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LA DUALITÉ Août 2014


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EDITO

Entre tristesse et rire. Quelle plus tragique dualité. Il nous a fait rire, il nous a ému, il s’est invité dans nos coeurs de façon irrémédiable. Robin Williams n’est plus. Personne n’y a cru et puis l’évidence. : le cinéma perd son clown, son père, sa nounou. Il perd un grand artiste, un homme profondément simple qui a su tous nous toucher. Certains diront que le public est responsable, que notre émotion est hypocrite (coucou à toi Franck Dubosc), mais nous, nous disons que nous perdons un ami qui nous voulait du bien. Et nous rendons humblement hommage à ce talent sans borne. Il incarnait cette dualité qui nous est chère ce mois-ci, il était le rire et l’émotion, il était l’homme et la femme, il était le calme et l’exubérance, la sagesse et la folie. Nous n’oublions pas dans notre nécrologie de rendre hommage à une grande dame de l’âge d’or d’Hollywood : The Look, alias Lauren Bacall. Une beauté fatale, une voix envoûtante et une carrière exemplaire, Lauren Bacall a séduit autant qu’elle a fasciné. Le cinéma américain perd un peu plus de sa grandeur d’antan avec cette disparition d’une icône. Mais si les êtres partent les films restent et avec eux le souvenir de personnes exceptionnelles. Hook et The Look seront toujours là, avec nous, pour nous conter leur histoire. Gardons-les bien au chaud dans notre amour pour le cinéma, gardons-les vivants par l’image. Nous ferons de notre mieux.

BONNE LECTURE

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SOMMAIRE

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ZACH BRAFF

DE JOHN DORIAN À ZACH BRAFF

Et si on parlait un peu de Zach Braff. Zach qui ? Mais si tu sais, John Dorian. Ça me dit quelque chose... Rah le mec de Scrubs. Aaaaah, et là tout de suite tout s’éclaire. C’est un peu caricatural comme entrée en matière, la réputation de Zach Braff n’étant plus à faire pour une bonne partie des cinéphiles et sériephiles. Mais tout de même, Zach Braff c’est avant tout JD, médecin fantasque et doux rêveur. Depuis 2010 et l’arrêt de la série, l’acteur n’a pas chômé et s’est fait un nom en tant que réalisateur reconnu par ses pairs. Fort d’un solide groupe de fans, Zach Braff a su trouver en eux le soutien nécessaire (et mérité) pour proposer un projet commun, dix ans après le succès critique et public de Garden State : Wish i Was Here. REVENONS DONC SUR LA MéTAMORPHOSE DU JOHN DORIAN DE LA TéLéVISION AU ZACH BRAFF DU GRAND éCRAN.

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DOSSIER ZACH BRAFF

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PORTRAIT Des débuts prometteurs Si Zach Braff est aujourd’hui l’artiste accompli scène de Meurtre Mystérieux à Manhattan, mais le que l’on connaît, et reconnaît, il n’en a bien sûr pas jeune Zachary y incarne tout de même le fils de toujours été ainsi. Mais force est de constater que monsieur Woody. Bon présage pour la suite, bonne l’acteur a su très vite faire ses preuves et trouver étoile (juive) ? Ce même Woody Allen recroisera sa sa place dans le vaste milieu du cinéma. Tel Aidan, route en 2014 lorsque Zach Braff obtiendra un rôle dans son spectacle Bullet Over son personnage dans Wish i was here, il avait un rêve et s’y est A 18 ans, il joue le fils de Broadway ; mais ne brûlons pas les étapes, nous y reviendrons. accroché pour réussir. C’est un Woody alleN passionné et le cinéma, mais Le cinéma lui ouvre donc ses surtout la télévision, ont su bien lui rendre. portes. Toutefois, Zach Braff va ensuite enchaîner Depuis l’enfance, Zach Braff est attiré par le des rôles dans des films peu mémorables cinéma et se rêve réalisateur (il sortira diplômé de s’adressant principalement aux adolescents l’université Northwestern [Evanston, Illinois] en (comme par exemple Le Club des Coeurs Brisés de art du cinéma). Toutefois, c’est en tant qu’acteur Greg Berlanti en 2000) avant de trouver enfin LE que le public le découvrira, furtivement d’abord, rôle qui va changer radicalement le cours de sa au cinéma en 1993. Zach Braff, âgé alors de 18 carrière, passant d’acteur aperçu par-ci, par-là à ans, fait ses débuts au cinéma par la grande porte, artiste créatif aux multiples facettes. celle de Woody Allen, ni plus ni moins. C’est vrai, ce n’était que pour une apparition dans une seule

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JD, un ami qui vous veut du bien C’est en 2001 que la carrière de Zach Braff va de Scrubs. Fort de cette complicité et de cette réellement exploser. Il obtient le rôle principal simplicité le succès ne pouvait être qu’au rendezd’une nouvelle série médicale (comique pour une vous, pour le plus grand bonheur d’un Zach Braff fois!) créée par Bill Lawrence : Scrubs. L’acteur, qui qui n’a jamais été aussi attachant que dans ce rôle là («I don’t want to be known travaillait comme serveur à l’époque, se révèle sous L’aventure durera neuf ans always as the silly Scrubs guy», déclarera-t-il en anglais dans les traits de l’interne John Dorian, JD pour les intimes. Cheveux en bataille, le texte). regard perdu dans les rêves les plus loufoques Le phénomène Zach Braff est en marche. Avec le et petite voix naïve, JD est le pote que l’on rêve succès fulgurant de la série, Zach Braff se constitue d’avoir. C’est l’occasion pour Zach Braff de montrer un cercle de fervents fans qui n’auront de cesse de toute l’étendue de son talent, autant comique que le suivre à partir de là. Mais bien plus que cela, il dramatique (eh oui, on ne fait pas QUE rire dans se fabrique sa liberté, une liberté qu’il mettra au Scrubs). Avec ses acolytes du Sacré Coeur, Donald profit de la création. Il déclarera d’ailleurs que le Faison (Turk, ou «chocolate bear», son ami fidèle succès de la série lui aura permis de poursuivre dans la vraie vie. Une des plus fortes «bromances» ses rêves sans avoir à se soucier de l’argent. N’estde la télévision) et Sarah Chalke (Eliott), JD n’aura ce pas la plus grande des libertés pour créer ? de cesse de nous entraîner dans son monde fait d’un cheval avec une épée sur le front (ne dites L’aventure durera d’abord huit ans, avant de surtout pas que c’est une licorne), du Dr Acula, revenir sur le devant de la scène à la demande de terrifiant médecin vampire ou encore du médecin fans en manque. La suite, Scrubs : Interns verra alors le plus grand du monde. Scrubs c’est avant tout malheureusement le jour en 2009, mettant en une famille, une troupe qui a su bien se trouver scène l’univers déclinant de la série. Seul le premier et qui ne se quitte plus depuis, les uns faisant épisode montrant les retrouvailles de Turk et JD des apparitions dans les séries et les films des sur fond de Guy Love (leur célèbre chanson) saura autres. On retrouve, par exemple, Zach Braff dans nous faire esquisser un sourire. Qu’à cela ne tienne, un épisode de The Exes, nouvelle série de Donald Zach Braff avait depuis longtemps déjà préparé sa Faison ou encore dans Cougar Town, série de Bill reconversion réussie avec Garden State, dès 2004. Lawrence dans laquelle joue une partie du casting

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Un artiste touche-à-tout Zach Braff, comme JD, est un rêveur, mais au lieu de les laisser bien cachés dans un monde intérieur (dans lequel il ferait la voix-off), il les met en scène. Scrubs n’est pas encore terminée que l’acteur profite de sa toute nouvelle notoriété pour présenter au public (à l’occasion du Sundance Festival, l’institution du film indé’) son premier long métrage Garden State. Il le scénarise, réalise, produit et joue le rôle principal. Les cinéphiles font alors la connaissance d’un artiste qu’il ne connaissait pas avant, un artiste qui maîtrise tout. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est dans son élément et vise juste. Comme nous le verrons par la suite, avec ce film Zach Braff remportera un franc succès, le hissant au rang d’artiste respecté et reconnu. Il se lance alors dans de nouveaux défis, enchaînant la réalisation, le scénario et la production pour différents projets aussi bien que des rôles à Broadway et au théâtre. Zach Braff est infatigable, un bourreau de travail qui peut écrire des longs métrages émouvants (Garden State puis Wish i was here) aussi bien qu’une pièce de théâtre caustique (All New People, 2012, pièce jouée notamment à Londres et dans laquelle il incarne Charlie un aiguilleur du ciel suicidaire) ou encore un projet de série télévisée (Garage Bar). Il enchaîne en parallèle plusieurs rôles au cinéma, comme dans Last Kiss (comédie romantique culcul de 2006) ou plus récemment dans Le Monde Fantastique d’Oz pour une performance en motion

capture. Il trouve même le temps, alors que la promotion de son dernier film n’est pas terminée, de faire ses débuts à Broadway, au St James Theater de New-York, dans un spectacle musical écrit par Woody Allen : Bullet Over Broadway (danses, chants et six nominations au Tony Awards en prime au programme), Il multiplie les projets et les participations, comme dans le documentaire Video Games : The Movie, qu’il produit, et dans lequel il évoque ses souvenirs de gamer et l’histoire des jeux vidéos (et dans lequel apparaît aussi son guy love, quand on vous disait qu’ils sont inséparables ces deux-là!). Braff est partout, même dans la geekosphère. Outre les jeux vidéos, il maîtrise les réseaux sociaux (comme toute bonne célébrité hype de nos jours). Il est ainsi ultra présents pour ses fans, postant régulièrement messages, photos et vidéos. Il ira plus loin dans le partage avec son dernier film en demandant à ses fans de participer à celui-ci. Zach Braff est un acteur humain, proche des gens et c’est sans doute pour cela que le succès est encore au rendez-vous pour ce nouveau projet, pour lequel les gens l’ont suivi les yeux fermés. Si JD est un éternel optimiste, un doux rêveur, les personnages que va s’attribué Zach Braff sont, eux, sans illusion, brisés et dans une extrême mélancolie. Comme une volonté de briser cette image de naïf, Braff se révèle, vrai et sans concession. Il sait se livrer jusque dans ses failles et c’est sûrement ce ton de confidence et de confiance qui fera de ses deux films de vraies réussites artistiques. A11

