Vicente Arias

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Vincente Arias 1833 - 1914

Le luthier oublié The Forgotten Luthier

C A M I N O

V E R D E


Direction éditoriale / Direction: Alberto Martinez, Clémentine Jouffroy Direction artistique / Art director: Hervé Ollitraut-Bernard Traduction / Translation (FR/EN): Meegan Davis Correction / Proofreading (FR): Bernard D’Attoma ISBN 979-10-90267-56-5 © 2021 Camino Verde 80-82, rue du Chemin-Vert 75011 Paris – France www.caminoverde.com En application des articles L. 122‑10 à L. 122‑12 du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction à usage collectif par photocopie, intégra­lement ou partiellement, du présent ouvrage est interdite sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC, 20, rue des Grands‑Augustins, 75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intégrale ou partielle, est également interdite sans autorisation de l’éditeur. All rights reserved. No part of this book, including interior design, cover design, and/or icons, may be reproduced, stored in a retrieval system or transmitted in any form, by any means (electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise) without prior written permission from the publisher Camino Verde.


Vicente Arias 1833 - 1914

Le luthier oublié The Forgotten Luthier


Rédacteurs Contributors

Tobias Braun – En 1983, il fabrique sa première guitare classique et un an plus tard, il suit les cours de construction de guitares de José Luis Romanillos, « apprenant en trois semaines ce que la plupart des gens mettent trois ans à apprendre. » Beaucoup de ses modèles sont inspirés des maîtres espagnols tels que Santos Hernández et Manuel Ramírez. Depuis 1998, il vit et travaille à Gaaden près de Vienne, en Autriche. Karel Dedain – Il vit et travaille à Gand en Belgique et il est luthier professionnel depuis 2006. Les techniques de construction qu’il utilise sont celles des anciens maîtres espagnols combinées avec des méthodes modernes. En plus de ses propres modèles, il réalise des répliques de guitares de luthiers célèbres tels que Torres, García, Arias ou Esteso. Il enseigne la lutherie de guitare classique au CMB de Puurs en Belgique. Siegfried Hogenmüller – Historien et collectionneur passionné de guitare classique, il est tombé amoureux des guitares Arias dans les années 70 et a écrit plusieurs articles et donné de nombreuses conférences sur Arias depuis lors. Il a été à l’origine de ce livre et notre soutien permanent.

Tobias Braun – In 1983 he made his first classical guitar and a year later attended José Luis Romanillos’ guitar-making course, “learning in those three weeks what most people take three years to learn.” Many of his models are inspired by the Spanish masters, such as Santos Hernández and Manuel Ramírez. Since 1998, he has been living and working in Gaaden, near Vienna, in Austria. Karel Dedain – He lives and works in Ghent, Belgium and has been a professional guitarmaker since 2006. The construction techniques that he uses are those of the old Spanish masters combined with modern methods. In addition to his own models, he makes replicas of guitars by famous luthiers, such as Torres, García, Arias and Esteso. He teaches classical guitar lutherie at Belgium’s famous CMB, in Puurs. Siegfried Hogenmüller – He is a passionate classical guitar historian and collector. He fell in love with Arias guitars in the seventies and has written many articles and lectured extensively on Arias since then. He was the initiator of this book and has been our steadfast support.

Alberto Martinez – Photographe, journaliste et chef de projet de ce livre, il est le créateur d’Orfeo Magazine, revue consacrée à la guitare classique et ses luthiers, qu’il publie depuis 2013.

Alberto Martinez – Photographer, journalist and project manager of this book. He is the founder of Orfeo Magazine, a magazine devoted to classical guitar and its luthiers, which he has been publishing since 2013.

Gerhard Oldiges – Après son apprentissage de luthier, il a travaillé chez un fabricant de guitares allemand. En 1989, après son examen de maîtrise, il ouvre son propre atelier. Il participe à plusieurs stages de lutherie de guitare donnés par José Luis Romanillos, ce qu’il continuera à faire pendant une dizaine d’années en Espagne. Julian Bream faisait partie de ses clients. Il vit et travaille près de Marburg, en Allemagne.

Gerhard Oldiges – After his apprenticeship as guitar-maker he worked as a journeyman for a German guitar manufacturer. In 1989, after the mastership examination, he opened his own workshop and took part in several guitar-making courses given by José Luis Romanillos. For about ten years he then assisted the Romanillos courses in Spain. Among his customers was the late Julian Bream. He lives and works near Marburg in Germany.

Les luthiers Vincent Dubès, Lorenzo Frignani, Gabriele Lodi, Bernhard Kresse et John Ray ont également contribué à cet ouvrage.

The luthiers Vincent Dubès, Lorenzo Frignani, Gabriele Lodi, Bernhard Kresse and John Ray, also contributed to this book.


Sommaire Contents

Préface / Preface

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Ce que nous savons de Vicente Arias / What we know about Vicente Arias

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1

Citations dans les livres et journaux / Quotes in books and newspapers

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Dis-moi qui tu fréquentes… / Tell me who your friends are…

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3

Ciudad Real entre 1850 et 1900 / Ciudad Real between 1850 and 1900

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4

Installation à Madrid / The move to Madrid

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5

Les luthiers madrilènes de cette époque / The luthiers in Madrid at the time

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6

Arias vu par les luthiers d’aujourd’hui / Arias as seen by today’s luthiers

36

7

Témoignages de restauration / In the eyes of restorers

86

8

Plans de Karel Dedain / Karel Dedain’s plans

9

Ma première Arias / My first Arias

110

10

La bandurria / The bandurria

112

11

Les étiquettes / The labels

118

12

Médailles et diplômes / Medals and diplomas

122

13

Le mystère du résonateur Terraza / The mystery of the Terraza resonator

126

14

Points de vue de guitaristes / Guitarists’ point of view

138

15

Portfolio / Portfolio

144

Plan d’une guitare Arias en taille réelle à la fin de ce livre / Life-size plan of an Arias guitar included at the end of this book

100



Préface Preface

Q

ui a appris à Vicente Arias le travail du bois ? Quand et pourquoi a-t-il commencé à faire des

guitares ? Combien d’instruments a-t-il faits ? D’où vient l’inspiration de ses rosaces ? Quelle était sa relation avec Francisco Tárrega ? Connaissait-il Antonio de Torres, qui était de seize ans son aîné ? Pourquoi a-t-il quitté sa ville, Ciudad Real, à 67 ans pour s’installer à Madrid ? Nous n’avons pas de réponses à toutes ces questions, nous avons seulement quelques informations trouvées dans la presse locale de l’époque ou dans les livres écrits ultérieurement. À partir de ces maigres indices, nous vous invitons à nous accompagner dans nos recherches pour en savoir un peu plus sur la vie et le travail de cet admirable luthier, en suivant ses traces dans la presse, dans les livres, par ses amis, les guitaristes, et ses guitares elles-mêmes. Dans ce voyage commencé à l’initiative de Siegfried Hogenmüller, nous serons accompagnés par trois luthiers : Tobias Braun, Karel Dedain et Gerhard Oldiges. Nous avons peu de certitudes, il reste encore beaucoup de zones d’ombre… Alberto Martinez

W

ho taught Vicente Arias woodworking? When and why did he start making guitars?

How many instruments did he make? What was the inspiration for his rosettes? What was his relationship with Francisco Tárrega? Did he ever meet Antonio de Torres, who was sixteen years his senior? Why, at 67 years of age, did he leave Ciudad Real, his home town, to settle in Madrid? We don’t have the answers to all of these questions; we only have snippets of information found in the local press from that time or in books written later. Using these meagre clues as our starting point, we invite you to accompany us in our research, to try to learn a little more about the life and work of this admirable luthier, by following the traces that he left in the press, through books, his friends, guitarists and through his guitars themselves. On this journey, started upon the initiative of Siegfried Hogenmüller, we will be joined by three luthiers, Tobias Braun, Karel Dedain and Gerhard Oldiges. We have few certainties to go by; much remains in the shadows… Alberto Martinez

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Portrait de Vicente Arias publié dans Vida Manchega le 29 janvier 1914. Portrait of Vicente Arias published in Vida Manchega on 29 January, 1914.


Ce que nous savons de Vicente Arias What we know about Vicente Arias

V

icente Arias semble être le secret le mieux gardé de la lutherie.

Jusqu’à tout récemment, la seule chose avérée dans le milieu de la guitare, était qu’il devait y avoir

un autre excellent luthier contemporain du célèbre Andalou Antonio de Torres. L’intérêt pour le travail exceptionnel de Vicente Arias n’était partagé que par quelques historiens et aficionados de la guitare. Depuis quelques années, un certain nombre de ses instruments aux qualités incroyables sont réapparus et l’intérêt pour ce luthier s’est considérablement accru. L’exposition Incontri con la chitarra – Vicente Arias, organisée par Stefano Grondona à Vicenza en 2005, a grandement participé à sortir ce luthier de l’oubli. Vicente Arias est de plus en plus considéré comme un artiste de haut niveau mais on ignore presque tout de sa vie. Nous n’avons aujourd’hui qu’une seule photographie de lui et la recherche dans les archives est très frustrante car de nombreux documents ont été détruits pendant la guerre civile espagnole (1936-1939). C’est une fois de plus José Luis Romanillos, le grand historien de la guitare espagnole, qui nous livre certaines dates clés de la vie de Vicente Arias dans son dictionnaire The Vihuela de Mano and The Spanish Guitar (Guijosa 2002). Comme il existe peu de témoignages de première main disponibles sur Vicente Arias, il nous faut rechercher d’autres sources d’information par le biais de luthiers, de guitaristes et des instruments eux-mêmes. Les textes suivants explorent ces chemins. Siegfried Hogenmüller

V

icente Arias must be lutherie’s best-kept secret.

For the longest time, the only thing that the guitar world knew was that there must have been

another excellent luthier, a contemporary of the famous Andalusian Antonio de Torres. Interest in Vicente Arias’ exceptional work had only been shared by a few historians and guitar “aficionados”. In recent years, however, a number of Arias instruments of incredible quality have reappeared and interest in this luthier has grown considerably. The exhibition Incontri con la chitarra – Vicente Arias, organized by Stefano Grondona in Vicenza in 2005, did much to rescue this luthier from oblivion. Vicente Arias is increasingly considered a high-level artist, but little is known about his life. There is only one known photograph of him in existence today, and archive searches are very frustrating because many documents were destroyed during the Spanish Civil War (1936-1939). Once again, it is José Luis Romanillos – prodigious historian of the Spanish guitar – who provides us with some of the key dates of Vicente Arias’ life in his dictionary The Vihuela de Mano and the Spanish Guitar (Guijosa, 2002). As there are very few first-hand accounts available on Vicente Arias, we need to investigate other sources of information: through luthiers, through guitarists and through the instruments themselves. The following texts explore these paths. Siegfried Hogenmüller 9


1

Citations dans les livres et journaux Quotes in books and newspapers

N

ous connaissons peu de choses sur la vie et l’activité de Vicente Arias. En dehors de la lettre manuscrite conservée par la famille Ramírez, l’essentiel des informations provient des journaux, revues et annuaires conservés dans les archives de la Biblioteca Nacional de España. La Iberia, quotidien libéral. Madrid, 6 octobre 1890 Exposition de la Société Scientifique Européenne. «… L’exposition est installée dans un théâtre, joliment décoré avec des écussons, des drapeaux et des plantes. Sur la scène, on voit les remarquables œuvres publiées par le graveur Sr. Mateu ; les fleurs artificielles de Ortolaza ; une guitare artistique de Vicente Arias de Ciudad Real, une armoire photographique de Ruiz Colón… »

Les journaux de l’époque d’Arias ont été une formidable source d’information. The newspapers of Arias’ day: a tremendous source of information.

Malheureusement, la lettre adressée à Ramírez n’est pas datée et la deuxième page est perdue.

10

The letter to Ramírez is unfortunately undated and the second page is missing.

Lettre envoyée par Vicente Arias à José Ramírez, Ciudad Real 20 mars 189? « Cher ami, j’espère que vous vous portez bien ainsi que votre femme et vos enfants. Je ne vais pas bien ; la première nuit du carnaval, je suis tombé et je me suis luxé la main gauche. J’ai passé un mauvais moment, mais maintenant je vais mieux et je travaille déjà un peu. Je me suis engagé à faire trois guitares pour un Anglais qui voudrait les avoir avec des bouches en nacre. Comme je ne veux pas le faire, je me suis souvenu que vous aviez des tables avec incrustations de nacre, ou peutêtre même récupérées de certaines guitares. J’aurais aimé que vous m’en envoyiez trois, soit des bouches seules, soit des tables complètes, après vous les avoir payées. Si vous ne pouviez pas me les envoyer, je lui dirais que je ne le ferai pas, mais aujourd’hui on doit souvent faire ce que l’on ne veut pas… » Anuario del Comercio y de la Industria, (BaillyBaillière e Hijos). Madrid 1899 Dans les pages de l’annuaire consacrées à Ciudad Real (page 1242), on trouve le nom de Vicente Arias à deux reprises :

T

here is little information about the life and activity of Vicente Arias. Apart from the handwritten letter kept by the Ramírez family, the rest of the information comes from newspapers, magazines and yearbooks kept in the archives of the Biblioteca Nacional de España. La Iberia, a liberal daily. Madrid, 6 October 1890 Exhibition of the European Scientific Society. “… The exhibition is housed in a theatre, sumptuously decorated with crests, flags and plants. On the stage we see the remarkable work of engraver Mr Mateu, artificial flowers by Ortolaza, an artistic guitar by Vicente Arias from Ciudad Real, a photographic cabinet by Ruiz Colón…” Letter by Vicente Arias sent to José Ramírez. Ciudad Real, 20 March, 189? “Dear friend, I hope that you are well, and your wife and children, too. I am not well; the first night of carnival, I fell and injured my left hand. It gave me a lot of trouble, but now I’m better and I’m already working a bit. I have undertaken to make three guitars for an Englishman who would like to have mother-of-pearl rosettes. I don’t want to do this, but I thought of you, since you had soundboards with mother-of-pearl inlays, or even salvaged from other guitars. I would be grateful if you could send me three, either single rosettes or complete tops, for which I would pay beforehand. If you are not able to send them to me, I shall tell him that I’ll not do it, although these days we often have to do things that we would rather not…” Anuario del Comercio y de la Industria, (Bailly-Baillière e Hijos). Madrid 1899 On page 1242, in the addresses of Ciudad Real, we find the name of Vicente Arias twice: as a cabinetmaker, domiciled in Calle Paloma 18 and as a guitar-maker, domiciled in Calle Paloma 14.


Les annuaires étaient les « pages jaunes » de l’époque. Directories were the “yellow pages” of the day.

comme ébéniste, domicilié calle Paloma 18 et comme constructeur de guitares, domicilié calle Paloma 14. El Progreso Industrial y Mercantil. Madrid, août 1907 Page 4 – « Le brillant M. Arias est suffisamment connu depuis des années comme constructeur d’instruments à cordes pour que nous tentions de faire son apologie. Sa modeste mais artistique vitrine contient à peine une douzaine d’instruments ; il les expose comme exemple de toutes les œuvres magnifiques qu’il a réalisées lui-même sans l’aide ou la coopération d’aucun assistant. De Ciudad Real, où il s’est fait connaître dans toute l’Espagne jusqu’à Madrid, sa résidence actuelle (Santa Isabel, 20), il est sollicité pour l’excellence de ses guitares, bandurrias et laúdes. Peuvent en témoigner la ville de Valence et les républiques américaines, pour qui les rares exemplaires sont réalisés aujourd’hui, vendus et exportés. Ni son âge, ni sa force physique ne lui permettent de fabriquer le nombre d’instruments qu’on lui demande. Le plus original chez M. Arias est son travail solitaire, car il n’a pas d’employé. De la découpe du bois jusqu’au dernier détail de ses instruments, tout, absolument tout, est fait par lui. Parmi les modèles qu’il expose, se trouve la guitare qu’il s’est faite. Selon les experts les plus compétents, c’est la plus aboutie qui soit connue. Qu’il suffise de dire qu’aujourd’hui que cet artisan n’a pas de rival pour ses instruments. » El Pueblo Manchego, quotidien d’information. Ciudad Real, 20 janvier 1914 « À l’âge avancé de 82 ans, son âme étant réconfortée par des aides spirituelles, le célèbre Manchego Don Vicente Arias est décédé à Madrid, beau-frère de la respectable Mme Feliciana Ruiz, veuve d’Arias, et oncle de nos chers amis la famille Antonino. Le défunt avait acquis une renommée mondiale comme constructeur d’instruments à cordes, art pour lequel il avait reçu d’innombrables médailles de différents pays et récemment à l’Exposition universelle de Paris. L’incomparable concertiste Tárrega disait qu’une bonne partie de son propre succès était due au

El Progreso Industrial y Mercantil. Madrid, August 1907 Page 4 – “The brilliant Mr Arias needs no introduction, as he has been well known as a maker of fine stringed instruments for many years. His modest but artistic window display contains barely a dozen instruments; he exhibits them as a reminder of his magnificent work, produced entirely by himself and without the help or aid of any assistant. From Ciudad Real, where he gained renown throughout Spain, to his current residence in Madrid (Calle Santa Isabel N° 20), he is in demand by reason of his excellent guitars, bandurrias and laúdes. The city of Valencia and the American republics, for whom today’s rare instruments are made, sold and exported, can certainly vouch for their calibre. He has neither the age nor physical strength to keep up with the demand for his instruments. What is most unusual about Mr Arias is his solitary work, as he has no employees. From the cutting of wood down to the last detail of his pieces, everything – absolutely everything – is done by his hand alone. Among the models he has placed on display is the guitar made for his own use which, according to top experts, is the most perfected guitar known. Suffice it to say that for his instru­ments, this craftsman has no rival alive today.” El Pueblo Manchego, daily newspaper. Ciudad Real, 20 January, 1914 “At the advanced age of 82 years, his soul being comforted spiritually, the renowned Manchego Don Vicente Arias has passed away in Madrid, brother-in-law of the respectable Mrs Feliciana Ruiz, widow of Arias, and uncle of our dear friends, the Antonino family. The deceased had gained worldwide fame as a builder of stringed instruments, an art for which he had received countless medals from different countries, including recently at the Universal Exposition in Paris. The incomparable concert guitarist Tárrega said that an important part of

Cet article est le seul qui nous ait donné des informations importantes sur l’activité d’Arias. This article is the only one offering us important information about Arias’ activity. 11


Citations dans les livres et journaux Quotes in books and newspapers

Le 20 mars 1914, l’annonce de sa mort est publiée dans un quotidien de Ciudad Real. On 20 March, 1914 the death notice was published in a Ciudad Real daily.

maestro Arias. Dans notre province, le défunt avait de nombreux amis et sa mort, quand elle sera connue, leur sera très douloureuse… »

his success was due to the maestro Arias. The deceased had many friends in our region and his death, once known, will bring them much sorrow…”

Vida Manchega, revue hebdomadaire. Ciudad Real, 29 janvier 1914 Page 3 – Photographie de Vicente Arias avec la légende : « Nos artistes. Don Vicente Fernández (?) Arias, remarquable ébéniste et célèbre constructeur de guitares, fournisseur des grands maîtres, décédé récemment à Madrid. » Page 6 – « Ailleurs dans ce numéro, on a publié le portrait de Don Vicente Arias, qui était très connu à Ciudad Real comme excellent musicien et habile luthier. M. Arias est décédé il y a quelques jours à Madrid, à un âge avancé, après avoir acquis une bonne réputation dans la spécialité que nous avons mentionnée. Les guitares que construisait le maestro étaient demandées par les meilleurs concertistes, au point que le célèbre Tárrega disait que c’était avec les instruments de M. Arias qu’il avait eu ses plus grands triomphes. Il connaissait bien tous les instruments à cordes et il accordait à la perfection les orgues et les pianos et était très sollicité pour cela. Avec la construction de ses guitares, il aurait pu bien gagner sa vie car nous savons que des entreprises lui offraient de grosses sommes pour se servir de son nom, mais le maestro, toujours honnête, rejeta de telles offres, se bornant à fabriquer les instruments de ses propres mains pour que personne ne soit trompé. Que ces lignes servent d’hommage à la mémoire de M. Arias et de condoléances à la famille distinguée du défunt, qui était l’oncle de l’épouse de notre cher directeur littéraire D. Isaac Antonino. »

Vida Manchega, weekly review. Ciudad Real, 29 January, 1914 Page 3 – A photograph of Vicente Arias with the caption: “Our artists. Don Vicente Fernández (?) Arias, remarkable cabinetmaker and famous guitar builder, supplier to the great masters, recently died in Madrid.” Page 6 – “Elsewhere in this issue we have published the portrait of Don Vicente Arias, who was widely known in Ciudad Real as an excellent musician and skilful luthier. Mr Arias passed away a few days ago in Madrid, at an advanced age, having gained a good reputation in the above-mentioned specialty. The guitars built by the maestro were in demand by top concert performers; even the famous Tárrega himself said that his greatest triumphs were with the instruments of Mr Arias. He was very familiar with all stringed instruments and he tuned organs and pianos to perfection, and was also in great demand for such work. With the construction of his guitars, he could have made more than a good living, as we know that companies offered him large sums of money to use his name, but the maestro, ever true to his trade, rejected such offers, focusing steadfastly on making his instruments with his own hands, lest anyone be deceived. May these words serve as an offering in memory of Mr Arias and as condolences to the distinguished family of the deceased, who was the uncle of the wife of our dear literary director, Don Isaac Antonino.”

Domingo Prat, Diccionario de Guitarristas (1934) « ARIAS, Vicente – Espagnol, remarquable constructeur de guitares. Ses instruments ont été faits, pour la plupart, dans un format légèrement plus petit que la guitare actuelle. Ils sont parmi les meilleurs construits dans la seconde moitié du xixe siècle. » Dans la Libreta de 1945, on lui attribue le surnom de « El Tango ».

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In the 1945 Libreta it is given the nickname “El Tango”.

Libreta Geográfica y Estadística de Ciudad Real (1945) « À la fin du siècle dernier, Ciudad Real avait un luthier remarquable, Vicente Arias, mieux connu sous le nom de « El Tango », qui dotait les instruments qui sortaient de ses

Domingo Prat, Diccionario de Guitarristas (1934) “ARIAS, Vicente – Spanish, remarkable guitar builder. His instruments were made, for the most part, in a format slightly smaller than the current guitar. They are among the best built in the second half of the 19th century.” Libreta Geográfica y Estadística de Ciudad Real (1945) “At the end of last century, Ciudad Real had a remarkable luthier: Vicente Arias, better known as ’El Tango’, who endowed his instruments


L’annonce du 29 mars dans l’hebdomadaire local comporte une erreur dans son nom. The March 29 announcement in the local weekly contained an error in his name.

mains d’un secret sonore inconnu qu’il n’a transmis à personne… »

with an unfathomable sound, a secret that he never passed on…”

Emilio Pujol, Tárrega, Ensayo biográfico (1960) « L’artiste en est venu à tellement s’identifier à son instrument qu’il semblait souffrir physiquement lorsqu’il en était privé. À ce propos, Don Vicente Arias, le célèbre luthier, nous a dit que dans les années 1878-1879, alors qu’il vivait à Ciudad Real, Tárrega lui avait fait construire une guitare spéciale de sa conception et de dimensions réduites, pour pouvoir la porter sous sa cape et lui permettre d’exercer discrètement la souplesse et la force de ses doigts. »

Emilio Pujol, Tárrega, Ensayo biográfico (1960) “… The artist came to identify so much with his instrument that he seemed to suffer physically when he was deprived of it. In this regard, Don Vicente Arias, the famous luthier, told us that in the years 1878-1879, while living in Ciudad Real, Tárrega had ordered a special guitar of his own design that was smaller in size so that he could transport it under his mantle and discreetly work on the flexibility and strength of his fingers.”

Enrico Allorto, La Chitarra (1990) « Les instruments de Torres (1917-1892) étaient utilisés par les plus grands musiciens de son temps. Ils ont influencé les plus grands luthiers, qui ont étudié ses instruments pour tenter d’en reproduire les qualités sonores. Vicente Arias (1833-1914), de Ciudad Real, était le seul fabricant contemporain de Torres à produire des guitares de même niveau. Son modèle ressemblait à celui du grand luthier, mais ses instruments étaient plus légers ; il a également utilisé le même type de barrage mais en variant le nombre de brins. »

Enrico Allorto, La Chitarra (1990) “The instruments of Torres (1917-1892) were used by the greatest musicians of his time. They in turn influenced the best luthiers, who studied his instruments in an attempt to reproduce their sound qualities. Vicente Arias (1833-1914), from Ciudad Real, was the only luthier of Torres’ contemporaries to produce guitars of the same calibre. Arias’ guitars resembled those of the master luthier, but his instruments were lighter; Arias also used the same type of bracing, but would vary the number of struts.”

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Citations dans les livres et journaux Quotes in books and newspapers

José Luis Romanillos & Marian Harris. La Vihuela de Mano and the Spanish Guitar (2002) « Vicente Arias Castellanos est né à Alcázar de San Juan, Ciudad Real, le 27 octobre 1833. Il était le fils de Juan Arias, meunier, et de Bernabea Castellanos… En 1851, il vivait avec ses parents à Plazuela de Dominicas, Ciudad Real. Il était l’aîné de leurs six enfants. En 1875, la veuve Bernabea Castellanos avait un bureau de tabac calle Arcos n° 12, dans la paroisse de San Pedro, Ciudad Real. En 1875, 1877 et 1880, Vicente Arias, ébéniste, vivait avec sa femme Ceferina Flores y Sánchez et une domestique calle Paloma n° 12. En 1898-1900, il apparaît dans les guides en tant que luthier calle Paloma n° 14. En 1908-1909, il apparaît comme luthier calle Santa Isabel n° 20, Madrid. En 1910, il était calle Álamo n° 3 et marié à Josefa Puertas de Robles. Vicente Arias Castellanos est mort de vieillesse à 11 heures du matin le 19 janvier 1914 calle del Álamo n° 3, et il devait être enterré au cimetière de La Almudena, Madrid. Il n’avait pas de descendants. »

José Luis Romanillos & Marian Harris La Vihuela de Mano and the Spanish Guitar (2002) “Vicente Arias Castellanos was born in Alcázar de San Juan, Ciudad Real, on 27 October, 1833. He was the son of Juan Arias, a miller, and Bernabea Castellanos… In 1851 he was living with his parents in Plazuela de Dominicas, Ciudad Real. He was the eldest of their six children. In 1875 the widow Bernabea Castellanos had a tobacconist’s shop at Calle Arcos N° 12, in the parish of San Pedro, Ciudad Real. In 1875, 1877 and 1880 Vicente Arias, a cabinet-maker, was living with his wife Ceferina Flores y Sánchez and a servant at Calle Paloma N° 12. In 18981900 he appeared in the trade guides as a guitar-maker at Calle Paloma N° 14. In 1908-1909 he appeared as a guitar-maker at Calle Santa Isabel N° 20, Madrid. In 1910 he was at Calle Álamo N° 3, and married to Josefa Puertas de Robles. Vicente Arias Castellanos died of old age at 11 a.m. on 19 January, 1914 at Calle del Álamo N° 3, and he was to be buried in the cemetery of La Almudena, Madrid. He had no descendants.”

LE TABAC EN ESPAGNE

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L’histoire du tabac commence en 1492, l’année de la découverte de l’Amérique ; pour la première fois les Européens voient des gens fumer. La première description d’un fumeur est faite par Christophe Colomb dans son journal du 6 novembre 1492 : « Nous avons trouvé de nombreuses personnes rentrant dans leurs villages, hommes et femmes, avec un tison à la main fait avec des herbes. » Dans la première moitié du xixe siècle, l’Espagne avait perdu la plupart de ses colonies américaines mais elle avait gardé deux précieuses îles productrices de tabac dans les Caraïbes : Cuba et Porto Rico. Pendant toutes ces années, le tabac était resté un monopole d’État et une source importante de recettes fiscales, surtout en raison de l’augmentation de la consommation mondiale. Tout se termine avec le Traité de Paris du 10 décembre 1898 qui contraint l’Espagne à accorder son indépendance à Cuba et à céder Porto Rico, les îles Philippines et Guam aux ÉtatsUnis. L’Espagne essaie alors de cultiver le tabac sur son territoire en acclimatant des semences cubaines, mais la tentative est un échec.

