Roosevelt, Reviens ! / We Demain n°2

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ROOSEVELT, REVIENS ! PAR PIERRE LARROUTUROU Interview : François Siegel Photo : Jean-Michel Sicot

— SE RÉSIGNER À CONSTATER QUE LA CRISE EST GRAVE ET QUE NOUS SOMMES AU BOUT D’UN SYSTÈME, PIERRE LARROUTUROU NE S’EN SATISFAIT PAS. COFONDATEUR AVEC EDGAR MORIN, STÉPHANE HESSEL ET MICHEL ROCARD DU COLLECTIF ROOSEVELT 2012, EN HOMMAGE AU PRÉSIDENT QUI AVAIT COURAGEUSEMENT RÉVOLUTIONNÉ LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE AVEC LE NEW DEAL, CET ÉCONOMISTE VEUT ENCORE CROIRE AU POUVOIR DES DIRIGEANTS : « CE SONT DES DÉCISIONS POLITIQUES QUI ONT CONDUIT À LA CRISE. CE SONT DES DÉCISIONS POLITIQUES QUI NOUS AIDERONT À EN SORTIR. » COMMENT ? EN CRÉANT UN SURSAUT AU LIEU DE METTRE DES RUSTINES. LES SOLUTIONS EXISTENT. À NOUS D’AVOIR LE COURAGE DE LES METTRE EN ŒUVRE. —

02 — WE DEMAIN

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PIERRE LARROUTUROU : ROOSEVELT, REVIENS !

WE DEMAIN : VOUS AVEZ LANCÉ EN MARS DERNIER LE COLLECTIF ROOSEVELT 2012 POUR CHANGER LA DONNE. DE QUOI S’AGIT-IL PRÉCISÉMENT ? PIERRE LARROUTUROU : Avec le Collectif

Roosevelt 2012, notre mission est de dire : « Oui, c’est grave. » Le mot « crise » ne veut plus rien dire. De multiples problèmes coexistent. Nous vivons un moment crucial et la question est de savoir si nous sommes capables de provoquer un sursaut dans les mois et les années qui viennent. Tous les livres d’histoire parleront de 2012 et 2013. Est-ce que cela sera pour un effondrement ou un sursaut d’intelligence et de coopération ? Quand Edgar Morin dit qu’il faut une métamorphose, c’est vrai. Il le répète depuis trente ans, et désormais, c’est crucial. DANS VOS INTERVENTIONS, VOUS VOUS APPUYEZ SUR UN TABLEAU QUI MONTRE LA COURBE DE LA CROISSANCE SUR LES CINQUANTE DERNIÈRES ANNÉES DANS LES PAYS DE L’OCDE POUR DÉMONTRER LA FIN D’UNE ÉPOQUE. EXPLIQUEZ-NOUS. PL : Avant même la crise des subprimes

qui a radicalement tout changé, c’était un peu de la superstition de croire que la croissance allait revenir. Depuis trente ans, on nous répète que la croissance va revenir, mais elle ne revient pas. Le problème s’aggrave. On constate parfois un an ou deux d’embellie, mais la situation replonge. Chaque décennie qui passe, la croissance fléchit. Elle était de 5 ou 6 % dans les années 1960, puis 3,7, puis 2,2, puis 1,9, puis 1,5. Ça fait trente ans en France que l’on n’a pas le taux de 2,5 % qu’il faudrait si on compte sur la croissance pour créer des emplois. Lorsque j’étais étudiant, on ne pouvait pas avoir la moyenne si on ne démontrait pas sur une page que le Japon allait dominer l’économie mondiale au xxie siècle. Or le Japon n’enregistre même pas 1 % de croissance depuis vingt ans. Pourtant, c’est le pays qui investit le plus dans la recherche, qui a la meilleure politique industrielle et qui a 17

mis ses taux d’intérêt à 0 % pour relancer l’investissement. Les Japonais ont multiplié des plans de relance pharaoniques. Cependant, leur dette publique arrive à 200 % du PIB et ils redoutent d’être en cessation de paiement dans quelques semaines. Ils atteignent 0,9 % grâce aux exportations, parce que le reste du monde achète leurs produits. On est tous en train de tomber dans la même trappe. On est dans un monde fini. Mais la bonne nouvelle, c’est que l’on peut retrouver la justice sociale, une vie équilibrée, la cohésion sociale, une intimité, une joie de vivre, être heureux, même sans croissance. Il existe des solutions concrètes, chiffrées. On n’a pas besoin d’attendre un retour miraculeux de la croissance. On peut agir pour donner du travail à tout le monde. MÊME EN CHINE, LA SITUATION ÉCONOMIQUE NE SEMBLE PLUS TRÈS FAVORABLE. PL : En 2009, tout le monde s’émerveillait,