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De Garden State à Wish i was here La métamorphose s’engage, le docteur Dorian de cinéma mais bien plus profond que ne l’a été laisse place petit à petit à mister Braff le réalisateur. Garden State. En 2004, Garden State fait donc sensation au festival Le réalisateur sait s’amuser de sa situation Sundance. Il révèle son talent pour conter les pénible et ironise en interview en déclarant que histoires de famille dans ce que l’on nomme de pour que le film trouve ses producteurs il aurait façon snob des «feel good movies». Le succès fallu choisir The Rock pour jouer le rabbin. Si du film se fait toutefois par le bouche à oreille et les producteurs professionnels semblent l’avoir il est devenu un film majeur chez les amoureux boudé, Zach Braff s’en sort magistralement avec de films indés. Fort de ce succès , l’on aurait pu pas moins de 46 520 mécènes anonymes dans espérer très vite d’autres entier. Eh oui, les oeuvres. Pourtant, Zach 46 520 MéCÈnES AnOnyMES lefansmonde n’ont pas de limite et Braff a décidé de prendre très vite Braff réunit la somme nécessaire et son temps et ne pas se jeter sur les nombreux bien plus encore. Certains diront qu’un acteur projets (commerciaux) qui s’offraient à lui. connu comme il l’est n’a pas besoin de solliciter Malheureusement pour lui, ou heureusement les gens et pourtant c’est une aventure humaine pour nous, le temps passant les projets se firent que Zach Braff propose de partager. Inondant plus rares et les financements plus difficiles à les «backers» de vidéos de pré-production et de trouver. Il aura donc fallu attendre dix ans pour production, créant un site pour eux, proposant qu’il retrouve sa place derrière la caméra pour un des récompenses attractives, l’artiste semble avoir deuxième film très attendu par les fans. Mais, il le tout compris à la nouvelle industrie du cinéma, précise bien, pas question pour lui de proposer bien moins prétentieuse et bien plus proche de Scrubs, le film ou Garden State 2. Non, Braff défend ceux qui le font vivre. Il partage, il donne, il nous des histoires qui lui sont propres et chères, ce qui parle comme jamais et nous pouvons réellement est un luxe dans l’industrie d’aujourd’hui. C’est prendre part au tournage (certes, pour un certain donc avec son frère Adam qu’il livre Wish I Was Here, prix...élevé, on n’a jamais rien sans rien). film toujours sur la famille, toujours sur un fond

«Pour financer mon film, il aurait fallu que je propose à The Rock de jouer le vieux rabbin.

»

ZACH BRAFF -INTERVIEW TROIS COULEURS

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Zach Braff a su dépasser les frontières entre un artiste et son public, s’impliquant dans un projet qui lui est cher et personnel, livrant un film poétique, plein de bonne humeur et d’amour qui change dans le paysage cinématographique actuel bourré de blockbusters en tout genre. Il a su briser et l’image que lui avait forgé la série qui l’a révélé et le mur entre créateur et spectateur. Dans le monde de Zach Braff, tout se termine toujours par un happy end où finalement il réussit à chaque fois à réunir tout le monde autour de sa bienveillance. Quittons-nous sur une note positive avec des paroles d’amour, à l’image de Zach Braff, en espérant le retrouver très vite pour d’autres beaux projets :

Let’s go! It’s guy love, Don’t compromise, The feeling of some other guy, Holding up your heart, Into the sky. I’ll be there to care through all the lows. I’ll be there to share the highs. Morgane Jeannesson A13

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FILMOGRAPHIE Longs métrges (acteur) 1993 - Meurtre mystérieux à Manhattan, Woody Allen 2000 - Le Club des cœurs brisés, Greg Berlanti 2004 - Garden State, Zach Braff 2005 - Chicken Little (voix), Mark Dindal 2006 - Last Kiss, Tony Goldwyn 2007 - Son ex et moi, Jesse Peretz 2010 - Le Prix à payer, Deborah Chow 2013 - Le Monde fantastique d’Oz, Sam Raimi 2014 - Le rôle de ma vie (Wish I was here), Zach Braff

Longs métrages (réalisateur) 2004 - Garden State 2014 -Le rôle de ma vie

SÉRIES 2001 - 2010 - Scrubs, Bill Lawrence 2002 - Clone High (voix), Phil Lord, Chris Miller, Bill Lawrence 2005 - 2006 - Arrested Development, Mitchell Hurwitz 2012 - Cougar Town (saison 3 épisode 5), Bill Lawrence 2012 - The Exes (saison 2 épisode 11), Mark Reisman

THÉÂTRE 2012 - All New People, Zach Braff 2014 - Bullet Over Broadway, Woody Allen

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Critique 4,5/5 Wish i was here, Zach Braff

en Aidan Bloom, profession Dix ans. Dix ans c’est long. What if God was one : acteur-loser. Si Zach Braff Le début d’une éternité. C’est reprend son rôle d’acteur pourtant bien le temps qu’il of us fauché dont la famille part en aura fallu à Zach Braff, JD pour toujours dans nos coeurs, pour revenir sur nos ruine, ce deuxième film n’en reste pas moins une écrans avec son deuxième film derrière et devant œuvre à part entière, sans doute plus riche et plus la caméra. Depuis l’arrêt de Scrubs, les fans ont su mature que ne l’était Garden State. Le réalisateur être patients avec le gentil Zach. Nous lui avons se lance dans une belle réflexion sur la foi, sur laissé le temps de nous livrer un film magnifique, la famille, sur l’autre mais surtout sur soi. Il faut salué aussi bien par la critique que par le public : s’accrocher à ses rêves semble-t-il nous crier. Et c’est donc avec une Garden State. Et donc dix ans grande poésie que après, disions-nous, c’est le film nous montre Zach Braff en personne des scènes de rêve qui s’est présenté à nous pour nous faire partager (une ouverture digne de Scrubs ravira les une aventure unique : plus accros), Aidan l’aventure Wish i was here via le site de financement s’imaginant en warrior accompagné Kickstarter. Alors après d’un adorable robot. avoir donné, après avoir attendu aussi longtemps, Mais c’est le héros de tous les jours pari réussi ? qui compte. En cela, Wish i was here est un peu Zach Braff délivre un le grand frère de Garden joli message d’espoir State. Andrew Largeman, et de confiance. l’acteur à l’unique rôle de En interrogeant déficient mental de Garden le rapport des State, trouve son alter ego personnages à leur foi (le judaïsme étant la toile

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de fond de l’histoire) ainsi que leur rapport à euxmême (entre sacrifice et rêve), il parvient à tous nous toucher. Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’acteur sait comment jouer avec nos émotions. Sa galerie de personnages est attendrissante -du fils turbulent à la fille fervente croyante, en passant par la femme sacrificielle et le frère geek/ermite-. Nous sentons toute l’amitié que le réalisateur a pour sa troupe. Les liens sont évidents et nous font d’autant plus intégrer la famille, nous sommes comme à la maison. Bien sûr, ayant plébiscité ses fans, il nous régale de références « fan service » à tomber par terre. Nous recroisons donc l’excellent Jim Parsons (déjà aperçu dans Garden State en chevalier parlant klingon), mais surtout le temps d’un instant le couple JD-Turk (Donald Faison) se reforme ! Et c’est avec une complicité rafraîchissante que les deux acteurs nous refont rêver à Scrubs, Donald Faison semblant vouloir dire dans le film « Mais JD, que fais-tu avec ses enfants ?! ». Le film est truffé de références à la culture pop, citant Star Wars, Star Trek (Aidan fait la leçon à Jim Parsons [Docteur Sheldon Cooper!] sur Star Trek, quel culot!) ou encore Game of Thrones, et le Comic Con. Nous nous sentons d’autant plus proches des personnages. Les Bloom sont un peu the family next door, avec leur lot de problèmes (financiers, familiaux, sentimentaux, spirituels), de réconciliations et

de joie surtout. S’il réussit à nous interroger sur la mort, la famille, la religion et notre rapport à Dieu, Zach Braff le fait avec humour et poésie, sans jamais être ni trop pompeux (comme l’était A la merveille de Terrence Malick), ni trop naïf. Servi par une bande originale pop acidulée (Braff étant passé maître dans le choix de ses musiques), le film rayonne. Il prend du recul sur son sujet au final plutôt lourd. Entre rire et larme, notre coeur balance au son de The Shins, Coldplay ou Bon Iver. Avec une réalisation sobre, le soleil de Los Angeles et une bonne musique, Zach Braff nous fait du bien. Il nous livre un film intime mais finalement qui parle à tous. Il nous montre que l’on peut se permettre de rêver sa vie mais qu’il ne faut pas oublier d’être le héros que l’on mérite. Pas besoin d’armure, pas besoin d’un bon job, de beaucoup de diplômes du moment que l’on est juste et présent pour les siens et pour soi. Cette jolie fable familiale met du baume au coeur en cet été. Les fans ont su faire confiance à Zach Braff et il nous l’a bien rendu. Généreux et accessible, comme à son habitude. Wish i was here est la friandise de l’été, à consommer sans modération. Morgane Jeannesson

