Montfleury

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Du 12 au 29 mai 2016

Montfleury Oussema Troudi


Ă mon encadreur Moez Ben Brik, Ă mon transporteur Ahmed Ben Moussa, et aux artisans de Montfleury.


Montfleury D’une parole, mûre de murer l’appel du blanc pressé d’exorde, d’un bougainvillier mourant, de l’opaline hauteur sous le plafond, un vert propre à l’air que l’artiste inspire retient l’humidité de la nuit passée. Du sol pastellé, passe de l’ombre la raison, vers la lumière raisonnée, d’une myriade de marches, d’un Albinoni passager et de silence niais, se fie l’artiste au prompt jour. De mémoire, tombent le poème et le pamphlet, et de gribouillis s’exaltent les murs, et des cris de bébé, la joie diurne et l’amour singulier, labeur intime pour demain. Là où naît l’idée, meurt le péché de coucher l’envie sur des vestiges de projets. L’artiste sait. Sa mémoire le trahit, complotant pour sa virée, et il se trouve muet, et se fait sentir flanqué jusqu’à l’os, et plat jusqu’aux pieds. Se retire, l’artiste, de ses mots, et de ses marques, tend des filets à la patience, qu’elle fonde aussi morcelée, qu’une maison retrouvée, pour que regorgent du plâtre des vis enfoncées, et s’en dessinent des soleils désuets, de fils en aplats troués, la véhémence conduit, et la résistance incline le temps dans la foulée. Des pots empilés, des colonnes en colons proclamés, déjouent, nuancés, sa résolution de peindre, le peintre s’apprête à clouer. Des abysses balayés, se répand le soleil en poussière, et se rétracte au réveil, linéaire, pointillé. D’un Tunis parlé, monte la sentence, au mutisme gracié, de l’habitant des lieux, d’un habillage pensé, aux couleurs, terres de sa mémoire, vives de son geste, et de sa volition, figées. Quel art, si ce n’est ce laps de naissance, perpétuellement révisé ? Quelle tentation, de transcrire le souffle, sans mesure infiltré, dans les vierges murs et les dais renversés ? De l’accoutumance, je pense, ma parole délavée, à l’amour du poème, aux habitudes dépareillées, de creuser à la marge de l’art des évents pour couler.

Asma Ghiloufi plasticienne, chercheur en design


Kairouan, technique mixte sur plâtre, 140x70cm, 2016.

Gafsa, technique mixte sur plâtre, 140x70cm, 2016.


Sidi Bouzid, technique mixte sur plâtre, 140x70cm, 2016.


Médenine, technique mixte sur plâtre, 50x50cm, 2016.

Kébili, technique mixte sur plâtre, 50x50cm, 2016.