TOBACCO IN SPAIN The history of tobacco begins in 1492, the year of the discovery of America; Europeans saw people smoking for the first time. The very first description of a smoker was made by Christopher Columbus in his diary entry of 6 November, 1492: “We found many people returning to their villages, men and women, with a burnt brand of herbs in their hand.” By the first half of the 19th century, Spain had lost most of its American colonies, but it had retained two valuable tobacco-producing islands in the Caribbean: Cuba and Puerto Rico. Throughout the entire period, tobacco had remained a state monopoly and a significant source of tax revenue, especially as global consumption increased. This all came to an end with the Treaty of Paris of 10 December, 1898, which forced Spain to grant independence to Cuba and to cede Puerto Rico, the Philippine Islands and Guam to the United States. Spain tried growing tobacco in its own territory, acclimating Cuban seeds, but the attempt was unsuccessful.


Ces deux illustrations rappellent les métiers de ses parents : son père était meunier (en haut) et sa mère tenait un bureau de tabac (à gauche). These two illustrations recall the trades of his parents: his father was a miller (top) and his mother ran a tobacco shop (left).

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Dis-moi qui tu fréquentes… Tell me who your friends are…

É

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G

tant donné le peu de renseignements dont nous disposons sur la vie de Vicente Arias, nous avons cherché à en savoir plus grâce aux personnes qu’il fréquentait. Plusieurs d’entre elles, citées dans ce livre, ont été en relation avec Vicente Arias à différents titres.

iven the sparse information available regarding the life of Vicente Arias, we sought to learn more from the people who frequented him. Throughout this book, the names of several people who had direct or indirect connections with Vicente Arias will be mentioned.

Ainsi, Francisco Tárrega et Estanislao Marco, guitaristes pour qui Arias a fait plusieurs instruments ; Pascual Roch, guitariste et industriel qui a commercialisé ses guitares, Baldomero Cateura qui a fabriqué ou fait fabriquer un trépied de sa conception pour une bandurria d’Arias ; Jacinto Higueras, sculpteur et musicien, acheteur d’une bandurria ; Gabriel Ruiz de Almodóvar, écrivain et guitariste, pour qui Arias a fait plusieurs guitares. Ses relations avec des musiciens, des écrivains et des plasticiens « modernes », nous montrent un Vicente Arias ouvert d’esprit, curieux et novateur.

So Francisco Tárrega and Estanislao Marco, guitarists for whom Arias made several instruments; Pascual Roch, a guitarist and industrialist who marketed his guitars; Baldomero Cateura who made, or had made, a tripod of his own design for an Arias bandurria; Jacinto Higueras, a sculptor and musician who purchased a bandurria; Gabriel Ruiz de Almodóvar, a writer and guitarist for whom Arias made several guitars. His relationships with “modern” musicians, writers and visual artists show us a Vicente Arias who was open-minded, curious and innovative.

Tárrega et l’école catalane de guitare Dans la seconde moitié du xixe siècle, Barcelone était devenue un pôle important pour la guitare avec un grand nombre de solistes et d’enseignants, qui se réunissaient fréquemment lors de soirées musicales. À cette époque, les guitaristes catalans formaient un groupe assez homogène, unis par des goûts artistiques similaires et une même référence musicale incarnée par le guitariste barcelonais Fernando Sor. On peut dire que la guitare de concert est restée vivante à Barcelone, à un moment où elle était un peu oubliée dans le reste du pays, et que cette importante activité autour de la guitare a culminé au début du xxe siècle avec l’œuvre du grand musicien Francisco Tárrega et de ses élèves de la ville catalane, principaux responsables de la résurgence de la guitare comme instrument classique.

Tárrega and the Catalan guitar school By the second half of the 19th century, Barcelona had become a guitar hub of great importance, boasting a large number of soloists and teachers, who gathered frequently for musical soirées. At that time, Catalan guitarists formed a fairly homogeneous group, united by similar artistic tastes and the same musical references, embodied by Barcelona guitarist Fernando Sor. It is fair to say that the concert guitar was kept alive in Barcelona at a time when it was somewhat in decline elsewhere in the country. This great buzz of activity around the guitar culminated in the early 20th century with the works of the great musician Francisco Tárrega and his pupils from the Catalan city, who were chiefly responsible for the resurgence of the guitar as a classical instrument.

Quelques informations sur la relation entre Arias et Tárrega Emilio Pujol, l’un des élèves les plus importants de Tárrega, écrit dans son livre Tárrega – Ensayo biográfico que peu après avoir quitté le Conservatoire royal de Madrid en 1878 ou 1879, Tárrega avait commandé une guitare plus petite au guitarrero Vicente Arias de Ciudad Real. La guitare était conçue par Tárrega lui-même et elle n’existe probablement plus. Elle devait avoir une touche normale mais un corps plus petit et plus étroit pour avoir la possibilité d’exercer ses doigts discrètement sous la large cape lorsqu’il voyageait. Wolf Moser dans sa biographie Francisco Tárrega – Werden und Wirkung (Saint-Georges, 1996)

Some information about the relationship between Arias and Tárrega Emilio Pujol, one of Tárrega’s most important pupils, in his book Tárrega – Ensayo biográfico states that, shortly after leaving the Madrid Royal Conservatory in 1878 or 1879, Tárrega commissioned a smaller guitar from a guitarrero called Vicente Arias in Ciudad Real. The guitar was designed by Tárrega himself and probably no longer exists. It must have had a normal fingerboard but a smaller and narrower body that enabled him to exercise his fingers discreetly under his broad travelling cloak. Wolf Moser, in his biography Francisco Tárrega – Werden und Wirkung (Saint-Georges,


Francisco Tárrega jouant sur une guitare Arias, avec son chevalet typique et un diapason de vingt frettes. Francisco Tárrega playing on an Arias guitar, with the typical bridge and a twentyfret fingerboard.

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Dis-moi qui tu fréquentes… Tell me who your friends are…

montre à la page 222 une photo de Francisco Tárrega tenant une guitare Arias. La décoration typique de la rosace, la touche avec ses 19e et 20e frettes, la tête à trois lobes et le chevalet élargi, l’identifient sans aucun doute comme une œuvre de Vicente Arias. La même guitare apparaît à nouveau sur une photo prise vers 1906. Une autre indication se trouve à l’intérieur d’une guitare en érable et tête avec chevilles, datée de 1894. À l’intérieur, outre l’étiquette de Vicente Arias, deux autres papiers collés apparaissent avec des notes manuscrites : « Cette guitare a été jouée par l’éminent guitariste Don Francisco Tárrega le 7 novembre 1895, à Ciudad Real » et « Avec sympathie pour mon ami et grand virtuose Don Pedro Escobar »*, signée Francisco Tárrega. Un article publié dans Ilustración Musical, le 15 novembre 1895 confirme la présence de Tárrega à Ciudad Real à ce moment-là, accompagné de Walter Leckie. * Ndlr – Don Pedro Escobar était juge. La Dinastía (Barcelone le 10 novembre 1896), informe de sa nomination comme président du Tribunal de Justice de Ciudad Real.

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Estanislao Marco Estanislao Marco Valls (Vall d’Uixó 1873Valencia 1954), guitariste, disciple de Francisco Tárrega et professeur de Narciso Yepes. Lorsqu’il a cinq ans, sa famille d’origine très modeste s’installe à Valence, où il commence sa vie de musicien ambulant à travers les rues et les places de la ville, accompagnant son père, guitariste amateur. Il a formé avec ses sœurs et frère, Teresa, Magenia et Emilio, le quatuor à cordes pincées El Turia (rivière de la région de Valencia), sous la direction de Manuel, son autre frère. Sur une des rares photographies connues du groupe, on voit Emilio (bandurria), Teresa et Magenia (bandurria-lyre et guitare-lyre), Manuel debout qui les dirige et Estanislao avec une guitare à neuf cordes à la double particularité : son nombre de cordes et une deuxième petite bouche en forme d’ogive à côté de la bouche « classique ». Cette guitare construite par Vicente Arias en 1899, conservée longtemps dans la collection de Narciso Yepes, se trouve aujourd’hui entre les mains de la guitariste belge Raphaella Smits dans une nouvelle configuration (voir article page 96). La bandurria que joue son frère Emilio sur la photographie a également toutes les caractéristiques d’un instrument fait par Arias : son gabarit, sa tête à trois lobes et le chevalet avec « lèvre ». Les deux autres instruments pourraient également avoir été faits par Vicente Arias. Estanislao Marco a dû enseigner la guitare puisque Narciso Yepes (1927-1997)

1996), shows a photo on page 222 of Francisco Tárrega holding an Arias guitar. The typical soundhole decoration, the fingerboard with its 19th and 20th frets, the triple-arched head and the “lip-bridge” identify the instrument as a work of Vicente Arias beyond all doubt. The same guitar appears again in a photo taken around 1906. Another indication of the connection between Aris and Tárrega is to be found inside a maple-bodied guitar with tuning pegs, dated 1894. Inside, beside the Vicente Arias label, there are two other papers with hand-written notes: “This guitar was played by the eminent guitarist Don Francisco Tárrega on 7 November, 1895 in Ciudad Real” and “With admiration for my friend and great virtuoso Don Pedro Escobar”,* signed Francisco Tárrega. An article published in Ilustración Musical, 15 November, 1895, confirms the presence of Tárrega in Ciudad Real at that moment, accompanied by Walter Leckie. * Ed. – Don Pedro Escobar was a judge. La Dinastía, Barcelona of 10 November, 1896, informs of his nomination as President of the Court of Justice of Ciudad Real. Estanislao Marco Estanislao Marco Valls (Vall d’Uixó, 1873Valencia, 1954): guitarist, disciple of Francisco Tárrega and teacher of Narciso Yepes. When Estanislao Marco was five years old his family, of humble background, moved to Valencia, where he began busking in the streets and squares of the city, accompanying his father, who was an amateur guitarist. With his sisters and brother, Teresa, Magenia and Emilio, he formed the plucked string quartet El Turia (named after a river in the Valencia region), led by Manuel, the fifth sibling. In one of the few known photographs of the group, we see Emilio (bandurria), Teresa and Magenia (lyre bandurria and lyre guitar), Manuel standing as conductor and Estanislao with a 9-string guitar that has a double peculiarity: firstly, the number of strings and a secondly, small ogive-shaped opening next to the soundhole. This guitar, built by Vicente Arias in 1899 and kept for a long time in Narciso Yepes’ collection, is today in the hands of the Belgian guitarist Raphaella Smits in a new configuration (see article page 96). The bandurria played by his brother Emilio in the photograph also has all the characteristics of an instrument made by Arias: its shape, its head with three arches and the “lip bridge”. The other two instruments could also be the work of Vicente Arias. Estanislao Marco must have taught guitar


Le quatuor El Turia avec Estanislao Marco et la guitare double bouche à neuf cordes de 1899. The El Turia quartet with Estanislao Marco and the nine-string double-mouth guitar from 1899. le cite dans ses écrits : « Estanislao Marco fut l’un des disciples préférés de Francisco Tárrega. J’ai eu la chance d’étudier avec lui (…) Cette Guajira est la première œuvre que Marco a écrite pour moi et je veux terminer l’album avec elle pour rendre hommage à l’homme qui m’a accordé sa confiance quand j’étais à peine adolescent. » (Músicas de España y América, Zafiro 1989).

playing, as Narciso Yepes (1927-1997) quotes him in his writings: “Estanislao Marco was one of Francisco Tárrega’s favourite disciples. I had the chance to study with him (…) This Guajira is the first work that Marco wrote for me and I want to finish the album with it, to pay homage to the man who trusted in me when I was barely a teenager” (Músicas de España y América, Zafiro, 1989).

Pascual Roch Voir le texte sur Pascual Roch dans l’article du résonateur Terraza (page 135).

Pascual Roch For information on Pascual Roch, see chapter on the Terraza resonator (page 135).

Baldomero Cateura Baldomero Cateura Turró (Palamós 1856Barcelone 1929). Homme d’affaires, bandurrista et inventeur de la mandoline espagnole et du pianopédalier. Cateura était un ami proche de Francisco Tárrega, qui lui a dédié la Gavota María, et un habitué de ses récitals privés, fréquentés par des intellectuels et des artistes comme Enrique Granados ou Pablo Casals (voir photo, Concert intime). Au début des années 1880, Cateura a fait une tournée de concerts en Espagne et au Portugal avec le bandurrista Carlos Terraza. Cateura était l’inventeur de la mandoline espagnole, un instrument largement accepté jusqu’au xxe siècle. Il écrivit une méthode qu’il appela Escuela de Mandolina Española (1898) et vers 1900, il fut membre fondateur de la société musicale Lira Orfeo à Barcelone. Il a également été l’inventeur du piano-pédalier, qui n’est pas un piano mais un système de pédales applicable à tous les pianos droits, pour profiter de toutes leurs possibilités tonales.

Baldomero Cateura Baldomero Cateura Turró (Palamós, 1856Barcelona, 1929): businessman, bandurrista and inventor of the Spanish mandolin and the piano-pédalier. Cateura was a close friend of Francisco Tárrega, who dedicated the gavota María to him, and was a regular at his private recitals, attended by intellectuals and artists like Enrique Granados or Pablo Casals (see photo, Intimate concert). In the early 1880s, Cateura toured Spain and Portugal with the bandurrista Carlos Terraza. Cateura was the inventor of the Spanish mandolin, an instrument fairly popular until the 20th century. He wrote a method that he called Escuela de Mandolina Española (1898) and around 1900 was a founding member of the Lira Orfeo musical society in Barcelona. He also invented the pianopédalier, which is not a piano but a system of pedals adaptable to any upright piano, making it possible to utilise all the tonal possibilities offered

Le trépied de Cateura s’inspirait du tripodion de Dionisio Aguado. Cateura’s tripod was inspired by Dionisio Aguado’s tripodion.

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Dis-moi qui tu fréquentes… Tell me who your friends are…

Ce pédalier ajoutait trois pédales aux trois traditionnelles du piano : la pédale « claire » était utilisée pour obtenir des sons brillants, semblables à ceux du clavecin ; la « sourdine » faisait des pianissimi très délicats et enfin, la pédale « harmonique » laissait sonner les harmoniques naturels des cordes. Dans un article paru dans Las Provincias du 25 septembre 1901, il est question d’un trépied de sa conception et d’une bandurria avec résonateur faite par Vicente Arias, tous deux dédiés au bandurrista Carlos Terraza. « Concierto íntimo », Valencia 1909. Tárrega entouré de Pascual Roch et de Baldomero Cateura, entre autres. “Concierto íntimo”, Valencia 1909. Tárrega surrounded by Pascual Roch and Baldomero Cateura, among others.

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by the instrument. This system added three extra pedals to the piano’s traditional three: the “clear” pedal was used to obtain bright sounds, similar to those of a harpsichord; the “mute” made very delicate pianissimo sounds; and finally the “harmonic” pedal allowed the strings’ natural harmonics to ring out. In an article published in Las Provincias on 25 September, 1901, there is mention of a tripod of his design and of a bandurria with a resonator made by Vicente Arias, both dedicated to the bandurrista Carlos Terraza. His connections in Andalusia: Jaén and Granada. We know nothing of how Arias established his friendships in Andalusia; one possible connection may have been his second wife, Josefa Puertas de Robles, who was born in Lanjarón, near Granada.

Ses relations en Andalousie : Jaén et Grenade. Nous ignorons l’origine des relations avec ses amis andalous ; un lien possible pourrait être sa seconde épouse, Josefa Puertas de Robles, née à Lanjarón, près de Grenade. Jacinto Higueras Jacinto Higueras Fuentes (Santisteban del Puerto, Jaén 1877-Madrid 1954), sculpteur et musicien amateur. À 17 ans, il se rend à Madrid où il apprend la sculpture, d’abord chez Agustín Querol et trois ans plus tard avec Mariano Benlliure, chez qui il travaille pendant neuf ans. Il retourne ensuite dans sa ville natale, où il reçoit sa première commande importante en 1909 : le Monument aux batailles de Jaén. Il participe aux expositions nationales, obtenant une première médaille en 1910 et, en 1920, une autre médaille pour sa sculpture San Juan de Dios (la sculpture que le roi Alphonse XIII regarde dans la photo). En 1942, il est nommé à l’Académie royale des Beaux-Arts de San Fernando. Après sa mort et grâce à un don de sa famille, le musée Jacinto Higueras a été créé à Santisteban del Puerto, où un concours international de sculpture est organisé tous les deux ans. Une bandurria, faite en 1910 par Vicente Arias, porte la mention manuscrite sur son étiquette : « Pour mon ami le sculpteur Don Jacinto Higueras ».

Jacinto Higueras Jacinto Higueras Fuentes (Santisteban del Puerto, Jaén, 1877-Madrid, 1954): sculptor and amateur musician. At the age of 17, he went to Madrid where he learned sculpture, first under Agustín Querol and three years later with Mariano Benlliure, with whom he worked for nine years. Afterwards, he returned to his home town, where he received his first major commission in 1909: the Monument to the Battles of Jaén. He participated in national exhibitions, obtaining his first medal in 1910 and another medal in 1920 for his sculpture San Juan de Dios (the sculpture being admired by King Alfonso XIII in the photo). In 1942, he was appointed to the Royal Academy of Fine Arts of San Fernando. After his death and thanks to a donation from his family, the Jacinto Higueras Museum was established in Santisteban del Puerto, where an international sculpture competition is held every two years. A bandurria, made in 1910 by Vicente Arias, bears the following handwritten mention on its label: “To my friend and famous sculptor, Don Jacinto Higueras.” Gabriel Ruiz de Almodóvar Spanish lawyer and writer (Granada 18651912), he was also a distinguished guitarist, recognised and lauded by Francisco Tárrega, with whom he maintained a strong friendship. He decisively influenced the career of Andrés Segovia, sparking his interest in classical guitar. In his autobiography, Segovia relates the profound impression that


Gabriel Ruiz de Almodóvar Avocat et écrivain espagnol (Grenade 18651912). Il était également bon guitariste, reconnu et apprécié par Francisco Tárrega, avec qui il entretenait une grande amitié. Il a influencé de manière décisive la carrière d’Andrés Segovia, éveillant son intérêt pour la guitare classique. Segovia raconte dans son autobiographie la profonde impression que lui a faite Ruiz de Almodóvar lors de leur première rencontre : « Cela n’a pas pris longtemps à mes amis, tous majoritairement plus âgés que moi, de voir que mon amour pour la guitare allait plus loin que le flamenco. Un jour, ils m’ont emmené à la villa de José Gago Palomo, un colonel qui s’était installé dans l’Albaicín (ancien quartier pittoresque de Grenade) après sa retraite de l’armée qui a perdu Cuba, notre “Perle des Antilles”. Là, j’ai rencontré Gabriel Ruiz de Almodóvar qui jouait de la “bonne” guitare, comme disent les joueurs de flamenco : c’est-à-dire qu’il jouait de la musique classique. Quelle merveilleuse découverte ce fut pour moi de l’entendre jouer un des préludes de Tárrega, même si ses doigts hésitaient assez souvent ! J’avais envie de pleurer, de rire, même d’embrasser les mains d’un homme qui pouvait sortir d’aussi beaux sons de la guitare ! Ma passion pour la musique m’a semblé s’enflammer. Je tremblais. J’ai ressenti une vague soudaine de dégoût pour les pièces folkloriques que je jouais, mélangée à une obsession délirante d’apprendre “cette musique” immédiatement. » Nous connaissons deux magnifiques guitares construites par Vicente Arias pour Gabriel Ruiz de Almodóvar en 1900 dont l’une porte sur l’étiquette la mention manuscrite : « Pour mon cher ami Don Gabriel Ruiz de Almodóvar. »

his first meeting with Ruiz de Almodóvar made upon him: “It did not take long for these and other friends, all usually older than I, to see that my devotion to the guitar went further than flamenco. One day, they took me to the villa of José Gago Palomo, a colonel who had settled in the Albaicín (Granada’s picturesque old quarter) after retiring from the army that had lost us our ‘Pearl of the Antilles’, Cuba. There I met Gabriel Ruiz de Almodóvar who played a ‘good’ guitar, as the flamencos have it: that is to say, he played classical music. What a wonderful discovery it was for me to hear him play one of Tárrega’s preludes, even though his fingers fumbled quite often! I felt like crying, laughing, even like kissing the hands of a man who could draw such beautiful sounds from the guitar! My passion for music seemed to explode into flames. I was trembling. A sudden wave of disgust for the folk pieces I had been playing came over me, mixed with a delirious obsession to learn “that music” immediately.” We know of the existence of two magnificent guitars built by Vicente Arias for Gabriel Ruiz de Almodóvar in 1900, one of which bears the handwritten mention “For my dear friend, Don Gabriel Ruiz de Almodóvar” on its label.

1920. Le roi Alfonso XIII devant une sculpture de Jacinto Higueras. 1920. King Alfonso XIII in front of a sculpture by Jacinto Higueras.

Étiquette de la guitare de 1900 avec la dédicace à Don Gabriel Ruiz de Almodóvar. Label of the 1900 guitar with the dedication to Don Gabriel Ruiz de Almodóvar.

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Ciudad Real entre 1850 et 1900 Ciudad Real between 1850 and 1900

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icente Arias was born in La Mancha, in the small village of Cuidad Real. In this chapter we talk about the life of this Spanish village and the changes brought about by progress in the second half of the 19th century.

« Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom… » C’est la première phrase par laquelle commencent les aventures de Don Quichotte. Si Miguel de Cervantes vivait aujourd’hui, il serait sûrement le meilleur des guides touristiques pour nous montrer les itinéraires qu’il a imaginés pour Don Quichotte. Des villes comme Ciudad Real, El Toboso (la ville de Dulcinée) ou les moulins à vent de Consuegra, qui pouvaient ensorceler l’ingénieux hidalgo, feraient partie d’un voyage littéraire en Castilla-La Mancha. L’histoire de Ciudad Real remonte à l’âge de bronze, avec la construction d’une ville en hauteur, sur la rive gauche du fleuve Guadiana, contrôlant la rivière et les routes vers l’Andalousie et le Levante. En 1255, Alfonso X décide de fonder une ville à neuf kilomètres du premier emplacement, dans le village connu sous le nom de Pozuelo Seco de Don Gil. Il ordonne la construction d’un mur de protection avec cent trente tours et sept portes et lui donne le nom de Villa Real. Sa population sera composée des colons de religions chrétienne, musulmane et juive. Les informations qui suivent nous permettent de mieux imaginer les conditions de vie et de travail de Vicente Arias. À partir des années 1860, la ville se transforme, se modernise, s’assainit, mais durant les soixante-sept ans où Vicente Arias a vécu à Ciudad Real, il n’a jamais disposé d’électricité, ni pour l’éclairage de son atelier, ni pour l’outillage.

“In a village in La Mancha, whose name I don’t want to remember…” This is the sentence with which the adventures of Don Quixote begin. If Miguel de Cervantes were alive today, he would surely be the best tour guide, showing us the routes that he imagined for Don Quixote. Cities like Ciudad Real, El Toboso (Dulcinea’s town) or the windmills of Consuegra, which would bewitch the ingenious hidalgo, would be part of a literary journey through Castilla-La Mancha. The history of Ciudad Real dates back to the Bronze Age, with the construction of a town on the high left bank of the Guadiana River, controlling the river and the roads to Andalusia and Levante. In 1255 Alfonso X decided to found a town in a new location, nine kilometres away f rom the f irst one, in the village known as Pozuelo Seco de Don Gil. He ordered the construction of a protective wall with 130 towers and seven gates and called it Villa Real. Its population comprised Christian, Muslim and Jewish settlers. The information hereunder affords glimpses of Vicente Arias’ living and working conditions. From the 1860s onwards, the city transformed, modernised and developed sanitation, but during the 67 years that Arias lived in Ciudad Real, he never had electricity, neither for lighting his workshop, nor for powering his tools.

Les années Arias Pour essayer d’imaginer la vie à cette époque et les conditions de travail de Vicente Arias, nous allons citer un livre et évoquer quelques événements importants qui ont jalonné la vie de la ville et par conséquent celle de notre cher luthier.

Puerta de Toledo à Ciudad Real vers 1900.

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Puerta de Toledo in Ciudad Real, circa 1900.

V

icente Arias est né dans la Mancha, dans le petit village de Ciudad Real. Dans ce chapitre, nous évoquons la vie de ce village espagnol et les changements apportés par le progrès dans la deuxième moitié du xixe siècle.

1853 – Publication du livre Recuerdos y bellezas de España de José María Quadrado. Il fait cette description de la ville : « La grandeur de Ciudad Real, en pénétrant à l’intérieur, est seulement apparente : ses maisons spacieuses, bien que basses et avec un blason sculp-

The Arias years To try to imagine life at that time and the setting in which Vicente Arias worked, we will trace excerpts f rom a book and consider some important milestones in the life of the city and, consequently, in the life of our beloved luthier. 1853 – Publication of the book Recuerdos y bellezas de España (Beauty and Memories of Spain), by José María Quadrado, who describes the city thus: “The grandeur of Ciudad Real, the visitor realises once inside, is in appearance only: its


UN VOYAGE ROYAL

A ROYAL JOURNEY

« Sa Majesté la Reine, accompagnée du Roi, son auguste époux, et de ses éminents enfants, le Prince des Asturies et l’Infante Isabel, ont quitté Madrid hier en direction du Portugal. Le train royal a été accueilli dans toutes les gares du trajet avec les acclamations enthousiastes d’un peuple immense, désireux de contempler ses rois et de leur offrir les démonstrations d’affection et de respect les plus passionnées. Ses Majestés et Altesses arrivèrent à Ciudad Real à quatre heures de l’après-midi, où elles furent l’objet des manifestations de jubilation les plus vives et les plus spontanées. » La Época, 10 décembre 1866

“Her Majesty the Queen, accompanied by the King, her august husband, and her eminent children, the Prince of Asturias and the Infanta Isabel, left Madrid yesterday for Portugal. The royal train was greeted at all stations along the route by the enthusiastic cheers of immense throngs of people, eager to contemplate their monarchs and offer them the most passionate displays of affection and respect. Her Majesty and their Royal Highnesses arrived in Ciudad Real at four o’clock in the afternoon, where they were the object of the most lively and spontaneous manifestations of jubilation.” La Época, 10 December, 1866

té sur la porte, sont pour la plupart habitées par des fermiers. La solitude règne dans ses rues larges et droites, laissant entre elles des terrains vagues ou des ruines… Les murs de la ville ont conservé leur ancienne apparence : des cent trente tours qui la garnissaient autrefois, la plupart subsistent encore. Parmi les sept anciennes portes, certaines sont encore debout : Alarcos, Miguelturra et, au nord, là où la désolation est la plus notable, ouverte entre deux tours carrées, la porte de Tolède. »

spacious houses, although low and with a coat of arms carved on the door, are mostly inhabited by farmers. Solitude reigns in its wide, straight streets, running alongside empty land or ruins… The walls of the city still look as they once did: of the original 130 towers, most remain to this day. Some of the ancient gates are still standing: Alarcos, Miguelturra and, to the north, where the desolation is most noticeable, in the space between two square towers, the Toledo gate.”

1860 – Année du début de l’approvisionnement en eau potable et de l’installation d’une fontaine publique, construite au milieu de la Plaza Mayor et inaugurée en juillet 1861. L’acheminement de l’eau potable jusqu’à la ville fut déterminant pour le confort de ses habitants dont il transforma radicalement la vie.

1860 – Year marking the start of the city’s drinking water supply and installation of a public fountain, in the middle of the Plaza Mayor square, which was inaugurated in July 1861. The provision of drinking water in the city offered a convenience that radically transformed the lives of its inhabitants.

