La Société du Regard [2/2]

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La société du regard

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La sociĂŠtĂŠ du regard

Thomas Perrin



La société du regard

Mémoire de fin d’études, examen du DNSEP, session 2014-2015. Département design graphique de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts (ISBA) de Besançon. Directeur de mémoire : M. Michel Collet.



P r é a m bu l e Le présent mémoire a pour objet une recherche spécifique sur le design graphique et, plus précisément, sa situation contemporaine. Cette recherche marque l’achèvement de sept années d’études supérieures en communication visuelle. Elle est l’aboutissement de multiples réflexions et de recherches entreprises tout au long de mon cursus, sur une pratique très spécifique du champ visuel.

* « Car on ne peut pas sérieusement parler du graphisme seulement à un moment m et pour lui même. » 1 Ce manuscrit tend également d’analyser tous les maillons de ce procédé, de la société moderne à la culture visuelle, de ses facteurs à ses acteurs, d’un actuel constat à un potentiel avenir. Cet examen n’a pas la vocation présomptueuse d’établir un bilan de ce que devrait être le graphisme d’aujourd’hui. Il est le simple reflet d’un point de vue personnel sur une pratique aux enjeux les plus complexes. Aussi, les observations formulées ici sont à replacer dans le contexte d’un regard mesuré d’étudiant sur sa future profession, d’une amorce de questionnement qui dirigera son parcours à venir.



Ava n t   -   prop o s Le capitalisme est actuellement l’un des éléments moteurs de notre civilisation. Via l’accumulation et la recherche du profit, il a permis, au fil du temps et des âges, de répondre aux besoins des différents modèles de notre société. Son bilan est discuté, ses modèles remis en cause. Son développement s’est accru depuis le milieu du XIXe siècle, notamment grâce à des innovations technologiques : « Avec la révolution industrielle, la division manufacturière du travail et la production massive pour le marché mondial, la marchandise apparaît effectivement comme une puissance qui vient réellement occuper la vie sociale. » 2 Les innovations et progrès techniques deviennent le moteur de la production et de la commercialisation. Au tournant du XXe siècle, le pouvoir politique perd de son influence et un nouvel ordre prend progressivement le relais. La logique marchande triomphe avec la mondialisation des échanges et le marché s’impose comme modèle général. Ce basculement vers une société commerciale a été, pendant plus d’un siècle, un terrain favorable au développement parallèle d’une société de consommation qui a réussi à la supplanter.

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Selon plusieurs analystes et spécialistes de l’économie et de la politique, aujourd’hui plus que jamais dans notre collectivité, c’est la consommation qui est devenue le moteur de la vie et, par extension – ne nous leurrons pas – c’est l’argent qui nous gouverne, autant que :

Désormais, tout est pensé comme produit de consommation, entraînant de nombreux bouleversements. Le modèle marchand s’est imposé dans chaque sphère de notre société comme le modèle prépondérant, conduisant inéluctablement vers un consumérisme de masse.

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Dans un tel contexte de mutation, le langage visuel se retrouve en première ligne. Entre domination marketing et revendication créatrice, la pratique graphique s’enfonce dans un profond déséquilibre. Face à un pouvoir que l’on ne peut renverser, réviser son orientation est devenu la préoccupation majeure des créatifs, afin qu’ils puissent reconsidérer la mesure de leur fonction. C’est ce que je me propose d’aborder dans ce mémoire.

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Les signes d’un paysage visuel en mouvement

Diverses marques d’un bouleversement professionnel

Des perspectives pour un renouveau ?

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Diverses marques d’un bouleversement professionnel

Plusieurs mutations de l’environnement

En dépit de sa très forte présence dans notre société, l’image souffre d’un manque de reconnaissance comme outil de réflexion, comme vecteur transitionnel de cultures autres que la culture commerciale. Cela soulève une importante question sur la place et le rôle des créateurs graphiques dans notre société.

« Le contexte social, économique et technique actuel est porteur d’une très grande déstabilisation dans l’état de la pratique et de la commande du graphisme. [...] Pour couronner le tout, les attaques budgétaires contre l’État et les diverses institutions et associations assèchent une partie importante de la commande et déséquilibre l’offre de communication au profit de la publicité. » 1

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Ancré dans la société de consommation, l’État se range du côté des grands groupes privés en matière de politique de communication de masse. La prolifération des grandes commandes entraîne un accroissement des enjeux financiers et donc, par extension, une volonté de réduire la prise de risque en matière de réalisation visuelle. La marge de manœuvre créatrice de la communication se voit alors radicalement réduite, régulée par un contrôle de plus en plus drastique. Sous le joug du profit, la commande publique, comme privée, se dégrade jusqu’à positionner la création graphique dans l’ombre du marketing. Gilles Lipovetsky et Jean Serroy vont jusqu’à déclarer qu’il n’y a plus de production hors du capitalisme. 2 Ces grandes commandes produisent des signes puissamment fédérateurs et pensés industriellement, afin de rassembler et parler au plus grand nombre. On peut citer en exemple le plus flagrant, les logotypes servant à identifier de manière unique et immédiate un organisme ou un produit. Ce nivellement visuel aboutit à un graphique tiède, une pauvreté absolue de l’image pétrifiée.

Le graphiste français Thierry Sarfis confère dans son texte Sortir du graphisme de caserne que la structure bureaucratique fait maintenant partie intégrante de la communication visuelle ; ses systèmes ont contraint la réflexion et ouvert la porte à l’intégration capitaliste. Le spécimen commercial insère son modèle concurrentiel dans la création graphique et vient la déstructurer. Cette forme contre-productive entretient l’esprit de compétition. Selon le chercheur français Albert Jacquard, elle pose le problème de ne plus reconnaître son prochain comme son frère, mais comme son ennemi, un concurrent. En France, près de 546 000 personnes travaillent dans le domaine de la création, contre 225 000 dans le secteur de l’automobile, ce qui fait du marché français l’un des plus concurrentiels au monde en la matière.


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Ces blocages sont renforcés par l’absence de soutien durable de la part des pouvoirs publics. Inscrites dans une société de consommation, les autorités démissionnent à l’égard du graphisme pour prôner un design dit « marketing » afin d’accroître les taux de profit. La précédente Ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, soutient des procédés comme l’appel d’offres, un système de non-rémunération du travail au nom de la concurrence. Axelle Lemaire, Secrétaire d’État chargée du Numérique, déclare également, lors d’une visite au sein de l’agence de communication parisienne Creads, qu’elle défend le principe du crowdsourcing (un équivalent à l’appel d’offre).

Cette déclaration d’Axelle Lemaire a été très mal perçue par les professionnels de la création ; elle a donné lieu à une lettre ouverte criant «Non à l’exploitation du travail gratuit », attestée par près de 7 530 signataires. 3

Une graphiste de Nantes déclare anonymement lors d’une interview :

« Le crowdsourcing qui tue la profession et demande à des gens compétents de travailler gratos dans l’espoir d’une éventuelle et misérable facturation… » 4 Ces méthodes détruisent les relations, limitent la responsabilité des commanditaires à définir leurs besoins et leur priorité, empêchent le dialogue qui conduit à l’aboutissement d’un réel projet.

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La professionnalisation de la pratique visuelle tend à en faire une activité régie par des règles administratives et économiques. Le citoyen devient client et le communicant fournisseur ou encore commerçant ; les principales agences ont une mainmise sur ce savoir-faire de la communication commerciale. L’image ne pose plus aucune question, elle n’apporte que des solutions. La pensée marketing du problem-solving touche la communication visuelle, qui se fait une obsession à résoudre les problèmes d’une société de consommation et ainsi en assurer sa prospérité. Daniel Van der Velden, du studio de design graphique néerlandais Metahaven, déclare :

« beaucoup de designers utilisent encore le terme de problemsolving comme [...] une description qui définit leur tâche. Mais quel est le problème ? [...] Le problème est-t-il le fait qu’il n’y a pas de problème ? » 5


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Entre changement de statut et rapport de force

Richard Lagrange, du Centre National des Arts Plastiques, décrit une période de remise en cause de la communication visuelle, bouleversée par l’avènement du marketing et doublée d’une mutation interne de la pratique. 6 La démocratisation de l’informatique, et plus particulièrement du Macintosh en 1984, rend accessible au plus grand nombre les logiciels de création numérique. La révolution de la P.A.O. (Publication Assistée par Ordinateur), durant les années 1990, donne alors l’illusion que la machine est capable, à elle seule, de générer des réponses visuelles pertinentes, par sa seule force technique.