Dans les épaisseurs d’une surface ou quand la peinture fait le mur C’était aux alentours de 1999, à l’ISBAT : sur un banc, un étudiant assis. Sa tenue, son air grave mais serein, son imperturbabilité m’amenaient à me demander ce qui pouvait l’absorber de la sorte. Bien sûr, la curiosité me mut à sa hauteur, juste assez pour observer ce que put être l’objet de cette emprise sans être remarqué. C’était une main qui prenait la pose pendant qu’une autre, poussant une mine de graphite la dessinait sous le regard concentré d’un œil méticuleux. Je demeurais donc un moment pour observer un étudiant s’appliquant à dessiner ses mains. Plus tard, je sus que cet étudiant était Oussema Troudi. Un peu plus tard encore, je sus qu’en réalité, il ne dessinait pas mais tentait de comprendre comment cette forme était construite. Et il a fallu encore quelques années pour penser qu’il ne tentait peut-être pas seulement de reproduire un complexe anatomique mais qu’il s’ingéniait probablement à appréhender sa main dessinant, sa main faisant et, finalement, à penser la main prise dans les mouvements de la création. Aujourd’hui, écrivant en marge de sa 5ème exposition personnelle, je crois comprendre que, peut-être, cet étudiant d’alors, cet Oussema Troudi en devenir, menait un exercice de réflexion au-delà de la simple finitude graphique d’une main, sur sa dé-finition, sans doute du côté des mécanismes et des composantes du faire, sur ses postures manuelles qu’il a d’ailleurs auparavant proposées comme autant d’autoportraits ou l’ensemble comme un seul autoportrait1. Dans « Montfleury », c’est, je pense, le même travail que continue l’artiste : suivre cette pensée racinaire du geste de la création, aller là où ce geste éclos pour en ré-interroger toujours les motifs ; questionner ce que peut, ce que fait et ce que sait la main. Mais, encore une fois, il faudrait encore laisser le temps me révéler par fragments toutes les subtilités et les soubassements de la pratique de l’artiste. Aussi, écrivant ces mots, je ne ferais pour l’heure que coucher quelques intuitions premières autour d’une pensée créatrice à l’œuvre. « Mur aveugle : mur sur lequel il n’y a ni porte ni fenêtre. » Encyclopédie du bricolage. 1. Cf. œuvres intitulées « » pour l’exposition Autoportrait (30 Novembre 2014-10 Janvier 2015) à Ghaya gallery.

Les murs comme horizon Qui n’a pas laissé, dans un moment de songe éveillé, errer son regard sur ses murs ou au plafond ? L’œil est bientôt retenu par les singulières aspérités que l’on voit pourtant tous les jours mais abstraites et dissoutes dans une vision plate d’un mur. Ces aspérités, souvent adoucies par une couche de peinture, ou, quelquefois même, engendrées par la pose d’une couche non reprise, sont traces de pelage de rouleau, coulures d’une décharge de matière trop importante, écailles en reliefs ou petites parcelles en creux d’une antérieure surface trop fatiguée. De ce paysage à fleur de mur, l’œil songeur figure ses imaginaires et se laisse parfois aller, les minces ombres d’une lumière tamisée aidant, à élucubrer. Et plus l’on fixe le regard à quelque point d’achoppement, et plus ce paysage se fait mouvant et va s’assombrissant… Et l’on se réveille de ses élucubrations d’ombres de surface. Mais il arrive aussi que l’œil délaisse les chemins du songe pour suivre ceux de la matérialité des reliefs qu’il perçoit. Là, c’est une archéologie qui commence : du bout de l’œil, on fouille, se représentant les diverses strates qui habillent le mur, les différents âges transparaissant les uns à travers les autres, les différents temps de peuplement que ces parois ont abrité. On perçoit dans un timide gonflement circulaire qu’une vis faisait là son trou avant qu’il ne soit obturé, dans les fissures d’un petit éclat qui ne s’est pas laissé entièrement comblé d’enduit, qu’un clou a tenté une percée. Quelque fois même, un œil lucide croit deviner les contours d’un rectangle lumineux qu’une poussière n’a pu assombrir faute d’un tableau ou de quelque élément rectangulaire. Le vertige des temps que le mur porte en lui dessaisit l’œil archéologue des parois. Et l’on se réveille de ses explorations de surface profonde.

« La préparation des murs est un préalable indispensable à toute opération de peinture : dépoussiérage, lessivage, décapage, enduisage, ponçage, etc. devront être soigneusement exécutés, le bon résultat de vos travaux en dépend. » Encyclopédie du bricolage.