1861 – L’arrivée du chemin de fer en mars 1861 fut un autre facteur de progrès avec la ligne Alcázar de San Juan-Ciudad Real, connue sous le nom de « Chemin de fer de la Mancha ». 1866 – Le 9 décembre 1866, un grand événement a lieu à Ciudad Real : la visite de la reine d’Espagne Isabel II, accompagnée du roi consort Don Francisco de Asís, le futur Alfonso XII, et de l’infante Isabel (voir encadré Un voyage royal). 1868 – Les travaux dont Ciudad Real avait cruellement besoin commencent : l’assèchement des lagunas Terreras, foyers infectieux qui provoquaient chaque été de redoutables épidémies et une grande mortalité parmi la population, en particulier chez les enfants et les personnes âgées. Avec l’arrivée de l’eau

La reine d’Espagne Isabel II et le prince des Asturies, futur roi Alfonso XII. The Queen of Spain, Isabel II and the Prince of Asturias, the future King Alfonso XII.

1861 – Another key milestone was the arrival of the railway in March 1861: the line stretching between the Alcázar de San Juan and Ciudad Real, known as the “La Mancha railway”. 1866 – On 9 December, 1866, a great event took place in Ciudad Real: the visit of Isabella II, Queen of Spain, accompanied by the king consort Francisco de Asís, the future Alfonso XII and the Infanta Isabel (see insert, A royal journey). 1868 – Commencement of the work that Ciudad Real needed most: draining the lagunas Terreras, infectious cesspools that each summer caused dreadful epidemics and high mortality among the population, particularly in children

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Ciudad Real entre 1850 et 1900 Ciudad Real between 1850 and 1900

potable et l’assainissement de ces marais, la santé publique s’améliore beaucoup. 1880 – Dans un atlas de la péninsule ibérique de 1880, nous pouvons lire : Topographie générale – Le sol de cette province est généralement plat, sans qu’aucune cordillère de notre système montagneux ne passe par le centre, laissant en son intérieur une vaste plaine qui a le nom de Mancha. Climat et production – Le climat est assez rude, avec des pluies rares et de fortes chaleurs. Le vent dominant est le vent d’est et ses maladies les plus fréquentes sont la fièvre typhoïde, la pneumonie et la gastrite.

1880 – An atlas of the Iberian Peninsula from 1880 tells us: General topography – The ground in this province is generally flat, as none of our mountain chains extend through the centre, leaving a vast plain in the middle which goes by the name of La Mancha. Climate and production – The climate is quite harsh, with little rain and high temperatures. The prevailing wind is from the east and its most frequent illnesses are typhoid, pneumonia and gastritis.

1897 – Le conseil municipal de Ciudad Real accorde la première licence pour installer une usine d’électricité (voir encadré L’électricité).

1897 – The Ciudad Real city council grants the first license to install an electricity plant (see insert Electricity).

1900 – L’année du déménagement d’Arias à Madrid, Ciudad Real comptait autour de 15 000 habitants et vivait essentiellement de l’agriculture et de l’élevage.

1900 – The year in which Arias moved to Madrid. Ciudad Real’s population stood at around 15,000 and lived mainly from crop and livestock farming.

HISTOIRE DE L’ÉLECTRICITÉ EN ESPAGNE

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and the elderly. With the arrival of drinking water and the sanitation of the swamps, public health began to greatly improve.

Les premières applications pratiques de l’électricité en Espagne datent de 1852 à Barcelone et à Madrid. Jusqu’en 1880, toutes les villes espagnoles étaient éclairées la nuit avec des lampes à gaz ou à huile. L’éclairage se développe entre 1880 et 1890, essentiellement pour satisfaire la demande de l’industrie, pour réprimer la délinquance et favoriser la publicité commerciale. En 1897, le conseil municipal de Ciudad Real accorde une licence à l’industriel Enrique Vargas pour installer une usine d’électricité et répondre aux besoins domestiques et industriels. Le 10 décembre 1903, un contrat est signé pour installer l’éclairage électrique dans les rues de Ciudad Real. Fini le temps de la lampe à huile sur la table de la salle à manger, une autre dans la cuisine et des bougies dans le reste de la maison jusqu’à ce que le dernier aille se coucher et éteigne tout. Cependant, l’électricité est produite à cette époque sous forme de courant continu et il n’est pas possible de la transporter sur de longues distances ; son développement est donc limité aux alentours des sites de production d’électricité. Il faudra attendre le début du xxe siècle, avec l’apparition du courant électrique alternatif, pour avoir la possibilité de transporter l’électricité sur de longues distances.

HISTORY OF ELECTRICITY IN SPAIN The f irst practical applications of electricity in Spain date back to 1852, in Barcelona and Madrid. Until 1880, all Spanish towns were lit at night with gas or oil lamps. Lighting developed between 1880 and 1890, mainly to meet the demand of industry, to curb delinquency and to promote commercial advertising. In 1897, the city council of Ciudad Real granted a license to the industrialist Mr Enrique Vargas to install an electricity plant to meet domestic and industrial needs. On 10 December, 1903, a contract was signed to install electric lighting in the streets of Ciudad Real. Gone were the days of the oil lamp on the dining room table, another in the kitchen, and candles throughout the rest of the house that all needed to be extinguished by the last person going to bed. At that time, however, electricity was produced in the form of direct current and thus not portable over long distances; its development was thus limited to areas surrounding electricity production sites. It was not until the early 20th century, and the advent of alternating electric current, that electricity could be transported over long distances.


L’Espagne en 1847 : Ciudad Real et quelques villes importantes. Spain in 1847: Ciudad Real and other major towns.

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Installation à Madrid The move to Madrid

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Symbole de Madrid, le bâtiment de La Unión y el Fénix Español vers 1900.

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Symbol of Madrid, the building of La Unión y el Fénix Español, circa 1900.

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n 1900, lorsque notre « homme de La Mancha » quitte sa ville natale de Ciudad Real pour s’installer dans la capitale espagnole, il est un guitarrero de grande réputation et le célèbre virtuose Francisco Tárrega est l’un de ses clients. Il ouvre une guitarreria calle de las Huertas dans le vieux centre de Madrid.

t was in the year 1900 that our “man from La Mancha” left his home town of Ciudad Real to settle in the Spanish capital. He was a guitarrero of considerable reputation and the famous virtuoso Francisco Tárrega was one of his more notable clients. He established a guitarreria in the street Calle de las Huertas in Madrid’s old quarter.

Tout près, calle Arlabán, se trouve l’atelier de Manuel Ramírez, ainsi que celui de José, le frère aîné de Manuel, calle Concepción Jerónima. Arias a dû avoir beaucoup de difficultés à se faire une place dans ce milieu bien établi et a dû subir un certain ostracisme. Alors que les deux premières adresses des ateliers madrilènes de Vicente Arias se trouvaient dans le quartier de la guitare, la vieille ville de Madrid, calle de las Huertas et plus tard calle Santa Isabel, la dernière adresse, calle del Álamo, en est loin. En 1900, les instruments des frères Ramírez, ces deux personnalités dominantes de la guitare, ne suivaient pas encore les idées révolutionnaires du grand Antonio de Torres. José suivait toujours les enseignements de son maître Francisco González* et Manuel était à la recherche de sa propre voie. L’arrivée d’un collègue de Castilla-La Mancha a dû être une surprise considérable. Les idées d’Antonio de Torres ont inspiré Vicente Arias tout au long de sa vie de luthier. Sa plus ancienne guitare connue, construite en 1870, et tous les instruments suivants, jusqu’aux derniers exemplaires de 1913, ont suivi les idées du grand Andalou. Il doit avoir connu le travail d’Antonio de Torres grâce à sa relation avec Francisco Tárrega. Et en 1900, juste après son installation madrilène, Arias a réalisé deux chefs-d’œuvre de lutherie : deux guitares de style Torres avec un magnifique palissandre brésilien et décorées d’une marqueterie extraordinaire. Heureusement, ces deux guitares existent toujours, et en excellent état (voir le portfolio). Elles ont été commandées par une personnalité bien connue des milieux culturels de Grenade : Don Gabriel Ruiz de Almodóvar, écrivain et musicien. Les guitarreros du quartier d’Arias ont vraisemblablement eu connaissance de la construction de ces deux guitares. Mais y a-t-il eu une influence directe ? L’une des premières guitares de Manuel Ramírez dans le style de Torres semble être une guitare

Not far from here, in Calle Arlabán, was Manuel Ramírez’s workshop, and his elder brother José too, established in Calle Concepción Jerónima. It must have been difficult for Arias to find his place in this well-established guitar scene and he likely suffered some degree of exclusion. While the first two Madrid workshop addresses for Vicente Arias were located in the guitar-making district in Madrid’s historic centre – Calle de las Huertas and Calle Santa Isabel – his last address, in Calle del Álamo, is far from the renowned guitar hub. In 1900, the instruments of the Ramírez brothers, two dominant guitar personalities, had not yet embraced the revolutionary ideas of the great Antonio de Torres; José was still following in the footsteps of his master, Francisco González, while Manuel was seeking his own path. The arrival of a colleague from Castilla-La Mancha must have come as a considerable surprise. The ideas of Antonio de Torres had inspired Vicente Arias throughout his whole guitar-making career. His earliest known guitar, built in 1870, and all his subsequent instruments, even up to the last specimens from 1913, followed the ideas of the great Andalusian master. He must have been familiar with the work of Antonio de Torres through his contacts with Francisco Tárrega. And now, in 1900, immediately after settling in Madrid, Arias turned out two absolute masterpieces of guitar lutherie: two Torres-style guitars of a superb Brazilian rosewood and decorated with breath-taking marquetry. Fortunately, both guitars are still in existence – and in excellent condition (see Portfolio section). Both guitars were ordered by a well-known personality of Granada’s cultural scene: Don Gabriel Ruiz de Almodóvar, a writer and musician. Presumably the other guitarreros in Arias’ neighbourhood must have taken note of the construction of these two guitars.


en bois de citronnier avec tornavoz de 1904. Il y a aussi une guitare en cyprès faite par l’employé de Manuel Ramírez, Santos Hernández, appelée El bonbón et fabriquée en 1903. Mais en 1900, les deux guitares de cet « abuelo » nouveau venu ont dû causer quelque étonnement, voire provoquer une petite révolution ! Arias a travaillé toute sa vie comme en témoignent plusieurs merveilleuses guitares de 1913 ! Mais comment se fait-il que dans le milieu de la guitare des années soixante-dix, alors que je commençais à chercher les traces du « Manchego » dans les principales guitarrerias de Madrid, personne n’ait pu me fournir d’informations. Des années plus tard, avec l’aide du luthier Arcángel Fernández, j’ai acquis ma première guitare Arias, un instrument en érable fait à Ciudad Real en 1894, avec une signature manuscrite de Francisco Tárrega à l’intérieur, lui qui avait joué avec cette guitare lors d’un concert. Mais cela ne répond pas à la question : pourquoi cet important guitarrero est-il resté méconnu dans le milieu de la guitare madrilène ? Aujourd’hui, plus de cent ans après sa mort, Vicente Arias commence à être reconnu et admiré comme il le mérite. Siegfried Hogenmüller

But was there a direct influence? One of the first Manuel Ramírez guitars in the Torres style would appear to be a satinwood guitar fitted with a tornavoz from 1904. There is also a cypress guitar called El bonbon, crafted in 1903 by Manuel Ramírez’s assistant, Santos Hernández. But in 1900 the two guitars made by this “grandaddy” newcomer must have been revolutionary, and caused some astonishment! Arias was busy all his life, as is evidenced by several wonderful guitars still in existence dating from 1913! How could it be, that when I started looking for traces of the “Manchego” in the leading guitarrerias of Madrid in the early 1970s, nobody could give me any information about him. Years later, with the help of the guitar-maker Arcángel Fernández, I bought my first Arias guitar, made of maple, dated 1894 from Ciudad Real and sporting on the inside a hand-written signature by Francisco Tárrega, who had played this guitar in a concert. But this fails to answer the question: why was so little known, in Madrid’s guitar scene, about this very important guitarrero? Today, more than 100 years after his death, Vicente Arias is starting to receive the admiration that he deserves. Siegfried Hogenmüller

Puerta del Sol, place centrale de Madrid, vers 1900. Puerta del Sol, central square in Madrid, circa 1900.

Calle de Toledo, Madrid, vers 1900. Calle de Toledo, Madrid, circa 1900.

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Les luthiers madrilènes de l’époque The luthiers in Madrid at the time « Francisco González (1820-ca.1895), de Madrid, a perpétué la tradition de Juan Moreno, avec l’utilisation de tables d’harmonie bombées. Ses instruments étaient lourds et ne présentaient pas d’influence de Torres. »

Francisco González 1869

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“Francisco González (1820-ca.1895), from Madrid, continued the tradition of Juan Moreno, featuring the use of domed soundboards; his instruments were heavy and indifferent to Torres’ influence.” Enrico Allorto, La Chitarra (1990)


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Les luthiers madrilènes de l’époque The luthiers in Madrid at the time « José Ramírez I (1858-1923), élève de González, enseigna à son tour à son frère Manuel (1864-1916). Tandis que José est resté fidèle au style de González, Manuel a été fortement influencé par Torres et Arias et a construit des guitares légères avec les mêmes proportions et le même barrage. »

“José Ramírez I (1858-1923) was González’s pupil, and José in turn taught his brother, Manuel (18641916); while José remained true to González’s style, Manuel was heavily influenced by Torres and Arias, and built lightweight guitars with the same proportions and bracing.” Enrico Allorto, La Chitarra (1990)

José Ramírez I 1898

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Les luthiers madrilènes de l’époque The luthiers in Madrid at the time « Manuel Ramírez est important parce qu’il va diffuser les innovations de Torres et ses élèves seront les luthiers les plus célèbres de la période suivante. Parmi eux, nous nous souvenons de Santos Hernández (1874-1943), Enrique García (1868-1922) et Domingo Esteso (1882-1937). »

“Manuel Ramírez is important because he went on to spread Torres’ innovations, and his successors became the most famous luthiers of the following period; among them we remember Santos Hernández (1874-1943), Enrique García (1868-1922) and Domingo Esteso (1882-1937).” Enrico Allorto, La Chitarra (1990)

Manuel Ramírez 1904

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Vicente Arias vu par les luthiers d’aujourd’hui Vicente Arias as seen by today’s luthiers

Q

La guitare en érable de 1874, une véritable œuvre d’art.

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The maple guitar from 1874, a true work of art.

W

ui peut parler le mieux de lutherie de guitare que les luthiers ? Nous avons demandé à trois excellents luthiers, de bons amis et amoureux de Vicente Arias, de partager avec nous leurs connaissances. La parole est à Tobias Braun (Autriche), Karel Dedain (Belgique) et Gerhard Oldiges (Allemagne), avec Alberto Martinez (Orfeo Magazine) comme modérateur.

ho better to talk about guitar-making than guitar-makers? We asked three excellent guitar-makers, all good friends and all fans of Vicente Arias, to share with us their knowledge. A conversation between Tobias Braun (Austria), Karel Dedain (Belgium) and Gerhard Oldiges (Germany), with Alberto Martinez (Orfeo Magazine) as moderator.

Karel – Les guitares de Vicente Arias méritent qu’on leur accorde plus d’attention non seulement en raison de leur esthétique parfois spectaculaire mais aussi pour leur son merveilleux. Comme son contemporain Antonio de Torres, Arias a su créer un univers sonore tout à fait personnel. Tobias – Je me souviens d’une guitare de Vicente Arias qui m’avait impressionné. Elle était sur la couverture du catalogue La Guitarra Española, l’exposition qui s’est tenue à Madrid et à New York en 1992. C’était une guitare en érable avec des ornements, des incrustations et des décorations extrêmement soignées et faites avec goût, une véritable œuvre d’art. Cette guitare était tout simplement unique, à couper le souffle. Plusieurs années plus tard, elle est arrivée dans mon atelier et j’ai eu la chance de l’avoir entre les mains, de l’examiner attentivement et d’écouter son incroyable sonorité. Pour moi, c’était un sommet de lutherie en termes de savoir-faire et de son (voir page de droite). Gerhard – Arias a fait de nombreuses expériences avec la construction intérieure de ses guitares, bien plus que Torres, qui était plutôt « conservateur ». Il a fait des barrages en éventail à cinq ou sept brins (selon la taille) et occasionnellement un tornavoz. Torres n’a pas fait autant de variations intérieures qu’Arias. Karel – Oui, Arias a fait de nombreuses recherches. J’ai l’impression que presque toutes ses guitares sont différentes les unes des autres, aussi bien dans les détails esthétiques que dans la construction. Pas radicalement différentes, mais avec beaucoup de variations dans les rosaces, les barrages, les fonds, les éclisses, le tornavoz… Arias avait un esprit très créatif, un œil très raffiné et un sens esthétique développé. Sa maîtrise de l’ébénisterie était sans égale. Cela se reflète dans la délicate sculpture du talon ou dans la forme élégante du manche de ses guitares. Son travail a longtemps été ignoré, éclipsé par la notoriété de Torres. Pour moi, cela se voit dans les réparations et les restaurations parfois irrespectueuses, effectuées sur ses instruments. Cela dit, on observe un décalage entre l’extérieur des instruments, très délicatement réalisé, et la finition plutôt sommaire que l’on voit à l’intérieur. Cela

Karel – Vicente Arias’ guitars deserve more attention, not only for their sometimes-spectacular aesthetics, but also for their wonderful sound. Like his contemporary Antonio de Torres, Arias was able to create a completely personal universe of sound. Tobias – I remember a guitar by Vicente Arias that truly impressed me. It was on the cover of the La Guitarra Española catalogue, from the 1992 exhibition held in Madrid and New York. It was a maple guitar with ornaments, inlays and decoration that were extremely carefully and tastefully made, a true work of art. That guitar was just unique, breath-taking. Many years later this guitar came into my workshop and I had a chance to hold it in my hands, to examinate it closely and listen to its amazing sound. For me it was the summum of guitar lutherie in terms of craftsmanship and sound (see right page). Gerhard – Arias performed lots of experiments with the internal construction of his guitars. Much more than Torres, who was in comparison rather conservative, with his fan bracings of five or seven struts (depending on the size) and the occasional tornavoz. Torres didn’t make as many interior variations as Arias. Karel – Yes, Arias did a lot of research. I get the impression that nearly all Arias guitars are different from one other in terms of both aesthetics and construction details. Not radically different, but with lots of variations in the rosettes, the bracing, double-backs, double-ribs, tornavoz… Arias had quite a creative mind, a very refined eye and a highly developed aesthetic sense. His mastery in woodwork is unrivalled. This is reflected in the delicate carving of the heel or the elegant neck shape of his guitars. His work has long been ignored, overshadowed by Torres’ fame. To me, this is evident in the sometimesdisrespectful repairs and restorations carried out on his instruments. That said, there is a discrepancy between the very delicately finished exterior of the instruments and the rather raw state that characterises the inside. It intrigues me. The inside heelblocks,


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m’intrigue. Par exemple, les talons intérieurs étaient taillés plutôt rudimentairement avec des marques visibles de lime et de râpe. On voit aussi des marques de rabot à dents à l’intérieur des éclisses et dans le fond. En revanche, les brins du barrage ont été pour la plupart finis avec beaucoup de soin, tout comme les renforts d’éclisses et les consoles. Les barres harmoniques et les barres du fond étaient plus grossièrement finies. Tobias – Je suis tout à fait d’accord avec toi, Karel. Ce contraste de raffinement entre l’intérieur et l’extérieur de nombreuses guitares est vraiment surprenant. Il a probablement gagné du temps là où il n’y avait aucun risque pour la structure. Je le sais par de nombreux luthiers viennois des siècles passés : ils étaient formés pour « accélérer » la fabrication de certaines pièces. Personnellement, j’aime la façon dont Arias façonnait les supports des barres harmoniques et des barres du fond. Il n’a pas changé cela de toute sa carrière. Gerhard – Je ne suis pas sûr que nous puissions considérer aucune des guitares que nous avons vues comme étant dans leur état d’origine. Presque toutes, sinon toutes, ont été réparées ou restaurées à divers degrés. Les touches ont été changées, les têtes à chevilles converties en têtes avec mécaniques, beaucoup de caisses ont été ouvertes et de multiples fissures mal réparées. Certaines guitares ont subi des mauvais traitements de la part de personnes inexpérimentées, tandis que d’autres ont été restaurées avec amour par des luthiers professionnels et sérieux. Il est surprenant que presque tous les instruments, indépendamment du degré ou de la qualité des réparations ou des restaurations, aient quelque chose en commun dans leur son, qui les identifie clairement comme des œuvres de Vicente Arias.

Forme et gabarit

Karel – Pendant la période de Ciudad Real, la majorité de ses guitares sont de « petite » taille. Dans la période madrilène, il utilise la « grande » taille, mais la forme est surtout agrandie dans le lobe inférieur, alors que la forme du lobe supérieur est plus ou moins la même que dans la période de Ciudad Real. Pour moi, la forme madrilène est un peu déséquilibrée, comme un ballon rempli d’eau. Gerhard – Je suis sûr qu’Arias connaissait les guitares de Torres mais il n’a pas changé son style en fonction de ce qu’il aurait pu voir sur ces instruments, pas même après avoir s’être installé à Madrid. Il n’a fait qu’agrandir le gabarit de certaines de ses guitares mais il est resté dans sa propre logique de conception, à la différence de Manuel Ramírez qui s’est totalement converti à Torres et de son frère José I qui a suivi le

for example, were left quite roughly shaped with visible file and rasp marks. Marks from a toothed plane can often be seen on the inside of the ribs and sometimes on the back. Fan braces, however, were for the most part finished with great care, as were linings and brace supports. Harmonic braces and back braces were more roughly finished. Tobias – I totally agree with you, Karel. This contrast in refinement between the inside and the outside of his guitars is really surprising. He was probably saving time where there was no risk for the structure. I saw this with many Viennese luthiers over the centuries: they were trained to “speed up” the manufacture of certain parts. Personally, I like the way he shaped the supports for the harmonic bars and back braces. He was consistent in that throughout his whole career. Gerhard – I am not sure if we can consider any one of the guitars that we have seen to be in its original condition. Nearly all of them, if not all, have been repaired or restored in varying degrees. Fingerboards have been changed, heads converted from pegs to mechanical tuners, bodies have been opened, and multiple cracks have been badly repaired. Some guitars have undergone rather crude treatment by inexperienced persons while others were lovingly restored by professional and experienced luthiers. It is surprising that nearly all of the instruments, regardless of the degree or quality of the repairs or restorations, have something in common in their sound that clearly identifies them as the work of Vicente Arias.

Consoles, barres, contre-éclisses et talon typiques des guitares Arias. Brackets, braces, lining and heel typical of Arias guitars.

Shape and plantilla

Karel – During the Ciudad Real period the majority of his guitars are of “small” size. In the Madrid period he often used the larger plantilla, but it is bigger mostly in the lower bout, whereas the upper bout shape is more or less identical to that of the Ciudad Real period. The Madrid shape is a bit out of balance to me, like a balloon filled with water. Gerhard – I am sure that Arias was aware of Torres’ guitars but he did not change his style according to what he might have seen in Torres´ instruments, not even after moving to Madrid. He only enlarged the plantilla of some of his guitars but remained true to his own design language, unlike Manuel Ramírez who totally converted to Torres and his brother José I, who followed the larger and earlier Francisco González model of the guitarra de tablao.

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modèle plus grand et plus ancien de Francisco González : la guitarra de tablao. Alberto – Je suis toujours surpris d’entendre parler de « petite » taille à propos des guitares d’Arias. J’ai fait une comparaison photographique entre la Torres de 1864, qu’il a vendue à Tárrega en 1869, et l’une des premières guitares connues d’Arias, celle de 1870 : elles sont de tailles identiques ! Pour moi, Torres serait le point de départ d’Arias. Karel – Peut-être, mais tu compares une guitare d’Arias à une guitare de Torres qui a un gabarit plutôt petit ; beaucoup de ses autres guitares sont plus grandes. La taille des guitares d’Arias est donc proche de celle des petites guitares de Torres.

Table d’harmonie

Gerhard – Les tables d’harmonie étaient invariablement faites en épicéa (picea abies), en deux ou plusieurs pièces. Elles étaient parfois faites avec deux parties extérieures assorties plus une partie centrale, approximativement de la largeur du cordier. Elles pouvaient aussi être faites avec deux moitiés, assorties ou non, et d’autres petites pièces ajoutées dans les bords du lobe inférieur pour obtenir la largeur totale de la table. Dans les tables d’harmonie non assorties, les deux moitiés étaient sélectionnées avec des cernes similaires.

Différents gabarits des guitares Arias : petite, Ciudad Real, Madrid, neuf cordes de 1899. Different templates of Arias guitars: small, Ciudad Real, Madrid, 9-string 1899.

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Alberto – I am always amazed to hear about “small” size Arias guitars. I’ve made a photographic comparison between the 1864 Torres that he sold to Tárrega in 1869 and one of Arias’ earliest known guitars, the one from 1870, and they are identical! For me, Torres must have been Arias’ starting point. Karel – Maybe, but you are comparing Arias to one of Torres’ guitars with a rather small plantilla; a lot of his other guitars have a larger shape. So the size of Arias’ guitars is close to Torres’ small guitars.

Soundboard

Gerhard – Soundboards were invariably made of spruce (picea abies) in two or more pieces. They were sometimes made with two bookmatched outer parts plus a central strip, approximately the width of the tie-block. They could also be made with two bookmatched or non-bookmatched halves, and the addition of smaller parts in the lower bout to achieve the full width of the top. In non-bookmatched soundboards the two halves were selected with similar straight grain structures.


Comparaison de la guitare de Torres de 1864 (ex-Tárrega, à gauche) et une Arias de 1870 (à droite). Comparison of Torres’ guitar from 1864 (ex-Tárrega, left) and an Arias from 1870 (right).

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L’épicéa semble de bonne qualité la plupart du temps avec des cernes droits, très souvent avec de nombreux rayons médullaires, mais parfois scié presque sur dosse vers les bords de la table d’harmonie. À l’époque d’Arias, l’utilisation de tables d’harmonie non assorties ou en plusieurs pièces, même pour des instruments de qualité et coûteux, n’était pas inhabituelle chez les luthiers espagnols. Nous connaissons des tables d’harmonie similaires, en plusieurs pièces, dans les instruments d’Antonio de Torres, mais surtout chez les fabricants de Valence qui utilisaient des tables d’harmonie en trois parties avec un large morceau central dans la majorité de leurs instruments. Karel – La plupart du temps, la table d’harmonie mesure environ 2 mm d’épaisseur, avec parfois des différences entre le côté des graves et le côté des aigus, le côté des graves pouvant mesurer jusqu’à 1,7 mm. Les modèles de barrage ont de nombreuses variantes et l’éventail peut avoir cinq, six, sept, huit ou neuf brins. Le barrage à six brins sans le renfort central est très courant. Cela me surprend qu’Arias ait pensé que le renfort du joint de la table d’harmonie ou du fond n’étaient pas nécessaires. Il faisait vraiment confiance à ses compétences en collage !

The spruce mostly appears to be of a good, straight-grained quality, very often with lots of medullary rays, but sometimes slab sawn and turning to flat sawn towards the outside of the soundboards. in Arias’ times, the use of non-bookmatched or multi-piece soundboards, even for higher quality or expensive instruments, was not unusual among Spanish guitar-makers. We know of similar multi-piece soundboards from the instruments of Antonio de Torres, but the manufacturers in Valencia, in particular, were using three-piece soundboards with a wide central band in the majority of their instruments. Karel – Most of the time, the soundboard is around 2 mm thick, sometimes varying between the bass side and the treble side, the bass side being up to 1.7 mm thick. The bracing patterns show a lot of variation: they can have five, six, seven, eight or nine struts. A six-strut fan without any central reinforcement was very common. It surprises me that Arias felt no need for reinforcement of the soundboard or back joint. He really trusted his gluing skills! The direction of the struts is seldom aiming towards one central point on the axis. In most guitars the fan

Différents types de barrage. Page de gauche : 7 brins (1907). Ici : 6 brins (1894) et 8 brins (1899). Different types of bracing. Left page: seven struts (1907). Here: six struts (1894) and eight struts (1899).