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Résumé Rikiki 1/5 The Expendables 3, Patrick Hughes Ne nous étalons pas en commentaire inutile ou en une quelconque analyse. Expendable 3 n’est rien d’autre que ce qu’il vend : un film d’acteurs sur le retour (il n’y a qu’à voir l’affiche qui est remplie aux trois quarts avec les noms du casting). Explosions, bastons, plans badass, ce dernier opus ne fait que confirmer les deux précédents : encore un film de peu d’intérêt, ne servant qu’à montrer un peu plus la décrépitude de «Sly» et «Schwarzy». Les petits jeunes du casting le disent eux-même en interview : les anciens sont de vraies divas, passant plus de temps au maquillage qu’autre chose. Les acteurs ne sont plus que l’ombre de leur gloire passée. Dommage.

Outre son côté divertissement bêbête (les gentils bad boys contre le grand méchant traitre) une question nous vient à l’esprit : Pourquoi un troisième ? (oui oui, l’argent nous savons bien). Pour notre plus grande joie, un quatrième est en prévision, ainsi qu’une version féminine, joliment intitulé Expendabelles. Inutile de dire que l’on a super hâte de voir ça.

morgane Jeannesson

LE SAVIONS-

OU ) L’InfO POur TE LA PéTEr AuPrÈS DE TES POTES (PAS Lui sachant de (très grandes) qualités de réalisateur, Stallone a proposé à Mel Gibson de diriger ce troisième épisode, mais ce dernier n’a pas souhaité passer derrière la caméra. Il a néanmoins accepté de se glisser dans la peau de Conrad Stonebanks, le trafiquant d’armes contre qui va s’insurger la bande à Barney Ross.

TU ? A18

© Allociné

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Critique 2/5

Lucy, Luc Besson d’un style à la fois unique et Ce mercredi 6 aout sortait Hollywood à la très esthétique, allant du look Lucy, nouveau film de notre de Christophe Lambert dans cher Luc Besson. Après française Subway à l’univers entier du deux semaines aux états Unis où le film a plus que bien marché (étant Cinquième élément. le nouveau record du réalisateur français), Cet amour de l’image, parfois au détriment de l’attente en devenait presque insoutenable. l’histoire, que l’on appelle «le cinéma de look» Et pour fêter cette sortie, certains ont eu la est à la fois la force et la faiblesse de Luc Besson. chance de voir arriver M. Besson en personne Nous l’avions déjà vu dans Angel-A ou Malavita, et présenter son film, comme c’était le cas au nous le revoyons ici avec Lucy : si le coté technique Gaumont Marignan à la séance de 14h15. est irréprochable - enfin, si nous voulions chipoter Après sa fameuse blague du «J’ai passé beaucoup nous dirions que les effets spéciaux pourraient de temps à écrire le film car je n’utilise que 5% être améliorés - l’histoire, elle, est loin de l’être. de mon cerveau» - qui n’a jamais entendu cette Partant d’un concept plutôt intéressant, où une blague lors de la promo lève la main ! - il nous étudiante nommée Lucy se retrouve en contact explique qu’il pense son film depuis neuf ans, que avec une drogue développant ses capacités les trente premières minutes sont extrêmement cérébrales, l’histoire se perd dans une course où importantes pour comprendre la fin, et que le nous ne voyons pas la route. film s’arrête avec une question non résolue, mais que c’est à nous de trouver la réponse. Un scénario se compose en général de trois Verdict ? actes : l’introduction, qui comme son nom l’indique introduit le film et les personnages, éternel souffre-douleur de la critique, Luc le développement et ses moult péripéties, et Besson et ses films divisent le public : d’un coté enfin la fin. Or, si le film part d’un bon concept, les adorateurs, de l’autre ceux qui en veulent à ses il n’introduit aucune intrigue, aucune histoire, production résumées par «un mec baraqué dans rien. De fait, les personnages ne peuvent aller une bagnole de ouf qui détruit les chinois et sauve d’un point A à un point B, ce qui se résume à un la prostituée».Mais il y a une chose sur laquelle développement sans développement. Ce qui est tout le monde tombe d’accord : son image. Dès ses d’autant plus dommage car c’est un film d’action. débuts, le cadre et ce qu’il se passe à l’intérieur est A20

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Et c’est ainsi que nous nous retrouvons avec de bonnes scènes, très inventives, mais totalement inutiles, comme la scène où Lucy traverse à contresens la rue Rivoli. Cette scène relève de l’exploit technique, avec une extraordinaire chorégraphie des voitures s’écrasant entre elles pendant que celle de Lucy se fraye un chemin. Mais au final, elle peut se résumer en deux mots : Lucy passe. Aucune autre action, si ce n’est quelque policiers qui la poursuivent vers la fin (parce que bon, faut pas déconner non plus hein). Ainsi, notre chère étudiante détruit toute une rue, blesse voire tue une bonne trentaine de parisiens, uniquement parce qu’elle est pressée. Avec ses capacités, ne pouvait elle pas trouver un autre chemin plus rapide et moins dangereux pour son entourage ? Nous pourrions comparer cette action à un homme tirant à fond de la gâchette avec sa mitraillette pour simplement éteindre sa télé : classe, de beaux sons, mais sans intérêt. De fait, bon nombre de scènes de Lucy tombent à l’eau, car elles ne nous montrent tout simplement rien. Ce sont des scènes d’actions sans action, comme si on avait mis des explosions pour s’excuser de ne pas avoir mis une histoire. De plus, le point principal du film, sur lequel on aurait pu penser qu’il s’attarderait, à savoir la «transformation» de Lucy, est résumé au possible. À tel point que des cartons viennent nous annoncer, 10% par 10%, où en est Lucy. Alors que le personnage principal aurait pu devenir une sorte de dieu qui ne voit plus le monde qui l’entoure comme le fameux Dr Manhattan de Watchmen, nous

avons ici une Scarlett Johansson «simplement» de marbre. Cette transformation passe un peu trop vite, et est cataloguée dès le début à cause du spitch de Morgan Freeman, qui nous explique ce que nous pourrions faire avec 10% de nos capacités cérébrales, 20%, 30%, etc... De fait, à chaque stade nous n’avons aucune surprise, au mieux nous nous demandons ce qui arrivera aux 100%. Alors que Lucy aurait pu nous poser des questions sur l’existence, la religion, le pouvoir, tout ceci devient très superflu. Le problème étant que ce superflu est remplacé par un autre superflu. Malgré tout, Luc Besson reste et restera un bon réalisateur. Peut être même l’un des meilleurs réalisateurs français, véritable meneur de troupes et perfectionniste de l’image. Seulement voilà, après un travail de neuf ans, nous nous attendions à du grand Luc Besson, un nouveau Cinquième Élément, un film digne du Inception de Nolan : un block-buster alliant réflexion et actions. Malheureusement, nous sommes plus proche d’un Prometheus où le réalisateur devient technicien et se fiche presque de son histoire, pourvu que son film soit bien cadré. Luc Besson, au même titre que Christophe Gans, ouvre un peu plus les portes d’un futur où le cinéma français fera lui aussi des films avec de gros budgets et de grosses ambitions. Espérons simplement que le scénario ne se fera pas éjecter dans la bataille au profit d’un pur cinéma de l’image. Pierrick Boully A21


