VX Sport

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G R A N D FO R MAT

WEEK-END

ATTENTION, VOUS ÊTES SUIVIS

Les joueurs français, comme tous ceux des grandes nations du rugby, disputent la Coupe du monde équipés d’un système GPS. Visite high-tech.

AVANT LE PREMIER MATCH, contre le Japon samedi dernier, les joueurs français n’ont pas seulement enfilé leur traditionnelle tenue. Pour la première fois en Coupe du monde, ils ont joué équipés de GPS, ce système de positionnement global si cher aux automobilistes. Ils l’avaient déjà utilisé contre l’Irlande en août, en match de préparation. Le GPS renseigne sur la distance parcourue, la vitesse et le nombre d’accélérations. Il est utilisé par toutes les grandes et riches nations du rugby depuis 2009. Cette technologie n’est pas récente dans les sports collectifs et en Australie les équipes de football et de rugby à XIII l’utilisent depuis une dizaine d’années. Et si les rugbymen néo-zélandais et australiens y avaient déjà recours en club depuis quatre ou cinq ans, ce n’est que depuis septembre 2010 que l’International Board a donné son autorisation au port du GPS en matches officiels internationaux.

UN GPS SUR MESURE POUR LES BLEUS La Fédération française (FFR) a développé son propre outil. « Ces nouvelles technologies évoluent très vite et on

craignait d’acheter un système très cher (équiper un groupe de 30 joueurs peut dépasser les 50 000 euros) qui deviendrait vite obsolète », explique Julien Piscione, responsable du pôle scientifique du Centre national de rugby (CNR). La France a donc décidé de développer son propre système plutôt que de s’orienter vers les trois grands fournisseurs : VX (fournisseur néozélandais), Catapult et GPS Sport (australiens). En collaboration avec la société Thales (spécialisée dans l’aéronautique et le domaine militaire), la FFR a travaillé pendant un an avec Digital Simulation, une société spécialisée en géolocalisation. À ce jour, tous les brevets ne sont pas déposés et le produit n’est pas encore commercialisé. D’où une certaine frilosité pour détailler ce prototype de GPS made in FFR.

Quelques exemples des données que l’on peut obtenir grâce au système GPS. Le déplacement d’un joueur sur le terrain (ici pendant 10’26’’), les différentes couleurs indiquant les tranches de vitesse ; le détail des courses d’un joueur sur un match (le petit cercle symbolise la première mi-temps, le grand la seconde) ; le relevé d’une course et les fréquences cardiaques de toute une équipe (à l’échauffement et en match). (Source XVSport)

sur le terrain. » Actuellement, le GPS localise une personne dans un carré de deux mètres de côté : suffisant quand on est en voiture mais un peu juste sur un terrain avec un partenaire à côté. « On voudrait utiliser cette technologie pour comprendre les stratégies de jeu et analyser plus finement toute l’organisation collective et les performances interindividus au sein de l’équipe », continue le scientifique. La première fois que les Bleus ont mis leur GPS en match, ils ont eu peur d’être encombrés. « Finalement, pas du tout et même pas en mêlée », insiste Guilhem Guirado, talonneur du quinze de France qui, comme tout le monde, doit signer une lettre à l’IRB pour utiliser l’engin.

QUEL APPORT ? « Le GPS permet de bien comprendre ce qui se passe durant un match de rugby, analyse Didier Retière, le coach des avants français. Car, à la différence de l’athlétisme où l’on a une distance précise à parcourir, on a du mal à connaître l’activité réelle du joueur sur le terrain. Avec ce système, on évalue la charge du match sur le joueur et on peut adapter la récupération de manière individualisée. Surtout, on

POUR QUOI FAIRE ? « Le système GPS permet une analyse très quantitative (déplacements, accélérations, vitesses du joueur…), explique Piscione, mais ce qui nous intéresse à terme, c’est de mettre au point des innovations technologiques qui permettront d’avoir une idée plus précise de la position de chaque joueur

