Au fond du trou

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À toutes les silencieuses, les amoureuses de la nature et des paysages désolés. Celles qui ne se sentent pas perdues au milieu de l’immensité. Qui se tiennent droites dans les étendues de vert au-dessus de la mer.

Secret : n. m., zone opaque à la frontière entre l’espace intime et l’espace public.


Au fond du trou



Quelque part, loin de tout, il y avait un trou. Un trou si profond qu’on le disait sans fond.

Un trou si sombre, que nulle ombre ne s’en approchait à des lieues à la ronde.



Jusqu’au jour où…

O O O O O O O O h !

…quelqu’un tomba dedans.



Ce quelqu’un, c’était moi.


Le trou était profond mais il avait un fond, si noir que chaque son était happé par l’obscurité.


Les cris ? Oubliés, jamais prononcés,
pas même murmurés. Le monde restait sourd là-haut.



Les mots et les pensées s’effaçaient. Même les larmes refusaient de couler. Le trou les engloutissait.



C’est alors qu’au plus noir du désespoir, surgie de nulle part, une drôle de bête apparut. Bonjour toi, que fais-tu là ?

Je restai sans voix, le souffle coupé, yeux écarquillés,

quand une ribambelle d’affreux, braillant et ricanant, se précipita vers moi.


Ici, rien ne passe, rien ne traverse, rien ne filtre ni ne transperce, tout se tait et tout se meut. Tout se terre et tout se meurt.




L’un d’eux s’approcha de moi. Je suis ta Peur. Suis-moi !

Comme un automate, je m’accrochai à ses pas et me laissai entraîner dans les tréfonds de l’abîme.


Nous marchâmes à tâtons le long d’immenses galeries. Était-ce vraiment le chemin de la sortie ? Mes pupilles s’agrippaient à son ombre et mes oreilles au bruit de ses pas quand brusquement,

elle se retourna et s’évanouit dans l’obscurité ouatée.



Où es-tu ? Ne m’abandonne pas !


Je suis là. Tu ne me vois pas ?


Voilà qu’à présent, se détachant à peine du noir, un petit visage pâle à l’air solennel se tenait devant moi.

Il semblait éclairé par l’éclat d’un drôle de rocher noir, semblable à un feu pétrifié.





Allons, assieds-toi. Tu as la mine sombre et les yeux éteints. Pourtant, tu vois bien, au plus profond de toi, là où le noir règne tout à fait, il est une lueur qui ne s’éteint jamais. Cette lumière, c’est moi. Quelque chose craqua.

Nous sommes ici au cœur du secret. Dans le silence où tu m’avais laissé. Je vacillai.

N’enferme pas de secret en toi, sinon c’est le secret qui t’enfermera.



Une lézarde courut sur la roche, mon cœur se fendit.

À présent que tu es revenu, sortons d’ici, veux-tu ?

À ces mots, l’espace se mit à gronder éclatant en mille éclairs.



Je me blottis, l’enfant serré contre moi, tandis qu’autour de nous, tout s’écroulait avec fracas.



Lorsque j’ouvris les yeux, je me trouvais dans une vaste étendue claire et calme.

À mes pieds, un petit caillou noir.

Je le ramassai, me levai et le mis dans ma poche.



Et c’est ainsi que je fis mon premier pas hors du trou.



Fin


Merci à Fleur Bout, Paul Duflot, Cécile Laplaige, Eve de Liedekerke et Gessica Maio pour leur soutien, leur enthousiasme et leur persévérance. À Djaïma, pour nos rencontres ponctuelles et nos trajectoires parallèles. À Emmanuelle Robin et Kristin Meller, pour leur bienveillance et la précieuse transmission de leurs savoirs.

Janvier 2020 www.muxxandme.com @muxxandme



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