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La direction des brins du barrage va rarement vers un point central dans l’axe. Dans la plupart des guitares, il semble que ces brins aient été placés de manière assez intuitive. Des marques de crayon sont très rarement visibles. Les brins sont toujours de section triangulaire, affinés à zéro aux extrémités et non échancrés. Pas de brins de fermeture en bas de l’éventail. Les brins du barrage de la table d’harmonie sont parfois coupés sur quartier, mais généralement collés avec les cernes parallèles à la table d’harmonie. Les barres harmoniques ne sont pas échancrées, elles ne rentrent pas dans une découpe des contre-éclisses (les contre-éclisses sont coupées et la barre passe entre les deux morceaux), et les consoles en cèdre sont affinées à zéro. Tobias – L’absence de brins de fermeture me surprend. Considérant que nous obtenons plus de contrôle de la rigidité et de l’élasticité de la table d’harmonie en utilisant ces brins, cela pourrait signifier qu’Arias a suivi une idée différente pour y parvenir. Mais cela nous conduit au vaste champ des spéculations… Certains détails n’ont jamais changé : la forme et la section des brins du barrage, les barres harmoniques, les barres arrière, les consoles et l’utilisation de peones (taquets) pour réunir la table et les éclisses. Pour les guitares simples, il utilisait parfois aussi des peones pour le fond.

Certaines guitares montrent des marques de brûlures à l’intérieur de la table d’harmonie.

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Some guitars have burn marks on the inside of the soundboard.

braces seem to be placed in a rather intuitive way. Pencil marks are very seldom seen. The struts are always of triangular section, sloping to zero at the ends and not scalloped. There are no closing struts in the lower part of the fan. Soundboard fan braces are sometimes quarter sawn, but mostly glued with the growing rings parallel to the soundboard. The transverse bars are not scalloped, and they are not slotted into a cut-out in the linings (the linings are cut and the bar is placed between the two pieces) and the cedar brackets are tapered to zero. Tobias – The absence of the two closing struts surprises me as well. Considering that we gain more control over the stiffness and elasticity across the top using those struts, it might mean that Arias was guided by a different concept to achieve it. But this leads us onto the slippery slope of speculation… Some details never changed: the shape and cross-section of the fan struts, the harmonic bars, the back braces, the brackets and the use of peones (single glue blocks) for joining the top and the ribs. For the simple guitars, he sometimes used peones for the back as well. Alberto – While photographing the interior of some of his guitars, I noticed burn marks on the


Une guitare de 1901 en cours de restauration chez Hans Hermann Herb. A 1901 guitar being restored by Hans Hermann Herb.

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Alberto – En photographiant l’intérieur de certaines guitares, j’ai remarqué des marques de brûlures sur la table d’harmonie, juste sous le chevalet. Avezvous une explication ? Tobias – Les marques de brûlure visibles sous le chevalet montrent que cette zone a été chauffée, avec une flamme ou avec une pièce de métal chauffée. C’était une méthode traditionnelle pour ramollir la colle animale avant ou pendant le collage du chevalet. Le temps de maintenir le chevalet en place, à l’aide d’une corde et de cales, la colle animale se refroidit et devient une sorte de « gelée ». Réchauffée, elle pénètre davantage dans le bois. Certains luthiers utilisent cette méthode encore aujourd’hui.

Fond et éclisses

En majorité, les fonds ont trois barres. Most of the backs have three braces.

Différentes essences des bois utilisés dans ses guitares : palissandre brésilien, cyprès, acajou et érable.

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Different woods used in his guitars: Brazilian rosewood, cypress, mahogany and maple.

Gerhard – Le fond et les éclisses des instruments d’Arias étaient en érable, en acajou, en cyprès ou en palissandre brésilien, les deux dernières espèces étant les plus utilisées. Pour une guitare au moins, Arias a fait le fond et les éclisses en palissandre indien, qu’il a également utilisé pour des chevalets. C’est une utilisation précoce et remarquable du palissandre indien dans la lutherie des guitares espagnoles. En majorité, les fonds étaient faits en deux parties assorties, parfois avec une pièce supplémentaire au milieu, parfois composés de quatre pièces. Une guitare de 1878, en érable, est un exemple de fond à quatre pièces fait avec deux morceaux assortis et des petites pièces ajoutées dans les deux côtés du lobe inférieur (voir page 153). Détail intéressant et inhabituel : les cernes du tasseau sont perpendiculaires aux éclisses. Karel – L’épaisseur du fond est comprise entre 2 et 2,5 mm. La majorité des fonds ont trois barres. Lorsqu’Arias n’utilise que deux barres, la zone où il n’y a pas de barre est nettement plus épaisse (quelques dixièmes de millimètre) que la zone barrée. Les barres du fond sont toutes assez basses (parfois jusqu’à 10 mm) et sont en cèdre ou en épicéa. Les éclisses sont très fines, autour de 1,3 mm mais

soundboard, just under the bridge. Do you have an explanation? Tobias – The visible burn marks under the bridge show that this area was heated, with open flame or with a heated piece of metal. It was a traditional method to soften the animal glue before or while gluing the bridge. In the time taken fastening the bridge in place using a rope and wedges, the animal glue gets cold and becomes a kind of “jelly”. When re-heated, it penetrates more deeply into the wood. Some luthiers still use this method today.

Back and sides

Gerhard – The backs and sides of Arias’ instruments were made from maple, mahogany, cypress or Brazilian rosewood, with these last two being the most commonly used. On at least one guitar, the back and sides are of Indian rosewood, which Arias also used for bridges. It is a remarkably early use of Indian rosewood in Spanish guitar-making. Mostly the backs were of two bookmatched parts, sometimes with an additional narrow strip in the middle, and occasionally made of one or four pieces. An example can be seen in an 1878 guitar of his with a back of bookmatched maple, which features small pieces added to each side of the lower bout (see photo, page 153). Another interesting and unusual characteristic is that the growth rings in the lower endblock run perpendicular to the ribs. Karel – The back’s thickness is between 2 and 2.5 mm. Most of the backs have three braces. When only two bars are used by Arias, the zone where there is no bar is significantly thicker (by a few tenths of a mm) than the braced zone. The back braces have profiles that are all fairly low (sometimes as low as 10 mm) and are made of cedar or spruce. The ribs are very thin, around 1.3 mm,


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Arias a fait deux types de double fond : ici avec des ouvertures (1900) et à droite, avec un deuxième fond plein (1899). Arias made two types of doublebacks: here with two holes (1900) and, on the right, with a second solid back (1899).

Le tasseau du talon est complètement caché par le double fond.

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The foot of the heelblock is completely hidden by the second back.

parfois autour de 1 mm. Elles sont toujours collées à la table à l’aide de taquets (peones) en épicéa assez gros et plutôt écartés. Le fond est principalement collé aux éclisses à l’aide de contre-éclisses continues en érable ou en cèdre, et parfois avec des peones. Les guitares sont en général assez étroites, typiquement entre 80 et 85 mm au talon et entre 84 et 88 mm au tasseau, à quelques exceptions près. Alberto – Gabriele Lodi m’a montré deux guitares d’Arias à double fond. J’en ai vu une troisième en Hollande et une dernière en Espagne. Ces quatre guitares datent de la période 1898-1900. Siegfried Hogenmüller m’a dit qu’il en connaissait une autre des années 1870 (!) qui appartenait à Bruce Banister. Une explication possible serait l’idée d’isoler le guitariste de l’instrument et réduire l’effet d’amortissement lorsque le corps absorbe une partie du son. Qu’en pensez-vous ? Gerhard – Peut-être… mais il y a deux guitares à double fond avec deux ouvertures circulaires dans le fond intérieur et deux guitares sans ouverture. S’il n’y a pas de connexion directe entre les deux « chambres », la chambre arrière est une « boîte fermée » et aucun des deux fonds ne peut vibrer librement. Le fond extérieur est assourdi ou amorti par le guitariste et le fond intérieur est également amorti par le faible volume d’air qui reste dans la caisse. Cela n’a pas de sens pour moi. Alberto – Cela faisait certainement partie des expériences d’Arias. Lorenzo Frignani a une guitare

but sometimes around 1 mm. They are always glued to the top using fairly large spruce glue blocks (tentellones), quite widely spaced. The back was mostly glued to the ribs using continuous spruce or cedar linings and occasionally tentellones. His guitars are generally quite narrow, usually between 80 and 85 mm at the heel and between 84 and 88 mm at the endblock, although there are some exceptions. Alberto – Gabriele Lodi showed me two Arias guitars with double-backs. I saw a third one in Holland and yet another one in Spain. These four guitars are from the 1898-1900 period. Siegfried Hogenmüller told me that there was another one from the seventies (!) that belonged to Bruce Banister. One possible explanation for the addition of a double-back would be the idea of separating the guitarist from the instrument and reducing the damping effect, since the body absorbs part of the sound. What do you think? Gerhard – Could be… but there are two double-back guitars with two circular holes on the inner back and two guitar without holes. If there is no direct connection between the two “chambers”, the rear chamber is a “closed box” and neither of the two backs can vibrate freely. The outer back is muted or dampened by the player’s body and the inner back is also dampened by the small volume of air inside the “box”. It doesn’t make sense to me.


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Vicente Arias vu par des luthiers d’aujourd’hui Vicente Arias as seen by today’s luthiers

Arias de 1903 avec des traces d’un tornavoz et de doubles éclisses (voir page 86).

Chevalet

Karel – Les chevalets sont simples, la plupart du temps sans décoration. Ils sont ornés d’une simple plaque en os naturel ou parfois de rien du tout, juste du bois nu. La plupart des chevalets sont en palissandre du Brésil. Certains chevalets ont une extension derrière le cordier, pour étendre la zone de collage et pour protéger la table d’harmonie. Nous les appelons des « chevalets à lèvre ».

Voûte

Karel – Bien qu’elles soient difficiles à reconstituer (les déformations du temps mais aussi les réparations et les restaurations peuvent l’avoir altérée), les courbures de la table d’harmonie et du fond n’étaient pas très prononcées. Dans le sens de la longueur, la courbure du fond mesurait souvent environ 2 ou 3 mm. Les tables étaient légèrement bombées en travers (environ 1,5 mm) et souvent inclinées de 3 ou 4 mm de la rosace vers le tasseau.

Manche

Les talons commencent par une petite forme ronde qui s’élargit vers le manche.

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The heels start with a small round shape that widens toward the neck.

Karel – Les guitares d’Arias ont généralement un manche en cedro avec une touche très fine. Le profil du manche est très confortable. Vous pouvez voir la main du maître dans la sculpture incroyablement délicate du talon. Le talon est petit par rapport à ce à quoi nous sommes habitués aujourd’hui. Gerhard – Les manches étaient tous faits de cedro (cedrela odorata), sciés sur dosse, parfois sur quartier. Les talons avaient les cernes à plat, suivant le fil des éclisses, un détail que l’on retrouve souvent dans les guitares espagnoles de la fin du xixe siècle, ainsi que celles de Torres. Le cedro était importé d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud en grandes quantités vers l’Espagne, où il était surtout utilisé dans l’ameublement pour son odeur agréable (odorata) et ses qualités de résistance aux insectes. Ce matériau était donc accessible aux ébénistes et aux menuisiers partout en Espagne. Alberto – Comme j’étais surpris par l’angle de la tête des guitares d’Arias (8° à 9°) par rapport à celles de Torres (12° à 14°), j’ai demandé aux ingénieurs acousticiens de l’Université du Mans quelles étaient les

Alberto – These were doubtless experiments conducted by Arias. Lorenzo Frignani has a 1903 Arias guitar that has the remains of a tornavoz and double-ribs (see page 86).

Bridge

Karel – Bridges are kept plain, mostly without adornment. They are decorated with a simple plate of natural bone or sometimes nothing at all; just bare wood. Most bridges are made from Brazilian rosewood. Some bridges have an extension behind the tie-block, to extend the gluing area and to protect the soundboard. We call them “lip bridges” and they are typical on Arias guitars.

Arching

Karel – The soundboard and back did not feature very pronounced arching, although it is difficult to precisely retrace the initial shape (owing to deformation over time, but also repairs and restorations that may have altered any original doming). Lengthwise, the arch of the back was often around 2 to 3 mm overall. The soundboards were slightly arched crosswise (about 1.5 mm), and often slanted 3 to 4 mm from the soundhole towards the endblock.

Neck

Karel – Arias guitars typically have a Spanish cedar neck, with a very thin fingerboard. The neck profile makes for very comfortable playing. You can see the master’s hand in the incredibly delicate carving of the heel. The heel cap is small in comparison with what we are used to these days. Gerhard – The necks were all made from Spanish cedar (cedrela odorata), flatcut, sometimes quarter sawn. Heels were often flat sawn, following the grain of the ribs, a detail commonly found in late 19th century Spanish guitars, as well as in those made by Torres. Spanish cedar was imported from Central and South America in large quantities into Spain where it was used especially in furniture for its pleasant smell (odorata) and resistance to insects. So this material was accessible to cabinetmakers and woodworkers all over Spain. Alberto – As I was surprised about the angle of the head in Arias guitars (8° to 9°) compared with


conséquences de cet angle sur la tension des cordes. Leur réponse fut : « La tension des cordes reste la même si on change cet angle. Par contre, la force d’appui sur le sillet de tête et les forces statiques sur le manche dépendent de cet angle. » Karel – Mon expérience est qu’un angle faible dans les deux sillets, celui de tête et celui du chevalet, donne un ton très chaud et doux. Les guitares Hauser ont aussi cet angle de tête très bas, mais je me suis toujours demandé s’il le faisait pour le son ou parce qu’il utilisait un joint en V et qu’il pouvait gâcher moins de bois grâce à ça. As-tu une idée Gerhard ? Gerhard – Sur le principe, je suis d’accord. Très souvent, les guitares avec des chevilles ont un angle de tête plus important que les guitares avec mécaniques, mais il semble que les fabricants ont continué à travailler avec l’angle le plus fort, même lors de la fabrication de têtes avec mécaniques (Santos par exemple). Mais Arias en général semble avoir travaillé avec un angle plutôt faible pour les deux types de têtes. Souvent, il y a une similitude dans les angles des cordes dans les deux sillets (Santos très haut aux deux extrémités, Hauser très bas). Les acousticiens ont raison : des angles différents n’augmentent ni ne diminuent la tension des cordes. Plus d’angle crée plus d’appui et vice versa, ce qui peut affecter la sensation subjective de « tension » dans la main gauche ou la force nécessaire pour enfoncer une corde. D’autres

those by Torres (12° to 14°), I asked the acoustics engineers from Le Mans University how this angle impacted string tension. Their answer was: “The tension of the strings remains the same if we change this angle. On the other hand, the downforce on the nut and the static forces on the neck depend on this angle.” Karel – My experience is that a low angle – in both the head and bridge saddles – gives a very warm, mellow tone. Hauser’s guitars have this very low head angle, too, but I have always wondered if he made it that way for sound purposes or because he used a V-joint and that way could reduce wood waste. Do you have any idea, Gerhard? Gerhard – Basically, I agree. Very often guitars with wooden pegs have a higher head angle than the slotted ones but it seems that makers continued to work with the stronger angle, even when making heads with mechanical tuners (e.g. Santos). But Arias, in general, seems to have worked with a rather low angle for both types. Very often there are similar string angles at the nut and at the saddle (Santos very high at both ends; Hauser very low). The acousticians are right: different angles do not increase or decrease the tension of the strings. A greater angle creates more “downforce” and vice versa, which can affect

Le chevalet avec une extension derrière le cordier est un détail typique d’Arias. Guitare de 1900, restaurée par John Ray. The bridge with an extension behind the tie-block is a typical Arias detail. Guitar from 1900, restored by John Ray.

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Vicente Arias vu par des luthiers d’aujourd’hui Vicente Arias as seen by today’s luthiers

facteurs peuvent intervenir comme une construction rigide ou légère, la flexibilité du manche, etc.

Tête

Comparaison des angles de têtes entre Torres (gauche) et Arias (droite).

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Head angle comparison between Torres (left) and Arias (right).

Karel – Un grand nombre de têtes ont été équipées de chevilles en bois à l’origine et elles étaient effilées en épaisseur (18 mm à 15 mm étaient courants). Plus tard, beaucoup de ces têtes pleines ont été transformées en têtes à fentes pour loger des mécaniques. Gerhard – En raison de travaux de restauration et de modifications parfois importants, il peut être difficile de déterminer avec certitude si une guitare a été faite à l’origine avec des chevilles en bois ou conçue initialement pour des mécaniques. La plupart du temps, les têtes originales à chevilles, d’épaisseur décroissante vers l’extrémité supérieure, sont amenées à une épaisseur uniforme par collage d’une plaque en cedro en forme de coin pour pouvoir installer des mécaniques. Mais il est également arrivé qu’une tête endommagée ait été remplacée lors d’une restauration, puis modifiée en épaisseur pour l’installation des mécaniques, ce qui ne permet pas de connaître sa configuration originale. En ce qui concerne les mécaniques, je considère d’origine celles qui ont des boutons supplémentaires. Elles ressemblent aux mécaniques inventées par Emil Wettengel (Markneukirchen), qui étaient vendues par la société Gebr. Schuster. Ils ont d’abord enregistré les mécaniques en Allemagne (D.R.G.M.). Ils ont ensuite déposé le brevet en Autriche en 1897 (K.K.Oe.P.) et plus tard, ils l’ont aussi déposé aux États-Unis en 1898 (U.S.A.P.). Tobias – Au xixe siècle, les chevilles en bois étaient très courantes en raison de leur faible prix et de leur disponibilité. Les mécaniques étaient difficiles à obtenir et très chères. J’ai consulté la liste des prix de la Fábrica de Guitarras de Parres y Compañía de Valence en 1907 : ils proposaient des jeux de clavijas (chevilles) pour 0,25 à 0,50 peseta. Les prix des mécaniques variaient de 3 à 18 pesetas. Une belle différence ! Les chevilles en bois étaient toujours utilisées pour les guitares simples et bon marché. Les mécaniques étaient pour la plupart montées sur les instruments luxueux.

the subjective feeling of “tension” in the left hand, or the force that is needed to press down a string. Other factors also make a difference, such as stiff or light construction, flexibility of the neck, etc.

Headstock

Karel – Many headstocks were originally fitted with wooden pegs and were tapered in thickness (18 mm to 15 mm was common). Later, a lot of these headstocks were altered to an open, slotted headstock, fitted with tuning machines. Gerhard – Due to general and sometimes extensive restoration work and alterations, it can be difficult to accurately determine whether a guitar was originally made with wooden pegs or designed for mechanical tuners. Most commonly, heads that originally bore pegs, decreasing in thickness towards the upper end, have been brought to a uniform thickness with the addition of a wedge-shaped piece of Spanish cedar for conversion to mechanical tuners. But there are also cases in which a damaged head will have been replaced during restoration work by a piece already prepared with the thickness required for installing tuners, making it impossible to identify with certainty the original set-up of the head. On the subject of mechanical tuners, I would consider the tuners with the additional knobs to be original. They look like the tuners invented by Emil Wettengel (Markneukirchen) that were sold by the company Gebr. Schuster. They first registered the tuners in Germany (D.R.G.M.), applied for a patent in Austria in 1897 (K.K.Oe.P.), and then also applied for a U.S. patent in 1898 (U.S.A.P.). Tobias – In the 19th century, wooden pegs were very common because of their low price and availability. Tuning machines were harder to obtain and very expensive. I’ve checked the 1907 price list of the Fábrica de guitarras de Parres y Compañía from Valencia: they were offering sets of clavijas (pegs) for 0.25 to Ptas0.50. The prices for tuning machines ranged from 3 to 18 pesetas. Quite a difference! The wooden pegs were


Alberto – Qu’en est-il des différentes formes de tête d’Arias et de la comparaison avec les têtes de Torres ? Tobias – Il y a plusieurs détails dans une guitare qui aident à identifier immédiatement le luthier : la forme de la caisse, la rosace, le chevalet et la tête. La forme des têtes de Vicente Arias nous rappelle celles créées par Antonio de Torres : trois arches, la plus grande au milieu. Torres a adopté cette forme très tôt dans sa carrière. Dans les premières Arias, l’arche du milieu était légèrement plus haute que les deux extérieures : les trois arches étaient assez « plates ». Ensuite, Arias a agrandi et rendu l’arche du milieu plus proéminent, mais sans les deux petites « marches » extérieures des instruments de Torres. D’où vient l’inspiration de Torres pour son motif de tête à trois arches ? Nous ne le savons pas, mais on pourrait commencer par observer l’architecture qui l’entourait, comme celle des cathédrales et autres édifices religieux. Il existe plusieurs cathédrales gothiques-mauresques en Andalousie avec des arches triples comme éléments de construction ou de décoration. Alberto – Tobias, ton hypothèse de l’inspiration religieuse est très intéressante. Le symbolisme du chiffre 3 est présent dans toutes les civilisations, sou-

always used for the cheap, simply-made guitars. Tuning machines were mostly mounted on highend instruments. Alberto – What about the different Arias head shapes and how they compare with Torres’ heads? Tobias – There are several details in a guitar that help to identify the maker at a glance: the shape of the body, the rosette, the bridge and the head. The shape of Vicente Arias’ heads are reminiscent of those created by Antonio Torres: three arches, with the tallest arch in the middle. Torres adopted this shape very early in his career. In Arias’ first design, the middle arch was just slightly higher than the two outer ones: the three arches were almost “level”. Then, Arias enlarged the middle arch and made it more prominent, but without the two small outer “steps” of Torres’ instruments. What might have inspired Torres’ “triple arch” head design? We cannot know for certain, but we can guess by looking at the architecture around him, such as that of cathedrals and other religious buildings. There are several gothic-Moorish cathedrals in Andalusia with triple arches as elements of the construction or decoration.

Superposition d’une tête de guitare Torres sur la façade de la cathédrale de Grenade. Layering of a Torres guitar head on the facade of Granada Cathedral.

Mécaniques avec les trois brevets : Allemagne, Autriche et USA sur une guitare de 1906. Tuners with the three patents: Germany, Austria and USA on a 1906 guitar.

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vent associé à l’ordre, à la perfection et symbole de La Trinité pour les chrétiens. Torres était catholique, Romanillos nous a appris qu’il était à Grenade vers la fin des années 1840 et… les trois portiques de la cathédrale de Grenade correspondent exactement à la forme des têtes de Torres.

Touche

Deux exemples de touches longues, ici avec 20 frettes et à droite avec 21 frettes.

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Two examples of long fingerboards, here with 20 frets and on the right with 21 frets.

Gerhard – Un problème similaire de remplacement lors de réparations ou de restaurations peut survenir concernant le matériau d’origine des touches. On peut supposer qu’Arias utilisait principalement l’ébène pour ses touches, mais Karel a été surpris par le matériau plutôt cassant des touches qu’il a trouvé dans ses travaux de recherche et de restauration sur les guitares d’Arias. Karel – La touche Arias typique est mince : environ 4 mm, maximum 5 mm, mais parfois même de 3 et 2,7 mm. La fine touche augmente la légèreté globale de l’instrument, tandis que le cedro du manche assure la rigidité longitudinale. Le bois utilisé pour la touche était parfois du noyer teinté en noir au lieu du palissandre ou de l’ébène, probablement pour réduire le poids ou pour utiliser un bois moins cher. Avec l’âge, ces touches ont tendance à se fissurer et probablement, certaines de ces touches, à l’origine en noyer, ont été changées plus tard en ébène ou en palissandre. Personnellement, j’ai remplacé une de ces touches en noyer et j’ai pu voir que la teinte noire pénétrait assez profondément dans le bois (3-4 mm). Alberto – Il faut également mentionner que certaines de ses touches ont 19, 20 et même 21 frettes. C’était courant dans les guitares viennoises, mais pas si courant sur les guitares espagnoles. C’est inhabituel et c’est un détail typique d’Arias. Que pense notre luthier autrichien ? Tobias – Oui, au début du xixe siècle, Luigi Legnani, un musicien et compositeur italien qui vivait à Vienne, a écrit des pièces pour guitare qui ont obligé les luthiers à étendre la longueur de la touche « normale », je crois jusqu’à 22 ou 23 frettes ! Ainsi, les fabricants comme Stauffer ou Riess ont construit des modèles « Legnani » spéciaux. Cette mention était inscrite sur les étiquettes des guitares.

Alberto – Tobias, your assumptions on religious inspiration are very interesting. The symbolism of the number three is found in all civilizations, often associated with order, with perfection and for Christians it is the symbol of the Trinity. Torres was Catholic, and we know from Romanillos that he was in Granada in the late 1840s, and… the three porticoes of Granada Cathedral precisely match the shape of Torres’ heads…

Fingerboard

Gerhard – Just as with headstocks, replacements used in repairs or restoration work can cause difficulties in determining the original material of the fingerboards. We assume that Arias used mostly ebony for his fingerboards, but Karel was surprised at the rather brittle fingerboard material that he found during his research and restoration work on Arias guitars. Karel – The typical Arias fingerboard is thin: around 4 mm, maximum 5 mm, but sometimes even as thin as 2.7 to 3 mm. The thin fingerboard increases the overall lightness of the instrument, while the cedar of the neck provides the lengthwise stiffness. Sometimes, however, the wood used for the fingerboard was black-stained walnut instead of rosewood or ebony, probably to reduce the weight or resort to a less expensive wood. With age, these fingerboards tend to crack and some of these original walnut fingerboards were likely subsequently replaced with an ebony or rosewood one. I have replaced one of these walnut fingerboards and I could see that the black stain went rather deep (3-4 mm) into the wood. Alberto – We should also mention that some of his fingerboards have 19, 20 and even 21 frets. This was common on Viennese guitars, but not so common on Spanish ones. That’s unusual and a typical Arias feature. What does our Austrian luthier think? Tobias – Yes, at the beginning of the 19th century, Luigi Legnani, an Italian musician and composer who resided in Vienna, wrote music for guitar that forced luthiers to extend the range of the


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Mais je n’ai jamais vu de guitares espagnoles de cette époque avec un nombre accru de frettes, à part celles d’Arias. Pour la guitare simple et bon marché du xixe siècle, il était très courant de n’avoir que 18 frettes. Le répertoire n’en avait tout simplement pas besoin de plus. Puis la 19e frette « coupée » est devenue de plus en plus populaire grâce à des compositions plus raffinées et exigeantes. De toute évidence, il y avait aussi une demande pour des guitares à plus de six cordes pour étendre l’ambitus musical. Il y a eu plusieurs luthiers, autres qu’Arias, qui ont fabriqué ces instruments (Torres, Manuel Ramírez…), mais le nombre de frettes était limité à 19. Arias a fait des touches avec 21 frettes ! Et il a construit des guitares avec des touches étendues pendant plus de trente ans. Cela le rend tout à fait unique parmi les luthiers de son temps. Pour quel répertoire étaient construites ces touches ? Pourquoi les autres fabricants de guitares ne l’ont pas fait ? Nous n’avons pas de réponse à ces questions.

Poids

Karel – Une autre caractéristique importante du charme des guitares de Vicente Arias est l’incroyable légèreté de ses instruments. Le poids est souvent inférieur à un kilogramme et certaines guitares, fabriquées avec un cyprès extrêmement léger, pèsent 850 grammes, voire moins. En réduisant le poids au niveau du manche (avec une touche fine) et de la tête (en utilisant des chevilles en bois), les guitares ont un très bel équilibre.

Modèles et prix

Beaucoup de travail et de temps passé pour décorer cette guitare de 1899.

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A lot of time and effort went into decorating this 1899 guitar.

