La Main Tendue n° 11

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Bulletin du Club Parrainage du collège Paul Bert d’Auxerre

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0,50 €

Décembre 2010

Grâce à ses progrès, Djalilou est passé en classe de CE2 ( Voir notre article en pages 5 ) La classe de CE2 de l’école de Onklou

Djalilou


Le Club Parrainage du collège Paul Bert entre déjà dans sa neuvième année ! Il parraine de jeunes enfants du Bénin: deux sœurs jumelles (depuis 2003), Yvette et Yvonne, désormais au collège, ainsi qu’un jeune garçon, Djalilou, élève de l’école primaire de Onklou, dans le nord du pays (depuis le printemps 2009). Notre action de parrainage se fait par l’intermédiaire d’Aide et Action, une organisation internationale non gouvernementale, qui œuvre, depuis 1981, pour l’amélioration de la scolarisation des enfants, dans les pays en voie de développement. Chaque année, le Club anime un certain nombre d’actions, dont le but est de récolter de l’argent, qui sert ensuite à l’achat de matériels scolaires, pour nos filleuls et leurs camarades de classe. Malgré le temps qui passe et le départ, chaque fin d’année de quelques « anciens », la motivation ne faiblit pas, bien au contraire. Le Club compte aujourd’hui pas moins de trente membres, de la sixième à la troisième, qui se réunissent tous les mardis midis. Cette action de solidarité est un réel apprentissage de la responsabilité, car ce sont les élèves eux-mêmes qui prennent démocratiquement toutes les décisions. Cette année, les candidatures à l’inscription ont été particulièrement nombreuses, et vu la motivation des candidats, nous n’avons pu nous résoudre à refuser qui que ce soit. Malgré le nombre, nous réussissons à parfaitement fonctionner.

M. Dollé, coordonnateur

P 2 La vie du Club: ses actions, ses projets... P 5 Des nouvelles de Djalilou. P 6 Mieux connaître le Bénin: Le mariage au Bénin. P 7 Reportage: la crise économique au Bénin. P 8 A l’honneur… nos anciens

LE CLUB PARRAINAGE EN PLEINE FORME Avec les années qui passent, on pourrait craindre que notre club finisse par s’essouffler. Que nenni, il est plus actif que jamais et envisage d’élargir encore son champ d’action. L’année 2009-2010 a été particulièrement positive: toutes les actions entreprises ont été menées à leur terme avec succès. Pour cette nouvelle année scolaire, le club, renforcé encore par de nombreuses inscriptions, a plusieurs projets qui lui tiennent à cœur... Soirée Loto au collège: tous concentrés pour gagner la télé

Une année 2009-2010 couronnée de succès Dans notre numéro de décembre 2009, nous expliquions à nos lecteurs que les dépenses du Club s’étaient considérablement accrues, depuis que nous avions entamé un second parrainage (celui de Djalilou), sans pour autant diminuer notre aide auprès d’Yvette et Yvonne. Il apparaissait donc nécessaire de compenser par des actions nouvelles, qui permettraient de renflouer quelque peu nos finances, car nous tenons absolument à respecter un des principes de base de notre club: l’autofinancement. Tout ce que nous faisons, comme notre participation annuelle de 250 euros auprès d’Aide et Action, tout ce que nous envoyons à nos filleuls (petits matériels scolaires, cadeaux…) est financé par nos soins. Grace au travail de chacun, nous pouvons le dire sans rougir, le bilan de l’année scolaire passée a été des plus positifs. Comme d’habitude, nous avons animé un stand, avec une expo- 2

sition sur nos actions et sur le Bénin, lors des réunions parents professeurs de décembre et de mars. Durant celles-ci, nous avons vendu des gâteaux, confectionnés par nos soins, ainsi que des boissons et notre petit journal. Cela nous a permis de faire quelques quatre cents euros de bénéfice. Nous tenons à remercier tous les parents qui ont mis la main à la pâte, ainsi que toutes les personnes qui se sont intéressées à ce que nous faisons, en venant voir notre exposition ou en nous achetant quelque chose. Par ailleurs, nous avons, conjointement avec le F.S.E. du collège et le Club Planète, organisé une soirée loto, qui s’est tenue le 30 mai dernier. Pour que celle-ci soit réussie, nous avons collecté un maximum de lots, auprès des commerçants d’Auxerre et des alentours. Nous remercions chaleureusement tous les généreux donateurs, parmi lesquels: la société Richoux, les salons Crea’tifs et Feeling’s, les Etablissements Tardy, le Parc aventure du Bois de la