Critique 3/5

Détective Dee II : La légende du dragon des mers,

Tsui Hark

d’avance et de régler l’affaire en C’est l’histoire du jeune détective L’homme qui seulement dix jours. L’impératrice Dee qui vient prendre ses fonctions de magistrat au Temple suprême savait lire sur les jouée par Carina Lau et qui faisait déjà partie du précédent film n’a dans la ville de Luoyang, où règne la lèvres qu’une envie : couper des têtes ! terreur du Dragon des mers. En effet, plus tôt, la flotte de l’Impératrice Wu qui devait Tsui Hark fidèle à lui-même - il a quand même venir en aide à l’empire Baekje, a été décimée réalisé beaucoup de films dont Il était une fois en par une créature sous-marine. A cette histoire, Chine - offre un spectacle époustouflant de beauté. s’entremêle celle de la courtisane Yui, offerte au Les scènes d’action, extrêmement nombreuses, Temple du dragon des mers pour apaiser sa colère. sont poussées à leur paroxysme le plus fort. Nous Dee, tout jeune, doit alors utiliser tous ses atouts avions déjà vu des combats dans les airs dans Le secret des poignards volants, Tigre et Dragon, mais ici il pour résoudre l’énigme du dragon des mers. y a également des combats La légende du Dragon des dans l’eau, sur les toits et mers, est un préquel du accroché à une falaise sans premier épisode sorti fond. Pourtant, la part à en 2010 avec dans le l’enquête est évidemment rôle titre Andy Lau. Cette prédominante. L’envie de fois, c’est Mark Chao qui Tsui Hark était de montrer se colle au héros ayant que Sherlock Holmes n’a réellement existé. Il pas été le premier détective, sait lire sur les lèvres et mais bien Di Renji qui combat comme un dieu fut popularisé dans le – mais ici tout le monde monde Occidental grâce combat comme un dieu. aux romans de Robert van Son esprit de déduction Gulik sous le nom de juge lui permet d’avoir Dee-Jen Djieh. toujours une longueur A22

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Ainsi, le film est entrecoupé de scènes d’action et de scènes de réflexion. Il n’apporte rien de nouveau dans le cinéma d’action chinois. C’est un bon divertissement à l’intrigue plus complexe que ces homologues américains, mais il reste plus abordable que le premier dont l’enquête ardue laissait le spectateur sur le carreau par moment. Le problème, néanmoins, réside dans les scènes d’action réalisées en partie à l’ordinateur. Cela se

sent. Ce qui diminue le réalisme que veut atteindre Tsui Hark. Seul bémol dans un film d’envergure. Mais comment leur en vouloir quand nous savons que Détective Dee, la Légende du Dragon des Mers est le premier film chinois réalisé en 3D.

Marine Moutot

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Critique 1/5

J’arrête quand je veux, Sydney Sibilia apprentis-dealers. Les personnages Une bande d’universitaires Very Bad Trip prennent un nouveau virage et sont spécialistes en science se lance dans pris dans l’excitation, embarqués par la confection d’un psychotrope non répertorié, c’est à dire une drogue non illégale en l’argent, les femmes, l’alcool et la drogue (chacun Italie. Chacun touché par la crise, ils suivent Pietro sa spécialité). On est face à une ribambelle de le personnage principal dont c’est la brillante idée clowns identiques. Les acteurs n’arrivent pas et abandonnent leurs jobs minables pour devenir à faire ressortir un quelconque intérêt dans la vie des hommes qu’ils interprètent malgré leur dealer. jeunesse, leur énergie et leur conviction, tant les Ce pitch du premier long de Sydney Sibilia n’est caractères sont plats et peu travaillés. Flots de pas sans rappeler l’intrigue de la série américaine paroles, montage rapide, caricature pathétique Breaking Bad, joyeusement pompée et remixée à la de l’italien séducteur (ça parle beaucoup avec les sauce italienne. mains, vous voyez ce que je veux dire). On a plus L’unique caractéristique originale qu’on pourrait le temps de respirer, un rire nerveux nous réveille attribuer au film, est l’utilisation de filtres de par moments. couleurs. Le spectateur est tout de suite embarqué On regrette surtout une approche trop propre, dans une aventure colorée, irréelle, comme si taillée pour plaire au plus grand nombre. Seul le tout le film n’était au final qu’un trip d’1h40. Mais côté « légal » est abordé. Il aurait été intéressant de difficile de fonder toute une histoire sur ce principe. voir les personnages, ces intellectuels trouillards et Après dix minutes de présentation du personnage influençables se dépatouiller avec un commerce principal, on voit défiler pendant au moins trente qui aurait sombré dans l’illégalité, qui au passage minutes les autres universitaires. Oulalala plus n’est pas forcément synonyme de drame et de qu’une heure de film ! Il faudrait surtout pas sérieux, Paulette (2012) en est un parfait exemple. dépasser le budget ! Donc notre cher réalisateur Une retraité se lance dans la vente de cannabis met les bouchées doubles. S’enchaînent alors plus pour arrondir ses fins de mois. vite que les autres les aventures de nos intellos-

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Peu de comédies italiennes apparaissent sur nos écrans français. Et pour cause... la dernière qui me vient en tête date de l’année dernière : Chaque jour que Dieu fait, rom-com racontant les aventures d’un jeune couple prêt à tout pour avoir un enfant. Partant d’une bonne intention, le film sombre peu à peu dans une banalité et un ennui affligeants. Un an plus tard, J’arrête quand je veux ne comble pas plus nos attentes. Hystérique, pas toujours drôle – ce qui est un peu embêtant pour une comédie – on n’a qu’une seule envie, c’est de se caler dans son bon vieux canapé afin de savourer à nouveau Les Monstres ou Affreux, sales et méchants.. Clémence Lipszyc

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Critique 4/5 Les Gardiens de la Galaxie, JamesGunn Après les reboots, remakes, «You said it yourself peu charismatiques voire peu importants est présent et préquels, une autre bitch, we’re the Guardians dans le film, ainsi que le mode holywoodienne s’est fait qu’un homme puisse dégagée : les super-héros. of the Galaxy !» se balader dans l’espace Entre les films DC Comics (trilogie The Dark Knight, Man of Steel) et ceux de sans protection et surtout sans mourir - mais Les Marvel (saga Avengers), la bataille fait rage, et peu Gardiens de La Galaxie est le meilleurs film Marvel Studio depuis Iron Man. sortent du lot. Ce n’est pas le cas des Gardiens de la Galaxie, vent de fraîcheur chez les héros en tout genre. S’offrant un univers de space opéra, nous suivons ici les aventures de Peter Quill - alias StarLord (joué par Chris Pratt) - qui voyage à travers la galaxie pour protéger un mystérieux globe que Ronan l’Accusateur (Lee Pace) veut pour dominer le monde. Dans sa quète, qui l’amènera à la case prison, Peter se verra doté d’une équipe de dégénérés composée de Gamora (Zoé Saldana), Drax le Destructeur (Dave Bautista), ainsi que Rocket Raccoon et Groot (doublés par Bradley Cooper et Vin Diesel). Nous ne pensions pas dire ça un jour, et encore dans la même phrase, mais Marvel Studio a fait l’un des meilleurs films de l’année, et Dave Bautista est un acteur avec un certain talent. Certes, nous ne pouvons parler d’un sans faute - car le fameux syndrome des méchants Marvel A26

Depuis Iron Man 3, Le studio semble avoir compris une chose : les connections entre films c’est bien, mais trop de super-héros de divers films tuent le super-héros. Or, dans un monde où tout les films que nous voyons sont connectés, Les Gardiens de la Galaxie s’écarte d’une galaxie des Avengers tout en restant dans le même univers. Nous sommes dans la même continuité, mais pas dans la même histoire. Tout ceci, nous le devons à James Gunn, qui réinvente les super-héros comme il l’avait fait avec Super. Bien qu’inspiré de Kick Ass, Super était tourné comme un film indépendant, s’appuyant sur sa bande originale mais aussi sur son humour décalé. Nous retrouvons tout ces éléments dans Les Gardiens, à une échelle plus grande.

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Ainsi, la musique devient l’un des points centraux du film, avec la fameuse «Awesome Mix Vol 1» mix des meilleures musiques pop que Star-Lord balancera pendant tout le film - faisant d’un simple voyage inter-galactique pour sauver le monde une aventure endiablée où le spectateur aura du mal à se retenir de taper du pied en rythme. Le fait est qu’aujourd’hui il est dur de voir un «film de divertissement» avec des personnages aussi attachant les uns que les autres, une histoire qui se tient et une réalisation débordante de vitalité.

