I Padroni del Fumo

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12.11.2010

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cre aux tâches de base, manoeuvres, ouvriers de chantiers, d’ateliers et des usines naissantes. Néanmoins, une minorité inhabituelle se forme à des métiers qui leur permettent de s’élever aux sommets des hiérarchies artisanales et artistiques, peintres, sculpteurs, architectes mais également fondateurs d’entreprises comme les briquetiers. Pour ne citer que les diverses branches de la famille de Silvio Morandi, au cours du XIXe siècle, on compte plus de 10 fondateurs ou dirigeants d’usines situées en Suisse et en Italie. La même émigration, de régions de montagnes vers la plaine plus riche, a existé sur tous les continents; toutefois la proportion particulière de personnages ayant acquis une situation supérieure sur leurs lieux d’émigration répond vraisemblablement à des conditions spécifiques des vallées du sud des Alpes. Le sujet justifie des analyses qui dépassent largement les limites du présent témoignage, mais on peut néanmoins tenter une hypothèse fondée sur la proximité des vallées et des riches villes du Nord de l’Italie qui ne se situent qu’à une ou à quelques journées de marche. Cette région à la richesse économique et artistique exceptionnelle devait être un milieu très favorable à la formation de nos Tessinois et à leur esprit d’entreprise. Le grand nombre de spécialistes de la brique et de la tuile provient sans doute du fait que la plaine Padane est riche en gisements d’argile tandis que les carrières de pierre pour les constructions sont situées à de longues distances des lieux d’utilisation, d’où une forte différence de prix en faveur des matériaux locaux. La prédominance de la brique a créé une longue tradition qui explique l’excellence des artisans de la plaine du Pô dont on retrouve les œuvres, dès le XIVe siècle, par exemple en Suisse romande. Plusieurs monuments du pays de Vaud, sous influence savoyarde jusqu’au début du XVIe siècle, en portent le témoignage aujourd’hui encore. Nos Malcantonais ont ainsi participé à ce mouvement en faveur d’un matériau dit pauvre, mais dont la mise en œuvre hautement qualifiée a permis l’édification de nombreux chefs d’œuvre de l’architecture. Il est également probable que l’ascension professionnelle des émigrés tessinois profita de la structure socio-économique des régions dans lesquelles ils déployaient leurs activités. En Italie du Nord, comme dans le reste de l’Europe, l’essentiel des richesses provenait de l’agriculture et du commerce de ses produits. Les familles locales occupaient ce secteur économique et leurs descendants prolongeaient ces traditions en vivant de la rente foncière ou en entrant dans les Ordres et dans l’armée. Nos Tessinois avaient ainsi le champ libre pour se profiler dans des activités ‘de service’, comme la construction ou les métiers artistiques, où ils prirent une place souvent prépondérante, au côté d’une bourgeoisie régionale en formation. Ultérieurement, l’implantation définitive de familles tessinoises en terres étrangères est le prolongement naturel du travail saisonnier. Comme toujours, l’expatriation est causée par la dureté des temps, mais elle est moins traumatisante pour des gens habitués à des siècles d’émigration périodique. Cette émigration ‘douce’, étalée sur plusieurs siècles, se différencie d’autres émigrations brutales du XIXe siècle. Ces dernières sont caractérisées par l’afflux massif et relativement rapide de populations agricoles vers des centres industriels comme l’Angleterre ou le Nouveau Monde. Les travailleurs sans formation, qui n’ont jamais quitté leurs terres, sont brutalement déplacés et intégrés dans les processus de production. 210


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