Folie de Treigny, Aide et Action, l’A.J.A., la MGEN, le Conseil Général, la Caisse d’Epargne, le bureau de tabac du Cadran, la banque Kolb, MM Edelin et Duret, etc.. Nous accordons une mention spéciale à Mme Blanvillain, qui nous a donné de nombreux lots: des vases, des plats et des sacs peints à la main. Cette dame, d’un certain âge, est une artiste des Piedalloues, avec un réel talent et un grand cœur. Ses œuvres, signées Zobeth, ont véritablement ravi les heureux gagnants. Nous avons eu plus de deux cents participants et avons fait en tout dix parties, avec à chaque fois, un petit, un moyen et un gros lots. La soirée s’est achevée vers minuit et nous n’avons eu que des échos positifs. Cette action a permis au club d’engranger deux cent cinquante euros supplémentaires. Nous avons également été bénéficiaires d’un don, de la part d’une de nos anciennes membres, Lara, qui a dû, hélas, mettre un terme au club parrainage qu’elle avait créé au Lycée La Brosse, car la petite fille qui était parrainée, en Guinée, a été déscolarisée, suite aux graves troubles survenus dans son pays. Cela prouve, s’il en est besoin, que le risque de voir une action de solidarité s’achever prématurément existe toujours. Des contacts très enrichissants Le 26 mai dernier, la mairie d’Auxerre a organisé, au Silex, une rencontre des jeunes


engagés dans des actions de solidarité. Une cérémonie de remise de prix a même couronné cette journée. Plusieurs élèves du Club ont animé un stand et cela a permis de découvrir les projets soutenus par d’autres jeunes, dans divers domaines. C’est là que nous avons fait la connaissance de Coline et Carole, deux scouts, qui représentaient un groupe de neuf compagnons de 19-20 ans, engagés dans une action de solidarité à Natitingou, au nord du Bénin, ville dans laquelle il était prévu qu’ils se rendent, durant les vacances d’été. Coline et Carole nous ont très gentiment proposé de prendre, dans leurs bagages, quelques effets à destination de nos filleuls. Inutile de vous dire que nous avons immédiatement sauté sur l’occasion. Nous avons donc préparé, comme nous l’avions déjà fait plusieurs fois dans le passé, deux colis d’environ cinq kilos chacun. Nous avons ainsi pu, sans frais de port, faire parvenir au Bénin, du matériel scolaire à destination de l’école de Djalilou, à Onklou (Cahiers, stylos, crayons de couleurs, crayons à papier..), ainsi que des petits présents: pour Djalilou (un ballon de football de la coupe de monde), pour Yvette et Yvonne (un journal intime et un cadre avec des photos relatant leur parcours depuis le début de leur parrainage, pour chacune). Ces colis ont été remis en main propre, à Sylvie Hinson, la responsable des parrainages à Aide et Action Benin, le 2 août dernier, à Cotonou. Nous remercions chaleureusement les neuf membres du groupe, qui nous ont rendu là un grand service. Depuis, le contenu des colis a été distribué à leurs destinataires. Ainsi, il y a quelques semaines, Djalilou a eu le plaisir de jouer, une fois de plus, le rôle d’ambassadeur auprès de ses camarades, en distribuant, avec l’aide des enseignants, le matériel que nous lui avons envoyé. Le 5 juin dernier, Justine et

Djalilou devant le matériel scolaire envoyé par nos soins, avec son ancien maître et sa nouvelle maîtresse.

