Les fortifications de terre et les origines du Cinglais

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MICHEL

F IXOT

AG RÉ G É DE L'UNIVERSITÉ PROFESSEU R D'H ISTOIRE AU LYCÉE DU HAVRE

LES FORTIFICATIONS DE TERRE ET LES ORIGINES FÉODALES DANS LE

CINGLAIS

CAEN CENTRE DE RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES MÉDIÉVALES

1968


La publication de ces pages n'a été menée à bien que grâce aux nombreux conseils et à l'aide très efficace que nous avons reçus. A cet égard, nous ne saur:ons passer sous silence la d ette que nous avons envers toute l'équipe du Centl'e de Recherches Archéologiques Médiéva,le s de la Faculté des Lettl'es de Caen. Notre reconnaissance s'adresse t.out spécialement à son directeur. M. de Boüard, qui nous a initié à l'al'chéologie médiévale; nous lui devons de nous avoir personnellement engagé pal' la suite dans une recherche originale et passionnante' ; nous tenons à le remerc ,er pour avoir estimé que cette étude, prim;'tivement destinée à n'étre qu'un mémoire de Diplôme d'Etudes Supb'ieures , pouvai,t être rendue digne d'une publication; nous désirerions avoir t ,l'é profit des avis nombreux et, des corrections minutieuses dont ces pages ont été l'objet . Enfin, nous ne savons comment lui marquer notl'e profonde gratitude pour nous avoir fait connaît1'e et fl'équenter, à l'occasion de ce tra,vail, ces hauts lieux de l'al'ch éo log~'.e médiévale que sont les colloques du Château Gaillal'd ; nous lui l'enouvelons ici le témoigna.qe de notre reconnaissance et de notre l·espect.. Nous ne pouvons pas non plus oublier l'amica,le bienveillanc e avec laquelle nous avons toujours été reçu par MU e VaTOqueaux, alors collabol'atl'ice technique au C.N.R,S., et par M. Decaëns, assistant d'archéologie médiévale à la Faculté des Let~ res de Caen. Notre effort a été stimulé par leurs observations et leurs suggestions. Nous conservons en commun le souvenir d'équipées pit.toresques dans un Cinglais aux forêts bien gardées. Nous les remercions du temps précieux qu'ils nous ont consacré, en particuliel' da,ns l' éla bol'ation des différents relevés, Enfin, dan s la réalisation des cartes, nous avons bénéficié cles services rendus par le personnel technique du Centre, A insi est-ce un travail d'équipe que nous présentons clans cet oUV1'age,

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INTRODUCTiON

Une petite reglOn de Basse-Normandie, le Cinglais, a fourni le cadre de cette étude. Le choix d'un domaine de recherche géographiquement peu étendu convenait particulièrement à l'objet même du travail. En effet, le modE' d'apparition de la société féodale a été souvent décrit au niveau des grands ensembles territoriaux de la France du XI' siècle (1) . Mais le phénomènE méritait d'être observé à l'échelle de la vie de communautés rurales plus petites: et c'est ainsi que nous avons été conduit à mettre en valeur le rôle important qu'ont joué les fortifications de terre dans la genèse de la société féodale. De valeur militaire réelle, de construction rapide et relativement peu coûteuse, nous pensons qu'elles expliquent mieux que les châteaux de pierre, moins répandus , la rapidité avec laquelle s'est mise en place la féodalité, ainsi que la profondeur de son enracinement (2). Le Cinglais offre un champ très fa\'orable pour une observation de ce genre . Situé au sud de Caen, il constitue d'abord une unité géographique bien précise, limitée à l'ouest par l'Orne, à l'est par la Laize, au nord par le confluent de s deux rivières; sur une carte, il a l'aspect d'un plateau en forme de gigantesque éperon dominant deux vallées fortement encaissées.

(1) Notons pour mémoire les grandes synthèses de L. Halphen, de R. Latouche, et à une époque récente, celle de G. Duby (Ouvrages cités dans la bibliographie ). (2) L'étude de la féodalité au XI' siècle est difficilement séparable du problème des fortifications de terre. Celui-ci ne peut êt're négligé dans l'étude des rapports entre les seigneurs et les pouvoirs centraux traditionnels ou hérités. Ainsi, il paraît maintenant beaucoup trop rapide d'a nalyser le pouvoir ducal en Normandie en limitant le problème connexe des c:, âteaux aux seuls châteaux de pierre. Une telle hypoth èse de travail entraîne à soutenir la thèse strictement « légaliste » des origines féodales: cf. J, Yve'r, Les châteaux [01·ts en N01'mëLndie jusqu'au milieu du XII' siècle, dans Bull, Soc. Antiq. N01'mandie, LIlI, 1955-56, p, 28-121.

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Ce plateau est une longue table, rarement monotone, coupée par des vallées étroites et profondes qui fournissent des éléments de variété. L'altitude générale reste faible: de 80 à 90 mètres au nord, elle se relève peu à peu ver~ le sud pour atteindre 150 mètres environ. Deux surfaces d'érosion ont contribué au façonnement de ce relief; elles affectent à l'est des terrains sédimentaires d'époque secondaire qui prolongent ceux de la campagne de Caen, et à l'ouest, une étroite bande des premiers terrains précambriens. (Fig. 1). Dans un ouvrage récent (3), H. Elhaï réservait le nom de Cinglais a ce seul plateau. Il le refusait à la série de reliefs élevés qui lui succèdent vers le t-ud. Cet alignement de hauteurs est constitué par des crêtes appalachiennes qui forment le synclinal bocain. Le relief régulier du plateau y disparaît pour faire place à ces barres de roches primaires, très résistantes, alignées du nord-ouest au sud-ouest, et dans lesquelles le travail de l'érosion a dunné nai ss ance à un paysage plus pittoresque qu·e dans le nord du pays. Les altitudes générales se relèvent, et des surfaces plus étroites et plus hautes culminent à 250 et 300 mètres, à la latitude des Bois de Saint-Clair. A l'ouest et au sud, la décomposition des roches anciennes donne des terres où dominent les sables, et au niveau inférieur, l'argile. Les sols sont légers, faciles à travailler, mais caillouteux. Ils sont en outre extrêmement sensibles aux variations climatiques et pluviométriques. S'ils se dessèchent aux périodes de rareté relative de précipitations, ils deviennent des bourbiers lors des pluies d'hiver. Au centre et à l'est, sur les calcaires, les sols sont comparables à ceux de la Plaine de Caen voisine; cependant, des dépôts d'argile à silex expliquent la permanence de massifs forestiers importants, Forêt de Cinglais proprement dite, et Bois de Moulines. Lorsqu'une mince couche de limon recouvre ces formations, la qualité des sols s'améliore et la forêt fait place à la grande plaine, telle que l'on peut la découvrir aux environs de Cesny-Bais-Halbout. Au début du siècle dernier, l'aspect traditionnel du Cinglais se trouvait décrit en ces termes: « Cette partie des cantons comprise au milieu des terrains anciens, offre en miniature l'aspect physique des pays de montagne ... Les bois, les bruyères, les terrains communs et en friche forment une grande partie du sol. La culture du seigle, du sarrasin, de l'ajonc épineux, y est plus habituelle ... Si nous quittons la région de ces terrains anciens, et si nous avançons au nord et à l'est vers la contrée calcaire, nous voyons le sol changer presque entièrement de nature » (4).

(3) H . Elhaï, La NOI·nwndie occidentale, Pari s, 1963. (4) F. Galeron, Statistiques de l'a,.,·ondissement de Falaise, t. 2, Falaise, 1836, pp. 5 et 6.

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Mais le Cinglais est autre chose qu'une petite reglOn naturelle, et l'on ne peut le définir à l'aide de critères uniquement géographiques qui limitent son étendue à la seule sudace du plateau septentrional. Aussi, pour R. Musset, le Cinglais est-il plus justement « une ancienne division carolingienne qui tire son nom du village de Cingal » (5). Deux toponymes sont encore témoins de l'extension primitive du pays: sur la retombée méridionale des reliefs du synclinal bocain, se trouve la commune de Pierrefitte-en-Cinglais, tandis que verE' l'est , sur la rive droite de la Laize, et par conséquent débordant du cadre strictement géographique, Bray-en-Cinglais porte la marque évidente de son ancienne appartenance. Sans recourir à un passé aussi lointain que celui de la période carolingienne, il est par ailleurs possible de se faire une idée de ce que fut le Cinglais défini comme unité historique: en effet, jusqu'au XVIII" siècle, le Cinglais est demeuré une unité vivante dans le cadre de l'organisation ecelésiastique du diocèse de Bayeux (6). Le doyenné de Cinglais, qui comptait 48 paroisses en 1350 (7), a survécu à la circonscription carolingienne dont il possède, à quelques exceptions prè s (8), les limites. C'est pourquoi il faut placer la limite méridionale du Cinglais au sud des hauteurs du synclinal bocain, là où une large dépress ion, à la latitude de Pont-d'Ouilly, le sépare de~ pays du Houlme. Unité géographique, unité historique, le Cinglais offre d'autres sujets d'intérêt non négligeables pour le dessein proposé. Il existe en effet, à son sujet, un certain nombre de textes rédigés au IX., au XI" et au début du XII' siècle, périodes pour lesquelles la documentation se révèle souvent trop fragmentaire, voire inexistante: diplômes carolingiens, actes de ducs de Normandie, chartes de fondation d'abbayes permettent de suivre l'histoire du Cinglais à travers les « dark ages ». Cette abondance s'explique, en partie, du fait que ce pays se trouve illustré au XIe siècle, par l'apparition de familles seigneuriales importantes: les Marmion qui devaient se faire surtout connaître en Angleterre (9) et les Taisson dont l'un, Raoul, a tenu, selon

(5) R. Musset, La N01'mandie, Pari s, 1960, p. 142, note 1. (6) Voir la « Carte topographique du Diocèse de Bayeux, divisé en ses quatre archidiaconés et ses dix sept doyennés, dédiée à Monseigneur l'illustrissime et ~'évérendissime Paul d'Albert de Luynes , évêque de Bayeux à Paris. Chez le Sieur JaiIlot, Géographe ordinaire du Roi. Avril 1736 ». - Reproduction partielle h ors texte dans F. Vaultier, R ech e1'ches histo1'iques SU1' l'ancien pays de Cinglais , dans Mém. de la Soc. des Antiquai1'es de No1'mandie , t. X; Caen, 1837, pp. 1-296. (7 ) A. Longnon, Pouillés de la P1'ovince de Rouen, R ecueil d es H 'i storiens d e la F1'an ce. Pouillés, t . II, pp. 117 et 118. (8) Cette nuance s'applique, nous le verrons , à la rive droite du cours inférieur de la Laize entre Cintheaux et le confluent avec l'Orne. (9) Voir F. Vaulti er, Reche1'ches s'/.w l'ancien pays de Cinglais. L'auteur retrace brièvement la destinée de cette famille outre-Manche au XI' et au XII ' siècle, et donne les diffé1'entes indication s bibliographiques. Les exp loits d'un Marmion ont inspiré à Walter Scott son roman: Mannion.

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Wace (10), un rôle prépondérant lors de la bataille livrée par les barons révoltés à Guillaume le Bâtard dans la plaine du Val-ès-Dunes, site qui luimême est peu éloigné du Cinglais. Enfin, et ce n'est pas là son moindre attrait, le pays possède un nombre important de vestiges de mottes féodales et d'enceintes circulaires sur une superficie restreinte. Ces fortifications de terre éclairent d'un jour nouveau la manière dont s'est implantée la société féodale dans cette région de BasseNormandie. Leur exceptionnelle densité dans les campagnes qui s'étendent au sud-est du Cinglais nous a même incité à élargir le eadre géographique de notre étude sur le territoire de cinq paroisses étrangères au doyenné proprement dit. C'est dans de telles limites que nous tenterons d'abord de déterminer le contexte de l'établissement et de la construction des ouvrages de terre; l'archéol ogie et l'étude toponymique permettent en effet de retrouver les phases du peuplement du pays et les aires successives de la coloniSation du sol. Puis, après avoir montré l'importance de la répartition' des fortifications et la s ignification de leur mode d'implantation, nous chercherons, à l'aide des textes et des différentes études portant sur le Cinglais, à quel moment de l'hi stoire et à quel mouvement elles semblent appartenir. Enfin nous verrons, pal' J'intermédiaire de toutes ces indications, comment une meilleure connais sance du problème des fortifications de terre serait susceptible d'apporter une contribution à la question des origines de la féodalité dans le cadre restreint d'une petite région de Basse-Normandie (11).

(10) Nous a urons fréquemment l'occasion de citer: Wace, Roman de Rou, éd. Andresen, Heilbronn, 1877-1879, 2 vol. (11) Cette étude s'inspire en grande partie de la méthode utilisée dans G. Fournier, Le peuplemen t ,'ural en Basse-Auvel'gne dm'ant le H ata Moyen Age. Pari s, 1962. Il était en effet t e ntant, à cause du grand nombre d'ouvrages fortifiés retrouvés dans le Cinglais, de cherch er à les intégrer dans l'hi stoire du peuplement de cette petite région et de montrer ce qu'ils peuvent nous appren dre non seulement dans le domaine archéologique mais aussi dans le domaine humain . La C"ritique de cette méthode, la définition de Ea portée, ont été faites par Mll e G. Démians d'Archimbaud , L e peup lemen t "uml en Auve" gne dU"ant le Hat~t Moyen Age (compte r endu ), dans Annales, E.S .C., t. 18, n O 5, sept.-oct. 1963, pp. 1007-1014.

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LE CONTEXTE DU PEUPLEMENT

Le nombre élevé des fortifications de terre retrouvées sur un espace réduit permet, dans le cas du Cinglais, d'examiner de façon un peu exceptionnelle le problème qu'elles posent; on peut tenter de considérer l'épisode de leur construction comme l'un des aspects de l'hïstoire du peuplement, et de chercher à quelle étape elles semblent correspondre dans le développement chronologique de la colonisation humaine. Aussi allons-nous suivre les progrè6 du peuplement, surtout à partir du très haut Moyen Age, en confrontant les indices de la toponymie et les données archéologiques fournies par des trouvailles fortuites ou par des fouilles . Les fichiers de la Direction Régionale des Antïquités Historiques sont assez riches pour que cette méthode puisse être appliquée (1). Afin d'obtenir une vue d'ensemble satisfaisante, le cadre trop étroit du Cinglais a d'ailleurs été débordé. (Fig. 2).

... * .. Si l'on considère les données qui relèvent de la période antérieure à l'époque gallo-romaine, la large dissémination de trouvailles de caractère souvent secondaire ne permet pas de tracer un tableau très précïs de l'occupation du sol. Retenons cependant quelques faits d'ordre général. Il ~J'existe de site habité ni sur les hauteurs du synclinal bocain, ni dans les Campagnes de Caen et de Falaise proprement dites. Dans les deux cas, les soie; présentent des inconvénients comparables pour des agriculteurs disposant d'un matériel rudimentaire: les différentes argiles, dues à la décomposition des roches sous-jacentes, rendent les sols trop lourds; sur la plaine calcaire s'ajoute le problème de la sécheresse estivale. En revanche, on constate que la répartition des sites correspond à un critère à peu près constant: chacune des vallées très évasées qui traversent la plaine entre la Dives et l'Orne est jalonnée par des centres d'occupation, parfois de grande ampleur, tels que Fontenay-le-Marmion, à la tête d'un vallon descendant vers la Laize, ou Chicheboville, Bellengreville, Soumont-Saint-Quentin,

(1) Nous tenons ici à remercier très spécialement la Direction Régionale des Antiquités historiques qui a mi s à notre disposition toute la documentation rassemblée par ses soins.

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Condé-sur-Ifs. La vallée de la Dives, en aval comme en amont de Jort, a livré un grand nombre de trouvailles. Dans le Cinglais proprement dit, la plaine de Cesny-Bois-Halbout semble avoir connu, dans les mêmes conditions que la grande plaine qu'elle prolonge, une certaine présence humaine auprès d'Acqueville, Cesny, Fresney-le-Vieux. A l'époque pré-romaine, l'archéologie nous incite donc à conclure à une occupation diffuse des vallées, selon un critère assez constant dans le choix des sites (2). Des témoignages d'une véritable colonisation nous sont fournis à l'époque romaine ou gallo-romaine. Les emplacements d'habitats importants ne se marquent plus seulement de manière diffuse sur la carte; on parvient au contraire à discerner des ensembles régionaux très peuplés et de vastes superficies encore vides. C'est ainsi qu'autour de la métropole de Vieux, carre_ four vers lequel tendent les différentes voies, des sites s'agglomèrent. La région délimitée par les localités de Louvigny, de Baron, d'Avenay, de MutrÉcy, Boulon, Fresney-le-Puceux, a livré au cours du dernier siècle d'importants vestiges de la période gallo-romaine. Leur concentration des sine une zone de peuplement dense, qui englobe notamment tout le ' nord du Cinglais. En outre, on se rend compte de l'importance des grands axes de communication pour favoriser l'implantation humaine ; deux itinéraires partent de Vieux, l'ancienne Aregenua : ce sont en même temps des axes de peuplement: le premier emprunte la rive gauche de l'Orne et se dirige vers le sud par Maizet, Hamars, Cauville, passe ensuite entre les localités de Saint-Pierre-la-Vieille et de La Villette; près de là, il rejoint une voie venant de Bayeux par le Plessis-Grimoult (3). Les deux routes réunies traversent Pontécoulant, et leur itinéraire, en se ramifiant, tend probablement au sud vers Jublains. Autour de ce carrefour, sur le versant méridional des reliefs du synclinal bocain, se groupent un certain nombre de sites d'importance no!~ négligeables. Non loin de là, il faut en outre signaler la présence d'un certain nombre d'établissements fortifiés, dits « camps romains », mais difficilement datables, et dont la fonction n'a pas été identifiée avec précision: ce sont les ouvrages de terre, de forme originairement quadrangulaire, de Pontécoulant, du Plessis-Grimoult, de Condé-sur-Noireau, auxquels il convient d'ajouter celui de Clécy, plus à l'ouest, à proximité de l'Orne. Le second axe partant de Vieux se dirige vers le sud-est; il est constitué par le tronçon méridional du chemin Hau ssé décrit par A. de Caumont (4). En sortant du

(2) Il a été montré une différence sensible dans la densité des sites préhisto1'i ques entre la partie méridionale de la plaine de Caen et la partie septentrionale. Cette géograp .ie du peuplement reste à faire malgré l'article au titre prometteur de F. Gidon, L es ?'égions natu1'elles et les « pagi »: sU?'faces découve?·tes p?';mitives et débo'isements anciens, dans Bull. Soc. Antiq. Normandie, XLI , 1933. pp. 302-313, (3) G. Hubert, Voies Antiq1tes. Les relations ent?'e Jublains et Vieux, dans Annales de No?'mandie, nO l , mars 1960, pp. 3-24, et nO 3, octobre 1960, pp. 171-190. Cet article a été complété par quelques lignes de J. L'Hermitte, dans Bull. Soc. Antiq. No?·mandie. LVI, 1961-62, p. 593. (4) A. de Ca umont, Cou,'s d'antiquités monumentales , t. II , pp. 90-154, et VII , Atlas, planch e XIX.

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territoire de la commune de Rouvres, le chemin Haussé disparaît. Se dirigeait-il vers Jort, ou bien, par les Monts d'Eraines vers Coulibœuf, peu nous importe ici (5). Mais le long de la partie reconnue de cet itinéraire, à Estrées, Bretteville-le-Rabet, Cauvicourt, Soignolles et Rouvres, de nombreux siteH d'habitat ont été retrouvés grâce à des découvertes de constructions diverses de l'époque gallo-romaine. Des trouvailles semblables jalonnent enfin un autre axe important qui, de la région actuelle de Falaise, à partir de la célèbre villa de Vaton (6), gagne Jort par les Monts d'Eraines; l'une de ses branches tend ensuite vers le nord, en direction du gué de Méry-Corbon qu'emprunte également la grande voie qui vient de Bayeux. Chacune de ces voies d'importance régionaie est jalonnée de traces de colonisation rurale qui en sont contemporaines. Qu'en est-il pour le Cinglais? Il ::,emble que la presque totalité du pays ait ignoré cette emprise humaine, à l'exception des campagnes situées au nord de la Forêt de Cinglais; les restes de trois grandes enceintes de terre, sur les territoires des communes de Saint-Laurent-de-Condel, de Moulines (7), et de Martainville (8), 'ne doivent pas être attribués de façon précise, à la période gallo-romaine; ils ne sont pas accompagnés de traces d'une colonisation importante (9). Le Cinglais, en partie, serait resté à l'écart du peuplement gallo-romain. Cette constatation PORt; le problème de la datation des vestiges de l'axe de communication qui pénètre dans le Cinglais par le Pont du Coudray, sur l'actuelle commune de Clinchamps, et disparaît au sud de la Forêt de Cinglais. Est-ce bien, comme A. de Caumont le pensait, une véritable voie romaine? Une question semblable est soulevée par un autre itinéraire qui part de Falaise, longe l'extrémité méridionale du Cinglais, et se dirige vers Pont-d'Ouilly pour l'une de ses branches, vers le Vey et Pontécoulant pour l'autre (10). Ces axes n'ont certainement pris leur importance qu'à une date postérieure. Les trouvailles archéologiques concernant l'époque qui s'étend du V· au VIII' siècle sont surtout constituées par des éléments de caractère funéraire, sarcophages contenant ou ne contenant pas de mobilier. On observe une relative continuité du peuplement humain sur les sites habités depuis la péliode précédente. La forte densité de ces sites dans la région de Vieux se retrouve à l'époque postérieure aux invasions. Cependant, sans doute en raison de la destruction de la métropole, le domaine le plus densément colonisé s 'est déplacé de la rive gauche à la rive droite de l'Orne, autour de Saint-Martin-

(5) Etienne, L e chemin Haussé, dans Bull. So c. Antiq. Normandie, LIlI, 1955-56, p . 369. Voir également dans le même volume (p. 367) les quelques lignes de M. Edeine. (6) F. Galeron, L ett"es su,' les antiquités gallo-"omaines trouvées à Vato n. Falaise, 1834. (7) R.E. Doranlo, le Camp de Moulines, dans Bull. Soc. Antiq. de Normandie, XXXVII. (8) J. L'He'rmitte, le Camp de Martainville, dans Bull. Soc. Antiq. de Normandie, LVI, pp. 656-658. (9) Voir à ce sujet l'annexe 1 : L es grandes enceintes . (10) Voir un e note de R.E. Doranlo , Bull. Soc. Antiq. de NO"mandie, XLIX, pp. 99-137.

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de-Fontenay, et non loin du Chemin Haussé, à Saint-Germain-du-Chemin, à Quilly et à Cintheaux. En outre, il faut remarquer une certaine indépendance de~ s ites de cette époque par rapport aux sites gallo-romains . En général, on assIste à une multiplication des habitats dans la plaine, à Conteville, Garcelles, Secqueville pour la partie nord, Crocy, la Hoguette, Angloischeville dans le sud. Cette fois encore, le Cinglais est remarquable par la pauvreté de ce quïl a livré. Aucune certitude ne peut être avancée sur la continuité de l'occupatio.1 au nord de la Forêt de Cinglais. Au sud, seu l un sarcophage d 'enfant a été exhumé aux Moutiers-en-Cinglais. Mais un grand intérêt doit être porté à la découverte récente de sarcophages dans le hameau de Cingal. Ces sépultures indiquent un vieux centre de peuplement à l'endroit de la future capitale admin istrative du pays. Au sud du Cinglais, deux découvertes funéraires isolées ont été signalées à Pierrefitte et à Tréprel. Au cas où ces indices se révèleraient plus importants, ils confirmeraient l'exte,n s ion de l'aire du peuplement à l'époque franque par rapport à celle de l'époque gallo-romaine; peutêtre indiqueraient-ils également le moment auquel commence à exister, ou à prendre sa véritable importance, l'axe dest iné à c:evenir à l'époque méd ié · vale le « Chemin de Bretagne » . Par conséquent, si l'on considère les seuls témoignages archéologiques de l'occupation humaine pour une époque qui coïncide avec la brève période de prr spérité carolingienne, le Cinglais connaît une colonisation agricole et un peuplement beaucoup plus faibles que les régions qui l'entourent immédiatement au nord et à l'ouest. Seule, sa partie septentrionale semble participer encore, ou a participé, à la vie qui anime la campagne aux sols plus riches, tandis que la frange orientale de la plaine de Cesny-Bais-H albout n 'a été qu'effleurée par elle. Quant aux hauteurs méridionales, elles ont connu un peuplement très clairsemé qui affecta seulement leur revers sud. Il a manqué au Cinglais d'être traversé par un axe de communication semblable à ceux qui le bordent, à l'est et à l'ouest.

* * * L'objet de notre recherche ne nécessite pas une étude détaillée de toponymie régionale. Notre tâche ne consiste qu'à vérifier le contexte schématique que nous ont suggéré les données fragmentaires de l'archéologie, afin de préciser la physionomie du Cinglais et des pays qui l'environnent à ['aube de l'époqu e féodale (11).

(11) De manière générale, nous nous sommes surtout fondé sur l'ouvrage d'A. Vincent, Toponymie de la FTanc e, Bruxelles, 1937. Nous avons également consulté A. Dauzat Ch. Rostaing, Dictionnai.·e des noms de lieux de la FTance, Paris, Larousse, 1948. Nous nous sommes enfin inspiré de la méthode e t des exemples fournis par F . de Beaurepai're, Essai SU?' le pays de Ca1<x au temps de la pTemièTe abbaye de Fécamp , dans L'abbay e bénédi ctine de Fécamp; t. l , Fécamp, 1959 , pp. 3-21.

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Quelques localités possèdent des noms dont les origines remontellt à la période antérieure à l'arrivée des Romains; la faiblesse de leur densité interdit de faire davantage que de signaler leur présence; cependant, ils forment déjà un ensemble homogène au sud -ouest du Cinglais, sur la rive gauche de l'Orne où trois petites villes ou villages voisins ont un nom datant de cette période; ce sont Athis, Berjou et Condé-sur-Noireau, trois agglomérations au milieu de hameaux dispersés d'apparition plus récente. D'autres exemples de ces toponymes les plus anciens, tels Ifs, Bray-en-Cinglais, Bonneuil, Combray, sont là encore trop clairsemés pour nous permettre de préciser la densité effective des éléments pré-romains. Cependant, ces villages, co:nme ceux de Bray-la-Campagne, Vendceuvre, Condé-sur-Ifs, Ifs-sur-Laison, occupent un site de vallée semblable à celui que nous indiquaient les données archéologiques. Le plus souvent, ces quelques toponymes celtes se combinent à ceux de la période postérieure et contribuent à former cette couche plus dense et plus s ignificative que représentent les noms de lieux gallo-romains. A de rares exception s près, ceux-ci se rapportent, tout comme les precedents, à des formes d'habitat groupé et non à des formes de dispersion. La distribution de ces toponymes rappelle celle des découvertes archéologiques. Les noms à fina le en -y ou -ay sont denses autour du village actuel de Vieux. L'absence de nom de lieu d'origine celte à proximité montre quel rôle ont pu jouer les substit ution s lors de la période romaine. Bougy, Evrecy, Neuilly, AvenllY, Esquay, Bully, ont sans doute effacé les dénominations préexistantes et ces villages ne sont pas des créations gallo-romaines. Le nord du Cinglais, qui appartient à cet ensemble, compte tenu des données archéologiques, est pauvre en toponymes gallo-romains; seul celui de Mutrécy est caractéristiquE'. Vers l'est, entre la Laize et la Muance, les noms de lieux gallo-romains disparaissent, de même que disparaissaient dans cette région les témoignages archéologiques indiquant un habitat. En revanche, toujours en accord avec les indices archéologiques, les toponymes gallo-romains réapparaissent très nombreux vers le sud, dans la Campagne de Falaise, au sud d'une ligne passant par Moult, Billy et Poussy. Mais à l'ouest de la Laize, dans le Cinglais méridional, ils s'estompent tout à fait. Il n'est pas surprenant de voir, immédiatement sur la rive gauche de l'Orne, s'égrener du nord au sud un certain nombre de noms de lieu gallo-romains, tels Amayé, Curcy, Périgny, le long de la voie conduisant vers Jublains, puis de constater leur disparition en direction de l'ouest; ils laissent place à une multitude de petits hameaux de caractère tout différent. (Fig. 3). Par conséquent, si l'on considère l'ensemble régional, la répartition des découvertes archéologiques coïncide avec les données de l'étude toponymique. Le Cinglais offre cependant quelques particularités. Nous avons èéjà noté que dans sa partie septentrionale, riche en découvertes matérielles, il ne subsistait qu'un seul nom de village se rapportant à la période gallo-romaine. Le phénomène est inverse en ce qui concerne le centre ouest du pays: aucune trouvaille archéologique n'annonce le rassemblement de toponymes galloromains que l'on y trouve: Meslay, Placy, Donnay, Cesny, Esson, Thury,

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forment un groupement très cohérent auquel il faut ajouter Barbery, village isolé vers l'est. Nous aurons l'occasion de vérifier qu'il semble bien y avoir eu une région traditionnellement très peuplée au sud de Thury-Harcourt. L'étude des apports toponymiques postérieurs aux invasions germaniques nous conduit jusqu'au début de l'époque féodale . Afin de discerner quelles sont les aires nouvelles du peuplement à partir du VIe siècle, on peut étudier la représentation cartographique de certaines formes caractéristiques des noms de lieux: types en -ville, dont la formation s'est poursuivie en Normandie de façon courante jusqu'au Xe et même XIe sIècle, avec ses dérivés en -villers, et types en mesnil dont la forme peut se trouver isolée ou en composition . Ces toponymes font disparaître la solution de continuité, qui nous était apparue pendant la période gallo-romaine, entre les peuplements du nord-ouest et du sud de la campagne: Chicheboville, Beneauville, Conteville, Secqueville, appartiennent à cette aire où déjà, nous l'avons vu, les seuls témoignages archéologiques sont des cimetières des VIle et VIlle siècles. Ces toponymes en -ville désignent des localités d'habitat groupé semblables aux villages d'origine pl us ancienne. En revanche, dans la même région, apparaissent en se rapprochant de la Laize les formations en m esnil , témoins du démembrement du manse. Les localités désignées par ces toponymes présentent bien ce caractère secondaire si l'on considère leur taille et leur emplacement; elles sont devenues des hameaux de dispers ion intercalaire, trop rapprochés des villae primitives pour en atteindre l'importance: Gaumesnil, Daumesnil, Renémesnil, Haut-Mesnil, Robertmesnil en sont des exemples. Plus au sud, dans la campagne déjà fortement humanisée dès l'époque précédente, ce toponyme intercalaire n'existe pas; appartenant à une couche de colonisation plus récente, il devient fréquent vers l'ouest, vers les hauteurs non encore occupées, et se rencontre souvent dans le Cinglais, prenant le pas sur les noms en -ville. (Fig. 4). La répartition des formes en -ville et en mesnil y est géograph iquement très précise. On l'observe à la lisière actuelle de la Forêt de Cinglais et des Bois de Grimbosq, au nord de la plaine de Cesny-Bois-Halbout avec Thiemesnil, Jacobmesnil, Le Mesnil-Sauce ou le Mesnil. Un second ensemble de ces toponymes jalonne les étendues forestières qui, à l'heure actuelle, suivent encore les rives de la Laize: on trouve ainsi Bretteville-sur-Laize, Urville, le M esnil-Touffray, le Mesnil-Aumont, le Mesnil (commune de Tournebu), Le Mesnil (commune de Saint-Germain-l' Angot). Enfin, un , troisième groupe, comprenant un nombre notable de composés en ·ville ceinture les Bois de Saint-Clair: Martainville, Angoville, Cossesseville, Cauville, Plain ville, le Mesnil -Grain, le Mesnil (commune de Saint-Omer, Le Mesnil (commune de La Pommeraye). La réapparition des noms en -ville correspond d'ailleurs au retour à un habitat groupé, qui prolonge celui qui est désigné par les toponymes en -ay ou .y du centre ouest du Cinglais. Ces aires de répartition des toponymes en -ville et en mesnil sont aussi cellet: des noms de lieux apparus avec le christianisme. Dans cette partie septentrionale de la Campagne, occupée comme nous l'avons dit plus tardive-