Avec l’avènement du numérique au cours des années 2000, la capacité d’intervention du graphisme s’élargit alors que le pouvoir économique s’accapare ces nouveaux médias pour la promotion marketing. Cependant, son monopole est brisé par l’informatisation du processus de création graphique . La commercialisation des outils de conception, tels que l’Adobe Créative Suite en 2003, engendre une confusion entre les fonctions de conception et d’exécution. L’autorité du graphiste comme créateur se voit remise en cause : cette légitimité ne va cesser de se dégrader alors que l’appropriation des codes de notre société, et donc du numérique, représente un enjeu majeur de la création contemporaine.

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« D’un côté, les outils numériques se diffusent de plus en plus largement et permettent de pratiquer la création graphique sur des supports de communication de plus en plus diversifiés. En quelques années, nous sommes passés de l’internet, des mails et de la bureautique archaïques à l’e-lettre, aux motion-poster, à l’e-pub, aux applications pour smartphones et tablettes... D’un autre côté, les pratiques sociales qui sont liées à la transmission des messages ont beaucoup évolué. On ne se contente plus d’avoir un point de vue venu d’en haut, on attend beaucoup des circulations horizontales et de l’implication personnelle. Les réseaux nous entourent. » 7


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Défaillance de la commande, absence de communication entre graphiste et commanditaire, usage abusif des concours et appels d’offres : la question de la commande dans le cadre légal de la pratique du design graphique est l’une des problématiques majeures. La manifestation Graphisme en France, proposée par le CNAP (Centre National des Arts Plastiques), s’interroge sur ces différentes orientations dans ses publications annuelles et dossiers depuis 2001. Le Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont a également questionné ces différentes sphères à travers ses nombreuses expositions en 2001, autour de la thématique

Qui commande ?

Rick Poynor constate qu’avec la généralisation du numérique, et particulièrement du réseau mondial Internet, les organisations telles que les marques se considèrent maintenant comme des fournisseurs de contenu alternatif : elles deviennent des infrastructures culturelles qui peuvent modeler l’environnement dans lequel leurs messages sont délivrés. 8

On assiste alors à une interversion des rapports qu’entretiennent commanditaire et communicant. Renforcé par la logique marketing du client-roi, le commanditaire devient concepteur et le créateur visuel n’a plus son mot à dire : il est simple exécutant et devient l’interlocuteur entre le commanditaire et l’imprimeur. Le journaliste Guillaume Chauderon décrit cela comme le « Syndrome de Ginette » 9 : le problème de la reconnaissance de la compétence du graphiste en tant que professionnel – statut qui reste toujours à conquérir, au moins en France… – alors qu’il ne viendrait à personne l’idée de discuter le statut de professionnel à un dentiste par exemple.


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Différents retentissements sur l’activité graphique

Ces diverses mutations ont engendré un grand nombre de difficultés aux contrecoups retentissants. Thierry Sarfis souligne que le pouvoir économique a affecté l’importance majeure du langage visuel, des signes et du message : au service de la valorisation du capital. 10 Dans notre société de consommation de l’image, la publicité et le graphisme marketing n’ont plus aucune revendication. Ce processus ne nécessitant pas l’emploi de créateur, on ne s’adresse plus qu’à des prestataires de services exécutants ; on refuse de susciter des questions ou de générer du bruit, on souhaite simplement vendre. On peut alors admettre que ce système ne laisse aucune place aux graphistes qui prônent la réflexion sur notre société à travers un point de vue esthétique autonome qui questionne. Le magazine culturel français à parution hebdomadaire Telerama propose, en 2013, une série d’articles intitulée Graphistes en colère, faisant valoir ce manque de considération à l’égard de la pratique de designer graphique. Les interviews des protagonistes du paysage visuel affirment une dégradation de la commande, dans des conditions de travail indignes et avec des interlocuteurs fantômes. 11 Les différentes réactions à ce premier article ont continué de souligner le manque de reconnaissance sociale envers cette profession, ainsi que le questionnement sur l’utilité du graphisme dans la société. 12

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Certaines perspectives semblent néanmoins émerger afin de pallier ces difficultés. Le Centre National des Arts Plastiques a publié (dans sa collection des guides de l’art contemporain) le Guide de la commande en design graphique. Il propose d’aborder les questions relatives à la méthodologie de la commande de design graphique au regard des aspects réglementaires, de la rédaction du cahier des charges, des modalités de sélection des candidats et, plus généralement, de l’ensemble du processus qui doit être mis en œuvre pour mener à bien chaque projet. 13 Ce livret devrait permettre de limiter les abus des commanditaires, comme le réclament depuis des années les professionnels du design graphique. 14 Certaines collectivités commencent à prendre conscience des enjeux de la communication visuelle et de la méthodologie du bon fonctionnement de cette activité. Le Maire de Bobigny (93) a lancé, en 2010, un appel d’offres à trois graphistes – préalablement choisis – afin de réaliser la conception d’une carte de vœux pour l’événement de la nouvelle année. Avant la sélection du projet final, il a proposé une rémunération à hauteur de 1 200 euros pour leurs premières propositions, mettant ainsi fin au travail non rémunéré de ce système. Rick Poynor, soulignant l’importance des commanditaires dans le processus de création, déclare qu’« une transition vers un design socialement utile ne pourra se faire que d’un bouleversement socio-économique similaire. » 15


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Des perspectives pour un renouveau ?

Des constats révélateurs d’une urgence

Se mettre au diapason du capitalisme artistique (selon le titre du livre de Gilles Lipovetsky et Jean Serroy) est désormais un passage obligé pour tout créateur qui veut vivre de son art. À l’image d’une société en perpétuel mouvement, les visuels ont désormais une durée de vie courte, définie par la mode et son succès commercial. Selon Rick Poynor, ces évolutions obligent (devraient obliger pour être plus exact) les graphistes à modifier leurs pratiques et à en questionner le sens.


Des perspectives pour un renouveau ?

En 1964, le designer graphique Ken Garland rédige un manifeste publié dans Design, the Architects’ Journal, the SIA Journal, Ark, Modern Publicity, The Guardian. Intitulée First things First (traduite : commençons par le commencement) cette proclamation, attestée par 22 signataires, propose d’ouvrir le débat sur l’éthique du monde de la communication et dénonce les dérives d’une profession au service du mode de vie occidental capitaliste et de l’économie de marché.

À travers ce manifeste, Ken Garland lance un défi aux graphistes et communicants visuels : il leur propose de réfléchir sur leur pratique de designer en tant que participant à la fabrication de la réalité contemporaine. L’auteur touche ici une corde sensible aux designers qui se tournent vers la publicité et le marketing. En gaspillant leurs talents, ils délaissent des tâches plus utiles et durables. Le design risque ainsi d’oublier son devoir de lutte pour une vie meilleure ; il doit prendre une forme radicalement différente pour que se distingue « DESIGN DE COMMUNICATION » (transmettre de l’information) et « DESIGN DE PERSUASION » (pousser à l’achat). 16

Le déséquilibre énoncé par ce manifeste est aujourd’hui plus grand que jamais : la grande majorité des projets s’adresse au besoin marchand qui prend le pas sur les besoins sociaux, pédagogiques et culturels de la société. En 1999, Rick Poynor propose une version retravaillée de ce texte, publiée dans le magazine Emigre. En parallèle, il rédige avec Jouke Kleerebezem et d’autres designers le manifeste First thing First 2000, également publié par Adbuster, Eye et d’autres magazines de design graphique. Ces déclarations réaffirment les valeurs du premier manifeste ainsi que l’urgence de la prise de conscience qu’il n’avait pas réussi à déclencher. 17

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Plus récemment, le designer graphique Vincent Perrottet rédige un texte intitulé Partagez le regard, suite à la désastreuse consultation organisée par le Ministère de la Culture pour la création de l’affiche de la Fête de la musique en 2013 (les graphistes consultés sur ce projet ont refusé de travailler en découvrant les conditions épouvantables qui leur étaient proposées). Il offre une réflexion sur la situation de la création graphique et sur son insupportable précarisation due à l’injustice des méthodes imposées par la commande publique. 18

Le designer graphiste et écrivain Cole Peters présente une nouvelle version du manifeste de Ken Garland, dénommée First Thing First 2014. Le texte confirme les enjeux de la lignée de ses prédécesseurs pour assumer une philosophie critique plus éthique de la conception, dans notre univers contemporain de la technologie et des connexions (le manifeste est cette fois-ci publié sur Internet et sur Twitter, afin d’en assurer la plus large diffusion dans l’esprit de notre société en réseau). 19 Ces textes sont révélateurs d’un sujet propre à notre époque de culture de masse : l’urgence de l’image. 20 Elle est devenue un langage familier, éloignée de son principal objectif de communiquer et faire le lien entre les citoyens.