M. Dollé se sont rendus, sur l’invitation de Romain Jannel (responsable des projets jeunesse à Aide et Action), au siège de l’association, à Paris, pour une rencontre avec d’autres acteurs des classes solidaires. A leur retour, ils nous ont raconté les échanges très enrichissants, qu’ils ont pu avoir avec les uns et les autres. Dans une association comme Aide et Action, il est très important que les expériences de chacun puissent permettre à tous de mener une réflexion sur ce qui fonctionne, mais aussi sur ce qui fonctionne moins bien. C’est en se remettant en cause, en évaluant ce que nous apportons vraiment aux autres, que nous sommes capables de continuer à être efficaces. Durant cette journée, M. Dollé et Justine ont fait connaissance avec M. Kader Ndiaye, responsable des classes solidaires pour toute l’Afrique de

l’ouest. Basé à Dakar, il a, à la fois, un rôle de coordination et de suivi des différents projets. Nous lui consacrerons prochainement un article. Notre site, un outil de plus en plus efficace Ouvert au printemps 2009, notre modeste site (http:// parrainagepaulbert.free.fr) a tout de même dépassé les 6300 visites. Peu à peu, il s’enrichit de nouvelles rubriques. Nous avons par exemple ajouté, le mois dernier, un quiz sur le Bénin, mais il faut déjà avoir une bonne connaissance du pays, pour faire un bon score. Cet outil de communication nous permet de nous faire connaître en dehors du collège et il est très pratique, lorsque nous rencontrons de nouveaux partenaires, qui ont le désir de comprendre nos motivations, nos actions et notre façon de travailler. Il

M. Dollé, M. Ndiaye, Justine et Romain, le 5 juin 2010, à Paris

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est également un lien privilégié entre tous les membres du club, actuels et anciens. Il existe même une rubrique « membre », où nous pouvons laisser des messages et par l’intermédiaire de laquelle nous organisons le planning des réunions parents professeurs (responsabilités et confection des gâteaux). Le site nous permet encore de rester en contact avec nos amis béninois, et notamment avec Patricia Saizonou, qui a durant plusieurs années été une de nos principales partenaires, en tant que responsable des parrainages, à Aide et Action bénin. Elle est aujourd’hui la directrice de la fondation Ajavon Sébastien Germain, qui œuvre dans le social et le développement, au Bénin (promotion de l’accès à l’éducation, promotion du droit aux sports et aux loisirs, lutte contre les maladies, préservation de l’environnement…). Vous pouvez vous documenter sur la dite association, en visitant son site: (www.fondationasg.org). Le Club Parrainage à 30 ! La campagne d’inscription 2010 a vu les candidatures augmenter de manière significative. Même si nous avions initialement prévu de ne pas dépasser les vingt-cinq membres, pour ne pas perdre en efficacité, nous n’avons pas eu le courage de retirer à des camarades motivés la possibilité de nous rejoindre. Résultat, nous sommes trente membres, de la sixième à la troisième (vingt filles et dix garçons), et nous sommes tous conscients de la nécessaire discipline que nous devons adopter, lors des réunions hebdomadaires, si nous voulons que le club puisse fonctionner efficacement. Mais, il faut bien le reconnaître, ce n’est pas toujours facile, car nous avons tous des choses à dire, des projets à soumettre et notre temps de parole doit être partagé avec les autres. Le problème est le même pour les réunions parents pro-


fesseurs: il faut que tout le monde puisse participer; nous ne pouvons donc pas être présents à toutes les réunions. Notre professeur coordonnateur, M. Dollé, en a profité pour nous donner la possibilité de nous approprier encore davantage notre club. Nous avons ainsi nommé une adjointe, en la personne de Camille et un responsable de la communication, en la personne de JeanBaptiste. Le nombre ne nous a pas empêchés de réussir notre première réunion parents professeurs de l’année, en octobre, avec les parents des élèves de sixième. Nous avons même fait un bénéfice record. Des soucis au sujet des jumelles A la rentrée des classes, en octobre, Sylvie s’est rendue comme d’habitude, chez Louise, la maman d’Yvette et Yvonne, pour prendre de leurs nouvelles et évaluer les besoins des filles pour le collège. Mais, elle a découvert avec surprise que toute la famille avait déménagé chez un oncle maternel, à Dassa Zoumé, dans le centre du Bénin. Cette nouvelle nous inquiète fortement, car les jumelles sont désormais en âge d’être mariées (voir notre article sur les mariages précoces, en page 6) et c’est une

