Rapport sur la situation des filles dans le monde

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Room to Read (Un lieu pour lire) En 2011 Room to Read rapportait avoir fait participer plus de 13 500 filles à leur programme d’éducation féminine sur huit pays, essentiellement en Asie. Actuellement, cette organisation est en train d’évoluer vers un modèle basé sur le système scolaire pour procurer un soutien éducatif aux fillesxiii. Ce modèle amélioré est le fruit d’une période d’auto-évaluation et reflète une nouvelle vision stratégique dont le but est d’augmenter les chances des filles d’aller au bout d’une éducation secondaire en ayant les compétences nécessaires pour négocier les décisions clés de la vie et réussir la transition vers l’âge adulte. Tout en continuant à développer ce modèle plus global, Room to Read s’est engagé à conduire une évaluation externe sur plusieurs années pour poursuivre l’amélioration de ses programmes d’éducation des filles. La première étape dans la mise en œuvre de ce nouveau modèle est l’identification des communautés présentant à la fois les besoins économiques et les inégalités des sexes persistantes au niveau de l’éducation et qui fassent aussi montre d’un potentiel de réussite en termes d’engagement communautaire et de fonctionnalité institutionnelle. Dans des communautés sélectionnées, Room to Read prévoit de travailler avec les écoles gouvernementales, en général au niveau du premier cycle du secondaire, pour mettre en place un ensemble d’aides éducatives incluant, entre autres, des compétences liées à la vie quotidienne, du mentorat, du soutien pédagogique et une formation de professeurs qui sensibilise à l’égalité des sexes. Pour un nombre réduit de filles les plus défavorisées de chaque école, qui seront sélectionnées selon un processus transparent au niveau communautaire, il y aura aussi l’apport de « soutien matériel »xiv. Il est demandé aux communautés bénéficiaires de faire une « subvention défi » pour annoncer leur co-investissement et leur engagement envers les objectifs du programme et l’aide matérielle individuelle pour les filles est limitée de façon à promouvoir l’équité et la durabilité au sein de l’école.xv

x Les notes se basaient sur des examens du Ministère de l’Éducation passés sur cinq matières différentes à l’échelle du district. xi D’un autre côté, les boursiers choisis au mérite avaient tendance à venir de familles dont les parents avaient eu considérablement plus d’années de scolarité. xii (par exemple Room to Read, CAMFED, DIL, FAWE, World Vision) xiii En même temps, ils s’engagent à continuer à soutenir leur première cohorte de filles pour qu’elles finissent leur éducation secondaire. xiv Le soutien matériel comprend la prise en charge des frais de scolarité directs et indirects. Les frais directs comprennent les frais scolaires et d’examens, les livres, les fournitures et les uniformes. Les frais indirects comprennent le transport (ex : prix du bus ou vélo) et l’internat. xv Remerciements à Emily Leys, Directrice du programme Girls’ Schooling Program à Room to Read, pour les renseignements sur leur programme.

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L A S I T UAT I O N D E S F I L L E S DA N S L E M O N D E

Implications des expériences passées pour la conception des futurs programmes

On peut retirer de la documentation consultée tout un faisceau d’observations sur les transferts monétaires conditionnels et les bourses pour filles, la plupart de ces informations étant basées sur des projets pilotes qui n’ont duré que quelques années. On y a appris que : 1 La conditionnalité augmente l’impact 2 L’impact est plus grand s’il est concentré sur les filles qui sont à des moments de transition du système éducatif 3 Les gains sont plus importants dans les régions les plus défavorisées et chez les filles les plus démunies 4 L’accessibilité de l’école peut limiter l’impact 5 Les gains en termes d’inscriptions et d’assiduité ne se traduisent pas nécessairement par des améliorations au niveau des acquis. Cependant, les questions de rentabilité et de durabilité restent posées. Dans la plupart des cas, les transferts monétaires conditionnels et les bourses sont financés par l’extérieur. Aucun des programmes décris cidessus n’a été soutenu sans l’aide de bailleurs de fonds. Je n’ai, en particulier, trouvé aucune étude qui ait mesuré la rentabilité des bourses ni des transferts monétaires conditionnels à part celle du Malawi. Au Malawi on a établi que, pour le même coût, un transfert conditionnel pouvait rapporter plus d’inscriptions que sans condition. Mesurer la rentabilité demande non seulement de mesurer l’impact mais signifie aussi un rapport complet sur les coûts. Si le but était d’obtenir de meilleures notes, une façon de mesurer la rentabilité consisterait à connaître le nombre d’années personnes de scolarité qu’on pourrait attribuer à un programme particulier par dollar dépensé. Ce n’est pas du tout la même chose que le nombre de filles qui reçoivent des bourses ou des transferts monétaires, étant donné que certaines auraient pu aller à l’école ou y rester de toute façon. Dans beaucoup des contextes en Asie et en Afrique, où les filles sont désavantagées au niveau éducatif, les systèmes scolaires sont dysfonctionnels. Des taux très S a i ka t M oj u md e r / D r i k / Room t o R e ad