en vantant les mérites de la Chine avec ses 9 points de croissance, mais c’était oublier qu’il lui avait fallu injecter 44 % du PIB – 30 % en crédit privé et 14 % en dette publique – pour soutenir son développement. La bulle immobilière créée en 2009 explose aujourd’hui. Il y a un an, The Economist a réalisé tout un dossier pour montrer comment les prix de l’immobilier baissaient en Chine. Le gouvernement avait alors censuré ces chiffres. Aujourd’hui, la dégradation est trop visible pour être masquée. Depuis neuf mois, l’activité recule, entraînant des milliers de chômeurs. En février 2012, les autorités chinoises ont annoncé qu’elles allaient doubler le budget militaire d’ici à trois ans. C’est rare qu’un pays le fasse juste pour le plaisir de dépenser de l’argent. EST-CE QUE LA FRANCE PEUT AGIR ISOLÉMENT OU FAUT-IL UN ÉLAN EUROPÉEN, VOIRE UNE COHÉSION, EN CONNAISSANT LES RÉTICENCES ALLEMANDES ? PL : Il y a plein de choses que l’on peut

faire seuls, comme avoir une vraie

politique du logement. Aux Pays-Bas ou en Allemagne, des dizaines de milliards ont été consacrés à la construction de logements, cela a donné du travail à des milliers de personnes et fait baisser les loyers. Si on avait la même politique en France, cela se traduirait par des loyers en moyenne de 300 euros moins chers pour des appartements de 70 m2. Le nombre d’emplois précaires est trois fois plus faible aux Pays-Bas qu’en France. Le taux d’échec scolaire est quatre fois moins élevé au Danemark que chez nous. On n’a pas besoin d’attendre un accord européen ou un accord du G 20 pour agir sur ces points. QUAND BARACK OBAMA A ÉTÉ ÉLU, SA PRIORITÉ ALLAIT VERS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES ; ELLES DEVAIENT ÊTRE LE VECTEUR DE LA CROISSANCE ET REMETTRE LE MONDE EN MARCHE. POURTANT, AUJOURD’HUI, L’AMÉRIQUE EST EN TRAIN DE REDEVENIR LE PREMIER PRODUCTEUR DE PÉTROLE. TOUT LE MONDE VEUT SE METTRE AU GAZ DE SCHISTE. NOS ÉTATS, SOUCIEUX D’ÉNERGIES À BON MARCHÉ, REPARTENT SUR LES ÉNERGIES FOSSILES DE PLUS BELLE, IGNORANT LES CONSÉQUENCES SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE CLIMAT. PL : C’est juste. Cet été, les États-Unis

ont subi une sécheresse historique. L’approvisionnement en eau est problématique, certains paysans ont vu leurs rendements divisés par dix. On a vu les feux en Espagne, une sécheresse dramatique en Sibérie, des inondations effroyables en Chine… En France l’an dernier, on a dû abattre des troupeaux parce que l’on n’avait pas assez d’herbe. Les événements climatiques extraordinaires, comme les grandes tornades et les pluies dévastatrices, sont de plus en plus nombreux. Cette répétition, comme la sensibilisation du grand public par des films comme Une vérité qui dérange avec Al Gore, peuvent faire évoluer la mentalité des Américains moyens. Peut-être faut-il cette sécheresse historique aux États-Unis pour qu’ils réalisent que le prix des céréales va augmenter. Et qu’ils vont eux aussi avoir un problème. On s’est habitué à voir des enfants mourir en Afrique en raison de la sécheresse ; les événements qui touchent notre quotidien feront peutêtre, je le souhaite, évoluer les esprits. Il faut être très bête aujourd’hui pour ne pas faire de lien entre ces catastrophes et le dérèglement climatique.


Si Barack Obama est réélu, ce que j’espère, il aura les mains complètement libres. Ce sera son dernier mandat. Il n’aura pas besoin de réfléchir au financement de sa prochaine campagne électorale. Mon espoir ? Qu’il comprenne que l’on est au bord du gouffre. Personne n’a envie que les États-Unis tombent du haut de la falaise. En étant libre vis-à-vis des pouvoirs financiers, sortant d’une sécheresse historique, il pourra imposer de changer de mode de consommation. Et de baisser notre empreinte carbone.

LE MONDE A CHANGÉ DEPUIS ROOSEVELT, MAIS LA BONNE NOUVELLE EST QUE SON MODÈLE PEUT ENCORE ÊTRE APPLIQUÉ.

LA QUESTION ENVIRONNEMENTALE EST AU CŒUR DE VOS PROPOSITIONS. PL : Quand le rapport de Nicholas Stern

a été publié il y a six ans, toute la classe dirigeante a applaudi. Aujourd’hui, tout le monde s’en fiche. On va pleurer sur la sécheresse aux États-Unis, mais on ne fera rien, on persiste à ne pas comprendre la gravité du dérèglement climatique. Nous possédons ma famille et moi une grange dans les Pyrénées, située à 1 300 mètres d’altitude, où l’on capte une source. À présent, la source se tarit deux semaines par an. On n’a plus d’eau. Les névés qui étaient au sommet de la montagne ont fondu. Là, ce n’est pas très grave, puisqu’il s’agit de trois maisons, mais, lorsque les millions de personnes qui vivent sur les contreforts de l’Himalaya n’auront plus d’eau, ni pour se nourrir, ni pour leurs cultures, ils ne resteront pas mourir sur place. Ils se déplaceront. Et s’il s’agit de centaines de millions de personnes qui se déplacent, cela ne va pas bien se passer. POURQUOI AVOIR PRIS ROOSEVELT POUR MODÈLE ? PL : Quand Roosevelt est arrivé au pouvoir