PASCAL VALENTINI, préparateur physique du Racing-Métro, se souvient de la première réaction des joueurs confrontés au système GPS. « DEPUIS QUAND utilisez-vous la technologie GPS au Racing ? – Depuis juin 2010. C’est un outil qui nous sert énormément à l’entraînement, mais nous ne l’utilisons pas encore en match. – Cette technologie s’est largement répandue dans le rugby ces dernières saisons et beaucoup de clubs, notamment en Grande-Bretagne et dans l’hémisphère Sud, sont équipés… – Attention tout de même à ne pas “ sacraliser ” cet outil. Il n’a rien de révolutionnaire et de nombreux sportifs, notamment ceux qui font des courses en montagne, l’utilisent depuis une bonne dizaine d’années. Le but est de rationaliser objectivement la quantité et l’intensité du travail de nos joueurs dans des situations de jeu collectif. Quand ils courent partout sur le terrain, lors d’une partie de rugby à toucher par exemple, il nous était jusque-là impossible de quantifier la distance parcourue, la vitesse… C’était au pifomètre. Désormais, c’est possible. – Cela modifie-t-il la façon de s’entraîner ? – Évidemment. On introduit désormais de plus en plus de rugby dans notre préparation physique et on fait de moins en moins de séries de courses. Les 10 × 100 m, les 20 × 50 m, tous ces fractionnés ont tendance à disparaître et à être remplacés par des jeux, à quatre contre quatre, huit contre huit, etc., sur des moitiés de terrain ou des terrains entiers. On varie les jeux pour pouvoir travailler le cardio, l’accélération, l’endurance, la vitesse et, tout en travaillant ces secteurs, les joueurs continuent à jouer au rugby, à affiner leur passe, leur vision, leur technique. – Les données auxquelles ce système donne accès sont très nombreuses. Comment les utilisezvous ? – On prend ce qu’on veut, on croise les données en fonction du secteur énergétique que l’on souhaite solliciter. Mais ce n’est pas miraculeux non plus. Quand le commercial vient te proposer son produit, tu as l’impression que tu es dans un jeu vidéo, que tu peux tout contrôler, tout

peut bien doser les quantités d’entraînement par rapport à ce que représente l’effort d’un match. Le but étant de faire travailler les joueurs au plus près de l’intensité d’un match sans les surfatiguer. » À l’instar de beaucoup de système GPS, le modèle français offre un retour en temps réel des données. À l’entraînement, les joueurs regardent souvent l’ordinateur posé au bord du terrain pour visionner leurs performances. Estce à dire que ce système pourrait devenir un outil de coaching en match ? « Si un joueur a parcouru une trop grande distance, on pourrait effectivement faire remonter l’information à l’entraîneur, extrapole Julien Deloire, l’un des préparateurs physiques de l’équipe de France. Mais on ne l’a jamais fait. Attention, il ne faut pas oublier l’essence de notre métier et être dépassé par la technologie. » ANNE LADOUCE

GPS mode d’emploi oi 1

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Grâce à plusieurs dizaines de satellites tes gravitant autour de la Terre disponibles bles pour le civil et donc gratuits, le GPS (contenu dans le boîtier portéé entre les deux omoplates) calcule la position on et la vitesse du joueur en trois dimensions. ons. Ces informations sont rafraîchies plusieurs usieurs fois par seconde.

« Laisser la technologie à sa place »

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Pulsations maximales

Localisation Google Earth

Pulsations moyennes

Distance p parcourue B A

Vitesse maximale

L’équipement GPS du Racing-Métro

Charges h e d’entraînement ’ r ne e t cumulées

– Est-ce qu’un entraîneur s’en sert pour sélectionner tel joueur plutôt que tel autre ou, dans les cas où le système est utilisé en match, pour effectuer des remplacements ? – Est-ce qu’un outil comme le sensor GPS, aussi performant soit-il, doit diriger tout ça ? Je ne pense pas. Bien sûr, si tu cherches à aligner une équipe qui sait accélérer, tu connais les joueurs qui ont les meilleures dispositions dans ce domaine. Mais, en match, qui te dit qu’un mec crevé ne va pas être celui qui, à la dernière minute, va traverser tout le terrain pour planter un essai, sur son mental ou tout autre chose qui ne peut pas se mesurer ? Il faut laisser la technologie à sa place. – Comment les joueurs ont-ils accueilli cet objet ? N’est-il pas un peu intrusif ? Colin Cooper, le coach de l’équipe néozélandaise des Hurricanes, a déclaré : “ Avec le GPS, on peut voir qui travaille dur et qui a besoin de progresser. Personne ne peut plus se cacher. ” – Au début, c’est vrai, il y a eu des réticences. Les gars disaient : “ Mais vous allez nous fliquer !” On y est donc allé progressivement, n’équipant d’abord que ceux qui étaient partants. Très vite, ceux qui n’en avaient pas, en voyant les autres décrypter leurs données, ont eu envie de savoir pour eux-mêmes. Au fond, les joueurs sont demandeurs de faire plus et mieux. Il s’agit d’instaurer avec eux un rapport de confiance. Le but n’est pas de punir mais d’aider à progresser. » DOMINIQUE ISSARTEL

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LE NOMBRE de clubs équipés de GPS dans le Top 14 : Racing-Métro, Stade Français (ces deux équipes ne l’utilisent qu’à l’entraînement) et Brive (le club n’a que dix appareils).

