Epreuve d'artiste

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Epreuve d’Artiste

I S B A N



L’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Nabeul organise pour ses étudiants et enseignants chercheurs

une exposition de gravures

Epreuve d’Artiste

Nabil Saouabi O u s s e m a Tr o u d i Dalel Jenhani Neira Bouzid Mouna Sioud Ahlem Lajili Afef Nasraoui Ameni Amira Dhekra Hydri Houda B.Abdallah Raja Sekri Sami Afi Espace d’Art Mille Feuilles Janvier 2010



Epissures des temps Espaces Machines d’ima ges

L ’I n s t i tut Supérieur des Beaux-Arts de Nabeul organise, pour la première fois depuis sa création, une exposition de travaux de gravure, travaux d’étudiants accompagnés par les t r a v a u x des enseignants-chercheurs. L e s e nseignants-chercheurs et les étudiants de l’ISBAN ont déjà participé à des présent a t i o n s de travaux photographiques et de produits audiovisuels. Je me permets de penser que cela peut être une manière de répondre à une configuration, d a n s l e temps et dan s l’espace, qui en relève les spécificités. D e q uel

espace avons-nous besoin pour voir, et pour faire venir des choses ? L e b e soin d’espace se fait-il pressant et spécifique quand il est question de création ? D a n s l e champ de la création la question de l’espace s’annonce être centrale quand la m a c h i ne se pose de manière à faire système et devenir l’axe d’une circumnavigation. Dans cette option, la pensée de l’espace est architecturale, et de manière aussi n é c e s saire : é-labora toire, ou élabora-toire. Dans la gestion de l’espace utile, nous apprenons que les marges constituent des territoires i n f i n i m ent plus étendus sur lesquels cheminent d’innombrables nouvelles possibilités. D a n s l es projets artis tiques, nous apprenons que la concrétude du monde vient dans la l i s i b i l i t é des conduites de mondélisation du monde. L e d é sir et la lisibilité permettent, dans une certain e mesure, de définir les termes d’une r a t i o n alité mise à l’épreuve du subjectif, mais également les termes du subjectif mis à l ’ é p r e uve de l’effectivité de son rapport au monde. I l e s t peut être question, et de manière indéfiniment itérative, de l’accomplissement de l ’ h o m me. Etre prothétique, l’homme ajoute les appareils à sa vie domestique et sociale pour rester dans le contexte de l’actualité technique et cybernétique. Ce sont des prothèses d é c i s i ves pour sa vie et son devenir. Depuis Prométhée, les artistes aiment à rejouer le t h é â t r e du don absolu, total et injustifié selon le mythe. D a n s l es instances marginales et topologiques de la création, les artistes s’adonnent à se doter de prothèses et à les présenter à leurs publics, comme autant de configurations du m o n d e. Il se trouve que dans le mythe l’«homme est un défaut d’être», venu «homme» avant d’avoir reçu toutes ses qualités, néoténie fabuleuse puisque la naissance prématurée d e l ’ h omme le lègue à la « machine » du monde, couveuse matricielle qui lie immanqua b l e m e nt son devenir au savoir et à la technique. M a i s cela peut être, aussi, compris comme grammatisation, où il n’est pas question s e u l e ment de l’écriture mais avant tout de la sémiotisation des lieux : les dispositifs d ’ e n s eignement et ceux de l’instauration.