en 1933, c’était le complet désarroi. Assez semblable à ce que l’on vit aujourd’hui. Le président sortant, Edgar Hoover, avait donné l’impression qu’il n’y avait pas de solution. Son surnom était « Do nothing » (« Ne fait rien »). Quand Roosevelt a pris les commandes, il était libre vis-à-vis des marchés financiers, et il a fait adopter 15 réformes en trois mois. Tout n’a pas marché, ce n’était ni un magicien, ni un demi-dieu. Mais les réformes qu’il a menées en matière de banque, de fiscalité, pour assurer un revenu minimum aux paysans, pour éviter que les gens ne tombent dans la pauvreté, ont complètement changé le climat. Et globalement, ce qu’a fait Roosevelt en 02 — WE DEMAIN

1933 puis en 1944 a donné aux États-Unis vingt ans de stabilité politique, et surtout cinquante ans de stabilité économique et financière. CERTAINS DÉTRACTEURS CONTESTENT CE FAIT. PL : C’est pourquoi je parle de 1933 et

1944. Car, hélas, s’il n’y avait pas eu l’attaque de Pearl Harbor et l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale, les ÉtatsUnis seraient tombés en récession. Après la vague de réformes de 1933, quand Roosevelt convoque les États pour les Accords de Bretton Woods en 1944, il a tiré les leçons des insuffisances du passé. Le premier acte de la reconstruction, c’est la Déclaration de Philadelphie. Le texte signé par Roosevelt et les autres chefs d’État prône qu’il n’y aura pas de paix durable sans justice sociale. Il a pour objectif fondamental d’établir dans chaque pays et dans le commerce mondial des règles sociales sur les salaires et le temps de travail, pour assurer le plein-emploi et un équilibre sur ce qui va aux actionnaires et ce qui va aux salariés. Après cela, les États-Unis ont connu trente ans de prospérité sans avoir besoin ni de dette privée, ni de dette publique. Une courbe est essentielle pour comprendre la crise, c’est la dette totale aux États-Unis hors secteur financier. Depuis trente ans, on a toujours besoin de plus de dette pour toujours moins de croissance, le rendement devient catastrophique. C’est pourquoi Barack Obama commence à paniquer. Désormais, aux États-Unis, il faut avoir dix doses de déficit pour une dose de croissance de PIB par tête. C’est une voiture qui roule encore, mais à laquelle il faut mettre un litre d’huile tous les 300 mètres. Dans tous

nos pays, pendant trente ans, parce qu’il y avait ce contrat économique et social qui assurait le presque plein-emploi avec un partage équitable entre ce qui allait aux salariés et ce qui allait aux actionnaires, on a n’a pas eu besoin d’emprunter pour prospérer. Le monde a changé depuis Roosevelt, mais la bonne nouvelle est que son modèle peut encore être appliqué. PRENONS L’EXEMPLE DE L’ESPAGNE ET DE LA GRÈCE. CES PAYS N’ONT-ILS PAS DES ÉCONOMIES ENTRETENUES SOUS PERFUSION DEPUIS EXTRÊMEMENT LONGTEMPS ET QUI NE REPOSENT PAS SUR DES ÉCONOMIES RÉELLES ? PEUVENT-ELLES SE RÉVÉLER NON VIABLES ? COMMENT CES PAYS PEUVENT-ILS SE RELEVER AVEC 50 % DE JEUNES AU CHÔMAGE ? PL : L’Espagne a vécu sur un modèle très

déséquilibré. Ma femme est espagnole, nous y allons chaque année en vacances. Il y a deux ans, dans un village près de Barcelone, le temps de prendre un café le matin, nous avons vu 37 toupies de béton passer devant nous. C’était du délire. Aujourd’hui dans ce village, les panneaux « À vendre » fleurissent. De très belles maisons avec des oliviers centenaires ont été détruites pour faire des immeubles qui restent vides. Ils ont coulé du béton partout. Les Espagnols se sont endettés pour cinquante ans, cela a donné un temps du travail, mais aujourd’hui c’est sinistre. La responsabilité des politiques, de droite et de gauche, en Grèce comme en Espagne, est indéniable : ils ont laissé faire. Les courbes d’endettement révélaient la catastrophe à venir. Mais c’est pareil en Angleterre. Au premier semestre 2012, on a beaucoup parlé de la Grèce et de l’Espagne, mais en Angleterre les banques 18


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PIERRE LARROUTUROU : ROOSEVELT, REVIENS !