Yvette, Yvonne et leur nièce Agnès

tâche qui incomberait, les concernant, à un oncle, puisque leur papa est décédé, il y a quelques années. Nous avons tenté, par l’intermédiaire de Sylvie, d’en savoir plus, mais ses informations restent incomplètes, car Aide et Action n’intervient pas dans cette région. Nous serions vraiment très déçus, si nous devions perdre le contact définitivement avec nos filleules (depuis 2003) et si elles ne pouvaient poursuivre leurs études, au moins jusqu’à la fin de la troisième. Nous avons bien conscience que nous ne pouvons interférer ni sur les choix de leur famille, ni sur les traditions de leur pays, mais nous espérons que leur oncle, qui est enseignant, a conscience de ce que perdraient les filles si elles devaient être déscolarisées. En attendant, nous ne baissons pas les bras et essayons, par tous les moyens, de renouer le contact. Grâce à Mme Thérè-

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le, car M. Dollé tient à ce que nous constituions nous même notre dossier. Parallèlement à tout cela, nous avons déjà commencé à collecter du matériel scolaire, en vue du prochain conteneur affrété par Joigny Baobab, courant 2011, et dans lequel Mme Brayotel nous a d’ores et déjà assuré, qu’une place nous serait réservée. Le 10 décembre proLe Club Parrainage 2010-11 chain, M. Dollé, Marine, Elie et Noël ont se Brayotel, présidente de rendez-vous avec M. Denise, l’association Joigny Baobab, ancien responsable de la binous avons désormais un bliothèque de la M.G.E.N., contact sur place, une person- qui nous fait don d’un nombre ne originaire de Dassa Zou- conséquent de livres, qui semé, qui va tenter de retrouver ront fort utiles pour enrichir la trace d’Yvette et Yvonne. ou créer une bibliothèque, au Nous vous tiendrons bien Bénin. De son côté, Elsa doit entendu au courant de la suite très prochainement récupérer des évènements. des livres pour la jeunesse, que M. Hulnet, président de l’association Graine d’Espoir, Les projets de cette année très active dans l’Auxerrois, a Nous travaillons actuellement eu la gentillesse de mettre de sur plusieurs projets, que nous côté pour nous. Nous remercomptons bien concrétiser, cions vivement tous nos pard’ici la fin de l’année scolaire. tenaires, qui ne manquent Parmi ceux-ci, nous allons jamais de nous montrer des commencer par organiser signes de leur amitié. prochainement une tombola, Nous aimerions finir l’année conjointement avec le F.S.E., scolaire par une soirée afin de faire gagner aux plus concours d’Awalé (jeu de chanceux d’entre vous, les stratégie africain), comme lots que nous avions récoltés nous l’avions fait, il y a déjà pour le loto de mai dernier et deux ans de cela. que nous n’avons pas pu dis- En vous souhaitant à tous de tribuer (vu la quantité). bonnes fêtes de fin d’année… Ensuite, vers le mois de janvier, nous allons prendre Les élèves du Club Parrainage contact avec la mairie d’Auxerre, afin de constituer un dossier de demande de subvention, au titre des projets jeunes solidaires. Nous aimerions en effet financer la rénovation du mobilier de la classe de Djalilou (tables et chaises), en faisant appel à un artisan sur place. Sans une aide financière, nos modestes finances ne permettraient pas de concrétiser ce projet, puisqu’il faut compter, d’après nos renseignements, sur un coût de quelques mille euros. Thérèse Brayotel et Marine, en pleine discussion Mais, cela ne va pas être faci-


DJALILOU EST DESORMAIS EN CE2

Djalilou

Le redoublement de la classe de CE1 a permis à Djalilou, non seulement de combler une grande partie des lacunes qu’il avait, mais aussi de prendre conscience de ce que l’école peut apporter. Il a fait beaucoup d’efforts et ceux-ci ont été récompensés, puisqu’il a obtenu son passage dans la classe supérieure. Au club parrainage, nous sommes tous fiers de notre petit protégé, car il a fait d’énormes progrès, en l’espace d’une année scolaire. Obligé de redoubler son CE1, à cause de grandes difficultés au niveau de l’écriture et de la lecture, il a su se ressaisir, se remettre au travail, pour nous montrer que ce que nous faisions pour lui n’était pas vain. Très fier d’être parrainé par d’autres jeunes et de jouer