Gerhard – Pour la construction de ses guitares, Vicente Arias a utilisé une variété de matériaux de différentes qualités. Il a fabriqué la plupart de ses guitares en suivant l’une des règles du métier selon laquelle le prix d’un instrument est fonction de la qualité des matériaux et de la quantité d’incrustations et d’éléments décoratifs. Des matériaux plus chers, très probablement importés, qui devaient être achetés auprès de revendeurs spécialisés, et des éléments décoratifs sophistiqués, qui nécessitaient plus de travail et de temps, devaient finalement entraîner des prix plus élevés par rapport aux guitares plus simples, avec moins d’éléments décoratifs et utilisant des matériaux nationaux moins chers. L’un des instruments les plus étonnants d’Arias est une guitare de 1874, fabriquée avec le fond et les éclisses en érable ondé, qui a une belle structure régulièrement flammée. L’érable d’une qualité aussi exceptionnelle ne provenait pas d’Espagne et devait être importé d’autres pays, probablement d’Italie ou

“normal” fingerboard, I think up to 22 or 23 frets! So makers like Stauffer or Riess built special “Legnani models”. This was mentioned on the labels of the guitars. But I have never seen Spanish guitars from this epoch, other than Arias’ guitars, with additional frets. For simple, average guitars in the 19th century it was very common to have only 18 frets. The repertoire simply did not require more. Then the “split” 19th fret began to grow in popularity due to more refined and demanding compositions. Obviously, there was also a demand for guitars with more than six strings to extend the musical range. There were several makers, aside from Arias, who made such instruments (Torres, Manuel Ramírez, etc.) but the number of frets was limited to 19.Arias made some extended fingerboards with 21! And he built guitars with extended fingerboards for more than thirty years. That makes him quite unique among the guitar-makers of his time. For which repertoire were these fingerboards built? Why were no other guitar-makers doing it? We don’t have the answer to these questions.

Weight

Karel – Another important part of the charm of Vicente Arias’ guitars is the incredible lightness of the overall instrument. The weight is often less than 1 kilogram and some guitars, made with extremely light cypress, weigh a mere 850 grams or less. By reducing weight in the neck (with a thin fingerboard) and headstock (using wooden pegs), he made guitars that are beautifully balanced.

Models and prices

Gerhard – For the construction of his guitars, Vicente Arias used a variety of materials of different qualities. He made most of his guitars following one of the rules of the trade according to which the instrument’s price reflected the quality of the materials and the number of inlays and decorative elements. More expensive materials – most probably imported, requiring purchase from specialised dealers – and labour-intensive decorative elements – requiring more work and time – resulted in higher prices than more basic guitars made from cheaper domestic materials with fewer decorative elements. One of Arias’ most stunning instruments, a guitar from 1874, was made with back and sides of flamed maple with a regularly flamed structure. This superb maple was not of Spanish origin and must have been imported from elsewhere, probably Italy


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La conception et l’exécution de ses rosaces sont uniques pour son époque. Elles prouvent ses qualités exceptionnelles d’artiste et de luthier. Si Torres préférait les décorations avec des lignes droites, Arias était le maître des lignes courbes. The design and workmanship of his rosettes were unique at the time. They prove his exceptional qualities as an artist and as a guitar-maker. If Torres preferred decorations with straight lines, Arias was the master of curved lines. 56

d’Europe centrale. L’érable de haute qualité a toujours été rare et apprécié par les fabricants d’instruments de musique, notamment par les facteurs de violons, mais aussi par les luthiers de guitares. Dans un catalogue non daté du début du xxe siècle de la société Gebr. Schuster, marchands et importateurs d’instruments de musique de Markneukirchen, les jeux en érable de la plus haute qualité pour guitares, composés de deux pièces pour le fond et deux pour les éclisses, étaient encore plus chers que les meilleurs jeux de palissandre brésilien. Il est intéressant de noter qu’Antonio de Torres a également fabriqué deux de ses guitares les plus spectaculaires avec le fond et les éclisses en érable : une guitare primée de 1858 (FE 08, nommée Cumbre), et sa propre guitare, fabriquée en 1864 et vendu à Francisco Tárrega en 1869 (FE 17). En plus de ses guitares haut de gamme, Arias, comme Antonio de Torres et la plupart de ses contemporains, fabriquait des instruments moins chers, en utilisant du cyprès local, des jeux en érable simple ou non flammé de qualité inférieure, ou des jeux non assortis de palissandre pour le fond et les éclisses. Ces guitares simples en cyprès, représentent le type classique de la « guitare populaire » du xixe siècle qui, au début du xxe siècle, a évolué vers la guitare de flamenco. Ce sont des instruments moins chers, probablement pour une clientèle locale ou celle jouant dans les rondallas, ces ensembles typiquement espagnols, avec bandurrias et laúdes.

Rosace

Karel – Il y a une incroyable variété de rosaces dans ses guitares. De nombreux modèles simples ont des rosaces avec des cercles concentriques noirs et blancs combinés avec des bandes vertes, bleues ou jaunes, principalement avec le noir comme couleur dominante. Les dessins les plus élaborés sont des « pièces uniques », mais parfois un petit détail ou un motif peut se retrouver dans deux ou trois rosaces différentes. Il existe une très large diversité de techniques impliquées dans la fabrication de ces rosaces. Ne sachant pas comment elles ont été faites, on ne peut qu’essayer de le deviner et admirer ces chefs-d’œuvre. Les placages sont naturels ou colorés, en bois debout ou non, parfois avec de petits morceaux d’os ou de nacre insérés. Dans certaines des rosaces les plus spectaculaires, comme celle avec les anneaux de 1885, une sorte de pâte de bois noire a été utilisée pour combler les petits espaces. J’ai fait récemment une copie de cette rosace avec les anneaux et il m’a fallu plusieurs jours de réflexion et plus de cent heures de travail !

or central Europe. High-quality maple was always rare and highly prized among the makers of musical instruments, chiefly among the violin luthiers, but also among guitar-makers. In an undated early twentieth-century catalogue from the company Gebr. Schuster, dealers and importers of musical instruments from Markneukirchen, the highest quality maple sets for guitars, consisting of two pieces for the back and two ribs, were even more expensive than the best sets of Brazilian rosewood. It is interesting to note that Antonio de Torres, too, made two of his most spectacular decorated guitars with back and sides from exquisite maple: an award-winning guitar from 1858 (FE 08, named Cumbre), and his own guitar, made in 1864 and sold to Francisco Tárrega in 1869 (FE 17). In addition to his more expensive guitars Arias, like most of his contemporaries and also Antonio de Torres, made less expensive instruments using domestic cypress, lower-graded sets of simple or non-figured maple, or unmatched sets of rosewood for his backs and sides. These simple cypress guitars typify the classic 19th century “guitarra popular” which would later evolve in the early 20th century into the flamenco guitar. They were more affordable instruments, likely targeting a local clientele or those playing in the typical Spanish rondalla ensembles, together with bandurrias and laúdes.

Rosette

Karel – There is an incredible variety of rosettes to be found in Arias’ guitars. Many simple models bear rosettes of concentric circles of black and white, combined with green, blue or yellow strips, mostly with black as the predominant colour. The more elaborate designs are unique “one-offs”, but sometimes a small detail or pattern is repeated in two or three different rosettes. There is a very wide range of techniques involved in making these rosettes. Not knowing how they were made, one can only guess – and stand in awe of these masterpieces. Veneers are natural or coloured, end grain side or long grain side. At times they feature small bone or mother-of-pearl inlays as well. In some of the more spectacular rosettes, like the one from 1885 with the rings, a kind of black wood paste was used to fill small gaps and holes. I recently made a copy of this ring rosette and it took me many days of thinking and more than a hundred hours of work!


« Ces guitares simples en cyprès qui, au début du xxe siècle, ont évolué vers la guitare de flamenco. » “These simple cypress guitars which would later evolve, in the early 20 th century, into the flamenco guitar.”

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Témoignages de restauration In the eyes of restorers

L

orenzo Frignani, Gabriele Lodi, John Ray, Bernhard Kresse et Vincent Dubès, cinq excellents luthiers européens, témoignent de leur expérience lors des restaurations qu’ils ont effectuées sur des guitares de Vicente Arias.

Lorenzo Frignani

Les traces évidentes d’un tornavoz et de doubles éclisses. Obvious traces of a tornavoz and double-ribs.

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Quelle est votre expérience des guitares de Vicente Arias ? Je n’ai pas eu l’occasion de voir beaucoup de guitares d’Arias mais celle que je connais pour l’avoir restaurée il y a quelques années est une guitare en érable de 1903. Il est très probable qu’à l’origine, cette guitare ait eu un tornavoz, ce qui peut être clairement vu sur le bord de la bouche. Il est possible qu’il ait été retiré lors de la première restauration, car le bord interne de la bouche présente de petits arrachements, probablement causés par la suppression du tornavoz. De plus, cette guitare devait avoir des éclisses doublées à l’origine. Je l’ai remarqué en voyant les traces d’une double rangée de peones sur la table et la double découpe dans le talon du manche. Arias était certainement un chercheur, toujours en train d’essayer des solutions pour améliorer ses guitares. Il devait être aussi très créatif : ses rosaces sont étonnantes. Même si la rosace est un élément purement esthétique, sans aucune incidence du point de vue acoustique, n’oublions pas qu’il y a peu de détails dans la guitare où le luthier peut exprimer son sens esthétique et la rosace en est un. Il est rare de voir deux guitares d’Arias avec la même rosace ; peut-être l’a-t-il fait pour ses guitares simples, moins chères. Finalement, je suis toujours étonné de voir plus de photos de Tárrega avec une Arias en mains qu’avec une Torres. Il ne s’agit bien sûr pas de dire si Torres était meilleur qu’Arias ou non, il s’agit de situer les deux luthiers dans l’histoire de la lutherie de guitare et de leur donner la place qu’ils méritent.

L

orenzo Frignani, Gabriele Lodi, John Ray, Bernhard Kresse and Vincent Dubès, five excellent European luthiers, give us an account of what they saw during their restoration work on Vicente Arias guitars.

Lorenzo Frignani

What experience do you have with Vicente Arias guitars? I haven’t had the opportunity to examine many Arias guitars, but the one that I know well is a maple model from 1903 that I restored years ago. It is very likely that this guitar originally had a tornavoz, judging by the marks on the edge of the soundhole. It was probably removed during the first restoration, as the inner edge of the soundhole shows small tears, no doubt caused by the removal of a tornavoz. In addition, this guitar was doubtless designed with doubled sides. I noticed this when I saw vestiges of a double row of peones on the soundboard and the double slot on the neckblock. Arias was certainly an enquirer, always trying to find ways to improve his guitars. He also must have been very creative: his rosettes are incredible. Even though the rosette is a purely aesthetic element, making no impact whatsoever from an acoustic point of view, let us not forget that there are very few components on a guitar where luthiers can showcase their artistic sense and the rosette is one of them. It is rare to see two Arias guitars with the same rosette; perhaps he repeated designs in his simpler, cheaper guitars. Finally, it always amazes me that there are more pictures of Tárrega with an Arias than with a Torres: but I don’t think that it’s a question of whether Torres was better than Arias or the other way around; it’s about situating the two luthiers in history and giving each of them their rightful place, the one they deserve.


La guitare de 1903 ouverte avant sa restauration. The 1903 guitar opened and ready for restoration.

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Témoignages de restaurations In the eyes of restorers

Gabriele Lodi

Vous avez eu l’occasion de restaurer des guitares d’Antonio de Torres et de Vicente Arias. Que vous ont-elles appris ? Je pense que tous deux ont eu le mérite de partir de ce qui existait pour faire évoluer la guitare vers un concept plus moderne de l’instrument. Ils vont tous les deux vers un idéal sonore, ils veulent mener la guitare vers un univers plus riche, plus complexe, élargir ses possibilités. Ils veulent la doter d’un timbre, de couleurs et de sons que les guitares de leur temps n’avaient pas. Ils ne cherchent pas seulement le volume, ils placent le guitariste au centre de leurs préoccupations et font des instruments qui donnent la possibilité de transmettre des émotions. Ils construisent des guitares avec peu de masse, légères, malléables. Les guitares d’aujourd’hui sont en général plus lourdes et imposent leur propre caractère, qui peut être très beau, mais elles laissent moins de latitude à l’interprète.

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Il y a quand même des différences entre Torres et Arias… Bien sûr. Torres a ses racines en Andalousie avec des guitares de Séville, de Cadix, de Grenade. Ses tables et ses fonds sont assez plats avec seulement une petite bosse dans le lobe inférieur. Arias vient du centre du pays et il va prendre certaines caractéristiques typiques de la construction madrilène comme la table et le fond plus bombés. Arias est un chercheur, il est peut-être plus curieux, il a fait beaucoup d’expériences avec les barrages et avec le fond. Je pense qu’il considérait le fond presque comme une membrane vibrante et il a fait des recherches dans deux directions : il a cherché d’une part la légèreté avec des épaisseurs très fines et d’autre part à isoler le fond de la guitare du corps de l’interprète, soit avec un double fond, soit avec un « tripodion », comme le préconisait Dionisio Aguado. J’ai ici, dans mon atelier, une guitare avec double fond et une autre avec des supports pour la monter sur un trépied. Torres considérait le fond de la guitare comme une partie qui devait être stable, pas rigide mais stable, pour renvoyer le son vers la bouche. Avec le cyprès, il est parfois allé jusqu’à 2,8 ou 3 mm d’épaisseur, ce qui est beaucoup. Arias, au contraire, voulait faire participer le fond, le libérer. Une autre des caractéristiques d’Arias est la légèreté de ses guitares, souvent proches de 800 grammes ! À l’époque de Ciudad Real, elles sont à la limite de la résistance du matériel. Dans la période madrilène, les guitares deviennent un peu

Gabriele Lodi

You have had the opportunity to restore guitars by Antonio de Torres and Vicente Arias; what did they teach you? I think that both luthiers had the merit of building on what already existed and pushing the guitar to evolve into a more modern instrument. Both were moving towards an ideal sound, wanting the guitar to embody a richer, more complex universe, hoping to expand its possibilities. They wanted to give the guitar a timbre, colour and sound that the guitars of their time did not have. They did not merely seek volume; they placed the guitarist at the centre of their concerns and made instruments that could transmit feelings. They built guitars with little mass; light, malleable. Today’s guitars are generally heavier and impose their own character, which it can be very beautiful, but they leave less latitude to the performer. There are still differences between Torres and Arias… Of course! Basically, Torres had his roots in Andalusia, influenced by the guitars of Seville, Cadiz and Granada; his soundboards and backs are usually quite flat, with just a slightly arched top in the lower lobe. Arias came from the centre of the country and would adopt certain characteristics typical of Madrid construction, such as the more markedly arched soundboards and backs. Arias was an explorer, and perhaps more curious; he experimented a lot with bracings and with backs. I think he considered the back almost like a vibrating membrane and he explored this in two directions: one towards lightness, using very thin thicknesses and, on the other hand, he sought to isolate the back of the guitar from the body of the performer, either with a double-back, or with a “tripodion” as recommended by Dionisio Aguado. I have here, in my workshop, a guitar with a double-­ back and another with supports for mounting it on a tripod. Another difference is that Torres saw the back of the guitar as a part that needed to be stable, not stiff but stable, to redirect the air out through the soundhole. When using cypress, Torres occasionally went up to 2.8 or 3 mm thick, which is a lot. Arias, on the contrary, wanted to involve the back, to free it. Another of Arias’ characteristics is the lightness of his guitars, often close to a mere 800 grams! In his Ciudad Real period he built them at the absolute limit of their material strength. In the Madrid period, his guitars become a little less


moins vulnérables et les épaisseurs un peu plus importantes. J’ai remarqué un barrage intelligent dans les Arias que j’ai pu examiner : les brins de l’éventail n’avaient pas les veines dans la même direction que la table : elles étaient perpendiculaires à sa surface. On utilise la même technique dans la fabrication des arcs de chasse pour leur donner plus d’élasticité : les brins découpés de cette manière s’harmonisent mieux avec les vibrations de la table, évitent les déformations et prolongent la vie de la guitare. Cela n’empêche pas les fentes mais les tables d’Arias, malgré leur légèreté, se sont moins déformées dans le temps grâce à ce système. Antonio de Torres et Vicente Arias sont guidés par la volonté de développer le potentiel de la guitare et d’en faire un instrument magique. C’est logique de penser que Tárrega ait trouvé l’instrument idéal dans les guitares de ces deux luthiers. N’oublions pas que la grande leçon de Tárrega, comme celle de Segovia, ça n’était pas la virtuosité, c’était la magie.

extreme and the thicknesses more generous. I also noticed, in the Arias guitars that I was able to examine, a very intelligent bracing style: the struts of the fan did not have the grain in the same direction as the top; they were perpendicular. The same technique is used in the manufacture of hunting bows to give them more elasticity: the bars turned in this direction harmonize better with the movements of the soundboard, avoid big deformations and prolong the life of the guitar. This does not prevent cracks but Arias’ tables, considering how thin they are, have collapsed less over time than those of other prestigious luthiers, thanks to this system. Antonio de Torres and Vicente Arias were guided by the desire to develop the potential of the guitar and make a magical instrument. It is only logical that Tárrega found his ideal instrument in the guitars of these two luthiers. Let us not forget that Tárrega’s greatest gift, as was the case with Segovia, was not virtuosity; it was magic.

Une armoire de rêve chez Lodi : Antonio de Torres, Vicente Arias et José Ramírez I. Lodi’s dream wardrobe: Antonio de Torres, Vicente Arias and José Ramírez I.

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Témoignages de restaurations In the eyes of restorers

John Ray

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John Ray

Mon opinion sur les restaurations est que les instruments doivent être conservés autant que possible dans leur état d’origine. Nous avons beaucoup appris des instruments anciens et nous pourrions en apprendre encore plus, mais à chaque modification, nous perdons des informations sur l’instrument original et sur son luthier.

My position on restorations is that instruments should be conserved in their original state as much as is possible. We have learned so much from antique instruments and we could learn so much more, but with every modification that we make, we lose information about the original instrument and its maker.

L’instrument Cette guitare a plusieurs des caractéristiques que nous pouvons voir dans d’autres guitares conservées de ce luthier : double fond en palissandre, rosace élaborée avec un motif curviligne, chevalet élargi dans la partie centrale, touche à vingt et une frettes et tête à trois lobes. L’instrument est dans un état de conservation magnifique. Il reste des traces d’une ouverture qui aurait permis de soulever le fond. Il y a aussi quelques petits trous dans le fond qui auraient servi de guide pour le remontage. Le travail original est très bon à notre avis, du niveau des guitares d’Antonio de Torres et de Santos Hernández que nous avons pu examiner. L’un des aspects les plus remarquables de la guitare est la flexibilité de la table d’harmonie. En appuyant légèrement avec les doigts sur le chevalet et autour, la table cède facilement, revenant à sa position de repos dès que la pression est interrompue, dans un mouvement que l’on peut qualifier de diaphragmatique. D’après notre expérience, c’est l’une des tables d’harmonie les plus flexibles que nous ayons jamais vues, à la limite de ce que nous croyons être la résistance mécanique d’une table. Cependant, malgré ses cent dix ans, le bon état qu’elle présente est surprenant. Le barrage est composé de sept brins disposés en éventail, sans barrettes fermant le bas de l’éventail comme le faisait Torres, plus quelques brins très courts étrangement situés. Le fond intérieur montre deux ouvertures symétriques, de 30 mm de diamètre, juste sous les ailes du chevalet. Il a une épaisseur de 1,5 mm et il est construit, comme les fonds traditionnels, avec trois barres et un renfort d’éclisse. La différence, c’est que les barres et le renfort sont plus petits. À l’arrière de la tête, on peut voir quelques ajouts qui auraient rempli les ouvertures laissées par des mécaniques et permis l’installation de chevilles traditionnelles. Cependant, nous n’observons pas d’autres preuves confirmant cette possibilité. Nous avons fait quelques petites interventions sur l’instrument : les sillets de tête et du chevalet ont été remplacés. Ils n’étaient pas de la bonne forme ou de la bonne taille et nous sommes sûrs qu’il ne s’agissait pas des originaux. Nous avons aussi nivelé les frettes et retiré le golpeador en plastique.

The instrument The guitar shows various characteristics which we have seen in other guitars made by this master builder: double-back of rosewood, rosette with curved pattern, bridge with lip, fretboard with 21 frets and a three-lobed headstock. The instrument is in a magnificent state of conservation. There is evidence of a possible back removal. Small holes are visible on the outside, which may have been used to reposition the back. The original craftsmanship is excellent: in our opinion, certainly up to the standard of the guitars of Antonio de Torres and Santos Hernández that we have been able to examine. One of the most surprising aspects of this guitar is the extreme flexibility of the top. Pushing lightly on the top, with the fingers on the bridge or its surroundings, causes the top to move downwards easily but to return to its original position as soon as the pressure is removed, in a movement which might best be called diaphragmatic. My experience is that this is the most flexible top I have ever seen on a guitar and is surely at the limit of the mechanical resistance of the wood. So it is surprising that, even after 120 years, the top is in such good condition. The bracing consists of seven fan struts but without any closing bars as would be present in the typical Torres pattern. There are, however, a few very short bars in unusual places. The internal back has two circular holes, each with a diameter of 30 millimetres. The thickness of this back is 1.5 millimetres and it is similar to a normal back: three bars and a lining at the union with the sides. The difference is that the bars, as well as the lining, are of reduced dimensions. At the back of the head, we can see some additions that would have filled the openings left by mechanical tuners and allowed the installation of traditional pegs. However, there is no other indication that this modification was indeed performed. It was necessary to make a few adjustments to the guitar: the saddle and nut were replaced, as they were inappropriate in both size and shape, and we were sure that they weren’t the originals. The frets had been levelled and the tap plate removed. The tuning pegs were very worn and we


Bois Table d’harmonie : épicéa Éclisses et fonds (intérieur et extérieur) : palissandre de Rio Manche : cedro Touche et chevalet : palissandre de Rio Mesures Éclisse au manche : 92 mm Éclisse au joint : 93 mm Du fond intérieur à la table : 79 mm Diamètre de la bouche : 86 mm Longueur de la caisse : 479 mm Largeur au lobe supérieur : 264 mm Largeur à la ceinture : 228 mm Largeur au lobe inférieur : 365 mm Diapason : 650 mm Woods Soundboard: spruce. Sides and backs (internal and external): Brazilian rosewood. Neck: Honduran Cedar. Fretboard and bridge: Brazilian rosewood. Measurements Body depth at heel: 92 mm Body depth at endblock: 93 mm From internal back to the top: 79 mm Soundhole diameter: 86 mm Body length: 479 mm Upper bout width: 264 mm Waist width: 228 mm Lower bout width: 365 mm Scale: 650 mm

Les chevilles étaient très endommagées et ont dû être remplacées par des chevilles d’aspect traditionnel mais avec un engrenage mécanique interne. Le fond extérieur présentait plusieurs fissures, qui semblaient réparées. Examiner cette guitare, c’est redécouvrir des techniques et des méthodes de construction qui malheureusement se perdent. Sur le fond intérieur, on pouvait voir, par exemple, les marques du rabot à dents qui était utilisé pour uniformiser l’épaisseur (ces marques disparaissent généralement avec le ponçage) et à l’intérieur de la table d’harmonie, juste sous le chevalet, nous avons vu de petites brûlures qui révèlent l’application de chaleur au moment du collage. La guitare a été jouée dans de nombreux concerts depuis et dans un excellent enregistrement de Javier Riba : Aljibe de Madera.

opted for replacing them with mechanical pegs with internal gearing, which looks similar to the traditional ones. There seem to be some cracks in the external back, which I believe were repaired. To examine this guitar is to come to terms with techniques and construction methods that are, in some cases, sadly disappearing. On the surface of the internal back there are light marks of the toothing plane that was used to obtain uniform thicknesses (normally, these traces disappear upon sanding). On the underside of the top, under the bridge, we saw a slightly blackened zone, which reveals the application of heat at the time of gluing. The guitar has been played in many concerts since then and in an excellent recording by Javier Riba: Aljibe de Madera.

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Témoignages de restaurations In the eyes of restorers

Bernhard Kresse

Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de restaurer deux guitares de Vicente Arias, les deux équipées de cordes graves supplémentaires. L’un de ces instruments était une guitare de onze cordes de 1890. Leur disposition était de sept cordes au-dessus de la touche et quatre cordes en dehors. Le chevalet se prolongeait vers le côté des graves de la table d’harmonie ; le corps était relativement petit. Cette guitare est très similaire à d’autres onze cordes existantes d’Antonio de Torres, comme la SE 83 du Musée de la musique à Paris. L’instrument était en très mauvais état et il mettait en évidence le problème majeur de la construction de guitares à cordes multiples : si vous renforcez la construction pour résister à la tension supplémentaire des cordes, la guitare ne sonne plus, et si vous faites une construction trop légère, elle finira par s’effondrer, ce qui est arrivé à cette Arias de 1890. La signature d’un réparateur à l’intérieur montrait qu’elle avait été ouverte quelques années après sa construction. Le second instrument, l’Arias de 1899 à neuf cordes de Raphaella Smits, est assez différent et unique dans son apparence. À côté de la bouche normale, nous en trouvons une deuxième du côté des aigus, plus petite et en forme de lentille. Pourquoi ? L’esthétique, ou était-ce un élément acoustique pour augmenter la fréquence de résonance ? Je ne peux qu’imaginer. Le long diapason de 72 cm et la grande caisse suggèrent que l’instrument était à l’origine conçu comme une guitare basse d’accompagnement. Les cordes étaient attachées à un cordier fixé sur le tasseau, comme sur un violon ou une guitare de jazz. Après avoir essayé les deux systèmes, les cordes attachées à un cordier et les cordes attachées au chevalet, nous avons décidé d’utiliser le chevalet traditionnel. Les cordes sur mesure fabriquées par D’Addario ont aidé à maintenir la tension totale des cordes à un niveau raisonnable. À ma grande surprise, le son ne sortait pas trop chargé en basses mais s’est avéré très équilibré et avec la même voix aiguë, claire et noble, que je connaissais des autres guitares d’Arias. Raphaella a enregistré un disque absolument merveilleux avec cette guitare et la musique de Manjon. Mes compliments au luthier et à l’artiste. 64

Bernhard Kresse

Some years ago, I had the opportunity to restore two guitars by Vicente Arias, both with additional bass strings. One of these instruments was an 11-string guitar from 1890. The string layout featured seven strings running above the fretboard and four strings running beside the fingerboard. The elongated bridge extended on the bass side of the soundboard; the body was relatively small. This guitar is very similar to other existing 11-string models by Antonio Torres, such as the SE 83 in the Musée de la Musique in Paris. The instrument was in very poor condition and it revealed the essential problem of building multistring guitars: If you reinforce the construction to enable it to withstand the additional string tension, the guitar no longer produces much sound, but if you leave the construction too light it will soon collapse, and this is what happened with the Arias 1890. A repair signature inside the guitar showed that it had been opened just a few years after its construction. The second instrument, an 9-string Arias from 1899 owned by Raphaella Smits, is quite different and rather unique in its appearance. Over and above the normal soundhole, there is a second one on the treble side, which is smaller and lens-shaped. Why? Aesthetics? Or was it an acoustic element, designed to raise the frequency of the resonance? I can only guess. The instrument’s long 72 cm scale and large body suggest that it was originally built as a guitar-bass for accompaniment. The strings were fixed on a tailpiece at the endblock, as on a violin or a jazz guitar. After trying both systems – strings attached to a tailpiece and strings attached to a bridge – we opted to use a traditional bridge attachment. Custom made strings by D’Addario helped to keep the total string tension at a reasonable level. To my surprise, the sound didn’t come out too bass-heavy, but instead proved to be very balanced and with the same clear and noble treble voice that I knew from other Arias guitars. Raphaella recorded an absolutely wonderful Manjon music CD with this guitar. My compliments to the luthier and to the artist.


La guitare à 11 cordes de 1890 en cours de restauration par Bernhard Kresse. The 11-string guitar from 1890 undergoing restoration by Bernhard Kresse.