Les manifestions Graphisme en France, organisées pas le CNAP, proposent de réfléchir aux problématiques qui animent le domaine car, comme le souligne le designer américain Massimo Vignelli lors d’un congrès :

« NOUS NE POUVONS PLUS RESTER DANS UN TEL ÉTAT D’IGNORANCE. » 21


First Things First 1964 Nous les soussignés, sommes designers graphiques, photographes et étudiants qui avons été élevés dans un monde dans lequel les techniques et systèmes publicitaires ont constamment été présentés à nous comme le moyen le plus lucratif, efficace et souhaitable pour utiliser nos talents.

Nous avons été bombardés avec des publications consacrées à cette croyance, applaudissant le travail de ceux qui ont vendu leurs compétences et imagination pour vendre des choses telles que : nourriture pour chats, poudre pour soulager le mal de ventre, détergent, antichute pour les cheveux, dentifrice à rayures, lotion après-rasage, lotion avant-rasage, régimes minceurs, régimes pour grossir, déodorants, eau gazeuse, cigarettes, déodorants à bille, vêtements et chaussures à enfiler. De loin les plus grands efforts de ceux qui travaillent dans l’industrie de la publicité sont gaspillés pour ces buts insignifiants, qui contribuent pour peu ou presque rien à notre prospérité nationale.

De même qu’avec le grand public nous avons atteint un point de saturation auquel le cri aigu de la vente commerciale n’est plus que du brouhaha. Nous considérons que nos compétences et notre expérience valent plus que ces choses-là.


First Things First 1964 Il existe des panneaux pour des rues et des bâtiments, livres et périodiques, catalogues, manuels d’instruction, photographie industrielle, supports pédagogiques, films, émissions de télévision, publications scientifiques et industrielles et tout autre média à travers laquelle nous promouvons notre commerce, éducation, culture et une meilleure conscience du monde.

Nous ne défendons pas l’abolition de la publicité agressive, cela n’est pas faisable. Nous ne souhaitons pas enlever les plaisirs de la vie non plus. Mais nous proposons un renversement des priorités en faveur des modèles de communication plus utiles et plus durables.

Nous espérons que notre société se lassera de ces marchands de gadgets, VRP prestigieux et gens qui persuadent d’une façon implicite et que l’appel antérieur de nos compétences se fera pour des causes qui en valent la peine. Avec ceci à l’esprit nous proposons de partager notre expérience et nos avis et de les rendre accessibles aux collègues, étudiants et d’autres qui peuvent s’y intéresser. Ken Garland


First Things First 2000 Nous les soussignés sommes graphistes, directeurs artistiques et communicants visuels qui ont été élevés dans un monde dans lequel les techniques et systèmes publicitaires ont constamment été présentés à nous comme l’utilisation la plus lucrative, efficace et souhaitable de nos talents. De nombreux professeurs de design et mentors promeuvent cette croyance ; le marché la récompense ; une marée de livres et de publications la renforce.

Encouragés dans cette direction, les concepteurs appliquent ensuite leurs compétences et leur imagination pour vendre des biscuits pour chien, cafés tendance, diamants, détergents, gel pour les cheveux, cigarettes, cartes de paiement, baskets, appareils pour tonifier les fessiers, de la bière légère et des camping-cars résistants. Le travail commercial a toujours payé les factures, mais de nombreux concepteurs ont fait le choix d’accepter ces travaux commerciaux plus rémunérateurs. C’est ainsi , de ce fait, que le monde perçoit la conception. Le temps et l’énergie de la profession sont épuisés par la demande de fabrication d’objets inutiles au mieux.

Beaucoup d’entre nous se sentent de plus en plus mal à l’aise par cette idée de la conception. Les concepteurs qui se consacrent leurs efforts principalement à la publicité, le marketing et le développement de la marque soutiennent et approuvent implicitement un environnement trop saturé par les messages publicitaires qu’il change la façon dont les citoyens et consommateurs parlent, perçoivent, se sentent, répondent et interagissent. Dans une certaine mesure nous contribuons tous à l’élaboration d’un code réducteur et infiniment nuisible, lié au discours public.


First Things First 2000 Il existe des projets plus dignes de nos compétences à résoudre des problèmes. Les crises environnementales , sociales et culturelles, campagnes de marketing public, livres, magazines, expositions, outils pédagogiques, émissions télévisuelles, films, causes caritatives et d’autres projets de conception de l’information créatifs, nécessitant de toute urgence notre expertise et notre aide.

Nous proposons un renversement des priorités en faveur de formes de communication plus utiles, durables et démocratiques – un changement de mentalité, loin de la commercialisation des produits et vers l’exploration et la production d’une nouvelle conception de notre métier. La portée du débat se réduit ; elle doit se développer. Le consumérisme fonctionne sans contestations ; il doit être remis en cause par d’autres opinions exprimées, en partie par les langages visuels et les ressources de design.

En 1964, 22 communicants visuels ont signé l’appel d’origine pour que nos compétences soient mieux utilisées. Avec la croissance explosive de la culture commerciale mondiale, leur message est devenu plus urgent. Aujourd’hui, nous renouvelons leur manifeste, en espérant qu’aucune décennie ne passera sans que le manifeste ne soit pris en compte.

Jouke Kleerebezem


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Des conditions particulièrement françaises

Dans une société assiégée par la consommation, peu de commandes (privées comme publiques) semblent en mesure de répondre aux attentes des designers graphiques. Contrairement à d’autres pays européens, tels que l’Allemagne ou les Pays-Bas principalement, très peu de corporations en France font un usage éclairé du graphisme. Au sein de l’hexagone, le design gaphique a du mal à s’imposer comme un facteur de développement.

Comme nous le savons tous, la France est le pays des Beaux-Arts, l’image d’une patrie classique et romantique. 22 Son retard au niveau de la sensibilité artistique se traduit par un désintérêt des Français pour l’art contemporain, ainsi qu’un certain mépris persistant pour les arts appliqués. Bloquée dans une pensée banale du rapport entre le public et une œuvre, elle n’a que rarement été confrontée à l’esprit artistique du XX e siècle. Des mouvements comme DaDa, les Situationnistes ou encore l’art optique, restent peu connus. Si de nombreuses galeries, telles que le Palais de Tokyo à Paris, proposent des expositions contemporaines, une structure comme le Musée du Louvre continue de dépasser les limites d’affluence.

Les perspectives d’un renouveau en France se heurtent à cette vision traditionaliste. La faiblesse de notre niveau national d’Anglais (inférieur aux normes européennes 23) est représentative de notre égocentrisme et de notre volonté de ne pas nous ouvrir. 24 Renforcé par la peur d’une crise économique, le conservatisme prime sur l’innovation, y compris dans les démarches artistiques et le design graphique. L’affiche n’a plus été un lieu d’expression et un espace de conflit dans notre pays depuis mai 1968.

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« En France, jusqu’à maintenant, seule la commande publique avait développé un rapport intelligent au graphisme, estime Pierre Bernard. Dans les pays anglo-saxons, même certaines entreprises privées y sont sensibles, mais dans notre pays, les responsables marketing en restent à la vision la plus grossière qui soit. Ils se moquent complètement de la dimension culturelle de ce travail. [...] Il n’y a aucune culture graphique dans ce pays, estime Vincent Perrottet. On n’apprend jamais à décoder les signes et les images. Toutes celles qui sont posées dans l’espace public sont indécodables, incritiquables, car non cultivées. » 25


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L’historienne de l’art et critique française Catherine de Smet proclame : « Plus que jamais, il faut œuvrer pour que la culture visuelle se développe en France. » La revendication d’une culture visuelle et graphique semble être une phase essentielle, afin d’être différenciée des images de la culture commerciale. L’affirmation de cette culture est devenue la spécialité des publications Graphisme en France qui, depuis les années 2000, cherchent à forger une culture graphique et à éclaircir sa compréhension.