régulièrement le rôle d’ambassadeur auprès de ses camarades, en distribuant le contenu des colis que nous envoyons, Djalilou est devenu un élève sérieux et consciencieux. Comme il nous le disait lui-même, dans son courrier du mois de mars: « L’école me permet de connaître beaucoup de choses, d’écrire et lire correctement, pour avoir un meilleur avenir ». Après deux premières évaluations

tout à fait satisfaisantes (avec plusieurs 9/10), Djalilou a réussi la dernière, qui a eu lieu début juillet, validant ainsi son passage, dans la classe supérieure. Nous tenons à remercier son maître, qui nous a donné des nouvelles régulièrement et qui a toujours été derrière notre filleul, pour l’encourager et l’aider. Après des vacances méritées, où Djalilou n’a pas manqué de s’adonner à son sport favo-

ri, le football, il a repris, en octobre dernier, le chemin de l’école. Nul doute que le ballon de la coupe du monde, que nous lui avons offert, a dû lui faire grand plaisir. La nouvelle maîtresse de Djalilou s’appelle Mme Cojeste Dekpon. Dès le premier jour, elle a expliqué les objectifs du programme de CE2 et a présenté aux élèves l’emploi du temps de la classe. Tous les lundis matin, à 8 heures, les élèves et les enseignants de l’école de Onklou se rassemblent dans la cour, pour la cérémonie des couleurs. Après, les enseignements peuvent commencer. Les élèves ont classe, du lundi au vendredi, de 8 h à midi, avec une récréation de quinze minutes, vers 10 h. Il y a ensuite une longue pause, de midi à 15 h. Cela permet aux élèves de rentrer chez eux pour manger et surtout d’éviter les heures les plus chaudes. Les cours reprennent ensuite (sauf le mercredi) et durent jusque vers 17 h 15. Les matières enseignées ressemblent assez aux nôtres: le français et les maths occupent les deux tiers de l’emploi du temps. Le reste est consacré aux enseignements scientifiques et techniques, à l’éducation sociale, à l’éducation artistique (dessin, chant, poésie, couture pour les filles:) et au sport.

La dernière lettre de Djalilou

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Nous souhaitons à Djalilou une très bonne année scolaire et nous espérons qu’il poursuivra ses efforts....


LE MARIAGE AU BENIN OU LE POIDS DES TRADITIONS Pour nous autres Occidentaux, le mot mariage, rime tout naturellement avec les mots amour et fête, mais il n’en est hélas pas toujours le cas, au Bénin. Les mariages précoces sont encore bien présents, même si la loi les interdit désormais, et la crise économique qui sévit actuellement aggrave encore la situation. Au Bénin, comme ailleurs, le mariage est un moment très important, dans la vie d’une personne. C’est une fête qui unit deux êtres, mais également deux familles. Souvent considéré comme le passage de l’enfance au monde adulte, le mariage est aujourd’hui encore emprunt de nombreuses traditions, qui peuvent être différentes d’une région à l’autre ou plutôt d’une ethnie à l’autre. Parmi celles-ci se trouve la dot. C’est un procédé de négociations entre deux familles, pour parvenir à une entente mutuelle sur le prix que le fiancé aura à verser pour pouvoir épouser la fiancée. Ces négociations, qui peuvent être assez longues, ne sont souvent pas conduites par les parents des futurs mariés, mais par des proches, généralement les oncles, la famille élargie étant un élément important dans la culture africaine et spécialement dans l’institution du mariage. Une fois que le prix de la future mariée est fixé, on organise la cérémonie elle-même. Le jour « J », les deux familles font connaissance, chacun ayant revêtu ses habits de fête, souvent très colorés. On règle, dès le début, les choses essentielles, comme le paiement de la dot, le passage à la mairie (parfois négligé dans les milieux ruraux), puis la fête peut commencer. Les invités jouent de la musique et exécutent des danses, jusque tard dans la nuit… Le poids de la communauté reste ensuite bien présent, dans la vie conjugale d’un couple béninois, surtout dans les campagnes. Si des problèmes surviennent entre les