Voir par un mur aveugle Une poétique de la vie des murs intérieurs travaille l’œil qui s’y perd et la main qui s’y confronte. Ce fut sans doute le cas d’Oussema Troudi. Après un parcours nomade entre différents lieux d’habitation, c’est enfin entre les murs d’une maison à Montfleury que l’artiste se (ré-)installe. Habiter (et, dans son cas, réhabiter) un lieu est déjà en habiller les murs, en y comblant les anciennes traces d’occupation, les fissures, les usures ; en y couchant un nouvel épiderme de peinture, en y perçant, y clouant, y vissant des points d’accroche, en y ancrant ses propres murs faits de tableaux, de bibliothèques, d’étagères. C’est là, à la surface des stigmates d’une muraille réappropriée qu’une attention lucide s’est posée. Au-delà de l’errance, à fleur de mur, l’œil de l’artiste a perçu les promesses d’un pictural, d’une plasticité. Bientôt, les murs ne seraient plus les simples cloisons d’accroche mais l’accrochage même. Mais il ne s’agit pas de reproduire ou de recréer les pans de murs érodés par leurs successives occupations, de transposer mimétiquement leurs topographies minérales et vinyliques que le temps a modelées. Cet univers de surface fut sans doute l’impulsion première pour cette expérience picturale. En guise de parcelles murales, des plaques de cloison sèche, de plâtre qui s’offrent avec leur paradoxe : une forme jouant la rigidité dans une matière faîte de fragilité. Le plâtre n’oublie pas son originelle pierre gypsée et sait aisément se laisser pulvériser en stuc. Sur ces apparentes murailles d’une fragilité étonnante, l’artiste déploie ses gestes de bricoleur mais dans une intention et une attention de peintre. Des passages de rouleaux surfacent de gris et de couleurs la plaque. Un grattoir cherche fébrilement la blancheur du plâtre sous la couleur. Une perceuse ponctue les lieux où se logeront chevilles et vis dont la cruciformité est aussi graphie. Les premiers points sont posés ; sont clouées des crochets suédois qui seront les centres de rayonnement d’un fil tendu entre les différents points qui dessinent désormais une trame de tension. Et par tous ces bricolages détournés, le peintre compose, dessine, crée ses parcelles murales érigées en paysages picturaux. Entre ses murs, le peintre emmuré ouvre les espaces de ses voyages, de ses trajets, de ses horizons. Quelquefois, les ornements de plafond en plâtre deviennent aussi supports où des jeux de fils tendus regéométrisent les lieux. D’une œuvre à l’autre, le fil semble dessiner, jusqu’au vertige, les parcours infinis d’un œil traçant ses cartographies aux murs et au plafond.

« (…) le B.A.-BA du bricolage n’est pas seulement un alphabet élémentaire. Il est aussi une initiation indispensable à des travaux moins simples et de plus longue haleine, une sorte de solfège nécessaire à l’exécution de morceaux plus savants. » Encyclopédie du bricolage.

Dans la profondeur des surfaces, une pensée prend racine En voyant ces plaques de plâtres, ces pans de murs que l’artiste aérait pour les déshumidifier, en voyant cet outillage se prêtant aux divers travaux sur les parois murales, le corps du peintre m’a semblé réanimé par ses corps d’antan où il était maçon, ouvrier, arpenteur des murailles. Le peintre tel qu’il fut dans ses premières heures de gloire renaissantes : fresquiste. Dans sa maison de Montfleury, dans ses lieux du faire qui sont aussi ses lieux de vie, j’ai pu apercevoir l’envers de ses supports où le plâtre est tantôt lisse et encore frais – et j’imaginais la douce surface d’un intonaco dans lequel le fresquiste renaissant imbibait ses couleurs –, tantôt rugueux – semblable à l’arriccio grossier qui servait de couche première au support de la fresque. Ce sont aussi les fils tendus à des points de rayonnement qui me rappelèrent aussi le peintre renaissant traçant et quadrillant son espace en battant le fil chargé de pigment. Telles étaient les premières visions qui me frappèrent à la vue de quelques parcelles de l’univers matériel de l’artiste. Un autre retour aux sources de la création me semblait aussi poindre dans la manière qu’Oussema Troudi aborde l’acte pictural qu’il propose. Un retour vers cette science que LéviStrauss dit « première », celle du bricolage. Un autre corps, premier, sous-tendait donc celui du peintre. Les marteaux, les tournes-vis, les spatules, les rouleaux de peinture, les mètres, bref tout dans les espaces de création de l’artiste nous renvoie à cette dimension première du faire. Mais ce n’est pas seulement ce champ matériel qui dit le bricoleur ; c’est aussi le détournement qui le caractérise, continue LéviStrauss. Ce qu’il y a de plus habile dans le travail de l’artiste est qu’il détourne les moyens même du bricoleur en champ d’action plastique ; en somme, il bricole le bricolage de la même manière qu’il dessinait une main qui dessine.

