de palétuviers. Sur les bancs de vase nus se déposent des graines des palétuviers, en provenance des mangroves voisines. Elles donnent rapidement naissance à des petites plantules de palétuviers gris (Laguncularia racemosa), parfois associées à une graminée (Spartina brasiliensis). En s’éloignant du front de mer, la hauteur de ces palétuviers augmente, et, sous le couvert de ces arbres, apparaît une autre espèce : le palétuvier blanc (Avicennia nitida). Rapidement, les palétuviers blancs surpassent en taille les palétuviers gris, qui finissent par disparaître complètement, et poursuivent une croissance très rapide (3 mètres par an en moyenne). Les mangroves d’estuaires, qui ne sont pas soumises aux mouvements des bancs de vase, constituent des milieux plus riches, dominés par le palétuvier rouge (Rhizophora mangle). Au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la mer, apparaissent

des espèces caractéristiques des forêts marécageuses comme le moutouchi rivière (Pterocarpus officinalis), le manil (Symphonia globulifera), le palmier pinot (Euterpe oleracea), le cacao rivière (Pachira aquatica),… Mais comment les palétuviers font-ils pour survivre et se développer dans ce milieu si difficile, mi-maritime, miterrestre ? La première difficulté consiste à tenir debout sur un sol mou. Face à ce problème, le palétuvier blanc a développé des racines rampantes, appelées racines câbles, qui peuvent atteindre plusieurs mètres de long. Elles sont couplées à des petites racines verticales, dites racines ancres, qui les fixent dans le sol. Quant au palétuvier rouge, il se caractérise par une multitude de racines en arceaux, les échasses, qui multiplient les points de contact au sol. Ces racines ont la particularité de se développer à partir des branches au fur à mesure de la croissance de l’arbre. Une autre difficulté, et non des moindres, réside dans la salinité de l’eau dans laquelle les palétuviers grandissent. Ils ont donc mis en place des systèmes de filtration. Au niveau racinaire, des glandes à sel limitent l’entrée des ions sodium. Cet ingénieux système est même complété, chez le palétuvier blanc, par des glandes sous l’épiderme foliaire qui permettent l’excrétion du sel  ; d’où la présence facilement observable sur ses feuilles de petits cristaux de sels. CARTOGRAPHIER LES RIVAGES D’AMAZONIE AVEC PROCLAM La

décharge sédimentaire issue du fleuve Amazone et la forte dynamique littorale qu’elle génère sur les côtes du plateau des Guyanes rendent les écosystèmes côtiers très instables. De plus, la pression anthropique*, qui ne cesse de s’accentuer sur les littoraux, constitue une menace supplémentaire sur la biodiversité* exceptionnelle de ces milieux particulièrement sensibles. Face à cette situation, le projet PROCLAM (Programme de Cartographie des Littoraux Amazoniens) se propose de

▲Courant des Guyanes

1 Période de janvier à Juin, 2 Période de juillet à décembre, phénomène de rétroflexion (Source NASA)

réaliser un état des lieux de ces milieux côtiers en en dressant une cartographie continue, et donc transfrontalière, depuis Saint-Laurent-du-Maroni jusqu’à Sao Luis du Maranhao au Brésil, soit plus de 1500 kilomètres de côtes. Ce projet de coopération francobrésilienne, en majeure partie financé par l’Union européenne, est porté par l’IRD de Cayenne en coopération avec des laboratoires de recherche universitaires brésiliens de l’Etat de l’Amapà (IEPA) et du Parà (UFPA, MPEG). Cette collaboration a pour objectif, non seulement de partager les expériences, les connaissances, et les compétences acquises par chacun des partenaires dans ce domaine, mais également de suivre les évolutions en cours de part et d’autre de la frontière dans un cadre commun. L’originalité du projet tient à la mise à disposition, sur l’ensemble de la zone d’étude, d’un important jeu d’images satellites SPOT 5, avec une précision au sol de 10 mètres, via la station de réception SEAS-Guyane. Le recours aux images satellites s’explique d’une part par l’étendue

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▲Evolution de la ligne de rivage sur l’est de la plage de Montjoly.

Les photos ci-dessus montre l’évolution de la plage des Salines de Montjoly entre 1997 et 2006. En 1997, la plage possède une surface de sable assez réduite. Deux ans plus tard, le profil de la plage a évolué, et s’est fortement élargi. En 2006, l’érosion a repris jusqu’à détruire une partie des propriétés situées sur le front de mer. En une dizaine d’années, ce rivage a été successivement en expansion et en recul.

▼Côte de la Guyane au niveau de l’embouchure de la Mana.

Voici 3 images satellite SPOT de la région de Mana, prises à des dates successives environ tous les dix ans, 1987, 1999, et 2007. Le panache fluvial du fleuve Mana et les vases intertidales apparaissent en vert, et marron. Les eaux moins chargées en sédiments sont bleues et plus sombres. On distingue sur chaque image les bancs de vase, et l’espace interbanc, subissant de plein fouet l’impact de l’érosion. À droite de l’image, on reconnaît les rizières de Mana, de grandes surfaces rectangulaires, dont la couleur varie en fonction de l’état de l’exploitation : jachère, cultivée, ou envahie par mer. À gauche, la pointe Isère, accrochée au continent en 1987 par l’est, devient progressivement une île en 1999, pour se raccrocher aujourd’hui au continent par la plage d’AwalaYalimapo à l’ouest.

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© CNES/Distribution Spot Image/Traitement SEAS Guyan

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© CNES/Distribution Spot Image/Traitement SEAS Guyane

▲L’estuaire du Mahury (2007)

à marée haute. En haut à gauche, la presque ile de Cayenne, à droite les ilets de Rémire. Sur le rivage Est du fleuve Mahury, on distingue les vestiges du polder  * Marianne.