C e p e ndant l’acte d’un discours pédagogique, en passant dans la qualité du visible, de la

parole et de leur matière, concentre en soi tout le travail de l’analogon dans les mouvements d’approche qui combinent les gestes et les attitudes. L’intimité épistémique qui, même si e l l e n ’ existe pas de droit, existe de fait, représente la qualité du discours pédagogique e t e n même temps sa fragilité. C’est ce qui permet de parler de la situation du sujet et d e s o n geste, de son regard et de son objet, dans la situation de la conduite plastique. P a r l e r de cela dans la tension de l’analogon, et il s’agit bien de tension du moment que les mouvements d’approche maintiennent le sujet «auprès» du monde, «tout près», «à coté» o u « d ans le voisinage» du monde, sans la prétention - ni le désir d’ailleurs - à une fusion d a n s l ’objectivité du monde, pour la raison logique première et évidente posée par le s t a t u t même de l’objectif : parler de cela dans la signifiance des dispositifs pédagogiques c ’ e s t opter pour une pédagogie déclarative. Dans certaines situations où l’enjeu est de concevoir ou de construire un espace d’ «enseignement», s u r t o u t un atelier, le concept peut s’engager dans deux voies différentes, conduisant à d e s a r chitectures divergentes.


L’ e n j e u du déplacement, lorsqu’il s’agit de regarder l’espace, de le comprendre et de le t r a v a i l l er, est qu’il décale la rhétorique de son statut de stratégie théorique féodalisante, e t l a p ose dans le processus de la mise en perspective, dans l’espace même de la médiation. L a s i t u ation d’un « no n encore » de l’espace est sûrement la situation la plus paradoxale p o u r l ’ architectonique d’un projet pour lequel l’espa ce est l’organe de sa respiration. Il ne s ’ a g i t pas de considérations de nature psychologique qui peuvent tabler sur le bien-être a m é n agé selon les lois du design. D a n s l es situations d’urgence se créée une sorte d’écart, lequel peut être explicitement c o n s e nti comme une solution. Un autre aspect de l’écart est visible dans la part mana g é r i a l e du ‘’chantier ’’ d’instauration, dont la réalité ne s’épuise pas dans l’aménagement m a t é r i el des espaces, car cet écart flexibilise une part du projet et tend à dépeindre sous d e s t r aits héroïques les actions qui permettent d’obtenir des résultats avec une parci m o n i e de moyens, des faits de « bricolage » auxquels le génie local a recours dans les s i t u a t i ons rebelles de vant lesquelles l’intelligence technicienne démissionne. L o r s q u’il s’agit de donner un espace propre à partir d’un espace emprunté, la question d e s p aradigmes se pose, dans la mesure où l’indécidable concerne l’équation aporétique d u « p ourcentage » de différence positive à produire dans le rapport au schéma juridique c e n t r a l.

L ’ e n s eignement

des arts plastiques dans les nouvelles écoles fondées en régions se t r o u v a i t confronté à un déplacement objectif qui in augurait, obligatoirement, un proces s u s g énérique. La nécessité fonctionnelle spécifique nous amenait à retenir des concepts m o t e u rs présidant à l’enseignement des arts plastiques, mais nous conduisait en même t e m p s à les moduler, à les repenser dans leur propre compétence hétérogénéisante. Il é t a i t n écessaire d’opérer une confrontation en profondeur des processus cognitifs qui i m p o s ent au champ un ordonnancement contraignant, d’instrumenter cette confrontation d a n s l ’approche de l’ensemble des principes et des préalables à l’intelligibilité et à la c o n d u ite créatrice.

