Rivista lasalliana 2-2010

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Biblioteca dans sa civilisation. Reconnaître le religieux c’est aussi reconnaître la complexité du réel. Comprendre? Faut-il s’arrêter sur ce verbe? Comprendre les faits religieux, c’est avoir la volonté de leur donner sens. Mais cela doit s’entendre de deux façons. Étudier le religieux c’est, d’une part, reconnaître son insertion dans une société et une culture, c’est le mettre en relation avec les autres dimensions des faits étudiés, mais c’est aussi, d’autre part, mettre en évidence les formes symboliques - langages ou pratiques dans lesquelles il lui appartient de se manifester et apprendre à déchiffrer les signes de ces langages en vue d’accéder à une rationalité qui est souvent loin d’être apparente. Autant ce serait commettre une erreur de méthode que d’étudier ces formes symboliques sub specie aeternltatis puisque, loin d’être hors du temps, elles appartiennent à un contexte donné, autant ce serait manquer la spécificité du religieux que d’évacuer la logique du symbolique. S’il est indispensable de comprendre les faits religieux c’est que la dimension religieuse fait partie des civilisations et des cultures et que, faute d’intégrer cette dimension dans une démarche de compréhension globale, [‘analyse est mutilée. Mais la finalité culturelle et historique n’est pas exclusive. Comprendre le monde contemporain, ses nœuds et ses conflits, exige de prendre en compte le rôle qu’y joue le religieux. Cette double finalité implique une méthode : longtemps, et sans doute en raison du conflit séculaire qui opposa l’Église et la République, la dimension religieuse des cultures était considérée comme relevant du choix personnel de chacun et n’avait donc pas « droit de cité » à l’intérieur de l’école. Le religieux, comme le social, l’économique ou le politique, est pourtant naturellement objet de savoir et figure, dans les programmes, parmi les objets d’étude. Comment aborder aujourd’hui le religieux? Comment l’aborder dans une approche qui ne saurait être apologétique, dogmatique, confessante ? La première règle, rigoureusement observée dans ce recueil d’études, est d’emprunter la démarche de l’historien. Pourquoi l’histoire? La démarche historique est par essence critique. Le religieux ne saurait transcender l’évolution historique. L’analyse des textes qui sont devenus les textes fondateurs des monothéismes en est la parfaite illustration. La Torah, la Bible chrétienne, le

343 Coran ont une histoire, l’histoire de leur élaboration, mais ils sont aussi dans l’histoire. L’approche historique de ces textes évite l’erreur habituelle qui conforte les fondamentalismes: la recherche d’une parole originelle et éternelle, indifférente aux temps qui passent. Ces textes ont été mis en écrit dans des contextes que l’histoire sait reconstituer; ils ont été ensuite lus, relus et indéfiniment commentés: et chaque moment historique en a dégagé de nouvelles significations. Ils portent enfin, entremêlées, d’une part les traces d’événements dont l’historien, grâce à d’autres sources, reconnaît l’écho et, d’autre part, les traces de l’imaginaire et des rituels symboliques des cultures qui les ont fait naître. La connaissance historique ne dévoile pas le judaïsme, le christianisme ou l’islam dans leur essence; sa vocation est de rendre intelligibles des moments de leur histoire et une évolution. Cet ensemble d’études répond à un autre enjeu: la compréhension de la complexité du monde contemporain. C’est dire que la démarche historique doit s’accompagner d’autres approches. C’est l’ensemble des sciences humaines mais aussi la réflexion philosophique qui concourent alors à l’élucidation de la dimension religieuse. Là encore la rigueur est indispensable pour mesurer les tensions entre plusieurs phénomènes, contradictoires en première analyse : comment articuler l’observation globale, qui constate l’affirmation de la liberté religieuse et du pluralisme et une sécularisation accélérée et, dans le même temps et parfois dans les mêmes espaces, la multiplication de manifestations identitaires, souvent violentes et intolérantes, qui prennent les couleurs du religieux ? Comment analyser ces formes de retour du spirituel ? Impasses nées de la sécularisation des créations artistiques et littéraires? Rémanence des questionnements métaphysiques? Analyser la diversité de ces manifestations comme des expressions d’une même volonté de ré-enchanter le monde serait appauvrir le réel. On mesure la multiplicité des directions où nous entraînent les études ici rassemblées. Une dernière remarque : l’étude des croyances et des incroyances entraîne naturellement une réflexion sur leurs places dans l’espace public. II ne s’agit pas d’inventer une nouvelle laïcité : la laïcité est essentiellement une pratique et non une idéologie. Mais il s’agit de penser la laïcité


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