Ourse d'or

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près avoir couru en tous sens dans la forêt, la petite fille tomba à nouveau sur la maison des trois ours. Celle-là même dont elle s’était échappée dans un grand affolement. Elle se tenait devant la porte, terrifiée à l’idée de se retrouver nez à nez avec ces bêtes féroces. Mais le froid et l’épuisement la poussèrent à entrer.



La maison était calme, aucune trace de la famille Ours, à part une fourrure étendue sur le plus petit des trois lits.


Elle s’y emmitoufla et sombra dans le sommeil.


À leur retour, les trois ours découvrirent qu’une drôle de créature dormait paisiblement dans leur chambre. Certes, elle avait quelque chose de singulier mais elle était tellement charmante qu’ils l’adoptèrent aussitôt ! « Bonjour Ourse d’or, tu as bien dormi ? » lui dirent-ils en chœur à son réveil. La petite fille venait de trouver une famille.


Ainsi, elle grandit avec les ours au cœur de la forêt.

Sa fourrure était douce et chaude, ses griffes aiguisées et luisantes. Quelle joie, de ne plus craindre le froid, de pouvoir se rouler dans la neige, de ne plus avoir peur !


Pourtant il lui arrivait d’être triste. Son apparence humaine lui manquait mais elle ne pouvait rien en révéler. Alors, dans le secret de sa chambre, elle ôtait sa fourrure et se retrouvait nue, frêle et vulnérable. « Voilà qui je suis » se murmurait-elle.


Parfois, en rêve, elle arrachait sa peau d’ours, morceau par morceau : les oreilles, les pattes, le ventre… Mais même dépecé, mis à plat, retourné sous toutes les coutures, repassé à l’envers, à l’endroit, plié, rangé, désincarné, le pelage reprenait forme et lui collait à la peau.

« J’ai peur, je ne ressemble à rien. Ni à ce que je suis, ni à ce qu’on attend de moi. Comment devient-on soi-même ? »


Elle décida alors de quitter la maison pour s’aventurer au plus profond des bois. À mesure qu’elle avançait, il faisait de plus en plus sombre. Elle repensait à la famille Ours et son cœur se serrait, mais il fallait continuer à marcher. Elle s’enfonça au point de ne plus distinguer de chemin, ni devant, ni derrière.



Elle ne sentait mĂŞme plus les contours de son corps.


Elle commençait à s’évaporer dans l’obscurité.


Soudain, un monstre surgit devant elle !


Ourse d’or rugit de toutes ses forces… jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive qu’il s’agissait d’un renard.

Celui-ci la contempla, plus amusé qu’effrayé, puis il disparut comme il était apparu.


Elle suivit la trace du renard et découvrit son antre.

L’intérieur était modeste, mais cosy. Elle se serait volontiers réchauffée auprès du poêle avec une bonne tasse de thé !


Au lieu de cela, elle se posta derrière un buisson et observa les allÊes et venues de ce curieux animal.


Celui-ci faisait mine de ne pas l’avoir vue,


mais il l’épiait tout autant, intrigué par cet étrange spécimen.


Après plusieurs jours de scrutation réciproque, il finit par l’aborder.


« Sors de ta cachette et dis-moi qui tu es ! - Ne te fâche pas ! Je sais ce que je ne suis pas mais je ne sais pas ce que je suis. - Je ne te demande pas « quoi ?», mais « qui ? » - Je suis Ourse d’or. Et toi, qui es-tu ? - Je suis le renard. Enchanté. »


Et c’est ainsi qu’Ourse d’or et le renard se sont trouvés. Depuis ce jour, ils gambadent ensemble.




Muriel Bétrancourt février 2014 muxxandme.com/muxx@me.com



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