En perçant, clouant, vissant, tendant, attachant, enduisant, comblant, grattant, martelant, l’artiste tourne les actes d’un quotidien tâcheron travaillant ses murs en possibilités créatrices et en parcelles murales visuelles ouvertes. De la même manière qu’un bricoleur s’affairant à ses murs pour les prémunir, les parer et pour finalement y accrocher quelque élément, Oussema Troudi, dans sa geste créatrice, pousse le bricolage dans ses prolongements esthétiques et bricole ses pans de murs plâtrés pour y accrocher, enfin, notre regard.

Mohamed-Ali Berhouma


Tataouine, technique mixte sur plâtre, 70x70cm, 2016.

Le Kef, technique mixte sur plâtre, 70x70cm, 2016.


Bizerte, technique mixte sur plâtre, 70x70cm, 2016.

Mahdia, technique mixte sur plâtre, 70x70cm, 2016.


Nabeul, technique mixte sur plâtre, 30x30cm, 2016.

Zaghouane, technique mixte sur plâtre, 30x30cm, 2016.


Tozeur, technique mixte sur plâtre, 30x30cm, 2016.


Sfax, technique mixte sur plâtre, 30x30cm, 2016.

Béja, technique mixte sur plâtre, 30x30cm, 2016.


Et si j’écrivais pour mieux regarder ?

L’artiste sur la planche pro POSE la de sa pâte ponctué d’annEAUX

VOYageur largeur blanche étranges.

points et demi-points crochets suédois lignes de foi et épines en croix terroirs déployées ou se m e s u r e n t OġQHOKDR DM BG@HMDR C@MR CDR LNTKTQDR Q@OHġĝ@MS KDR Aġ@MSDR jRRTQDR

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L i g n e s à mots O N Q S ġ D R Đ kNS sur le lit du plan gran di trous blancs de dessins

Vent par courants pour planter métal la succession de maillons draguer le fond qu’étale le regard nourri de la car tographie MONT FLEURI

Œillets alignés piqués métalliques rouges qui s’appliquent broderie à clous canevas à roues cordages mâtinés aux rayons enchantés par les doigts noués

déferlent tribune albâtre et poussière folâtre ....................... .............................................................................. ...................................................................

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Gafsa s’exPOSE planche badigeonnée de frontières sous un plaFOND abritant une meurtrière marquée au fer.

Siliana EQ@HD BGDLHMR CġSNTQMġR QDSNTQMġR QDMUDQRġR CġUDQRġR dans le limon tracés passages NT R @UDMturent marges menaçant d’azurs les écla boussures

Au ciel décousu - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Bizerte propose de jeter l’ancre sur une ligne - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - nue e t a u x é t o i l e s c l a i r e s s e m é e s d a n s l e s - - - - - - - - - - - - - - nues ---------------------------un à corps @UDB K@ OQġB@QHSġ CDR ġBQHSR ONTQ CġBDKDQ K @BBNQC - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - de l’encre marine - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - clarté parsemée de rimes

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Sousse, technique mixte sur plâtre, 140x70cm, 2016.


Séliana, technique mixte sur plâtre, 140x70cm, 2016.

Gabès, technique mixte sur plâtre, 140x70cm, 2016.