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Témoignages de restaurations In the eyes of restorers

Vincent Dubès

Les guitares de Vicente Arias que j’ai eu la chance d’avoir en main m’ont toujours surpris par leur légèreté. Travailler des épaisseurs de bois aussi fines exige du luthier une grande compréhension des forces et des contraintes mécaniques. Ses guitares chantent sans effort jusque dans l’aigu. Même s’il a fait de multiples recherches au cours de sa carrière, on retrouve des caractéristiques constantes dans son travail. Vicente Arias produit des modèles aux courbes très prononcées avec des épaules assez étroites qui soutiennent bien le manche et la touche. Le bloc central du chevalet (sillet et cordier) mesure plus ou moins la moitié de sa longueur totale. L’écart entre la première et la sixième corde et le sillet du bas n’est que de 55 mm (parfois 56 mm) ce qui diminue le balancement du chevalet d’un côté à l’autre. Rigide et stable, ce chevalet pourrait expliquer en partie la surprenante longueur de son pour des instruments aussi légers. Pour ce qui est du manche, Vicente Arias conserve beaucoup de matière pour renforcer les joints diapason-talon et manche-tête. Il privilégie le palissandre ou le noyer teinté pour la touche, qu’il travaille en épaisseur constante de 4 mm jusqu’à la rosace. Ainsi, les notes aiguës portent et cela explique peut-être pourquoi il ne se prive pas de prolonger les touches de quelques cases. J’observe une certaine spontanéité dans le travail de celui que l’on surnommait « El Tango ». À l’intérieur de ses instruments, les traces d’outils sont visibles (rabot à dents, canif, râpe, etc.). À l’extérieur aussi, ces traces restent parfois présentes et on les devine immortalisées sous le vernis. Ses gabarits asymétriques, ses éclisses qui penchent parfois d’un côté, parfois de l’autre, jouent certainement un rôle dans les mouvements de danse de l’instrument, que nous ne voyons pas mais qui créent le son. Arias laisse une place à l’improvisation, à l’aléatoire. Chaque luthier apporte sa pierre à l’édifice. Arias, c’est la liberté. Le chant semble venir d’ailleurs, naturel et touchant de simplicité. Jouer une Arias, c’est oublier la guitare, rêver la musique. Capables de s’adapter à des répertoires très variés, ses instruments sont tellement épurés dans leur conception qu’ils pourraient, même si c’est historiquement incorrect, être à l’origine de toutes les autres guitares !

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Vincent Dubès

The Vicente Arias guitars that I was lucky enough to have in hand have always surprised me with their lightness. Working with such thin thicknesses demands a great understanding of the wood’s mechanical forces and constraints on the part of the luthier. His guitars sing effortlessly, right up into the trebles. Although he undertook extensive research during his career, there are consistent characteristics in his work. Vicente Arias produces models with very pronounced curves with fairly narrow shoulders that firmly support the neck and fingerboard. The central block of the bridge (saddle and tailpiece) measures more or less half of its total length. The gap between the first and sixth string at the saddle is only 55 mm (sometimes 56 mm), which reduces the sway of the bridge from side to side. Rigid and stable, this bridge could partly explain the surprising length of sound for such light instruments. For the neck, Vicente Arias retains a lot of material to strengthen the fretboard-heel joint and the neck-head joint. He favours rosewood or stained walnut for the fingerboard, which he works to a uniform thickness of 4 mm all the way to the rosette. The high notes thus have good projection, which may explain his fearlessness in boldly extending the fingerboards by a few frets. I see a certain spontaneity in the work of this man who was nicknamed “El Tango”. Inside his instruments, there are visible marks left by his tools (such as a toothed plane, carving knife, or rasp). On the outside too, we can sometimes still make out these traces, immortalized under the varnish. The asymmetrical templates, the ribs which sometimes tilt to one side, or sometimes to the other, certainly play a role in the instrument’s dancing movements, which we do not see but which create the sound. Arias leaves room for improvisation, for serendipity. Each luthier makes a contribution. Arias’ bestowal is freedom. A song that seems to come from elsewhere, natural and touching in its simplicity. To play an Arias is to forget the guitar; it is to dream of music. Able to adapt to a wide variety of repertoires, his instruments are so clean in design that they could – although this is historically incorrect – be the forerunners of all other guitars.


Renforcer certains points et en alléger d’autres : une recherche constante d’équilibre. Reinforce certain points and lighten others: a constant search for balance.

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Les plans de Karel Dedain Karel Dedain’s plans

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arel Dedain fait des plans de guitares classiques d’une rare perfection. Il s’agit des plans de guitares des grands luthiers (Esteso, Bouchet, García, Torres…) qu’il met à disposition de ses élèves de l’école de lutherie de Puurs (Belgique). Nous publions ici, réduits à la taille du livre, un comparatif de gabarits et quatre plans de guitares Arias, avec leurs photos en transparence dont l’un est imprimé en taille réelle et joint en fin de livre.

arel Dedain creates plans of classical guitars that are of rare perfection: guitar plans of the master luthiers (Esteso, Bouchet, García, Torres…), which he makes available to his students at the school of lutherie in Puurs (Belgium). Here, reduced to fit the page, is a scaled comparison of templates and four plans of Arias guitars, with layered transparent photos, one of which is also printed in life size and included at the end of the book.

Notes sur les plans et leur utilisation par Karel Dedain Je suis fermement convaincu que pour faire une bonne copie d’un instrument et obtenir le meilleur résultat, il faut voir l’original, l’entendre et le sentir. Ce n’est qu’alors que nous avons un objectif clair et que nous pouvons essayer de donner le même charme à l’instrument nouvellement construit. J’ai mesuré personnellement toutes les guitares avec une bonne précision et j’en ai dessiné des plans aussi détaillés que possible. J’ai choisi de dessiner les guitares dans l’état où je les ai trouvées et non dans l’état où je pense (ou suppose) qu’elles étaient autrefois. Leurs contours ont été tracés avec les instruments originaux, puis ont été scannés et redessinés sur ordinateur. Les barrages et les épaisseurs ont été étudiés à l’aide de lumières LED, de miroirs, de caméras vidéo, d’aimants, de règles, de calibres, d’outils de mesure d’épaisseur, de pâte à modeler… Les plans sont conçus comme des « plans de construction », directement utilisables par les luthiers. Cela signifie que les guitares sont dessinées symétriquement. Aucun des instruments mesurés n’est parfaitement symétrique. Une guitare ancienne a quatre formes différentes de plantillas : le côté grave et aigu de la table et le côté grave et aigu du fond ; chacun d’eux est un peu différent des trois autres. J’ai toujours choisi celui qui me paraissait le plus élégant des quatre. Comme Arias a dû construire ses rosaces de manière spontanée (ce qui leur donne beaucoup de charme), il y a toujours de petites variations dans l’exécution du motif. Dans les plans, les rosaces ont été dessinées d’une manière parfaitement géométrique, ce qui est un bon point de départ pour le luthier qui aspire à en faire une copie.

Notes on the plans and their use by Karel Dedain I firmly believe that in order to make a good copy of an instrument, and achieve optimal results, we have to see the original; hear and feel it. Only then will we have a real target for which to aim, and we can try to infuse the same charm into a newly built instrument. I personally made high-precision measurements for each guitar and drew the plans in as much detail as possible. I chose to draw the guitars as I found them and not as I thought (or guessed) they once were. The outlines were drawn, using the original instruments, then scanned and redrawn on the computer. Bracing patterns and thicknesses were documented using LED lights, mirrors, video cameras, magnets, rulers, callipers, thickness gauges, modelling clay… My plans are designed as “construction plans”, directly usable by luthiers. This means that the guitars are drawn symmetrically. None of the measured instruments is perfectly symmetrical. In fact, an antique guitar has four different plantilla shapes: the bass and treble side of the soundboard, and the bass and treble side of the back; each of them is a little bit different from the other three. I always chose the one that seemed to me the most elegant of the four. As Arias must have built his rosettes spontaneously (which gives them a lot of appeal), there are always small variations in the pattern. In my plans, the rosettes have been drawn in a geometrically perfect version, serving as a good starting point for any luthier aspiring to replicate them.


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Ma première Arias My first Arias

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ous publions ici l’article écrit par Siegfried Hogenmüller pour la revue Guitar International dans les années 70.

hat we are reproducing here is the article written by Siegfried Hogenmüller for Guitar International magazine in the 1970s.

C’était pendant l’été 1978, lors de l’une de mes visites dans le quartier des luthiers de guitares de Madrid et j’étais assis dans la guitarrería d’Arcángel Fernández, calle Jesús y María. On se racontait des histoires sur la vie de la guitare madrilène d’autrefois, y compris des anecdotes sur Marcelo Barbero, Santos Hernández et d’autres… C’était un après-midi agréable. Au cours de nos échanges, nous en sommes venus à parler de l’autre guitarrero important de la seconde moitié du xixe siècle qui, outre Antonio de Torres Jurado, fabriquait des guitares de grande qualité : Vicente Arias de Ciudad Real. Je racontais à Arcángel qu’en 1970, lors d’un voyage en auto-stop vers l’Espagne, j’avais trouvé une guitare Arias de 1882, dans un état déplorable et encordée en acier, entre les mains d’un hippie en France qui l’utilisait pour répéter parce qu’il trouvait sa guitare acoustique japonaise bon marché trop précieuse pour en jouer toute la journée ! Ma demande pour qu’il me vende cette pauvre vieille guitare et que je puisse la restaurer n’a pas été entendue. Aujourd’hui, elle ne doit plus exister et, à part les guitares Arias de la collection Ramírez et Bernabé, je n’ai plus entendu parler d’aucune autre Arias. Quelle surprise lorsque Arcángel nous a dit que quelqu’un à proximité possédait une guitare Arias, qu’elle avait été jouée autrefois par Francisco Tárrega et qu’une dédicace manuscrite du maestro figurait à l’intérieur de la caisse. Inutile de dire que nous brûlions d’envie de voir l’instrument. Arcángel ferma sa guitarrería et nous entrâmes quelques minutes plus tard dans une petite boutique sombre. Le propriétaire nous accueillit, parla avec Arcángel et sortit ensuite un modeste et vieil étui de guitare. Il l’ouvrit… et elle était là. Les années avaient été bienveillantes avec cette belle dame née en 1894 : j’ai vu au premier coup d’œil le bon état étonnant de l’instrument. Les deux golpeadores en plastique blanc collés sur la table montraient qu’elle avait été utilisée comme guitare de flamenco pendant un certain temps mais après avoir joué quelques notes, j’ai compris que cette guitare en érable ne pouvait dissimuler son caractère classique. Ma deuxième impression fut la légèreté exceptionnelle de l’instrument. La touche très usée prouvait que la guitare avait été jouée de manière intensive. J’étais heureux d’avoir trouvé un si bel exemplaire de guitare de la vieille école de lutherie. Quand j’ai appris que la guitare était à vendre, j’ai décidé de l’acheter. L’accord fut conclu d’une poignée de main et quelques

It was in the summer of 1978, during one of my visits to the Madrid’s guitar-making district, and we were sitting in Arcángel Fernández’s workshop, in Calle Jesús y María. Stories were being told about the Madrilenian guitar scene of yesteryear, including anecdotes about Marcelo Barbero, Santos Hernández, and so on. It was a pleasant afternoon. During our chat we came to another important luthier of the second half of the 19th century who, besides Antonio de Torres Jurado, made guitars of high quality: Vincente Arias from Ciudad Real. I told Arcángel that in 1970, on a hitchhiking trip to Spain, I found an Arias guitar from 1882, steel-strung and in a pitiful state, in the hands of a hippie in France who was using it as a practice instrument, because his ordinary Japanese Western guitar was too precious for all-day playing! My pleas to let me buy this poor old guitar so that I could restore it fell on deaf ears. Today, the guitar must no longer exist and, apart from the Arias guitars in the Ramírez and Bernabé collections, I hadn’t heard of any other existing Arias. What a surprise when we heard Arcángel’s reply! He told us that there was someone nearby who owned an Arias guitar that was once played by Francisco Tárrega and had a hand-written dedication by the maestro inside the body. Needless to say, we were itching to see the instrument. Arcángel closed his workshop, and a few minutes later we entered a small, dark shop. The owner greeted us, talked to Arcángel and then brought out an old, cheap guitar case. He opened it – and there she was. The years had been kind to this fair Lady, born in 1894, for the first thing that I noticed was the astonishingly good condition of the instrument. The two white plastic tap plates glued to the top showed that she had been used as a flamenco guitar for a time, but after playing a few notes, I realized that this maple guitar couldn’t hide her classical nature. My second impression was the outstanding lightness of the instrument. The very worn-out fingerboard indicated that the guitar had been played intensively during her lifetime. I was thrilled to have found such a beautiful example of the old guitar-making tradition. When I heard that the guitar would be for sale, I decided to buy it. The agreement was sealed with a handshake and some months later the old Arias joined my collection in Germany. I first wanted to restore the guitar to her


mois plus tard, la vieille Arias entrait dans ma collection en Allemagne. J’ai d’abord voulu restaurer la guitare au mieux dans son état pré-flamenco, sans rien perdre de son état d’origine. Je l’ai confiée à Josip Krog, un luthier allemand réputé, qui a refait une belle guitare classique avec la « vieille dame ». Après avoir soigneusement enlevé les golpeadores, il a constaté que la table n’était pas endommagée. Puis Krog a refait son vernis à l’ancienne, a muñequilla. Il a fallu quelques semaines avant que le son de la guitare ne renaisse, mais quel son ! La guitare n’avait pas besoin d’attaque : elle l’avait, et cette guitare légère et plutôt petite produisait un son solide et clair qui pouvait être entendu aisément même dans les grandes salles de concert. En jouant des morceaux de Tárrega, on pouvait imaginer comment les guitares avaient sonné à son époque. Quelle était la relation entre Tárrega et cette guitare ? Arias avait fabriqué l’instrument à Ciudad Real pour son ami Don Pedro Escobar, comme en témoigne l’étiquette écrite de la main d’Arias qui lui dédie la guitare. Les journaux nous confirment qu’en novembre 1895, Francisco Tárrega était à Ciudad Real. Il avait certainement rendu visite à Escobar pendant cette période car les deux hommes étaient amis. À cette occasion, Tárrega a dû donner un concert privé avec cette guitare. Après le concert, Don Escobar colla un morceau de papier à l’intérieur de la guitare sur lequel il écrivit : « Cette guitare a été jouée le 7 novembre 1895 par l’éminent guitariste Francisco Tárrega à Ciudad Real. » En dessous était écrit : « Avec sympathie à mon bon ami et grand virtuose Don Pedro Escobar, Francisco Tárrega. » Autant que je sache, c’est la seule guitare existante sur laquelle Tárrega a écrit quelque chose (à moins que vous ne comptiez les brûlures de cigarettes sur les éclisses de ses guitares Torres). Mais je ne veux pas donner à cette guitare un caractère « extraordinaire » pour ses étiquettes intéressantes et remarquables, c’est sa sonorité qui est exceptionnelle. J’ai maintenant l’espoir qu’un guitariste doué viendra un jour réveiller cette guitare pour lui donner une nouvelle vie, sur scène ou dans un studio d’enregistrement, car le son de la « vieille dame » est encore très très jeune !

pre-flamenco condition, as well as possible, without losing any of her original state. I entrusted her to Josip Krog, a highly recommended German luthier, and he made the “Old Lady” into a beautiful classical guitar again. First, he carefully removed the tap plates and found that the soundboard underneath was undamaged. Then the re-varnishing began: Krog restored the varnish using the time-honoured method of French polish. It was some weeks before the classical Arias sound was reborn. And what a sound it was! The guitar needed no attack: she already had it; this light and rather small guitar produced a firm, very clear sound, which could make itself heard even in sizeable concert halls. When playing Tárrega’s pieces, one could vividly imagine how guitars would have sounded in Tárrega’s time. Tárrega: what connection had there been between him and this instrument? Arias had made an instrument in Ciudad Real for his friend Don Pedro Escobar, as is evidenced by a hand-written label from Arias dedicating the guitar to Escobar. The newspapers mentioned that in November 1895 Francisco Tárrega was in Ciudad Real. Certainly, during that time he visited Escobar because the two men were friends. There, Tárrega gave a private concert on this Arias guitar on 7 November. After the concert, Señor Escobar glued a piece of paper inside the guitar on which he wrote: “This guitar was played on 7 November, 1895 by the eminent guitarist Francisco Tárrega in Ciudad Real.” And below was written “To my dear friend and great virtuoso Don Pedro Escobar, with affection, Francisco Tárrega.” As far as I know, this is the only guitar in existence on which Tárrega left a written trace (unless you count the cigarette burns on the ribs of his Torres guitars). But I don’t want to make the guitar “great” because of her interesting and remarkable labels. It’s the sound that really is remarkable. And now it is my hope that a skilled guitarist will come along, wake her up and give her a new life, on stage or in the recording studio, because the sound of this Old Lady is still in its prime!

Arcángel Fernández dans son atelier de Madrid avec la guitare de 1894. Arcángel Fernández in his Madrid workshop with the 1894 guitar.

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La bandurria The bandurria

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n Espagne, aux xixe et xxe siècles, de nombreux célèbres constructeurs de guitares se sont intéressés à des instruments locaux profondément enracinés dans la tradition ibérique. Un de ces instruments est la « bandurria », un petit instrument à cordes pincées. Elle appartient à la famille des luths espagnols, traditionnellement joués avec un plectre. Elle a une caisse acoustique plate en forme de poire, avec un manche avec quatorze cases, des frettes métalliques et douze cordes (six paires) : six en boyau et six filées en métal. La bandurria serait une sorte de guitare courte, plus aiguë, accordée en sol# do# fa# si mi la, avec un diapason de 26 à 28 cm. C’est un instrument qui fait partie de la « Estudiantina », « Tuna », ou « Rondalla », ces groupes d’étudiants universitaires costumés, musiciens et chanteurs populaires et festifs typiquement espagnols. Le livre La Chitarra di Liuteria, de Stefano Grondona et Luca Waldner (2001), en page 62,

L’affiche de The Spanish Students, New York 1880.

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The Spanish Students poster, New York 1880.

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n the Spain of the 19th and 20th centuries, many famous guitar-makers became interested in local instruments, deeply rooted in the Iberian tradition. One of these instruments is the “bandurria”, a small plucked string instrument. Belonging to the Spanish lute family it is traditionally played with a plectrum. It has a pear-shaped flat acoustic body, with a neck with fourteen frets, metal frets and twelve strings (six pairs): six of gut and six of wounded metal. The bandurria would be a sort of short, higher pitch guitar, tuned in G#-C#-F#-B-E-A, with a 26 to 28 cm scale. This instrument that is part of the “Estudiantina”, “Tuna”, or “Rondalla”, these groups of costumed university students, popular and festive musicians and singers, typically Spanish. The book La Chitarra di Liuteria, by Stefano Grondona and Luca Waldner (2001), on page 62, shows a bandurria built by Antonio de Torres with an interesting dedication: “BANDURRIA, Antonio de Torres 1887. Important testimony of a popular Spanish instrument built by


Bandurria de 1893. Table en épicéa, fond, éclisses et chevalet en palissandre brésilien. Manche en cedro. Touche et placage de tête en noyer teinté. Bandurria dated 1893. Spruce top, Brazilian rosewood back, sides and bridge. Spanish cedar neck. Fingerboard and head veneer of stained walnut.

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La bandurria The bandurria

Comme souvent, une fleur est alignée sur l’axe central. Typically, there is a flower aligned with the central axis.

montre une bandurria construite par Antonio de Torres avec une dédicace intéressante : « BANDURRIA, Antonio de Torres 1887. Témoignage important d’un instrument espagnol populaire construit par Antonio de Torres dans lequel nous pouvons trouver plusieurs des caractéristiques de construction typiques de ce luthier, y compris la belle rosace. Sur l’étiquette est écrite une dédicace de Torres à Baldomero Cateura. » (voir Dis-moi qui tu fréquentes…) Bandurria Vicente Arias 1893 Cette bandurria est dans un bel état de conservation et, chose rare, son vernis est préservé sans le moindre vernissage postérieur. Sur le palissandre et le cedro, des coups de rabot à dents et de râpe sont encore visibles sous le vernis. La rosace est typique du travail d’Arias. Comme souvent, une fleur se retrouve sur l’axe central, ce qui laisse penser qu’il démarre toujours par le milieu. Chaque fleur compte quatre pétales, et non cinq comme ses célèbres rosaces colorées, plus tardives. Le golpeador, en érable cerclé de noyer, est également d’origine. Le barrage en éventail asymétrique à six brins, deux côté graves, un central et trois côté aigus est très fin, certainement

Le golpeador est en érable cerclé de noyer. À droite, gros plan sur les consoles et les contre éclisses. The tap plate is in maple surrounded by walnut. Right, close-up of the brackets and linings.

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Antonio de Torres in which we can find many of the typical construction features of this luthier, including the beautiful rosette. On the label is written a dedication by Torres to Baldomero Cateura…” (see Tell me who your friends are…) Bandurria Vicente Arias 1893 This bandurria is in a good state of preservation and its original varnish has been conserved without any subsequent varnishing, which is rare. On the rosewood and cedar, the marks from the toothed plane and rasp are still visible under the varnish. The rosette is typical of Arias’ work. As often, a flower is found on the central axis, which suggests that he always started from the middle. Each flower has four petals, not five like the famous, colorful rosettes which came later. The golpeador, made of maple surrounded by walnut, is also original. The asymmetrical fan bracing with six struts – two on the bass side, one in the centre and three on the treble side – is very thin, undoubtedly cut, given the accidental notches on the soundboard, with a carving knife. The back is reinforced by the two bars and consoles typical of his work. Thin cedar cleats, also characteristic of his craftsmanship, consolidate the joints of the back. What we see here is a refined instrument, made in the year of his 60th birthday. As always, Arias allows


On retrouve le même chevalet sur la guitare à neuf cordes de 1899. The same bridge is found on the 9-string guitar from 1899.

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Bandurria de 1910, construite dans son dernier atelier de Madrid. Bandurria from 1910, built in his last Madrid workshop.

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La bandurria The bandurria

Étiquette avec la dédicace au sculpteur Jacinto Higueras. Label with the dedication to the sculptor Jacinto Higueras.

taillé au canif vu les entailles accidentelles dans la table. Le fond est renforcé par les deux barres et les consoles typiques de son travail. De fins taquets en cedro, eux aussi caractéristiques de son travail, consolident les joints du fond. On voit ici un instrument raffiné réalisé l’année de ses 60 ans. Comme toujours dans sa production, la symétrie laisse place à l’équilibre et au naturel des formes. La spontanéité qui s’en dégage témoigne une fois de plus de la valeur artistique des instruments de ce luthier. Vincent Dubès Bandurria 1910 Vicente Arias a fait cette bandurria dans son dernier atelier madrilène de la calle del Álamo. L’instrument a été redécouvert il y a environ dix ans chez un marchand de musique de Madrid et remis en état par le restaurateur fribourgeois Benno K. Streu qui a dû retirer le dos, recoller les barrettes d’éventail qui étaient décollées, ajuster l’angle du manche et remplacer le chevalet manquant. Une photo du quatuor « El Turia », formé par quatre frères et sœurs de la famille Marco, s’est avérée utile pour sa reconstitution historique (voir chapitre Dis-moi qui tu fréquentes…). Nous avons ainsi la certitude que la guitare à neuf cordes que joue Estanislao Marco était faite par Vicente Arias. Les chevalets typiques et les têtes à trois lobes nous font penser que tous les instruments du quatuor étaient faits par le même luthier. Le fond et les éclisses de cette bandurria sont en palissandre indien de belle qualité et la table est en épicéa. L’instrument a une rosace simple, faite avec des anneaux en palissandre et une bande centrale teintée en rouge, motif qu’on retrouve dans de nombreuses guitares d’Arias. Le reste de la fileterie est fait simplement avec des bandes en palissandre. À côté de l’étiquette, un autre papier est collé portant une dédicace manuscrite et signée par Vicente Arias : « Pour mon ami et célèbre sculpteur Don Jacinto Higueras » (voir chapitre Dis-moi qui tu fréquentes…). Siegfried Hogenmüller

the balance and naturalness of his shapes to prevail over symmetry. The spontaneity emanating from it attests yet again to the artistic value of this luthier’s instruments. Vincent Dubès Bandurria 1910 Vicente Arias made this bandurria in his last Madrid workshop in Calle del Álamo. The instrument was rediscovered about ten years ago at a music dealership in Madrid and restored by the Freiburg restorer Benno K. Streu, who had to remove the back, re-glue the detached bracing struts, adjust the neck angle and replace the missing bridge. A photo of the “El Turia” quartet, formed by four brothers and sisters of the Marco family, proved useful for its historical reconstruction (see Tell me who your friends are…). While we can be certain that the 9-string guitar played by Estanislao Marco was indeed made by Vicente Arias, the typically-styled bridges and three-lobed heads give us reason to believe that all the instruments in the quartet were made by the same luthier. The back and sides of this bandurria are of high-quality Indian rosewood and the top is of spruce. The instrument has a simple rosette, made with rosewood rings and a central strip tinted in red, a pattern found in many Arias guitars. The rest of the purfling is crafted simply from rosewood strips. Next to the label, another paper has been pasted, bearing a handwritten and signed dedication by Vicente Arias: “For my friend and famous sculptor Don Jacinto Higueras” (see Tell me who your friends are…). Siegfried Hogenmüller

Bandurria de 1894 en cours de restauration. Bandurria dated 1894 undergoing restoration.

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Les étiquettes The labels

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1870-1875

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icente Arias a utilisé des étiquettes différentes tout au long de sa carrière. Les guitares fabriquées à Ciudad Real contiennent seulement le nom, la ville et l’année de construction, tandis que les instruments faits à Madrid renseignent également sur les rues et portent souvent sa signature manuscrite.

icente Arias used different labels at different stages in his life. The guitars made in Ciudad Real only indicate his name, the location, and year of construction, whereas the instruments made in Madrid also provide information about the street address and often bear his handwritten signature.

Jusqu’à présent, nous connaissons huit étiquettes différentes de Vicente Arias : quatre dans les guitares de Ciudad Real et trois dans celles de Madrid, plus une mystérieuse huitième…

So far, we know of eight different labels from Vicente Arias: four in Ciudad Real guitars and three in guitars from Madrid. As well as a mysterious eighth label…

Les étiquettes de Ciudad Real de 1870 à 1899 1870 à 1875 Imprimées en noir sur papier blanc : POR VICENTE ARIAS, EN CIUDAD REAL 18.. (les deux chiffres suivants sont manuscrits).

The Ciudad Real labels from 1870 to 1899 1870 to 1875 Printed in black on white paper: POR VICENTE ARIAS, EN CIUDAD REAL 18. (two following numbers handwritten).

1875 à 1883 Imprimées en noir sur papier blanc : VICENTE ÁRIAS (avec accent sur le Á) CONSTRUCTOR DE GUITARRAS EN CIUDAD REAL 18.. (les deux chiffres suivants sont manuscrits).

1875 to 1883 Printed in black on white paper: VICENTE ÁRIAS (with accentuated Á) CONSTRUCTOR DE GUITARRAS EN CIUDAD REAL 18.. (two following numbers handwritten).

1875-1883


1883 à 1890 Typographie imprimée en rouge, motif décoratif vert, sur papier blanc : VICENTE ÁRIAS (avec accent sur le Á). CONSTRUCTOR DE GUITARRAS EN CIUDAD REAL 18.. (les deux chiffres suivants sont manuscrits). Le papier de cette étiquette a tendance à devenir transparent au fil du temps. Les lettres rouges disparaissent presque et lorsque l’étiquette est collée sur un fond en bois sombre, on a l’impression au premier coup d’œil que la guitare n’a pas d’étiquette. 1891 à 1899 Imprimées en noir sur papier blanc : 18.. (les deux chiffres suivants sont manuscrits). VICENTE ARIAS (lettrines pour les initiales et typographie en forme de vague). CONSTRUCTOR DE GUITARRAS EN CIUDAD REAL Premiado con gran diploma de honor, dos medallas de oro y una de plata en varias exposiciones. Par rapport aux étiquettes précédentes, celle-ci semble assez luxueuse. Vicente Arias a en effet reçu de nombreuses distinctions qui y figurent désormais : trois médailles recto et verso et un diplôme.