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TOPONYMIQUE

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:TIent. on relève les exemples de Saint-Aignan-de-Cramesnil, Saint-Sylvain, SainL-Martin-de-Fontenay, Saint-Germain-du-Chemin. Dans le Cinglais, Saint-Laurent-de-Condel est dans un essart entre la Forêt de Cinglais proprement dite et celle de Grimbosq. Le long de la Laize, Saint-Germain-IeVasson et Saint-Germain-l'Angot accompagnent cette autre région de peuplement plus tardif, tandis que Saint-Rémy, Saint-Omer, Saint-Clair appartiennent à celle des contreforts du synclinal bocain. Bref, certaines régions ont connu dès l'époque gallo-romaine une colonisation rurale très dense, caractérisée par un groupement de l'habitat: ainsi la région de Vieux, partagée entre la rive gauche et, à un moindre degré, la rive droite de l'O rne, dans le nord du Cinglais; puis une partie de la Campagne, circonscrite au nord par la Muance, au sud par la localité actuelle de Falaise, à l'est par la côte du Pays d'Auge; et enfin, bien que les indices archéologiques ne le confirment pas, la partie sud-ouest de la plaine de CesnyBois-Halbout, au cœur du Cinglais. Au cours des siècles suivants, entre le V· et le X' siècle, on assiste à un progrès systématique du peuplement qui semble revêtir une forme de plus en plus dispersée, et qui se prolonge au cour" de la période féodale. Des ensembles encore vides et sans doute forestiers se peuplent. On suit le recul de la forêt en marge des territoires déjà colonisés et l'occupation du territoire des communes actuelles de Grimbosq, Saint-Laurent-de-Condel, Fresney-le-Vieux, Fresney-le-Puceux, Boulon, limites encore actuelles qui, nous le verrons, semblent acquises dès la fin du X' siècle. Ce même mouvement touche des territoires jusque là vides, qui s'étendent de part et d'autre de la vallée de la Laize, élargissent vers l'est le cadre étroit de la plaine centrale. On devine enfin que les bois couvrant les hauteurs du synclinal bocain sont peu à peu gagnés par l'homme entre Angoville et SaintGermain -l 'Angot, à partir de positions acquises en plaine, tandis qu'au sud, les peuplements nou veaux s'étendent entre Pierrefitte et Saint-Omer, prenant appui sur l'axe Falaise - Pont-d'Ouilly et isolant la partie méridionale du Cinglais des étendues encore presque désertes que l'on devine au sud . Mais dans ces régions orientales et méridionales du Cinglais, le peuplement est beaucoup plus éloigné de ses limites actuelles que celui du nord. A l'a ube du XIe siècle, il existe donc un contraste entre des région s qui paraissent depuis longtemps colonisées selon un mode d'habitat groupé, donc stabilisées, organisées et aisément contrôlables par une autorité, et des territoires en voie de colonisation, au peuplement lâche, dispersé dans des endroits enco re peu accessibles , réunissant les conditions suffisantes pour échapper à tout contrô le facile de la part d'une autorité. Si l'on en juge par la densité des toponymes caractéristiques en -ière ou -erie qui affectent ces régions, on doit penser que la fondation de nouveaux noyaux habités s'est prolongée au cours des XI" et XII' siècles, sous une forme très dispersée. (Fig. 5). Il faut ajouter qu'il existe peu de toponymes d'origine scandinave. Dans la pl upart des cas, ils désignent des localités situées dans les aires déterminées par les noms de lieu en -ière ou -erie, ce qui confirme bien le caractère tardif des uns et des autres: ainsi le Torp, le Thuis, le Ham. Quelquefois, il

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Fig. 5

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semble que le nom de lieu scandinave, appliqué à une agglomération plu::l importante, ait simplement remplacé un nom plus ancien pui sque les témoignage" archéologiques apportent la preuve d'un peuplement antérieur au xe siècle; tel est le cas de Boulon. Parfois, la dédicace de l'église locale indique que la création du village est antérieure à l'apparition des Scan(lÏnaves. Ainsi, le patron de l'église d'Acqueville est saint Aubin, et à Saint-Germain-l'Angot, le lieu du culte est dédié à saint Germain.

L'organisation ecclésiastique du Cinglai s est, en effet, ancienne. Dan s leur presque totalité, les paroisses datent des premiers temps de la christianisation de la Normandie. Cela confirme qu'à la s uite des invasions germaniques, la colonisation des terres a été rapide et que, quatre siècles plus tard environ, les nouveaux peuplements n'ont plus été que des phénomènes intercalaires, se développant en lisière des massifs forestiers qui s ubsistent encore il l'époque actuelle, et d<mt les limites ont singulièrement peu varié depuis lors. Peut-être est-il possible de retrouver quelles ont été les églises-mères, qui désignent les centres de peuplement principaux (12) . Nous savons que ces églises-mères sont souvent dédiées au nom du Sauveur ou de la SainteCroix. et qu'elles seules ont longtemps possédé le droit d'inhumer ; en revanche, les lieux de culte s econdaires possèdent en général des vocables un peu plus variés tels que saint Jean Baptiste, saint Pierre, Notre-Dame, auxquel s il convient d'ajouter pour la Normandie saint Martin et saint Vigor ( 13) . Seule dans le Cinglais, l'églis e de Thury est consacrée au Saint Sauveur; peut-être était-elle l' un de ces centres de culte principaux. Cela recouperait fort bien les indications toponymiques qui permettent de supposer que la région avoisinante a été un foyer de colonisation dès l'époque gallo-romaine et au très haut Moyen Age. Nous avons vu qu ' aucune découverte archéologique ne venait toutefois confirmer cette hypothèse. D' autre part, il est probable que Cingal ait pos sédé une église-mère. Certes, le lieu de culte est dédié à Notre Dame, mai s la pré sence de sarcophag es s embl e indiquer que cette église pos sédait le droit d' inhumer. Si l'on

(12) Il est bien ce r tain qu e ce dom a in e de rech erch e dem e ure t r ès délica t . On y est e n cor e g uidé pa r deux a rticles déj à a n cien s : M . Cha u me , L e nwde de cons t itu tion et de dé limit ation des paroisses 1'u"ales aux t e'm ps méroving iens e t cM'o lingiens, da n s R evue M a bi llon , 27 , 1937, p p . 61-70, et 28 , 19 ' 8, pp . 1-1 9, et, d u m êm e a uteu'f, L es p lus anciennes é gli,·.~s d e B ourgogne , dan s Annales de B ou1'g og ne , 8, 1936, pp . 201-229, - L, Mu sset, L es enclaves pa,'oissiales et leur fo lkloH, dans Bull . Soc . Antiq. Normandie, L I , 1948 -1951, pp. 306-3 08. (13) F. de B ea ure paire, op. cit. En ou tre, su r le cul te de saint Ma r t in: E . Ewig. L e culte de saint M a1·tin à l'époque f>'anque, da n s R evue d'H istoù'c de l'Eglise de F rance , 47 , 1961, p p . 1-18, et un o uv r age p lu s vol umi n eu x: J. F ournée , E nquête su,' le culte popula;"e de saint MM,tin en N01·mandie. Pari s, 1963.

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se souvient que Cingal allait devenir la capitale administrative du pays à l'époque carolingienne, on peut penser que cette localité fut le siège d'une église-mère. Sur la rive droite de la Laize, deux anciennes unités domaniales, sur l'existence desquelles nous aurons à revenir, durent posséder chacune une église-mère: c'est, d'une part, Cintheaux, dont l'église, bâtie s ur la voie romaine, est dédiée à saint Germain, et, d'autre part, Fontenay dont le centre de culte le plus ancien fut sans doute édifié à côté du chemin Haussé dont il porte le nom; la dédicace de cette église Saint-Germain-du-Chemin (14) correspond curieusement à celle de Cintheaux. Ces deux lieux de culte primitifs se défirent de leur monopole d'inhumation au profit d'autres égli ses situées sur leur domaine respectif: Quilly pour l'un, Saint-Martin-de-Fontenay pour l'autre, et cela, sans doute en raison de l'accroissement brutal de population que cet endroit de la plaine connut au lendemain des invasions germaniques. Cela correspond tout à fait à la tendance, constatée dans ces régions, à l'accroissement important de la population entre le VIe et le VIII' siècle. D'ailleurs, dans leur ensemble, les créations des lieux de culte dans le Cinglais remontent à l'époque franque. Quelles sont les dédicaces? Celles à saint, Martin, très caractéristiques de cette haute époque, sont les plus nombreuses : on les trouve à Fresney-le-Puceux, au Mesnil-Touffray, à Croisilles, Combray, la Mousse, Placy, Ussy, Villers-Canivet; elles se répartissent dans tout le Cinglais, indifféremment dans les aires de peuplement antérieur ou postérieur aux invasions germaniques. Le culte de saint Vigor s'est propagé à la fin du VIe siècle: il est attesté à Bretteville-sur-Laize, Urville, Donnay. A la même époque s'est répandue la dévotion à saint Aubin, évêque d'Angers: les églises de Bray-en-Cinglais, Acqueville et Tréprel, sont sous ce vocable. A Clinchamps, la dédicace à saint Quirin, compagnon de saint Nicaise, révèle un très vieux centre de culte; de même à Tournebu, celle à saint Hilaire. Il n'existe aucun signe certain de fondation postérieure à la période carolingienne; on ne trouve aucun des patronymes fréquents à si basse époque: saint Nicolas, saint Jacques, saint Jean, saint Michel ne sont pas l'objet d'un culte paroissial. La géographie ecclésiastique du Cinglais était donc en place avant l'apparition des Normands.

T outes ces indications permettent de conclure qu'avant le VIe siècle, le Cinglais connaît deux aires de peuplement important, malgré son retard par rapport à la « campagne ». Au nord, la région comprise entre l'Orne et

(14) L'emplacement de cette ancienne église correspond aux l'ancien cadastre de la commune de Fontenay-le-Marmion.

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parcelles C 106 à C 114 de


la Laize, limitée par les communes actuelles de Fresney-le-Puceux, Boulon, Saint-Laurent-de-Condel, puis au s ud-ouest, la région de Thury-Harcourt. En revar che, la plaine entre Cesny-Bois-Halbout et Barbery reste en dehors des terres colonisées. Il n'y a pas de toponymes gallo-romains dans la région de Boulon et de Saint-Laurent-de-Condel , à la lisière septentrionale de la forêt de Cinglais. Cela donne à penser qu'il y eut, à la fin de cette période, un retour notable des friches dans une zone qui a livré des restes archéologiques de cette époque (15). Puis, postérieuremen t aux invasions germaniques, on assiste à un développement général du peuplement. L'étude des dédicaces d'églises nous indique l'élargi ssement de la plaine centrale qui inclut Grimbosq, Moutiers, Espins, Fresney-le-Vieux, au nord, et Tournebu, Martainville, Acqueville vers le sud, en direction des Bois de Saint-Clair. Sur le versant méridional du synclinal bocain, le long du futur « Chemin de Bretagne », on note les créations de Pierrepont, Tréprel, Pierrefitte, le Vey, tandis qu'un habitat intercalaire dispersé s'établit peu à peu sur les marges des aires colonisées. Cet habitat dispersé en petits hameaux nous incite à examiner les effets de la vague àémographique qui touche le pays au XIe et au XIIe siècle. On n'ouhliera cependant pas que les centres principaux avaient été mis en place beaucoup plus tôt.

(15) Seul Lasseray (Hameau de la commune de Grimbosq) demeure comme le toponyme témoin du seul peuplement gallo-romain au moment des invasions germaniques.

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II LES FORTIFICATIONS DE TERRE

Une fois constatée la précocité de la colonisation humaine du Cinglai::;. dont la géographie a pris ses traits presque définitifs à l'époque carolingienne, on peut encore se poser deux questions importantes. Est-il d'abord possible de connaître le rôle joué par les invasions normandes sur cette partie de la Normandie? La toponymie, nous l'avons vu, n'a été que très peu marquée par l'installation des nouveaux arrivants. E'n outre, nous ne constatons pas de signes d'abandon d'habitat ni de régression massive de l'emprise humaine sur les terres cultivées; nous verrons que l' « impact normand » sur le pays relève d'un tout autre domaine. D'une part, de quelle manière le Cinglais participe-t-il aux grands défrichements, aspect très sensible de cette expansion que connaît l'Occident aux XIe et XII< siècles? Les toponymes en -ière ou -erie sont très caractéristiques des fondations de cette époque; il s sont assez nombreux pour qu'une étude cartographique de leur répartition soit significative. La première impression qui se dégage est que cette nouvelle couche toponymique ne modifie pas très sensiblement les limites du domaine déjà habité. Ainsi, la li sière septentrionale de la Forêt de Cinglais ne connaît pas de nouv el établissement semblable à celui du Thuis ; elle ne semble pas avoir été touchée de façon bien nette par la vague des défrich ements; or, nous avions déjà constaté l'ancienneté et la continuité du peuplement au nord de cette forêt. Aussi cette région semble-t-elle avoir acquis depuis un certain temps déjà un équilibre ne permettant plus de modification dans le rapport établi entre l'exploitation de la terre et celle de la forêt. En revanche, le cas est différent pour la limite méridionale de ce massif forestier; près de l'Orne, au sud de la Forêt de Grimbosq, jusque dans la région de Croisilles, existait encore une étendue où nous n'avon s, à aucune époque, décelé de peuplement très dense: elle connaît alors quelques installations de hameaux interca-

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laires. Il en est de même pour la partie de la plaine centrale comprise entre la Forêt de Cinglais et les Bois de Gouvix et de Moulines; nous y avons constaté un peuplement plus tardif que dans l'ouest de la plaine: il restait encore quelques possibilités d'implantation humaine au Xl' siècle. Il est très significatif de rencontrer le plus grand nombre de ces sites nouveaux sur les hauteurs du synclinal bocain, surtout sur son revers sud et à l'est, là où le peuplement a toujours été en retard. Cependant, malgré l'ampleur prise par le nombre des fondations, sur toute cette surface, au XIe siècle, la forme qu'elles revêtent est celle de créations intercalaires. La densité de population des régions déjà colonisées s'accroît sans que se modifient profondément les limites des friches, ce qui sous-entend une intensification du système de production. Seule, la partie centrale et orientale constitue une exception; dans ce pays au relief beaucoup plus heurté, les écarts créés ont quelquefoi s réussi à émietter la forêt, phénomène qui ne s'est pas réalisé au nord, dan s cette Forêt de Cinglais où les nouvelles créations ne se sont effectuées qu'en lisière. Mais d'autres éléments permettent de compléter l'histoire de l'emprise huma ine sur le Cinglais au cours du XIe et du XIIe siècle, et c'est là précisément qu'intervient le problème posé par les fortifications de terre. Sur un territoire d'aussi médiocre étendue, treize mottes féodales existent encore, vestiges d'un habitat qui, dans nos régions, est généralement caractéristique du XIe siècle. Leur état de conservation est encore, dans bien des cas, assez satisfaisant; ainsi à Fontenay-le-Marmion, Olivet (commune de Grimbosq), Cesny, La Pommeraye, Angoville, l'Isle d'Amour (commune de Saint-PierreCanivet) ; en revanche, les mottes de Gouvix, Ussy, le Torp, s'effacent peu à peu et leur fossé a déjà été comblé, tandis que celles de Combray, de SaintGermain-l'Angot et d'Ouilly-Ie-Basset sont en voie de disparition. A Bretteville-sur-Laize, une maison bourgeoise a été construite au XIX· siècle au sommet de la motte dont seul le fossé méridional demeure bien marqué . La répartition géographique de ces ouvrages mérite attention : dix d'entre eux sont situés à la lisière de massifs forestiers importants. Au nord, le « Château d'Olivet », perché au sommet d'un éperon dans la Forêt de Grimbosq est à proximité de la campagne de Mutrécy ; les mottes de Bretteville et de Gouvix se trouvent dans les villages qui bordent la vallée de l'Orne et la Forêt d'Outre-Laize. Au sud, autour des bois qui couvrent les hauteurs du synclinal bocain, existe un second ensemble, formé par les ouvrages d'Angoville, de Saint-Germain-l'Angot, d'Ussy, de Saint-Pierre-Canivet, d'Ouilly-IeBasset, de La Pommeraye, qui tous sont à la périphérie de bois ou de friches. La motte de Combray, située dans le village même, est à faible distance des Bois de Saint-Clair. Seuls les ouvrages de Cesny, Fontenay-le-Marmion et Torp sont au centre de campagnes actuellement cultivées (1). (Fig. 6).

(1 ) Voir en annexe les descriptions plus complètes de ces différents ouvrages de terre.

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Un certain nombre d'autres ouvrages de terre existent dans le Cinglais. Il s'agit de fortifications dont la disposition et la taille se rapprochent de celles des mottes; ce sont de petites enceintes de forme généralement circulaire. Quatre d'entre elles sont encore visibles sur les lisières des Bois de Grimbosq, de la Forêt de Cinglais, des Bois d'Outre-Laize. Ainsi, au nord de Bretteville-sur-Laize, se trouve l'une de ces enceintes, à proximité du lieu-dit « La Bijude ». Elle correspond au type le plus simple de ce genre d'ouvrages, sans basse-cour ni défense avancée. L'enceinte d'Urville, dominant la vallée de J'Orne, est à l'extrémité méridionale des Bois d'Outre-Laize; elle possède un avant corps en croissant, protégeant l'enceinte proprement dite en direction du plateau. Il existe une autre enceinte de plan simple, mais de dimensiom; plus grandes que celle de Bretteville, au nord de la Forêt de Cinglais, dans la coupe dite « La Souillarde ». Plus curieuse est une petite fortification quadrangulaire située au sud des Bois de Grimbosq, non loin de Saint-Laurent-de-Condel, et connue sous le nom de « Château Houei ». Puis dans des situations comparables, on a retrouvé trois enceintes au sud-est du Cinglais. Dans le Bois du PÔ t, il s'agit d'un ouvrage relativement vaste, d'une cinquantaine de mètres de diamètre intérieur, défendu par une sorte de talus tracé sur la pente en contrebas. Non loin, vers le sud, au hameau de la Barberie, le Fort du Belle est une fortification de type plus complexe, puisqu'à l'enceinte proprement dite est jointe une basse-cour. Enfin, dans les Bois de la Tour. au sud de l'Abbaye de Villers-Canivet, l'ouvrage dit « La Vieille Motte» est constitué par une très petite enceinte à laquelle est adjointe une bassecour de forme carrée. La répartition de ces vingt ouvrages obéit donc à une règle à peu près constante. Ils sont situés, non pas au centre des massifs forestie rs, mais à leur bordure, ou dans les villages ou hameaux dont le territoire est adjacent à cel ui des friches et des bois. Cette répartition correspond-elle à une réalité originelle ou simplement aux hasards de conservation? La vérification est possible d'une certaine manière. En effet, on a pu retrouver la trace d'ouvrages détruits en consultant les documents cadastraux ou d'archives. Nou s sommes ainsi en mesure d'ajouter un certain nombre de noms à la liste des sites fortifié s, et de vérifier ainsi les règles· de leur répartition. A Acqueville, le château actu el est connu sous le nom de Château de la Motte. On pe ut soupçonner que sur son site a existé une fortification de terre. Il s emble même pos sible de préciser davantage: le château de la période moderne a été construit au sud de la commune, au-dessus du versant méridional de la vallée où coule le Ruisseau de Bactot. Sur le flanc de la vallée, on relève une parcelle qui porte le nom de La Motte (2). Celle qui lui est immédiatement accolée vers l'aval s'appelle « Le Pré de la Barre ». Au sud, contiguë à cet ensemble, une parcelle est désignée sur le plan cadastral par le terme « Sous le;; murailles ». Il y a lieu de penser que, sur un site de flanc

(2 ) Commune d'Acqueville . Plan cadastral 1828. Parcell e C 229.

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LES OUVRAGES FORTIFIÉS D U CINGLAIS VO IES D'ORIGINE GALLO-ROMAINE

A: Chemin Haussé B : Chemin de Pautlet VOIES D'ORIGINE MÉDIÉVALE

C: Chemin de Bretagne D : Ancienne Route d'Harcout't à Falaise E : Ch emin du Roy Louis PETITES ENCEINTES

1 : 2: 3 : 4: 5 : 6 : 7:

Grimbosq; « Château HoueI » Saint-Laurent-de-Condel; Enceinte de « la Souillarde » Bretteville-su r-Laize; Enceinte de « la Bi j ude » Urville Ussy; Enceinte du « Bois du Pôt » Leffard; « Le Fort du Belle » Villers -Canivet; « La Vieille Motte »

MOTTES

8 : 9: 10: Il : 12: 13: 14: 15 : 16: 17 : 18: 19 : 20:

Fontenay-le-Marmion Grimbosq; « Château d'Olivet» Bretteville-sur-Laize; « Motte de Rouvrou » Gouvix Cesny; « La Motte » Combray; « Le Logis » Ussy; « Le Catelier» Le Torp Angoville Sai nt-Ger main-l'Angot; « Château de Rotaunay » Sain t-Pier're-Canivet; « L'I sle d'Amou r » La Pommeraye Ouilly -le-Basset

OUVRAGES DÉTRUITS

21 : 22 : 23: 24 : 25: 26 : 27:

May-sur -Orne; « La Motte » Boulon; « La Motte » Acqueville; « La Motte » Acqueville ; « La Motte » Saint-Rémy; « Le Belle » Le Vey; « La Motte » Noron; « La Motte»

CHATEAUX DE PIERRE

28: 29 : 30 : 31 : 32:

Grimbosq; « Le Vieux Manet" Saint-I aurent-de-Condel; « Le Thuis » Tournebu La Pommeraye; « Le Château Ganne » Falaise

GRANDES ENCEINTES

33 : 34 : 35: 36 : 37 :

Saint-Laurent-de-Condel; « L'Herbage » Moulines; « Camp Romain » Martainville; « Camp Romain » Villers -Canivet; « L'Ermitage » Martigny

OUVRAGE DÉTRUIT

38: Donnay; « La Bijude »

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détruit encein~e détrui~


de vallée, protégé par l'étang que retient « la barre », a été élevé le premier établissement, qui a par la suite donné son nom au château édifié sur le plateau dans un cadre beaucoup plus vaste. D'autre part, sur le chemin qui, partant d'Acqueville, rejoint Tournebu en longeant la vallée du Ruisseau de Bactot, a pu se trouver un autre ouvrage fortifié: deux herbages adjacents portE'nt le nom de « la Motte» et « le Motté» (3). Dans le cas où cette hypothèse serait exacte, resterait à éclaircir la raison pour laquelle on aurait élevé, s ur le versant méridional de la vallée du Ruisseau de Bactot, une telle concentration de fortifications de terre, espacées entre elles d'un kilomètre environ. Un autre ouvrage a pu exister dans la commune de Boulon. A l'ouest de l'égli se, et séparé d'e lle par un ruis sea u, un vaste herbage marécageux porte encore le nom de « La Motte ». Les positions respectives de cette parcelle et de l'église nous rappellent les nombreux cas où, comme à Combray, la fOl·tification de terre et l'édifice religieux sont proches l'un de l'autre. De même, au sud du gué qui a donné son nom à la commune du Vey, dans la vallée de l'Orne, une parcelle bordant la rivière porte le nom de « Pré de la Motte » (4) . Certes, on peut objecter que le terme « La Motte » relev é sur un plan cadastral possède une signification ambïguë. Il peut désigner toute autre chose qu'une fortification de terre et ne signaler qu'un simple mouvement naturel du terrain; en d'autres occasions, il s'applique à des levées de terre faites pour endiguer le cours d'une rivière, et par extension, peut avoir été utilisé pour désigner des terraïns devenus marécageux. Ces significations ne semblent pas les plus fréquentes; cependant, il convient de préciser, dans la mesure du possible, le sens du terme découvert en recherchant son contexte. Celui-ci peut être fourni par une situation caractéristique à l'intérieur d'un village, comme à Boulon; dans le cas de la motte d'Acqueville. ;'ambiguïté peut sembler très grande puisque la « motte » est proche d'u:w « barre ». Nous aurons cependant l'occasion de constater fréquemment une situation semb lable dans le cas d'ouvrages existant encore; en outre, le château moderne, en conservant le nom de la Motte, indique bien qu'il conti nue une tradition d'habitat « noble ». Une vérification analogue est plus difficile pour l'ensemble de «La Motte» et du « Motté » situé sur le territoire de la même commune; mais on ne peut écarter définitivement l'hypothèse d'une motte féodale, car nous connaissons à May-sur-Orne un groupement de toponymes semblables, à un endroit qui, nous le verrons, désigne à coup sûr une ancienne fortification de terre; la proxïmité du chemin joignant Acqueville à Tournebu apporte une présomption supplémentaire.

(3) Parcelles B 130 et B 131. (4) Commune du Vey. Plan cadastral 1828. Parcelle B 149.


.En ce qui concerne le « Pré de la Motte », sur le territoire de la communi' du Vey, l'ambiguïté du terme semble levée par le nom du hameau dans lequel la parcelle est englobée; on peut considérer que le toponyme de « La Cour» signifie ici «La Cour de la Motte », qui est aussi le nom de la ferme proche de l'ouvrage de Cesny. Dans cette hypothèse, la motte aurait commandé le passage de l'Orne pour le chemin qui vient de Falaise par Mart.igny, Tréprel et Pierrefitte-en-Cinglais. En outre, le patronage de l'église du Vey appartient, au milieu du XIV· siècle, aux héritiers d'un certain Guillaume de la Motte, descendant sans doute lui-même de l'ancien maître des lieux. C'est dans une position semblable par rapport à un autre grand passage de l'Orne, celui du Pont de la Mousse, qu'existe l'indice d'une ancienne fortification. Il est probable que les parcelles situées au bord même de l'Orne aient été le site d'un ouvrage qui a laissé à ces prés le nom de « La Bêle » (5), nom qui souvent désigne, comme à Leffard , l'emplacement d'une enceinte circulaire. En dehors du Cinglais, mais faisant partie, du moins géographiquement, de l'en semble des fortifications de terre qui parsèment les Bois de la Tour et de Villers-Canivet, le hameau de La Motte, qui est situé à proximité de l'ancien chemin de Falaise à Harcourt et sur la lisière méridional e de la forê" à l'intérieur du territoire de la commune de Noron, a certainement connu un ouvrage de terre. Un autre site fortifié a dû exister sur la commune de May-sur-Orne. A proximité du « Chemin Haus sé », l'ancienne voie romaine, une parcelle porte le nom de « La Petite Motte» (6). Au sud de cette parcelle, s'étend la piècf> de terre adjacente du « Grand Motel ». Or la présence ancienne d'une motte sur le territoire de la commune de May est confirmée, par la mention dans divers documents d'un seigneur de la Motte de May (7). Enfin , il ne faut pas manquer de signaler, sur le territoire de la communt de Donnay, un intéressant groupement toponymique. Dans l'angle formé par le croisement des routes de Thury-Harcourt et de Saint-Clair, au nordest de la commune, s'élève le hameau du Grand Donnay, à l'écart du cœur du village moderne. La section A du plan cadastral de Donnay montre la répartition d'un certain nombre de parcelles dont le rapprochement géographique

(5) Commune de Saint-Rémy. Plan cadastra l 1828. Parcelles Clet C 2. (6) Commune de May-sur-Orne. Plan cadastral 1812. Parcelle A 230. (7) Par exemp le: Inventaire des papiers de l'abbaye de Fontenay. Archives Départementales du Calvados, H 5597.

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semble curieux. L'une d'elles, recen sée sous le numéro A 95, porte le nom de « La Ferté et la Londe ». A l'ouest, la parcelle A 91 est appelée « Les Quatre Airef et sur la Cour ». Elle est prolongée par les bâtiments d'une ferme dite « La Basse-Cour ». Enfin, immédiatement au sud, s'étend la « Delle de la chapelle ». On trouve donc rassemblés ici les trois principaux éléments d'une résidence seigneuriale du haut Moyen Age: élément économique, « La Cour » ou « La Basse-Cour » ; élément religieux, « La Chapelle» ; élément militaire, « La Ferté ». Quelle fut la forme de cette « firmitas » et à quelle époque futelle en fonction? Rien ne permet de le dire exactement, mais la toponymie révèle un site dont la fouille devrait être féconde. Cet exemple montre la difficulté d'un recensement des ouvrages fortifiés constru its à une période précise, même dans le cadre d'une région de faible étendue. Il est bien difficile d'établir un rapport exact entre le nombre des fortifications ayant réellement existé, et de celles qui existent encore ou que l'on peut retrouver par l'intermédiaire d'une étude toponymique. On relève, en effet, un nombre important de noms de lieu qui ont pu se rapporter à des ouvrages fortifiés; mais lorsque n'existe aucune possibilité de vérification, il faut les éliminer du recensement. Cela est vrai pour « La Ferté » (communE' de Saint-Omer; parcelle A 714, cadastre de 1828), mais surtout pour les nombreux dérivés du nom « Castel» : « Le Chatellier» (commune de Pierrefitte-en-Cinglais, parcelles B 361 à B 364), « Le Castillon » et « Le Catell ier » (commune de Moutiers-en -Cinglais), « Le Coteau du Châtel » (commune de Fresney-le-Puceux; parcelles F 96 et F 97, cadastre de 1809), « Le Castel» (commune de Moulines, parcelle A 15, cadastre de 1809), « La DellE- des Castelets » (commune de Laize-la-Ville), « Le Chatelet» (commune de Boulon), « Le Chatelet» (commune de May-sur-Orne, parcelles AllI à A 113, cadastre de 1812). Dans un cas, le recoupement entre le toponyme et une source écrite est possible: le hameau du Chatel à Saint-Martin-de-Fontenay (parcelles ZI28 et ZI29, cadastre renové de 1955) est sans doute l'emplacement de la fortification que viennent visiter les enquêteurs royaux en 1371. Mais il est très souvent prudent d'écarter les indices toponymiques dont la prospection du terrain ne confirme pas la valeur. Et de plus, il faut noter que dans la liste des fortifications de terre, détruites ou non, que nous avons dressée, une d'entre elles seulement a laissé au lieu de sa destruction un toponyme dérivé du mot « Castel» : c'est la motte du Catelier, à Ussy. En revanche, ce nom de lieu a été utilisé plus fréquemment à d'autres époques qu'au XIe siècle pour désigner un ouvrage fortifié; témoins, d'une part, le « Chatel» de Saint-Martin-de-Fontenay, et, d'autre part, les multiples « Cateli ers » ou « Catillons » qui, dans de nombreux cas, désignent de grandes enceintes d'origine proto-historique. Or, il serait intéressant de vérifier l'hypothè se selon laquelle la motte du Catelier d'Ussy a pu s'élever sur l'emplacement d'une ancienne fortification de ce type, dans cette région où existe encore une pierre levée; le site, très caractéristique, est celui d'un éperon

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formé par la Laize à l'ouest et une vallée sèche affluente à l'est. La pointe de l'éperon est tournée vers le nord, tandis que la motte le ferme en direction du sud; cet éperon, occupé par un herbage, présente une surface très plane, et se termine au-dessus de la Laize par une rupture de pente rectiligne, artificiellement accentuée; à son extrémité septentrionale, il offre les traces d'un fossé . La superficie ainsi déterminée est beaucoup trop vaste pour correspondre uniquement à une fortification de terre médiévale; il ne serait pas étonnant que celle-ci ait succédé à un établissement antérieur, dont le nom s'est conservé dans le langage courant. Quant aux autres fortifications de terre répondant au type de la motte, elles semblent conserver, de manière générale, la trace de l'appellation qui fut la leur dans la pratique vulgaire; la pauvreté du répertoire servant à les désigner montre peut-être à quel point ces mots de « motte » ou de « bêle » étaient techniques, compris de tous, et précis, plus précis sans doutf que les équivalents latins très variés que les clercs s'efforçaient d'employer. Cependant, dans un certain nombre de cas, le caractère « noble » attaché à ces demeures jusqu'à l'époque moderne explique que telles d'entre elleD soient connues en tant que « châteaux », tel le « château HoueI )), le « château d'Olivet )), ou le « château de Rotaunay )) à Grimbosq ou à SaintGermain-l'Angot. Dès lors, la part d'incertitude qui demeure dans l'appréciation du rapport - exact entre le nombre des fortifications qui ont existé et le nombre de celles qui existent encore est accrue si l'on pense aux « châteaux )) et « logis)) élevés ultérieurement sur le même site. A Combray, la reconstruction du « Logis )) maintenant disparu n'a pas profondément modifié la topographie des -lieux: l'emplacement d'une ancienne motte et d'une basse-cour est reconnaissable. En revanche, il est probable que souvent l'édifice moderne a effacé définitivement les structures antérieures. A Pierrefitte-en -Cinglais, dont les seigneurs sont mentionnés en 1125, un manoir moderne est voisin de l'église. Sur le territoire de la même commune, la cour du « Logis Mathan )) est fermée ver" l'ouest par un talus de forme circulaire: il est difficile de vérifier si cet enclos est le reste d'une enceinte de terre. Nous connaissons aussi des seigneurs de Bray-en-Cinglais : or, une parcelle située près de l'église s'appelle « Le Manoir )) ; est-ce la trace de l'ancienne demeure seigneuriale? Un doute semblable est de rigueur dans le cas d'Espins. Certains ont cru voir une motte sur le territoire de la commune, à proximité du Château du Val ; d'autres contestent cette assertion. Mais, face à l'église, adjacente à une parcelle appelée encore « Pré Mathan )), existe une construction moderne nommée « Le Logis )) : est-ce l'emplacement de la demeure des seigneurs d'Espins qui accompagnèrent Guillaume le Bâtard à la conquête de l'Angleterre? D'autres manoirs sont proches d'églises paroissiales; ainsi à Fresneyle-Puceux, à Laize-la-Ville. Enfin, à Thury-Harcourt, le village est coupé en

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deux agglomérations distinctes, l'une autour de l'église, l'autre près ·d u château moderne dont le site commande le passage de l'Orne, et nous rappelle ceux du Bêle au Pont de la Mousse et de la Motte du Vey (8).