Glissent des vérités là où l’œil se pose Par un temps qui a la raison à l’œil, l’art visuel n’est pas forcément un art du visible. Se tasse, en effet, la pensée en couches, devant le travail d’un artiste peintre, son devenir et sa trace, appesantie, cette pensée, par tous les moyens qu’un spectateur s’offre pour tenter de comprendre. Tachiste, qu’il soit, pointilliste, graphiste ou dessinateur, Oussema Troudi est d’abord contemplateur de son support, qu’il invente d’ailleurs au fil de son intuition. Son art, est juste égal au temps qu’il dépense pour se résoudre à la matière qui le choisit. Sa création, en outre, dépasse souvent les moments de gestation intellective, pour empiéter sur sa moindre manière de discuter le bout de gras. L’exposition « Montfleury », n’est pas l’aboutissement d’un dessein, elle n’en acquiert même pas la mine de son titre. Cet ensemble d’œuvres, est, à mon sens, une tranchée dans le temps, dans le zèle et dans l’ambition de l’artiste, d’aller vers les dessous des surfaces, vers l’épaisseur du quotidien, en ayant l’art comme révélateur et non pas comme fin. Il m’aide, dans ma tentative d’anagogie pour le travail d’Oussema, que j’habite l’atelier qu’il habite. Un lieu interrompu de ses vocations, entier de sa constance, s’offre à l’appropriation de l’artiste, un air à inspirer et de la matière à vivre. L’idée de travailler dans la maison, lui est venue presque au même moment que celle de travailler sur la maison et par la maison. Travailler quoi d’ailleurs ? Il est à signaler, à ce propos, que ce n’est point la peinture, dans sa tenue technique et esthétique de composition, de matière et


de couleur qui est à l’œuvre. L’artiste s’imprègne de ses environs physiques, pour panser ensuite l’idée de les arranger et de les traverser par l’expression qui ne les finit dans la narration insipide. Son dialogue avec son voisinage artificiel ou naturel, se fait sentir jusqu’au suc, depuis son travail avec et par l’eucalyptus1, l’arbre qui marque nettement la sensibilité de l’artiste à l’au-delà de l’écorce des choses qu’il voit et qu’il vit. Dans ses gravures de sections d’eucalyptus, Oussema rend à l’arbre ce que le temps lui a pris, et crée de l’œuvre un écosystème dont la forme ne cesse de se verser dans le fond, et dont le sujet n’est que l’objet en reconstitution. C’est ainsi, qu’en côtoyant l’artiste, je présume égal son mobile à ses moyens qu’il sème d’ailleurs, par monts et par vaux, dans son quotidien intérieur. Il n’est pas que le fabricant de son art, il en est tout aussi le regardeur, parfois l’éleveur et souvent le résilié. Dans cette suite de travaux nommée « Monfleury », Oussema amène le mur à sa raison, pour y voir plus qu’un bâti et en restituer une existence autre que celle qui le réduit à accrocher le regard d’un habitant, sa déco ou ses pensebêtes. C’est ainsi qu’il a pris de la graine de son ateliermaison, pour résoudre son gage à morceler l’espace en tableaux aussi réfléchis et construits que ce dont il dispose permet. Il est à souligner, en parlant de ses réalisations, qu’il y a deux plans de lecture. Le premier concerne la matière qu’il travaille et le deuxième porte sur la manière dont il procède. Dans son agissement, l’artiste explore le plâtre, en panneaux vierges, tels qu’il les récupère, encore humides, chez l’artisan. C’est sur des surfaces d’un blanc timide, qu’il peint, dessine, grave, cloue et révèle, par l’expression plastique, l’abîme d’un matériau dit de construction. Sa manière d’achever une œuvre, donne un sentiment d’un work in progress permanent, car il y incarne éventuellement la possibilité de passer à la suivante. Chaque œuvre est, toutefois, unique et chaque passage semble nécessaire et suffisant pour que l’harmonie opère sans prédisposition. La ligne se tend et les domaines de plâtre virginal accueillent les aplats de peinture, accusent clous et vis et acceptent sereins les aléas de la sublimation. L’artiste préserve aussi bien la matière que la trace de sa moindre manipulation. L’œuvre en raconte, alors, la représentation qu’elle est, l’impression qu’elle donne et l’histoire de son 1. Projet de Maîtrise à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Tunis, 2002.