Selon Catherine de Smet, « l’Histoire se reconstruit à partir des archives et des collections, et les pratiques contemporaines ne peuvent se développer dans l’ignorance de leurs racines. » 26 La construction et l’exposition de collections contribuent alors à la création d’un patrimoine graphique, tout comme les rassemblements tels que le concours du plus beau livre ou encore le concours de l’affiche de Chaumont, qui sont des manifestations importantes pour la reconnaissance. Elle souligne également les bénéfices qu’il peut y avoir à puiser dans le passé pour produire des formes nouvelles. Le graphiste et typographe bordelais Jack Usine travaille essentiellement le dessin de ses caractères en s’inspirant des signes de notre passé. Il a notamment développé, avec Fanny Garcia, la police Cnocession Souvenir, une typographie inspirée des lettres gravées sur les concessions du cimetière de Castillon-la-Bataille (leur ville d’origine).

La réappropriation de notre histoire graphique serait donc une étape importante à entreprendre d’urgence.


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Une certaine idéologie du travail

Le manque d’initiatives à l’égard du graphisme a été critiqué lors du colloque organisé pour le mois du graphisme d’Échirolles (38) en 2012. Ce genre d’événement cherche à ranimer l’importance et les enjeux du design graphique dans notre société, ainsi que le dynamisme et la pluralité des réflexions qui ont cours dans ce domaine. Marsha Emmanuel et François Barré, de la Délégation aux Arts Plastiques, contribuent à la prise de décision au sein de l’État pour la promotion du graphisme en France. 27 Les graphistes et théoriciens Daniël Van der Velden et Maureen Mooren, du studio néerlandais Metahaven, déclarent : « POUR QUE L’ON PRENNE RÉELLEMENT LE GRAPHISME AU SÉRIEUX, IL DOIT CONTENIR DE LA CONNAISSANCE, PAS SEULEMENT LIÉE À L’ERGONOMIE ET LA LISIBILITÉ, MAIS UNE VRAIE CONNAISSANCE : UNE CONNAISSANCE INTELLECTUELLE. » 28 Selon eux, le graphisme doit aborder une communication visuelle plus théorique ; il doit proposer des réflexions générales : psychologie humaine, comportement social et structure du savoir par exemple. A contrario du modèle de la société de consommation, les usagers ne sont pas des clients pour les graphistes qui doivent s’adresser aux citoyens pour répondre à leurs besoins et les orienter vers un « autre chose ».

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Le design graphique est une vocation artistique : il résulte d’une passion, de l’attraction d’une cause qui transcende ses praticiens. Cependant, c’est avant tout un métier, une pratique associant plaisir et travail. Ne pouvant échapper à la logique marchande, le graphisme est également contraint au statut de profession « nourricière ». François-Alexandre Guyot me confie : « Tout le monde a besoin de gagner sa vie, mais pas à n’importe quelles conditions. » 29 Rien n’empêcherait les graphistes de travailler pour gagner leur vie, tout en résistant aux conditions imposées par la société. Lors d’une conférence organisée dans le cadre de l’événement What Design Can Do (deux jours de séminaire aux Pays-Bas afin d’examiner le potentiel du design comme agent de renouveau social) en 2014, le styliste (et aujourd’hui homme d’affaires) Paul Smith décrit cela comme la pyramide du métier de créateur. À sa base, la pratique la moins gratifiante, considérée comme le « gagne-pain » ; à son sommet, le travail substantiel, ce qui nous tient vraiment à cœur ; et entre les deux, une zone hétérogène, relative au contexte de la production et du commanditaire. Certains graphistes, tels que le studio Metahaven évoqué précédemment, ou encore le graphiste français Vincent Perrottet, réussissent très bien à naviguer au sein de cette structure et à jouer sur tous les tableaux.

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Cette pratique devrait relever d’une certaine volonté d’échapper à la banalité et à l’uniformité. À mi-chemin entre l’esthétique et le message, la production visuelle qui en résulte est le produit de l’intelligence humaine ; elle est porteuse d’une puissante réflexion, non pas dans une visée de marché, mais dans un souci plus contemporain d’une société en pleine mutation. Ces créateurs n’étant pas au service d’une ambition commerciale, ils devraient emprunter un parcours radicalement opposé à la publicité pour affirmer leur reconnaissance. Alain Findeli, membre des Ateliers de la Recherche en Design à Nîmes, dit du graphisme qu’il doit tenter de renouer, sous l’opacité des formes du marketing, avec ce que vise toute pratique du design : une vérité du sujet. Rick Poynor voit, quant à lui, le designer graphique comme un journaliste visuel : sa production fonctionne comme un compte rendu de notre vie quotidienne sur un sujet étudié et approfondi afin d’en tirer quelque chose d’inédit à énoncer 30 – ce que semble avoir oublié l’image aujourd’hui. Selon le responsable d’institutions culturelles François Barré, co-fondateur du festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont, la mission originelle du graphisme est de transmettre un contenu, par des signes, en trouvant une voie d’expression pour participer à l’interrogation de son environnement. Il doit choisir le meilleur angle d’attaque dans la transmission d’un certain savoir, assumer violemment sa fonction contre l’état visuel du monde et l’ignorance du public.

D’après Jorge Frascara, professeur émérite en art et design de l’université d’Alberta au Canada :

« LA QUALITÉ EN DESIGN DEVRAIT ÊTRE MESURÉE SELON LES CHANGEMENTS QU’IL PRODUIT DANS LE PUBLIC ET QUE CET INTÉRÊT POUR LE PUBLIC FAIT DU GRAPHISME UNE SCIENCE SOCIALE. » 31

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Tendre vers cette production visuelle sociale, serait se résoudre à travailler autrement. D’après W.J.T. Mitchell, proposer un point de vue singulier susceptible de provoquer un débat, c’est renouer le dialogue entre les différentes versions du monde, les différentes langues, les différentes idéologies et les différentes représentations. 32


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« Il est difficile de parler du graphisme sans parler en même temps du cœur du métier : la mise en forme visuelle des messages. » 33

Si l’on veut « repenser » la communication, il faudrait reconsidérer le langage visuel et donc le définir précisément. Selon le critique de cinéma français Serge Daney, « le visuel ce n’est pas une image ». 34 Faire la distinction entre un visuel et une image revient à faire la distinction entre la vision et le regard.

Le visuel, de l’ordre de la vision, relève du désir de montrer.

L’image, de l’ordre du regard, relève quant à elle du désir de voir.

L’image publicitaire n’est donc pas une image : l’image publicitaire est un visuel. « Peut-être vivons-nous à une période où l’image disparaît et où le visuel est roi. » 35 Faire la distinction entre image et visuel est donc nécessaire si l’on veut apprendre à reconnaître le pouvoir des visuels et réapprendre à apprécier les images.

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« Une affiche pour toucher l’autre ne doit pas chercher à communiquer (terme employé par la pub) mais à subvertir avec bonheur le regard. » 36

Établir un nouveau langage visuel reviendrait à constituer une nouvelle façon de communiquer. Cette volonté de faire passer un message hors du contrôle marchand aboutirait à des signes, libres et porteurs de sens, afin d’élargir notre langage visuel et de forger notre propre opinion. Cela peut conduire à une relation visuelle plus humaine, qui dés-intimide le rapport à l’autorité et offre une passerelle au dialogue.


Des perspectives pour un renouveau ?

Dans son ouvrage, Rick Poynor soutient que le monde de l’image doit aller au-delà de la routine et apporter une contribution passionnante et réellement novatrice à la culture visuelle quotidienne. 37 Le graphisme doit alors devenir un vecteur important de la lutte contre la pollution visuelle et s’inscrire dans les préoccupations de cet espace pour un réel environnement public. Il peut, par exemple, prétendre à une possible serviabilité au service de l’urbanisme. Le créateur de caractères suisse Adrian Frutiger a conçu une typographie en 1968 – portant son nom – distribuée par Linotype en 1977, afin de répondre aux besoins de la signalétique. Lisible, fonctionnelle et esthétiquement innovante, elle est notamment utilisée pour la signalétique de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à Paris, pour certains panneaux des autoroutes suisses, mais aussi dans de nombreuses revues, couvertures de livres, affiches de films, systèmes de navigation et panneaux de musées. L’univers graphique des aires d’autoroute APRR arbore 87 nouveaux signes, dessinés par André Baldinger, qui dépassent leur rôle signalétique pour instaurer un véritable langage pictographique.

