Rapport sur la situation des filles dans le monde

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Beaucoup d’études ont montré comment l’accès à l’éducation post-primaire, en particulier, ne mène pas seulement à des acquis d’apprentissage mais aussi à des changements d’attitude et de comportement qui auront un impact sur les filles-mêmes et sur leurs enfants. Plus les mères sont éduquées, plus leurs enfants le sont, et cela se mesure en années de scolarité.5 Comme nous l’avons vu année après année au cours de l’étude, les parents des fillettes ont de grands espoirs pour elles ; la plupart s’attendent à ce que leur fille fasse l’intégralité d’un cycle secondaire. Cependant, il est clair à en juger de par l’expérience de leurs mères que l’ambition ne suffit vraiment pas au succès des filles. Le soutien parental, et surtout maternel, est fondamental. Mercedes, la grand-mère de Noelia, de République Dominicaine, explique que les choses n’étaient pas vraiment les mêmes lorsqu’elle était petite : « Dans le passé ça ne les intéressait pas de vous parler [des ambitions] comme ils le font aujourd’hui. [De nos jours] les gens s’occupent de leurs enfants ; parce qu’elle me dit « Maman, je veux devenir docteur ». Alors on s’intéresse parce que ça lui plaît, et si ça lui plait, ça vous plait aussi. Mais, dans le temps, ils ne me disaient rien, à moi. » Cette ambition transparaît dans les points de vue des filles elles-mêmes, qui à l’âge de six ans aspirent à devenir professeurs, infirmières, et sages-femmes. Ces aspirations sont celles des filles du monde entier. Des enquêtes récentes portant sur des filles en dernière année de primaire en Tanzanie et au Nigéria ont révélé que 100 % d’entre elles aspiraient à aller au bout de leur scolarité secondaire et 88,5 % voulaient continuer jusqu’au supérieur.6 Tapenensi, d’Ouganda, veut devenir enseignante de maternelle. Elle aura besoin d’une éducation secondaire mais

L A S I T UAT I O N D E S F I L L E S DA N S L E M O N D E S E C T I O N 2

Vietnam

Ouganda

Togo

Philippines

Salvador

Rép. Dom.

Cambodge

Brésil

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pour l’instant elle ne peut pas aller à l’école, « J’ai arrêté. À cause des frais. » Les réactions des femmes aux questions sur leur vision de l’avenir montrent bien que, tout en reconnaissant qu’il y a de véritables possibilités que la vie de leur(s) fille(s) soit différente de la leur, la plupart se réfèrent aux aspects pratiques de la vie quotidienne et s’en remettent à la réalité de leur vie où les femmes et les filles occupent l’espace domestique, et les garçons et les hommes la sphère extérieure. Cela reflète leur propre expérience de fille et de jeune femme. Dans leurs réactions elles parlent avec passion des chances réalistes de réussite d’une fille aujourd’hui, et citent les responsabilités reproductives et domestiques comme obstacles principaux aux avancées des jeunes femmes. Julienne, la mère de Marcelle au Bénin, suggère qu’elle croit qu’il y a tout simplement des attentes moins grandes pour les filles : « Un garçon peut finir ses études, alors qu’une fille peut abandonner l’école. » Josefina, la mère de Johanna, en République Dominicaine, résume l’opinion générale : « Nous les femmes voudrions réussir dans la vie, mais nous ne le pouvons pas. Tenez, regardez, je voudrais étudier, et qu’est-ce qui m’en empêche ? Les trois enfants. Je ne peux pas les laisser comme ça, les abandonner pour aller faire des études. Je dois les laisser grandir d’abord et après cela si je veux faire quelque chose, je le ferai. Mais les hommes, eux, partent et laisse tout ; rien ne les arrête. » Mercedes, 53 ans, est la grand-mère de Noelia, en République Dominicaine. Son histoire illustre à la fois le challenge et les possibilités futures de l’éducation des filles. Elle nous a dit comment ses efforts concentrés pour s’instruire et instruire son fils, ses filles et sa petite fille sont en train de porter leurs fruits. Elle a pris des cours du soir après avoir eu ses enfants. Ses trois enfants sont maintenant soit à l’université soit sur le point d’y entrer. Elle se souvient de ce qu’elle s’était dit quand elle était petite fille : « Quand j’aurai des enfants, je n’aurai pas des enfants ignorants, ils vont étudier... Je pensais tout le temps à ça. J’ai envoyé ma fille à l’école à trois ans – celle qui fait des études pour devenir infirmière – et j’ai toujours voulu que mes enfants étudient. » Elle se rend bien compte que les choses sont en train de changer, que tout ne sera pas différent mais que ses filles et petites-filles, si elles sont bien soutenues, auront des opportunités qu’elle ne pourrait avoir qu’en rêve. « Avant, les filles étaient plus limitées et ne continuaient pas leurs études. L’éducation a rendu les hommes et les femmes plus égaux. Grâce aux études, mes filles sont à même d’être payées et de mettre de l’argent de