privées ont un niveau d’endettement huit fois supérieur. Début juillet, on a dû trouver cent milliards d’euros en urgence pour sauver les banques espagnoles. La prochaine fois, dans trois mois ou dans un an, les Anglais viendront nous supplier de les aider. Déjà, des centaines de milliards leur ont discrètement été versés par la Réserve centrale et la Banque centrale européenne. Il y a un aveuglement de nos dirigeants et donc de la population. En Espagne, c’était terrible. En vingt ans, le modèle a changé. Aujourd’hui, tout est fait pour scotcher les enfants et les ados devant la télé pour qu’ils consomment. Les politiques ont regardé ailleurs. Les gens ont eu l’impression que n’importe qui pouvait s’endetter pour acheter une nouvelle voiture, un appartement, partir en vacances. C’est caricatural en Grèce et en Espagne. Mais c’est vrai dans tous nos pays. On est au bout du bout du système. Quand le gouverneur de la Banque d’Angleterre affirme que l’on va vers une crise plus grave que celle de 1930, ce ne sont pas des paroles en l’air. En 1971, Jacques Chaban-Delmas et Jacques Delors appelaient de leurs vœux une nouvelle société. Leur critique était double, considérant que la nôtre ne permettait ni à tous de vivre dignement, ni à chacun de vivre librement. C’est encore plus vrai aujourd’hui. Chaque soir, rue de la Roquette, dans le XIe arrondissement de Paris, je croise des personnes qui attendent la sortie des poubelles du supermarché pour venir y chercher de la nourriture. Alors même que quelques centaines de mètres plus loin une personne que je connais et dont j’ai vu le bulletin de salaire gagne 200 000 euros par mois. Sans parler de ses revenus du capital. Le niveau d’inégalité est scandaleux. Je suis estomaqué de voir le nombre de gens qui n’ont pas les moyens suffisants pour s’acheter un peu de nourriture. C’est monstrueux. Nous sommes dans une société qui nous pousse essentiellement à consommer et néglige une bonne partie de notre liberté. Et aujourd’hui, en prime, on est en train de détruire notre planète. C’est pour toutes ces raisons qu’Edgar Morin et Stéphane Hessel expliquent que c’est 19

la métamorphose ou la mort. La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons encore choisir. C’est essentiel de le dire. Lorsque Kennedy disait « We choose to go to the Moon » (« Nous choisissons d’aller sur la Lune »), les gens pensaient « Il a trop bu », or, sept ans plus tard, les Américains y étaient. Cela faisait des millions d’années qu’on regardait la Lune sans pouvoir y aller. Est-ce que nous, nous pouvons dire : « Nous choisissons de reconstruire la justice sociale » ? Nous n’avons jamais été aussi riches, c’est un problème de partage. Partage des richesses, partage de la culture, partage des revenus. La prospérité américaine pendant trente ans a été le fruit de décisions politiques. C’est à l’arrivée de Ronald Reagan que l’on a commencé à avoir besoin de dettes. Ce sont des décisions politiques qui ont conduit à la crise, ce sont des décisions politiques qui nous aideront à sortir de la crise. LE COLLECTIF EST COMPOSÉ DE PERSONNALITÉS PRESTIGIEUSES ET EST SOUTENU PAR PLUS DE 80 000 PERSONNES. VOUS AVEZ DÉCLARÉ, APRÈS LA VICTOIRE DE FRANÇOIS HOLLANDE, QU’ON ALLAIT POUVOIR COMMENCER À S’ATTAQUER AUX CHOSES SÉRIEUSES, CONSIDÉRANT QUE SEULE LA GAUCHE ÉTAIT CAPABLE D’APPORTER CETTE ÉVOLUTION SOUHAITÉE. SUR LAQUELLE DES 15 MESURES LE GOUVERNEMENT EST-IL PRÊT À DÉMARRER ? PL : Je n’en sais rien. Je vais presque toutes

les semaines à l’Élysée et à Matignon, nous sommes très bien accueillis [l’interview a été réalisée en juillet, NDLR]. Même Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg, avant qu’ils n’entrent en fonction au gouvernement, ont rejoint le collectif. Mais l’exécutif est déjà englué dans la gestion l’urgence et, chaque semaine, des nouveaux plans sociaux. Et je ne sais pas s’il va être capable de reprendre ces mesures. Le programme du PS a été rédigé en 2010, quand tout le monde pensait que Dominique Strauss-Kahn serait président, alors que ce dernier pensait que la crise était finie. Un ajustement, pour parler gentiment, est donc nécessaire. La prévision du PS était fondée sur l’idée que la croissance allait revenir dès 2013, avec en corollaire un retour à l’équilibre des finances publiques et la possibilité de financer les retraites. On s’en doute, 2013 sera l’année où l’on devra payer cash avec