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Des perspectives pour un renouveau ?

« La nature de l’objet de l’affiche, et par extension la nature de l’apport du graphiste dans le processus de communication [...] est de faciliter la transmission des informations pour convaincre, modifier un comportement, faire réagir ou réfléchir. » « Connaissance technique, organisation du processus de production et contribution esthétique, voilà l’apport possible du graphiste à l’efficacité de la transmission d’un message. » 38


Des perspectives pour un renouveau ?

En guise de perspectives : quelques orientations possibles

À partir de cette analyse critique, qui a eu pour fonction de me donner à penser sur le graphisme, voici quelques perspectives de recherche.

Cette volonté de renaissance de l’image, de transformation des choses à l’égard du graphisme, s’inspire des principes philosophiques des avant-gardistes. Issus en France des principes de la Révolution, ces derniers ont cherché, depuis le XIXe siècle, à entreprendre des actions nouvelles afin de résister au conditionnement de la société et de rompre avec ses conventions. Se voulant l’opposé exact de l’académisme, leurs créations sont à la recherche de l’inattendu, afin de rompre avec le quotidien d’une société contemporaine.

Fondée en 1919 à Weimar en Allemagne, l’école du Staatliches Bauhaus est la première à employer le terme de design graphique. 39 Avec la vocation d’intervenir dans tous les domaines, notamment en architecture et en design, le groupe prône l’émergence du design par un mariage de l’art et de l’industrie. Le courant artistique du Bauhaus magnifie une création artistique développée, théorisée et appliquée dans le cadre d’une dominante de la fonction sur l’expression. Malheureusement, dans une société où les créations sont de style et non de fonction, cela n’a jamais été reconnu comme modèle de référence.

Dans une même approche de la création appliquée à toutes les sphères de la société, l’école néerlandaise De Stijl propose une vision universelle et organisée géométriquement de l’espace en utilisant les couleurs pures : une nouvelle lecture pour notre regard, une expression dans l’abstraction de la forme et de la couleur. 40 « La plupart de ses membres envisagent un environnement utopique par le biais de l’art abstrait, d’une harmonie universelle dans l’intégration complète de tous les arts. » 41 Ces principes ont notamment été utilisés en signalétique, pour la hiérarchisation cartographique ou encore pour le réseau du métro.

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Des perspectives pour un renouveau ?

Ces mouvements avant-gardistes ont cultivé une pratique créatrice comme moyen de leurs revendications. Ils utilisent une forme d’expression particulière pour se distinguer du paysage et proposer une lecture étonnante et innovante du contenu. « En Angleterre, aux Pays-Bas, en Suisse, voire en Allemagne, là où se sont développés des mouvements comme le Bauhaus, De Stijl, Ulm, le graphisme jouit d’un certain respect. » 42 Ces systèmes appliqués au graphisme, et plus généralement à l’image, valorisent une appréhension placée sous le signe de la nuance et de la multiplicité des sens : la libre interprétation du signe. Dans ce désir d’ouverture et de diversité de lecture, les graphistes Karin Van Den Brandt et Alex Clay, du studio néerlandais Lesley Moore, ont développé un catalogue d’exposition monographique d’Andrés Ramírez Gaviria : l’édition retranscrit l’aspect décomposé du travail de l’artiste à travers différentes compositions fractionnées de mises en page photographiques et typographiques.


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Proposer des projets expérimentaux peut alors renforcer une pratique engagée théoriquement contre le style commun.


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Le graphiste français Pierre Bernard déclare, à propos du graphisme : « Dans notre pays, il peut revendiquer une histoire ancienne et très riche, faite de fulgurances, mais il est marginalisé depuis trois générations. La raison, c’est que la publicité a pris possession des médias de masse à partir de 1970. » 43 Les médias numériques, de la télévision à internet, sont notamment les instruments de cet excès de communication marketing. Puisque les messages qui y sont délivrés sont le moyen de relier ou de délier à la même échelle qu’autorisent les médias auxquels ils doivent leur existence, le design graphique doit s’emparer du potentiel de ces médiums.

L’avènement du numérique peut être décrit comme un Pictural Turn 44 : terme inventé par W.J.T. Michtell pour décrire une remise en question des modes d’étude et de représentation des images qui émerge d’une situation historique particulière. Le design graphique peut alors exploiter le potentiel de ces médias, afin de développer de nouvelles possibilités, pour la résistance graphique dans le domaine du numérique. Porté par une génération de nouveaux créateurs nés dans l’ère de ces nouveaux médias et assagis par les travaux de leurs aînés, le médium moderne peut devenir l’outil de cette opposition visuelle. Le studio néerlandais LUST, spécialisé dans le design graphique et numérique interactif, propose de nombreuses créations critiques intégrant la participation active du public dans ses approches.

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Des perspectives pour un renouveau ?

Thierry Sarfis me déclare, à propos des nouvelles technologies et de leurs emplois dans la création graphique :

« BIEN D’AUTRES USAGES SONT ENCORE À VENIR,

SURTOUT POUR VOUS QUI ALLEZ TRAVAILLER AU MOINS JUSQU’EN 2060. » 45


Des perspectives pour un renouveau ?

Pierre Bernard précise : « La France est soumise à la domination de l’industrie publicitaire la plus puissante d’Europe. C’est le marketing qui décide, y compris dans la majorité des institutions. » 46 Selon l’écrivain politique américain Hakim Bey, «on ne peut détruire la structure autoritaire ; on ne peut que lui résister. » 47 L’espace public – désormais privé – peut devenir le lieu de la résistance au pouvoir visuel du capitalisme. Le graphisme se doit alors d’œuvrer pour construire un espace public pour la communication visuelle, pour un lieu d’expression libre.

Le groupe californien de musique expérimentale Negativland, très engagé dans la lutte contre la publicité, proclame : « De plus en plus conscient de la manière dont l’environnement médiatique influe et dirige notre vie, certains résistent... Le monde est l’atelier de l’agitateur culturel. » 48 Les tentatives de re-symbolisation de l’espace public doivent devenir une opposition à l’autorité marketing, à ce que l’on désapprouve. Hakim Bey propose, par exemple dans son livre paru en 1991, d’introduire la notion de Temporary Autonomous Zone (ou TAZ) : une zone d’autonomie temporaire, une vague de pouvoir, un soulèvement éphémère contre l’autorité.

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Des perspectives pour un renouveau ?

Comme le souligne Ken Garland dans son manifeste : « Nous ne défendons pas l’abolition de la publicité agressive, cela n’est pas faisable. » 49 Cependant, travailler dans les fenêtres, laissées ouvertes, du contrôle visuel marketing semble être une possibilité afin de proposer des moyens parallèles de communication. D’après Rock Poynor, cela doit passer par le désordre et la non-discipline, afin de perturber les structures du pouvoir établi de l’intérieur et de défier les formes réductrices du discours commercial. 50

« Les nouvelles méthodes d’action publique doivent éviter le piège de la dichotomie, désormais caduque, entre privé et public ; elles doivent au contraire créer de nouvelles possibilités d’agencement au sein des domaines publics. » 51


Des perspectives pour un renouveau ?

« Produire des énigmes visuelles qui mobilisent la pensée et convoquent la parole, seule voie pour que le graphisme participe à la constitution d’un espace public. » 52 Selon W.J.T. Mitchell, si une image nous tient captifs, c’est par son interprétation multi-sensorielle 53 (selon le spectateur). L’auteure canadienne Naomi Klein soutient cette interprétation de l’image et prône un graphisme riche d’une multitude de niveaux de lecture. Le design graphique devrait alors plutôt interroger et faire valoir une diversité de points de vue et un esprit critique, afin d’interagir avec son environnement de manière subtile. L’Art Optique (ou OpArt) par exemple, utilise les formes géométriques et les couleurs en vue d’une interaction indirecte, instantanée, avec le subconscient de son public. Comme le rappelle le philosophe français Gaston Bachelard : « La valeur d’une image se mesure à l’étendue de son auréole imaginaire. » 54

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Des perspectives pour un renouveau ?