Un mariage en couleurs

Un peu jeune, non, pour être mariée ?

deux époux, ils font souvent l’objet de discussions entre les deux familles, afin de trouver une solution. Parfois même, ce sont les membres du village qui s’en mêlent. Il faut dire que le divorce est quelque chose de très rare, au Bénin, car il ne s’agit pas seulement d’une rupture entre deux personnes, mais bel et bien d’une rupture entre deux familles et donc par là même une remise en question des accords qui ont pu être passés entre elles... Par ailleurs, d’après les statistiques, dix départements du pays sur douze, sont touchés par le phénomène des mariages précoces. Il touche des jeunes filles entre onze et quinze ans, qui sont souvent déscolarisées par les parents eux-mêmes, pour être mariées de force. Chaque année, dans de nombreuses écoles, les enseignants déplorent des cas d’enlèvements de mineurs. Cette tradition, bien qu’aujourd’hui interdite par la loi, perdure et même a tendance à connaître une recrudescence, avec la crise économique de ces dernières années. Dans certaines ethnies, la demande

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de main est lancée, par un allié ou un ami de la famille, dès la naissance, lorsque le nouveau-né est de sexe féminin. Le futur marié suit ensuite de près l’évolution de l’enfant, jusqu’au moment de la puberté. Dans de nombreux villages, on continue à penser que « dès qu’une fille commence à peine à pousser les seins, elle est apte à se marier ». Les témoignages sur cette pratique sont très nombreux, notamment sur Internet. Ainsi, celui de Falilatou, mariée contre sa volonté, à quatorze ans, pendant les vacances scolaires, alors qu’elle devait passer son Certificat d’Etude Primaire et qu’elle rêvait de devenir médecin: « mes parents m’ont enlevée de l’école pour me donner à un homme, un ami de mon père qui venait chez nous à la maison et qui m’appelait souvent affectueusement ‘sa femme’, sans que je comprenne pourquoi il disait cela. Maintenant, je vis sous son toit, mais je ne l’aime pas et on ne s’entend pas... ». Il apparaît évident que la pauvreté reste le facteur majeur qui justifie cette pratique. La situation de précarité des pa-

rents, accentuée ces dernières années par la crise économique, les pousse à retirer les filles de l’école, pour les marier et bénéficier de la dot. Ils sont souvent conscients que ce n’est pas une bonne chose pour leur enfant, mais les mauvaises récoltes, les plus petits qui ont besoin de nourriture, créent une situation telle que... Des études scientifiques ont démontré que ces mariages précoces ne sont pas sans conséquences sur la santé des jeunes filles concernées. Le taux de cancer de l’utérus est par exemple nettement plus élevé chez les femmes qui ont enfanté très tôt, alors que leur utérus était encore immature. En juin 2004, la Cour Constitutionnelle béninoise a adopté un nouveau Code de la famille, condamnant certaines pratiques coutumières, comme le mariage précoce ou les mutilations génitales, mais les progrès sont très lents. Ce code a également créé la surprise, en ne reconnaissant plus la polygamie (le fait qu’un homme ait plusieurs femmes), sans toutefois l’interdire, pratique qui reste très courante, puisque son taux varie, selon les régions, entre 15 et 41 % d’unions polygames. Le Code de la famille a aussi mis fin au lévirat, coutume selon laquelle une veuve est « donnée » en mariage au frère du défunt. De nombreuses voix s’élèvent, au Bénin, contre ces atteintes aux coutumes ancestrales. Il faudra donc sans doute encore du temps, pour que les petites filles puissent être certaines de choisir leur compagnon...