probablement, en même temps, la Zone euro, la Chine et les États-Unis, qui seront au mieux à une croissance zéro. Je n’attendais rien de Nicolas Sarkozy. Dans mon précédent livre(1), j’ai raconté comment après une heure et quart de discussion avec Henri Guaino, au premier étage de l’Élysée, celui-ci avait fini par m’avouer que le véritable conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, c’était Michel Pébereau, le patron du lobby bancaire européen, qui réputait régulièrement que les banques françaises allaient bien et qu’il ne fallait nullement changer de politique. La nouvelle équipe au pouvoir est beaucoup plus libre vis-à-vis des marchés financiers. Vont-ils avoir le courage de faire du Roosevelt ? de prendre le taureau par les cornes ? Je ne sais pas. Et pour le moment, je n’ai aucun indice qui me permet d’en être sûr. La bonne nouvelle, c’est que toutes les semaines des députés signent. Des ministres appellent pour nous rencontrer. Comme le dit Stéphane Hessel, c’est très bien d’arriver à 100 000 signatures, mais si nous pouvions parvenir à 200 000 adhérents, ce serait mieux. Il faudrait aussi que les syndicats se réveillent. L’un des tout derniers signataires est le président du plus grand syndicat belge, qui a décidé d’en parler à François Chérèque et Bernard Thibault. Comment se fait-il qu’en France les syndicats soient aussi peu audibles ? Lorsque Léon Blum est arrivé au pouvoir, il était hostile aux congés payés, mais, trois semaines après, il les mettait en place. Pourquoi ? Parce que les syndicats les lui ont demandés sans violence, mais fermement. Aujourd’hui, il y a quatre millions de chômeurs et l’Unedic annonce 417 000 chômeurs de plus d’ici à 2013, si la croissance tient bon. Comment se fait-il que les syndicats ne fassent pas des propositions plus énergiques ? Tout est fait en France, comme le disait Pierre Mendès France, pour faire croire aux citoyens que ce qui importe c’est d’aller voter pour les élections présidentielles, mais ensuite on les décourage de s’intéresser à la mise en place des projets. Or c’est fondamental, il ne faut pas lâcher. J’ai deux enfants en bas âge, je n’ai aucune envie qu’ils connaissent la barbarie. On ne


DÈS LORS QUE VOUS DONNEZ 100 EUROS DE PLUS AUX PERSONNES EN FIN DE DROITS, CES 100 EUROS VONT IMMÉDIATEMENT DANS L’ÉCONOMIE.

peut pas demander aux politiques d’avoir du courage si nous-mêmes ne changeons pas notre comportement. EN ADMETTANT QUE, AU-DELÀ DE LA CHAPELLE GAULOISE AU CŒUR DE CET OCÉAN D’ÉGOÏSME, VOTRE MESSAGE SOIT ENTENDU, QUELLE POURRAIT ÊTRE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DANS LES ANNÉES À VENIR ? PATRICK VIVERET PROPOSE UN MODÈLE, ASSEZ PROCHE FINALEMENT DE CELUI DE JEREMY RIFKIN, OÙ L’ÉTAT ASSURERAIT NON SEULEMENT LA SÉCURITÉ SOCIALE, MAIS AUSSI LE SALAIRE MINIMUM. PL : Je ne partage pas le point de vue

de Patrick Viveret. Dans les mesures du Collectif Roosevelt 2012, si nous avons parlé d’un socle social et que certains sont favorables à un revenu d’existence inconditionnel, cela ne fait pas l’unanimité. Il nous semble surtout que l’urgence est que les gens n’arrivent pas en fin de droits. En juin dernier, plus de 100 000 personnes ont été rayées des fichiers de Pôle emploi, car en fin de droits ; et c’est pourquoi il n’y a eu que 30 000 chômeurs en plus. Les 100 000 chômeurs qui ont quitté les fichiers, eux, ne sont plus nulle part. Ils n’ont droit ni au RSA, ni au RMI, ils sont dans la misère la plus totale. Notre priorité, comme l’a proposé Alain Vidalies au PS, c’est, tant que le chômage continue d’augmenter, de prolonger de six mois les indemnités. Il faut se donner l’objectif de créer un maximum d’emplois. Il faut que chacun bénéficie d’un vrai travail, d’un vrai revenu lié au travail, d’un vrai logement. Il nous faut nous donner les moyens pour que les loyers soient beaucoup moins chers, comme c’est le cas aux Pays-Bas et 02 — WE DEMAIN

en Allemagne. Mais en attendant, il faut absolument éviter les drames humains et familiaux. J’ai retrouvé il y a peu l’article du Monde qui annonçait qu’en 2010 près d’un million de personnes arriveraient en fin de droits. Pourquoi s’étonner de croiser dans le métro de plus en plus de personnes en situation précaire ou qui attendent la sortie des poubelles de Monoprix pour se nourrir ? C’est un scandale total. Cette décision de prolonger les droits de six mois, afin que personne ne tombe en dessous du seuil de pauvreté, peut être prise très vite, par décret. EN TERMES DE JUSTICE SOCIALE, C’EST UNE ÉVIDENCE. EN TERMES ÉCONOMIQUES, AUSSI ? PL : Dès lors que vous donnez 100 euros

de plus aux personnes en fin de droits, ces 100 euros vont immédiatement dans l’économie. Ils n’épargnent pas. On dit que les Français ont un taux d’épargne de 17 %. C’est vrai, mais il s’agit d’une moyenne. Les 40 % d’en bas ont une épargne nulle. Si l’on évite qu’ils tombent dans la pauvreté avec un revenu d’au moins 800 à 900 euros par mois, ce qui est un minimum, c’est à coup sûr de l’argent qui alimente l’économie. La crise vient du défaut de justice sociale.