Les Gardiens de la Galaxie est donc un pari plus que réussi, que nous vous conseillons de voir en urgence ! En ce qui concerne l’univers créé par Marvel Studio, le plan commence petit à petit à se dévoiler : Thanos, grand méchant galactique, recherche les six gemmes de l’infini. Nous en avons maintenant vu trois, et peut-être en verrons-nous une quatrième dans le prochain Avengers 2 - Age of Ultron. Pierrick Boully

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Critique 1/5 The Double, Richard Ayoade nenni. The Double n’a de virtuose que sa Simon James, un jeune homme brillant Double je remarquable capacité à nous maintenir mais particulièrement transparent, voit son existence bouleversée par l’apparition tout du long plongés dans un état d’ennui abyssal. A soudaine d’un individu lui ressemblant comme l’image de son protagoniste principal, le film s’avère deux gouttes d’eau. D’abord très complice avec ce en tout point mou et grisâtre (chromatiquement nouveau venu bien plus désinhibé que lui, Simon parlant surtout). Jesse Eisenberg, pas mauvais mais découvre petit à petit à ses dépends la véritable peut être l’un des comédiens les moins versatiles du moment, n’est pas vraiment aidé, la faute entre nature de ce jumeau. autres à un scénario peu inventif et pas toujours The Double marque le retour au cinéma de Richard très lisible. Ayoade, personnage très occupé puisqu’en plus Le film pèche également par son côté esthétique de se trouver derrière la caméra le bonhomme officie également en tant qu’acteur, animateur et sa mise en scène. On sent ainsi la volonté TV et scénariste. Il y a quatre ans déjà, le cinéaste d’Ayoade de construire un univers glaçant et nous avait laissé un souvenir assez sympathique irrationnel afin de faire ressortir la grande farce avec Submarine, petit film indé sur l’adolescence. derrière ce monde bureaucratique où les êtres Avec The Double, Ayoade avait manifestement sont totalement dépersonnalisés. Le scénario décidé de passer un cap et de s’attaquer à un essaye en vain de développer cet angle au travers projet plus ambitieux en décidant d’adapter le de situations parfois cruelles dans leur absurdité roman éponyme de Dostoïevski. Hélas, ce passage (une maison de retraite de plus en plus chère pour à la maturité s’avère assez malheureux et aboutit cause d’ améliorations alors qu’on ne fait qu’en à un résultat soporifique, plombé par un manque négliger davantage les pensionnaires) sans jamais de personnalité chronique et une atmosphère pousser complètement la réflexion jusqu’au bout. Le reste du temps, le cinéaste fait évoluer particulièrement mortifère. ses protagonistes dans de grands immeubles aux On était en effet plutôt bien disposé envers The allures soviétiques ou dans des décors épurés à Double. La bande annonce, prometteuse, laissait l’extrême pour accentuer leur solitude. Au mieux, présager un thriller sombre et tortueux...hélas que l’ensemble fait penser à un mauvais ersatz de

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Brazil, au pire on s’interroge quand à la répartition du budget. Dans tous les cas, cette surenchère austère nuit au film qui finit surtout par nous sembler profondément antipathique. The Double donne l’impression d’un exercice de style vain et raté. Une coquille vide sans fond ni véritable pensée dont la seule audace serait d’avoir osé infliger à ses spectateurs une tonitruante bande son coréenne, choix peu pertinent vu la tonalité déjà globalement assommante de la chose. On avait aimé Submarine pour sa fantaisie discrète mais aussi parce que derrière une façade assez modeste, le film réussissait à dire deux trois choses pas idiotes sur les états sentimentaux et psychologiques de son jeune héros et de sa famille. C’est ce qui manque ici et on se retrouve simplement confronté à un projet trop pompeux, exécuté sans subtilité pour un résultat final cacophonique et mal aimable. On pourrait aller jusqu’à dire que The Double est un non-film parce qu’en créant à ce point un effet de distanciation avec son spectateur, il ne développe ni ne démontre plus rien laissant tout juste derrière lui le goût amer de l’inachevé.

Marine Pallec A29


Critique 3,5/5 Sils Maria , Olivier Assayas à son travail acharné. La nouvelle Dans notre société actuelle Time is running out génération, elle, incarnée par Jorégie par le culte de l’image et de l’apparence, le temps est notre pire ennemi. Ann Ellis (qui succèdera à Maria dans le rôle de Maria Enders, personnage principal du nouveau film Sigrid) ne se nourrit que de célébrité gratuite. d’Olivier Assayas, en subit les lois intransigeantes Orgueilleuse et écervelée, Jo-Ann (qui apparaît dans un univers tout aussi impitoyable : celui du sous les traits d’une Chloé Grace Moretz parfaite spectacle. Alors qu’elle connut le succès à dix-huit dans un rôle de peste) est toujours suivie par une ans dans une pièce intitulée Maloja Snake dans le horde de paparazzis en délire, tourne dans des rôle de Sigrid, une jeune fille dominatrice, elle se blockbusters idiots, mène une vie débridée et se voit proposer vingt ans plus tard le rôle opposé ridiculise sur le net. Adulée par les jeunes de son à celui qui fit sa renommée, celui d’une femme époque (dont fait partie Valentine, qui déclare vieillissante et fragile nommée Helena. Affublée de que la jeune femme est son actrice favorite), Joson assistante Valentine, à qui elle délègue toutes Ann est la parfaite anti-thèse de Maria. Devenue les responsabilités de son existence effrénée, Maria célèbre grâce au tapage médiatique dont elle devra faire face aux aléas du métier et aux pièges fait l’objet, Jo-Ann creuse l’écart entre elle et son aînée : autrefois, les actrices servaient encore l’art que le temps lui tendra. cinématographique ; aujourd’hui, seules comptent Après un dernier film médiocre (Après mai en l’image publique et la notoriété. 2012), Olivier Assayas revient sur les chapeaux de roue avec un film complexe et hybride, pas Juliette Binoche, de son côté, incarne parfaitement toujours passionnant, mais souvent ambitieux. A la comédienne face aux désillusions de la vie l’image d’All about Eve de Joseph Mankiewicz, Sils et aux aléas du temps. Tantôt hystérique, tantôt Maria met l’accent sur la difficulté à voir le temps douce, Binoche donne au personnage de Maria filer entre nos doigts et sur la lourde tâche qu’ont une ambiguïté bienvenue, une force inouïe et une les actrices de passer le relais à une génération beauté saisissante. A côté d’elle, Kristen Stewart plus jeune, sans talent mais avide de gloire. Même paraît encore bien fade, même si son personnage si Maria évoque une possible liaison entre elle et se veut beaucoup moins impulsif et plus mature le metteur en scène qui l’a révélée, son succès est que celui de Maria. Son visage atone crée un uniquement dû à ses performances d’actrice et contraste incroyable avec l’énergie et la luminosité A30

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que dégage Juliette Binoche. A tout juste cinquante ans, l’actrice française sert le discours du film et prouve qu’une comédienne expérimentée vaut bien plus que deux débutantes réunies. Le propos fait mouche, mais le dispositif pêche un peu par sa longueur et son côté trop bavard. Les séquences de répétition de la pièce s’enlisent parfois, même si celles-ci sont assez déstabilisantes. De façon moins vertigineuse que l’a fait Polanski dans La Vénus à la fourrure, Assayas fait s’embrasser la réalité et la fiction avec grâce, de manière à ce que certains dialogues englobent à la fois les sentiments profonds de Maria à l’égard de son assistante et les véritables répliques de la pièce. Les dialogues sont souvent interminables et les séquences paraissent tourner en rond jusqu’au sublime épilogue, où Maria Enders trouve l’occasion de se reconstruire dans un rôle digne d’elle, celui d’une femme éternelle et hors du temps. Emilie Bochard

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Le Choc des Critiques 3/5

Hercule , B

Johnson. À noter qu’étrangement Ne vous y trompez pas, Hercule est Pascal le grand pas un poil ne se promène sous une nouvelle version du mythe qui ses aisselles (apparemment les défonce à grands coups de bastons frère hommes se faisaient déjà épiler à épiques : coups de massues, épées, flèches, armes encore non répertoriées... Et parce cette époque...) et que ça fausse barbe a été faite en qu’un héros tout seul, c’est moins rigolo, il apparaît poil de couille de yack ! Devant cette auto-dérision entouré d’une petite troupe composée de gros constante, on réalise avec déception que le cinéma clichés assez mal exploités : un jeune puceau tout hollywoodien a du mal à réaliser des blockbusters menu, un devin un peu barré, une amazone très sérieux. Hercule, ainsi que Pompei, sortis cette année sont bien loin de Troie et Alexandre qui sans être hot... des chefs-d’oeuvres incommensurables avaient En quelques minutes, l’enfance et les douze au moins le mérite de ne pas être à la limite du travaux de ce mi-homme mi-dieu sont balayés. ridicule. John Hurt, Peter Mullan et Joseph Fiennes Certainement trop facile pour lui et donc pas assez apparaissent également au casting. Honnêtement badass pour nous spectateurs. Plutôt décevant. Le le simple nom de « The Rock » suffisait largement film s’oriente vers une déconstruction du mythe à ramener les spectateurs dans les salles obscures, originel afin de laisser la place à l’élévation il n’était pas nécessaire d’entacher le nom de ces d’une nouvelle histoire : libérer le peuple de pointures du cinéma... Thrace ! C’est un souffle de force, de sagesse et Cependant Hercule reste un plaisir coupable de solidarité mené par Dwayne Johnson dans le rôle titre. Tout s’accorde autour de ce monsieur comme on les aime. : combats sanglants, ralentis tout en muscles, mercenaire reconnu prêchant de fou furieux et BO efficace offrent un spectacle à la justice. Ambivalence qui fait de notre héros un la hauteur des attentes de son public (pourvu qu’il être torturé, plus humain en somme. Malgré sa ne soit pas très exigent). Et n’oubliez pas de rester faiblesse, Hercule est un modèle de détermination, pour le générique final, il est tout pété, un régal. il instaure un équilibre et un respect parmi ceux qui l’entoure. cLémence LIpszyc

L’efficacité de ce péplum réside dans son ton léger, ses petites blagounettes et la pilosité incroyable de A32

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C’est l’heure du Du-Du-DUEL DUEL !