accomplissement, par l’artiste qui se produit dans et du chaos. L’œuvre « Monfleury » d’Oussema, est comme un réarrangement lascif et spéculatif de son quotidien. Elle se résume à des compositions métaphoriques, une minutie notable, de l’abstraction et tout le plaisir qu’un tissage de relief puisse procurer, tant à son auteur qu’à son contemplateur. L’artiste neutralise son intimité idéologique, subtilement sentie dans ses choix d’ingrédients pour la création, par un raisonnement sériel qui ramène aussi sa production à sa nature d’œuvre d’art. Les pièces de l’exposition sont aussi isolées que solidaires. Elles portent en elles l’intention de l’accrochage. Oussema Troudi, en recourant aux objets usuels de quincaillerie qui se rapportent aux coulisses de l’œuvre d’art finie, ne désacralise pas la création autant qu’il bénit sa gestation et sa digestion. Sa production se révèle, par conséquent, comme une sonde qui vient mettre à flot l’origine de son intention et toute sa propension à impliquer le réel dans sa démarche. Qu’il y est du hasard, dans sa pratique artistique, cela ne travestit point sa préméditation. Il arrive, d’ailleurs souvent, que le dessillement se fasse lors d’un déraillement ou d’une divagation dans le maniement de l’idée ou de la matière. Dans sa résolution pour les titres des tableaux, l’artiste continue à assujettir sa pensée intérieure à la distanciation formelle qui l’inscrit dans un travail qu’il appelle « Monfleury». Les œuvres prennent donc comme titres des noms de villes de Tunisie, et s’offrent par conséquent à l’ultime degré de lecture : la mémorisation. Gafsa n’est pas venue à l’esprit de l’artiste comme le nom qui relèverait le goût de l’œuvre qui le porte maintenant. Gafsa était déjà dans l’autosuffisance qui marque ce travail. Bizerte aussi, était dans son sel, Sousse dans ses bords, Sidi Bouzid dans son intégralité, et j’en passe. Les fissures dans le plâtre d’Oussema sont des rides d’expression, qui valent pour l’œuvre ce que pour le visage vaut le rire. Les couleurs dans « Monfleury » ouvrent le bal à l’intérieur, les vis marquent le temps et les fils maintiennent la route à l’éternel voyageur.

Asma Ghiloufi plasticienne, chercheur en design


Tunis 1, technique mixte sur plâtre, 120x60cm, 2016.

Tunis 2, technique mixte sur plâtre, 120x60cm, 2016.


l’artiste remercie Saloua Mestiri Mohamed-Ali Berhouma Asma Ghiloufi Mohamed Nejib Mnasser Slimen Elkamel Amina Saoudi Esmahen Ben Moussa Amira Turki Selim Ben Cheikh Asma Kouraïchi et VP Meubles

Parcours

Né en 1980 à Tunis. Formé au Lycée Pilote des Arts de Tunis (1994-1998) et à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Tunis (1998-2005). Expose régulièrement à Tunis à partir de 2006. Représenté en 2015-2016 par Ghaya Gallery.

EXPOSITIONS EN SOLO : 2014 : Inaugurales, galerie A.Gorgi, Sidi Bou Saïd, Tunis.

2012 : Centenaire Mahmoud Messaadi, 2012, Galerie de l’Information, Tunis.

2012 : 314m3, Espace d’Art Mille Feuilles, La Marsa, Tunis.

2006 à 2012 : Printemps des Arts, Palais El Ebdeleya, La Marsa, Tunis.

2011 : Asymptotes, Galerie de la Bibliothèque Nationale de Tunisie, Tunis.