repas par jour, ne peuvent pas consommer tout cet argent. On a caché cette absence de répartition aux salariés, en leur permettant de s’endetter, aussi bien en Angleterre qu’en Espagne, mais au total 150 % du PIB des pays de l’OCDE a en trente ans été absorbé par les marchés financiers. Cet argent n’a donc pas été consacré à la recherche, à l’investissement : c’est 1 % de la population mondiale qui en a bénéficié. Aux États-Unis, l’un des derniers rapports de la Maison-Blanche, The Economic Report of the President, démontre que les 20 % des revenus les plus bas n’ont gagné que 18 % de revenus depuis trente ans, alors que les 1 % des plus hauts ont gagné 268 % en plus ! LA BONNE NOUVELLE ? PL : On n’a jamais été aussi nombreux

POURQUOI DEPUIS TRENTE ANS AVONS-NOUS BESOIN D’ENDETTEMENT ? DE DETTES PUBLIQUES ET DE DETTES PRIVÉES ? PL : Parce que la part des salaires est à

à vouloir la justice sociale. À vouloir la fraternité. Ce n’est pas pour rien que l’élection de Barack Obama en 2008 a suscité autant de réactions positives sur tous les continents. On veut de la justice, de l’égalité entre hommes et femmes, entre Noirs et Blancs. C’est par l’impôt que l’on pourra récupérer une partie de ces 150 % du PIB qui ont été accaparés par 1 % de la population mondiale. On leur laissera bien sûr de quoi vivre, sauf qu’au lieu de gagner 200 000 euros par mois, ils en recevront 100 000. Il importe d’en reverser une partie dans l’économie réelle pour créer massivement des emplois, afin que les salariés n’aient plus peur de se retrouver sans revenu.

son plus bas historique. Elle est passée de 65 % du PNB il y a vingt-cinq ans à 55 % aujourd’hui. Elle a baissé de 10 points, et ces 10 points sont allés aux actionnaires. Or ces derniers, même en prenant huit

FACE À L’ESPAGNE ET LA GRÈCE, VOUS CONNAISSEZ LA RÉPONSE D’ANGELA MERKEL : « MOI, J’EN AI ASSEZ DE FINANCER LES POCHES PERCÉES. ET 20


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PIERRE LARROUTUROU : ROOSEVELT, REVIENS !

À QUOI SERT DE METTRE EN PÉRIL L’EUROPE POUR FINANCER DES ÉTATS QUI DE TOUTE FAÇON NE SONT PAS VIABLES, PARCE QU’ILS NE FONT PAS LES EFFORTS NÉCESSAIRES ? » PL : Dans la première proposition du Collectif Roosevelt 2012, nous disons avec Michel Rocard qu’Angela Merkel a raison. Il faut arrêter les déficits budgétaires. Mais le meilleur moyen pour les limiter, c’est de baisser les taux d’intérêt sur la vieille bête. Aujourd’hui, l’Espagne et l’Italie seraient en équilibre budgétaire si on limitait les taux d’intérêt sur les dettes primaires. Je n’ai aucune envie que les banques privées s’écroulent, mais comment se fait-il que l’on trouve 1 000 milliards pour les banques au taux de 1 % et que, lorsque l’Espagne a besoin de 6 milliards pour ses universités, on lui demande de rembourser sept fois plus ? Qu’est-ce qui du point de vue économique, social ou financier peut justifier cela ? Les dettes qui ont été contractées il y a cinq ou dix ans, les Espagnols n’y peuvent rien aujourd’hui. Il faudrait donc baisser les taux d’intérêt pour ces dettes anciennes. Et lutter fondamentalement contre le chômage, pour que l’ensemble de la population puisse participer à l’économie, que tous paient des impôts et des cotisations. Tout le monde dit qu’il faut faire comme l’Allemagne. Souvenons-nous qu’en 2009 tout le monde disait que le modèle allemand était mort, et aujourd’hui on l’érige en exemple. Je me sens très proche de l’Allemagne. Mais en réalité, depuis quinze ans, il n’y a eu que quatre années où l’Allemagne a enregistré une croissance plus forte que la nôtre. Aucun modèle n’est parfait. Le niveau de précarité est là-bas aussi très important et, selon le Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung (DIW, l’équivalent de l’Insee), le niveau des salaires médians a baissé de 7,4 % en dix ans et en euros constants. Si nous avions fait de même, nous serions tous en récession. Le salaire des 10 % les plus modestes s’établit à 259 euros par mois ; comment fait-on avec un tel salaire pour survivre ? Un jour, Angela Merkel a déclaré dans le débat public qu’il fallait sauver la Grèce et l’Italie car, si le reste de l’Europe ne consommait pas, l’Allemagne entrerait en récession. Ce n’est pas un hasard si depuis trois mois la chancelière se prononce en faveur d’un salaire minimum. L’Allemagne a de vrais atouts positifs, notamment une 21

COMMENT SE FAIT-IL QUE L’ON TROUVE 1 000 MILLIARDS POUR LES BANQUES AU TAUX DE 1 % ET QUE, LORSQUE L’ESPAGNE A BESOIN DE 6 MILLIARDS POUR SES UNIVERSITÉS, ON LUI DEMANDE DE REMBOURSER SEPT FOIS PLUS ?