* * * En dépit de ces incertitudes, on peut cependant conclure sur certains points. Certes, on ne peut prétendre établir un recensement exhaustif des fortifications de terre. Mais déjà, la densité des ouvrages que l'on parvient à retrouver est suffisante pour tenter une étude de leur mode de répartition: les cas douteux que nous venons d'examiner ne le modifient pas de manière radicale. De plus, il existe dans le Cinglais trois châteaux de pierre médiévaux; ce sont les ouvrages du Thuis, de Tournebu, et le « château Ganne » sur le territoire de la commune de Saint-Clair. La conservation de ces grands châteaux de pierre est moins aléatoire que celle des ouvrages de terre; or, il est intéressant de constater que raire de répartition de ces châteaux de pierre correspond à celle des fortifications de terre: ainsi le Thuis est en lisière de la Forêt de Cinglais, Tournebu s'élève à la limite sud de la plaine de CesnyBois-Halbout, et le Château Ganne domine la crête la plus méridionale du synclinal bocain. D'ailleurs, il convient certainement d'ajouter à ces trois châteaux les ruines du « Vieux Manet» qui marquent la lisière méridionale de la Forêt de Grimbosq (9) ; les vestiges qui en existent ne peuvent pas être datés avec précision; ils semblent contemporains du « Logis» de Combray ; mais leur site est caractéristique d'un ouvrage défendu par un étang artificiel. reten u par une barre. Il convient donc de signaler dès maintenant la coïncidence qui apparaît entre les aires de répartition des fortifications et les régions qui ont été les plus affectées par la vague de colonisation rurale du XIe et du XIIe siècle; on ;~ vu que ces régions sont caractérisées par une toponymie où dominent les formes en -ière ou -erie, et par un habitat intercalaire très dispersé. En outre, en relisant les différents documents relatifs à cette période de deux siècles, nous aurons l'occasion de préciser que les nouveaux sites furent mis

(8) Nous passons délibérément sous silence la présence de certaines mentions relevées sur les plans parcellaires, ca'r il est difficile de savoir à quoi elles correspondent. - Commune de Cossesseville: Plan cadastral 1828, parcelle A 422: « La Forteresse » (située au nord-est du hameau du Manoir). - Commune de Tréprel: Plan cadastral 1829, parcelles B 7 et B 8: « L'enceinte» (entre Eraines et le château de Tréprel). - Commune du Bô: Le hameau de la « Sauvegarde » est signalé sur le tableau d'assemblage du vieux cadastre en tant qu' « ancienne place de guene », li n'en demeure aucune trace sur le terrain, mais l'origine de cette fortification collective est plus récente que celle des mottes et petites enceintes circulaires. (9) Commune de Grimbosq. Plan cadastral 1809, parcelles B 85 à B 88.

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en place et occupés peu après le début du XIe siècle et avant le milieu du XII". Aussi est-ce très tôt que les plaines de Mutrécy et de Laize-la-Ville au nord, de Cesny-Bois-Halbout au centre, ont pris les contours que nous leur connaissons actuellement, occupant toutes les terres limoneuses du plateau pour s'arrêter au contact de l'argile à silex. En revanche, au sud et à l'est du synclinal bocain, le recul des friches a été, semble-t-il, pl us progressif. Et, c'est dans ces zones marginales, prises entre la forêt et les terres de vieilles colonisations, que l'on trouve la plus grande partie des fortifications de terre; cel!f~s qui demeurent encore ne sont pas au centre des massifs forestiers, mai" à leur périphérie. Cela nous confirme dans l'idée que la répartition actuelle des ouvrages encore existants n'est pas l'effet d'un hasard de conservation mais reflète une réalité originelle (10). Certes, on peut objecter que les mottes de Combray, d'Acqueville, les ouvrages disparus du Vey, de La Mousse, de May-sur-Orne, ne correspondent pas à ce schéma d'implantation. Nous pensons cependant pouvoir, en première approche du problème. nous en tenir à cette idée, puisque nous rendons ainsi compte de la majeure partie des sites. Nous devons plutôt chercher à trouver une explication à cette règle de répartition. L'analyse externe des ouvrages ne peut nous mener plus loin. Aussi allons-nous nous demander si èe que nous savons de la féodalité du Cinglais peut nous faire entrevoir un élément d'explication : nous aurons en effet l'occasion de vérifier que, non seulement les mottes, mais aussi les enceintes, doivent être considérées comme des fortifications, et qu'elles constituent en tant que telles la forme d'habitat caractéristique des cad r es de la société féodale. C'est par ce problème de la féodalité du Cinglais qu'il faut reprendre celui des fortifications de terre .

(10) Il faut également ajouter que, dans le détail , nous ne relevons que quelques cas dans lesquels la fortincation de terre a été élevée dans le village prop1·ement dit. Le plus grand nombre des ouvrages a été construit à l'écart des centres de peuplement contemporain.

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III L'HISTOIRE DU CINGLAIS A L'ÉPOQ!2E DE LA FÉODALITÉ NAISSANTE

Les textes relativement nombreux dont nous disposons nous aideront à établir le contexte à la fois géographique et historique de la naissance de la féodalité et de son développement dans le Cinglais. Peut-être découvrironsnous alors une relation entre les régions où la féodalité a été le plus puissante et le plus anciennement établie, et celles qui ont vu se multiplier les habitats fortifiés. On peut se demander sur quelles bases se développent les aire ' d'influence des grandes familles seigneuriales qui apparaissent très tôt, dès la fin du Xe siècle. Prennent-elles appui sur un ancien cadre carolingien, sur un cadre nouveau fourni par l'apparition de la dynastie ducale normande, ou adoptent-elles un cadre spécifique qui fait éclater les anciennes unités ou les anciennes solidarités régionales et locales? (Fig. 7). Le premier de ces documents qui retiennent notre attention est une charte octroyée en 860 par Charles le Chauve à l'un de ses fidèles, Adalgisus ; le roi fait don de sa villa de Clécy-sur-Orne qui se compose de 12 manses (1). Ce texte ne m entionne pas expressément le Cinglais, mais il présente l'intérêt de montrer quelle est l'importance approximative d'une villa qui, par ses caractéristiques de sol et de relief, est identique à celles qui existent au sud de ce pays, sur les contreforts du synclinal bocain. Ce nombre de douze manses, quelle que soit l'étendue exacte de cette unité fiscale élémentaire, équivalant à une exploitation familiale , indique la proportion entre la superficie de terre réellement cultivée, capable de faire vivre un groupe humain, et la surface occupée par des friches , des forêts, des terrains de parcours, sous le régime d'une exploitation très extensive de la part des paysans. Ce faible peuplement expliqu e que des régions semblables puissent accueillir, pendant les quelques siècles qui suivent, le produit d'une importante poussée démographique, sous la forme de petits îlots dispersés. Il faut comparer à cette indication les r enseignements que nous livre un document à peu près contemporain. Celui-ci s'applique à une partie toute différente du pays: dans une charte datée de l'année 843, Charles le Chauve

(1) G. T essier, R eC1.teil des A ctes de Charles le Chauve , t . l , p. 563 , n O 223.

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TERRES

DUCALES

ET AIRES D'INFLUENCES

SEIGNEURIALES

~ Terres données por Raoul d'Ivry à la ca~hédrale de Rouen _Fin X·siècle ~ Terres consriru ont- I.e douaire de Jud i rh. 996 _ -1008 . E::j Aire d'inFluence des descendon~s de Rodulphu!> Sene')(, Fom i Iles {TO~St-son Erneiz. . ~ Aire d'inÇluence des Marmion.

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Fig. 7


donne à un autre de ses fidèles, Aton, outre la villa de Heidra, au sujet de laquelle nous aurons à revenir, tout ce que tient une femme nommée Goda dans la villa de Fontenay (2) . Quelques années plus tard, Charles confirme le tran sfert des biens de son fidèle au monastère de Saint-Maur-des-Fossés, où Aton s'est retiré; de nouveau, il est question de la villa de Fontenay que la charte situe avec précision cette fois in centena Cingalense (3) . En comparaison de celle de Clécy, l'importance de cette villa nous paraît tout autre; non pas certes par la superficie: la commune actuelle de Clécysur-Orne comprend 2.643 hectares; il est probable que c'est là, à peu de chose près, l'étendue de la villa originelle, les limites actuelles s'appuyant encore en partie, signe de leur ancienneté, sur l'ancienne route qui de Pontd'Ouill y gagne Pontécoulant. La superficie des terres formant le domaine de Fontenay est équivalente: L. Musset l'évalue à 2.285 hectares (4). Mais au IX· siècle, l'un des domaines ne possède que douze unités aman sées tandis que l'autre possède au moins deux lieux de culte, Saint-Germain et Saint-Martin qui tous deux, dès l'époque franque, avaient le privilège d'inhumation. Ces exemples confirment l'opposition entre deux types de colonisation dan s le Cinglais: dans les régions où les conditions naturelles sont le plus difficiles en raison des reliefs et des sols, la colonisation humaine se groupe encore, à l'époque carolingienne, en centres très éloignés les uns des autres . En revan che, ces centres sont beaucoup plus nombreux et s ans ,doute plus peuplés dans la plaine où les grandes friches ont disparu. Le domaine de Fontenay, en effet, ne constitue pas une unité isol ée. On soupçonne l'existence d'un second domaine, adjacent au précédent vers le s ud. Le village actuel de Cintheaux en aurait été le centre: sa situation est très curieuse au point de rencontre des finages de quatre paroisses, Cintheaux proprement dit, Cauvicourt, Quilly et Gouvix. D'ancien s chemins, dont le Chemin Hau ssé, partent en étoile de l'église de Cintheaux et les limites des paroisses voisines s'appuient sur leur tracé. Or, à l'intérieur de cet autre domaine, nous trouvons également deux églises entourées d'un cimetière à sarcophages, celles de Quilly et de Cintheaux. Cela indique de nouveau l'importance du peuplement de ces localités de la plaine, puisque deux lieux de cutte, exerçant plénièrement la fonction paroissiale, sont nécessaires à l'intérieur d'un même domaine. Aussi, en récapitulant, est-il possible de precIser la physionomie du Cinglais à l'époque Carolingienne: quatre grands domaines francs primitifs ont pu se partager ses marges septentrionales et sa plaine centrale, et chacun d'eux, Fontenay, Cinthea ux, Cingal, Thury, a peut-être possédé un e église-

(2) Ibidem, t. l, p. 71, n O 28. (3) Ib idem, t. l, p. 233, nO 84. (4) L. Musset, Pm·tages pa1'oissiaux et p1,1·tages féodaux: le domaine de Fontenay (1J1'ès Caen), dans Revue HistoTique de D1'oit F1'ançais et étTange1', 1949, p, 324,

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mère. Sans que l'on puisse preCIser les limites exactes de ces domaines, il est probable que leurs territoires se touchaient; c'est ainsi que furent mises en valeur les plaines. Ces domaines ont été démembrés rapidement (5), et la géographie paroissiale reflète ces partages. De nouvelles villae sont nées des grandes unités primitives; elles ont constitué le cadre ecclésiastique. Dans le reste du pays, les villae, moins peuplées, sont demeurées ce qu'elles étaient; leur territoire ne porte pas la marque des dissociations comme celles qu'atteste l'existence d'un certain nombre de très petites paroisses de la plaine. telles Laize, Quilly, Fresney-le-Vieux, Cingal et Thury. La constitution de toutes ces viUae et du cadre paroissial eut lieu avant la période carolingienne, puisque seule, l'une de ces paroisses porte un toponyme en mesnil. Encore faut-il remarquer que ce nom, le Mesnil-Touffray, a peut-être été substitué à un autre puisque la dédicace de l'église est à saint Martin. Ces indications touchant la géographie du peuplement recoupent donc bien les données suggérées tant par l'étude toponymique que par les vestiges archéogiques . Ces chartes de Charles le Chauve nous conduisent en outre à parler d'unI' question qui a longtemps passionné l'érudition locale. Se fondant sur ces documents, certains auteurs (6) pensèrent démontrer que le Cinglais et le pagellus nommé Otlinga Saxonia étaient identiques. Mais l'Otlinga Saxonia n'est pas le Cinglais, car H. Prentout a bien signalé l'opposition qui existe dans la charte de 846 entre Heidravilla, in pago qui dicitur Otlinga Saxonia in centena Nortrinse et Fontanetum, in pago Baiocassino, in centena CingaJense. Les deux centenae sont assez bien distinguées pour que toute confusion soit évitée (7). Cela nous conduit à montrer que le Cinglais carolingien apparaît comme une unité administrative, limité e par des contours précis dans l'esprit de celui qui la nomme. Par conséquent, les définitions géographiques que l'on donne du pays ne sont pas suffisantes. Il faut également souligner que les frontières du doyenné de Cinglais ne reproduisent pas exactement celles de la centena. On le constate d'abord pour le domaine de Fontenay qui dépasse sensiblement vers le nord les limites ecclésiastiques. Si l'on considère que ces terres font partie du Cinglais, la cause n'en est pas celle qu'avance l'auteur de l'édition d u cartulaire de la Seigneurie de Fontenay-le-Marmion (8), et ne repose pas sur le dessin des possessions seigneuriales du XI< siècle, mais sur la réalité que reprend dan s une certaine mesure le dessin de ces possessions, réalité qui est pour le moins antérieure de deux à trois siècles.

(5) H. Dubled, Quelques obse?'vations sur le sens dt~ mot « villa », dans L e Moyen Age, 1953. (6) Voir par exemple: Abbé de La Rue , Mémoù'e SU?' l'invasion des S axons et leu,'s colonies

dans le diocèse de B ayeux, et plt~s particuliè"ement su,· l'Otlinga Saxonia et les rapp01·ts de cette conh'ée avec le pays aujo'U?'d'hui appelé le Cinglais, dans ses Nouveaux Es sais H istoriques, Caen, 1842. (7) H . Prentout, Litus Saxonicum. Saxones Bajocassini, Otlinga Saxonia, dans R evue His to ?'ique, CV II, 1911, pp. 285-309. (8) Voi'r G. Saige, Ca,·tulctiTe de la Seigneu"ie de Fontenay le Ma?-rnion (Introduction).

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Il faut, en outre, se demander s'il n'y eut pas d'autres différences entre la centena et le doyenné. Faute d'autres textes, nous ne pouvons le découvrir, mais nous verrons qu'il est nécessaire de se poser cette question en ce qui concerne l'éventuel domaine de Cintheaux; il convient au ss i de nuancer l'idéf' selon laquelle le doyenné r eflète les li mites administratives carolingiennes. Tel est donc le cadre humain et politique fourni pal' le Cinglais avant la période des invasions normandes. Or, nous avons vu les faibles répercussions que semblent avoir eues ces invasions sur la géographie du pays. Sur ces bases se fonde le pouvoir ducal; nous allons constater quelles modifications il apporte. En eff et, lorsqu'un nouveau texte apparaît, concernant le Cinglais, le pays a entre temps changé de maître, mais sa physionomie demeure. Dan s cc document, rédigé entre 996 et 1008, le duc de Normandie Richard II constitue un douaire pour son épouse, Judith, fille du comte de Bretagne. Une donation de Cf genre est la seconde dan s l'histoire des ducs de Normandie. Auparavant, Guillaume Longue Epée avait déjà donné à Liégarde de Vermandois, un certain nombre de biens dans la région de Vernon et de Saint-André-derEure. Le successeur de Richard II, Richard III, fit également don de terres à sa femme, Adèle de France. On a dégagé une évolution dans la mamere dont furent formés ces douaires (9). En effet, Guillaume Longue Epée avait pu disposer de biens très groupés, situés dans une région riche à la limite de la Haute et dt' la Basse-Normandie. En faveu r de Judith, il fallut renoncer à trouver un assez grand territoire d'un seu l tenant: la donation est faite de trois ensembles détachés, tous situés en Basse-Normandie, l'un dans la région de Bernay, le second dans le Cinglai s, le dernier dans le Cotentin . Quant au douaire d'Adèle de France, ce n'est plus qu'un assemblage disparate fait de pièces et de morc eaux pris çà et là sur toute l'étendue du duché; et ce fut d' ailleurs le dernier douaire constitué par un duc de Normandie. Cette évolution indique qu'à la fin du Xc et surtout au début du XIe siècle, le duc de Normandie a progressivement aliéné une grande partie de ses terres de Haute puis de Basse-Normandie. Ce phénomène est frappant si l'on considère l'étendue de ce dont il pouvait disposer à l'origine. Le Cinglais offre, dans les décennies qui s uivent l'an 1000, un exemple de ce proce ss us. Entre 996 et 1008, Richard II peut disposer, en faveur de son épouse, de 27 villae dans le Cinglais (10) ; leur nom figure dans la charte de fondation.

(9) L . Musset, Actes inédits: les douaü'es des p1'incesses normandes, dan s Bull. Soc. Antiq. de N01'mandie, LIV , 1957-1958, p. 32. (10) Le do cument a été publié par M. Fauroux, Recueil des Actes des ducs de Normandie, n O 11, pp. 83-85.

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Un certain nombre de ces noms demeurent encore sans identification; restent à localiser Masnil Coibei, Til, Corteletes, Villa Petitel, Novum Mansum, Matroles, Longavilla, Urtulum. En outre, une incertitude demeure en ce qui concerne Donaiolum : s'agit-il simplement de Donnay, opposé au hameau de Grand Donnay, ou d'une mauvaise graphie pour le nom du village de Bonneuil, Bonaiolum ? De nouvelles identifications sont difficiles: des recherches sur les toponymes actuels du Cinglais resteront maintenant sans résultat. On ne peut même pas prouver qu'Urtulum soit Urville (11). Tout juste est-il tentant d'établir l'analogie entre J acobmesnil et Mesnil Coibei ; cela correspondrait as sez bien au mode d'énumération grossièrement géographique qui existe dan s le dotalicium : en effet, à l'exception de Osgot, Saint-Germain-I' Angot, le début du texte cite les villae du nord-est du Cinglais: Fresney-le-Vieux, Bretteville-sur-Laize, Robertmesnil. Pour une raison semblable, Til pourrait désigner le hameau du Tilleul (commune de Pierrefitte-en-Cinglais) (12). A la fin de cette recherche décevante, on en vient à penser que le document présente des interversions entre des villae du Cinglais et celles de la région de Bernay ou du Cotentin. C'est ainsi que Matroles semble désigner le village de Marolles, voisin de Bernay. D'autre part, il n'est pas impossible que la Villa Remigii, que l'on ne sait où placer dans cette dernière région, puisse désigner Saint-Rémy dans la vallée de l'Orne (13). Il est certain qu'il existe dans le texte de la charte des erreurs ou des confusions. Judith, en effet, reçoit 15 églises. Or, selon les identifications proposées, nous n'en connaissons que 14. Il est peu probable que la trace d'une paroisse ait disparu depuis le début du XI" siècle dans le Cinglais. Il y a donc là une difficulté, et si l'on ne veut pas recourir à l'hypothèse d'une erreur de transcription entre Donaiolum et Bonaiolum, il faut penser à une interversion de l'ordre de celle de la Villa Remigii. On doit avouer qu'il n'y a pas de raison définitive de conclure en faveur de l'une ou l'autre hypothèse; il existe bien un hameau dit « Le Grand Donnay», différent du village de Donnay; mais on ne saurait dire à quel peuplement s'appliquait la forme diminutive Donaiolum. De quelle manière se répartissent dans le Cinglais les terres données à Judith? Le groupe le plus dense des villae ducales forme un ensemble homogène d'un seul tenant au centre-ouest du pays, dans cette région où la toponymie nous a montré l'ancienneté du peuplement et sa densité dès l'époque gallo-romaine. A proximité du centre de Thury, lui-même inclus dans la donat.ion, Placy, Meslay, Donnay, Combray, Acqueville, La Neuville, Le Breuil,

(11) R ie n ne permet d'établir avec certitude l'équivalence U7·tulwm· Urville, qui est cependant généralement admise: cf. Adigard des Gautries, L es noms de lieux du Calvados attestés de- lH1 à 1066, dans Annales de No-.. mandie, III, n O 2, mai 1953, pp. 134·148. (12) Til est en effet cité en mê.me temps qu e Celadavilla, Plainville, autre hameau de Pierrefitte-en-Cinglais. D'autre part, si l'on considère la carte du douaire de Jud ith. le hameau du Tilleul permet d~ lier en une seule unité toutes les terres du sud-ouest du Cinglais. (13) Le cas de telles interversions n'est pas rare: cf. M. Garaud, L e Poitou et ses institutions, dans Le Moyen Age, 1953.

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Esson, Villers, Saint-Omer, Courteil, Le Tilleul, Pierrefitte, Plainville, ne forment qu'un seul territoire. En revanche, l'éparpillement est de règle ailleurs. Dans la plaine centrale, seules Cingal et Fresney-le-Vieux sont nommée.' par le document. Les villae de la vallée de la Laize, Urville, Bretteville, Jacobmesnil, sont voisines le.s unes des autres. Mais plus loin, vers le nordest et déjà dans la campagne, figurent deux unités isolées, Robertmesnil et Gaumesnil. Enfin, solitaires à l'est du synclinal bocain, Saint-Germain-l'Angot et Longmesnil s'intercalent entre les Bois de Saint-Clair et les Bois de Villers-Canivet. (Fig. 8). Certaines régions du Cinglais ne sont pas concernées par le douaire. La lacune la plus importante comprend toute la partie septentrionale du Cinglais en incluant les deux rives de la Laize; elle englobe la Forêt de Cinglais proprement dite et déborde dans la plaine centrale pour comprendre les centres de Barbery, Cesny et Croisilles. Deux autres lacunes sont pl us petites; l'une correspond au territoire des communes d'Angoville, Martainville, Tournebu, Moulines et peut-être Bonneuil, à l'est du Cinglais; l'autre est constituée, au sud du pays, par les villages du Vey, de La Pommeraye, du Bô, de Cossesseville. On s'aperçoit, par ces lacunes, que si l'on exclut la plaine septentrionale du Cinglais dont le cas est particulier, le dotalicium nous restitue l'image du « Cinglais utile» traditionnellement le plus peuplé et le plus riche, celui qui gravite autour des points qui nous sont devenus familiers: Cingal, Thury et Cintheaux; en cela, le Cinglais ducal hérite du passé. Cet héritage est celui des peuplements établis au moment de l'époque carolingienne, car aucun nom des villae figurant dans le douaire de Judith n'appartient aux formes toponymiques en -ière ou -erie, dont l'apparition est plus tardive et date d'une époque à laquelle le douaire est sorti du contrôle direct de l'autorité du duc. Le Cinglais ducal semble d'ailleurs hériter de beaucoup plus: il faut remarquer que le texte du dotalicium situe toutes ces villae in vicariam Cingalensem. Les limites de la circonscription carolingienne semblent encore précises puisque, si l'on exclut Robertmesnil et Gaumesnil, toutes les villae citée~ sont bien à l'intérieur du Cinglais compris dans son sens le plus étroit, c'est-à-dire dans les limites du doyenné. Or, il nous a semblé qu'au nord, en direction de Fontenay, les limites administratives carolingiennes étaient plus larges que les limites ecclésiastiques. Ne se passe-t-il pas un phénomène semblable pour les terres dépendant de Cintheaux (14), puisque le dotalicium place Gaumesnil et Robertmesnil dans le Cinglais? Il n'y a pas de raison pour mettre ici en doute la charte ducale qui ne se trouve en faute sur aucun des autres cas. On distingue donc une continuité réelle entre la période carolingienne et la période normande, ou plutôt, un respect de certaines formes. En dfet, les signes de dégradation et de transformation sont certains. I.e premier terme dont le contenu s'est appauvri est sans doute celui de villa. En effet, le texte du début du XIe siècle comprend sous le même- mot des

(14 ) Cintheaux fait partie du doyenné de Vaucelles.

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Les Vi llae d uc al es dan s l e Ci nglais 1°) LES VILLAE DE RAOUL D'IVRY

Boulon Laize -la-Ville

A: Bol" B: Lesia

2°) LES VILLAE DU DOUAIRE DE JUDITH

Cingal (comrmme de Moulines)

1 : Cingal 2 : Urtulum

Ur'ville

3: Frasnetum

Fr'esney-le- Viet<x

4 : Bretevilla

Br' ett eville-sur'-Laize

5: Osgot

Snint -Ger"main-l'A ngot

6: Masnil

Coibei

7 : Ma sn il Robert 8 : Avavilla

A cqueville

9 : Merlai

M eslay

10 : Peh'a fica

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J nco bmesnil (?) (commune de Br'etteville-su1'-Laize) Rob e,'t?nesnil (commune de Cintheaux)

Pie1'1'e fitt e-en -Cinglais Cinthea~,x)

11: Masnil Angot

Gaum esnil (commune de

12 : Til

L e Till et<l (commtme de Pien'efitt e-en , Cinglais )

13 : Peladavilla

Plainville (commune de Pien'efitte -en-Cinglais)

14 : Longum Masnile

Longmesnil (commune de Bonnœil)

15 : Nova villa

La Neuville (comrntme d'Esson)

16 : Corteleies

Cour'teil (commune de S aint -Omer')

17 : Corteletes

( ?)

18 : Sanctus Audomarus

Saint-Omer'

19 : Villa Petitel

( ?)

20 : Boscbla ncart

Beat<-Blanchar'd (commune de Saint-Rémy)

21 : Novum Mansum

( ?)

22 : Ascon

Esson

23 : Bruol

Le Br'euil (com'/nune d'Esson)

24 : Torei

Thur'y-Har'cou,'t

25 : Don a i 26 : Don a iolum

2 « v illae » de la coml1ttme actuelle de Donnay

27 : Villare

VilleTs (commune de Donnay)

28 : Matroles

( ?)

29 : Combrai

Combr'ay

30 : Longavilla

( ?)