U n p ossible s’ouvra it à la volonté d’actualiser les méthodes, de repenser les didac t i q u e s , et, dans ces conditions, l’ouverture pouvait devenir instauration, non réitérative d ’ u n e structure « mère » ou paradigmatique. L’ouverture du possible coïncidait avec l ’ é c l o s ion d’un espace de transaction dans l’espacement duquel l’analogon du passage é v i t a i t la cristallisation des paradigmes en noesis syncrétique et trouvait l’accès vers les f i g u r e s d’une dianoïa porteuse du courage de la dichotomie critique. L a z o ne d’indécidabilité, entre le constitutionnel et l’institutionnel, se présentait comme u n « e space-chantier », et fonctionnait comme telle dans la réalité des lieux confrontés à l e u r s f onctions. Dans la situation de création de nouveaux espaces pour une institution d ’ e n s eignement universitaire artistique la question, concrètement et géographiquement, s e p o se presque immanquablement en termes d’aménagement d’un espace à l’origine d e s t i n é à d’autres fonctions. D a n s l e temps de l’aménagement de l’espace temps et espace se prennent réciproq u e m ent en charge, se sédimentent pour constituer des quantum flottants, vu que l ’ a r c h i t ecture aléatoire ne permet pas l’installation définitive d’espaces appropriés aux f o n c t i onnements spécifiques des enseignements. P a r m i les fonctionnements spécifiques : la gravure, la photographie, la vidéo. , spécif i q u e s en tant que la machine intègre de manière centrale le processus poïétique. M i c h e l Roux pose la question d’« Habiter le monde en poète » comme une qualité de l ’ h a b i t er, dans un espacement entre systémique et management de la diversité, espace m e n t qui va devoir réfléchir le fonctionnement de l’espace comme une qualité histori s a n t e . Habiter le monde sera pris de manière privilégiée dans le sens d’un marquage du l i e u , o u du territoire, marquage désigné comme « opération au sein d’un territoire » qui d é f i n i t le « mode d’emploi », ce qui selon Michel Roux exprime le principe de l’autonomie, e t q u i ne doit être confondu ni avec l’autarcie ni avec l’indépendance. C e q u i , dans l’instauration inaugurante de l’espace pédagogique de la création, peut être


d é s i g n é par les paradigmes en syntagmes n’est pas envisageable dans une vision indif f é r e n t e, ou même partiellement indifférente à leur nature jurisprudentielle. L a c o nfiguration des lieux non-lieu a été pendant un moment comme un commencement p o u r l e fonctionnement d’une institution, un espace vide, libre. L a m i se en place avait déjà fait appel, dès le départ, à une réalité de l’inadéquat, l ’ i n a d é quat pouvant être pris dans le sens esthétique ou poïétique, mais également dans l e s e n s de l’écart objectif de ce qui a besoin d’un aménagement fonctionnel. L e s l i eux non-lieu avaient, de fait, opéré un déplacement des paradigmes. L’ a p p r opriation du lieu s’est faite dans un vrai commencement, dans un avant, dans u n t e mps qui a devancé l’installation de l’espace dans sa fonction pédagogique. Ce t e m p s de l’avant a donné le temps à la parole. Le vide de l’espace a permis, même de f a ç o n détournée, ou obligatoire, l’introduction de l’espace de l’atelier par le temps de s a p r é sentation. Les choses n’avaient pas commencé de manière « académique », et c e c o mmencement n’a pas été présenté, ni vécu, comme un mauvais fonctionnement d e s c hoses, ou comme un fonctionnement de circonstance. C’était un commencement p o s s i b le, un important déplacement de la norme qui ne pouvait pas s’annuler dans son a n t i t h èse en tant que temps perdu. L e t e mps d’avant n’était pas un temps perdu mais, peut-être, un temps récupéré sur la l a t e n c e et le retard, qui opérait l’inscription de l’attente dans une temporalité autonome.