A

Nombre et durée des sprints p

mesurer, mais ce n’est pas ça non plus. Au Racing, on se sert beaucoup des critères qui définissent la vitesse, divisés en cinq tranches : 0-7 km/h, 7-12 km/h, 12-17 km/h, 17-22 km/h et 22-40 km/h. Deux des données les Comparatif om ara f d de plus pertinentes, selon moi, sont la plusieurs us rs séa séances éa es capacité d’accélération d’un joueur, qui se mesure en mètres par seconde, et l’intensité. On peut parfois travailler plus efficacement sur une demi-heure, à une vitesse précise, que pendant deux heures au pifomètre.

Vitesse moyenne

Compilation de données

A

Capacité pacité d’accélération élé élération

Rapport effortrécupération

Équipés comme les All Blacks LES 38 JOUEURS du Racing-Métro disposent d’un sensor GPS de la marque XVSport, également fournisseur des équipes nationales de Nouvelle-Zélande et du Japon, du club anglais de Sale, de la province irlandaise du Munster ou encore de l’armée et des arbitres néo-zélandais. Le club francilien, le premier à adopter ce système en France, a bénéficié d’un tarif préférentiel (environ 50 % de réduction) à l’époque où la marque kiwie n’avait pas encore de distri-

buteur en Europe et déboursé 1 750 dollars néo-zélandais (environ 1 000 euros) par appareil. Le Racing a spécialement créé un poste de préparateur physique et Laurent Debrousse – le préparateur en question – passe 80 % de son temps à s’occuper de la gestion des données GPS, charger et décharger les appareils, les coupler avec des cardiofréquence-mètre. Chaque jour et chaque semaine, il fournit aux joueurs et aux entraîneurs un bilan des données individuelles et collectives. – D. I.

EN EUROS, le prix du GPS de marque australienne utilisé par Brive.

106

5,2

LE NOMBRE de phases d’accélération de Thierry Dusautoir enregistrées face à l’Irlande, le 13 août.

LE NOMBRE de kilomètres parcourus par Luc Ducalcon contre l’Irlande, le 13 août. Une valeur importante pour un pilier.

L’étude anglaise

Dépense énergétique

B

2 000

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EN J OUR S, le délai nécessaire pour poser une demande auprès de la LNR pour pouvoir jouer un match avec un système GPS. L’adversaire doit donner son accord avant d’affronter des joueurs équipés d’un sensor GPS.

DURANT trois saisons, la Fédération anglaise (RFU) a confié à des chercheurs de l’université de Chester une vaste enquête destinée à décoder les performances accomplies par les joueurs de la Premiership (le Championnat anglais, qui comprend douze équipes) en match grâce au système GPS. L’étude, en partie sponsorisée par l’Institut du sport anglais et dont les résultats ont été

rendus publics en avril, était fondée sur 8 clubs (Bath, Exeter Chiefs, Harlequins, Leicester, London Irish, London Wasps, Northampton, Sale), 54 rencontres et 101 joueurs équipés d’un sensor GPS. Les résultats montrent de grandes différences selon les postes. Ainsi, quand les avants parcourent une moyenne de 4,45 km dans un match, un demi de mêlée couvre 6,84 km. La vitesse maximale pour les avants est de 23,7 km/h et de 30,7 km/h pour les ailiers. Cette étude n’est qu’une étape. La suivante consistera à mesurer les chocs infligés ou reçus par un joueur en match.

POSTES

DISTANCE TOTALE DISTANCE DISTANCE PARCOURUE PARCOURUE À MOINS PARCOURUE À PLUS VITESSE DE 12 KM/H (pourcentage) DE 18 KM/H (pourcentage) MAXIMALE

Première-ligne

4,45 km

3,15 km (74,10 %)

0,15 km (4 %)

23,70 km/h

Deuxième-ligne

5,25 km

3,97 km (74,83 %)

0,16 km (3,08 %)

25 km/h

Troisième ligne

5,88 km

4,05 km (72,72 %)

0,41 km (8,16 %)

27,65 km/h

Demi de mêlée

6,84 km

4,53 km (65,76 %)

0,56 km (9,50 %)

29 km/h

Centres

6,49 km

4,49 km (71,26 %)

0,58 km (9 %)

29,40 km/h

Ailiers et arrières 6,04 km

4,31 km (72,65 %)

0,61 km (10 %)

30,70 km/h

Photos Marc Francotte, Richard Martin, Christophe Petit-Tesson, Alain Mounic, Bernard Papon, Stéphane Mantey, Pascal Rondeau et Pierre Lablatinière/L’Équipe

Avec son antenne émettrice, le GPS envoie ensuite vers l’ordinateur (doté d’une antenne de réception) les informations, qui sont traitées instantanément.