31 : Placei

Placy


DUCALES

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DANS

LE CINGLAIS ••••• •

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1

1

Fig. 8

1

,


réalités différentes: un grand nombre de ces villae sont désignées par des formes en mesnil. Or le mesnil, mansionile, représente le démembrement du manse et de la viHa carolingienne. Plus significatif encore est le fait que Cingal subisse le même sort que les autres villae. Elle est certes nommée la première de la liste dans le dotaIicium, qui lui reconnaît encore une certaine prééminence. Mais Cingal fut le chef-lieu de la centena ou vicaria Cinga. lensis, ~et en tant que telle, cette localité ne doit pas être désignée sous ce terme de villa, mais sous celui de vicus. Le fait même que le pouvoir central puisse disposer du vicus en faveur d'une personne privée indique que ce nom a perdu son contenu original. Dès lor.s, la centena Cingalensis, qui n'a plus sa fonc tion administrative, n'est plus qu'une expression géographique dont le contenu amorce un long processus de dégradation. Or, cette dégradation s'accélère rapidement. Le cadre purement formel que le pouvoir ducal tentait de respecter par tradition se dissocie peu à peu sous l'impulsion de forces nouvelles. Celles-ci apparaissent dans le Cinglais surtout après la mort brutale de Richard III, fils de Richard II, le 6 août 1027. Cette date marque le point de départ d'une période de désordres qui affectent toute l'étendue du duché. Nous savons que ce sont les premières manifestations de la jeune féodalité normande, qui profite d'ailleurs de circonstances particulièrement favorables. La longévité des premiers ducs avait servi la cause dynastique et les changements de règne, préparés longtemps à l'avance , n'étaient pas l'occasion d'accidents. Mais cette belle régularité est rompue par la brusque disparition de Richard III dont la mort fut d'ailleurs suspecte aux contemporains. L'avènement de son frère, Robert le Libéral, met fin à la continuité due aux filiations directes. Celui-ci, alors qu'il n'était encore que comte d'Hiémois et que le ressort de sa fonction incluait le Cinglais, s'était déjà rebellé contre l'autorité de son frère aîné. Mâté, il avait conservé son comté, ce qui indiquait un fléchissement de l'autorité ducale qui jusque là avait disposé des fonctions comtales à son gré. Robert était soupçonné de n'être pas étranger à la mort de Richard III, et d'avoir partie liée avec la jeune féodalité dont il avait symbolisé les prétentions lors de sa révolte. Aussi le changement de règne fut-il l'occasion de désordres, et les biens ecclésiastiques eurent à en souffrir. Richement dotée en terres par Richard 1er , Richard II, et par les membres de la famille ducale, l'Eglise fut la première victime. Car désordres et révoltes étaient la conséquence d'une crise d'ordre économique et social due au manque de terres qui conduit à cette même époque un grand nombre de cadets normands à s'expatrier. Guillaume de Jumièges affirme que le nouveau duc s'en prit lui-même au début de son règne aux biens de l'Eglise. Il est probable qu'il dut consentir plus ou moins volontairement à un mouvement qui menaçait de s'exercer aux dépens des terre'l ducales. Avant de partir pour la Terre Sainte, Robert Le Libéral devait réparer les méfaits commis pendant les premières années de son règne. On trouve la trace de ces épisodes dans le nord du Cinglais. Le témoin en est une charte souscrite par Robert, archevêque de Rouen, et par son neveu, Robert le Libéral (15). Tous deux constatent le mauvais état des biens de la cathédrale de Rouen; ils énumèrent le peu qui lui reste et dressent une

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liste de tous les domaines qui devront lui être restitués. Dans cette liste figurent Laize et Boulon avec leurs églises. Ces domaines avaient été autrefois donnés à la cathédrale par Raoul d'Ivry, demi-frère de Guillaume Longue Epée (16), et la spoliation dont ils ont été l'objet entre probablement dans le cadre des désordres du début du règne. D'autre part, le fait que ces domaines aient appartenu à la cathédrale de Rouen, explique leur absence du douaire de Judith. Firent-ils retour à leur possesseur ecclésiastique, comme le dit le document? Seule, Laize, jusqu'à l'époque moderne, constitue une exemption de Rouen dans le diocèse de Bayeux. Quant à Boulon, elle dut demeurer aux mains de son usurpateur et ne revint pas à la cathédrale de Rouen (17). En effet, ces deux villae du nord du Cinglais ne se trouvent pas confirmées à l'archevêché par la charte qui enregistre les restitutions: c'est déjà la marque d'un certain flottement. Mais surtout, Boulon est nommée, une vingtaine d'années plus ta rd, dans la charte de fondation de l'abbaye de Fontenay (18). Raoul Taisson, le fondateur, donne à l'abbaye les coutumes épiscopales qu'il détenait sur onze églises, dont celle de Boulon. C'est là un jalon qui aide à identifier l'auteur des accaparements de terres et de droits, dan s la région du nord du Cinglais: Robert le Libéral, malgré sa bonne volonté, n'a pas réussi à lui faire opérer la restitution. Plus tard, la minorité de Guillaume le Bâtard est une période de troubles, et l'on voit à nouveau se distinguer la féodalité du Cinglais. En 1047 se joue le dénouement d'un complot organisé par les descendants directs de Richard II. Dans la conspiration sont entrés un certain nombre de seigneurs et de vicomtes, en particulier le vicomte de Bessin, Renouf de Briquessart, et celui de Cotentin, Néel de Saint-Sauveur. Ces derniers, las de n'être que des agents révocables du pouvoir ducal, aspiraient dans leur fonction à une plus large autonomie, que leurs homologues avaient déjà obtenue dans les autres grandes principautés territoriales et cherchaient à entrer au titre de comte dans la hiérarchie féodale (19). Le jeune duc fit appel à son seigneur, le roi de France Henri 1er , et tous deux vainquirent les rebelles à la bataille du Val ès Dunes (20). C'est à Valognes que le duc avait été averti d'une menace dirigée contre 1ui. Il s'était alors enfui vers l'est, cherchant une place forte loyaliste et susceptible de lui procurer un refuge. Il avait donc gagné Falaise, en évitant les

M. Fauroux, Recueil des Actes des Dt'cS de NOT7nandie, p. 197, nO 66. Voir le document cité ci-dessus. M. Fauroux, Rect,eil des Actes des Ducs de Nonnandie, p . 201, n O 67. Reproduite en entier dans Gallia Ch"istiana, t. XI, Inst1'umenta, col. 62. M, de Boüa'rd, Le Duché de Nonnandie, dans Lot et Faw t ier, Histo;,'e des Ï-tstitutions j"ançaises (H< Moyen Age, t, l, Institutions seigneu"ixles, pp, 1-33, (20) Voir l'histoire de la conjuration dans le récit de Guillaume de Poitiers, Histoire de Guillaume le Conqué,'ant; édit. R, Foreville, Paris, 1952, Lire également: La Nonnandie dtwale à t,'avers l'œuvre de Wace, s uppl ément a ux Annales de No,-mandie, III, n° l, janv:er 1953 (Ro1nan de Rou, vers 3625 à 3730),

(15) (16) (17) (18) (19)

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territoires dangereux que constitue le Bocage. Ainsi, la premlere étape du duc est Ryes; puis il gagne l'Orne qu'il traverse sans doute au gué de Brieux, entre Moutiers-en-Cinglais et Thury-Harcourt; de là, un chemin rejoint Falaise par Foupendant, Bois-Halbout et Clair-Tizon où il franchit la Laize. Or le Cinglais, par lequel passe le duc, n'était plus un pays loyal, bien qu'il ait constitué quelques décennies auparavant le douaire de la femme d'un duc. Car, en acceptant de livrer bataille au Val ès Dunes, les révoltés ne pouvaient imaginer qu'ils laissaient derrière eux un bloc hostile de grande importance stratégique, comme était le Cinglais: celui-ci gardait la plupart des issues en cas de retraite. La fin de l'aventure montre bien l'erreur que commirent les rebelles en ne s'attachant pas assez étroitement les services de Raoul Taisson de Cinglais. Wace montre quelle force militaire il représentait (21) : l'appoint de ses chevaliers dans la bataille fut décisif pour le parU du duc qu'il choisit au dernier moment. La puissance territoriale sur laquelle il s'appuyait devait donc être tout aussi considérable, et c'est au cri de Toirie! qu'il engage le combat aux côtés du Bâtard. On a quelquefois considéré que ce cri de guerre était la traduction d'une invocation au dieu scandinave Thor, semblable au cri français Dex aïe, Dieu nous a ide . Mais en réalité, de même que Néel de Cotentin rallie ses hommes par le nom de sa place principale « Saint-Sauveur! », Raoul Taisson doit utiliser le nom du chef-lieu de sa seigneurie et son cri de bataille doit être compris Thury! La puissance de ce seigneur est telle que l'étendue des terres relevant de lui coupe la retraite des vaincus en direction du Bessin; il ne reste plus aux fuyards qu'un étroit passage pour le franchissement de l'Orne entre Allemaigne et Fontenay (22) . Allemaigne, l'actuelle Fleury-sur-Orne, dépendait directement du duc, tandis que Fontenay appartenait déjà à Raoul Taisson ; il allait peu après en faire don à l'abbaye qu'il devait y fonder . Ainsi, dans la première moitié du XIe siècle, voit-on apparaître puis s'affirmer dans le Cinglais l'existence d'une seigneurie dont les principaux éléments s'étendent au nord et à l'ouest, de part et d'autre de la Forêt de Cinglais. D'après les textes, on s'aperçoit que cette nouvelle unité s'est formée en partie d'une spoliation, celle de Boulon, et d'une substitution dont on ignore les circonstances: Thury, ancienne villa du douaire de Judith, est devenue la place principale du seigneur Raoul Taisson, dit « de Cinglais » . Aus,,; est-ce sans doute à partir de ce moment que le Cinglais cesse, dans le vocabulaire courant, de désigner l'ensemble de l'ancienn e vicaria pour ne plus qualifier que la région septentrionale où Raoul Taisson concentre son pouvoir. De même, Cingal perd définitivement, au bénéfice de Thury, la préséance honorifique qui était sienne dans le douaire de Judith. Thury, place principale de Raoul Taisson, devient la capitale du Cinglais. La rupture du cadre carolingien s'e st donc faite en deux temps. La société féodale s'élève sur des bases nouvelles: cependant il convient de ne pas négliger le fait que

(21 ) W a ce, Roman d e Rou, ve r s 3865 à 3930. (22 ) Ibidem , ven 4163-4164.

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Thury a été dans le passé l'un des centres économiques du Cinglais et que la nouvelle organisation sociale n'échappe pas entièrement à la tradition. Ce sont ces aspects le plus souvent très neufs, et dans certains cas hérités, qu'il nous faut maintenant retrouver dans l'histoire du Cinglais et de ses familles seigneuriales.

* * * En premier lieu, que sait-on de la famille de Raoul Taisson et de ses origines? Elle est citée pour la première fois par des documents diplomatiques en 1025, peu avant la disparition de Richard II : une charte de Guillaume de Bellême, puis un acte de Richard II décidant le rattachement de l'abbaye de Bernay, fondée par Judith, à celle de Fécamp. La première de ces chartes porte la souscription de Raoul Taisson, la seconde des frères Raoul et Erneiz. Un troisième texte un peu plus tardif, émanant cette fois-ci de Robert le Libéral, porte la souscription explicite de Raoul Taisson et de son frère Erneiz (23) . Enfin et surtout, nous possédons les différents documents relatifs à la fondation de l'abbaye de Fontenay-sur-Orne, faite par les deux frères dans les années qui entourent 1050, ainsi que les confirmations faites au siècle suivant. De ces données depuis longtemps étudiées (24), il apparaît que l'on ne saurait remonter dan s la généalogie des Taisson au-delà du père de Raoul et d'Erneiz, appelé Radulfus Andegavensis, ou Radulphus Senex, et de leur mère, Alpaïs. Quant à savoir s'il s'agit d'une famille installée depuis un certain temps déjà dans le pays ou d'immigrés venus peupler les terres normandes à l'appel des ducs, vers la fin du Xc siècle, cela demeure du domaine de la conjecture. La deuxième hypothèse est probable, si l'on songe à l'un des noms sous lesquels est connu le père de Raoul Taisson : Radulphus Andegavensis est vraisemblablement d'origine angevine. Mais il est d'un intérêt plus grand de connaître l'aire primitive de l'implantation de cette famille dans le Cinglais. Il n'est pas difficile d'établir un rapprochement entre la région de l'ouest et du nord-ouest du Cinglais, qui n'est concernée ni dans le « dotalicium », ni dans la donation de Raoul d'Ivry, et celle où l'on voit se développer l'assise territoriale des Taisson. Les différentes chartes relatives à la fondation de l'abbaye de Fontenay permettent peut-être une précision plus grande. Le premier document date des années 1050 ; il s'applique à deux régions: l'une est située sur la rive gauche de l'Orne, au sud-ouest du Cinglais, l'autre dans le Cinglais proprement dit; dans ce dernier cas, il s'agit de biens dépendant

(23) Ces trois chartes ont été publiées par M. Fauroux, Recueil des Actes des Ducs de N 01· rnandie, p. 123, nO 33, p . 132, n O 35, p. 195, n ° 65. (24) Pour les différents textes relatifs à la fondation de l'abbaye de Fontenay, il faut consulter l'é ~ ude récente de L. Musset, A ctes inédits du XI' siècle : autour des ori.qines de Saint-Etienne de Fo ntenay, dans Bull. Soc. Antiq. de N01·mandie, LVI, 1961, pp. 11-41.

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de ce domaine de Fontenay, qui avait été donné, comme nous l'avons '/U, à l'abbaye de Saint-Maur-des-Fossés pendant la période carolingienne. La fondation d'un monastère bénédictin sur ces mêmes terres prend l'aspect d'une restitution de biens qui traditionnellement étaient ecclésiastiq ues, et cet acte est conforme à la politique ducale de restauration monastique. Par le même texte, Raoul Taisson donne à l'abbaye naissante l'église de Boulon et les terres qui avaient appartenu à la cathédrale de Rouen; il lui abandonne enfin les coutumes épiscopales des églises de Thury, Esson, Barbery, Cingal et Saint-Rémy. A l'exception de Barbery, toutes ces églises avaient été données à Judith et sont donc sorties, depuis lors, des possessions de la famille ducale. Ces coutumes ép iscopales étaient tenues en fief de l'évêque de Bayeux, situation aus"i courante que contraire aux canons ; aussi, cette fondation faite avec l'assentiment du duc doit-elle être considérée comme une tentative de régularisation L'accaparement du pouvoir laïc, et cela dans le cadre de la réforme de l'église dont le duc se montre l'un des plus fermes appuis. Ces accaparements ont été d'abord le fait du duc qui avait donné les églises à sa femme, avant d'être celui de la famille Taisson qui doit faire réparation au nom des deux pouvoirs en 1050 (25). Cette première donation possède tous les aspects d'une res tituti on. Il n'en est sans doute pas de même des s uivantes , qui émanent de l'une et l'autre branche des descendants de Radulphus Andeg-avensis, les Taisson d'une part, les Erneiz ou Fils Erneiz de l'autre. Elles ont pour objet des biens du patrimoine familial; on voit ainsi que les Taisson ont leur assise principale dans cette région de Thury qui constitue le lien entre leurs possessions de la rive gauche et de la rive droite de l'Orne, et dans les paroisses adjacentes à la Forêt de Cinglais: Barbery, Cingal, Fresney-le-Vieux pour la partie méridio nale, Boulon et Saint-Laurent-de-Condel au nord, et enfin, dans la région de Fontenay. Cette partie septentrionale et orientale de la Forêt de Cinglais leur est sans doue revenue lors du partage avec la branche cadette. Le s fondements de la puissance territoriale de cette dernière branche sont différents ; certes, ils reposent également sur Fontenay mais surtout sur Grimbosq et Cesny (26), et sans doute sur la partie occidentale de la Forêt de Cinglais que ces possessions avoisinent. En outre, les descendants d'Erneiz percevaient des droits sur le commerce de Thury. Telle est donc l'aire d'influence des différentes branches de la famille des Taisson vers le milieu du XIe s iècle . Or, cette aire est principalement fondée sur les régions qui n'entrent pas dans la constitution du douaire de Judith, et semblent avoir échappé dès cette époque au pouvoir ducal. Nous avions remarqué, dans ce texte, l'absence des noms de Barbery à l'est du Cinglais et, à l'ouest, la lacune la plus étendue qu i couvrait les territoires de Cesny, Grimbosq, et atteignait presque Thury. Or,

(25) J.F. Lemarignier, L es p"ivilègcs d'exemption et de jurid'i ction ecclésias tiques des abbayes normandes depuis les o"igines jusqu'en 1140. Paris, 1937. (26) En 1217, Robe'rt Fitz Erneiz VI confirme les donations antérieures faites pal' ses ancê : res à l'abbAye de Fontenay, Il est par.icuEèrement rrentionné l'église de Cesny et les bois d'Olivet (Gallia CMistiana, t. XI, col. 333),

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cette localité qui avait fait partie du douaire de Judith est devenue, au cours de la première moitié du XIe siècle, la place principale des Taisson. En revanche, Cesny et Grimbosq qui en étaient exclues demeuraient intégralement aux Fitz Erneiz : par exemple, les églises de ces deux paroisses n 'étaient pas démembrées entre les deux branches. Aussi peut-on penser que ce qui existe de façon certaine après 1265 sous le nom de « Baronnie de Cesny et Grimbosq» est le prolongement d'une unité plus ancienne; le partage effectué· entre les descendants de Radulfus Andegavensis aurait donc respecté certains trait" de la géographie politique antérieure. Raoul Taisson et Erneiz se sont partagé les deux points d'appui de la famille, Thury d'une part, Cesny et Grimbosq de l'autre. Or, Thury était demeuré longtemps à la libre disposition du duc. En revanche, dès l'époque de la constitution du douaire de Judith, Cesny ne lui appartenait pas. Aussi sommes-nous tentés de considérer que cette ancienne unité de Cesny et Grimbosq est la région qui se trouve à l'origine de la puissance de Radulfus Andegavensis. Si, d'autre part, le partage des biens entre les deux descendants respecte à peu près complètement l'intégrité de ces deux unités, il divise chacune des autres possessions par moitié: ainsi, églis es et terres sont séparées en deux parties égales selon la coutume que respectent encore les héritages ruraux à l'époque moderne; aussi n'est-il pas utile de soupçonner ici une intervention ducale (27) ayant pour but de dissocier les trop vastes assises territoriales des barons et de dimin uer leur puissance politique; la dissociation se faisait d'elle-même, par souci d'équité entre les descendants, aux dépens de leurs intérêts politiques. Il semble donc que la puissance des Taisson soit née de régions marginales par rapport au Cinglais peuplé tel que nous l'avons décrit à la période carolingienne et ducale, et que l'aire d'influence primitive de cette famille se soit peu à peu étendue aux dépens des biens ecclésiastiques ou ducaux situés dans la plaine plus riche. Le Cinglais septentrional de la période féodale a donc sa physionomie propre par rapport aux cadres préexistants. Constate-ton un phénomène semblable dans le reste du pays? Les mêmes documents relatifs aux Taisson et à la fondation de l'abbaye de Fontenay nou s indiquent la présence d' une autre aire d'influence seigneuriale au nord-ouest du Cinglais. Il s'agit de la famille Marmion, dont une partie des possessions relève d'ailleurs des Taisson. Son assise territoriale a été décrite par L. Musset d'après le cartulaire de la seigneurie de Fontenayle-Marmion; on peut aus si la saisir par les donations faites en 1181 pour la fondation de l'abbaye de Barbery. Cette assise s'étend autour de Fontenay-leMarmion, Cintheaux, Quilly, Bretteville-sur-Laize, Barbery. On note, dans le dessin de ces possessions, une tentative de reconstitution de l'unité dont Cïnth eaux a été le trè s ancien centre à l'époque franque et carolingienne. Tout comme dans le cas des terres de Fontenay qui retrouvent au Xl" siècle leur attribution ecclésiastique, il y a ici une continuité que la géographie seigneu-

(27 ) Voir L. Musset, op. cit . à la note 24 .

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l'iale retrouve au-delà d'un ou deux siècles. En outre, on note qu'à la fin du XIIe siècle, Raoul de Gouvix tient des Marmion, et que l'on connaît un Guillelm us Marmion de Urvilla (28). Bien que tardives, ces observations conservent leur importance pour indiquer la direction donnée au mouvement d'expansion de cette famille. D'autre part, il est curieux de constater que le lieu d'implantation de la nouvelle fondation monastique est à la limite de la zone d'influence des Marmion et des Taisson. Cela semble marquer, parallèlement à ce qui s'était passé lors de la fondation de l'abbaye de Fontenay, une volonté de ~tabilisation, de régularisation dans la rivalité politique et économique existant entre les différentes aires d'influence qui cherchent à se déYelopper. C'est cette région de la vallée de la Laize, entre Fontenay-le-Marmion au nord et Moulines au sud (29) qui guide l'expansion de l'aire d'influence des Marmion . Deux facteurs favorisent sa naissance puis son développement: elle correspond d'abord à une région dans laquelle, comme nous l'avons montré, l'habitat n'a pas achevé de se stabiliser à l'aube de la féodalité; elle englobe ensuite un certain nombre d'anciens passages de la Laize, qui comme Bretteville ou Urville, sont entrés dans la formation du douaire de Judith, et qui possèdent une valeur stratégique et économique. C'est à partir de cet axe commode, fourni par la vallée et les zones peu peuplées qui la longent, que les Marmion cherchent à étendre leurs possessions en direction des plaines voisines. Il faut sans doute voir dans le morcellement du douaire de Judith dans toute cette région une conséquence de la puissance précoce de cette famille. L'histoire du .sud du Cinglais nous est moins bien connue, faute de textes auss' anciens et aussi précis. Cependant, nous y découvrons les traces d'un processus très peu différent de celui qui s'est déroulé dans le nord du pays, avec l'apparition des Marmion et des Taisson. En effet, en 1125, à une période bien an té rieure à celle qui vit la fondation de l'abbaye de Barbery, un certain Gasselin, seigneur de La Pommeraye, donne aux chanoines de l'abbaye du Val des biens situés dans toute la partie méridionale du Cinglais (30). D'après la formule employée dans l'acte, il ne s'agit sans doute pas d'une fondation proprement dite, mais plutôt d'une donation à un monastère existant déjà depuis un certain temps. Or, s i l'on considère que dans les exemples précédents de Fontenay et de Barbery, la fondation monastique ne venait que confirmer une puissance seigneuriale établie depuis un certain temps déjà, il fa ut penser que l'aire d'influence des seigneurs de La Pommeraye s'est développée presque tout au long du XIe siècle. Gosselin abandonne des terres sises à Saint-Omer, des églises à Angoville et Bonneuil, des moulins à Placy, Pierr epont, Le Bô, Saint-Germain-l'Angot. Les origines de la famille de La Pommeraye sont plus

(28) D'après la charte de fondation de l'abbaye de Barbery, Gallia Ch,·istiana. t. XI, I nst"umenta, col. 85 -86. (29) Plus au sud, mais toujours dans l'axe fourni par la vallée de la Laize, les Marmion contrôlent également les terres de Tupot et de la Meslière, sur le te'rritoire de la commune de Saint-Germain-l'Angot. (30) Charte reproduite par Lefournier, Hisloü' e de l'abbaye Not"e-Dame du Val, p. 337.

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obscures encore que celles des Taisson. Gosselin est le fils cadet d'un certain Radulfus de Porneria, qui fut avec Guillaume le Bâtard en Angleterre et reçut des terres dans le Devonshire (31) . Enfin, les derniers mots de la charte de fondation de l'abbaye du Val fournissent encore une précision sur la géographie politique du Cinglais au début du XIIe siècle. Nous apprenons que le monastère est bâti sur le fief d'un certain Ricardus de Tornebuto; aussi existe-t-il sans doute des liens entre les seigneurs de La Pommeraye et ceux de Tournebu, liens semblables à ceux qui unissent les Taisson et les Marmion. C'est la raison pour laquelle, à défaut de données plus précises, on peut certainement parler dès cette date d'une zone d'influence des seigneurs de La Pommeraye et de Tournebu. Cette unité est d'ailleurs rendue plus étroite un siècle plus tard lorsque la famille de Tournebu donne l'église du chef-lieu de sa baronnie à l'abbaye Notre-Dame du Val (32). Une fois encore, les centres sur lesquels on voit ces seigneu rs s'appuyer au début du XIIe siècle échappaient au duc Richard II lors de la constitution du douaire de Judith au déb ut du XI' siècle. La Pommeraye, s ur les contreforts méridionaux du synclinal bocain, et Tournebu, sur le revers septentrional, sont les centres de petites régions dans lesquell es le duc ne dispose d'aucune villa. Ces lacunes se situent, là encore, sur les marges des terres de vieil]!' colonisation. Ainsi, par l'intermédiaire des dons faits aux monastères, on reconstitue les grands traits de la géographie féodale du XIe siècle. Ces fondations sont pour nous le signe d'une transformation progressive qui s'effectu e au XI" et au début du XIIe siècle. Elles servent aux contemporains à préciser et fairé avaliser les avantages territoriaux acquis au fur et à mesure de la période précédente. Cet effort général de fixation se fait à un moment tardif dans l'histoire du peuplement et n'est pas à l'origine de défrichements de grande ampleur. Il correspond plutôt à une transformation des méthodes de l' expansion politique et économique des unités seigneuriales. Ainsi l'abbaye de Fontenay, produit de la puissance précoce des Taisson, fut créée très tôt, dès 1050, dans un pays peuplé densément et de vieille date. Les abbayes de Notre-Dame du Val et de Barbery n'ont été fondées que beaucoup plus tardivement, une fois réalisée la colonisation humaine des régions où elles ont été implan tées. La connaissance très imparfaite que nous avons de la famille d'Aubigny nous empêche de tirer des conclusions semblables en ce qui concerne la fondation de l'abbaye de Villers-Canivet (33), mais cette création sanctionne

(31 ) Ce personnage est bien le seigneur de la Pommeraye en R ouse of de La Pomme,·ai. (32) Ch. Fierville, Ristoir'e généalogique de la maison et de la Mémoir'es de la Société des Antiquaü'es de Normandie, pp. 170-367) . (33) Charte de fondation publiée dans A. du Monstier, Neustr'ia

Cinglais. Voir Powley, The

ba"onnie de Tou"nebu , dans 3' série, 6- volume,. 1867, Pia, p. 791.

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certainement un fait conforme à celui des exemples de Fontenay, du Val et de Barbery. Les fondations monastiques succèdent à l'effort d'expansion économique et politique des seigneurs, consacrent des points acquis, mais ne modifient pas de façon très sensible la surface des terres exploitées. Au moment où elles s'installent dans la deuxième moitié du XIe et au début du XIIe siècle, l'impression se dégage que tous les peuplements sont alors en place dans le Cinglais. Cette impression se confirme à l'examen des différentes chartes de fondation et des noms de lieu qui y sont cités; la physionomie définitive du pays a été façonnée par la société féodale, d'abord naissante puis conquérante. Au cours du XIe siècle, on a ss iste donc à la formation de certaines zones d'influence seigneuriales, dont les contours, bien que flous, nous apparaissent suffisamment dans les chartes de fondation des abbayes . Ces établissements monastiques viennent consacrer l'importance prise par un seigneur dans le domaine politique. Or, il faut insister sur le fait que ces seigneuries se développent à partir de territoires marginaux par rapport au Cinglais « utile » du début du XI" siècle, tel qu'il nous est décrit dans le dotalicium. Les régions de Cesny et Grimbosq pour les Taisson, de Bretteville et Barbery pour les Marmion, de Saint-Clair ou de Tournebu pour les La Pommeraye, constituent encore au cours du Xl' siècle des régions de moindre résistance, où le peuplement n'est pas terminé. Cet effort d'expansion des seigneuries se fait peu à peu aux dépens du cadre territorial préexistant, et dans le sens d' un démembrement de l'unité administrative carolingienne ou de l'unité économique de la période ducale. Tout se passe comme si, après s'être assuré des territoires marginaux sur lesquels la colonisation était en grande partie encore à faire, les seigneurs avaient peu à peu englobé dans leur zone d'influence les territoires plus riches des vieux peuplements. De quelle manière cela s'est-il réalisé? Nous avons relevé la trace de troubles fréquents. Au ssi, même s'il y eut par la suite des inféodations, le duc dut-il souvent reconnaître un fait accompli. Les difficultés économiques dues au besoin de terres se traduisent par des troubles chroniques dont nous avon s quelquefois montré les traces, ou par de bru sques crises politiques semblables à celle de 1047. Or, les contemporains sont unanimes; les crises politiques se traduisent partout de façon semblable : des particuliers élèvent des fortifications, et ce seul fait finit par constituer le signe de la rebellion ouverte contre l'autorité ducale (34). Le mode de répartition des fortifications de terre nous incite à mettre en rapport la construction de ces ouvrages avec les efforts d'expansion des unités seigne uriales.

(34) On peut rappeler quelques No,.,nannontm Ducum, livre Wace, Roman de Rou, vers Livre VIII (troubles suivant

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témoignages souvent cités: Guillaume de Jumièges, Gesta VII (troubles de la minorité de Guillaume le Bâtard ) ; 8435-8438, 8796 -8797; Orderic Vital, HistM'ia ecclesiastica, la mort de Guillaume ) .


IV · LE ROLE DES FORTIFICATIONS DE TERRE DANS LA GENÈSE DE LA SOCIÉTÉ FÉODALE

R este à interpréter cette correspondance entre le cadre géographique qui voit la naissance des zones d'influence seigneuriale et l'aire de répartition de la plupart des fortifications de terre. Il semble que l'étude de celle-ci éclaire l'un des aspects de la genèse de la féodalité et de son mode de développement. Nous avons constaté que le dess in des différentes aires d'influence seigneuriale ne respecte pas les unités traditionnelles, même si, ça et là, on saisit. un souci de conserver, de façon très formelle, une certaine continuité. Ce souci avait été, dans un premier temps, celui du duc qui prenait la succession, non immédiate d'ailleurs, des autorités carolingiennes. Ainsi, en ce qui concerne le Cinglais, le duc n'était-il plus qu'un possesseur de villae, ne respectant plus strictement les cadres de l'organisation administrative carolingienne, mais héritant de la cohésion économique de la vicaria, cohésion fondée sur le s terres de colonisation traditionnelle. Toutefois, l'aliénation des domaines ducaux du Cinglais au profit de forces nouvelles, nées sur les marges neuves des anciennes terres exploitées, et la dislocation qui en résulte, entraînent dans le Cinglais une modification de la nature du pouvoir ducal: le duc passe de l'état de possesseur direct de villae, selon un principe dérivé du mode carolingien, à un état nouveau caractérisé par l'appauvrissement en terres et l'incapacité progressive d'en disposer. Ainsi, la rupture avec le passé carolingien s'est faite en deux temps, et la seconde phase, telle que nous la percevons, prend l'aspect d'une profonde dislocation. Cette dislocation a lieu d'une manière progressive et anarchique; c'est ainsi, du moins, que l'interprétation des textes nous permet de la saisir; si l'on voit, en effet, les Marmion reformer sous leur dépendance l'unité ancienne relevant de Cintheaux, il ne faut pas oublier que celle-ci est englobée entre des parcelles de l'ancien domaine de Fontenay et des extensions de

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directions diverses, vers Bretteville et Barbery d'une part, vers Urville de l'autre. 01' le caractère anarchique de ces progrès reflète la désorganisation totale dans laquelle apparaît la construction des fortifications de terre, et cette correspondance doit être relevée. On ne parvient pas, en effet, à distinguer des liens ou des relations entre les divers ouvrages; il est tout à fait improbable qu'ils aient été construits selon une vue d'ensemble. Il s n'entrent dans aucun système destiné à prot~ger plus spécialement une place ou une région, ni même, comme cela aurait pu se trouver au sud -est du Cinglais, à couvrir les approches de la forteresse de Falaise. Certes, quelques fortifications jalonnent des itinéraires quelquefois importants: ainsi, la motte de May .se trouvait à proximité du « Chemin Haussé» ; la motte de Bretteville-sur-Laize domine un ancien passage de la Laize; l'enceinte d'Urville contrôle l'ancienne route qui, venant de la plaine par la motte de Gouvix, gagne Cingal ; enfin, l'enceinte de la Souillarde est longée par l'ancien chemin qui traverse l'Orne près du hameau de Percauville, et descend par Clinchamps et la chapelle du Malpas, formant cet axe méridien du Cinglais dont les tronçons les plus septentrionaux sont peut-être d'origine romaine. La tradition locale conserve le souvenir de cette vieille route, qui, dit-on dans le pays, menait à Rouen. On ne parvient pas à retrouver les traces de ce chemin immédiatement au sud de la Forêt de Cinglais: il est probable qu'il se dirigeait vers le hameau de la Motte de Cesny: de cet endroit part, en effet, un e voie appelée à Cesny « Chemin aux Saulniers » qui, par la « F erté» de Donnay, rejoint le Pont-d'Ouilly. Ainsi, ce grand axe se trouve jalonné, dan s les endroits les plus écartés qu'il traverse, par un certain nombre de fortifications. Autre route d'intérêt régional, celle du gué de Foupendant à Falai se est contrôlée par le château de Tournebu. Entre Falaise et Thury, il existe un certain nombre de tronçons que l'on rattache malaisément les uns aux autres; l'itinéraire a certainement comporté, non pas un axe unique, mais un certain nombre de chemins ramifiés sur lesquels on trouve les mottes de Combray, d'Angoville, de Saint-Germain-l'Angot, de Norofl-l'Abbaye, et l'enceinte de la Barberie. Parfois, l'un de ces chemins porte un nom particulier, tel le chemin du Roi Louis à Angoville, du Pas Corté entre Clair-Tison et Angoville. Deux points de passage de l'Orne ont également dû être surveillés par des fortifications: au Pont de la Mousse, et au Vey, nous avons retrouvé leur trace . Au Vey, notamment, passe le « Chemin de Bretagne » qui est dominé, sur le territoire de la commune de La Pommeraye, par le « Château Ganne ». Cette relation entre les grandes voies de communication et les mottes et enceintes circulaires n'est pas surprenante: d'une manière générale, elle est fréquemment signalée par les auteurs. Cependant, il faut remarquer que malgré cette relation, seul un petit nombre d'ouvrages de terre se trouve au cœur des gros villages ou des principaux noyaux de peuplement: Fontenayle-Marmion, Bretteville-sur-Laize, Gouvix, Combray, Boulon, constituent les seuls exemples de ce phénomène. Dans la plupart des cas, la fortification se trouve à l'écart de ces centres: à Ussy, Leffard, Angoville, Acqueville, SaintGermain-l'Angot, Cesny, May-sur-Orne, La Pommeraye, Urville, Saint-Lau-