1883-1890

1883 to 1890 Red typeface, green watermark, on white paper: VICENTE ÁRIAS (with accentuated Á). CONSTRUCTOR DE GUITARRAS EN CIUDAD REAL 18.. (two following numbers handwritten). The paper of this label, glued onto a guitar back of dark wood, tends to appear transparent over time; the red letters almost disappear and, at first glance, we have the impression that we are looking at a guitar without a label. 1891 to 1899 Printed in black on white paper: 18.. (two following numbers handwritten). VICENTE ARIAS (wavy, ornate letters). CONSTRUCTOR DE GUITARRAS EN CIUDAD REAL Premiado con gran diploma de honor, dos medallas de oro y una de plata en varias exposiciones. Compared to the previous ones, these labels look quite luxurious. In the interim, Vicente Arias had received many distinctions, which now appear on the label: three double-sided medals and a diploma award.

1891-1899

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Les étiquettes The labels

Les étiquettes madrilènes (1900 à 1914) Pendant la période madrilène, les étiquettes suivent les caractéristiques de la dernière de Ciudad Real. Le texte « Premiado con… » a été supprimé et le nom de Vicente Arias est rectiligne et incliné en diagonale ascendante sur l’étiquette. Madrid remplace Ciudad Real et le nom et le numéro de la rue sont indiqués. Ces étiquettes madrilènes ont changé trois fois entre 1900 et 1914. La première adresse, Huertas n° 29 dupdo, est imprimée, tandis que les deux suivantes, Sta. Isabel n° 20 et Álamo n° 3, sont manuscrites. À côté du « Diplôme d’honneur », figure l’année de construction manuscrite, parfois suivie de la signature de Vicente Arias. Une autre modification de l’étiquette a été introduite vers 1908 en haut à droite : l’ajout d’une médaille récemment obtenue. 1900 à 1904 Imprimées en noir sur papier blanc : VICENTE ARIAS (typographie ornementée) CONSTRUCTOR DE GUITARRAS Huertas n° 29, dupdo MADRID Année et signature manuscrites.

1900-1904

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1905-1907

The Madrid labels (1900 to 1914) During the Madrilenian period, the labels build on the characteristics of the last one from Ciudad Real. The text “Premiado con…” has been deleted and the name of Vicente Arias is no longer wavy. Instead of Ciudad Real, Madrid is mentioned, as well as the street name and number. These Madrilenian labels changed three times between 1900 and 1914. The first address, Huertas N° 29 dupdo, is printed, while the two subsequent addresses, Sta. Isabel N° 20 and Álamo N° 3, are handwritten. Beside the award Diplôme d’honneur the year of construction is handwritten, often followed by the signature of Vicente Arias. Another modification to the label was introduced around 1908, adding another newly-received medal in the upper row. 1900 to 1904 Printed in black on white paper: VICENTE ARIAS (ornate letters) CONSTRUCTOR DE GUITARRAS Huertas N° 29, dupdo MADRID Year and signature handwritten.


1905 à 1907 Imprimées en noir sur papier blanc : VICENTE ARIAS (typographie ornementée) CONSTRUCTOR DE GUITARRAS MADRID Sta. Isabel n° 20, année et signature manuscrites.

1905 to 1907 Printed in black on white paper: VICENTE ARIAS (ornate letters) CONSTRUCTOR DE GUITARRAS MADRID Sta. Isabel N° 20, year and signature handwritten.

1908 à 1914 Imprimées en noir sur papier blanc : Ajout d’une quatrième médaille en haut à droite. VICENTE ARIAS (typographie ornementée) CONSTRUCTOR DE GUITARRAS MADRID Álamo n° 3, année et signature manuscrites.

1908 to 1914 Printed in black on white paper: Forth medal in the upper row. VICENTE ARIAS (ornated letters) CONSTRUCTOR DE GUITARRAS MADRID Álamo N° 3, year and signature handwritten.

L’étiquette mystérieuse L’étiquette « mystérieuse », assez sobre, apparaît dans une guitare en palissandre de 1897. Elle est imprimée en noir sur un petit papier blanc avec une guitare dessinée sur le côté gauche: VICENTE ARIAS CONSTRUCTOR DE GUITARRAS EN CIUDAD REAL Premiado en varias exposiciones 18.. (les deux chiffres suivants sont manuscrits dans le style d’Arias). Siegfried Hogenmüller

The mysterious label The “mysterious label” appears in a rather simply decorated rosewood guitar from 1897. It is printed in black on a small white label and shows on the left side a sketched guitar: VICENTE ARIAS CONSTRUCTOR DE GUITARRAS EN CIUDAD REAL Premiado en varias exposiciones 18.. (two following numbers handwritten in the typical Arias style). Siegfried Hogenmüller

1908-1914

1897

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Médailles et diplômes Medals and diplomas

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es prix obtenus dans les expositions sont visibles sur les étiquettes.

he prizes obtained in the exhibitions are visible in the labels.

Les Expositions universelles, qui commencèrent à Londres en 1851, étaient considérées comme les événements politiques, économiques et sociaux les plus importants au monde, au cours desquels chaque pays présentait des avancées technologiques et montrait son potentiel économique et industriel. L’organisation d’une telle exposition était une opportunité de développement économique et donnait un grand prestige international à la ville organisatrice. Les principales expositions avant celle de Barcelone en 1888 furent : Londres 1851, Paris 1855, Paris 1867, Vienne 1873, Philadelphie 1876, Paris 1878 et Melbourne 1880. Les prix obtenus étaient mentionnés par les lauréats dans leur publicité commerciale.

World Fairs, which began in London in 1851, were considered the greatest global political, economic and social events, where each country presented technological advances and showcased its economic and industrial potential. Organising a World Fair was an opportunity for economic development and great international prestige for the host city. The main exhibitions prior to Barcelona in 1888 were: London 1851, Paris 1855, Paris 1867, Vienna 1873, Philadelphia 1876, Paris 1878 and Melbourne 1880. Winners would mention their awards in their commercial advertisements.

Exposición Universal, Barcelona (1888) Description de la médaille. Recto : Maria Cristina, reine régente et son fils Alfonso XIII, tous les deux de profil. Verso : femme ailée jouant de la trompette en tenant une branche d’olivier et chérubin dansant avec un épi de blé dans la main. L’Exposition universelle de Barcelone a eu lieu du 8 avril au 9 décembre 1888 au Parque de la Ciudadela. 22 pays ont participé et 2 240 000 visiteurs s’y sont rendus. L’exposition a été le banc d’essai d’un nouveau style artistique, le Modernisme, qui jusqu’au début du xxe siècle prévalait dans les nouvelles constructions de la ville. Il a laissé des œuvres de grande valeur artistique et est devenu le style caractéristique de Barcelone.

Exposición Universal de Barcelona (1888) Description of the medal. Obverse: Maria Cristina, Queen Regent and her son, Alfonso XIII, both in profile. Reverse: winged woman holding a trumpet and an olive branch and a dancing cherub holding an ear of wheat. The Barcelona Universal Exhibition took place from 8 April to 9 December, 1888 at the Parque de la Ciudadela. A total of 22 countries participated and the exhibition hosted 2,240,000 visitors. The exhibition was the test of a new artistic style, Modernism, which prevailed in the city’s new constructions until the beginning of the 20th century, resulting in works of great artistic value, and which has become the most characteristic style of Barcelona.

Académie Universelle, Bruxelles (1888) Description de la médaille. Recto : Allégories de la science, de l’industrie et du commerce. Verso : couronne formée de deux branches de chêne. Grand Concours International des Sciences et de l’Industrie et Exposition universelle Internationale, Bruxelles, 1888.

Académie Universelle, Bruxelles (1888) Description of the medal. Obverse: Allegories of science, industry and commerce. Reverse: crown formed by two oak branches. Grand International Competition of Sciences and Industry and International Universal Exhibition,


L’exposition, sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi des Belges, s’est tenue à Bruxelles dans l’ancienne Plaine des Manœuvres, du premier samedi de mai 1888 jusqu’au 3 novembre 1888. Tous les produits du commerce, de l’industrie et de l’agriculture étaient admis, comme dans les Expositions universelles antérieures. Le Concours n° 10 concernait les instruments de musique et d’acoustique, le matériel des orchestres, ainsi que les ouvrages et appareils destinés à l’enseignement musical. La récompense pour le Prix d’honneur était une médaille d’or avec diplôme.

Brussels, 1888. The exhibition, under the high patronage of His Majesty the King of Belgium, was held in Brussels in the former Plaine des Manoeuvres, from the first Saturday of May 1888 until 3 November, 1888. As in previous Universal Exhibitions, all products of commerce, industry and agriculture were eligible. Competition N° 10 concerned musical and acoustic instruments, orchestral equipment, books and devices intended for musical education. The Award of Merit was presented as a gold medal and certificate.

Concurso Internacional de la sociedad científica europea, Madrid (1890) Description de la médaille. Recto : buste d’Alphonse XIII entre deux branches d’olivier. Verso : couronne formée de deux branches de chêne.

Concurso Internacional de la sociedad científica europea. Madrid 1890 Description of the medal. Obverse: bust of Alfonso XIII between two olive branches. Reverse: crown formed by two oak branches.

Exposición de Industrias y Agricultura, Madrid (1907) Description de la médaille. Recto : Allégorie de l’exposition avec la tête d’Athéna. Verso : l’Agriculture ornant le bouclier de Madrid. L’exposition des Industries et de l’Agriculture de Madrid a eu lieu sur le terrain du Parque del Retiro du 10 mai au 31 octobre de l’année 1907. Le règlement qui définissait les catégories participantes, dans la section Industries diverses, précisait : fabrication de guitares, cordes de guitares, instruments de musique, pianos et orgues.

Exposición de Industrias y Agricultura, Madrid (1907) Description of the medal. Obverse: allegory of the exhibition, head of Athena. Reverse: Agriculture adorning the shield of Madrid. The Madrid Exhibition of Industries and Agriculture was held on the city’s Parque del Retiro park grounds from 10 May to 31 October of the year 1907. The regulations defining the competition categories, in the Miscellaneous Industries section, stipulate the eligibility of “manufacture of guitars, guitar strings, musical instruments, pianos and organs.”

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Le mystère du résonateur Terraza The mystery of the Terraza resonator

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n 1878, Arias invente un double fond pour optimiser le son de ses guitares. En 1898, Carlos Terraza, célèbre musicien aveugle, dépose le brevet d’un « système de résonateur » qui reprend le principe de celui imaginé par Arias vingt ans plus tôt ! Ont-ils collaboré pour mettre au point ce brevet ? Arias était-il impliqué dans la fabrication industrielle des guitares avec résonateur ? Carlos Terraza y Vesga (1856-1916), célèbre joueur de bandurria. Carlos Terraza y Vesga (1856-1916), famous bandurria player.

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Des annonces dans la presse espagnole de 1901 mentionnent le nom de Vicente Arias comme constructeur de guitares avec un « résonateur système Terraza ». Nous avons voulu en savoir plus sur son implication dans cette aventure.

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n 1878, Arias invented a double back so as to optimise the sound of his guitars. In 1898, the famous blind musician, Carlos Terraza, filed the patent for a “resonator system” which took up the very principle that Arias had worked out twenty years earlier! Did they collaborate to develop this patent? Was Arias involved in the industrial production of resonator guitars? Advertisements in the Spanish press in 1901 mention the name of Vicente Arias as a builder of guitars with a “Terraza System Resonator”. We wanted to know more about his involvement in this adventure.

Le brevet Terraza Le 10 septembre 1898, à Madrid, Carlos Terraza y Vesga a obtenu une « patente » (brevet) pour l’invention d’un « Résonateur système Terraza pour bandurria, luth et guitare ». Ce brevet portait le numéro 23.045 et il était valable vingt ans. Selon le brevet, le résonateur système Terraza avait pour effet « d’augmenter la sonorité de ces instruments et d’ajouter une certaine douceur aux sons ». Ndlr – Il existe un autre brevet pour un résonateur système Terraza, obtenu le 21 janvier 1899, qui porte le numéro 23.648. Malheureusement, seule la première page, avec la mention « Expiré » et sans le descriptif, a été conservée dans les archives espagnoles.

The Terraza patent On 10 September, 1898, in Madrid, Carlos Terraza y Vesga obtained a patent for the invention of a “Terraza System resonator for bandurria, lute and guitar”. This patent was given the number 23,045 and was valid for twenty years. According to the patent, the effect of the “Terraza System Resonator” is to “boost the sound of these instruments, lending a certain smoothness to their tone”. Ed. – There is another patent for a Terraza System Resonator, obtained 21 January, 1899, which bears the number 23,648. Unfortunately, only the first page, with the mention “Expired” and without the description, has been kept in the Spanish archives.

Industria e Invenciones, Barcelona 1898 et 1899 Un plan est attaché au brevet 23.045 avec les explications suivantes : Le dessin n° 0 montre l’intérieur d’une bandurria avec un barrage courant et sans résonateur. Le dessin n° 1 montre une table seule. Le dessin n° 2 montre une autre table qui sera collée sur la première avec le fil du bois perpendiculaire et un barrage modifié (les deux formeront la « table d’harmonie »). Le dessin n° 3 montre la pièce nommée « âme ». Le dessin n° 4 montre une demi-table (« table-résonateur »). Le dessin n° 5 montre le placement de

Industria e Invenciones, Barcelona 1898 and 1899 A plan was attached to the 1898 patent with the following explanations: Figure N° 0 shows the interior of a bandurria, with usual bracing and no resonator. Figure N° 1 shows a single top. Figure N° 2 shows another top, to be glued to the first, with perpendicular wood grain, and a modified bracing (both of which form the “soundboard”). Figure N° 3 shows the component known as the “soundpost”. Figure N° 4 shows the layer known as the “resonator top”. Figure N° 5 shows the placement of the


Plan qui accompagnait le brevet de 1898. Plan appended to the 1898 patent.

Les deux brevets déposés par Carlos Terraza en 1898 et 1899. The two patents filed by Carlos Terraza in 1898 and 1899.

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La guitare n° 1 de 1898 avec sa tête de guitare baroque. À l’intérieur, nous voyons le barrage avec sept brins en éventail, en partie caché par le résonateur. Guitar N° 1 from 1898 with its Baroque head. Inside we see the fan-shaped bracing with seven struts, partly hidden by the resonator.

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Contrairement aux guitares avec double fond d’Arias, le résonateur est placé très près de la table d’harmonie. Unlike Arias guitars with double-back, the resonator is placed very close to the soundboard.

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Le mystère du résonateur Terraza The mystery of the Terraza resonator

l’âme, appuyée sur les brins 1, 4 et 7. On voit également que la table d’harmonie est composée de deux couches. Le dessin n° 6 montre la table-résonateur à l’intérieur de l’instrument, placée parallèlement à la table d’harmonie et séparée d’elle par la hauteur des brins du barrage et de l’âme. Le dessin n° 7 représente la bandurria entière avec le résonateur mais sans le fond, et le dessin n° 8, la bandurria de face. Trois guitares Nous connaissons trois guitares de Salvador Ibáñez avec le résonateur Terraza : la n° 1 de 1898, la n° 18 de 1899 et la n° 34 de 1900. La guitare de 1898 avec le n° 1 gravé sur le joint du fond étonne par sa tête de guitare baroque. À l’intérieur nous voyons un barrage avec sept brins en éventail, très rapprochés et concentrés au milieu, similaire à un barrage de bandurria. La demi-table (résonateur), fixée à une quinzaine de millimètres de la table, est également en épicéa avec le fil dans le sens contraire de la table. Elle est séparée par une âme censée transmettre les vibrations de l’une à l’autre et augmenter le son. La guitare n° 18 est celle que l’on voit dans les mains de Tárrega en page de couverture de la méthode de Guillermo Lluquet (Valencia 1933). Elle est longtemps restée dans la famille du grand guitariste puis elle a été achetée il y a une trentaine d’années par un collectionneur espagnol et restaurée récemment par Francisco Manuel Díaz, luthier de Grenade. La construction de la guitare n° 34 est similaire aux deux autres sauf sa tête, plus classique, et un barrage à sept brins qui semble proche de celui d’Antonio de Torres. Voici ce que nous savons sur les différents intervenants de cette histoire. Carlos Terraza y Vesga (Mérida 1856-Valence 1916) À l’âge de 12 ans, il perd la vue à la suite d’un accident. L’année suivante, sa famille s’installe à Valence où le jeune Carlos étudie la musique et apprend à jouer de la

“soundpost”, resting on struts 1, 4 and 7. We also see that the soundboard is made of two layers. Figure N° 6 shows the resonator top inside the instrument, placed parallel to the soundboard and separated by the height of the bracing struts and the “soundpost”. Figure N° 7 represents the entire bandurria with the resonator but without the back, and Figure N° 8 shows a frontal view of the bandurria.

La guitare n° 18 est longtemps restée dans la famille de Tárrega. Guitar N° 18 long remained in the hands of Tárrega’s family.

Three guitars We are aware of three guitars by Salvador Ibáñez with a Terraza System Resonator: N° 1 from 1898, N° 18 from 1899 and N° 34 from 1900. The 1898 guitar, with the N° 1 engraved on the back joint, is surprising in that it sports a Baroque guitar head. Under its spruce top we see fan-shaped bracing with seven struts, very close together and concentrated in the middle, similar to bandurria bracing. The resonator top, set about fifteen millimetres below the top, is also made of spruce with its grain perpendicular to the grain of the top. It is separated by a “soundpost”, designed to transmit vibrations from one to the other and thus boost the sound. Guitar N° 18 is the one seen in Tárrega’s hands on the cover of Guillermo Lluquet’s method (Valencia, 1933). It has long remained in the family of the great guitarist, until it was bought by a Spanish collector about thirty years ago and recently restored by Francisco Manuel Díaz, a Granada-based luthier. The construction of guitar N° 34 is similar to the other two, except for its headstock, which is more classical in style, and its seven-strut bracing, similar to those of Antonio de Torres. Here is what we know about the participants in this story. Carlos Terraza y Vesga (Mérida 1856Valencia 1916) At the age of 12, he lost his sight in an accident. The following year, his family moved to Valencia, where the young Carlos studied music and learned to play the bandurria. From the age of 16, he began

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La guitare n° 34 en cours de restauration dans l’atelier de Pavel Gavryushov à Grenade. Une fois ouverte, la guitare révèle son barrage de type Torres et l’âme du résonateur.

Guitar N° 34 being restored in Pavel Gavryushov’s workshop in Granada. Once opened, the guitar reveals its Torres-style bracing and resonator soundpost.

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Le mystère du résonateur Terraza The mystery of the Terraza resonator

Dans les journaux de 1889 à 1900, Salvador Ibáñez annonce la vente du modèle de guitare avec le système Terraza. In newspapers from 1889 to 1900, Salvador Ibáñez advertises a guitar model with the Terraza System.

Article paru en Las Provincias du 25 septembre 1901: « ... Une magnifique bandurria avec résonateur construite par le renommé artiste Vicente Arias. »

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Article published in Las Provincias on 25 September, 1901: “… A magnificent bandurria with resonator built by the renowned artist Vicente Arias.”

bandurria. À partir de 16 ans, il commence des tournées musicales dans les provinces espagnoles. Dans la revue Los Ciegos de mars 1921 on lit : « Il a toujours été accompagné par les meilleurs artistes, comme Tárrega et Rocamora, guitaristes ; Albéniz, Guervos, Pallardo, Carpi Bru, Benilloc et Sabater, pianistes. Ses instruments favoris pour les concerts étaient ceux construits par Arias, mais sa veuve conserve de beaux exemplaires fabriqués par Torres, Ribot, Ibáñez… véritables bijoux de bandurrias et de mandolines espagnoles. » Il a déposé un brevet : « Système Terraza de cheville à pression », supposé faciliter l’accordage des instruments et « qui dépasse avantageusement les primitives chevilles en bois et les mécaniques ». Dans la même revue, on lit plus loin : « Il a aussi inventé le résonateur Terraza pour instruments à cordes, bandurria, luth et guitare, obtenant un brevet d’invention avec le distingué fabricant de Valence Don Salvador Ibáñez. » Il a fondé plusieurs orchestres d’aveugles et l’association El Porvenir, dans le but de former et d’aider les aveugles. En 1880, il est honoré par le roi d’Espagne Don Alfonso XII avec la Croix de Isabel la Católica pour ses mérites artistiques. En 1890, à Ciudad Real, il s’est marié avec Eloisa Sánchez. Il est mort à Valence en 1916, sans laisser de descendance. Dans un article paru dans Las Provincias du 25 septembre 1901, il est question d’une bandurria avec résonateur faite par Vicente Arias et dédiée à Carlos Terraza : « Dans une des vitrines de M. Amador sur la Calle de San Vicente, un trépied artistique a été exposé, style moderniste, conçu par Baldomero Cateura de Barcelone. L’appareil, de la plus grande élégance, est extrêmement utile et soutient une magnifique bandurria avec résonateur, construite par le célèbre artiste Vicente Arias. Les deux ouvrages, de très haut niveau, sont dignes de notre compatriote M. Terraza, auquel ils sont dédiés et que nous félicitons. » Salvador Ibáñez (Valence 1854-1920) Profitant de l’engouement pour les

musical tours in the Spanish provinces. In the magazine Los Ciegos (The Blind), in its edition from March 1921, we read: “He has always been accompanied by leading artists, like Tárrega and Rocamora, guitarists; Albéniz, Guervos, Pallardo, Carpi Bru, Benilloc and Sabater, pianists. His favourite instruments for concerts were those built by Arias, but his widow also conserves fine specimens made by Torres, Ribot, Ibáñez… absolute jewels of the Spanish bandurria and mandolin tradition.” He filed a patent: the “Terraza Pressure Peg System”, aiming to facilitate instrument tuning in a way “which advantageously exceeds primitive wooden pegs and mechanical tuners”. We read later in the same magazine that “he also invented the Terraza Resonator, for stringed instruments – bandurria, lute and guitar – obtaining, along with the distinguished Valencian manufacturer, Don Salvador Ibáñez, a patent for the invention.” He founded several orchestras for blind people and the association El Porvenir, with the aim of training and helping the visually impaired. In 1880 he was honoured by the King of Spain Don Alfonso XII with the Cross of Isabel la Católica for his artistic merits. In 1890, in Ciudad Real, he married Eloisa Sánchez. He died in Valencia in 1916, leaving no descendants. In an article published in Las Provincias 25 September, 1901, there is mention of a bandurria with a resonator made by Arias and dedicated to Terraza: In one of Mr Amador’s windows on Calle de San Vicente, an artistic tripod, in the modernist style, designed by Baldomero Cateura from Barcelona, is on display. This extremely useful piece, of utmost elegance, is seen here supporting a magnificent bandurria with resonator, built by the famous artist Vicente Arias. Both works, of a very high standard, are worthy of our compatriot Mr Terraza, to whom they are dedicated and to whom we pay tribute.” Salvador Ibáñez (Valencia 1854-1920) Taking advantage of the enthu-


guitares espagnoles de la fin du xixe siècle, Salvador Ibáñez fait partie de ces entrepreneurs qui se lancent dans la fabrication de guitares à échelle industrielle, comme le font Sentchordi, Andrés Marín, Telesforo Julve, Vicente Tatay et d’autres luthiers de la région de Valence. « Homme de caractère, il a monopolisé avec profit dès sa jeunesse les activités de ses collègues, fondant un petit atelier qui a progressivement évolué pour devenir la plus grande usine de guitares d’Espagne. » Domingo Prat, Dictionnaire des guitaristes. Dans les journaux, revues et annuaires de 1889 à 1900, Salvador Ibáñez annonce la vente du modèle de guitare avec le système Terraza et dit avoir le « Privilegio exclusivo » (l’exclusivité – ancienne formulation de brevet). À partir de 1901, c’est Pascual Roch qui annonce la vente de ces résonateurs, mais « construits par l’éminent artiste Vicente Arias ». Pascual Roch (Valencia 1860-La Havane, 1921) Guitariste, professeur et compositeur espagnol. Il joue de la guitare dès son plus jeune âge et étudie avec Francisco Tárrega. Son activité principale a été la construction de guitares pour l’exportation, une industrie florissante dans cette région de Valence durant la seconde moitié du xixe siècle. Vers 1910, il s’installe à La Havane, pour se consacrer à la construction de guitares et donner des cours de cet instrument. Il a écrit une Méthode moderne pour la guitare qui a été publiée à New York vers 1920. Dans les journaux, revues et annuaires de 1901, Pascual Roch annonce la vente des guitares avec le système Terraza, construites par Vicente Arias. Curieusement, à partir de juillet 1902,

siasm for Spanish guitars in the late 19th century, Salvador Ibáñez was one of those entrepreneurs who started manufacturing guitars on an industrial scale, as did Sentchordi, Andrés Marín, Telesforo Julve, Vicente Tatay and other luthiers from the region of Valencia. “A man of character, he successfully monopolised, from a young age, the activities of his peers, founding a small workshop which gradually evolved into the largest guitar factory in Spain.” – Domingo Prat, Dictionary of Guitarists. In newspapers, magazines and yearbooks from 1889 to 1900, Salvador Ibáñez advertises the sale of a guitar model with the Terraza System and claims to have the “Privilegio exclusivo” (exclusivity – an old patent formulation). From 1901, it was Pascual Roch who announced the sale of these resonators, but “built by the eminent artist Vicente Arias”. Pascual Roch (Valencia 1860-La Havana, 1921) Pascual Roch was a Spanish guitarist, teacher and composer. At an early age, he learned to play guitar and studied with Francisco Tárrega. is main activity, however, was the construction of guitars for export, a flourishing industry in the Valencia region during the second half of the 19th century. Around 1910, he moved to Havana, Cuba, to devote himself to making guitars and teaching the instrument. He wrote a Modern Method for the Guitar which was published in New York around 1920. In newspapers, magazines and yearbooks dating from 1901, Pascual Roch was advertising guitars for sale with the Terraza System, built by Vicente Arias. Curiously, from July 1902, the name

La construction de la guitare n° 34 est similaire à celle des deux autres sauf sa tête, plus classique. The construction of guitar N° 34 resembles that of the other two, except for its headstock, which is more classical in style.

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Le mystère du résonateur Terraza The mystery of the Terraza resonator

Dans les journaux de 1901, Pascual Roch annonce la vente des guitares construites par Arias avec le système Terraza. In newspapers from 1901, Pascual Roch was advertising guitars built by Arias fitted with the Terraza System.

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le nom d’Arias n’est plus mentionné dans ces annonces. On ignore la raison pour laquelle, l’exploitation du brevet est passée de Salvador Ibáñez à Pascual Roch et la construction à Vicente Arias. On ignore également la raison de la rapide disparition de son nom comme luthier de ce modèle. À ce jour, nous ne connaissons aucune guitare de Pascual Roch construite par Arias. Dans les annonces de 1904 et 1905, Pascual Roch semble toujours avoir l’exploitation du brevet Terraza, mais il ne mentionne plus le luthier qui fait ces guitares.

Arias is no longer mentioned in these advertisements. It is not known how the patent rights came to be passed from Salvador Ibáñez to Pascual Roch, and construction to Vicente Arias. It is also unclear why the latter’s name, as luthier of this model, disappeared so rapidly. To this day, we have no knowledge of any Pascual Roch guitars built by Arias. n the advertisements of 1904 and 1905, Pascual Roch still seems to have the Terraza patent rights, but he does not mention who makes the guitars.