réelle capacité à exporter une industrie, de véritables innovations, avec un lien réel entre éducation et industrie. Mais l’une des raisons pour lesquelles elle a un aussi fort excédent commercial, c’est que 40 % des Allemands n’ont aujourd’hui pas les moyens de consommer. C’est notre premier client, mais ils sont anorexiques. Seuls ceux qui figurent parmi les 10 % des mieux payés ont enregistré une hausse de 0,2 % de leur salaire. CONTRE LE CHÔMAGE, VOUS VOULEZ ROUVRIR LE DÉBAT SUR LE TEMPS DE TRAVAIL. PL : Depuis 1974, le PIB en France a

augmenté de 120 %. Si l’on compare le nombre de tonnes de jambons, de tables, de voitures, on a plus que doublé le volume de biens et de services, mais du fait des machines, des ordinateurs, là où il fallait 38 milliards d’heures pour produire la totalité de l’économie, il n’en faut plus aujourd’hui que 34 milliards. On produit plus du double avec 10 % de travail en moins. Et du fait du baby-boom, du travail des femmes, qui sont autant de bonnes nouvelles, on est 20 % à vouloir travailler en plus. Si on avait appliqué le contrat social, nous n’aurions pas ces problèmes. Mais nous n’avons pas été capables de le faire évoluer. La norme reste aux alentours de 39 heures. Aux États-Unis, Robert Reich encourage Barack Obama – s’il est réélu – à rouvrir le débat sur le temps de travail. L’ancien ministre du Travail de Bill Clinton explique que la question fondamentale, ce sont les gains de productivité. 1 % des plus riches a accaparé ces quarante dernières années tous les gains de productivité. L’emploi industriel américain se casse la figure, mais pas la production industrielle. Si toute la

production était partie au Maghreb ou en Chine, on pourrait imputer la crise à la mondialisation, mais ce n’est pas le cas. En France, l’activité industrielle ne recule pas, c’est l’emploi industriel qui recule. EN FRANCE, 400 ENTREPRISES SONT DÉJÀ PASSÉES AUX 32 HEURES. VOUS CITEZ EN EXEMPLE MAMIE NOVA, POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE PLUS ? PL : L’accord de financement de Mamie

Nova est exemplaire. C’est une entreprise de 800 salariés qui vend ses produits dans la grande distribution. Ils n’avaient pas le droit d’augmenter d’un centime leurs coûts de production. Pourtant, ils ont créé 220 emplois, réalisé 15 % d’embauche et, grâce à la loi de Robien, ils ont arrêté de payer les cotisations chômage. L’idée est simple : si une entreprise passe à un temps de travail de quatre jours, si elle crée 10 % d’emplois, elle ne verse plus les cotisations chômage, soit l’équivalent de 8 % du salaire brut. Cela fait douze ans qu’ils l’ont mise en place et ça marche très bien. Ils ont également mis en œuvre un accord d’intéressement qui est reparti à la hausse après dix-huit mois. Il n’y a eu aucune baisse de salaire. Ils ont juste, en tenant compte de l’inflation, bloqué les rémunérations pendant un an. MAIS CELA N’EST POSSIBLE QUE SI LES ACTIONNAIRES SONT D’ACCORD ? PL : Le DRH de Mamie Nova m’a expliqué

qu’il leur avaient fallu trois mois pour convaincre les actionnaires. À l’époque – c’était en 1993, avant les lois Aubry –, le DRH et le directeur général ont mis en place une véritable éthique du débat. Ils étaient convaincus que cette décision leur permettrait d’ouvrir l’entreprise à de nouvelles compétences et de rajeunir


MOINS DE CINQ ANS, QUAND L’UNEDIC ANNONCE 400 000 CHÔMEURS EN PLUS DANS DEUX ANS. COMMENT ? PL : J’en mets ma main à couper. On peut

la pyramide des âges. Ce qui est bon pour sa pérennité. Ils ont convoqué trois conseils d’administration. Le premier a été entièrement consacré à la présentation du projet, le deuxième à répondre à toutes les questions, le troisième au débat et à la prise de décision. Et finalement, en prenant ce temps de la discussion ouverte, ces actionnaires, qui sont autant de paysans qui vivent mal, se lèvent chaque jour à 6 heures du matin pour travailler 80 heures par semaine avec un prix du lait qui ne cesse de diminuer, ont accepté. Deux cent vingt emplois, cela signifie autant de personnes qui cotisent pour les caisses de retraites et de maladie. Cette idée proposée il y a vingt ans par la CFDT fonctionne parce que, depuis quarante ans, toutes les entreprises françaises ont enregistré des gains de productivité et que l’on est dans un pays qui ne laisse pas tomber les chômeurs. On peut activer les dépenses de l’Unedic et de Pôle emploi, ce qui est impossible aux États-Unis. OUI, MAIS AUJOURD’HUI ON EST EN PLEIN DÉBAT ANTI 35 HEURES, DONC CELA PARAÎT TRÈS ILLUSOIRE… PL : Le slogan « Travailler plus, pour gagner