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rent-de-Condel, les mottes ou enceintes ont été élevées à proximité d'un axe de circulation, mais sans pour autant être dans un centre de peuplement. De plus, il est étonnant de voir tout à fait is olées des fortifications aussi importantes que sont le « Château d'Olivet» ou le « Château de Thuis » ; de même, l' « Isle d'Amour » ou « la Vieille Motte» sont curieusement éloignées des routes de Falaise à Foupendant ou de Falaise à Thury. Ces exemples montrent d'abord que les fortifications de terre semblent être caractéristiques des régions en cours de peuplement au début du XIe siècle, et ensuite que ces ouvrages sont dans la plupart des cas à l'écart des centres d'habitat groupé. Il faut, en outre, ajouter que l'absence de toute relation entre les difféforti fication s montre qu'il n'y eut aucun système d'ensemble. De même, la disposition et les plans. des ouvrages sont extrêmement variés. Ce manque d'organisation et cette improvi sation correspondent exactement à ce que nous savons du développement des seigneuries. Dès lors, nous sommes conduits à préciser le rôle de ces fortifications de terre dans la mise en valeur d'espaces nouveaux au début du XIe s iècle et dans les problèmes politiques qui découlent de la formation d'une société dont les chefs ont besoin d'une assise territoriale aus si large que possible pour fonder leur puissance. rente~

Rappelons encore l'importance du phénomène: sur le territoire partagé en moins de cinquante communes, nous savons qu'ont été élevées au moins vingt huit fortifications de terre: treize mottes existent encore, ainsi que sept enceintes circulaires. Si l'on compare ces chiffres avec celui des châteaux de pierre médiévaux du Cinglais, trois au total, peut-être quatre, on s'ape rçoit que l'on ne peut rendre compte de l'histoire des origines féodales dans ce pays si l'on ne tient pas compte des fortifications de terre; en réalité, seul le château Ganne est peut-être contemporain de la construction de ces ouvrages. Les autres, le Thuis et Tournebu, ne sont certainement, comme nous l'avon s déjà dit, que les reconstructions plus tardives de fortifications antérieures , faites de terre et de bois. JI faut consi dérer de façon un peu particulière le cas des enceintes circulaires. Leur mode de répartition est peut-être plus schématique encore que celui des mottes et des châteaux de pierre. Elles se s ituent uniquem ent à la lisière des forêts, se trouvent éloignées des villages importants ou des chefslieux de paroisse. Furent-elles de véritables fort ifi cations? Il est certain que, si l'on considère leur a ~ peCt externe, elles évoquent, pour un certain nombre d'entre elles, le dispositif de la motte dont la fonction militaire n'est pas mise en doute. C'est ainsi que, dans les plans, on passe progressivement d'enceinte s circulaires simples, comme celle de la Bijude à Brettevîlle-surLaize, le château HoueI à Grimbosq, l'enceinte de la coupe de la Souillarde dans la forêt de Cinglais, à des types intermédiaires: au Bois du Pôt, une so rte de fossé a peut-être protégé l'enceinte en direction du nord, et à Urvill e, l'enceinte est défendue, du côté du plateau, par un avant-corps. Enfin, à la Barberie, à la Vieille Motte, J'enceinte principale, de taille plus ou moins réduite, est accompagnée d'une basse-cour. Que ce plan ait été utilisé pour des installation s assurément militaires, cela est démontré par les restes du

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Château Ganne. Cette fortification de pierre construite sur l'extrémité de l'une des crêtes rocheuses du synclinal bocain, est composÙ d'une petite enceinte s'ouvrant vers l'est sur une basse-cour; une porte fortifiée soutenue par des arcs ·d e pierre permet le passage de l'une à l'autre; à l'extrémité orientale, une troisième enceinte a été construite s ur un replat; elle est défendue par un rempart dont la force n'est pas supérieure à celle des défenses des petites enceintes de terre. D'autre part, il n'est pas hautement probable que la fonction de ces petites enceintes circulaires ait été uniquement agricole, même dans le cadre d'un élevage forestier. Les ouvrages utilisés à cette fin n'étaient-ils pas plutôt du type, beaucoup moins exigu, de cette ence inte de terre grossièrement quadrangulaire qui existe encore dans la forêt de Cinglais, non pas sur l'une de ses lisières, mais en plein centre; cette enceinte, dite de l'Herbage, n'est pas très différente des haras que possédaient les Fitz Erneiz dans la forêt de Cinglais (1). En outre, le rempart de ces petites enceintes, tel qu'il est encore conservé en bien des cas, est d'une force s uffisante pour avoir été considéré au XI" siècle comme une fortification. On sait quel critère était alors retenu: « Nulli licuit in Normannia fossatum facere in planam terram nisi tale quod de fundo potuisset terram jactare superius sine scabello (2) ». Si nous entendons fossatum dans le sens traditionnel de la tranchée accompagnée d'une levée de terre, nous constatons que l'on peut élever librement un retranchem ent ju squ'à une altitude de 3,50 mètres à 4 mètres. Compte tenu du remblai ement naturel des fossés survenu au cours des siècles, on peut considérer que la plupart des petites enceintes dépassaient de manière très sensible, à l'origine cette norme. Dès lors, réserve faite peut-être de telle enceinte comme celle du Bois du Pôt, il faut reconnaître aux autres une fonction défensive tout à fait comparable à celle des mottes; les fouilles en cours ne semblent pas devoir infirmer cette opinion. Si l'on considère la poussée démographique qui se manifeste en Normandie dès la fin du premier quart du XI" siècle, et la faim de terre qui en fut la conséquence, nous trouvons là l'origine de la crise sociale qui touche, en particulier, certains éléments de la société. C'est l'époque où les limites du peuplement s'étendent dans les régions encore faiblement occupées ou exploitées. L'autorité ducale peut-elle contrôler ces extensions qui se font

(1) Cités dans les chartes relatives à l'abbaye de Barbery. Voir Annexe 1: les granJcs enceintes.

(2 ) COl1suetudines et Justicie, édit. Ch. H. Haskins, (Mass.), 1918, pp. 277-284.

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dans Norman Institutions.

Cambridge


Fig. 9. -

Donjon de TouTnebu


simultanément sur tout le territoire du duché dans une atmosphère de crise? Que le pouvoir central fasse toujours sentir son autorité dans les régions au peuplement ancien et stabilisé, cela est fort probable; mais pouvait-il en être de même dans les zones où les confins du terroir exploité se modifiaient rapidement? La fortification de terre semble être, dans le Cinglais, l'instrument de cette colonisation marginale et de ces extensions nouvelles difficilement contrôlables. De l'établissement de colonisation, on passa vite à la petite forteresse privée; et cela d'abord, dans les régions marginales; puis, le mouvement déborde le cadre à mesure que le besoin de terres pousse la jeune féodalité à étendre son emprise en direction des finages anciennement peuplés, qui sont alors, en grande partie, entre les mains du duc ou de l'Eglise. Ainsi se trouve expliquée la répartition de ces ouvrages, dont la densité est très forte à la lisière des friches ou en marge des plus vieux peuplements. Il faut ajouter que, de manière plus générale, l'opposition qui nous est apparue dans la répartition des ouvrages de terre entre pays de vieille colonisation et pays de colonisation récente, ne concerne pas seulement le Cinglais. Si l'on considère les différences qui affectent les pays voisins du Cinglais vers l'est et vers l'ouest, on voit, d'un côté, la plaine qui nous est apparue comme un vieux foyer de peuplement, et de l'autre, une région dont la toponymie montre que .la colonisation n'y était pas achevée au Xl' siècle. A l'est, les fortifications de terre sont absentes; à l'ouest, elles sont, sur la rive gauche de l'Orne, plus denses encore que dans le Cinglais. Cette différence n'est pas à mettre au compte d'une destruction complète de ces ouvrages dans la « Campagne », car on admettra difficilement que toute trace en ait disparu s'ils avaient 'vraiment existé. Que ce vieux foyer de peuplement ait été, en revanche, un élément politiquement plus solide, Dn peut en voir une preuve dans le fait que le duc y choisit le site (le Val ès Dunes) où, en 1047, il livre bataille aux barons révoltés. Peut-être est-il dès lors possible de preCIser dans quelles conditions les Taisson s'installèrent sur la rive droite de l'Orne, dans ce Cinglais qui allait devenir la base du patrimoine familial. Nous avons montré l'absence curieuse d'une paroisse telle que Ce sny dans la liste des villae ducales données à Judith au début du Xl' siècle. Il est probable que le douaire resta à peu près intact jusqu'à la mort de la femme de Richard II, en 1017. Or, dès 1025, les deux fils de Radulphus Senex, Raoul et Erneiz, souscrivent ensemble une charte ducale. Il est donc probable qu 'ils ont atteint l'âge de la majorité. Aussi leur père devait-il être déjà établi dans le Cinglais à l'époque de la constitution du douaire et dominait-il, nous l'avons déjà entrevu, la région de Cesny et Grimbosq. On voit là plusieurs fortifications de terre, groupées dans un espace restreint: le Château HoueI, h Motte d'Olivet, le Vieux Manet; cette région semble bien avoir été le noyau à partir duquel s'est

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développée la puissance des Taisson ; d'autre part, si la villa de Cesny est absente du douaire de Judith, la raison en est l'une des premières tentatives des Taisson pour prendre pied dans la plaine: l'in strument de cette tentative fut sans doute non pas à proximité du village mais tout à fait à sa périphérie. En direction de la plaine septentrionale, un phénomène semblable se produit: comme le Château HoueI, l'enceinte de la Souillarde n'est peut-être qu'un ouvrage dont la fonction économique l'emporte sur la fonction militaire. comparable en cela, dans un e certaine mesure, aux fermes isolées à cour fermée de la période moderne. Mais les fortifications de Thuis, la motte de Boulon, ont un autre caractère. Les difficultés nées à propos de la restitution de Laize et de Boulon à la Cathédrale de Rouen peuvent trouver leur explication dan s l'existence de la fortification de Boulon: celle-ci a contribué à disloquer l'ancienne unité qui liait les deux villae ; seule, Laize fut rendue à la Cathédrale: petit exemple de ces dislocations effectuées par les forces seigneuriales à partir des fortifications, aux dépens des ensembles domania ux pré-existants. L'i ntervention ducale se manifeste peut-être dans les extrêmes extensions septentrionales du domaine des Taisson dans le Cinglais, notamment en ce qui concerne les terres qui servirent à doter l'abbaye de Fontenay: la coopération du duc pour la fondation proprement dite, le caractère consécutif de cette fondation par rapport à la volte-face du Val-ès-Dunes, et peut-être même le fait que l' abbaye fut construite sur des terres dont le contrôle se révéla de la plus grande importance dans la stratégie de la bataille, tout cela constitue des indices de cette intervention qui plaçait en peu de temps le seigneur de Cinglais au niveau des barons. Il n'est pas sûr que le duc intervint dans le transfert aux Taisson de Thury et d'Acqueville, où des fortifications furent construites. Bref, il est certain qu'en ce qui concerne les extensions voisines du massif de la Forêt de Cinglais, l'autorité ducale fut soumise à rude épreuve pendant tout le second quart du Xl" siècle; elle dut entériner par des inféodations régulières les u su rpations accomplies, de même qu'elle régla par un compromis la question des usurpations faites au détriment des biens ecclésiastiques : ce fut la fondation de l'abbaye de Fontenay. Un processus semblable explique l'extension du domaine des Marmion. On assiste de nouveau à des dislocations, engendrées par des u surpations de terre. La construction de la motte dans le village actuel de Fontenay-leMarmion est peut-être à l'origine du partage de l'unité domaniale pré-existante qu'était Fontenay. Pui s l'extension de la zone d'influence des Marmion prend pour axe la vallée de la Laize, depuis Fontenay-le-Marmion au nord jusqu'à Urville au sud. Cet axe est jalonné par les ouvrages de Brettevillesur-Lai ze, enceinte de la Bijude et motte de Rouvrou, par la motte de Gouvix,

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par ]'enceinte d'Urville (3). De part et d'autre de cette reglOn marginale et de ses fortifications, les Marmion se sont étendus en direction des plaines. Ainsi ont-ils possédé très tôt Barbery et Gouvix, que nous sommes étonnés de ne pas retrouver dans le douaire de Judith. En direction de Cingal, leur zone d'influence se heurte à celle des Taisson, et la dislocation de l'ancien cheflieu de la vicaria entre les deux puissances constitue le troisième exemple de l'éclatement des anciennes unités politiques sous la force de la jeune féodalité. La lacune qui existe dans l'aire de répartition des villae du douaire de Judith au sud du Cinglais nous a indiqué qu'une zone d'influence nouvelle était en formation, dè3 le début du XIe siècle, autour des centres de la Pommeraye et de Tournebu . Dans cette région, le duc ne possédait que deux villae, Saint-Germain-l'Angot et Long-Mesnil; de nouveau, les têtes des futures baronnies, la Pommeraye et Tournebu, lui échappaient avec les territoires du Bô, de Cossesseville, d'Angoville et de Bonneuil, qui gravitent autour d'elles et ne sont pas mentionnés dans le douaire. Puis, par l'indication des biens donnés à l'abbaye du Val, on s'aperçoit que ce noyau primitif, situé sur les hauteurs du synclinal bocain et formé de terres en voie de peuplement, déborde peu à peu de son cadre primitif en direction de Placy et de Saint-Germain-l'Angot. Les fortifications situées. à la Pommeraye et Tournebu, à Angoville, où la motte est construite à la lisière septentrionale du Bois de Saint-Clair et domine la plaine, forment l'armature de toute cette zone. En outre, le Château de Rotaunay, à Saint-Germain-l'Angot, complète l'ensemble; cette fortification s'élevait à la lisière méridionale de la forêt, au sommet d'une pente, et se trouvait très à l'écart du centre du village. Il faut certainement comparer son cas à celui de la Motte de Cesny: ces deux fortifications ont été construites en marge des finages des villages qu'elles étaient destinées à contrôler: or, on peut douter que la villa de Cesny ait appartenu primitivement au duc; en revanche, celle de Saint-Germainl'Angot figurait encore parmi les villae données à Judith. Le rôle de la fortification dans cette dépossession semble à peu près établi. Il est, en outre, surprenant de trouver, intercalées entre ces grandes zones ' d'influence, de très petites unités, quelquefois situées sur des itinéraires importants pour la vie de relation régionale. C'est d'a bord le cas de

(3) Il faut insister dans cet ensemble sur les ouvrages de Gouvix et d'Urville, situés de part et d'autre de l'Orne , mais à très faible distance l'un de l'autre. La motte de Gouvix est peut-être un élément d'explication dans le fait que ce village est étranger au douahe de Judith: il se trouve curieusement enclavé entre Bretteville et Urville mais échappe cependant au contrôle du duc . Que les terres ducales de la p artie septentriona le du Cinglais soient plus morcelées que celles de la partie méridionale s' expliq ue par l'avance démographique et économique que nous avons constatée sans cesse, et qui a provoqué une évolution politique beaucoup plus rapide.

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Combray, dont la fortification commande un carrefour, point de rencontre de différentes branches de la route de F'a laise à Thury et d'un axe traversant l'Orne au Pont de la Mousse. Le phénomène est semblable pour le Vey : aucun texte n'indique que des biens situés sur le territoire de cette paroisse aient dépendu de l'une ou de l'autre des grandes zones d'influence. Le patronage de l'église du Vey demeure encore au XIIIe siècle aux mains des héritiers de Guillaume « de la Motte » et n'a pas été donné à l'une des fondations monastiques du Cinglais. Nous avon s vu que la motte du Vey a dû exister dans la vallée de l'Orne, tout près de l'endroit où le Chemin de Bretagne traversait la rivière. Il en est de même pour la petite paroisse de la Mousse, annexée maintenant au territoire de la commune de Saint-Rémy. Les droits des Taisson sur l'Orne ont toujours été limités par le Pont de la Mousse et jamais ne se sont "davantage étendus vers le sud. Or, c'est au sud du pont que se trouve le « besle » qui eut sans doute la même fonction que la motte du Vey. Plus au nord, la seigneurie de Clinchamps n'a jamais fait partie du domaine des Taisson : or elle commandait également ce vieux passage de l'Orne qu'est le Pont du Coudray. Peut-on entrevoir, à travers ces exemples répétés, le souci qu'aurait eu le duc d'enlever aux grands barons le contrôle des points de passage obligés des grands itinéraires pour les confier à des personnalités de plus médiocre importance? On peut d'ailleurs compléter cette série d'exemples concordants par celui du gué de Brieux, qui dépendait de Moutiers-en-Cinglais; on ne voit nulle part que cette paroisse ait appartenu aux Taisson, et c'est par cet itinéraire que le duc, menacé lors de la révolte des barons en 1047, gagna Falaise. Dans le sud-est du Cinglais, sur la r ive orientale de la Laize, la répartition des mottes et des enceintes circulaires répond tout à fait au schéma que nous avons dressé de leur rôle dans la perspective de l'exploitation de terres nouvelles . La concentration des fortifications de terre dans la région des bois de Villers-Canivet et d'Ussy semble apporter une confirmation à la thèse selon laquelle ces ouvrages sont construits davantage en pays à coloniser qu'en pays de campagne déjà colonisée.

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CONCLUSION

On a, dans ces quelques pages, proposé une hypothèse. Elle repose sur l'observation suivante: dans cette petite région de Basse-Normandie qu'est le Cinglais, les différentes aires d'influence des premières familles féodales prennent naissance sur des territoires de peuplement neuf. Or, ceux-ci correspondent également aux zones où les fortifications de terre, mottes et petites enceintes circulaires, sont le plus nombreuses. Cette constatation permet peut-être de préciser le mode d'apparition de la féodalité dans ce cadre géographique limité, et de se demander si la genèse de cette société nouvelle modifia la nature du pouvoir ducal. Il nous est apparu qu'à la fin du Xe siècle, le domaine du duc était encore très vaste dans cette région, et se trouvait constitué dans sa plu s grande partie des terres de colonisation traditionnelle et d'habitat ancien. Des documents, tels le douaire de Judith, épouse de Richard II, ou la donation de Raoul d'Ivry à la cathédrale de Rouen, énumèrent un certain nombre de biens d'origine ducale dans la région de Laize et de Boulon, au nord de la Forêt de Cinglais, puis plus au sud, dans la plaine entre Cingal et Fresneyle-Vieux, et surtout au centre-ouest du Cinglais, aux environs de Thury. Un premier fait est frappant: on remarque que les n oya ux à partir desquels se formeront le s seigneuries féodales échappent dès cette époque au domaine ducal: les centres de Fontenay-le-Marmion, Cesny et Grimbosq, Tournebu, La Pommeraye, lui sont étrangers avec les terres qui en dépendent, et qui correspondent, sauf exception, aux régions où le peuplement apparaît encore peu dense au début du XIe siècle. Il s'agit respectivement de l'axe de la vallée de la Laize avec ses anciens passages de Bretteville et d'Urville, des lisières méridionales et septentrionales de la Forêt de Cinglais, des hautes terres centrales et Cl"ientales du synclinal bocain.

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On peut donc penser, compte tenu de la date du douaire de Judith, que les cadres géographiques de la société féodale sont en germe à l'aube de l'an 1000.

L'un des moyens de la formation, puis de l'expansi'on des aires d'influence semble être l'ouvrage fortifié construit en terre: son rôle a sans doute été très complexe, ce qui expIlque que sa fonction ne soit pas encore très bien éclaircie. Ainsi, les petites enceintes circulaires ne furent, dans bien des cas, qu'un simple organe de colonisation: la situation de ces ouvrages en lisière des zones forestières, leur pouvoir défensif limité semblent l'indiquer. En revanche, la zone de répartition des mottes est plus vaste, et cela permet de supposer qu'elles furent un instrument de portée plus vaste. Quelle fut l'importance hi storique de ces petites fortifications rurales? Nous connaissons l'existence de la grave crise que traverse la société rurale normande au début du XIe siècle. Les manifestati'ons en sont diverses; l'une d'elles, bien connue, est l'émigration, en direction notamment de l'Italie du sud, qui affecte les couches de la population susceptibles de se déplacer. C'est que l'effort de repeuplement des campagnes tenté par la politique ducale, et l'appel à des étrangers, semble avoir été suivi' très rapidement par un flux démographique qui marque le premier quart du Xl' siècle. Le besoin croissant de terres qui en résulte semble avoir entraîné de la part de particuliers une série d'installations de caractère autoritaire. Elles s'effectuèrent dans les seules régions encore disponibles, en marge des terres de colonisation traditionnelle plus peuplées qui appartenaient à la famille ducale ou à l'Eglise et se trouvaient plus aisément contrôlables de la part du pouvoir central. Celui-ci ne semble pas avoir résisté devant une poussée qui se situe à la fin du règne de Richard II, sous celui de Richard III, puis de Robert le Li'béral, et nous avons montré comment le mouvement se transforme petit à petit en une vaste tentative de spoliation des te,rres qui avaient appartenu à l'autorité ecclésiastique ou ducale. L'hommage féodal devait dès lors constituer pour le duc un moyen commode de reconnaissance des empiètements successifs. Cependant, le phénomène a porté atteinte à l'intégrité du pouvoir ducal. Les premiers ducs de Normandie avaient voulu conserver, semble-t-il, la fiction d'une permanence des principes carolingiens sur les pays de vieux peuplement: l'illu sion était entretenue par la grande étendue du domaine et l'emploi d'un vocabulaire archaïque. Or, la crise qui accompagne les premières manifestati'ons de la féodalité naissante comporte des aspects politique,s dans la mesure où les accaparements de terres s'accompagnent d'une ambition de contrôle total. De là à remettre en question un pouvoir ducal qui cherchait à conserver certaines vieilles prérogatives dans la nomination de ses agents, il n'y avait

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qu'un pas qUI:! les barons tentèrent de franchir en 1047. L'ancienne unité politique du pays est progressivement désorganisée par la formation des zones d'influence seigneuriale. Les biens des possesseurs primitifs, le duc ou la Cathédrale de Rouen, sont écartelés entre les différentes forces nées sur les marges des terres de colonisa tion. L'instrument de ces forces nouvelles semble avoir été la fortification de terre, et surtout la motte qui symbolise une volonté de puissance. Ainsi formulée , cette hypothèse paraît bien rendre compte de la densité particulièrement forte des fortifications de terre que l'on observe dans certaines régions du Cinglais. Cependant, cet exposé n'a pas la prétention d'apporter une solution générale au problème des origines féodales. Il n'a pour but que de montrer l'un des processus de formation de cette société nouvelle, sur un territoire très limité. Des sondages, portant sur d'autres régions normandes, permettraient de constater des modes de genèse différents. Mais, dans le Cinglais, un immigrant sans doute d'origine angevine, Radulfus Senex, est parvenu à constituer pour ses descendants une zone d'influence située d'abord aux marges de la Forêt de Cinglais, et qui s'est étendue par la suite à la moitié du pays. Cet homme est l' un de ces nouveauvenus qui ont constitué une partie des cadres de la féodalité normande, dans laquelle l'élément scandinave semble dissous : il n 'apparaît pas dans le Cinglais, à moins que l'une des autres aires d'influence qui se construisent dans le pays sur le modèle de celle de Radulfus Senex n'ait eu comme auteur un descendant de celui qui a laissé son nom à Tournebu. Mais la force de cette petite féodalité, qui se forme par la base et la rapidité de son emprise sur la totalité du pays s'expliquent en grande partie par la maîtrise dont elle fait preuve dans la construction des fortifications de terre.

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ANNEXE)

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LES GRANDES ENCEINTES DU CINGLAIS

C'est seulement pour satisfaire au souci d'être complet que l'on mentionne, dans le cadre de cette étude, ce type d'enceintes désigné traditionnellement par le nom de « Camp de César» ou de « Camp Romain ». Ces ouvrages, souvent grossièrement quadrangulaires, couvrent généralement une superficie très grande, égale ou supérieure à un hectare, et de ce fait ne sauraient être confondus avec les mottes féodales ou les petites enceintes circulaires que nous aurons l'occasion de décrire plus loin. Encore faut-il signaler dès à présent que ce terme de « grandes enceintes» englobe des réalités très différentes . (Fig. 10). Les forêts de la bordure orientale du Cinglais renferment encore les vestiges de trois de ces ouvrages. L'intérêt porté par des générations d'antiquaires aux fameux « Camps Romains» explique que deux d'entre eux ont fait l'objet de descriptions sur lesquelles nous n'avons pas à revenir ici: nous nommons le rempart de Martainville (1) et le camp des bois de Mouline s (2) . En revanche, dans la Forêt de Cinglais, sur le territoire de la commune de Boulon, existe une grande enceinte qui n'a jamais été signalée en tant que telle, mais a peut-être été comprise pal' F. Galeron (3) parmi

(1) L'Hermitte (J.), ouv,'. cit . Le rempart et le fossé très vigoureux qui demeurent ne constituent sans doute que l'un des côtés d'une enceinte de plan quadrangulail'e. (Coordonnées Lambert: 403,100 X 142,400). (2 ) Doranlo, ouv". cit . Un p lan approximatif du « camp » de Moulin es a été publié par l'auteur dans le recueil des actes du 10' Congrès Préhistorique de France en 1931. Le quatrième côté de l'enceinte qui aurait disparu, si l'on en croit ce relevé, est encore visible, bien que très atténué, sous la forme d'un glacis incliné qui ne se ,.attache plus aux longs côtés de l'ouvrage. II est d'ailleurs difficile de donner une image exacte d'un ensemble aussi vaste maintenant recouvert de taillis très dense. (Coordonnées Lambert: 405,300 X 146,600) . (3) Galeron (F.), Statistiques de l'ar"ondiss ement de Palaise, t . 3, p.207.

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RIVIERE DE MESLAY

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Chemin de Pauflet ou ~~--~~==~~~==~~~~~ de St. Germain le

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F ig. 10. -

Le Camp du. B ois de Mou.lines


« les deux ou trois emplacements de forts ou castels destinés à garder le passage de la Laize ». La situation de ce dernier ouvrage et son ampleur restreinte nous font soupçonner qu'il n'appartient pas à la même catégorie que les deux précédents.

En effet, les « camps» de Moulines et de Martainville ont été installés sur des éperons, au confluent du Ruisseau de Bactot et de la Laize pour le premier, sur l'interfleuve qui sépare le ruisseau d'Angoville et le ruisseau de Martainville pour le second. Dans les deux cas, le relief dû aux vallées très encaissées a été utilisé. De même, chacun des deux ouvrages a été installé à proximité de voies de communication qui viennent de la plaine, pour se diriger vers le centre du Cinglais; le « Chemin de Pauflet », qui traverse d'est en ouest l'éperon de Moulines, traverse la Laize au Pont des Flès. Les légendes qui s'attachent encore à ce vieux passage, parfois appelé Pont des Fées, attestent son ancienne importance. Vers l'ouest, le chemin se prolonge en direction de Fontaine-Halbout; bien qu'il soit discontinu à l'heure actuelle dans la traversée du bas du village de Moulines, il s'agit bien du même axe. Le centre actuel de Moulines est d'ailleurs un peu à l'écart de ce chemin; il est vraisemblable que l'ancien centre de peuplement fut le hameau de Placy. Au-delà de Fontaine-Halbout, ce chemin devait tendre vers Cesny, car la limite des communes entre Cesny Bois-Halbout et Acqueville semble être le témoin de sa disparition. De même, le chemin se prolongeait au -delà de la Laize vers l'est: l'ancien cadastre de Bray-en-Cinglais, commune maintenant rattachée à F ontaine-le-Pin, indique bien que la limite étrangement rectilign e qui sépare Bray de Saint-Germain-le-Vasson s'appuyait sur l'ancien « Chemin de Pauftet » qui rejoignait peut-être Aisy et Soumont-SaintQuentin. Pour sa part, le camp de Martainville se situe à proximité de la route moderne menant par Clair-Tizon à un passage important de la Laize (importance soulignée par le toponyme « La Cavée », sur la rive droite de la rivière). Vers l'ouest, la route a été récemment dérivée sur le territoire de la commune de Martainville pour contourner le parc du château; elle était primitivement rectiligne, comme en témoignent le cadastre de 1828 et la photographie aérienne; vers le Haut d'Angoville, elle se prolonge par le Chemin dit du « Pas Carté » qui rejoint Donnay et Combray. Sur son tracé, ou à proximité, les villages aux toponymes anciens de Ragny et Glatigny font, comme Placy, hameau de Moulines, figure de pionniers dans ces régions dont nous avons montré la colonisation plus tardive . Or nous savons quel rôle ont joué les voies de communication gallo-romaines dans l'implantation des peuplements ruraux. Les deux voies qui passent auprès de ces deux grandes enceintes n'ont sans doute jamais eu qu'une importance locale, vu la faible ampleur de la colonisation qu'elles ont engendrée. Elles semblent cependant avoir servi à mettre en relation la plaine de Falaise à cette région pionnière

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que nous avons cru déco uvrir autour de Cesny, Meslay, Donnay, Combray et Thury. Remarquons, en outre, que ce système de relations est souvent différent de celui sur lequel s'appuient les mottes et enceintes circulair'es (4) . Notre but n'est pas de proposer une hypothèse concernant ces grandes enceintes; mais le problème qu'elles posent pourrait se trouver éclairci si, au lieu de descriptions isolées, elles faisaient l'objet d'une étude d'ensemble, que leur grand nombre justifie (5). Nous avons cru devoir examiner à part cette autre grande enceinte trouvée dans la Forêt de Cinglais, dans la coupe dite « l'Herbage ». Certes, seuls des critères externes en font juger ainsi, mais leur importance mérite que l'on s'y attarde. L'ouvrage semble avoir moins souffert de dégradations que les deux précédents. Le rempart de terre qui le forme est en effet continu. Les dimensions de l'ensemble sont beaucoup moins importantes que celles du « camp» de Moulines. La forme est grossièrement rectangulaire, et les plus grandes longueurs, de l'ordre de 80 m., font respectivement face au sud-ouest et au nord-est; la première possède une convexité très sensible, orientée vers l'extérieur, tandis que les autres faces ont un aspect géométrique plus régulier. Sur la seconde longueur, existe une ouverture large de 5 m., et le fait qu'elle sépare en deux parties à peu près égales cette face du rempart laisse supposer qu'il s'agit là de l'entrée primitive. Même si l'on tient compte des dégradations dont il a pu être l'objet, le rempart n'a qu'une minime valeur défensive. Il semble bien, en outre, que cet ouvrage de petite taille et très peu fortifié ne soit pas aussi sûrement que les deux précédents en relation étroite avec une voie de communication. Enfin, la situation topographique ne semble pas propre à un établissement fortifié: la surface du plateau, sur lequel l'enceinte a été tracée, est régulière. Nous aurions aimé avoir davantage de facilités (6) pour aller revoir un site curieux qui correspond sans doute à l'enceinte signalée par Galeron (7)

(4) Il conviendrait d'ailleurs d'ajouter un troisième exemple au précéd ent. Il s'agit du site reconnu dans le Bois de Marc'rue par Lecellier (M érnoi"es de la Société Académique de l'a""ondissernent de Falais e, 1839 , p. 15). L'enceinte est située sur le territoire de la commune de Martigny, et, non loin des ham eaux du Mézeray et d'Eraines. sur le territoire voisin de Pierrepont. Cet « écart », de toponyme gallo-romain, est rattaché à la plaine par deux ch emin s venant du nord·est. Tout le pays rappelle d'ailleurs la campagne et ce vieux noyau de peuplement ' constitue le premier appui du Ciemin de Bre: agne médiéval qui, à la direction sensiblement mél'idienne des voies antiqu es , substitue la direction est-ouest. (5) De grandes enceintes so nt, en effet, s ignalé es s ur la rive gauche de l'Orn e à Clécy, Pontécoulant, Campandré, Ouffières. Un autre groupe se trouve également dans la régk n du sud-est du Cinglais et comprend Moulines, Martainvill e, le Bois de Marcrue , sans négliger Soumont-Saint-Quentin, ni, comme nous l'avons vu, le Catelier d'Ussy. Enfin, un troisième ensemble jalonne le rebord d~ la Côte du Pays d'Auge, à l'est de la plaine. (6) Il faut bien signaler, en effet, qu'à côté de la compréhension et de la gentillesse d'un grand nombre de propriétaires ou d'exploitant s, nous avons également rencontré une méfiance ou un manque d'intérêt qui nous ont qu elque p eu surp'ris, dans la mesure où parfois il s'agissait de p e'rson nes très compétentes dans le domaine de l'histoi re loca le, ou sur les terres desquelles se trouvaient des si tes intéressants. (7) Galeron (F.), Statistiq'ues de l'a""ondissement de Falaise, t. II, pp. 136 et suivantes.