LE BENIN FACE A LA CRISE ECONOMIQUE La crise économique mondiale, qui secoue actuellement les pays riches, n’épargne pas non plus les pays en voie de développement, bien au contraire. Elle a eu pour effets de déstabiliser des équilibres fragiles et de mettre en péril les programmes de développement lancés par les gouvernements. C’est le cas au Bénin... Depuis son accession au pouvoir, en 2006, le Président Boni Yayi, a lancé divers programmes de développement ambitieux, dont nous vous avons fait l’écho dans plusieurs de nos articles, par exemple concernant le développement de l’éducation primaire, devenue obligatoire, ou encore concernant l’amélioration du système de santé. Mais la crise économique et financière qui a éclaté aux Etats-Unis, en 2008, a rapidement atteint le continent africain. Elle a en effet entraîné une chute des cours (c’est-àdire des prix) des matières premières, du fait de la baisse de la consommation des pays riches, qui sont les principaux acheteurs des pays en voie de développement. Au Bénin, cela s’est très vite traduit par une baisse du trafic portuaire à Cotonou et par des difficultés de la filière cotonnière. Le taux de croissance du pays est passé de 5 %, en 2008, à 2,7 %, en 2009 et l’année 2010 n’a pas vu de redémarrage significatif. Les voisins du Bénin n’étant guère mieux lotis, cela a provoqué des tensions, notamment avec le Nigéria, qui a considérable-

Le port de Cotonou

ment réduit ses importations en provenance du Bénin. Tout cela a eu pour conséquence une baisse importante des recettes douanières, qui représentent la moitié des revenus de l’Etat. La corruption, qui avait quelque peu reculé ces dernières années, a regagné du terrain, notamment dans le domaine de la micro finance, ce qui n’a pas manqué de toucher durement les ménages et donc par là même leur consommation. Malgré tout, le gouvernement béninois n’a pas voulu baisser les bras. Par exemple, dans le domaine agricole, il a déployé des trésors d’ingéniosité pour relancer la production céréalière, notamment en distri-

buant gratuitement des semences et des engrais, en 2008. Grâce à cette politique, le Bénin a aujourd’hui réussi à renforcer sa sécurité alimentaire, avec une production qui dépasse de plusieurs milliers de tonnes les besoins internes du pays. En matière d’emploi, le gouvernement a essayé de compenser les effets de la crise, en recrutant dans l’Education Nationale et la fonction publique. Mais, cela a fait passer le déficit budgétaire de 3,5 à 7,3 %, obligeant le Bénin à emprunter et donc à s’endetter. Le gouvernement, poussé par le Fonds Monétaire International, qui exige « une politique plus prudente » avant de

La récolte du coton

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Le transport du coton

valider un nouveau prêt de 110 millions de dollars, a dû se résoudre à modérer ses ambitions. Le budget 2010, qui était initialement de 1250 milliards de Francs CFA (1,9 Md d’euros) a ainsi été ramené, en août dernier, à seulement 876 milliards. Cela signifie que tous les ministères doivent se serrer la ceinture: la santé, l’Education Nationale, etc.. Et cela devra se poursuivre en 2011, puisque certains ministères ont déjà été informés que leur budget sera réduit de moitié. Les dépenses d’investissement seront rabaissées d’autant, risquant de mettre à mal les programmes de développement, lancés ces dernières années. Mais, le Bénin, fragilisé par la crise, n’a plus les moyens de ses ambitions. Seule une reprise de la croissance économique pourrait inverser la tendance. Les autorités béninoises jouent donc désormais la prudence, car il n’est pas question d’hypothéquer l’avenir des jeunes générations. La reprise de la croissance sera sans doute graduelle, mais des signes positifs s’annoncent déjà, comme une légère reprise des exportations de coton...


POUR EUX, L’AVENTURE CONTINUE… Chaque année, au terme de leur troisième, des membres de notre Club partent vers d’autres horizons, mais certains continuent à œuvrer au nom de la solidarité, profitant de l’expérience qu’ils ont acquise, lors de leurs années collège. Nous voulons leur rendre hommage aujourd’hui. Notre Club est un peu comme une grande famille et de nombreux anciens continuent à suivre, grâce au site et à notre petit journal, l’évolution des différentes actions. Certains viennent régulièrement, lors des réunions parents professeurs, pour soutenir et conseiller les plus jeunes. Quelques uns continuent même à être actifs au sein du club, comme Marine Dondon, qui est désormais en seconde année à l’I.U.T., ou Justine Hermier, qui prépare son baccalauréat. Certains s’engagent même dans de nouveaux projets. Parmi ceux-ci, nous voulons saluer tout particulièrement Lara Saussey, qui a créé et animé avec Quentin, pendant trois ans, un club parrainage au sein du Lycée La Brosse, club qui a hélas dû cesser ses activités, en juin dernier, suite à la brutale déscolarisation de la fillette qui était parrainée, en Guinée. Actuellement, c’est Justine Loury, qui tente de prendre le relais, en créant un club parrainage, au Lycée Jacques Amyot. Nous lui envoyons plein de pensées affectueuses, car nous savons que ce n’est pas facile de rassembler des gens vraiment motivés, tout en se consacrant à ses études. De son côté, Nicolas Boullé a su convaincre, grâce à un exposé documenté, le groupe de jeunes dont il fait partie, de consacrer une part des recettes d’un spectacle qui aura lieu en avril prochain, à un projet d’Aide et Action. Laissons le vous expliquer son contenu: « Nous sommes un petit groupe, composé de six à sept copains, de la cinquième