plus », il n’y a plus beaucoup de gens pour y croire. Même à la fin de son mandat, Nicolas Sarkozy n’était plus très assuré de son idée. En Allemagne, la récession en 2009 a été deux fois plus grave qu’en France, mais le chômage a augmenté six fois moins vite. Pourquoi ? Parce qu’Angela Merkel a baissé le temps de travail, affirmant qu’il fallait conserver tous les salariés et que les licenciements devaient être une exception. On a diminué les salaires, mais l’État allemand a maintenu les revenus. Ce n’est pas un problème droite/gauche. À chaque fois que Merkel mettait 6 milliards sur la table pour maintenir les emplois, Sarkozy mettait 6 milliards pour travailler plus pour gagner plus. C’est juste ne rien comprendre à la situation. VOUS DÉCLAREZ QUE L’ON PEUT CRÉER DEUX MILLIONS D’EMPLOIS EN CDI EN 02 — WE DEMAIN

avoir 400 000 chômeurs de moins avec une autre politique, qui passe par une vraie politique du logement, avec la construction d’immeubles pour permettre l’accès à la propriété pour les plus modestes, par une vraie politique de financement des PME, par le temps de travail et par les économies d’énergie. Il n’y a pas un problème, mais des problèmes multiples. D’où nos 15 propositions. LA CONCLUSION, C’EST QUE L’ON A TOUS ENVIE DE PASSER À LA PROCHAINE ÉTAPE. QUE PEUT-ON FAIRE POUR ALLER DE L’AVANT ? PL : Se convaincre que cela dépend de

nous. Mon livre(2) commence et finit avec Vaclav Havel. En mai 1989, quand j’étais étudiant à Sciences Po, dans le séminaire de Pascal Ory, le plus grand spécialiste de l’Allemagne est venu nous expliquer que le mur de Berlin était encore là pour cinquante ans. Or, sept mois après, il était à terre. Ce n’est pas un accord entre politiques et dirigeants qui a fait tomber le mur, ce sont les citoyens. Vaclav Havel dit : « Le peuple s’est réveillé avec une rapidité bouleversante […]. Il veillait et il attendait le moment propice […]. Tous ceux qui n’avaient pas peur, qui ne mentaient pas dans leur vie quotidienne […] ont apporté leur contribution. Chacun de nous peut changer le monde, même s’il n’a aucun pouvoir, même s’il n’a pas la moindre importance. » Le rôle du citoyen n’est pas de juger les politiques, mais de dire la vérité sur la gravité de la crise. En 1989, ce sont des citoyens qui ont fait tomber un système. Aujourd’hui, le système néolibéral s’effondre, c’est à nous de choisir si nous voulons mourir dans l’effondrement. Acceptons-nous le chaos ou voulons-nous bâtir un nouveau monde ? Et la bonne nouvelle, c’est que toutes les solutions sont sur la table. Toutes les semaines, de nouveaux livres, de nouveaux spécialistes apportent leur pierre à l’édifice de la reconstruction. Il faut réveiller les politiques. Le courage est une vertu contagieuse. Quand Roosevelt arrive à la tête des États-Unis alors qu’il est handicapé, par son courage il redonne des forces à des millions d’Américains. À notre tour d’inciter les politiques à avoir du courage. Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Messieurs

les députés, il faut y aller franchement. Quand vous ferez le bilan de votre vie, est-ce que vous préférerez avoir mis des rustines ou être des hommes et des femmes qui auront créé un sursaut ? En France, en Europe, il y a une ligne de crête où l’on peut s’en sortir. Si dans deux ans en France on parvient à démontrer que l’on vit mieux, avec une remontée de l’emploi, une économie des énergies, alors les autres pays viendront nous voir. L’effet domino est valable dans les deux sens. On l’a vu avec Lehman Brothers : quand une banque tombe, elle en entraîne d’autres dans son sillage et induit une récession mondiale. Nous sommes tous interdépendants. De même, si un pays montre que l’on peut s’en sortir en jouant sur tous les leviers, les autres suivront. Tous les peuples cherchent des solutions. Les mois qui viennent sont fondamentaux. Alors, oui, demain, c’est à nous de décider quelle société nous voulons. Aucun homme ne sera providentiel. Roosevelt n’était pas seul, il travaillait depuis des années avec toute une équipe. François Hollande ne prétend pas être un génie, ni un homme providentiel. Ni vous, ni moi n’avons toutes les solutions. Mais si tous nous nous mettons ensemble, alors comme avec les morceaux d’un puzzle on mettra en place le nouvel édifice. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a des solutions. La mauvaise nouvelle, c’est qu’elles ne vont pas avancer toutes seules. Nous devons donc par nos comportements individuels nous engager dans le débat public. Nous ne sommes pas suffisamment exigeants avec les hommes politiques. Les députés vont débattre en octobre des économies d’énergie. On le sait, il faudrait y consacrer 20 milliards chaque année, soit 1 % du PIB. Alors, oui ou non, est-ce que l’on veut qu’ils agissent ? Il faut leur mettre la pression, pour qu’ils comprennent que ce n’est pas dans vingt ans qu’il va falloir s’occuper de la question du climat, mais maintenant. u (1)

Pour éviter le krach ultime, Nova éditions, 2011.

(2)

C’est plus grave que ce qu’on vous dit… mais on peut

s’en sortir ! Nova éditions, 2012. 22


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