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de façon imprécise sous le nom de «L'Ermitage », et qui est située dans la partie ouest du Bois de La Tour (8), sur le territoire de la commune de Villers-Canivet. A mi-distance environ entre la route de Martigny-sur-l'Ante et l'enceinte dite « La Vieille Motte », se trouve en effet une grande enceinte construite à fl anc de pente et qui descend jusqu'aux terrains marécageux du fond de la vallée. Les levées de terre qui la ferment sont exactement comparables, par leur faiblesse et par leurs dimensions, à celles de l'ouvrage de la « Coupe de l'Herbage » . Le s ite choisi est peu convenable pour un ouvrage fortifié, et aucune g rande voie de communication n'existe à proximité. Aussi, il semble bien que cette catégorie des « grandes enceintes » comprenne pour le Cinglais deux réalités bien différentes. D'une part, il semble que nous soyons, à Moulines et à Martainville, en présence d'établissements semblables à ceux déjà décrits en Haute-Normandie: « station agricole et gauloise» , concluait un auteur à propos d'ouvrages identiques; il ajoutait: « il ne faudrait pas en conclure que toutes les enceintes du même type remontent à une époque pré-romaine et gauloise. Le type s'est conservé au cours de la période gallo-romaine, et même au-delà» (9) . A cette fonction économique, s'ajoutait certainement une fonction défensive de refuge que suggère l'ampleur du rempart et le choix du site. On a relevé, en effet, à proximité de chacun de ces ouvrages, des traces d'habitat gallo-romain très isolé par rapport aux plus grands centres contemporains de la plaine (11) . En revanche, nous aurions tendance à voir dans les enceintes de « L'Herbage» et de « L'Ermitage » des établissements liés à l'exploitation de la forêt ; elles se trouvent, en effet, non sur les marges, mais en plein centre de celle-ci. Peut-être ne sont-elles que les vestiges de l'élevage extensif qui est caractéristique du saltus ou de la forêt médiévale. Le nom même de «L'Herbage» semblerait l'indiquer, et cette enceinte, en particulier, n'est peut-être pas très différente des haras signalés dans la F orêt de Cinglais à l'époque médiévale (12) .

(8 ) Coordonnées Lambert: 409,200 X 139,000. (9) Deglatigny (L.), Not es SU?' les enceintes quadrangulaires, dans Doc'uments et notes a?'chéologiques, fasc . l, p. 15. - C'est peut-ê.tre à cette occasion qu'il conviendrait de rappeler le problème posé pa'r l'ensemble toponymique de la « Ferté» de Donnay. Nous avons montré comment, autour de cette fÜ'mitas se rassemblaient tous les éléments d'un grand domaine du très haut Moyen Age; aurait-il été défendu par l'une de ces grandes enceintes? Il faut, en outre, remarquer le site élevé de cette « Ferté » établie sur la ligne de partage des eaux entre les affluents de la Laize et ceux de l'Orne. Tout cela indique'rait bien l'emploi extrêmement prolongé de ce type de fortification coll ective ; la toponymie, nous l'avons vu, y conserve la trace d'un édifice religieux . (10 ) Nous l'avons signalé, en effet, à Martainvill e, à Moulines, à Martigny; ce cas serait également celui de la « Ferté » de Donnay. (11) Cette fonction d'habitat-refuge est suggérée par le toponyme de « La Chambre », déformation du nom « camera », porté par la fortification d'Ouffières. Cf. la note de L'Hermitte (J .), Bull. Soc. des Antiqu. de N01'1nandie , t. LVI , 1961-1962, pp . 654-656. (12) Charte de confi'rmation de Robert Fitz Erneiz VI à l'abbaye de Fontenay, dans Gallia Christiana, t . XI, col. 333.

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ANNEXE

LES

PETITES

II

ENCEINTES

Les ouvrages de ce type s'opposent aux grandes enceintes par leur taille bien différente. La superficie des petites enceintes n'est plus de l'ordre de l'hectare, mais de quelques ares. En outre, leur forme la plus simp le se rapproche, dans la plupart des cas, de la circonférence, ce qui les a fait couramment désigner du nom d'enceintes circulaires. Il nous paraît difficile, dans le cadre du Cinglais, de conserver ce terme dans la mesure où deux des ouvrages observés présentent, nous le verrons, un plan quadrangulaire tout en demeurant de dimensions très modestes. Enfin, on ne trouve pas très sou vent l'enceinte sous sa forme la plus élémentaire; elle est modifiée de telle sorte que, dans quelques cas, elle finit par avoir exactement la même dispos iti on que la motte féodale accompagnée d'une basse-cour.

Château HoueI (Coordonnées Lambert: 397600 X 152950). Ce nom n'était pas inconnu des publications antérieures relatives au Cinglais, mais l'ouvrage qu'il désigne n'est nulle part décrit. F. Galeron le mentionne mais ne semble pas l'avoir vu (1). En effet, s i l'on considère le site, on s'aperçoit de l'erreur totale d'orientation faite par l'auteur: c'est au sud-e st, et non à l'ouest de la commune de Grimbosq, qu'il faut le chercher. L'indication du nom de la coupe « Château H oueI» portée sur le plan cadastraI de Grimbosq, terminé en 1809, permet de retrouver les fossés dont parle F. Galeron. On s'aperçoit également que A. de Caumont a repris les phrases de son prédécesseur sans les vérifier et en les interprétant mal: tandis que l'un ne parlait que de «château », l'autre a écrit « motte» (2) . Il s'agit en réalité d'une petite enceinte de forme trapézoïdale. Com me il apparaît sur le relevé auquel on pourra se référer pour avoir des données numériques plus précises, la longueur des plus longs côtés est de l'ordre de 30 m. à 35 m. Les fossét: sont encore bien marqués mais ne possèdent pas partout le même profil. Les plus larges et les plus marqués sont orientés vers l'est et le sud, c'est-à-dire vers l'amont de la pente naturelle du sol. Le rempart s'élève en moyenne de 3,50 m. à 4 m. au-dessus du fond du fossé. Il faut noter le soin avec lequel l'intérieur de l'enceinte a été nivelé: en effet, dans la partie sudouest de cet ouvrage construit sur un flanc de vallée, le sol correspond au niveau du sol naturel; en revanche, au nord-est, on a apporté des terres afin d'obtenir une surface horizontale à l'intérieur du rempart. Les ouvertures

(1) Galeron (F.), Statistiqttes de l'a1Tondiss ement de Falaise, t . III, p. 250: « On nous a parlé encore d'un château Hou eI ayant existé à l'oue st de la commune; les pierres de fondation ont été enlevées pour pierrer le chemin; on n 'y voit plus que le s fossés ». (2) Caumont (A. de), Ste,tistique monumentale du Calvados, t. II , p. 188.

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CHATEAU

HO UEL

COMMUNE DE GRIMBOSQ Co/ vadal

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Fig. 11


qui existent en deux endroits sur le long côté nord et le petit côté occidental sont-elles originelles? La seconde divise exactement en deux ce côté du rempart. La présence de fondations de pierres indiquées par F . Galeron doit être retenue, mais on n'en constate nulle part l'affleurement. Ajoutons enfin qu'un sondage de dimensions limitées a été pratiqué par des curieux dans l'angle nord-ouest de l'ouvrage. La situation de l'enceinte par rapport aux peuplements VOISInS n'a pas de signification particulière. Notons cependant que son isolement n'est pas total: le village de Saint-Laurent-de-Condel n'est pas à plus d'un kilomètre de là. Cependa,nt, aucune voie de communication importante ne passe à proximité, si ce n'est, très au sud, le chemin d'origine ancienne qui, venant du gué de Brieux, gagne les Moutiers-en-Cinglais.

Enceinte de la Bijude (Coordonnées Lambert: 404200 X 151800). A l'autre extrémité du massif forestier du nord du Cinglais, à la limite des communes de Bretteville-sur-Laize et de Boulon, subsiste une enceinte, asse? régulièrement circulaire, mais dont la superficie est du même ordre que celle du «Châtea u HoueI » (3) . L'état de conservation du rempart et des fossés est inégal : autant vers le nord, l'escarpement primitif des talus demeure, autant vers le sud les formes sont molles et affaissées. Il faut cependant signaler que de ce côté de l'enceinte, le rempart semble avoir été beaucoup plus large: il fait d'ailleurs face à la direction du plateau qui n'est pas défendue naturellement. Dans ce secteur, les fossés ' ont été comblés par des remblais modernes; un sondage semble avoir été pr.atiqué dans le rempart Orientée vers le sud-ouest, l'ouverture apparente possède une netteté qui laisse penser qu'il s'agit d'un aménagement original. Il semble enfin que cette enceinte forme un tout en elle-même : on ne trouve aucune trace d'éléments annexes. Les faibles mouvements du sol, au nord-est de l'ouvrage, ne semblent pas avoir de signification. Face à l'ouverture actuelle, aucune trace d'avant-corps n'est visible. Il semble que nous soyons là en présence du type le plus simple de l'enceinte circulaire. La position topographique rappelle celle du château Hou eI; le site choisi est le rebord supérieur de la vallée; mais l'enceinte de, la Bijude a sur la précédente l'avantage d'un relief beaucoup plus vigoureux puisqu'elle domine la vallée très encaissée d'un affluent de la Laize. De nouveau, nous notons l'isolement relatif de l'enceinte par rapport aux peuplements voisins. Le village de Bretteville, avec sa motte et son église, est éloigné d'un kilomètre et demi environ, tandis que le hameau de Beffeux, dans la vallée de la Laize,

(3) L'ouvrage a été mal signalé par F. Galeron (Statistiques de l'a,.,.ondissemen t de Falais e, t . 3, p. 207) qui assimile cette enceinte, de m ême que celle de « l'Herbage », à l'une des « mottes très 'reconnaissables, destinées à garder le passage de la Laize ». Il lui donne le nom de « La Bijude » que nous conservons par commodité. En fait, « La Bijude » désigne le château de Bretteville-sur-Laize distant de 500 m .

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65.7. 1

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est un peu plus proche. Aucune voie de communication importante ne passe à proximité de l'ouvrage, dont la situation générale est finalement très comparable à celle du Château HoueI (4). Enceinte de la coupe dite « La Souillarde » 399800 X 152 100).

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(Coordonnées Lambert

Cet ouvrage est de la même famille que le « Château HoueI ». C'est une enceinte de dimensions comparables et de forme également rectangulaire. Mais son état de conservation laisse beaucoup pl us à désirer et la dénivellation que forment remparts et fossés est très peu visible sous la végétation. L'un des signes de cette dégradation générale est que les exploitants forestiers ne connaissent pas le site: celui-ci a été signalé au siècle dernier par Arcisse de Caumont, qui y a vu un « fortin romain ». Il est vrai que l'axe nord-sud du Cinglais, dont l'origine est en partie romaine, longe l'enceinte à l'est. Celle-ci est très isolée par rapport aux peuplements voisins. Elle se trouve sur la lisière septentrionale de la Forêt de Cinglais, à 1,5 km. à l'est de Saint-Laurent-de-Condel , tandis que la Chapelle du Malpas est à 1 km . au nord. Dans cette région où les reliefs sont faibles, l'enceinte a été construite au sommet d'une ondulation presque insensible du plateau qui descend doucement en direction de Saint-Laurent-de-Condel et de Boulon. En raison du mauvais état de conservation de cet ouvrage en voie de disparition, on ne peut mieux faire que souligner sa ressemblance avec le « Château HoueI » dont il est d'ailleurs peu éloigné. Enceinte du Bois du Pôt (Coordonnées Lambert: 407 150 X 140650). Sur le territoire de la commune d'Ussy, limitrophe du Cinglais , une autre « enceinte fortifiée » a été signalée par F. Galeron, dans cette région de contact avec la campagne de Falaise, «là où l'on quitte le bocage pour entrer dans la plaine » (5). Comparée à celle de Bretteville-sur-Laize, cette enceinte présente un plan un peu plus grand et plus irrégulier. La vigueur de ses fo ssés et des levées de terre es t moins nette et la raison n'en tient pas seulement à la conservation générale de l'ouvrage qui n'est certes pas toujours excellen te. Les remparts ont un profil amolli , tandis que les fossés, encore en eau par endroits , se rétrécissent parfois jusqu'à disparaître. Cependant, au nord-est, l'ouverture est bien nette, face à un endroit où précisément ces fossés larges et bien formés s'interrompent pour laisser passer la chaussée. En deux endroits, le rempart a été épaissi de façon intentionnelle: c'est d'abord au sud-est, en un point où le tracé est parfaitement régulier, et aussi au sud-ouest, là où l'enceinte possède cette proéminence qui lui donne sa

(4) L e sit e de l' enceinte , et l' enceinte ell e-mê me sont visibl es au cen t r a de la photogra phi e aérienne de l'LG . : Mission Mézidon-Vill er s, 1947, photog raphi e n O 156 . (5) Ga ler on (F. ), Statis tiques de l' an'ondissement de Fa laise, t. II , p. 163.

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ENCEINTE DU BOIS DU POT COMMUNE D' uSSY Ca l vados

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Fig . 13


forme irrégulière. Ces points mis à part, le rempart ne possède rien de remarquable. Cependant, à l'intérieur de l'enceinte, existe une sorte de mouvement de terrain rectiligne, orienté d'est en ouest: ce mouvement naît à l'est, auprès du rempart, et prend progressivement de l'ampleur à mesure qu'il s'en éloigne; la différence de niveau entre le compartiment nord et le compartiment sud est de 40 cm. et la longueur de la pente est de 1,20 m . à 1,50 m. Il est curieux de constater que cette dénivellation se poursuit au-delà du rempart et du fossé occidental à l'extérieur de l'enceinte et disparaît peu à peu, à une centaine de mètres de là. Elle existait sans doute avant la construction de l'enceinte, dont l'occ upation n'a jamais été assez forte ni assez continue pour modifier le profil du sol. Il ne serait pas impossible qu'un sondage ou un e fouille révèle que cet ouvrage imparfait n'a que peu, ou pas du tout, été utilisé. Cependant, d'autres mouvements de terrain situés à proximité doivent encore être signalés: au s ud de l'entrée, un fossé semblable à un petit canal d'écoulement part de la douve de l'enceinte et s'éloigne vers l'e st, selon la pente naturelle du so l; à 150 m. de l'enceinte, il coupe, en s'encaissant, une brusque rupture de pente qui a créé dans le sol forestier un ressaut dont la hauteur atteint 1,50 m. à 2 m. par endroits et se prolonge sur 250 à 300 m., parallèlement aux courbes de niveau. La sente qui conduit à l'e·n ceinte coupe cette dénivellation. Ce relief qui s'intercale entre l'enceinte et la vallée est difficile à expliquer: représente-t-il une défense avancée de l'ouvrage ou ne fut-il destiné, comme le canal partant des fossés, qu'à provoquer sa destruction ? Le site de l'enceinte est encore élevé: on a utilisé l'interfleuve séparant deux pe tits ruisseaux affluents de la Laize. L'isolement du petit hameau du Pôt construit dans l'une des vallées est très grand (6) ; les villages d'Ussy, de Saint-Germain-l'Angot, de Leffard, en sont à égale distance. L'enceinte du Pôt n'est cependant pas à l'écart de toute voie de communication. Dans la vallée passe le chemin vicinal d'Ouilly à Saint-Pierre-sur-Dives qui correspond sans doute à une ramification de ces itinéraires reliant, par la région d'Ussy, la plaine de Falaise aux campagnes de Martigny et de Pierrepont. Mais, en relation plus directe avec l'ouvrage, existe un autre chemin dit « de Barberie au Pôt» qui longe le Bois du Pôt se lon une direction méridienne et qui nous intéresse particul ièrement dans la mesure où l'on sait qu'à deux kilomètres au sud, au hameau de la Barberie, se trouve une autre enceinte circulaire, dont le type est d'ailleurs d'un caractère plus achevé que celui des fortifications dont nous venons de parler. En effet, en dehors de ces quatre enceintes de plan simple, on trouve des ouvrages dont le tracé se complique par adjonction, à une enceinte circulaire de taille semblable à celles étudiées précédemment, d'un élément supplémentaire formant un avant-corps ou une enceinte secondaire. Par leur plan et leurs dimensions, ces ou vrages sont assez analogues aux mottes.

(6) Il fau t y signaler la présence d'une belle ferm e fortifiée à cour l'élém ent p'rincipal.

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Enceinte d'Urville (Coordonnées Lambert: 406350 X 150600). La transition entre l'enceinte circulaire simple et les ouvrages plus complexes est fournie par cette fortification qui domine la vallée de la Laize, sur la rive gauche de la rivière. Elle est constituée d'abord par une enceinte semblable par ses dimensions à celle de Bretteville-sur-Laize; la forme en est un peu différente puisqu'elle affecte à peu près le dessin d'un carré aux angles très arrondis; la plus grande longueur, prise du rebord extérieur d'un fossé à l'autre, e's t de 40 mètres; la plus grande largeur, mesurée de la même façon, a environ 35 mètres. La conservation des remparts de terre est très irrégulière: à l'ouest, ils s'élèvent à plus de 3 m. au-dessus du fossé en formant un abrupt très vigoureux, tandis qu'ils s'effacent à mesure que l'on approche du côté oriental de l'enceinte et que disparaît le fossé: les terres ont sans cÎoute ruisselé, appelées par le vide que provoque la forte déclivité du flanc de la vallée. En direction du plateau, au nord-ouest, un avant-corps a été élevé. En forme de demi-lune, il couvre le tiers du périmètre de l'enceinte du côté le plus vulnérable. Son rempart, très élevé au sommet du croissant, diminue de vigueur et d'épaisseur à mesure que l'on se rapproche des extrémités. L'ouvrage a été élevé sur une plate-forme qui domine la Laize au sudest, et qui se trouve limitée à l'est par un vallon affluent. descendant des hauteurs du Bois d'outre-Laize. L'enceinte est, cette fois encore, éloignée du village. Il faut cependant se rappeler que l'église d'Urville n'est à son emplacement actuel que depuis le XIV' siècle. Auparavant, le lieu de culte se trouvait au fond de la vallée (7), proche du manoir qui n'est pas à plus de 1 km. de l'enceinte. Il semble que la route qui passe à proximité de la fortification est ancienne. De l'est, elle vient de la campagne; par Saint-Sylvain et Cauvicourt, elle gagne en droite ligne le passage actuel de la Laize en évitant le site du village moderne. Vers l'ouest, nous suivons sa trace au-delà du MesnilTouffray en direction du Mesnil-Aumont. Nous ne sommes pas absolument sûr qu'eUe se prolongeait vers Cingal. Cependant, le transfert de l'église dédiée à saint Vigor, indique un déclin certain, sinon la disparition totale, de l'habitat qui se trouvait voisin du manoir, à l'endroit où la route franchissait la Laize. Le village s'est reconstitué sur le plateau, à l'écart de l'ancienne route, qui désormais avait perdu son importance. En revanche, le passage voisin de Bretteville-sur-Laize a prospéré. Aussi sommes-nous tentés de penser que ce phénomène n'est pas sans rapports avec la lente décadence de Cingal au lendemain de la période carolingienne, et à la naissance d'une nouvelle activité

(7) Le lieu de culte consacré primitivement à saint Vigor a été placé sous le patronage de Notre-Dame.

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liée au développement de l'aire d'influence des Marmion autour de Bretteville-sur-Laize et de Barbery; Urville se trouvait trop excentrique dan s ce nouveau cadre. Le Fort du Belle (Coordonnées Lambert: 407250 X 139750) . C'est un peu en dehors du Cinglais, sur la commune de Leffard, que nous trouvons l'une de ces enceintes circulaires pourvues d'un e basse-cour semblable à celles qui ordinairement accompagnent les mottes et portent le nom de « bayle ». L'analogie entre ce mot et le nom de « Fort du Belle» est frappante. F. Galeron, dont le travail se révèle complet, même s'il n'est pas toujours précis, en donne ce signalement: « Dans le Bois du Bel, situé d u côté d'Ussy, on remarque l'emplacement d'un ancien château fortifié qui fut entouré d'un double fossé; le petit a deux cents pas de circonférence; l'autre, beaucoup plus étendu, ne peut être mesuré à cause de l'épaisseur du taillis ». Il ajoute cette précision intéressante: « Sur la motte sont encore des fondements de murs» (8). Cette partie du Bois du Belle a fait l'objet d'un défrichement récent qui permet de considérer l'ensemble de l'ouvrage maintenant dégagé. Comme on peut le voir s ur le plan qui a été levé, la forme de l'enceinte proprement dite ne tend à être circulaire que sur trois côtés: au nord , du côté de sa basse-cour, à l'est, face où le rempart est le plus vigou reux car il regarde l'amont de la pente naturelle du sol, et à l'ouest, côté du vallon. La face sud est presque rectiligne, présentant même une légère concavité vers l'intérieur. Le diamètre moyen de l'o uvrage est de l'ordre de 40 m. du bord d' un fossé à l'autre; l'ordre de grandeur est do nc exactement comparable à celui des enceintes que nous avons déjà décrites . Le ~ol de l'enceinte n'est pas horizontal; il est en déclivité accentuée de l'est vers l'ouest. Cette pente est due à la présence d'un compartiment artificiellement élevé dan s l'angle sud-est du rempart de terre, qui est lui-même plus épais et plus fort qu'en aucun autre endroit. Dans toute cette partie de l'enceinte, de nom breuses pierres affleurent. Elles semblent être le s restes des « fondements de murs» signalés par F . Galeron. Ainsi, l'habitation se trouverait être sur le côté le plus vulnérable (9), et dans l'axe de la porte qui communique vers l'ouest avec la basse-cour. De ce « bayle », il n'apparaît plus que la partie orientale; le reste a fait l'objet d'un érasement ces dernières années: la trace du contour extér ieu r de l'ancien fossé est cependant nettement visible encore dans les différences de couleur de la végétation; elle s'inte rrompt à l'end roit de l'ancienne ouverture qui se trouvait être dans l'axe de celle de l'enceinte et de l'habitation. A l'ouest, subsiste encore, malgré la destruction, l'amorce des fossés de la basse-cour à l'endroit où ils venaient se rattacher à

(8) Galeron (F. ), Statistiques de l'a.1To ndissement de Fala.;se, t. II, p. 1~2. (9) On remarq 'e qu ' c ette s t"ation d e l' abitat"on dans l 'enceinte circul aire est assez généraIe: on la trouve en effet à Urville où dos fondatiops ont été retrouvées du côté du plabau, à 1' 3 nd-oi ~ que l'avant-corps ne protégeait pas; nous l'avons également ~'en­ contrée, à Bre: teville-sur-La ize . d 3. lls l'enceinte de la Bijude. Cette correspondance n'est pas fortuite; une t elle disposition semble indiquer un souci défensif.

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Fig. 16. 39 : Le Petit Belle. -

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46: Le Belle. -

47 : Le Bois du Belle de Bas. -

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ceux de l'enceinte. Le profil du rempart de ce « bayle » était complexe si l'on en juge par ce qui subsiste : en effet, derrière la levée de terre qui domine le fossé, il a été pratiqué une banquette de largeur variable, élevée de plus d'un mètre par rapport à la surface intérieure et qui se fond avec elle de manière insensible. On ne peut savoir si cette banquette suivait toute la longueur du rempart ou si elle n'a jamais existé que pour permettre une défense plus facile du côté de l'est, qui est, comme nous l'avons vu, le plus vulnérable. Une reproduction du plan cadastral levé en 1828, complétée par les observations faites sur le terrain, donne une bonne idée du site de l'ouvrage. Le flanc oriental de la vallée du ruisseau de la Coquerie a été choisi pour élever l'enceinte. La pente n'est pas très forte et se rattache à un fond alluvial large et plat, modelé par une ancienne retenue d'eau. Un barrage de terre existe enco r e à quelques centaines de mètres de l'enceinte: il est probable que le petit lac a été en relation avec la défense de l'ouvrage, comme cela est fréquent. Enfin, un dernier élément a été figuré sur le relevé et sur le plan. I! s'agit d'une longue levée de terre qui prend naissance au-dessus du fossé de l'enceinte, dans son angle sud-est, et qui court, à partir de là, vers le sud, à fl::lI1c de vallée, sur une longueur de 200 m. env iron. Elle s'interrompt à la limite de la parcelle dans laquelle se trouve l'enceinte. Cette so rte de « chaussée » offre un relief de 1 m. à 1,50 m. et son sommet bombé est large de 2,50 m. environ, tandis que sa direction générale est à peu près rectiligne. Nous ne savons quelle significa tion lui donner. Les deux fermes du hameau de la Barberie ne sont guère éloignées de l'enceinte; entre elles et le «fo rt » passe un chemin encaissé, rendu méconnaissable, qui porte sur le plan cadastral de 1828 le nom d' « ancien ' chemin d'Harcourt à Falaise ». De même, parvient au hameau le petit « Chemin du Pôt ». Notons, pour terminer, l' isolement de cette enceinte, qui est éloignée du village de Leffard. La Vieille Motte (Coordonnées Lambert: 409750 X 139200 ). Au sud-est des Bois du Pôt et du hameau de la Barberie, dans les bois de Villers-Canivet, existe une enceinte (10), de caractère un peu différent de celles qui ont été étudiées jusqu'à présent. Elle se compose, à nouveau, d'une première enceinte flanquée d'un second élément analogue à la basse-cour d'une motte. Dans ce cas, le plan de l'ensemble de l'ouvrage s'inscrit dans un carré de 50 m. de côté: la plus grande partie de la superficie ainsi délimitée est enfermée par un rempart qui, au nord et à l'est, forme les côtés du carré. A l'ouest et au sud, le rempart n'est pas complet: il s'interrompt en effet pour laisser place à une petite enceinte circulaire qui occupe le quart sud -est du carré. L'état de conservation de l'ensemble est remarquable; il ne faut

(10) Le tableau d'assemblage du plan cadastral de 1828 signale son emplacement.

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Fig. 19


pas attribuer à une fouille ou à un sondage le profil en creux de la petite enceinte il ne s'agit pas d'une motte éventrée, mais réellement d'une enceinte de taille réduite. Le rempart qui ferme la basse-cour est d'épaisseur et d'élévation variables selon les côtés: il est plus faible au nord, plus fort à l'est, et se renforce à proximité de la petite enceinte. Les fossés sont encore en eau : ils drainent les terrains marécageux d 'alentour, et possèdent même un ruisseau émissaire au nord de l'ouvrage. On ne remarque aucune trace certaine d'entrée; l'abaissement de la ligne de faîte du rempart nord, qui correspond à un élargissement du fossé en un point, n'est probablement dû qu'à l'exploitation forestière. De même, on n'observe aucun moyen de communication entre la basse-cour et la petite enceinte; aucune construction de pierre n'a été signalée (11). Le site de l'ouvrage diffère de ceux que nous avons déjà décrits: le sol alentour est extrêmement marécageux. La pente naturelle du terrain descend doucement du sud vers le nord, et c'est d'ailleurs le flanc méridional de l'enceinte qui est le mieux défendu. Mais on a choisi pour construire cet ouvrage le bas de la pente en négligeant les reliefs plus vigoureux situés à quelques centaines de mètres de là. La protection des terrains marécageux a été préférée à celle qu'offrait la hauteur. L'isol ement de la «Vieille Motte » est total et son existence est souvent ignorée des habitants de la commune de Villers-Canivet, dont le village est à plus de deux kilomètres de là, vers le nord. L'établissement le plus proche est cependant à signaler: entre l'enceinte et le village s'élève en effet l'ancienne abbaye de Villers-Canivet, fondée dans les années 1140 (12) . Quant aux voies de communication, elles passent loin de là, que ce soit, au nord, le chemin de Saint-Pierre-sur-Dives à Pont-d'Ouilly ou, au sud, l'ancien chemin de Thury à Falaise. De tous les ouvrages de terre que nous venons de décrire, du plus simple au plus compliqué, l'enceinte circulaire constitue le fondement. L'unique analyse externe ne permet pas de conclusions très importantes. L'évolution insensible du plan de ces enceintes vers une disposition analogue à celle des mottes n'autorise même pas à dire que la motte soit dérivée de l'enceinte circulaire, comme cela a pu être suggéré (13). Cependant, il nous semble que les enceintes de terre du Cinglais qui furent à peu près contemporaines des mottes ont été, à l'égal de ces dernières, des fortifications telles que les définit le texte des Consuetudines et Justicie.

(11) Galeron a vu l'ouvrage et l'a décrit rapidement: Statistiques de l'arrondissement de Falaise. t. II , p. 136. (12) Monstier (A. du ), Neust7·ia Pia, p. 791. (13 ) Chitty ( Mi ss. L.), Subsidia,·y cŒstle sites west of Shrewsbu,·y, dans TrŒnsactions of the SMopshù·e A,·ciweological Society. III , part 1, pp. 83-90.

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ANNEXE

LES

III

MOTTES

Les vestiges qui demeurent de ces fortifications sont trop défigurés pour que l'on puisse les étudier en fonction des formes qu'ils présentent. Le seul classement qui puisse se faire repose sur le choix du site de la construction. Sans nous dissimuler le caractère artificiel de l'ordre adopté, nous envisagerons successivement les mottes édifiées sur une hauteur, souvent sur le rebord supérieur d'un flanc de vallée, ou mieux, construites sur un éperon. Puis nous décrirons les mottes élevées au fond d'une vallée et celles qui se trouvent sur un terrain plat, parfois dans un village.