Brett Ratner ALERTE ENLÈVEMENT

1/5

toutou, avaient un plan méthodique : transformer la légende du demidieu en simple fable, et prendre Dwayne Johnson pour l’incarner.

«Piètre dieu.»

Un américain de race blanche dénommé Brett Ratner a tenté de nous enlever ce mercredi 27 août l’un de nos plus beaux souvenir d’enfance : le Hercule de Disney.

Tout commence par une première tentative, qui heureusement a échoué, en mars dernier. En effet, un certain Renny Harlin s’est associé au studio Millennium Films pour réaliser La Légende d’Hercule. Heureusement, l’affaire s’était soldée par un bide lamentable, ayant par la même occasion perdu pas moins de 20 millions de dollars. Nous nous croyions sauvés, mais ce n’était pas le cas. Sans connaître leurs raisons, MGM s’est associé à Paramount Pictures, Radical Pictures et Spyglass Entertainment afin de renouveler l’expérience. Pour ce faire, ils décident de choisir l’un des réalisateurs les plus destructeurs d’Hollywood : Brett Ratner. M. Ratner a de lourdes charges à son actif, la plus grosse affaire étant celle d’X-Men 3 : L’affrontement final, qui a failli transformer une franchise florissante en gouffre béant.

Dans leur entreprise, ils n’ont même pas hésiter à copier certains traits de 300, notamment au niveau des costumes. Là encore, l’idée était simple : détruire l’un de nos héros d’enfance. Car, soyons francs, qui prendrait Dwayne Johnson pour jouer Hercule ? Certes, la tentative est mieux rodée que l’affreux La Légende d’Hercule, mais le résultat est le même : un film minable qui risque de polluer l’esprit de nos chers enfants. SI VOUS AVEZ VU CE FILM OU QUE VOUS AVEZ L’INTENTION DE LE VOIR, LA SOLUTION EST SIMPLE : Rincez-vous deux fois les yeux, une fois avant et une fois après, avec le fameux Hercule de Disney. Cependant, si les symptômes persistent et/ou vous avez aimé ce film, nous vous conseillons d’aller voir votre médecin le plus proche : il se pourrait que vous soyez atteint de mauvais goût.. pIerrIck bouLLy

Les studios, accompagnés de leur réalisateur/ A33


L’indéfendable Bien plus qu’une énième comportemental qui pose l’épineuse Certains opposition entre jeunesse fêtarde question de lutter contre ce que l’on et parents posés, nos pires voisins a été. recherchent s’en va tirer au-delà d’un banal Mais encore plus que cette rare pitch de conflit générationnel encore le temps profondeur, la vraie perle du film jusqu’à l’analyse des ficelles de perdu est sans conteste le rôle du meneur l’esprit humain, dans le rapport de la confrérie offert au fabuleux Zac Efron qui philosophique de l’homme à lui-même, aux autres, pousse la subtilité de son jeu encore plus loin que à l’image de lui-même, à l’image des autres, à le proustien 17 ans encore. Tout en torse, maintenant l’image de l’image de lui-même à l’autre, etc. Les velu, et charme du mascara, dualité freudienne nouveaux parents de la petite Stella, interprétés oblige, le parti pris d’assumer sa part de féminité par Seth Rogen et Rose Byrne, s’installent dans alors qu’il est la star référencée « testostérone pour leur première propriété qui leur permettra de ados US » marquera assurément goûter aux joies de la vie de famille. L’arrivée d’une un bond faramineux dans sa confrérie à la place de leurs charmants voisins carrière. Peut-être même que homosexuels-de-race-mixe-avec-un-bambin-quison imitation de Taxi Driver plus nous-prouvent-la-hypitude-du-quartier-hypervraie que l’originale lui permettra ouvert-d’esprit-ma-chérie les oblige, encore plus d’empocher l’Oscar, le Golden pénible que de faire face au choix cornélien de Globe et « faire la fête/pas faire la BAFTA que fête », au désir de rester Indéfendable, vous avez dit De Niro hype. Cette hantise de passer indéfendable ? Pari Tenu. avait loupés has been devant les jeunes, en 1977. et qui est bien actuellement Les multiples clins d’œil et le plus grand enjeu social –concurrencé depuis citations bien senties et pas peu par le Ice Bucket Challenge- que connaît du tout fortuites raviront les notre culture occidentale, rongera en eux toute cinéphiles pointus et réac aux forme de sur-, sub-, in-, voire ex-conscient moral, fautes de fidélité aussi bien que les lançant dans une guerre du cool sans merci les gens qui n’en n’ont rien à face aux étudiants. Mais dans cet affrontement foutre. Si tous acceptent l’autonon-assumé, l’hypocrisie est causée par la crainte dérision bien sûr. C’est dans ce d’être assimilés « bourgeois » par leurs cadets rapprochement des niveaux et irrespectueux. Cette comédie d’été possède donc formes de culture que l’on peut les caractéristiques d’un grand drame social féliciter Nos pires voisins, qui traitant aussi bien de l’ardeur de la jalousie que défend les soirées chaussons de l’illusion d’une intégration grâce à la jeunesse. GOT autant que les fêtes dont la Stoller nous offre presque ici un documentaire A34

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© Universal Pictures International France

Nos Pires Voisins Nicholas Stoller


CRITIQUE

débauche est en corrélation directe à l’illégalité des produits présents. En illustration criante de vérité, les soirées de l’association estudiantine DeltaPsi ont plus de valeur pyrotechnique qu’un spectacle au Puy du Fou, plus de champi que tous les estomacs de festivals indé, et de la weed en barbecue dont Snoop Doggy Dog n’oserait même pas rêver. La juste mesure américaine autorise aussi bien les duels au god phosphorescent que les superpouvoirs d’érections instantanées, le bon goût des

vacances quoi. Ces soirées filmées comme un clip Nicki Minajien psychédélique sonnent une ode à l‘immaturité dont Seth Rogen est devenu la figure emblématique. Bien entendu, vous aurez compris que le jusqu’au-boutisme du réalisateur porte l’histoire dans tout ce qu’elle a d’existentiel et de bouleversant, tenant à l’écart cette comédie sur l’art de grandir, bien loin d’une pure machine à fric dépourvue de sensibilité.

Maëva Boche

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Critique 4/5 Les Combattants, Thomas Cailley

passées au mixer et répond «pour En 2011, avec son court métrage Mélange des quoi faire?» quand le jeune (maintes fois primé) Paris-Shangai, homme lui propose une sortie en le landais Thomas Cailley imposait genres boîte de nuit. Fondamentalement déjà son style: celui d’un réalisateur qui refusait de se cantonner à un seul genre opposés, les personnages se retrouvent finalement cinématographique. Ainsi, le film oscillait entre ensemble quand, par amour inavoué pour elle, road-movie, buddy movie comique et même Arnaud décide de s’inscrire au stage militaire film fantastique le temps d’une courte séquence auquel participe la jeune femme. onirique. On retrouve ce mélange des genres Encore une fois, les deux personnages sont dans Les Combattants, premier long métrage de marqués par le sceau du genre, non plus cet ancien de la Fémis, qui confirme la naissance cinématographique mais masculin et féminin, d’un véritable auteur. Car si le film est avant tout, cette fois. La première rencontre entre les deux en comme Paris Shangai, une comédie, il tire aussi atteste : il est question de genre, et plus précisément vers le road-movie, le documentaire, la romance d’inversion du genre. Engagé contre sa volonté et même le film-catastrophe. Et cette richesse dans un combat de démonstration organisé par formelle fait exploser les codes de la comédie les recruteurs de l’armée, le timide Arnaud se romantique classique de manière réjouissante. retrouve face à Madeleine. «Je ne vais pas taper La double orientation générale du film, à la fois une fille», lance t-il pour cacher sa crainte d’être romance et film de caserne, est en fait guidée par battu. Crainte justifiée: mis au sol en deux temps, les deux personnages principaux, antagonistes au trois mouvements par une Madeleine puissante possible. D’un côté, Arnaud, un jeune garçon tendre et déterminée, il ne s’en sortira qu’en mordant et romantique qui a repris l’entreprise d’abris de (comme une fille?) discrètement son adversaire. jardins de son père décédé; de l’autre, Madeleine, Cette première rencontre atypique ancre aussi le guerrière en maillot de bain au pessimisme film dans un rapport au corps et surtout dans une prononcé qui, pour intégrer l’armée, s’entraîne à sensualité très inattendue et qui va crescendo, à nager avec un sac lesté de tuiles, boit des sardines A36

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mesure que les deux personnages se rapprochent, (ou plutôt que Madeleine décide de bien vouloir s’approcher d’Arnaud.). Arnaud laisse son regard s’échapper vers la poitrine de Madeleine au moment de lui expliquer une technique de frappe, et une séance de maquillage mutuel avant un exercice de camouflage devient un moment intense et beau, une paradoxale mise à nue comme un préliminaire au passage à l’acte. « Je ne veux pas de problème de sexe avec vous!» prévient pourtant un instructeur en s’adressant à Madeleine et aux deux autres filles du stage militaire. C’est donc dans la quiétude de la forêt, qu’après avoir quitté le stage sur un coup de tête (et c’est le cas de le dire..), Madeleine et Arnaud concrétisent leur amour. Ce changement brusque de décor constitue un virage réussi supplémentaire (pas le dernier...) dans un film drôle, sensuel, audacieux et toujours surprenant. A ne pas manquer. Mathieu Ducros