A ussi

importante que cette pensée architectonique, une autre pensée à laquelle je r e v i e n s celle de la nécessaire grammatisation du processus des « épissures » entre les d i f f é r e nts dispositifs : le dispositif pédagogique, le dispositif de la plasticité, le dispositif d e s t e chniques et machines de l’« artisanat machinique de la création ». C h e z Bernard Stiegler, la grammatisation désigne plus généralement le passage d’un c o n t i n u temporel à un discret spatial, une forme fondamentale de l’extériorisation des flux d a n s ce qu’il nomme les « rétentions tertiaires » exportées dans nos machines, nos appa r e i l s , l a « grammatisation englobe alors aussi bien cette « machine à écrire monumentale » q u ’ é tait la cité grecque que la révolution machinique de l’ère industrielle qui engramma l e g e s te humain ». (Selon les mots de Marcel Détienne) M a r c Williams DEBONO dans « L’ère des plasticiens », (Ed. AUBIN 1996) écrit : « … l a t héorie de la plasticité, telle que je la conçois, loin de ne signifier qu’une esthét i q u e f onctionnelle, devrait avoir un rôle prégnant dans l’évolution, puisqu’il ne s’agit p l u s d e raisonner en terme d’adaptation, mais de devenir plastique d’une espèce, d’une m a t i è r e, d’une forme par rapport à la mémoire de sa propre configuration structurelle. Il d e v i e n t donc impérieux d’adopter une attitude de recherche nouvelle, où l’interactivité d e s s ystèmes de codes puisse s’exprimer, et où la plastique, qui tend à renaître en O c c i d ent, apparaisse avec sa logique dynamique propre. Dans ce but, il faudra réunir d e u x conditions: tout d’abord que la science défriche cette métaplasticité universelle, e n s u i t e qu’une éducation sémantique inspirée des percepts poétiques, une plastique d e s m ots, accompagne nécessairement cette refonte de perspectives. C’est à ce prix q u e ( …) la reconnaissance d’une aire commune du langage entre le poète et l’homme de s c i e n ce, ou la nature temporelle de la conscience imaginale (liée à l’acte de création ou d ’ i n d i v iduation), pourront s’imposer.” L e t r a vail d’épissure s’avère ainsi stratégiquement , plastiquement et cognitivement im p o r t a n t, important au ssi dans la mesure où il prescrit une approche et un artisanat se f o n d a nt sur un principe –monde, ce qui a fait dire à Aristote que l’homme est être gram m a t i q u e c’est-à-dire du déplacement comme fonction de signification.

L ’ e x p osition

des gravures produites à L’ISBAN est, à mon sens, significative à plus d ’ u n t i tre de toutes les poésies rendues au regard par la fréquentation d’un territoire dit m a r g i n al, par le non-renoncement au jardin, par la double conversion du regard qui ne c o m p orte aucun déni de l’imprévisible.

Hayet T l i l i


Nabil Saouabi “Le Colosse” Aquatinte, 24,5 x 32 cm

2009

(ci-contre) Dalel Jenhani “Ce que la gravure me dit” Pointe sèche et manière noire, 100 x 80 cm 2008

Oussema Troudi “Epreuve d’Etat” (détail) Pointe sèche, 24,5 x 32 cm 2010



Neira Bouzid “Effet-Mer” Monotype, 65 x 50 cm

2008


Mouna Sioud “Luffa” Technique mixte, 70 x 50 cm 2009


Ahlem Lajili (sans titre) Aquatinte, 15 x 30 cm 2008


Afef Nasraoui “Archéologie” Sérigraphie, 65 x 50 cm 2008


Raja Sekri “Nature Morte” Aquatinte, 12 x 12 cm

2008

Amani Amira “Matière, lignes et surfaces” Acide Direct, 50 x 50 cm 2008

Raja Sekri “Nature Morte” Eau forte, 12 x 12 cm 2008


Dhekra Hydri “L’Atelier” Héliogravure, 13 x 09 cm 2008

(ci-dessous) Houda Ben Abdallah “Paysage” Monotype, 30 x 25 cm 2008



textes Hayet Tlili Amor Ghedamsi photographies Oussema Troudi conception Nabil Saouabi Oussema Troudi édition Les Imprimeries R é u n i e s Tu n i s - Tu n i s i e Janvier 2010 couverture Mouna Sioud “Luffa”, 2009 Remerciements Myriam Aouni Wassim Abdellatif Khalil Ben Abdallah


L’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Nabeul organise pour ses étudiants et enseignants chercheurs

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Nabil Saouabi O u s s e m a Tr o u d i Dalel Jenhani Neira Bouzid Mouna Sioud Ahlem Lajili Afef Nasraoui Ameni Amira Dhekra Hydri Houda B.Abdallah Raja Sekri Espace d’Art Mille Feuilles Janvier 2010



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