A) LES MOTTES DE REBORD DE VALLEE : Motte de Rouvrou (Coordonnées Lambert: 400550 X 141250) . La fortification du Bois de Rouvrou, à Angoville, est l'une des mieux conservées que l'on trouve dans le Cinglais. La motte, malgré différents sondages pratiqués à son sommet, est encore en bon état; une partie de la bassecou r subsiste. L'ou vrage a non seu lemen t ~té signalé par F. Vau ltier (1), mais a fait récemment l'objet d'une description détaillée (2) ; en outre, s'il n'a pas été signalé sur les plans cadastraux de la commune, il apparaît en revanche de façon très nette sur les photographies aériennes (3). Nous ne reviendrons donc pas sur la description de la motte; nous remarquerons simplement la confusion faite par RE. DOl·anlo, dans l'étude signalée cidessus, entre des fortifications de type bien différent: c'est ainsi qu'il compare la motte d'Angoville aux enceintes circulaires du Bois du Bel ou de Sainte-Eugénie (4). La motte d'Angoville s'élève au sommet de la rive méridionale du petit ruisseau de la Planche, qui décrit en cet endroit une large sinuosité, ce qui donne à la fortification une position . dominante par rapport au nord et au

(1) Vaultier (F. ) , Recherches histo1·iqtœs sur l'ancien pays de Cinglais; voir ce qui a trait à la commune d'Angoville. (2) Doranlo (R.E.), La motte d'Angoville , dans Bull. Soc. Antiqu. de N01"1nandie , LI, 19481951, p . 319. (3) Cliché I.G.N., Mission Granville-Falais e 1947, nO 25. (4) L'ouvrage de Sainte-Eugénie, dans la Forêt de Gouffern, est une enceinte circulaire à basse-cour, beaucoup plus puissante et plus grande que celles que nous avons pu trouver dans le Cinglais. Cf. Rousseau, Le camp de Silly-en-Gouffern dit de Sainte-Eugénie, dans Le Pays d'Argentan, 1935.

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nord-est. Au pied de l'amorce de basse-cour passe le Chemin du Pont du Vivier qui prend plus loin, vers l'est, le nom de ChemÏn du Roy Louis, et sur lequel se trouve aussi l'église d'Angoville. Cet axe, de direction est-ouest, semble d'une part rejoindre par Combray le Chemin de Bretagne et, de l'autre, pouvait gagner Clair-Tizon. Il a peut-être été l'une des ramifications de la route de Thury à Falaise qui a un tracé difficile à suivre sur les hauteurs des Bois de Saint-Clair. Enfin, on peut douter que le Chemin de Bonneuil à Caen, qui passe entre l'enceinte et l'église, ait été, comme le dit Doranlo, l'axe méridien du Cinglais que cherchait de Caumont: cet axe doit être situé plus à l'ouest, dans la région beaucoup plus peuplée de Placy, Donnay et Pierrefitte-en-Cinglais (5).

Motte de Gouvix (Coordonnées Lambert: 406750 X 151450). La photographie aérienne montre bien le site de cette motte édifiée dans le village de Gouvix, au sommet du versant oriental de la vallée de la Laize (6). Sans précision particulière, le vieux plan cadastral de la commune de Gouvix montre le dessin des parcelles C 35 et C 36 qui reproduit le plan de la motte: ce n'est plus qu'un monticule aux formes lourdes, dans l'angle d'un herbage. Les anciens fossés ont été très récemment comblés (7), et la trace en est bien visible dans la végétation. L'ancienne plate-forme sommita:e possède un diarr.ètre de 25 m. environ; elle conserve au nord-est les vestiges d'un puits. Les bâtiments d'une ferme à cour fermée s'adossent de ce côté à la motte, et entament une partie de sa circonférence. Il ne subsÏste plus aucune trace de basse-cour. Se trouvait-elle entre la motte et la vallée et suivait-elle à peu près les contours de l'herbage dans lequel se trou ',' e la motte? Nous aurions plutôt tendance à croire que les bâtiments de la ferme ont occupé sa place. Cette motte de Gouvix est curieusement rapprochée de deux autres fOl'tifications de terre voisines, l'enceinte d'Urville et la motte de Bretteville-surLaize. L'ouvrage de Gouvix ne semble pas en relation avec une route franchissant la Laize en cet endroit. En revanche, il n'est pas éloigné de celle qui passe la rivière à Urville. Reste une dernière question à poser à propos de cette motte de Gouvix. F. Galeron ne la signalait pas, mais décrivait « le chatel de Gouvix, planté sur un roc au-dessus du ruisseau de Laize» (8). Il nous a été difficile de

(5) La motte d'Angoville constitue un site à surveiller: des défrichemen ts de grande ampleur ont eu lieu ces dernières années tout autour. La vaste entreprise de démolition de talus qui a lieu dans la plaine voisine pourrait un jour ou l'autre valoir quelques dommages à la fortification. (6) Cliché I.G.N., Mission Mézidon-Villers-To'rigny, 1947, n O 154. (7) D'anciennes pierres tombales auraient même servi au remblai, au sud-ouest de la mo ' te, (8) Galeron (F.), Statistiq'tws de l'arrondissement de Falais e, t. III, p. 120. La description est reprise par Arc:sse de Caumont, COU1'S d'Antiquités 'monumentales, t, V, p. 119 .

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reconnaître « les larges fossés à dou ble enceinte » (9), « la roche en veloppée de maçonnerie ». Cependant, au sud-ouest du village, au lieu-dit « les Roche s », territoire qui dépend de la commune d'Urville, un tertre de terre s'appuie encore aux rochers qui surplomb ent la vallée. On pe ut également retrouver sur quelques dizaines de mètres « les circonvallations - bien atténuées - du côté du village de Gouvix » ; mai s en direction de l'est, on ne distingue plus rien qui puisse s'organiser en fonction d' une motte, et, bien plus, une longue barre de roches domine l'en semble. Le cas est donc très suspect ; res te à savoir s'il serait possible de retrouver les fondations des maçonneries que F. Galeron prétend avoir vues; en attendant, nou s doutons de la réalité de ce « chatel de Gouvix » planté s ur ses rochers, dans un site trop évocateur pour une imagination romantique.

Château de Rotaunay (Coordonnées Lambert: 404200 X 139650). L'orthographe de ce nom varie d'un document à l'autre: le lieu est appelé Rauthaunoi par F. Galeron (10). Nous empruntons ici la forme adoptée par les fonctionnaires du cadastre, et qui n'est peut-être pas la plus correcte. Le cadastre napoléonien de la commune de Saint-Germain-l'Angot indique l'emplacement de cette mott e: la parcelle A 17 porte le nom « le Vieux Château ». Les vest iges de l'ancienne fortification sont méconnaissables, et difficiles à retrouver. Les engins de terrassement lourds sont responsables de cette destruction récente. Un monticule de terre sans profil régulier est encore entouré de traces de fo ssés. La basse-cour a totalement disparu; peut-être s'étendaitelle vers l'ouest, car c'est dans cette direction que la topographie présente le plus de marques de bouleversement. Tout autour, les sols sont extrêmement marécageux, et pourtant, l'ouvrage a été édifié au sommet d'une croupe de terrain, sur le versant méridional du synclinal bocain. La défense combinait donc les avantages d'un site de hauteur aux facilités offertes de façon plus habituelle par un fond de vallée. De l'ancienne fortification, la vue s'étend très loin vers le sud, jusqu'aux Bois de Villers-Canivet qui barrent l'horizon; on aperçoit le site du « Fort du Belle », et d'ailleurs, l'ancien Chemin de Falaise à Harcourt, qui passe à proximité de cette enceinte, se retrouve à moins d'un kilomètre au nord du château de Rotaunay. Il faut enfin retenir l'isolement de la motte par rapport aux lieux habités. Le village de Saint-Germain-I' Angot, dans lequel se trouve le château moderne, est distant de deux kilomètres. Le hameau le plus proche est celui de La Goubinière qui ne groupe que quelques maisons. Les constructeurs de la fortification n'ont choisi son emplacement qu 'en fonction d'impératifs de défen se. Regrettons enfin la destruction brutale de ce site dont la disparition totale n 'est plus lointaine. Cela est d'autant plus regrettable qu'il nous a été indiqué que la motte a porté des con structions de pierre.

(9 ) Gal eron (F. ), Statisti ques de l'a" r ondissement de F alaise, t . 2, p . 43. (10) En dehor s du fa it qu e l'on imag in e mal ce que l'a u teur veut dire.

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Catelier d'Ussy (Coordonnées Lambert: 408050 X 143050). Cette fortification ne se trouve pas dans le Cinglais proprement dit, mais sur le flanc oriental d'une vallée qui pénètre dans le pays à moins d'un kilomètre de là. Le nom de Chatelier d'Ussy s'applique aux vestiges d'une motte située au nord de cette commune, près du lieu-dit le Hamel, dans la zone des derniers défrichements. Le cadastre ne signale pas ce toponyme qui pourtant est bien connu des habitants. La motte, située dans l'angle d'un herbage, présente, malgré un profil surbaissé, une netteté que l'on souhaiterait retrouver en de nombreux cas. Les fo ssés ont été comblés en partie avec des pierres afin de pratiquer une chaussée plus solide pour les véhicules qui pénètrent dans l'herbage; bien conservés au nord et à l'est, ils n'existent plus à l'ouest. Toute trace de basse-cour a disparu à proximité et cependant, sur le site, on retrouve des vestiges de terrassement ou de remaniements artificiels de la topographie qui paraissent difficiles à expliquer. La motte est construite à une centaine de mètres du rebord de la vallée. L'herbage dans laquelle elle se trouve offre une ~urface parfaitement horizontale. Il est limité, au sud, par une lisière plan t ée d'arbres qui prend sa naissance dans le fossé de la motte et gagne la vallée. Cette limite Se marque dans la topographie par une dénivellation sensible. Vers l'ouest, au-dessus de la vallée, la surface de l'herbage est tranchée par une rupture de pente très vive qui ne peut être confondue avec une forme naturelle. Cette sorte de terrasse pénètre dans le bois voisin où elle rencontre un vallon affluent. A la pointe de l'éperon ainsi formé, on distingue des traces de fossés . Il est improbable qu'une simple basse-cour ait englobé une superficie aussi vaste . Il n'est pas impossible que cette motte ait réoccupé le site d'une vieille enceinte, et ait été élevée à proximité de l'ancien rempart barrant l'éperon . Dans ce cadre , l'isolement est encore l'une des grandes caractéristiques de la fortification. Le village d'Ussy est à deux kilomètres de là, et la motte ne se trouve à proximité d'aucune grande voie de communication. Notons que nous possédons là encore un exemple qui vient montrer que la fortification a joué dans l'hi stoire du peuplement un rôle antérieur à celui des fondation s monastiques. La motte d'Ussy domine en effet le site de la Commanderie de Fontaine-le-Pin.

B ) LES MOTTES D'EPERON Château d'Olivet (Coordonnées Lambert: 397000 X 155500). Cet exemple est certainement l'un des plus parfaits d'une motte construite sur un éperon. Peut-être est-ce cela qui explique que le Château d'Oli vet a de pui s longtemp s attiré l'attention. La description a déjà été donnée par A. de Caumont; un relevé rapide en a également été pu blié (11).

(11 ) Ca u mon t (A . de), Cour's d' A ntiquités M onumentales, t . VII (A t las), plan ch e LXV.

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L'ouvrage est même assez important pOUl' que sa situation exacte ait été indiquée sur l'ancien plan cadastral de la commune de Grimbosq, fait qui n'est pas très fréquent si l'on considère l'ensemble des fortifications de terre existant encore. Celle-ci occupe la crête d'un éperon très étroit formé par deux affluents de la Laize, à la limite des communes de Grimbosq et de Mutrécy. L'ensemble du «château» a donc une forme effilée, très particulière: il est constitué par une motte qui occupe la position centrale et a été établie sur presque toute la largeur de l'éperon: ainsi, à l'est, elle domine directement la pente, tandis qu'à l'ouest, une communication très étroite a été aménagée pour mettre en relation les deux basses-cours. Au nord, la première d'entre elles est à l'extrémité de l'éperon, défendue par un fossé et un rempart très fort; sa surface n'est pas très importante en raison de sa position topogra phique. En revanche, la basse-cour qui se trouve du côté du plateau dispose d'une largeur plus grande, de l'ordre de 10 à 25 m . pour une profondeur double. Le rem part qui défend l'ensemble de la fortification de ce côté est plus fort encore que celui que l'on a décrit à l'extrémité nord de l'éperon. De plus, à 40 m. environ, toujours en direction du sud, il subsiste le s traces d'un retranchement barrant toute la largeur de l'éperon: il se compose d'un fossé au profil adouci et d'un rempart de terre dont il ne reste que quelques fragments . Cette défen se a vancée n'occupe plus toute la largeur de l'éperon, mai s elle a sans doute été dégradée: le talus et son fossé ne créent plus maintenant qu'une dénivellation de 1 m . à 1,50 m. environ (12) . L'isolement de ce site est complet. On ne trouve la trace d'aucune voie de communication ayant passé à proximité de l'ouvrage. L'accès n'en est possible que par l'allée forestière qui y mène en droite ligne à partir de la route de Grimbosq à Mutrécy.

Motte de Cesny (Coordonnées Lambert: 398750 X 146900). Au village de la Motte, à Cesny, la ferme du Châtelet est bâtie s ur l'ancienne fortification qui a donné son nom au village. Le toponyme du Châtelet indique que l'ancienne motte de Cesny a été longtemps utilisée comme site de défense (13), et par conséquent, la topographie primitive a été modifiée; on reconnaît mal la disposition très caractéristique de la motte avec sa bassecour. Un large fossé isole une très vaste terrasse occupée maintenant par les bâtiments d'exploitation de deux fermes. Cette terrasse, large d'une cinquantaine de mètres, se trouve sur le promontoire formé par la réunion de la vallée du Ruisseau de Cesny et d'un vallon descendant du pla tea u de Placy.

(12) C'est peut-être l'existen ce de ce fossé qui a fait supposer que le site du château d'Olivet a connu une occupation antérieure à l'époque méd iévale. Pour permettre de le déterminer avec certitude, l'analyse externe ne suffit pas, car l'éperon barré n'appartient pas en exclusivité aux établissements d'une époque plutôt qu'à une autre. Mais la superfic;e relativement faible de l'enceinte ainsi formée semble apparenter le retranchement à la fortiiication médiévale. (13) Dans sa Statistique monu·mentale , A. de Caumont indique que la fot·tification fut en service jusqu'au XV, siècle.

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Du côté de la vallée, il existe une sorte de basse-cour en croissant qui n'a pas plus de 15 m. à l'endroit de sa plus grande largeur. Elle domine le cours d'eau qui coule en contrebas. La vallée, large en cet endroit, possède un lit marécageux. Il est probable que des reten ues d'eau aient complété la défense. A. de Caumont signalait des pans de murs: il n'en reste pas trace. Il ne reste rien non plus de la chapelle Saint-Georges qui aurait existé. De toute façon, il semble difficile de retrouver l'aménagement primitif de la motte, avant qu'elle ne devienne un châtelet dans les siècles suivants. A propos de la motte de Cesny, il convient d'évoquer la question de la grande voie romaine qui, selon A. de Caumont, avait traversé le Cinglais du nord au su d. Les témoignages archéologiques d'un peuplement gallo-romain sont très discrets au sud de la Forêt de Cinglais: partout où une voie de quelque importance a existé, les traces d'habitat sont plus nettes. Au ss i, est-il fort possible que cet axe n'ait été, à l'o rigine, qu'une simple voie de pénétration reliant les centres densément peuplés du nord du Cinglais et de la campagne aux écarts situés au sud de Thury. En cela, l'axe méridien du Cinglais est tout à fait comparable aux chemins passant près des camps de Moulines, de Martainville ou du Bois ide Marcrue. Noton s en effet qu'il croise le Chemin venant de Martainville à la Ferté de Donnay. Cette route méridienne ne dut cependant prendre toute son importance qu'à la période médiévale (14), où elle se trouve jalonnée par les chefs-lieux de baronnie de Cesny et de la Pom meraye, ainsi que par l'enceinte de la Coupe de la Souillarde. En outre, à l'époque gallo-romaine, le tronçon septentrional fut certainement le plus fréquenté, tand is qu'inversement il se trouva plus ou moins délaissé à l'époque médiévale où Mutrécy et Clinchamps échappent en grande partie aux aires d'influence du Cinglais (15).

Motte du Bois Maillot (Coordonnées Lambert: 401150 X 134600). Cet ouvrage auquel s'attachent de nombreuses légendes est en voie de disparition (16). Son isolement et le caractère sauvage du site ont certaine_ ment contribué à l'entourer de mystère inquiétant. Il se trouve à la confluence

(14) Les habitants des communes voisines de la Forêt de Cin gla is conservent le souvenir de cette ancienne route que l'on dit avoir mené à Rouen. (15) Cet axe peut encore êtl'e suivi sur le terrain. Du hameau de Percauville (commune de Clinchamps) jusqu'au lieu-dit « Le Carrefour de la Guerre », proche du Hameau des Rues (Commune d e Boulon), la continuité existe encore; mais ce chemin se prolonge pa'r le « Chemin de Foupendant» qui n'appartient pas à l'ancien axe méridien. En revanche. on retrouve cet axe à la Chapelle du Malpas; il traverse toute la Forê.t de Cinglais pour disparaître depuis l'entrée de la commune d'Espins jusqu'à la motte de Cesny. A partir de là , il prend le nom de Chemin aux Saulniers avant de rejoindre Placy et Donnay . (16) S;gnalées par F. Galeron, Statistiques de l'ano ndissement de Fitlais e, t. 2, p. 7. Ces légendes r posent tou tes sur des relations obscures qui auraient existé entre les fort:fications voisines du château Ganne et du Bois Maillot.

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de deux vallons, affluents du ruisseau qui se jette dans l'Orne à Saint-Christophe; l'un descend du Haut-d'Ouilly et l'autre, moins important, vient du village du Basset. Aussi la fortification se trouve-t-elle en dehors du Cinglais proprement dit. Elle se réduit à une plate-forme circulaire d'un diamètre égal à une qu inzaine de mètres; toute cette surface est jonchée de pierres. Seules, les pentes artificiellement avivées révèlent la présence de la fortification; quelques traces de fossés entourent encore l'ancienne motte au -dessus de la vallée. Du côté du plateau, vers le sud, un chemin creux a pris la place du fossé qui barrait l'éperon. On ne trouve plus aucune trace de basse-cour. La défense était renforcée par la protection d'une retenue d'eau dans la vallée orientale dont le fond est demeuré très marécageux. Une route moderne joint Tréprel au village du Basset; elle passe au pied de la motte, et il y a de forte s chances pour que, dans cette partie du pays pauvre en voies de communication, elle reprenne le tracé d'un ancien chemin d'intérêt local ayant rejoint les campagnes de Pierrepont et Tréprel au Pont-d'Ouilly ou, plus au sud, au Pont des Vers. Motte de Rouvrou (Coordonnées Lambert: 405300 X 152600). Nous avons déjà parlé de ce groupe de fortifications de terre situé sur les communes de Bretteville-sur-Laize, Gouvix, U r ville, et des voies de pas sage entre la Campagne et le Cinglais qu'elles semblent garder. La motte de Rouvrou appartient à cet ensemble géographique puisqu'elle domine le village de Brette ville sur la rive gauche d,e la Laize, ou plus précisément, « au confluent du Ruisseau de Valclair et de la Laize » (17). La photographie aérienne montre bien l'emplacement de la fortification grâce à la végétation abondante qu i s'Üuligne le dessin des fossés (18). La disposition des lieux fait songer à la Motte de Cesny; en effet, vers le sud, un large fossé isole la motte de la surface du plateau, et à Cesny comme à Bretteville, les fortifications se trouvent en contrebas par rapport à elle; aussi, la vulnérabilité de ces mottes dut-elle être atténuée par des fossés très larges. La motte de Rouvrou possède encore une basse-cour étroite, en forme de croissant, qui a é té aménagée à l'extrémité du promontoire, ce qui l'apparente à l'ouvrage de Cesny. La motte proprement dite conserve sa forme primitive, et des flancs très abrupts, malgré la construction au siècle dernier d'une maison bourgeoise sur son sommet. Seul, le côté nord-ouest de la fortification qui correspond à la façade de l'édifice a été dégradé et nivelé. Nous ne reviendrons pas ici sur le problème des voies de communication que nous avons évoqué à propos de l'enceinte d'Urville. Signalons enfin que l'on ne distingue pas de relations matérielles entre cette motte et l'enceinte de la Bijude qui se trouve sur le territoire de la même commune.

(17) Galeron (F.), Statistiques de l'a1'rondissernent de Falaise, t. III , p. 111. (18) Cliché I.G.N., Mission Mézidon-Villers-Torigny, 1947, n° 155.

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C) LES MOTTES DE SITE NEUTRE

L'Isle d'Amour (Coordonnées Lambert: 140450 X 138450). Ce nom, pour le moins curieux, désigne une motte isolée dans les bois du Château de la Tour, éloignée de quelques kilomètres de l'enceinte de la Vieille Motte. De nombreuses transformations ont retiré à l'ouvrage sa valeur archéologique; il porte encore des traces de maçonnerie qui sont les restes d'un petit pavillon construit par les propriétaires du château voisin: c'est cette construction qui a fait donner à une motte authentique un nom aussi étrange. Le plan de l'ouvrage est un peu particulier: c'est la seule motte de forme rectangulaire que nous ayons à signaler. Le plus grand côté est long de 30 m. environ, le plus petit de 20 m. L'altitude de la motte s'abaisse progressivement du sud vers le nord, mais il est difficil·e de savoir si ce trait est originel. On devine, dans cette dernière direction, le départ d'un fossé qui a pu entourer une basse-cour. Les fossés de la motte sont encore larges de 8 à 10 m. et ont peut-être été doublés vers l'extérieur par une seconde ligne de retranchements qui apparaissent encore au sud. Vers l'est, les fossés se jettent dans un étang qui protège tout le flanc oriental de l'ancienne fortifi cation. L'alimentation en eau se fait par un ruisseau qui naît à quelques centaines de mètres en amont, au lieu-dit « La Fontaine Bouillante ». Le site de vallée a donc été choisi pour la construction de cette motte aux dépens des reliefs proches qui dominent la « Fontaine Bouillante ». Comme dans le cas de la Vieille Motte voisine, les possibilités de défense offertes par l'eau et les terrains marécageux ont été utilisées de préférence.

Château de La Pommeraye (Coordonnées Lambert: 398100 X 137500). La proximité et le caractère pittoresque du fameux Château Ganne ont fait oublier la présence d'une motte très forte située dans. le parc du château moderne de la Pommeraye. A notre connaissance, elle n'a jamais été signalée. Elle a été placée au bas de la pente du flanc oriental d'une vallée affluente de l'Orne. Au sommet du flanc opposé, à moins d'un kilomètre, s'élève précisément la triple enceinte du Château Ganne. Les fossés sont très marqués à l'ouest et au sud, côtés par lesquels la motte s'appuie au relief. Ils disparaissent au nord où il semble qu'ils aient été comblés. Vers l'est, il existe encore un étang qui devait assurer la protection dece côté. La basse-cour a dû s'étendre vers le nord de la motte, et son dessin est à peu près conservé dans l'herbage qui se trouve dans cette direction. La fortification est un peu à l'écart du village de La Pommeraye; elle contrôlait cependant une voie de communication importante puisqu'il s'agit de la route de Falaise au Vey; celle-ci, venant de Pierrefitte, est d'abord nommée Chemin de Mortreet et se continue sur le territoire de la commune

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de la Pommeraye sous le nom de Chemin d'Orival. L'ouvrage est beaucoup plus éloigné de l'axe méridien du Cinglais que domine à l'est le château Ganne. Il resterait bien sûr à découvrir quelles sont les relations qui existent entre ces deux fortifications, l'une située dans la vallée, l'autre sur la hauteur.

Fontenay-le-Marmion (Coordonnées Lambert: 403 000 X 158 050). La motte de F ontenay-le-Marmion a fait l'objet d'une description et d'un relevé de la part d'Arcisse de Caumont (19). Cet auteur a vu dans son temps un ouvrage beaucoup plus complet qu'il ne l'est à l'heure actuelle: la reconstruction d'une ferme et de bâtiments d'exploitation ont fait disparaître la basse-cour que l'on voyait encore au milieu du XIX· siècle. Il ne reste plus que la motte aux formes abîmées, « esplanade carrée de 80 pieds sur 55 », qui porte encore une construction de pierre dans son angle nord-ouest. Dans cette direction, des sols marécageux assuraient la défense. Le site est en effet celui d'un petit vallon descendant vers l'ouest en direction de la Laize. Vers le sud-est, l'ancienne fortification se rattachait au niveau de la plaine. JI est intéressant de noter que la motte est construite à proximité du village de Fontenay-le-Marmion, et non pas sur le « Chemin Haussé » tout proche. En revanche, la motte contrôle un axe semblable à tous ceux qui viennent de la plaine et pénètrent dans le Cinglais. Le chemin qui passe auprès de la motte de Fontenay-le-Marmion vient de Bellengreville, Secqueville, Lorguichon, Rocquancourt; il gagne Laize, et traverse l'Orne vers Percauville. Cette fortification se rattache donc aux ouvrages de Bretteville, Gouvix et Urville, qui tous dépendaient de la zone d'influence des Marmion dont elle est le cœur.

Logis de Combray (Coordonnées Lambert: 396750 X 142450). Le nom de Logis s'applique à une construction du XV· siècle qui fut élevée sur le site d'une motte. Ce Logis a presque complètement disparu, mais la topographie a conservé les traces, de la pl us ancienne fortification. Celle-ci était située à l'est de l'église du village, dont elle n'est séparée que par la route moderne. L'ensemble de la motte et de sa basse-cour s'étendait du sud

(19) Caumont (A. de), Cours d'antiquités monumentales, t. VII, planche LXV.

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vers le nord, sur un terrain à peu près plan. De la motte, il demeure le dessin circulaire et le profil très aplati. Un herbage et un jardin se divisent sa superficie. Vers l'est, elle est limitée par les douves de l'ancien Logis, tandis que se prolonge vers le nord le fossé qui dut entourer la basse-cour, dont la route suit également le dessin. Cette motte, qui a fait l'objet d'une description d'A. de Caumont, a sans doute contrôlé un carrefour d'importance moyenne: c'est ici que se rejoignaient sans doute les différents itinéraires du Chemin d'Harcourt à Falaise, et de Combray partait également un chemin gagnant le Pont de la Mousse.

* * * Telles sont les mottes qui existent encore, dans un état de conservation variable, sur le territoire du Cinglais. Nous voyons que la reprise du travail des « antiquaires» du XIX· siècle ne révèle que bien peu de lacunes. Nous voudrions signaler, pour terminer, un ouvrage que nous ne savons pas identifier avec précision. Il s'agit d'un tertre de terre, ressemblant à une petite motte, située auprès du château de Torp, sur la commune de Villers-Canivet. La n'existe tout autour aucune trace de fossé ni de basse-cour. La toponymie de la parcelle dans laquelle il se trouve n'apporte aucune indication; aussi préférons-nous l'écarter de notre travail, puisque de toute façon, il se situe bien en dehors du Cinglais ou de ses abords immédiats.

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APERÇU

BIBLIOGRAPHIQUE

Tous, les ouvrages et articles relatifs a ux fortification,s de terre et à la naissance de la féodalité ne figurent pas dans cet aperçu. Nous nous sommes limité, d'une part, aux publications qui ont servi d'exemple dans la méthode à suivre, et, d'autre part, aux travaux concernant plus particulièrement l'histoire locale. L'ordre des rubriques correspond à celui de l'exposé.

1. -

LE CONTEXTE DU PEUPLEMENT .

Les données archéologiques ont été relevées au fichier de la Direction régio,n ale des Antiquités, historiques ou dans des études locales, dont les principales ont paru dans le Bulletin de la Société des Antiquaù'es de Normandie. Le grand nombre et la brièveté des articles consultés rendent sans intérêt leur énumération complète. Pour une étude sommai'r e de la toponymie d'une région, les ouvrages, principaux restent toujours:

Les noms de lieux de la France. Paris, 1922. Toponymie de la F rance . Bruxelles, 1937.

LONGNON (A.) VINCENT (A.)

Certains travaux de vulgarisation sont commodes à consulter:

Les noms de lieux. Origine et évolution. Paris, 1937. La toponymie française. Paris, 1939. Les noms' de lieux. Paris, 1948 (Que sais-je? n° 176). Dictionnaire des noms de lieux de la France. Paris, 1963.

DAUZAT (A.) DAUZAT (A.) ROSTAING

(Ch.)

DAUZAT (A.) et ROSTAING

(Ch.)

Des études locales permettent d'apporter des précisions: ADIGARD DES GAUTRIES (J.) BEAUREPAIRE (F.

LOT (F.) LATOUCHE (R.)

de)

L es noms de lieux du Cal'IJados attestés de 911 à 1066, dans Annales de N01'mandie, II, 1952, pp. 209-228; III, 1953, pp. 22-36 et 134-148. Essai sur le Pays de Caux au temps de la première abbaye de Fécamp, dans, L'abbaye Bénédictine de Fécamp, ouvrage du XIII' centenaü'e, pp. 3-25. De l'origine et de la signification hist,o rique des noms de lieux en -ville et en -court, dans Romania, LIX, 1953, pp. 199-246. Défrichement et peuplement rural dans le Maine du IX' au XIIl' siècle, dans le Moyen Age, LIV, 1948, pp. 77-87.

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L'histoire religieuse contribue à une meilleure connaissance de l'évolution des peuplements. Dans ce domaine, nous avons cons ulté: CHAUME (M.)

CHAUME (M.)

Le mode de constitution e t de délimitation des paroisses 1'urales aux temps mérovingiens et carolingiens, dans Revue Mabillon, XXVII, 1937, pp. 61-70; XXVIII, 1938, pp. 1-19. Les plus anciennes églises de Bourgogne, dans Annales de Bourgogne, VIII, 1936, pp. 201-229.

Dans le cadre de la Normandie, un certain nombre d'études ont été publiées: BAEDORF (B.) EWIG (E.)

FOURNÉE (J.) LAPORTE (Dom) MUSSET (L.)

II. -

Untersuchungen über Heiligenleben der Westlich en N01'mandie. Bonn, 1913. Le culte de saint Martin à l'époque franque, dan s Revue d'histoire de l'Eglise de Fmnce, XLVII, 1961, pp. 1-18. Enquêt.e sur le culte populaire de saint Martin en NOTmandie, dans Cahiers Léopold Delisle, 1963. Les ongines du monachisme dans la pTovince de Rouen, dans Revue Mabillon, 1941. RecheTChes sur l'o1'igine des ciTConscnptions pa1'oissiales de la campagne n01'mande, dans Revue historique de d1'oit français et étranger, XXIV, 1946-1947, pp. 2-3.

LES FORTIFICATIONS DE TERRE.

L'intérêt porté aux fortifications de terre par les érudits locaux a été surtout d'ordre archéologique dans, la mesure où le rôle historique de ces ouvrages a toujours été im~arfaitement défini. Cependant, le point de départ du travail est fourni par: CAUMONT (A. de) GALERON (F.) VAULTIER (F.)

Statistique monumenta·le du Calvados. T. II; Paris-Caen, 1890. Statistique de l'a1Tondissement de Falai se. Falaise, 1836. R ec herches historiques sur l'ancien pays de Cinglais, dans Mémoù'es de la Soc. des Antiquaires de Normandie, VII, 1836, pp. 1-296.