Justine Loury, Nicolas Boullé et Camille Champion, mis à l’honneur par le collège, en juin dernier

à la première, auxquels s’ajoutent deux animateurs, Luc Feillée et Michel Huet, qui se réunit à peu près deux fois par mois, le vendredi soir. Outre de passer de bons moments ensemble, l'un des buts de notre regroupement est de faire des actions de solidarité. Cette année, par exemple, nous avons fait les Cadis du Cœur, pour les Restos du Cœur et nous allons faire prochainement une collecte de jouets, pour le Noël du Secours Populaire. Jusqu’ici, le plus grand projet que nous avons monté est celui d’une pièce de théâtre comique, sur l’histoire d’Héry, écrite par Michel et présentée en mai 2009. Les jeunes, en plus de la jouer, s’étaient occupés, aidés par Luc, des déguisements et de la mise en scène (projecteurs, jeux de lumières, décors, son). Pour la première représentation, une illumination de l’église du village avait été mise en place, grâce au concours de David Ladehoff, éclairagiste professionnel. C’était magnifique et cela

avait donné un superbe final à la pièce. La représentation s’était si bien passée, que nous l'avons rejouée, en novembre 2009, en rajoutant une fin en rapport à la fête qui avait lieu en même temps: les vingt ans de la Déclaration des Droits de l'Enfant. Notre prochain projet portera sur l’histoire de Seignelay, et ce sera encore plus fort. La représentation aura lieu le 2 avril 2011, dans l’église de Seignelay. Au programme: une pièce de théâtre sur l'histoire du village, suivie d'un son et lumières, à l'extérieur de l'église, avec concert d'orgues. Cette fois la totalité des fonds gagnés sera consacrée à deux actions solidaires. La première avec Aide et Action (c’est le club parrainage du collège Paul Bert qui nous en a donné l’idée). Ce projet consiste à acheter des fournitures scolaires pour les enfants d’Haïti, qui commencent

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tout juste à se remettre du tremblement de terre, et qui viennent de subir d’autres malheurs. Ils ont un grand besoin de cahiers et de stylos, pour continuer leurs études et reconstruire l’avenir de leur pays. La deuxième action sera pour l'un des services d'enfants de l’hôpital Necker. Le projet consiste à acheter des lecteurs DVD portables avec quelques DVD, pour occuper les interminables attentes que doivent endurer les enfants, pendant les biopsies. Il s’agit d’une opération qui consiste à prélever un bout de foie avec une très grande seringue (sans anesthésie). Le problème est que ces enfants doivent rester allongés sans bouger, pendant plusieurs heures.» Alors, si vous êtes libres, le 2 avril prochain et que vous avez envie de leur donner un petit coup de main, vous savez d’ores et déjà quoi faire… Pour nous autres qui sommes actuellement membres du club, ces ainés sont des exemples, car ils ont compris que même à notre petit niveau, nous pouvons participer à l’amélioration de notre monde. Ne soyons pas seulement spectateurs, agissons... Les élèves du Club Parrainage et Nicolas Boullé

Marine

Lara

Justine

Directeur de la publication: M. J.-M. Dubus; Mise en page: M. Dollé (professeur d’histoire); Rédaction des articles: les élèves du club parrainage. Remerciements à tous ceux qui nous ont aidés.


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