Sur l’écran de l’ordinateur, le préparateur physique visionne en direct les données de chaque joueur : fréquence cardiaque, vitesse instantanée, distance totale parcourue, nombre d’accélérations, ainsi que, pour certains systèmes, le nombre d’impacts (donnés et reçus) grâce à une centrale inertielle, incluse dans le boîtier, qui mesure les accélérations à très haute intensité (impact supérieur à 8 G,soit huit fois le poids du joueur). Il peut éventuellement communiquer par oreillette avec l’entraîneur en tribune...

Quand le rugby innove LES LUNETTES STROBOSCOPIQUES LE 2 AOÛT à Marcoussis, lors d’un entraînement public, les joueurs du quinze de France ont chaussé de drôles de lunettes. Fournies par leur équipementier, Nike, elles permettent une occultation partielle de la vue de chaque œil avec effet stroboscopique (vitesses plus ou moins rapides). « On a plus de précision dans la vision périphérique, explique l’ailier Vincent Clerc, et on gagne quelques centièmes de seconde sur une phase de jeu. »

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LA COMBINAISON BIOTECHNOLOGIQUE DEPUIS DEUX ANS, Gonzalo Quesada, l’entraîneur des buteurs français, s’appuie sur la combinaison biotechnologique. Équipée de 17 capteurs disposés de la tête aux pieds du buteur et reliés à un ordinateur par Bluetooth, cette combinaison en Licra permet d’enregistrer le geste en trois dimensions. Le logiciel Sophus (7 000 /) recueille les données pour une analyse mécanique du mouvement. « On analyse chaque angle de chaque articulation du corps, le mouvement du bassin », détaille Carole Girard, responsable administratif et commercial de la société Kheotek, fournisseur du logiciel. « On a un certain ressenti quand on frappe mais pas d’indicati on m athé ma tique, expliquait François TrinhDuc dans un reportage diffusé sur France 2 en mars. Avec ce logiciel, on comprend pourquoi on n’a pas réussi et comment se comporte le centre de gravité, ce qui est important pour l’équilibre. » Entre deux coups de pied, le buteur, ici Dimitri Yachvili, peut voir sur écran d’ordinateur l’évolution de son squelette et l’écart d’angle entre ses deux pieds.

UN BOÎTIER DANS LE CALEÇON DEPUIS DEUX ANS, l’équipe médicale du quinze de France enregistre le système nerveux autonome – qui régit les fonctions automatiques du corps humain – des joueurs pendant la nuit. Deux fois par semaine, ils se mettent au lit avec deux électrodes collées dans la région pectorale gauche. Celles-ci sont reliées par deux fils à un petit boîtier – de la taille d’un téléphone portable – coincé dans le caleçon ou porté dans une brassière. « Le matin, on récupère la carte mémoire du boîtier dont le contenu est téléchargé à l’équipe scientifique qui traite les données », explique le médecin de l’équipe de France, Jean-Philippe Hager. Ces données sont un excellent indicateur de l’état de forme du joueur. En France, le rugby est le seul sport collectif à utiliser cette technologie. – A. La.

LE JOUG CONSTRUIT par la société Thales, ce simulateur de mêlées a nécessité deux ans de travail et a été dévoilé en juin 2010. « Avec ce joug, on est capables de créer un mouvement qui se rapproche de la réalité », dit Julien Piscione, le responsable du pôle scientifique du CNR de Marcoussis. Le simulateur peut créer un mouvement en trois dimensions (bas, haut, avant, arrière, gauche et droite) et toutes les rotations autour de ses axes. « On peut ensuite reproduire des efforts sur tous ces axes, continue le scientifique, et analyser (grâce à des capteurs ultrasensibles de 1 gramme à 4,4 tonnes) les impacts d’entrée en mêlée et les forces de poussée. » Le joug peut aussi recréer tous les comportements des huit joueurs d’un pack.

VENDREDI 16 SEPTEMBRE 2011

Licence 3-1028462. SDF Prod - RCS Bobigny 425 095 882 © Stade de France® - Macary, Zublena et Regembal, Costantini - Architectes, ADAGP - Paris - 2011 Artwork : chillfool - Photos : p.canigher

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« Mais vous allez nous fliquer ! »

BRIVE est le seul club à utiliser le système GPS en match. La Ligue nationale de rugby (LNR) a autorisé cette utilisation en compétition le 23 juin 2011.

VENDREDI 16 SEPTEMBRE 2011

* dans la limite des places disponibles en catégories 1,2,3 et 4, conditions et réservations sur stadefrance.com

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