La Statistique de F. Galeron n'a pas un objet proprement historique. L'auteur y rapporte toutes les curiosités qui l'ont frappé en visitant une à une les communes de l'arrondissemen t de Falaise. Son enquête a été interrompue par la mort et l'ouvrage est demeuré incomplet. On y trouve des notations intéressantes sur les coutumes, la situation économique et démographique, le chiffre de l'impôt, l'histoire des villages visités, et les découvertes archéo:og iques qui y ont été faite's : c'est ainsi que sont

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décrites les fortifications de terre, mottes ou enceintes circulaires, et « camps romains ». L'énumération donnée est presque complète, à quelques unités près. Ces découvertes ont été utilisées par F. Vaultier dont l'étude a un but historique. Mais cette méthode qui consiste à traite'r successivement l'histoire de chaque commune limite l'intérêt du livre, malgré la connaissance qu'avait son auteur des principaux textes anciens relatifs au Cinglais. A. de Caumont s'est beaucoup inspiré de ces deux ouvrages dans sa Statistique monumentale, mais il insiste plutôt sur l'archéologie religieuse. Il décrit ave'c davantage de précisions certaines fortifications de terre du Cinglais dans : CAUMONT (A.

de)

Cours d'antiquités monumentales. T. V logie militaire; Paris, 1841.

Moyen Age, Archéo-

En outre, un inventai'r e provisoire des fortifications de terre a été dressé : DORANLO (R.E.)

Camps, enceintes, mott,es et fortifications du Calvados, dans Bulletin de la Société des AnUquaü'es de Normandie, XXXIX, 1913-1914, pp. 219-249 .

Quelques descriptions détaillées ont été publiées DORANLO (R.E.)

Le camp de Moulines, dans Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, XXXVII, 1926-1927.

DORANLO (R.E .)

La motte d'A ngoviUe, dans Bulletin de la Société des A ntiquaires de Normandie, LI, 1948-1951, pp. 319-321.

(J.)

Le camp de Martainville, dans Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, LVI, 1961-1962, pp. 656-658.

L'HERMITTE

Certains inventaires régionaux peTmettent des comparaisons

Les enceintes cÙ'culaires du Morbihan, dans Ggam, XIV, 1962.

ANDRÉ (J.)

Le plus intéressant concerne l'Auvergne: FOURNIER

(G.)

Vestiges de mottes casb'ales en Basse-Auvergne. Inventaire provisoire et essai de classement, dans Revue d'Auvergne, 1961.

FOURNIER

(G.)

Les enceintes de t erre en Auvel'gne, dans Bulletin historique et scientifique de l'Auvergne, LXXXI, 1961, pp. 89-110.

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III . -- L'HISTOIRE DU CINGLAIS A L'EPOQUE DE LA FEODALIT E NAISSANTE.

Toutes les sources dont nous nous sümmes servi ont été publiées. a) Sources diplomaliques :

TESSIER (G.) FAUROUX (M.) MUSSET (L.)

Recueil des Actes de Charles le Chauve. Paris, 1943. Recueil des Actes des ducs de Normand~e (911-1066). Caen, 1961. Actes inédits du XI' siècle, autour des origines de SaintEtienne de Fontenay, dans Bulletin de la Société des Ant.i quaires de Normandie, LVI, pp. 11-41.

Les textes prés·e ntés dans ce dernier article complètent le document que nous connaissions touchant la fondation de l'abbaye de Fontenay, et qui était reproduit dans Gallia Christiana, t. XI, Instrumenta, col. 62. Dans le même volume, se trouvent également divers actes relatifs a ux origines de l'abbaye de Barbery (Gallia Christiana, t . XI, Instrumenta, col. 85, 86, 87). Citons enfin, bien qu'i! ne nous ait pas rendu grand service: SAIGE (G .)

Cartulaire de la Seigneurie de Fontenay-Le-Marmion. Monaco, 1895.

b) Sources narratives :

GUILLAUME DE JUMIÈGES Gesta Normannorum Ducum. E dit. J . Marx, Rouen-Paris, 1914. GUILLAUME DE POlTIERS Histoire de Guillaume le Conquérant . E dit. R. Foreville. Paris, 1952. Roman de Rou. Edit. Andresen, Heilbronn, 2 vol., 1877-1879. ROBERT WACE Des études d'his,t oire locale, souvent très vieillies , portent sur différents poi,n ts du Cinglais CAREL (P.) FARCY (P. de) PELLERIN (M.) LEFOURNIER FIERVILLE (Ch.)

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Etude sur l'ancienne abbaye de Fontenay Vrès Caen. Caen, 1884. Abbayes de l'évêché de Bayeux. III' partie: Fontenay . Laval, 1887. Quilly et ses seigneurs. Leur domaine et leur manoir. Alençon, 1889. Essai historique sur l'abbaye Notre-Dame du Val. Caen, 1865. Hi stoù-e généalogique de la Maison et. de la Baronnie de Tow·ne bu, dans Mémoires de la Société d es Ant;'quaires de Normandie, III' série, 6' volume, 1867, pp. 170-367.


En ·r evanche, il faut attacher une attention toute spéciale à quelqu es études plus récentes MUSSET (L.)

Les domaines de l'époque franque et les destinées du Tegtme domanial du IX' au Xl' siècle, dans Bulletin de la Société des Antiquaù"es de> Normandie, L, 1948-1951, pp . 7-97.

MUSSET (L.)

Actes inédits du Xl' siècle. Ill: Les douaù'es des princesses normandes, dans Bulletim de la Société des Antiquai1"es de NO?'mandie, LIV, 1957-1958. p. 32.

MUSSET (L .)

Actes inédits du Xl' siècle. V : Autour des origines de SaintEtienne de Fontenay, dans Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, LVI, 1961-1962, pp. 11-41.

MUSSET (L.)

Partages paroissiaux et partages féodaux: Le domaine de Fontenay (près Caen), dans Revue Historique de Droit Fmnçais et Et?'ange?", 1949, p. 324.

LEMARIGNIER

(J .F.)

Etude sur le p1"ivilège d'exemption et de juridict.ion ecclésiastique des abbayes normandes depuis les o?-igines jusqu'en 1140 . pp. 181-192.

Nous nous sommes référé à q uelques études traitant des problèmes iden tiques à ceu x que no u s avons rencontr és dans le Cinglais. DUBLED (H.)

Quelques observations SU?' le sens du mot « vvlla », da ns le Moyen Age, 1953 .

DUMAS (A.)

Quelques observations sur la grande et petite 1Jropriété à l'époque carolingienne, dans Revue H isto?'ique de Droit Français et Et?'anger, 4' série, V, pp. 213-279 et 613-672.

LOT (F .)

Le vicarius et la Vica?'ia, dans Revue Historique de Droit Français et Etranger, 1893, pp. 281-301.

MOLLAT

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La resti·t ution des églises p?'ivées au pat?'imoine ecclésiastique en F?"anc e, du IX' au Xl" siècle, dans· Revue Historique de Droit Français et Etrange?', 4' série, XXVII, pp . 399-423.

DELOCHE (M.)

Pagi et vicairies en Limousin, aux IX', X ' et Xl' siècles , dans Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, XXXVI, pp . 31-94.

GARAUD (M.)

L es c;?'conscriptions administra,tives du comté de Poitou et les auxiliaù"es du comte au X' siècle, dans le Moy en A.ge, LIX, 1953, pp. 11-61.

GARAUD (M .)

La construction des châteaux et les destinées de la Vicaria e~ des Vicaù"es carolingiens en Poitou, dans R evue Hi sto?'ique de Droit Français et Etmnger, 4' série, XXXI, 1953, pp. 54-78.

117


rv. -

LE ROLE DES FORTIFICATIONS DE TERRE DANS LA GENESE DE LA SOCIETE FEODALE.

Un certain nombre d'études mettent essentiellement en valeur l'importance historique de la fortification médiévale aux XIe et XIIe siècles. BEELER (J.H.) BOUARD (M. de)

DEPREZ (R.) FOURNIER (G .) GAlER (Cl.)

HÉLIOT (P.)

PAINTER (S.)

Castles and stra,tegy in Norma,n and early Angevim England, dans Speculum, XXXI, 1956, pp . 581 -60l. Les petites enceintes ciTCulai1'es d'origine médiévale en N 01'ma,ndie, dan·s Château-Ga,~lla,rd, vol. 1: Colloque des Andelys, pp. 21-33 . La, politique cu,stru,Ze cla,ns la p1'incipauté de Liège du xe a,u XV' siècle, dans L e Moyen Age, LXV, 1959, pp. 501-538. L e peuplement 1'U1'a,l en Bu,sse-A uvergne durant le H a,ut Moy en Age. Paris, 1962. La fonction stra,t.é gico-défenswe du pla,t pays au Moyen Age dans la, région de la, Meuse Moyenne, dans Le Moyen Age, LXLX, pp . 753-77l. Les demew'es seigneuriale!! de la, région Picarde at~ Moyen Age, dans Recueil de t1'avaux offm·ts à M. Cl. B1'unel, vol. 1, Paris, 1955. Castella,ns of the pla,in of Poitou in the XIth a,nd XIIth centuries, danS ' SlJ eculum, 1956, pp . 243-257.

Enfin, les travaux suivants cherchent à préciser la question des ongmes de la féodalité dans différentes régions, quelquefois proches de la Normandie. BOUSSARD (J.)

AUBENAS (R.)

DUBY (G.) DUBY (G.)

GARAUD (M.)

HALPHEN (L.) LATOUCHE (R.) RICHARD (J.)

WERNER (K.F.)

S:GURET (Ph.)

118

L'origine des fa,milles seigneuria,les da,ns la, région de la, Loire moyenne, dans Ca,hien de civilisation médiévale, 5' année, n° 3, juillet-septembre- 1962. Les châtea,ux-fo?·ts des Xe et Xl" siècles. Contribution à l'étude des origines de la féodalité, dans Revue H ;·storique de Droit Fra,nçais et Et?-anger, 4' série, XVII, 1938, pp. 548-582. Une enquête à poursuivre: la noblesse dans ·l a France médiévale, dans Revue Historique, CCXXVI, pp. 1-22. La société aux Xl' et XIIe siècles dans la, région mâconnaise. Paris, 1953. L'organisa,tion administl"aLve du comté de Poitou au Xe siècle et l'a,vènement des châtelains et des .cha,tellenies, dans Bulletin de la Société des Ant.iquaires de l'Ouest, 4' série, II, 1953, pp. 411-454. Le comté d'Anjou au Xl' siècle. Paris, 1906. Histoire du comté du Maine pendant le X ' et le Xl' siècles. Paris, 1910. Châteaux, chât@lains et vassaux en Bourgogne aux Xl' et XIIe siècles, ·dansl Cahiers de civilisation médiévale, III, n ° 4, octobre-décembre 1960. Untersuchungen ZU1- Frühzeit de?' Franzosischen Fürstentums (9-10 Jahrhundert) , dans Welt als Geschichte, 1960, pp. 87-119. R echerches SUT la formation du com té du PeTch e, dans Bulletin de la Société Historique et A1-chéologique de l'01'ne, LXXIX, 1961; LXXX, 1962.


1 N D EX 14, 23, 24, 25, 32, 37, 44. Château de la Motte à - : 29, 30, 58, 73. Ada·! gisus : 39. Adèle de France : 43. AISY: 37. ALEMAIGNE : 50. Alpaïs : 51. AMAYÉ: 17. ANGLOISCHEVILLE : 16. ANGOVILLE: 19, 21, 45, 54, 58, 64, 73, 97. - Motte d' - : 28, 30, 58. ACQUEVILLB:

AREGENUA, voir VIEUX. ATH .S: Aton:

17. 41.

Aubigny (famille d') : 55. avant.-c01·PS : 29, 59, 83, 85. AVENAY: 14,17. BACTOT (ruisseau de) : 29, 32, 73 . BARON : 14. BARBERIE Ca) : 91. - Enceinte circulaire au hameau de - : 29, 58, 59. BARBERY: 19, 25, 45, 52, 53, 58, 64, 87. - Abbaye de - : 53, 54, 55, 56. basse-cour: 29, 59, 60, 77. 87, 91, 93, 97, 99, 101, 103, 105, 106, 107, 110, 112. BASSET Ce) : 106. BAYEUX: 9, 14, 15, 49, 52. BEAU-BLANCHARD, RÉMY: 46. BEFFEUX :

commune

de

SAINT-

79.

BELLE (fort du), voir LEFFARD.

13, 110.

BELLENGREVILLE: BENEAUVILLE: BERJOU:

19.

17.

BERNAY (Eure) :

43, 44, 51.

BIJUDE (la), voÎl' BRETTEVILLE-SUR-LAIZE.

17. Bô (le) : 45, 54, 64. BOIS-HALBOUT: 50. BILLY:

BONAIOLUM, voir DONAIOLUM.

17, 44, 45, 54, 64, 97. 17. BOULON: 14, 21, 23, 25, 32, 34, 46, 49, 50, 52, 58, 67, 71, 79, 81. - Une f07·tification à - : 30, 32, 63. BRAY-EN-CINGLAIS : 9, 17, 24, 35, 73. BRAY-LA-CAMPAGNE: 17. BRETAGNEl (chemin de) : 16, 25, 30, 58, 65, 97. BRETTEVILLE-LE-RABET: 15. BRETTEVILLE-SUR-LAIZE: 19, 24, 28, 44, 45, 46, 53, 54, 56, 58, 63, 67, 79, 81, 85, 87, 97, 106, 110. - Motte à - (motte de RouVROU) : 30, 63, 106. - Enc einte cinulaire au lieu dit « LA BIJUDE » : 29, 30, 59, 63, 79, 106. BREUIL (le), commune d'EsSON: 44, 46 . BRIEUX: 50, 65, 79. BULLY: 17. BONNEUIL: BOUGY:

7, 97. - Campagne ou plaine de 7, 8, 13. Camps Tomains : 14, 71, 73. Caumont (Arcisse de) : 14, 15, 77, 81, 101, 105, 110, 112. CAUVICOURT: 15, 41, 85. CAUVILLE: 14, 19. Centena : 41, 42, 43, 48. CESNY: 14, 17, 45, 52, 53, 56, 62, 63, 67, 74, 103, 105, 106. - Mot te à - : 28, 30, 58, 64, 103, 105, 106. CEs;\IY-Bo: s-HALBOUT : 8, 14, 16, 19, 21, 36, 37, 73. Charles le Chauve: 39, 41, 42. CAEN:

97,

73, 32, 25,

119


CHATEAU-GANNE, voir LA POMMERAYE. CHEMIN HAUSSÉ:

14, 15, 16, 24, 30, 32, 41,

58, 110. 13, 19. 9, 16, 23, 24, 41, 42, 45, 46, 48, 50, 52, 58, 64, 67, 85. - Sarcophages à - : 16, 23. CINGLAIS (doyenné de) : 9, 42, 43, 45. CINGLAI S (forêt de) : 8, 15, 16, 19, 21, 25, 27, 28, 29, 36, 45, 50, 52, 58, 60, 63, 67, 69, 71, 74, 81, 105. - Enceinte rectangulaire dans la coupe de LA SOUILLARDE: 29, 59, 81, 105. - Enceinte de L'HERBAGE: 60, 74, 75. CINTHEAUX: 16, 24, 41, 42, 45, 53, 57. Cimetière à sarcophages à -: 41. CLAIR-T IZON: 50, 58, 73, 97. CLÉ.CY: 14, 39, 41. CLINCHAMPS: 15, 24, 58, 65, 105. COMBRAY: 17,24,32,44,46,58, 65, 73, 74, 97, 112. - Mott.e (Le Logis) à - : 28, 30, 35, 36, 37, 58, 110. CONDÉ-SU R-IFS: 14, 17. CONDÉ-SUR-NOIREAU: 14, 17. CONTEVILLE: 16, 19. COQUERIE (ruisseau de la) : 91. CORTEiL ETES : 44, 46. COSSESSEVILLE: 19, 45, 64 . COTENTIN: 43, 44, 49. COUL:BCEUF : 15. COURTEIL: 45, 4·6. CROOY: 16. CROISILLES : 24, 27, 45. CURCY: 17. CHICHEBOVILLE: CINGAL:

ERAINES (monts d') :

51, 52, 53, 60, 62. 25, 35. ESQUAY: 17. ESSON : 17, 45, 46, 52. ESTRÉES: 15. EVRECY: 17. Erneiz :

ESPINS:

15, 21, 33, 49, 50, 58, 59, 65, 91, 93, 97, 99, 107, 112. - Campagne de - : 13, 17, 73, 81, 83. - Château de pierre à - : 30. FÉCAMP : 51. FERTÉ-DE-DoNNAY (la) : 105. FLEURY-SUR-ORNE: 50. FONTAINE-BoUILLANTE (la) : 107. FONTAINE- HALBOUT: 73 . FONTAINE-LE-PIN: 73, 101. FONTFJNAY: 24, 41, 45, 49, 50. - Abbaye de - : 49, 51, 53, 54, 55, 56, 63 . - Domaine de - : 41, 42, 50, 57, 63. FONTENAY-LE- MARMION: 13, 42, 53, 54, 58, 67, 110. - Motte à - : 28, 30, 63, 110. Fortifications de terre: 7, 10, 13, 28, 56, 507, 58, 67, 68, 69. - Répartition géographique des - : 28-37. - Peuplement et 57-65. FOUPENDANT: 50, 58, 59. FRESNEY-LE-PUCEUX: 14, 21, 24, 25, 34, 35. FRESNEY-LE-VIEUX: 14, 21, 25, 42, 44, 45, 46, 52, 67. FALAISE:

Galeron (Frédéric) :

GANNE (Château), voir LA POMMERAYE.

13, 14.

17, 24, 33, 44, 46, 58, 73, 74, 97. - Ouvrage de la « Bijude ) à - : 30. dotalicium, voir douaire. douaire: 43, 44, 45, 48, 49, 50, 51, 55, 56, 62, 63, 64, 67, 68. époque pré-romaine: 13, 14, 17, 75. époque romaine ou gaUo-romaine : 14, 15, 16, 17, 23, 25, 75, 105. époque franque: 15, 16, 19, 23, 24, 41, 53. époqu e carolingienne: 9, 16, 24, 27, 41, 42, 43, 45, 50, 52, 57, 68, 85. DONNAY:

120

71, 74, 77, 79, 81, 87,

97, 99.

19. DEVONSHIRE, : 55. DAUMESNIL:

DIVES Ca), rivière:

15.

ERMITAGE (enceinte de l'), voir Bors de LA TOUR.

GARCELLES: GAUMESNIL: GLATIGNY : Goda:

16. 19, 45, 46. 73.

41.

Gasselin (seigneur de la Pommeraye)

54,

55. 99. 28, 41, 58, 64, 99, 106, 110. Motte à - : 28, 30, 58, 63, 97. GRAND_DONNAY (le) : 33, 44. GOUBINIÈRE (la) :

GOUVIX:


GRIMBOSQ: 21, 25, 52, 53, 56, 62, 67, 77,

103. - Bois de -: 19, 21, 27, 28 , 29. Motte (Château d'Olivet) à - : 28, 30, 35, 59, 62, 101. - Enceinte quadrangulaire (Chât.eau HoueZ) à - : 29, 30, 35, 59, 62, 63, 77, 79, 81. - Château de pierre (Le Vieux Manet) à - : 30, 36, 62. Gui·: laume le Bâtard: 10, 35, 49, 50, 55. Guillaume de Bellême : 5L Guillaume de Jumièges: 48. Guillaume Longue Epée : 43, 49. Guillaume de la Motte: 33, 65. Guillelmus Marmion de Urvilla: 54.

LONGAVILLA: 44, 46. LONGMESNIL: 45, 46, 64. LORGUICHON : 110. LOUVIGNY: 14. MAILLOT (bois) : 105. - Motte au - : 105. MAIZET :' 14. MALPAS (chapelle du) : 58, 81. manse: 19, 39, 41. MARCRUE (bois de)

105.

MARMION (famille) : 9, 53, 54, 55, 56, 57,

63, 64, 87, 110. HAM (le) : 21.

MAROLLE (Eure) : 44, 46.

HAMARS: 14. HAMEL (le), commune d'Ussy: 101.

MARTAINVILLE: 19, 25, 45, 71, 73, 75, 105. Enceinte de terre à - : 15, 30.

HARCOURT: 91, 99, 112. HAUT-MESNIL: 19.

MARTIGNY-SUR-L'ANTE: 30, 33, 75, 83. MASNIL-COIBEI : 44, 46.

HAUT-D'OUILLY : 106.

MATROLES, voir MAROLLE.

HEIDRAVILLA : 41, 42.

MAY-SUR-ORNE: 32, 33, 34. - Motte à

Henri P' (roi de France) : 49 .

30, 37, 58.

HERBAGE (coupe de ,l '), voir FORÊT DE CINGLAIS.

MÉRy-CORBON: 15.

HIÉMOIS : 48. HOGUETTE (la) : 16.

MESNIL (le), commune de SAINT-GERMAINL'ANGOT: 19.

HOUEL (Château), voir GRIMBOSQ.

MESNIL (le), commune de SAlNT-OMER

Invasions nonnandes dans le Cingla:.'s 24, 27, 43.

MESNIL (le), commune de LA POMMERAYE :

IFS-SUR-LAISON: 17.

MESNIL (le), commune de TOURNEBU: 19.

ISLE-D'AMOUR (1), voir bois de LA-ToUR. ITALIE: 68. JACOBMESNIL: 19, 44, 45, 46.

MESLAY : 17,44,46, 74.

:

19. 19. MESNIL-AUMONT (le) : 19, 85. MESNIL-GRAIN (le) : 19. MESNIL-SAUCE Ce) : 19, 24. MESNIL-ToUFFRAY (le) : 19, 42, 85.

JORT: 14, 15.

MORTREET (chemin de) : 107.

JUBLAINS: 14, 17.

MOTTE (la), commune de CESNy-BolS-HALBOUT: 33, 103.

Jud ith (femme de Richard II) : 43, 44, 46,

49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 62, 63, 64, 67,68. LAIZE (la) (rivière) : 7, 9, 13, 17, 19, 21,

24, 25, 35, 45, 50, 54, 58, 63, 65, 67, 73, 79, 83, 85, 97, 103, 106. LAlZE-LA-VILLEl : 34, 35, 37, 41, 46, 49, 63,

67, 110. LEFFARD: 33, 58, 83, 87 , 91. - Enceinte circulaire, le Fort du Belle à - : 30, 87, 99. Liegarde (de Vermandois) : 43 .

MOTTE (la v;eille), voir VILLERS-CANIVET.

mottes féod(ûes : Mottes de rebord de vallé e : 95-101. - Mott.es d'éperon: 101-106. Mottes de site neutre: 107-112. MOULINES: 28, 34, 45, 54, 71, 73, 74, 75, 105. - enceinte de t erre à - : 15, 30. MOULT: 17. MOUSSE (la), commune de SAINT-RÉMY: 24, 65. - Bois de - : 8. - Ancienne fortification à - : 33, 37. - Pont de - : 33, 36,

58, 65, 112.

121


MOUTIERS-EN-CINGLAlS : 25, 34, 50, 65, 79. - Sarcophage à - : 16.

QUILLY: 16, 24, 41, 42 , 53. - Cimetière à sarcophages à - : 41.

MUANCE (la), rivière: 17, 21. MUTRÉCY : 14, 17, 28, 37, 103, 105. Néel (de Saint-Sauveur) : 49, 50. NEUILLY: 17. NORON-L'ABBAYE: 33. - Motte à - : 30, 58. N"OVUM MANSUM : 30. OLIVET (château d'), voir GRIMBOSQ. ORIVAL (ch emin d') : 110. ORNE (l'), rivière: 7, 13, 14, 15, 17, 21, 24,

27, 28, 29, 32, 33, 35, 44, 50, 51, 52, 58, 62, 65, 106, 107, 110. OSGOT: 44. OTLINGA SAXONIA : 42. OUILLY-LE-BASSET: 28. - Mot te à - : 28, 30. OUTRELAIZE (boÏ3 d') : 28, 29, 85. pagus, pagellus : 42. PAS-CARTE (chemin de) : 58, 73. PAUFLET (chemin de) : 30, 73. PAYS-D'AuGEl: 21.

Radulfus Andegavensis ou Radulfus Senex : 51, 52, 53, 62, 69. Voir Raoul Taisson. Radulfus (de Goviz) : 54. Radulfus (de Pomeria) : 55. RAGNY: 73. Raoul d'Yvry : 46, 49, 51, 67. R aoul Taisson, vo ir Taisson . RENEMESNIL: 19. Renouf (de Briquessard) : 49. Ricardus (de Tornebuto) : 55. Richard IcI' (duc de Normandie) : 48. Richard II (duc de Normandie) : 43, 48, 49,

51, 55, 62, 67, 68. Richard III (duc de Normand ie) : 43, 48,

68. Robert (archevêque de Rouen) : 48. Robert le Libéral: 48 , 49, 51, 68. ROBERTMESNIL: 19, 44 , 45, 46. ROCQUANCOURT: 110. ROI LOUiS (chemin du) : 30, 58, 97.

PEROAUVILLl'): 58, 110.

ROTAUNAY (château de), MAIN-L'ANGOT.

PÉ.RIGNY: 17.

ROUEN: 58 . - Cathédrale de - : 52, 63, 67 ,

PIERRElFITTE-EN-CINGLAIS : 9, 21, 25, 33, 35, 45 , 46, 97, 107. - SaTCophages à - : 16.

voir

SAINT-GER-

69.

PIERREPONT: 25, 54, 83, 106.

ROUVROU (motte de), voir BRETTEVILLE-SURLAIZE.

PLACY: 17, 24, 44, 46 , 54, 64, 73 , 97, 103.

RYEs: 50.

PLAéNVILLE : 19, 45, 46. PLANCHE (ruis seau de la) : 95.

SAINT-AIGNAN-DE-CRAMESNIL: 21.

PLESSIS-GRIMOULT: 14.

SAINT-ANDRÉ,-DE-L' EuRE (Eure) : 43.

POMMERAYE (la) : 45, 58, 67, 105, 107, 110. - Motte à -: 28, 30. 107. - Château de pierre (le Château Ganne) à -: 30, 58,

SAINT-CLAIR, commune de LA POMMERAYE :

59, 60, 107, 110. PONT-DES-FLÉs: 73. PONT-D'OU_LLY : 9, 15, 21, 41, 58, 93, 106. PONT-DU-COUDRAY: 15 , 65. PONT-DU-VIVIER (che m in du) : 97. PONTÉCOULANT: 14, 15, 41. POT (bois du) : 83. - Enceint.e circulaire dans le - : 29, 30, 59, 60, 81, 83, - Chemin du - : 91. POUSSY: 17.

122

SAINT-CHRISTOPHE: 106.

21, 33 , 56. - Bois de - : 8, 19, 25, 28, 45, 64, 97. SAINT-GERMAIN-DU-CHEMIN : 16, 21. SAINT-GERMAlN-L'ANGOT: 21, 23, 44, 45, 46, 54, 58, 64, 83, 99. - Motte (château de Rotaunwy) à - : 28, 30, 35, 58, 64, 99. SAINT-GERMAIN -LE- V ASSON: 21, 73. SAINT-LAURENT-DE-CONDEL : 21, 25, 29, 52,

58, 59, 79, 81. - Enceinte de terre (la SouiLlarde) à - : 15, 30, 58, 63. - Château de pierre (le Thuis) à - : 30. - Enceinte de l'Herbage à - : 30,41.


SAINT-MARTIN-DE-FONTENAY:

15, 21, 24,

34. SAINT-MAUR-DES-FossÉs

(monastère de)

:

41, 52. SAINT-OMER:

21, 34, 45, 46, 54. 28. - Motte à

SAINT-PIERRE-CANIVET:

24, 25, 32, 45, 55, 56, 58, 64, 67, 69. - Château de pie1're médiéval à - : 30, 36, 59. Tournebu (famille de) : 55. TRÉPREL .. 24, 25, 33, 106. - Découverte funé1'aire à -: 16. TOURNEBU:

28. 14. SAINT-PIERRE-SUR-DIVES: 83, 93. SAINT-RÉMY: 44, 52, 65. - Oum'age (Le Belle) à -: 30. SAINT-SYLVAIN: 21, 85. SAINT-PIERRE-LA-VIEILLE:

SAINTE-EuGÉNIE (Orne) :-

95.

Sarcophages: 15, 16, 23, 41. SAULNIERS (chemin aux) : 58. SECQUEVILLE: 16, 19, 110. SOIGNOLLES : 15. SOUILLARDE CONDEL.

(la) ,

voir

54, 55, 56, 64. 10, 49, 50, 62, 63. V ALCLAIR (ruisseau du) : 106. VALOGNES: 49. VATON: 15. VENDŒUVRE: 17. VERNON (Eure) : 43. VEY (le) : 15, 25, 32, 33, 36, 45, 58, 65, 107. - Motte du - : 30, 32, 37, 65. vicaria Cingalensis : 45, 48, 50, 57, 64. vicus : 48. VIEUX: 14, 15, 17, 21. VAL (abbaye du) : V AL-ÈS-DUNES :

SAINT-LAURENT-DE-

SOUMONT-SAINT-QUENTIN:

19, 24, 44, 45, 54, 58, 63, 67, 87, 97, 106, 110. - Enceinte circulaù'e à - : 29, 30, 58, 59, 64, 85. - Tertre de ten'e au lieu-dit « Les Roches », commune d'Urville: 99. URTULUM : 44, 46. USSY: 24, 58, 65, 81, 83, 87. - Motte « Le Catelier» ou « Chatelier» à - : 28, 30, 101. URVILLE:

13, 73.

9, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 62, 63, 64, 65. - Raoul -: 9, 49, 50, 51, 52, 62. THi ÉMESNIL: 19. THURY: 17, 23, 41, 42, 44, 45, 50" 51, 52, 53, 58, 59, 63, 65, 67, 74, 93, 97, 105. THURy-HARCOURT: 19, 25, 33, 35, 46, 50. Taisson (famil-!e) :

TIL, voir LE TILLEUIL.

VIEUX-MANET, voir GRIMBOSQ.

TILLEUL (le), commune de PIERREFITTE-ENCINGLAIS : 44, 45.

villa: 39-40, 50, 55, 57, 62, 63, 64. VILLA-PETITEL: 44, 46. VILLA-REMIGII : 44. VILLETTE (la) : 14. VILLERS: 45, 46. VILLERS-CANIVET: 24, 29, 30, 45. 55. 65, 75, 91, 93, 99, 112. - Enceinte de l'Ermit.age: 30. 75. - Enceinte de la Vieill e Motte: 29, 30, 59, 75, 91, 93, 107. Vocables des églises du Cinglais : 23-25.

21, 27. - Château de pien'e médiéval au - : 36, 59, 63. Toponymie : 16-37. - pré-romaine: 17. gallo-romaine : 17-19, 21. - franque et. médiévale: 19-25, 27, 28. - Toponymie et fortifications: 28-37. TORP (le) : 21, 112. - Motte au - : 28, 30, 112. THUIS (le) :

TOUR (bois de la), PIERRE-CANIVET:

commune

de

SAINT-

33, 75. - Motte de l'Isle d'Amour: 28, 30, 59, 107.

Wace:

10, 50.

123



TABLE DES MATIÈRES

Introduction .. . .................. . ......

7

-

Le contexte du peuplement ........... ...

13

II. -

Les fortifications de terre ................

27

III. -

L'histoire du Cinglais à l'époque de la féodalité naissante ........ . . . . . . . . . . . ..

39

1.

IV. -

~

rôle des fortifications de terre dans la genèse de la sociét.é féodale . . . . . . . . . . ..

57

Conclusion

67

ANNEXE 1.

-

Les gran1des enceintes .... .. . .

71

ANNEXE II. -

Les petites enceintes ... .. . ....

77

ANNEXE JII. -

Les mottes ...................

95

APERÇU BIBLIOGRAPHIQUE .......... . . ..... 113 INDEX .................... . .............. . .... 119



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