D’après Cathertine McCoy, « Le design n’est pas un processus neutre sans valeur. » 55 Rick Poynor dit du graphisme, en tant qu’expertise formelle associée à un parti pris dans le rapport du contenu et de la forme, qu’il peut encore trouver d’autres moyens d’agir comme l’instrument d’une intention authentiquement « radicale ». Le graphisme doit donc générer ses propres théories et stratégies de résistance. 56 Il peut, par exemple, corrompre les codes en vigueur pour les utiliser à son avantage, ou encore en créer de nouveaux. L’érudit italien Umberto Eco, spécialiste de la sémiotique et de la communication de masse, prêche une véritable guerre contre la guérilla sémiotique du marketing. Le fondateur du magazine Adbusters Kalle Lasn, préconise, quant à lui, de combattre le mal par le mal, la pub par l’antipub, afin d’obtenir une légèreté démocratique qui permettra d’exprimer des points de vue contraires.

« La prochaine révolution – la troisième guerre mondiale – se fera dans vos têtes. » 57


Des perspectives pour un renouveau ?

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Des perspectives pour un renouveau ?

« Nous devons trouver notre propre manière d’affronter les exigences permanentes de cet environnement mental. » 59 Le design graphique est une pratique réfléchie pour un changement significatif ; il devrait s’engager dans une création et une conception critique de son environnement. L’image créée devrait prendre le pas sur le simple engagement esthétique pour donner du sens et de la beauté. Cela nécessiterait d’attacher de l’importance à la qualité des signes, afin de développer un langage des images esthétiques de la création et de l’art, pour se faire entendre à travers des mots, des signes et des images libres.

« Je les invite et les encourage à se détourner de leur statut de collaborateurs des pouvoirs et, par la force de leur nombre, à rendre une résistance visuelle puis une révolution culturelle possible. [...] Parce que, par leur travail, ils peuvent incliner une société dans un sens ou dans un autre et qu’il est urgent de le faire, je les invite et les encourage à réinventer les formes d’un monde où le développement de chacun puisse se faire dans l’harmonie de tous. » 60


Des perspectives pour un renouveau ?

« Le monde des communications visuelles est en constante transformation. Que ce soit par ses techniques, son approche, sa réflexion, ses supports, cette évolution soulève plusieurs enjeux. En tant que designers graphiques, nous nous devons d’être au centre du questionnement et de nous positionner. » 61

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Table des matières

Préambule Avant-propos

p. 5 p. 7

DES OBSERVATIONS DE LA CIVILISATION MODERNE

p. 11

Une société monotone et totalitaire

La consommation : un modèle grande vitesse L’art du capitalisme : l’esthétique commerciale De citoyen à consommateur : un problème d’identité

p. 12 p. 15 p. 18

Un système normalisé et corrosif

L’appropriation du potentiel de l’image La surexposition au regard Désorientation Culture visuelle de masse

p. 22 p. 26 p. 43 p. 46

LES SIGNES D’UN PAYSAGE VISUEL EN MOUVEMENT

p. 51

Diverses marques d’un bouleversement professionnel

Plusieurs mutations de l’environnement Entre changement de statut et rapport de force Différents retentissements sur l’activité graphique

p. 52 p. 56 p. 60

Des perspectives pour un renouveau ?

Des constats révélateurs d’une urgence Des conditions particulièrement françaises Une certaine idéologie du travail En guise de perspectives : quelques orientations possibles

p. 109 p. 116 p. 120 p. 128

Notes Bibliographie Iconographie Informations complémentaires

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Notes

Préambule & Introduction 1 • Entretien avec Thierry Sarfis, 27 novembre 2014. 2 • Guy Debord, La Société du spectacle, Gallimard, Folio, 1992, p. 39. 3 • Paul Dickinson et Neil Svensen, Beautiful Corporation : Corporate Style in Action, Edinburgh et Londres : Pearson Education, 2000, p. 15.

p. 5 p. 7 p. 8

DES OBSERVATIONS DE LA CIVILISATION MODERNE Une société monotone et totalitaire La consommation : un modèle grande vitesse 1 • Colin Jacobson, Friends of Foe?, Creative Review, novembre 2000, p. 47. 2 • Jean Baudrillard, Pour une critique de l’économie politique du signe, Gallimard, 1972, pp. 154-168. 3 • Peter Gay, The Enlightenment : An interpretation, vol. 2 : Science of Freedom, Wildwood House, 1973, p. 3. 4 • Zygmunt Bauman, La vie liquide, Fayard, Collection Pluriel, 2013. 5 • Dany-Robert Dufour, L’Art de réduire les têtes : Sur la nouvelle servitude de l’homme libéré à l’ère du capitalisme total, Denoël, p. 69.

p. 12 p. 13 p. 13 p. 14 p. 14

L’art du capitalisme : l’esthétique commerciale 6 • Zygmunt Bauman, La vie liquide, Fayard, Collection Pluriel, 2013, p. 127. 7 • François Brune, Le bonheur conforme : Essais sur la normalisation publicitaire, éditions de Beaugies, 2012, p. 40.

p. 17 p. 17

De citoyen à consommateur : un problème d’identité 8 • Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, L’esthétisation du monde : Vivre à l’âge du capitalisme artiste, Gallimard, 2013, p. 325. 9 • Zygmunt Bauman, La vie liquide, Fayard, Collection Pluriel, 2013, p. 16. 10 • Ibid, pp. 59-60. 11 • Thierry Sarfis, Sortir du graphisme de caserne, 2010.

p. 18 p. 18 p. 18 p. 20

Un système normalisé et corrosif L’appropriation du potentiel de l’image 12 • William John Thomas Mitchell, Iconologie : Image, Texte, Idéologie, Les Prairies Ordinaires, Collection Penser/croiser, 2009, p. 235. 13 • Jan Kounen, 99 francs, 1h39, 2007 14 • Article issu du site web llllitl.fr : Les annonceurs qui ont le plus dépensé en publicité dans le monde, décembre 2012. 15 • François Brune, Le bonheur conforme : Essais sur la normalisation publicitaire, éditions de Beaugies, 2012. 16 • Phrase d’accroche issue de la campagne télévisuelle 2013-2014. 17 • Blaise Candrars, Aujourd’hui, Le Crapouillot, 1927. 18 • Paul Valéry, Regards sur le monde actuel, Paris, Gallimard, Folio Essais, 1988, p. 75.

p. 22 p. 22 p. 22 p. 23 p. 24 p. 24 p. 25


Notes

La surexposition au regard 19 • Maxime Boidy et Stéphane Roth, L’indiscipline de l’image, dans William John Thomas Mitchell, Iconologie : Image, Texte, Idéologie, Les Prairies Ordinaires, Collection Penser/croiser, 2009. 20 • La publicité est partout, article tiré du Réseau Éducation-Médias. 21 • William S. Burroughs, James Gauerholz et Ira Silverberg (eds.), Word Virus : The William Burroughs Reader, Londres, Flamingo, 1999, p. 304. 22 • Vincent Perrottet, La loi du marché sur la tête, Communiqué de Presse, Exposition La Traverse, 2010, p. 2. 23 • Joe Carnahan, L’Agence tous risques, 1h59, 2010. 24 • Thierry Sarfis, Graphisme et pouvoir, Carnet du centre du graphisme et de la communication visuelle d’Échirolles, 2004, p. 8. 25 • Nick Compton, The revolution will not be franchised, i-D, n°205, janvier 2001, p. 85. 26 • Entretien avec François-Alexandre Guyot, Association Paysages de France, Besançon, 7 novembre 2014. 27 • Le Nouvel Observateur, Grenoble veut bannir les publicités de ses rues, 23 novembre 2014.

p. 26 p. 26 p. 26 p. 27 p. 28 p. 28 p. 28 p. 29 p. 30

Désorientation 28 • François Brune, Le bonheur conforme : Essais sur la normalisation publicitaire, éditions de Beaugies, 2012, pp. 17-67. 29 • Ibid, p. 9. 30 • Rick Poynor, La loi du plus fort. La société de l’image, Pyramid, 2002, pp. 116-117. 31 • François Brune, Le bonheur conforme : Essais sur la normalisation publicitaire, éditions de Beaugies, 2012, p. 25. 32 • Thierry Sarfis, Sortir du graphisme de caserne, 2010. 33 • Hugues Boekraad, Mon Travail Ce N’est Pas Mon Travail - Pierre Bernard, Design Pour Le Domaine Public, Lars Müller Publishers, 2007. 34 • Thierry Sarfis, Graphisme et pouvoir, Carnet du centre du graphisme et de la communication visuelle d’Échirolles, 2004, p. 12.