d’identifier les filles les plus démunies. Selon Filmer et Schady (2008) les taux d’inscription et de fréquentation parmi les allocataires étaient de 30 points de pourcentage supérieurs à ceux qu’ils auraient été sans le programme, et de plus grands impacts encore ont été constatés parmi les écolières les plus défavorisées. Les répercussions sont remarquables, ce qui suggère qu’il y a une marge d’amélioration considérable dans des endroits comme le Cambodge, où les filles sont le plus désavantagées. L’impact sur les résultats d’apprentissage n’a pas été estimé et on ne sait pas si le programme existe toujours. Une approche très différence des bourses pour filles a été expérimentée dans deux districts ruraux du Kenya où une ONG locale offrait des allocations aux 15 % d’élèves les mieux notées de sixième dans un ensemble d’écoles sélectionnées de façon aléatoire. Les filles les plus performantes inscrites dans les écoles participantes recevaient des bourses d’études pour la cinquième et la quatrième – les deux dernières classes du primaire au Kenyax.166 Leurs frais de scolarité étaient directement couverts par le programme et une aide financière était aussi donnée aux parents pour les frais liés à la scolarité. Ce programme, qui a duré deux ans puis a été arrêté, a montré des améliorations aux résultats de tests non seulement pour les allocataires mais aussi pour les autres filles et même des garçons qui fréquentaient ces écoles.xi Ces effets indirects positifs sont vraisemblablement dus aux améliorations de l’assiduité des professeurs et à une émulation positive chez les élèves. Dans un rapport de suivi 5 ans après la fin de ce programme pilote on a découvert que les filles qui fréquentaient les écoles du programme montraient une plus grande autonomie par rapport à celles qui fréquentaient d’autres écoles. Le pourcentage d’entre elles qui avaient contracté un mariage arrangé et le pourcentage de celles qui trouvaient acceptable la violence domestique en témoignaient.xii 167 Beaucoup d’ONG internationales proposent des bourses pour les filles et chaque programme a des critères différents pour l’éligibilité, comme le choix de niveaux et d’âges soutenus par le programme, les conditions d’accès et l’approche de la mise en œuvre.168 Aucun de ces programmes n’a encore à compléter une évaluation rigoureuse de l’impact qui permettrait de déterminer ses effets sur les inscriptions, les résultats ou les acquis et sur sa rentabilité mesurée en dollars dépensés par rapport à des années-personnes supplémentaires d’exposition à l’éducation ou relative aux gains en résultats de tests effectués par les bénéficiaires.

élevés d’absentéisme enseignant, des professeurs en sous-effectifs, le manque de formation adaptée, des infrastructures limitées et un manque de fournitures adéquates ont pour conséquence des acquis très limités.169 De tels systèmes s’exposent à de plus grandes difficultés encore dans des communautés dans lesquelles les transferts monétaires conditionnels et/ ou les programmes de bourses ont réussi à augmenter le nombre d’inscriptions et l’assiduité, en particulier dans les quartiers défavorisés où les écoles manquent cruellement de ressources. Même les parents sans instruction perçoivent le fait que leurs enfants n’apprennent pas, et auront tendance à réagir de moins en moins aux incitations s’ils sont conscients du déclin de la qualité éducative.

Voir plus loin

Cette évolution soulève des questions sur la meilleure façon de soutenir l’éducation des filles à l’avenir. Étant données les contraintes de ressources du côté des gouvernements et des donateurs, la meilleure solution consiste à concentrer ces ressources là où elles sont le plus nécessaires : dans les communautés les plus défavorisées et les plus marginalisées. Les transferts monétaires conditionnels et/ou les bourses ne suffiront pas pour répondre aux besoins les plus critiques des filles, en particulier ceux des plus pauvres d’entre elles, sans contributions complémentaires pour renforcer la qualité de l’éducation. La raison en est que les filles les plus démunies fréquentent les écoles les plus pauvres et viennent de familles qui sont, en termes de temps et d’éducation, le moins à même de pouvoir soutenir et renforcer leur apprentissage. Cela pourrait suggérer une approche qui s’appuierait sur l’école, telle que celle qu’expérimente actuellement Room to Read, dans laquelle on identifie les écoles marginalisées pour les soutenir sous la forme de ressources supplémentaires mais limitées qui sont aussi accordées aux filles les plus démunies. Pour ce qui est de la durabilité, cela prendra du temps ; le temps qu’une génération de filles soit éduquée et responsabilisée et puisse occuper des positions influentes et dirigeantes au sein de sa communauté. 67


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