Légende classification (@ IRD - source projet PROCLAM)

Vase Mangrove adulte Mangrove jeune Marais Forêt Zone anthropisée* Urbain Une saison en Guyane COP21 Nuages

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Légende classification (ECOLAB 97) Mangrove adulte Banc de vase/sable Savane arbustive Forêt dégradée

Proclam 5-6 © CNES/Distribution Spot Image/Traitement SEAS Guyane

▲La côte du Parà (2008)

À quelques heures à l’est de Belém, une succession de baies dentelées (Maracana, Marapanim, Piracumbaua) et de longues plages, dont la plus connue : Algodoal.

de la zone d’étude à cartographier, et d’autre part du fait du caractère inaccessible de certaines régions côtières, notamment dans l’État de l’Amapà. De plus, face à la rapidité des évolutions géomorphologiques et paysagères dans les régions littorales amazoniennes, les images satellites permettent d’envisager des mises à jour rapides et régulières de l’ensemble de la cartographie. Il s’agit notamment d’observer et de mesurer le déplacement des bancs de vase, l’évolution de la mangrove, ou encore le recul du trait de côte. Bien sûr, des missions de terrain restent essentielles pour valider les observations, mais l’objectif est d’aboutir à une méthodologie commune de surveillance de l’environnement

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littoral amazonien, en utilisant principalement les données satellitaires. Le projet PROCLAM a ainsi posé les bases pour la constitution d’un observatoire transfrontalier de l’environnement côtier amazonien, dont l’objectif est d’aboutir à une meilleure compréhension des dynamiques littorales. L’amélioration des connaissances doit ainsi permettre de favoriser une meilleure gestion des territoires, dans une perspective non seulement de préservation de ces milieux naturels, mais aussi de protection des sociétés notamment face aux risques d’érosion. DES

MODIFICATIONS

À

PLUS

GRANDE


▲Végétation de mangrove sur le littoral près de Cayenne ÉCHELLE DE TEMPS.

Au-delà de ces modifications relativement rapides, il faut rappeler que la côte de Guyane a subi des variations importantes au cours des âges. Ainsi il y a 20 000 ans, pendant l’ère quaternaire, le niveau de la mer se situait environ 100 mètres plus bas. Les sédiments de l’Amazone empruntaient un chemin différent d’aujourd’hui. Ainsi, les eaux des Guyanes étaient claires, et même favorables au développement de formations coralliennes, dont on retrouve actuellement les traces en limite du plateau continental, à une centaine de kilomètres au large, et à une centaine de mètres de profondeur.

En comparaison, nous vivons donc dans une période de haut niveau marin. À l’heure où l’élévation du niveau de la mer sur l’ensemble de la planète semble inévitable, du fait notamment du réchauffement climatique, les enseignements tirés de l’observation de ces modifications sont précieux, afin d’anticiper les conséquences nécessairement importantes de ce phénomène sur les rivages des Guyanes. Extrait de Une saison en Guyane n° 2 février 2009. M. Parizot – P.O. Jay – R. Goeury – G. Debarros Images CNES/Distribution Spot Image/ Traitement SEAS Guyane Photos F. Dolique, J.F Girres, R. Goeury

◄Les images SPOT: Les scènes SPOT (2, 4 et 5) : acquises par l’antenne de réception directe située sur le site du Centre Spatial Guyanais de la colline de Montabo, les scènes de la constellation des satellites SPOT sont ensuite produites par la station SEAS-GUYANE (Surveillance de l’Environnement amazonien Assistée par Satellite) hébergée et exploitée par l’IRD de Cayenne (Unité ESPACE) et maintenue par l‘entreprise Nev@ ntropic.

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U

ne Saison en Guyane est un magazine semestriel qui part à la découverte de la région du plateau des Guyanes depuis 2008, à travers des articles et des reportages réalisés par des scientifiques, des journalistes et des passionnés de cette région. Depuis sa création, Une saison en Guyane a distribué plus de 170 000 magazines à travers la Guyane, la France, les Antilles et l’Outre-mer. Il est le seul média écrit guyanais disponible en kiosque en France hexagonale et dans le monde. Cible de lecteurs : 30 - 50 ans Catégorie : CSP + Format : A4 - 128 pages Fréquence : 3 par an Prix : 8,50 € (10 € pour la version collector) Distribution : Libre service - Libraires -Supermarché - Station-service - Kiosque

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Illustrations : Jean-Pierre Penez, Guiana Shield Facilities Crédits photos : S. Bedel, J. Chevalier, T. Deville, F. Dolique, M. Dewynter, G. Feuillet, P-O Jay, N. Montagné, L. Pipet, V. Rufray, J. Vogt PNRG, CIRAD, EDF, Voltalia, Tullow Oil, Keppel Offshore, CNES/SPOT Images/SEAS Guyane

Rédaction/Conception graphique [redaction@atelier-aymara.net] Publicité [pub@atelier-aymara.net] Distribution et commandes [distribution@atelier-aymara.net]

Ont collaboré à ce numéro: D.Bonal, L. Blanc, B. Blin, M. Briswalter, G. Debarros J.Demenois, M. Dewynter, G. Feuillet, R. Goeury, M. Le Guillou, H. Le Texier, N. Montagné, B. Ouliac, M. Parizot, L. Pipet, F. Rives, F. Taberlet, L. Zoogones

Directeur de la publication/Rédacteur en chef : Pierre-Olivier Jay - [pierre@atelier-aymara.net]

Imprimé sur du papier écocertifié PEFC.

chargée de communication : Daniela Noreña Waller - [daniela@atelier-aymara.net]

Photo couverture : Tanguy Deville

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