Un mystère de plus L’article paru dans Las Provincias le 25 septembre 1901 laisse penser que Vicente Arias et Carlos Terraza étaient amis et l’article de la revue Los Ciegos affirme que les bandurrias préférées de Terraza étaient celles faites par Arias. Ce dernier, musicien aveugle depuis l’âge de 12 ans, dépose un brevet en 1898 avec une idée de construction très similaire à celle que Vicente Arias avait expérimentée en 1878 ! Est-ce possible ? Sans l’aide d’Arias ? À partir de 1901, Pascual Roch prend la relève de Salvador Ibáñez et annonce la vente des guitares avec résonateur construites par Arias, mais les annonces sont rapidement modifiées et le nom d’Arias disparaît. Quelle était la véritable implication d’Arias dans ce projet ? Quand on compare le chiffre 1 des trois étiquettes connues de Salvador Ibánez avec les 1 des étiquettes de Vicente Arias, on dirait la même écriture… Et si les guitares avec résonateur Terraza avaient été faites par Vicente Arias ou sous sa direction ? Pour compliquer l’enquête, il existe cette photo, prise à Marseille en 1905, qui montre Tárrega en train de jouer avec le modèle de guitare avec résonateur de Salvador Ibáñez. Est-il possible d’imaginer Tárrega se faisant photographier avec une guitare d’usine, faite en série ? Terraza, Ibáñez, Roch, Tárrega… des amis, des informations fragmentaires et de nombreuses interrogations… mais Vicente Arias reste toujours dans l’ombre… un mystère.

One more mystery The article in Las Provincias dated 25 September, 1901 suggests that Vicente Arias and Carlos Terraza were friends and the article in Los Ciegos magazine asserts that Terraza’s favourite bandurrias were those made by Arias. Terraza, a musician who had been blind since the age of 12, filed a patent in 1898 for a construction idea very similar to the one with which Vicente Arias had been experimenting with since 1878! Is it possible? Without Arias’ help? From 1901, Pascual Roch took over from Salvador Ibáñez and advertised resonator guitars built by Arias, but the ads were quickly modified and Arias’ name disappeared. What was Arias’ real involvement in this project? When we compare the handwritten number 1 of the three known labels of Salvador Ibánez with the 1 of the labels of Vicente Arias… it looks like the same writing… What if the Terraza resonator guitars had been made by Vicente Arias or under his direction? Further complicating the investigation is this photo, taken in Marseille in 1905 and sent to “Vicente”, depicting Tárrega playing with Salvador Ibáñez’s resonator Guitar N° 18. Can you imagine Tárrega being photographed with a factory-made guitar, churned out in mass production? Terraza, Ibáñez, Roch, Tárrega… friends, fragmentary information and so many questions… and Vicente Arias, as ever, remains in the shadows… a mystery.


1905 – Une carte postale avec Tárrega jouant avec une guitare Salvador Ibáñez. Au dos, il est écrit : « Que pensez-vous cher ami Vicente de notre cher frère Francisco en miniature ? » Signé Gualterio (Walter Leckie). 1905 – A postcard showing Tárrega playing a Salvador Ibáñez guitar. On the back is written: “What do you think my dear Vicente of our dear brother Francisco in miniature?” Signed, Gualterio (Walter Leckie).

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Points de vue de guitaristes Guitarists’ point of view

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Stefano Grondona

Stefano Grondona

Dans votre collection, vous avez une magnifique guitare de Vicente Arias de 1906. Avez-vous joué avec d’autres guitares de ce luthier ? Oui, plusieurs, mais rarement en public. Si les guitares de Torres et d’Arias ne sont pas faites pour être jouées dans de grands espaces, je dirai que celles d’Arias sont plus encore da camera. Cela ne veut pas dire que les guitares qui sonnent fort sont meilleures ! On les entend mieux, mais qu’est-ce qu’on entend ? La guitare n’est pas un instrument pour les grandes salles ; elle n’a pas la puissance d’un violon. Les guitares de Torres ont un son très ouvert, mais pas pour un auditoire de 3 000 personnes. Penser aujourd’hui que la guitare peut affronter ces salles, c’est ne pas tenir compte de toute la richesse musicale que la guitare peut transmettre. Quand on augmente le volume, on perd en qualité. Les guitares de Torres et d’Arias ont un son flexible, gestuel, qui permet à l’artiste de s’exprimer.

In your collection you have a magnificent Vicente Arias guitar from 1906. Have you played with other guitars from this luthier? Yes, several others, but rarely in public. Neither the guitars of Torres nor Arias are suitable for playing in large halls, and I would say that Arias guitars are even more da camera. But that doesn’t mean that loud-sounding guitars are better! We can hear them better, but what is it that we hear? The guitar is not an instrument for large venues; it doesn’t have the power of a violin. Torres’ guitar sound is very open, but certainly not for an audience of 3,000 people. To think that today the guitar can take on these halls is to fail to consider all the musical richness that the guitar can transmit. When we try to increase the volume, we lose quality. Both Torres and Arias guitars have a flexible, gestural sound that affords the artist more possibilities for personal expression.

tefano Grondona, Jan Depreter, David Jacques, Raphaella Smits, et Javier Riba, cinq guitaristes européens renommés, amoureux des guitares d’Arias, nous donnent leurs impressions sur celles avec lesquelles ils jouent.

Stefano Grondona figure parmi les guitaristes classiques les plus renommés internationalement et il est un grand amateur des guitares espagnoles historiques. En 2005, il fut le premier à braquer le projecteur sur Vicente Arias en organisant une exposition au Conservatoire de Vicenza (Italie).

Arias est-il un successeur de Torres ? Non, c’est une alternative, une voie parallèle. On peut dire qu’Arias, comme Enrique García, partent de Torres mais que chacun apporte sa sensibilité. Affiche de l’exposition de Vicence en 2005.

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Poster of the Vicenza exhibition, 2005.

Arias a été un chercheur. Il a fait des guitares très différentes. A-t-il gardé un son Arias ? Je pense que oui. Le son d’un instrument fait par

tefano Grondona, Jan Depreter, David Jacques, Raphaella Smits, and Javier Riba, five renowned European guitarists, and all lovers of Arias guitars, give us their impressions of the ones on which they play.

Stefano Grondona is one of the most internationally recognised classical guitarists and a tireless aficionado of the historical Spanish guitar. In 2005, he was the first to shine the spotlight on Vicente Arias’ work by organising an exhibition at the Conservatory of Vicenza (Italy).

Is Arias a successor to Torres? No, his was an alternative; a parallel path. We can say that Arias, like Enrique García, was inspired by Torres, but each luthier brings his own sensibility. Arias was a researcher. He made a wide variety of guitars. Did he maintain an Arias sound? I think so. The sound of a luthier’s instrument


Stefano Grondona et sa guitare Arias de 1906. Stefano Grondona and his 1906 Arias guitar.

un luthier, n’est pas le son du projet de construction. Arias a expérimenté concernant les doubles fonds, les tornavoz, etc. ; il a cherché dans tous les sens et, malgré cela, il existe un « son Arias ». Un luthier qui aime l’instrument qu’il est en train de faire de ses mains lui transmet quelque chose de sa personnalité. La construction d’un instrument n’est pas une action, c’est un voyage ! Le son d’Arias est un son intime, ce qui ne veut pas dire faible. J’ai trouvé ce son dans toutes les Arias que j’ai essayées. Arias était certainement une personne sensible, intuitive. Bien sûr, il y a des différences selon les guitares, leur conservation, les restaurations, etc. On doit toujours avoir en tête l’exemple du quatuor à cordes : on ne cherche pas le volume, on cherche l’équilibre et l’expressivité. La démarche du guitariste aussi doit aller dans ce sens.

is not the sound of its construction project. Arias experimented with double-backs, double-sides, tornavoz, etc.; he explored many different avenues and, despite this, there is always an “Arias sound”. A luthier who loves the instrument that he is building with his own hands transmits something of his personality to it. Building an instrument is not an action; it is a journey! Arias’ sound is intimate, which is not to say weak. I’ve found this sound in every Arias I’ve tried. Arias was certainly a sensitive, intuitive person. Of course, there are also differences depending on the guitar, its condition, restoration, etc. We must always keep in mind the example of the string quartet: we do not seek volume; we seek balance and expressiveness. The guitarist’s approach must go along these same lines.

Jan Depreter

Né en 1975 (Belgique), Jan Depreter est diplômé de guitare à l’Institut Lemmens de Louvain et aux conservatoires royaux d’Anvers et de La Haye, où il a étudié avec Zoran Dukic. Il a perfectionné son art avec David Russell et Manuel Barrueco, entre autres.

Born in 1975 (Belgium), Jan Depreter is graduated for guitar at the Leuven Lemmens Institute and the Royal Conservatories of Antwerp and The Hague, where he studied with Zoran Dukic. He perfected his art with David Russell and Manuel Barrueco, among others.

« La guitare Vicente Arias de 1911 avec laquelle j’ai joué était un modèle très intéressant. Je me souviens qu’elle était bien conservée et en bon état. Elle me semblait très légère, prête à partir, avec un corps petit et mince, caractéristique des Arias. Elle avait beaucoup de tempérament et de possibilités. Patinée par le

“The 1911 Vicente Arias guitar l played was a very interesting model. I remember it was well-preserved and in good condition. It felt very light-weight, ready to go, with a small and slender body, such as Arias was known for. With lots of temperament and possibilities. Patinated by time,

Jan Depreter

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Jan Depreter jouant avec une Arias de 1902. Jan Depreter playing on a 1902 Arias.

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temps, ce n’était pas seulement l’aspect de la table en épicéa qui avait acquis une lueur profonde de miel et de caramel, mais aussi la voix elle-même de la guitare qui était devenue sombre et séduisante. Elle me faisait penser à cette célèbre citation de Segovia sur la guitare : “Ce petit monde en miniature qui vous attire.” Les guitares de Vicente Arias peuvent être très gratifiantes pour ceux qui prennent le temps et l’effort d’étudier l’angle de la main droite et la pression de l’attaque, qui doit être plus douce, dans des mouvements plus petits et beaucoup plus proches des cordes puisque l’action de ces guitares Arias est assez basse. C’est pourquoi je recommanderais également de limer vos ongles de la main droite plus court que d’habitude. Avec un bon contrôle de la main droite et un vibrato « lyrique », on peut réussir à évoquer la voix humaine. Finalement, c’est ce à quoi aspire tout instrument de musique. On ne peut que recommander de régler ces guitares à 415 Hz, accordage pour lequel elles ont été construites à l’origine. Leurs petits corps réagiront différemment et tellement mieux. Alors qu’ils ne sont pas adaptés, à mon avis, aux grandes salles de concert d’aujourd’hui (ces instruments ont été faits pour l’époque des « Salons »), les notes produites après l’attaque atteignent uniformément leur potentiel harmonique, qu’elles conservent beaucoup plus longtemps que la plupart des guitares modernes, et peuvent donc être nuancées plus longtemps avec la main gauche. J’ai joué sur trois Arias (1889, 1902 et 1911) et j’ai préféré la dernière. C’est toujours un privilège d’en jouer une. Elles méritent d’être traités avec tout le respect et la déférence dont on peut faire preuve. Ce ne sera qu’entre les mains d’un guitariste respectueux qu’elles dévoileront leurs secrets et vous récompenseront – ainsi que vos auditeurs – avec des sons magiques qui parlent, chantent et chuchotent des temps perdus et oubliés depuis longtemps. »

it was not only the appearance of the spruce top that had gained a deeper honey and caramel-like glow, but also the guitar’s voice itself that grew dark and inviting. Reminding me of that famous Segovia quote about the guitar: “that small, miniature world drawing you in”. Vicente Arias guitars can be very rewarding for those who take the time and the effort to investigate the right hand angle and pressure of attack, which needs to be softer, with smaller movements, and much closer to the strings since Arias guitars have such a low string action. Which is why l would also recommend filing your right-hand nails shorter than usual. With good control of the right hand and “lyrical” vibrato, we can succeed in evoking the human voice. Ultimately, this is what every musical instrument aspires to do. It cannot be recommended enough that these guitars be tuned down to the 415 Hz setting for which they were originally built. Their small bodies will react completely differently and the results will be all the better. While these instruments are unfit in my opinion for today’s enormous concert halls (they were made for the “Salons” era), the notes produced – after the attack – come very evenly into their full harmonic potential, easily outlasting those of most modern guitars, and therefore can be manipulated for longer with the left hand. I have played on three Arias (1889, 1902 and 1911) and l liked the last one the best. It’s always a privilege to play one. They deserve to be treated with all the respect and deference that one can muster. Only in the hands of a respectful guitarist will they reveal their secrets and reward you – and your listeners – with some magical sounds that speak, sing and whisper of long-lost and forgotten times.”


David Jacques et sa guitare de 1886. David Jacques and his guitar from 1886.

David Jacques

David Jacques

Guitariste québécois, titulaire d’un doctorat en interprétation de la musique ancienne de l’Université de Montréal, il a participé à plus de cinquante enregistrements et reçu de nombreux prix internationaux. Il possède une belle collection de guitares, dont une Vicente Arias de 1886.

Quebecois guitarist who holds a doctorate in early music interpretation from the University of Montreal, he has participated in over fifty recordings and received numerous international awards. He has a fine collection of guitars, including a Vicente Arias from 1886.

Quelles sont les qualités de votre guitare Arias ? Sa projection, malgré sa petite taille, son agilité et sa vivacité sonore, les attaques franches, la clarté du son. J’aime sa légèreté et sentir la table vibrer, elle est tellement mince.

What are the qualities of your Arias guitar? Its projection, despite its small size, its agility and its lively sound, the immediate attack, its clarity. I love its lightness and being able to feel the top vibrate, as it is so gossamer-thin.

Vous a-t-elle obligé à modifier votre technique ? Pas réellement. Il y a toujours une adaptation lorsqu’on joue avec des guitares anciennes, il n’y en a pas deux pareilles. La seule chose à laquelle je doive être attentif, c’est de garder la première corde en place lorsque je joue dans les aigus. Elle est très proche du bord de la touche, parce que son manche est plus étroit que celui d’une guitare classique moderne.

Did it force you to change your technique? Not really. There is always some adaptation when playing antique guitars; no two are the same. The thing I need to watch most is that I keep the first string in place when playing the trebles. It is very close to the edge of the fingerboard, because the neck is narrower than that of a modern classical guitar.

Vous jouez avec une Torres de 1887 et une Arias de 1886, quelles différences ressentez-vous ? Les deux sont assez différentes. l’Arias est plus percussive, claire et directe. La Torres a un son plus velouté malgré l’utilisation des mêmes matériaux (cyprès et épicéa). Ma SE 109 est une petite Torres dont les dimensions sont à peu près les mêmes que celles de l’Arias. Cette dernière est plus comme un feu d’artifice sonore : ça part dans tous les sens et elle réagit très rapidement. La Torres est plus intérieure, mais avec une belle projection tout de même. Les deux ont une personnalité unique que je n’ai expérimentée sur aucune autre guitare de cette taille du xixe siècle. Elles sont petites, mais très généreuses en son et en timbre.

You play with a Torres from 1887 and an Arias from 1886, what differences do you feel? The two are quite different. The Arias is more percussive, clear and direct. The Torres has a smoother sound, despite using the same woods (cypress and spruce). My SE 109 is a small Torres, of roughly the same dimensions as the Arias. The latter is more like a fireworks display of sound; going off in all directions and responding very quickly. The Torres is more interior, but with nice projection all the same. Both have a unique personality that I have never experienced in any other 19th-century guitar of this size. They are small, but very generous in sound and tone.

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Raphaella Smits et sa guitare à neuf cordes de 1899 (transformée en huit cordes). Raphaella Smits and her 9-string guitar from 1899 (transformed into 8-string).

Raphaella Smits

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Née à Anvers (Belgique), elle a étudié la musique classique aux Conservatoires royaux d’Anvers et de Bruxelles. Raphaella joue dans le monde entier sur sa guitare à huit cordes de Vicente Arias et sur des instruments historiques. En plus de ses cours à l’Institut Lemmens en Belgique, elle donne régulièrement des masterclasses en Europe, en Amérique du Nord et au Japon.

Raphaella Smits

« L’obtention d’un beau son sur une guitare de Vicente Arias résulte d’une attention constante. J’ai dû adapter ma technique et la position de ma main droite, mais en faisant cela, j’ai découvert un nouvel aspect de l’instrument et de la musique. Il est remarquable d’entendre résonner les cordes basses, chacune à sa manière mais aucune prédominante, toutes avec une présence au service de l’instrument tout entier. Comme dans un chœur, une voix d’alto met la soprano en valeur, de même qu’une grande basse magnifie les autres voix. Au lieu de donner une place prépondérante à l’instrument, la musique sort tout de suite, toute seule, presque orchestrale. Cet instrument a un diapason exceptionnel de 724 mm, et malgré cette longueur et son grand gabarit, il est facile à jouer, tout est en équilibre. Grâce à mon adaptation à l’instrument, j’ai réussi à exprimer les différentes indications précisées décrites dans la musique d’Antonio Jiménez Manjón. Il m’est devenu plus facile d’exprimer le legato féminin et rêveur des ballades (romanzas) et les effets percussifs et virils du flamenco des pièces espagnoles. » Ndlr – Cette guitare provient de la collection de Narciso Yepes à Madrid. Il est probable qu’elle ait d’abord appartenu au professeur de Yepes, Estanislao Marco. Elle a été restaurée par Bernhard Kresse à Cologne, en Allemagne et les cordes ont été fabriquées sur mesure par D’Addario à New York, aux États-Unis.

“Obtaining a beautiful sound on a Vicente Arias guitar is the result of constant care and attention. I have had to adapt my technique and the position with my right hand, but in so doing I discovered a new aspect not only of the instrument, but also of the music. It is remarkable to hear the bass strings resonate, each in its own way but none predominant; each with a presence serving the entire instrument. As in a choir, an alto voice highlights the soprano and a big bass beautifies the other voices. Instead of giving a preponderant place to the instrument, the music comes out spontaneously, all by itself, in an almost orchestral manner. This instrument has an exceptional scale of 724 mm, and despite this unusual length and its impressive size, it is nonetheless easy to play; everything is in balance. Thanks to my adaptation to the instrument, I managed to bring out the various precise indications described in the music of Antonio Jiménez Manjón. It became easier for me to express the feminine and dreamy legato of ballads (romanzas) and the percussive and virile flamenco effects in Spanish pieces.” Ed. – This guitar comes from the collection of Narciso Yepes in Madrid, Spain. It is probable that the instrument belonged first to the teacher of Yepes, Estanislao Marco. It was restored by Bernhard Kresse in Cologne, Germany, and the strings were custom made by D’Addario in New York, USA.

Born in Antwerp (Belgium), she studied classical music at the Royal Conservatories of Antwerp and Brussels. Raphaella plays her Vicente Arias eight-string (originally nine-string) guitar and historic instruments around the world. In addition to her courses at the Lemmens Institute in Belgium, she regularly teaches masterclasses in Europe, North America and Japan.


Javier Riba et sa guitare de 1900. Javier Riba and his guitar dated 1900.

Javier Riba

Né à Cordoue (Espagne), il a fait ses études de musique au Conservatoire supérieur de Cordoue et au Conservatoire royal supérieur de musique de Madrid. Il a notamment étudié avec Leo Brouwer, José Tomás, Manuel Barrueco et David Russell. Son disque Aljibe de Madera a été intégralement enregistré avec sa guitare Arias de 1900. D’où vient votre amour pour Arias ? C’est grâce à Carles Trepat et Stefano Grondona que j’ai découvert l’univers de la guitare historique. Aujourd’hui, le monde de la guitare classique est obsédé par le volume et le contact avec ces deux guitaristes, qui cherchaient autre chose dans la musique, m’a beaucoup intéressé. Un autre événement important pour moi a été l’exposition sur Antonio de Torres que j’ai organisée à Cordoue en 2007. J’ai pu réunir plusieurs de ses guitares et Trepat et Grondona sont venus donner des concerts avec leurs Torres. J’ai même donné un concert avec une Torres de 1868, qui a appartenu à Julián Arcas, une expérience magique pour moi ! Depuis, j’ai cherché à acheter une bonne guitare historique. J’ai eu la chance de rencontrer les membres de la famille de Don Diego Ruiz de Almodóvar, qui m’ont vendu l’une des trois guitares de Vicente Arias qu’ils conservaient. L’idée, pour l’album Aljibe de Madera, était de rendre hommage à Segovia et au monde musical de Almodóvar, grâce à cette guitare de 1900. Quelles différences trouvez-vous entre Torres et Arias ? Je n’ai trouvé la profondeur du registre grave des Torres dans aucune autre guitare. Les Arias se caractérisent par la clarté des voix : rien ne se mélange, toutes les notes sont précises et elles se prêtent bien à la musique contrapuntique. Pour moi, la guitare n’est pas une question de volume mais de projection sonore. La beauté du son touche le public beaucoup plus que le volume.

Javier Riba

Born in Cordoba (Spain), he studied music at the Conservatory of Cordoba and at the Royal Conservatory of Music in Madrid. He has notably studied with Leo Brouwer, José Tomás, Manuel Barrueco and David Russell. His Aljibe de Madera CD was entirely recorded on his Arias guitar from 1900. Where does your love for Arias come from? It is all thanks to Carles Trepat and Stefano Grondona that I discovered the world of historical guitars. Today, the classical guitar world is obsessed with volume, but my contact with these two guitarists, who were looking for something else in music, really caught my interest. The Antonio de Torres exhibition that I organized in Cordoba in 2007 was another milestone for me. I was able to bring together several of his guitars, and Trepat and Grondona came to give concerts with their Torres. I even gave a recital with a Torres from 1868, which belonged to Julián Arcas, and it was a magical experience for me. From that day on, I tried to find a good historical guitar to buy. I was lucky enough to meet the family of Don Diego Ruiz de Almodóvar, who sold me one of the three Vicente Arias guitars in their possession. The idea of making the Aljibe de Madera CD with the 1900 Arias was a tribute to Segovia and the musical world of Almodóvar. What differences do you find between Torres and Arias? I have never found the depth of the low register on a Torres in any other guitar. Arias guitars are characterised by the clarity of the voices: nothing is mixed; all the notes are precise and they lend themselves well to contrapuntal music. For me, the guitar is not a question of volume but of sound projection. The audience is going to be touched far more by the beauty of the sound than by the volume.

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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier Siegfried Hogenmüller qui est à l’origine de ce livre. C’est lui qui en a eu l’idée et m’a encouragé à le faire en me confiant les documents qu’il avait réunis sur Vicente Arias pendant plus de quarante ans. Je remercie aussi tout particulièrement mes trois compagnons de voyage : Tobias Braun, Karel Dedain et Gerhard Oldiges. Excellents luthiers, bons amis, ils ont apporté leurs connaissances à cet ouvrage et nos échanges d’idées ont été d’une grande richesse pendant la gestation du livre. Une mention spéciale à Karel Dedain pour ses remarquables plans de guitares. Je remercie sincèrement Lorenzo Frignani, Gabriele Lodi, John Ray, Bernhard Kresse et Vincent Dubès, luthiers prestigieux, qui m’ont raconté les restaurations qu’ils ont effectuées sur des guitares de Vicente Arias. Un grand merci également aux grands guitaristes qui m’ont parlé de leurs instruments en me donnant leurs points de vue d’artistes : Stefano Grondona, Jan Depreter, David Jacques, Raphaella Smits et Javier Riba. Mes remerciements vont aussi à Gianni Accornero, Bruce Banister, Luc Bastiaenssen, David Bishop, Jérôme Casanova, Vicente Coves, Dr Maurizio Franz, Pavel Gavryushov, Dr Gerd Groddeck, Dr Erhard Hannen, L. John Harris, Joseph Heiliger, Hans Hermann Herb, Noud Koevoets, Nestor Martinez, Heike Matthiessen, Denis Mairat, Gerhard Müller, Claus Nürnberger, Eric van Oostenhout, Giacomo Palazzesi, Umberto Piazza, José Luis Postigo, Dr Thomas Pyzik, Massimo Raccosta, Cristina Ramírez, Vicente Ripollés, Marc Scialom, Siccas Guitars, Françoise et Daniel Sinier de Ridder, Axel Weidenfeld.

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES Photos d’Alberto Martinez, sauf : Biblioteca Nacional de España – pp. 17, 21, 23, 24-25, 27, 28-29 (2), 126-127, 134 (2), 136. David Bishop – pp. 206-207. Jérôme Casanova – p. 43. Lorenzo Frignani – pp. 86 (4)-87. Pavel Gavryushov – pp. 130, 132-133, 135. Hans Hermann Herb – p. 45. Siegfried Hogenmüller – p. 110. Bernhard Kresse – pp. 43, 94, 162-163. Gabriele Lodi – pp. 42, 44-45. Gerhard Müller – pp. 128-129. Oficina Española de Patentes – p. 127. Guitarras Ramírez – p. 12. John Ray – p. 95. Vicente Ripollés – p. 131 (2). Siccas Guitars – pp. 150-151, 210-211. Françoise et Daniel Sinier de Ridder – p. 117. Tout a été fait pour identifier les détenteurs des droits. Nous serons heureux de corriger les erreurs ou les omissions lors d’une prochaine édition. Nous réservons les droits usuels aux ayants droit qui n’auraient pas été identifiés ou auraient été oubliés.


ACKNOWLEDGEMENTS I would like to thank Siegfried Hogenmüller, to whom this book owes its genesis. He was the one who dreamed up this project and encouraged me to take it on, entrusting me with all the documents he had collected on Vicente Arias over more than forty years. I would also particularly like to thank my three travelling companions: Tobias Braun, Karel Dedain and Gerhard Oldiges. Excellent luthiers, good friends, they brought their knowledge to this work and throughout the book’s gestation our exchanges of ideas were invaluable. A special mention to Karel Dedain for his remarkable guitar plans. I sincerely thank Lorenzo Frignani, Gabriele Lodi, John Ray, Bernhard Kresse and Vincent Dubès, prestigious luthiers, who talked with me of the restorations they had undertaken on Vicente Arias guitars. A big thank-you also to the great guitarists who discussed their instruments and gave me their views as artists: Stefano Grondona, Jan Depreter, David Jacques, Raphaella Smits and Javier Riba. I also would like to thank Gianni Accornero, Bruce Banister, Luc Bastiaenssen, David Bishop, Jérôme Casanova, Vicente Coves, Dr Maurizio Franz, Pavel Gavryushov, Dr Gerd Groddeck, Dr Erhard Hannen, L. John Harris, Joseph Heiliger, Hans Hermann Herb, Noud Koevoets, Nestor Martinez, Heike Matthiessen, Denis Mairat, Gerhard Müller, Claus Nürnberger, Eric van Oostenhout, Giacomo Palazzesi, Umberto Piazza, José Luis Postigo, Dr Thomas Pyzik, Massimo Raccosta, Cristina Ramírez, Vicente Ripollés, Marc Scialom, Siccas Guitars, Françoise et Daniel Sinier de Ridder, Axel Weidenfeld.

PHOTO CREDITS Photographs from Alberto Martinez, except: Biblioteca Nacional de España – pp. 17, 21, 23, 24-25, 27, 28-29 (2), 126-127, 134 (2), 136. David Bishop – pp. 206-207. Jérôme Casanova – p. 43. Lorenzo Frignani – pp. 86 (4)-87. Pavel Gavryushov – pp. 130, 132-133, 135. Hans Hermann Herb – p. 45. Siegfried Hogenmüller – p. 110. Bernhard Kresse – pp. 43, 94, 162-163. Gabriele Lodi – pp. 42, 44-45. Gerhard Müller – pp. 128-129. Oficina Española de Patentes – p. 127. Guitarras Ramírez – p. 12. John Ray – p. 95. Vicente Ripollés – p. 131 (2). Siccas Guitars – pp. 150-151, 210-211. Françoise and Daniel Sinier de Ridder – p. 117. Every effort has been made to identify the copyright holders. We would be glad to correct any errors or omissions in a future edition of the work. We reserve the customary rights to those beneficiaries who have not been identified or have been overlooked.


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