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Critique 4/5

Enemy , Denis Villeneuve Enemy raconte l’histoire d’Adam assis dans l’ombre regarde la scène Bell, un professeur d’histoire dont Un chaos dans avec intérêt avant de plonger son la vie se résume à ses cours, son visage dans ses mains. Fatalité ? Le un monde rangé appartement et sa copine qui destin piégé par la part d’ombre vient le soir et qui repart tel un de l’homme. Lui qui souhaite fantôme. L’homme a tout d’un destin misérable, prendre le contrôle de la vie d’un autre homme dont il s’accommode péniblement. Un jour alors alors qu’il ne peut même pas contrôler la sienne. qu’il regarde un film il découvre un acteur qui Cette séquence est filmée de manière à perdre lui ressemble étrangement. Grâce à internet il va les détails dans l’ombre. Des flashs, des petites retrouver la trace de cet acteur de troisième zone séquences, des scènes hallucinantes parcourent le à qui la vie sourit : une femme qui attend leur film comme pour raconter une histoire parallèle, enfant, un appartement magnifique. Identiques une deuxième signification à l’histoire principale : en tout point, une dualité va s’installer entre les celle d’un homme confronté à son double. deux hommes. Le fort voulant prendre le contrôle L’intensité et l’esthétique de ce film ne font du faible… qu’augmenter le sentiment d’incompréhension. Denis Villeneuve nous livre une fois de plus un Un sentiment frustrant nous habite quand le film film qui prend aux tripes et qui repose sur un finit. Mais qu’est ce qu’il veut nous dire ? A quoi mystère. Le spectateur est littéralement dans un bon ? piège tissé par des araignées. Très liée au destin Servie par une musique efficace, sobre et des deux héros, l’araignée peut prendre multiples sombre de Danny Bensi, l’image teintée de significations et mener à différents chemins. Sa jaune, rend Jake Gyllenhaal apeuré et perdu première apparition vient avec l’acteur Anthony dans une ville méconnaissable. Denis Villeneuve Saint-Clair, double d’Adam et peut-être Adam luiarrive magistralement, une fois de plus, à nous même, à la toute première image du film. L’acteur, tenir en haleine devant un mystère, devant une que nous ne connaissons pas encore, entre dans interrogation qui subsiste durant 1h30 : pourquoi ? une pièce obscure où au centre se tient une femme Parce que c’est à vous de le trouver … qui se masturbe devant un cercle d’hommes. Puis entre une autre femme, nue, elle ouvre une boîte : une mygale en sort. La femme en talon va marIne moutot pour l’écraser mais la scène s’arrête là. Anthony Screenshot A38


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Critique 3,5/5

22 Jump Street, Phil Lord

Chris Miller

On prend les mêmes et BFF : Bro, Fun & et se contente d’un côté romantique assez minable en frimant avec des on recommence. Il y a deux Foutre impros et des poèmes consternant ans, 21 Jump Street, adaptation cinématographique de la série éponyme, pour lui, mais jubilatoires pour nous. cartonnait au Box-Office. Cette année Jenko et Les scénaristes jouent sur ce renversement de Schmidt rempilent pour une nouvelle mission situation. Les préoccupations des deux personnages d’infiltration... à la fac ! concernant la nature de leur relation, au début Le film repose principalement sur la bromance amicale, s’apparentent de plus en plus à celles entre les deux acteurs Channing Tatum et Jonah d’un vieux couple gay. On se retrouve ainsi devant Hill : le premier, bodybuildé, est un peu barré mais des scènes de quiproquos désopilantes. Mais ces juste ce qu’il faut, tandis que le second est abonné séquences s’inscrivent dans leur quotidien sur le aux rôles d’ados exubérants et à la fois hypra- campus, parmi les autres étudiants, délaissant complexés (notamment avec les jeunes filles) à tort le côté policier et sombrant doucement dans les films de Judd Apatow, roi de la comédie dans un teen-movie lourdingue et sans saveur. américaine. Ce duo d’abrutis se complète et se Les fêtes étudiantes du campus de notre duo rejette. 21 Jump Street donnait à Schmidt (Hill) sa sont relevées d’une bande originale ma foi assez revanche sur des années lycée pas très glorieuses pénible pour nos oreilles. Ces soirées tombent à alors que Jenko (Tatum) se retrouvait désorienté, plat. Elles débarquent malheureusement quelques un peu à la ramasse. Dans 22 Jump Street, la vapeur semaines après les explosives et complètement s’inverse. Les personnages ne vivent plus dans what-the-fuck de nos pires voisins, et personne ne l’interdépendance qui les animait dans le premier pourra prétendre savoir filmer le Spring Break opus. Car cette fois, c’est Jenko qui quitte le après celui d’Harmony Korine dans Spring Breakers. bercail pour vivre sa vie de brute décérébrée, star Il en faudra donc un peu plus au spectateur pour de football américain après un coup de foudre tripper sur son siège que de voir Tatum et Hill se amical avec une autre tête de nœud. Pendant ce faire gentiment bizuter avec de la bière. temps, Schmidt n’a plus autant la côte qu’au lycée A40

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Le film s’amuse et s’analyse intelligemment sur la question de la suite au cinéma. Ce deuxième film reprend volontairement le même scénario que le premier, et on ne peut que rire devant la médiocrité des personnages qui sont incapables de s’en rendre compte. Comme à leur habitude ils s’emmêlent, gaffent, mais s’en sortent toujours indemnes. Comme quoi installer les locaux du service d’infiltration dans des églises abandonnées ça aide ! Face à la complicité des deux acteurs qui crèvent l’écran, les personnages secondaires ne sont pas pour autant sous-traités. Le capitaine Dickson, interprété par Ice Cube, est d’autant plus vulgaire et déchaîné que ses recrues immatures.

Quant au nouveau pote de Jenko, Zook, il est la caricature même du sportif un peu « tebê », je dirai même mollusque en dehors des entraînements, qui n’a pas d’autres motivations dans la vie que le football et les bros, yo ! Un régal de stupidité. Ode à la bêtise, sorte de catharsis du XXIe siècle, on ressort de 22 Jump Street purgé, et presque fier de ne pas être aussi con que ce duo d’incompétents. Le final enchaîne sur une succession d’idées plus stupides les unes que les autres, et on a qu’une envie, c’est qu’elles sortent bientôt sur nos écrans.

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Dossier Nos Etoiles Contraires, John Green A la vie, à la mort

Une couverture bleue ciel, des nuages et un titre sympathie. Mais ne croyez pas que le livre ne se énigmatique, vous n’avez pas pu louper ce livre en résume qu’à l’apitoiement de petits cancéreux sur tête de gondole tout l’été chez les libraires. Nos leur sort. Ces héros là se font une philosophie et ont étoiles contraires, de John Green, s’est, dès le début un regard critique sur la vie, comme par exemple de l’été, imposé comme le nouveau best seller la description acerbe et sans illusion que fait pour ados. Après Harry Potter et sa magie, Twilight Hazel sur le bien triste groupe de soutien auquel et sa romance ou encore Hunger Games et Divergente elle participe contrainte et forcée. Seul refuge et leurs révoltes, nos étoiles contraires apporte son pour Hazel et Gus : l’art (le cinéma pour lui qui humanité. Un livre dont collectionne les DVD et adore les héros paraissent dans L’art de la facilité, sans nous v pour vendetta et la littérature pour elle, surtout une impériale toute leur faiblesse dès ménager le commencement. Elle, affliction de Peter Van Houten). Hazel, lutte contre un cancer des poumons, tuyaux Servie par une écriture très simple et accessible, dans le nez et bombone d’oxygène pour attributs le best seller nous livre une jolie histoire d’amour, ; lui, Augustus, dit Gus, mène un combat contre d’amitié et une belle leçon de vie, si vous me l’ostéosarcome qui lui a coûté sa jambe. pardonnez cette expression usée et niaise. Il est Exit le héros fort, né sous une bonne étoile, nos d’ailleurs bien difficile de ne pas trouver cette étoiles contraires nous plonge dans le quotidien histoire touchante et nous pouvons nous interroger d’adolescents malades et affaiblis, entraînant tout sur la manière de nous tirer nos émotions. Car il de suite (peut-être un peu trop facilement) notre est au final bien facile de nous émouvoir avec le A42