p. 43 p. 43 p. 44 p. 44 p. 44 p. 45 p. 45

Culture visuelle de masse 35 • Claude Levis-Strauss, Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss, dans Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, Pairs, P.U.F., 1960. 36 • Paul Baker, Malls are Wonderful, Independant on Sunday, 28 octobre 1998, p. 12. 37 • William John Thomas Mitchell, Iconologie : Image, Texte, Idéologie, Les Prairies Ordinaires, Collection Penser/croiser, 2009, p. 5. 38 • François Brune, Le bonheur conforme : Essais sur la normalisation publicitaire, éditions de Beaugies, 2012, p. 268. 39 • James B. Twitchell, Adcult USA : The triumph of Advertising in American Culture, New York, Columbia University Press, 1996.

p. 46 p. 47 p. 48 p. 48 p. 49


Notes

LES SIGNES D’UN PAYSAGE VISUEL EN MOUVEMENT Diverses marques d’un bouleversement professionnel Plusieurs mutations de l’environnement 1 • Entretien avec Thierry Sarfis, 27 novembre 2014. 2 • Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, L’esthétisation du monde : Vivre à l’âge du capitalisme artiste, Gallimard, 2013, pp. 48-49. 3 • Non à l’exploitation du travail gratuit comme modèle de réussite en France, Lettre ouverte à Madame Axelle Lemaire, http://www.travailgratuit.com/, 2014. 4 • Cécilia Di Quinzio, Graphistes en colère : le débat continue, Télérama.fr, Arts & Scènes, 10 juillet 2013. 5 • Metropolis M magazine, Research & Destroy : Graphic Design as Investigation, n°2, 2006.

p. 52 p. 53 p. 54 p. 54 p. 55

Entre changement de statut et rapport de force 6 • Richard Lagrange, Editorial de Graphisme en France, Centre National des Arts Plastiques, 2014, p. 9. 7 • Entretien avec Thierry Sarfis, 27 novembre 2014. 8 • Rick Poynor, La loi du plus fort. La société de l’image, Pyramid, 2002, p. 58. 9 • Thierry Sarfis, Graphisme et pouvoir, Carnet du centre du graphisme et de la communication visuelle d’Échirolles, 2004.

p. 56 p. 57 p. 59 p. 59

Différents retentissements sur l’activité graphique 10 • Ibid, p.17. 11 • Xavier de Jarcy, Graphistes en colère : pourquoi ils ne veulent plus “fermer leur gueule”, Télérama.fr, Arts & Scènes, 1er juillet 2013. 12 • Cécilia Di Quinzio, Graphistes en colère : le débat continue, Télérama.fr, Arts & Scènes, 10 juillet 2013. 13 • Guide de la commande de design graphique, Centre National des Arts Plastiques, 27 octobre 2014. 14 • Xavier de Jarcy, Les graphistes en colère enfin entendus ?, Télérama.fr, Arts & Scènes, 4 décembre 2014. 15 • Rick Poynor, La loi du plus fort. La société de l’image, Pyramid, 2002, p. 122.

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Des perspectives pour un renouveau ? Des constats révélateurs d’une urgence 16 • Rick Poynor, La loi du plus fort. La société de l’image, Pyramid, 2002, pp. 136-140. 17 • Ibid, pp. 141-144. 18 • Vincent Perrottet, Partagez le regard, http://www.partager-le-regard.info/, 2013. 19 • Cole Peters, First Thing First 2014, http://firstthingsfirst2014.org/, 2014. 20 • William John Thomas Mitchell, Iconologie : Image, Texte, Idéologie, Les Prairies Ordinaires, Collection Penser/croiser, 2009, p. 20. 21 • Massimo Vignelli, The First Symposium on the History of Graphic Design, USA, 1938.

p. 110 p. 110 p. 111 p. 111 p. 111 p. 111


Notes

Des conditions particulièrement françaises 22 • Alain Weill, Le Design Graphique, Gallimard, Collection Découvertes, 2003, p. 18. 23 • Assma Maad, Les Français toujours aussi faibles en anglais, Le Figaro, novembre 2012. 24 • Laurent Goulvestre, Manchote de la mondialisation : la France manque-t-elle de savoir-être interculturel ?, 2013. 25 • Xavier de Jarcy, Graphistes en colère : pourquoi ils ne veulent plus “fermer leur gueule”, Télérama.fr, Arts & Scènes, 1er juillet 2013. 26 • Catherine de Smet, Graphisme en France, Centre National des Arts Plastiques, 2003.

p. 116 p. 116 p. 116 p. 117 p. 119

Une certaine idéologie du travail 27 • Graphisme en France, Centre National des Arts Plastiques, 2014. 28 • Metahaven, Uncorporate Identity, Lars Müller Publishers, 2010. 29 • Entretien avec François-Alexandre Guyot, Association Paysages de France, Besançon, 7 novembre 2014. 30 • Rick Poynor, La loi du plus fort. La société de l’image, Pyramid, 2002, pp. 185-188. 31 • Jorge Frascara, Graphic design : fine art or social science ?, dans Victor Magolin et Richard Buchanan (eds.), The idea of Design : A Design Issues Reader, Cambridge, Mass. et Londre : MIT Press, 1995, pp. 44-55 32 • William John Thomas Mitchell, Iconologie : Image, Texte, Idéologie, Les Prairies Ordinaires, Collection Penser/croiser, 2009, p. 15. 33 • Entretien avec Thierry Sarfis, 27 novembre 2014. 34 • Dominique Quessada, L’esclavemaître, Paris, Édition Verticales/Éd. Le Seuil, 2002, p. 110. 35 • Ibid, p. 111. 36 • Vincent Perrottet, La loi du marché sur la tête, Communiqué de Presse, Exposition La Traverse, 2010, p. 1. 37 • Rick Poynor, La loi du plus fort. La société de l’image, Pyramid, 2002, p. 12. 38 • Thierry Sarfis, Sortir du graphisme de caserne, 2010.

p. 120 p. 120 p. 121 p. 122

p. 123 p. 123 p. 124 p. 124 p. 124 p. 125 p. 126 p. 127

En guise de perspectives : quelques orientations possibles 39 • Alain Weill, Le Design Graphique, Gallimard, Collection Découvertes, 2003, p. 46. 40 • Ibid, p. 42. 41 • Marek Wieczorek, Maison Rietveld Schröder, Centraal Museum Utrecht, Wikipedia.fr 42 • Xavier de Jarcy, Graphistes en colère : pourquoi ils ne veulent plus “fermer leur gueule”, Télérama.fr, Arts & Scènes, 1er juillet 2013. 43 • Ibid. 44 • W.J.T. Mitchell, Iconologie : Image, Texte, Idéologie, The university of Chicago Press, 1986, p. 19 45 • Entretien avec Thierry Sarfis, 27 novembre 2014. 46 • Xavier de Jarcy, Graphistes en colère : pourquoi ils ne veulent plus “fermer leur gueule”, Télérama.fr, Arts & Scènes, 1er juillet 2013. 47 • Critical Art Ensemble, Ekectronic Civil Disobedience and Other Unpopular Ideas, Brooklin : Autonomedia, 1996, p. 24.