2009 à 2012 : Esmaani, Palais El Ebdeleya, La Marsa, Tunis. 2008 : FEST, Kanvas Art Gallery, La Soukra, Tunis.

2009 : Racine de U, Kanvas Art Gallery, La Soukra, Tunis. EXPOSITIONS COLLECTIVES : EXPOSITIONS EN DUO ET EN GROUPE : 2011 : Hymne à …, Galerie Artyshow, La Marsa. (en duo avec Ahmed Maammar)

2015 : Collection Blanche, Espace Fella, Médina de Hammamet, Nabeul. 2015 : A dire d’Elles, Bibliothèque Nationale de Tunisie, Tunis.

2010 : Epreuve d’Artiste, Espace d’Art Mille Feuilles, La Marsa, Tunis. (avec les graveurs de l’ISBAN).

2014 : Autoportraits, Ghaya Gallery, Tunis.

2010 : Exposition de groupe, Musée Municipal de Sidi Bou Saïd, Tunis.

2013 : Hands, Galerie Hope Contemporary, Tunis.

2013 : Mask, Galerie Hope Contemporary, Tunis.

2009 : Yin & Yang, Black & White, Atrium Gallery, Carthage.

2013 : Hopening, Galerie Hope Contemporary, Tunis.

2008 : Préludes, Galerie Artyshow, La Marsa. (avec Haïthem Jemaïel, Rabaa Skik, Khalil Ben Abdallah, Ali Tnani, Rania Werda).

2012 : A dire d’Elles, Bibliothèque Nationale de Tunisie, Tunis.

2006 : Disparates Horizontales, Galerie Aire Libre, El Mechtel, Tunis. (avec Haïthem Jemaïel et Leila Baccouche).

2012 : Présences, Galerie Ammar Farhat, Tunis. 2012 : 2012, Kanvas Art Gallery, La Soukra, Tunis. 2011 : Votez !, Espace d’Art Mille Feuilles, La Marsa, Tunis. 2011 : 2011 extraits, Bibliothèque Nationale de Tunisie, Tunis. 2010 : Love in Peace, Galerie El Borj, La Soukra, Tunis. 2010 : Automnale, Galerie El Borj, La Soukra, Tunis.

FOIRES ET MANIFESTATIONS :

2010 : Fictions d’artistes, Kanvas Art Gallery, La Soukra, Tunis.

2015 : Jaw Tunis : Réminiscences, Talan, Tunis.

2010 : Collection, Kanvas Art Gallery, La Soukra, Tunis.

2014 : Jaw Tunis : Circumambulation, Talan, Tunis.

2010 : L’Expo Blanche, El Teatro-Aire Libre, Le Belvédère, Tunis.

2013 : De colline en colline, Sidi Bou Saïd, Takrouna et Chenini.

2009 : Ouverture, El Teatro-Aire Libre, Le Belvédère, Tunis.

2012 : Carthage Contemporary,Tunis Transes, Galerie Le Violon Bleu, Sidi Bou Saïd. (en trio avec Selima Karoui et Moataz Nasr).

2008 : Le Burlesque, Kanvas Art Gallery, La Soukra, Tunis.

2012 : Carthage Contemporary,Tunis Dessins, Galerie Ammar Farhat, Sidi Bou Saïd. (exposition collective).

2008 : Nouvelles Approches, Kanvas Art Gallery, La Soukra.

2012 : Printemps des Arts Fair Tunis 2012, Palais El Ebdeleya, La Marsa – Stand de la galerie Ammar Farhat.

1997 : Parcours, Musée de Carthage, avec les élèves du Lycée Pilote des Arts de Tunis.

2008 : Autres Approches, Kanvas Art Gallery, La Soukra. 2008 : Photoforum, Galerie Aire Libre, El Mechtel, Tunis.


16 place de la gare - 2026 - Sidi Bou SaĂŻd TĂŠl. : +216 71 741 800 contact@ghayagallery.com www.ghayagallery.com

Conception : Ghaya gallery Impression :


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