Aspirations familiales pour les filles de l’étude de cohorte Ingénieure Coiffeuse Employée de Plan Ministre Professeure Informaticienne Fonctionnaire de police Juge Employée de bureau Professionnelle de la santé Cycle universitaire Sage-femme/ infirmière Achèvement du cycle secondaire Médecin Institutrice 0

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côté pour une maison. Avant, les hommes avaient plus de privilèges. Maintenant c’est en train de changer. » Chez presque toutes les familles comprenant des filles de l’étude de cohorte, le refrain récurrent « les choses sont en train de changer » est une raison d’être optimiste. Les mères en particulier veulent une vie différente et meilleure pour leur(s) fille(s) et voient en l’éducation la route qui y mène. Leur engagement suffira-t-il à surmonter des générations d’inégalité des sexes ? Ces fillettes de six ans pourront-elles atteindre leur plein potentiel dans des sociétés et des familles où leurs droits, et en particulier à l’éducation, seront respectés ? Pendant que nous continuerons à les suivre dans la première décennie de leur vie, notre optimisme sera sans doute mis à l’épreuve, les bonnes intentions étant souvent mises à mal par la pauvreté et la discrimination.

PLAN

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Charolyn avec son dessin.

Pourcentage de familles ayant déclaré des dépenses pour la scolarité de leur enfant

Bénin

de la génération de sa mère. Interrogée sur ce qu’elle voudra faire quand elle sera grande, elle répond avec aplomb : « Je veux aller à l’université. » Il est clair que les familles qui prennent part à l’étude sont engagées dans l’éducation des filles. La majorité de ces ménages ont peu d’argent disponible mais ils sont prêts à faire l’investissement dans l’éducation de leur fille et la plupart d’entre eux déclarent faire des dépenses pour l’instruction de leurs enfants – voir tableau ci-dessous. La grand-mère d’Estefani, Austria, en République Dominicaine, affirme : « J’ai toujours dit que je voulais ce qu’il y avait de meilleur pour mes filles. J’aurais fait n’importe quoi pour pouvoir leur payer une éducation. » Il va sans dire que les familles ont encore des décisions complexes et difficiles devant elles en ce qui concerne l’éducation de leurs enfants. On peut objecter que la pression économique est aujourd’hui encore plus grande, avec les familles les plus pauvres forcées de dépenser une part encore plus grande de leurs revenus à des besoins de base tels que la nourriture et le logement qu’il y a une génération. Comme il a été discuté en détail dans le rapport principal, si les systèmes éducatifs soutiennent le développement, l’égalité des sexes et la réduction de la pauvreté – en d’autres termes, changent la société – ce qu’apprennent les enfants devrait être à même de leur fournir les outils et les compétences qui leur permettront d’atteindre leur plein potentiel. Les femmes reconnaissent que l’éducation que reçoivent les filles (et les garçons) devrait être de la meilleure qualité qui soit et avoir la capacité de transformer leur vie. La mère de Maria, Edna, du Brésil, pense que : « La liberté existe pour les garçons et les filles. L’accès à l’éducation est meilleur et plus généralisé maintenant, et ces changements sont positifs. »

Noelia et sa grand-mère.

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