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Notes

En guise de perspectives : quelques orientations possibles 39 • Alain Weill, Le Design Graphique, Gallimard, Collection Découvertes, 2003, p. 46. 40 • Ibid, p. 42. 41 • Marek Wieczorek, Maison Rietveld Schröder, Centraal Museum Utrecht, Wikipedia.fr 42 • Xavier de Jarcy, Graphistes en colère : pourquoi ils ne veulent plus “fermer leur gueule”, Télérama.fr, Arts & Scènes, 1er juillet 2013. 43 • Ibid. 44 • W.J.T. Mitchell, Iconologie : Image, Texte, Idéologie, The university of Chicago Press, 1986, p. 19 45 • Entretien avec Thierry Sarfis, 27 novembre 2014. 46 • Xavier de Jarcy, Graphistes en colère : pourquoi ils ne veulent plus “fermer leur gueule”, Télérama.fr, Arts & Scènes, 1er juillet 2013. 47 • Critical Art Ensemble, Electronic Civil Disobedience & Other Unpopular Ideas, Brooklin : Autonomedia, 1996, p. 24. 48 • Negativeland, cité dans Mark Dery, Culture Jamming : Hacking, Slashing, and Sniping il the Empire of Signs, Westerfield, NJ : Open Magazine Pamphlet Serie, 1993, p. 6. 49 • Ken Garland, First things first : a manifesto, dans A Word in your Eye, 1964, p. 30. 50 • Rick Poynor, La loi du plus fort. La société de l’image, Pyramid, 2002, p. 148-149. 51 • Knowbotic Research, dans Mark Tribe et Reena Jana, Art des nouveaux médias, Taschen, 2006, p. 56. 52 • Marie-José Mondzain, cité dans Corentin Mallet, Ma ville, ma muse (Ma ville m’amuse), 2013. 53 • William John Thomas Mitchell, Iconologie : Image, Texte, Idéologie, Les Prairies Ordinaires, Collection Penser/croiser, 2009, p. 51. 54 • Gaston Bachelard, L’air et les songes : essai sur l’imagination du mouvement, Introduction, Paris : Librairie José Corti, 1943, p. 5-6. 55 • Catherine McCoy, Countering the Tradition of the apolitical designer, dans Essay on Design 1 : AGI’s Designers fo Influence, Londres : Booth-Clibborn Édition, 1997, p. 90. 56 • Rick Poynor, La loi du plus fort. La société de l’image, Pyramid, 2002, p. 131. 57 • Kalle Lasn, The meme wars, Adbusters, n°23, Project of revolution, automne 1998, p. 7. 58 • Thierry Sarfis, Sortir du graphisme de caserne, 2010, p. 2. 59 • Rick Poynor, La loi du plus fort. La société de l’image, Pyramid, 2002, p. 13. 60 • Vincent Perrottet, La loi du marché sur la tête, Communiqué de Presse, Exposition La Traverse, 2010, p. 3-4. 61 • Pica Magazine, n°2, La transformation, Université du Québec à Montréal, Montréal, 2012.

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Bibliographie

Ouvrages • Zygmunt Bauman, La vie liquide, Fayard, Collection Pluriel, 2013. • François Brune, Le bonheur conforme : Essais sur la normalisation publicitaire, éditions de Beaugies, 2012.

Magazines

• Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, L’esthétisation du monde : Vivre à l’âge du capitalisme artiste, Gallimard, 2013.

• Graphisme en France, Centre National des Arts Plastiques, Paris, 2014.

• William John Thomas Mitchell, Iconologie : Image, Texte, Idéologie, Les Prairies Ordinaires, Collection Penser/croiser, 2009.

• Pica Magazine, n°2, La transformation, Université du Québec à Montréal, Montréal, 2012.

• Rick Poynor, La loi du plus fort. La société de l’image, Pyramid, 2002. • Thierry Sarfis, Graphisme et pouvoir, Carnet du centre du graphisme et de la communication visuelle d’Échirolles, 2004. • Alain Weill, Le Design Graphique, Gallimard, Collection Découvertes, 2003.

Articles • Xavier de Jarcy, Graphistes en colère : pourquoi ils ne veulent plus “fermer leur gueule”, Télérama.fr, Arts & Scènes, 1er juillet 2013. • Cécilia Di Quinzio, Graphistes en colère : le débat continue, Télérama.fr, Arts & Scènes, 10 juillet 2013.


Bibliographie

Événements Manifestes • Divers auteurs, First Things First 2000, dans le magazine Adbusters, 1999-2000. • Ken Garland, First things first : a manifesto, dans A Word in your Eye, 1964. • Vincent Perrottet, Partagez le regard, http://www.partager-le-regard.info/, 2013.

• Festival international de l’affiche et du graphisme, Chaumont, 2010-2014. • Entretien avec François-Alexandre Guyot, association Paysage de France, Besançon, 7 novembre 2014. • Séminaire What Design Can Do, Amsterdam, 8 et 9 mai 2014. • Laurent Devèze, Séminaire philosophique Qu’est ce que communiquer ?, Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon, 2014.

• Cole Peters, First Thing First 2014, http://firstthingsfirst2014.org/, 2014. • Rick Poynor, First Things First Revisited, dans le magazine Emigre, 1999-2000.

Textes • Non à l’exploitation du #travailgratuit comme modèle de réussite en France, Lettre ouverte à Madame Axelle Lemaire, http:// www.travailgratuit.com/, 2014. • Thierry Sarfis, Sortir du graphisme de caserne, 2010. • Vincent Perrottet, La loi du marché sur la tête, Communiqué de Presse, Exposition La Traverse, 2010.


Iconographie


Iconographie


Iconographie

Page 8 :

Page 16 :

Shi-Zhe Yung, Corporate flag, magazine Adbuster, drapeau, 2000.

Paul Rand, Eye-Bee-M, IBM, logo et affiche, 1981.

Page 20-21 :

Page 23 :

Andreas Gursky, 99 Cents, Histoire des arts, photographie, 1999.

Mathieu Wolff, E.Leclerc / Mai 68, agence Australie, affiches, 2010.

Page 27 : Divers auteurs, Votre publicité ici, Google image, bannières web, 2014.

Page 31-41 : Paysages de France, Kivoitou, association Paysages de France, édition, 2012.

Page 53 : Angus Hyland, Symboles : quand la marque se fait emblème, édition Pyramid, couverture, 2010.

Page 58 : Divers auteurs, Graphisme en France 1995-2015, dans Graphisme en France 2014, couverture des 20 éditions, 2014.

Page 62 : Flore Canova, Mathieu Potevin, Geoffroy Sampaolo et Jérémie Tourant, Vous le voulez comment votre projet ? IAM architectes, affiche, 2012.

Page 63-108 : Frank Adebiaye, La commande de design graphique, Centre National des Arts Plastiques (CNAP), édition, 2014.


Iconographie

Page 110-111 :

Page 118-119 :

Ken Garland, First Things First, journal The Guardian, texte / manifeste, 1964.

Fanny Garcia et Jack Usine (GUsto), Cnocession Souvenir, zirkumflex, édition, 2010.

Page 123 :

Page 126 : Andre Baldinger (Baldinger•Vu-Huu), 87 pictogrammes, APRR, identité visuelle et signalétique, 2012.

Christophe Jacquet, 24e Festival international de l’affiche et du graphisme, CIG-Chaumont, affiche, 2013.

Page 128 : Karin van der Brandt et Alex Clay (Lesley Moore), LOVE, Lesley Moore, image, 2014.

Page 129-131 : Page 133 : Jeroen Barendse, Thomas Castro et Dimitri Nieuwenhuizen (LUST), Posterwall 2.0, Walker Art Center, projection, 2010. Page 134 : Jonathan Barnbrook, Designers, stay away from corporations that want you to lie for them, magazine Adbuster, photographie, 1991.

Karin van der Brandt et Alex Clay (Lesley Moore), Andrés Ramírez Gaviria, Lesley Moore et Onomatopee, édition, 2012.

Page 136 : Joseph Kosuth, One and three chairs, Centre Pompidou, photographie, 1965.



Directeur de mémoire : Michel Collet. Rédaction et mise en page : Thomas Perrin. Traduction française des manifestes : Slater, Clare Desperonnat. Relecture : Pierre-Noël Bernard, Anaïs Maillot-Morel, Sylvie Trillat. Impression : Simon graphic (ZI Noirichaud 25290 Ornans, France). Papiers : Intérieur, freelife cento (140 g/m2) et symbol freelife satin (150 g/m2). Couverture, plike noir 2 face (330 g/m2). Typogaphies : Akkurat (Laurenz Brunner, Lineto). Lyon (Kai Bernau, Carvalho Bernau). Remerciements : Pierre-Noël Bernard, Mélissa Bojama, Michel Collet, Clare Desperonnat, Christophe Gaudard, François-Alexandre Guyot, Anaïs Maillot-Morel, Nanta Novello-Paglianti, Pierre-Jean Perrin, Thierry Sarfis, Tassadit Simon, Sylvie Trillat.





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