Pause Santé N°3

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3 questions à Michael Hadjdenberg, journaliste à Médiapart

Pause Santé : Vous avez publié le 22 décembre 2008 une carte de France qui recense le nombre de personnes mortes dans la rue. Elle est remise à jour chaque semaine. Pourquoi ? Michael Hadjdenberg : Simplement parce qu’aujourd’hui en France, un des pays les plus riches du monde, une personne meurt tous les jours sur les trottoirs et que cette situation nous apparaît intolérable. Tous les ans, en hiver, les politiques et les médias se saisissent de la situation des sansabris sans que vraiment la situation ne change. D’hébergement dans les gymnases en plan d’urgence, année après année, la rue continue de tuer sans que l’on connaisse d’ailleurs le nombre exact de victimes. Depuis le début de l’année, on comptabilise 379 décès. De toute évidence, nous sommes en dessous de la réalité. Nous avons proposé au collectif

pour le logement social. On a vu pourtant cet hiver l’émotion soulevée dans l’opinion par les morts spectaculaires du Bois de Vincennes. Les pouvoirs publics tardent à prendre à bras-le-corps ce problème. Mais pendant la crise sociale qui s’annonce, notre rôle sera de rappeler l’existence des plus pauvres, jusque dans nos quartiers. ●

appel à témoins Si vous avez connaissance de la mort d’un sans-abri, écrivez-nous. Par courrier Pause Santé 78, boulevard de la République 92100 Boulogne-Billancourt. Par mail redaction@pausesante.fr ou directement à cette adresse : mortsdelarue@free.fr

Les morts de la rue un partenariat pour dénoncer ce laisser-faire. On ne meurt pas seulement en hiver et la situation ne peut pas être traitée ponctuellement. Il est impossible de prétendre (comme on peut l’entendre en ce moment) que certaines personnes ont délibérément fait le choix de l’exclusion et de la pauvreté. PS : Quelles sont, selon vous, les mesures qui devraient être prises ? Sont-elles concrètement réalisables ? MH : La création d’hébergements et l’humanisation des lieux existants. L’argent est là, c’est son utilisation qui pose problème. Chaque année 1 milliard d’euros est dépensé par L’État et les collectivités pour loger dans l’urgence des sans-abris à l’hôtel, dans des foyers, des résidences sociales. Sans compter les coûts indirects que représentent

pour la société les journées d’hospitalisation et la maladie. La prévention n’est pas un vain mot, il y a des choses à faire pour empêcher ces hommes et ces femmes de se retrouver dehors. PS : Quelles actions pour Médiapart ? Aider le collectif et les associations à faire remonter les informations. Nous demandons à toute personne qui, en France, aurait eu connaissance de la mort d’un sans-abri de nous en informer. D’une part pour essayer de cerner la réalité des chiffres, d’autre part pour permettre au collectif de prévenir la famille qui l’a perdu de vue ou d’accompagner jusqu’au cimetière les morts isolés et de les honorer. propos recueillis par s a c h a v o d i a n n o va

. paris XIX e.. le 19 janvier

Jacques, 75 ans, est mort près du banc où il vivait depuis quelques mois. Les voisins se réunissent pour lui rendre hommage. Son absence est plus dérangeante encore que sa présence. Et aujourd’hui, ils cherchent comment faire pour que les autres habitants de la rue échappent à cette mort indigne. Qu’aurions-nous pu faire ? Pourquoi refusait-il les solutions d’urgence ? Ne lui aurait-il pas fallu quelque chose de stable, un lieu où se poser ? Où cela aurait-il pu être possible ? Ici, dans le quartier où il a toujours habité… Cette réalité existe partout dans nos villes. Faut-il attendre la mort pour chercher des solutions pérennes ? Serions-nous prêts à accueillir des petites structures, dans notre rue, dans notre immeuble ? C’est en tissant des liens entre nous et avec ceux qui vivent à la rue que nous pourrons peut-être sortir de l’ornière. Nous devons changer de regard, interpeller notre entourage et nos élus. Plus d’infos sur www.mortsdelarue.org

/ PA u se s a n té /

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