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BOOKS OFFICE

cancer, avec les passions d’ados, la recherche de son identité propre (Augustus le dit lui-même, il n’y a rien de plus affreux que de devenir la maladie). Il est encore plus facile (et opportuniste ?) de se servir d’une visite dans la maison d’Anne Franck,

pour obtenir de nous des sentiments envers l’héroïne. Si Nos étoiles contraires tombe inévitablement dans une facilité sentimentale de part son sujet, il ne manque pas de nous embarquer dans le voyage de Gus et Hazel. Les deux jeunes gens partent en effet pour Amsterdam (comme un cadeau pour cancéreux), pour faire la rencontre de Peter Van Houten, l’écrivain qui fascine Hazel. Et là encore les événements ne seront pas tendres avec Hazel, car au lieu d’un intellectuel classe et intéressant, ils vont faire la rencontre d’un écrivain ventripotent et alcoolique notoire. Cette rencontre sera toutefois capitale et décisive pour les deux héros qui vont enfin se révéler à l’autre et à eux-même. John Green maîtrise dans cette oeuvre l’art de la facilité sans toutefois jamais nous ménager. L’apparente nunucherie de l’écriture et de la pseudo philosophie adolescente laisse apparaître un ouvrage parfois dur, souvent injuste avec ses personnages attachants (à l’image de leur vie mutilée). Toutefois, il est fort à parier que cette bien pensance mignonne aura sans doute du mal à trouver sa place à l’écran si elle est mise trop lourdement en avant. S’il a vocation à parler à tous, ne nous leurrons pas, Nos étoiles contraires reste un énième livre pour les adolescents, secteur plus qu’épuisé. Morgane Jeannesson

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Nos Etoiles Contraires, Josh Boone

2/5

Avec nos étoiles contraires, Shailene Shailene Woodley est de ces actrices qui All about choisit à nouveau de prêter ses traits à ont su se frayer un chemin sur nos écrans, une romance sans grand intérêt sans mais pas toujours à la bonne place. Plus Shailene charismatique que Jennifer Lawrence et pour autant laisser son jeu d’actrice moins tapageuse que Kristen Stewart, la douce au placard. La voie de la maturité se dessine Shailene Woodley s’est jusqu’ici illustrée dans des doucement : alors que la jeune femme interprétait productions plus médiocres les unes que les autres. une petite fille parfaite dans Spectacular now, le rôle Nous l’avions découverte dans la série assez niaise de Hazel Grace dans nos étoiles contraires lui ouvre The Secret Life of an American Teenager, puis suivie chez un peu le champ des possibles. Son personnage Alexander Payne, dans l’indolent The Descendants est encore trop sérieux et trop sage, mais a des aux côtés de George Clooney. Mais depuis un an, idées bien arrêtées sur la vie. Lors d’une réunion de la jeune femme a pris un virage décisif : d’abord groupe à laquelle assistent quelques adolescents avec une énième saga pour adolescents Divergente, cancéreux, Hazel Grace annonce de façon détachée dans laquelle elle interprète l’héroïne Triss, puis que la vie terrestre n’a aucun sens puisque, comme avec Spectacular now, petit film romantique et le pensait Woody Allen, personne ne sera là pour indépendant loin d’être indispensable, dans lequel s’en souvenir lorsque l’univers se désintégrera. son charme discret faisait déjà des ravages. Ces quelques répliques cinglantes permettent à Shailene Woodley de sortir doucement de son cocon de petite américaine bien pensante pour lentement se construire une image pleine

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CRITIQUE

d’assurance et de rébellion. Une attitude qui lui réussit plutôt bien puisque Shailene écrase littéralement ses partenaires à l’écran. Le naturel de l’actrice au visage poupin fait rapidement l’unanimité, alors que tous les autres acteurs semblent s’agiter vainement tels des pantins. Tout est calculé pour émouvoir ou faire rire et les comédiens se laissent embarquer sans broncher dans cette machine infernale. Cela touche même les plus expérimentés d’entre eux, puisque Willem Dafoe se demande bien ce qu’il est venu faire là, engoncé dans un rôle d’écrivain ridicule qui n’a ni l’envergure de ses personnages de grands méchants (Spider-Man, Existenz, The Grand Budapest Hotel), ni la profondeur des rôles qu’il a pu trouver chez Lars Von Trier. Il faut dire que Josh Boone n’a pas encore la patte des plus grands. Nos étoiles contraires ne parvient jamais vraiment à s’éloigner de son statut de petit film pour adolescents et balance continuellement entre le mélodrame pompeux et la romance optimiste (donc forcément malhonnête). Toute la misère du monde s’abat sur nos deux jeunes gens

atteints de maladies incurables, mais le malheur se fait trop superficiel. Même les efforts fournis par les deux personnages pour continuer à vivre quoiqu’il arrive parraissent trop gentillets pour être crédibles. Josh Boone a beau mettre tout le poids de son film sur les épaules de son actrice principale, celui-ci finit par se casser la figure (surtout au bout de plus de deux heures quinze, quelle torture !) alors que Shailene, elle, ne fait que grandir. Au jour d’aujourd’hui, Shailene Woodley est une graine de grande actrice qui oscille encore entre les grandes productions hollywoodiennes et les petits films indépendants passant inaperçus en France. Mais demain devrait être un jour meilleur. Car demain, un dénommé Gregg Araki révèlera son véritable talent aux yeux du monde entier dans White Bird in a blizzard et ouvrira par la même occasion une voie en or pour la jeune femme vers un cinéma d’auteur plus reconnu. Qu’il en soit ainsi. Emilie Bochard A45


Salle Bis Dr Jeckyll and Mr. Hyde, Victor Flemming

La dualité, et surtout le Doppelgänger -double de soi-même, vu par sézigue ou d’autres personnes, et dont l’apparition est synonyme de présages, usuellement de mort-, qui inspirera par exemple Maupassant durant l’écriture de Lui ?, est un motif récurrent de la littérature d’épouvante et du folklore. Robert Louis Stevenson s’inspire lui aussi de cette figure du Doppelgänger pour l’écriture de Strange case of Dr Jekyll and Mr Hyde, tout en la modifiant profondément, puisque Jekyll ne se contentera pas de voir son double de mauvaise augure, mais le deviendra. Il y ajoutera également le thème d’une science toujours plus performante et encore mêlée de magie, capable de bouleverser le corps et l’esprit d’un homme, d’en effacer les barrières intérieures jusqu’à ce que lui et son double ne fassent qu’un. Victor Fleming, dans son adaptation, s’entoure de moyens conséquents et d’acteurs parmi les plus populaires du moment, comme Spencer Tracy ou Ingrid Bergman. Sorti en 1941, le film peut A46

évidemment n’être vu que comme l’adaptation de ce classique de la littérature anglo-saxonne du XIXe siècle, mais, replacé dans son contexte historique, il devient aussi un miroir de la Seconde guerre mondiale. En effet, le combat du bon côté du docteur Jekyll contre son alter-ego sauvage et sans pitié peut aisément être analysé comme une allégorie de la lutte alors encore incertaine -les Américains n’étant pas encore entrés en guerremettant aux prises les forces des Alliés et celles de l’Axe en Europe. Il est cependant à noter que de nombreuses modifications ont été apportées au roman original, notamment en ce qui concerne le déroulement des événements, principalement dues au fait que l’adaptation n’est pas du roman original, mais d’une autre adaptation de 1931 signée Robert Mamoulian, de laquelle la Metro-Goldwyn-Mayer, productrice du film de Fleming, a racheté les droits. Elle tentera d’ailleurs de faire disparaître l’œuvre pré-existante, et s’y appliquera si bien qu’elle a

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Chronique

longtemps été considérée comme perdue jusqu’à ce qu’une copie sauvée refasse surface des années plus tard. Jekyll devient ainsi un docteur fiancé à Beatrix, en conflit avec son beau-père, sauvant même Ivy, une serveuse d’une agression (à comparer avec le sauvage piétinement d’une fillette dans le roman), mais que ses recherches sur le bien et le mal mèneront à l’auto-expérimentation d’un breuvage qui le plongera dans un état second, durant lequel il répond au nom de Hyde et multiplie les exactions. Ces crimes seront accomplis avec plaisir grandissant, allant jusqu’à terroriser et soumettre la serveuse précédemment sauvée, jusqu’à ce que celle-ci confie à Jekyll ses tourments, le faisant réagir et décider d’arrêter ses sorties. L’action du breuvage, cependant, deviendra vite incontrôlable, de même que Hyde, qui finira par tuer Ivy et fera

presque subir le même sort à sa fiancée, jusqu’à être poursuivi par les forces de l’ordre et abattu dans son laboratoire, ne retrouvant le visage de Jekyll que dans la mort. Si la configuration initiale du roman a donc été modifiée, le lecteur ne sera pas pour autant dépaysé, les thèmes évoqués en introduction étant gardés et développés de la même façon, même si, contrairement à la version de Mamoulian dont il est issu, la violence et les thèmes sexuels ont été émoussés par le Code Hays, appliqué à partir de 1934, donnant ainsi lieu à d’intéressants points de comparaison entre les deux oeuvres et leur traitement respectif du déchirement puis de la superposition de la vision du bien et du mal chez le docteur.. Louis Philippon A47


LE AU REVOIR La sélection officielle c’est QuoI ton fILm sur La DuaLIté ?

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L’ÉQUIPE PIERRICK

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SHUTTER ISLAND martIn scorsese

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FIN.


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