MORE TV - Numéro 6

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l’édito Le mois de septembre nous a réservé de belles surprises en plus du retour de nos séries préférées. En effet, More TV a eu la chance de se rendre au festival de la fiction de La Rochelle pour assister à la projection des deux premiers épisodes de la nouvelle série de France 2, Dix pour cent. À cette occasion, nous avons rencontré Fanny Herrero, la créatrice de la série, pour une interview que nous sommes fiers de vous présenter. Aux États-Unis, comme chaque année, la cérémonie des Emmy Awards a fait parler, et Jon Hamm a enfin remporté l’award du meilleur acteur pour son rôle dans Mad Men. C’est donc pour nous l’occasion de revenir sur cette série unique décrite comme un voyage intemporel. Bonne lecture à tous !


sommaire

06

dossier the (perfect) end

10

10 questions allen maldonado, black-ish

12

mad men un voyage intemporel

18

la grande interview fanny herrero, crĂŠatrice de Dix pour cent

26

analyse le voyage dans le temps

30

interview laura regan, minority report

32

critique minority report

34

interview Mozhan MarnĂ’, blacklist


More MORETV TV

Contributeurs

Julien lesbegueries

Stéphane bernault 

Depuis la trilogie du samedi et les séries des années 80 rediffusées en boucle sur M6, qui sont pour moi

Multidisciplinaire, sérivore invétéré, bloggeur

ma marmite de potion magique dans laquelle je me

motivé sur Geeks and Shows, twittos irrégulier,

serais laissé tomber avec délectation, j’ai d ­ éveloppé

apprenti sorcier juriste tout en rêvant de ­devenir

un appétit pour toutes les séries. D’ailleurs, Je rêve

journaliste, animateur/ crieur public à la radio.

d’aller m’installer dans le New Jersey et devenir

Bref, honoré d’écrire pour vous dans ce magazine.

capo pour les Sopranos, de voyager dans le Tardis

En espérant que ça vous plaise !

et d’être appelé à table par Fabienne Lepic. Mais en attendant que je réalise ses rêves, je sévis sur le site Les Plumes Asthmatiques où je blablate sur les

Maxime Pontois

séries mais pas seulement.

Globetrotter et étudiant en dernière année de Bachelor de Management International, je rêve de devenir un jour producteur. J’ai commencé à être addict aux séries télévisées avant même de savoir ­compter jusqu’à 10. Retrouvez mes tweets de ­sériephile sur @MrChirac. Sur ce, je vais manger un steak. ­Cordialement, Ron Swanson.

Cross Over US

Amis depuis maintenant plus de dix ans, Typh et Alex, véritables passionnés de séries télévisées, ont mis au monde Cross Over US. Ce blog, âgé de six ans, leur permet de partager leur passion avec les internautes, grâce à des critiques et analyses ­quasi-quotidiennes de séries au rythme de leur diffusion.

Yann K.

Sériephile qui s’ignore depuis Twin Peaks, j’ai fait mon coming out grâce à un blog que j­ ’alimente depuis environ 4 ans. J’y écris de manière ­subjective dans une prose savamment dosée en mauvaise foi. J’y défends p ­ rincipalement deux thèses. Oui, le genre sériel peut et doit devenir ­formellement ­supérieur au septième art. Et oui, le superviseur musical sériel est un génie !

L’équipe Directeur de rédaction - Jérôme Raffin Rédactrices en chef - Mélanie Seree, P ­ rutha S. Patel Directeur artistique - Jérôme Raffin Relations publiques - Mélanie Seree Relations internationales - Prutha S. Patel Correcteurs - Aude Métayer, Mélanie Seree, Mathilde Gray et Michele Bignard Traducteurs - Cindy Thibaut, Julien Lesbegueries, Florian Etcheverry, Mélanie Seree et Thania Jakobsen


More TV Tu souhaites participer au prochain numéro ? Envoie ton idée ou ton article à team@moretv.fr


the (perfect) end Au fil des saisons, nous nous attachons aux séries et à leurs ­personnages. Quand il s’agit de leur dire adieu, les showrunners essayent de c­ oncocter des fins mémorables. Dans cet a­ rticle, nous allons en ­recenser ­quelques-unes qui ont marqué les ­téléspectateurs. par maxime pontois

6

Mettre un terme à une série tout

Il serait long de citer tous les bons

notamment à cause des cliffhangers à

en satisfaisant son public est souvent

series finale. Tout d’abord, parce que cela

répétition qui tiennent les spectateurs

difficile. Une série se compte en plu-

peut être un jugement très ­subjectif, et

en haleine pendant des mois (n’est-ce pas

sieurs dizaines, voire centaines d’heu-

ensuite, parce que les séries existent

Jon Snow ?). Il est donc toujours ­difficile

res. En finir avec tant de personnages

depuis des décennies, et que certaines,

de donner une belle fin à des fictions

­développés sur de nombreuses années

bien que très anciennes, avaient pour

aussi étendues, mais nous avons eu de

n’est donc pas une mince affaire. Il

l’époque des fins très étonnantes et

beaux exemples et le futur nous a ­ mènera

existe des mauvaises fins, très frus-

­innovantes. Je pense notamment à The

très certainement des series finale encore

trantes, mais ­heureusement d’autres,

Bob Newhart Show qui a une fin très

plus mythiques.

­excellentes, ­clôturent ­parfaitement ces

audacieuse et originale.

En attendant, voici ma sélection de

heures passées avec nos ­personnages

Puis, les season finale sont souvent

series finale qui se sont révélés être des

préférés.

davantage adulés que les series finale,

réussites.


breaking bad (felina)

sons of anarchy (papa’s good)

Autant commencer par un classique récent : le final

Après sept tumultueuses saisons passées avec Jax (­ Charlie

de Breaking Bad en 2013. Après cinq saisons sous meth,

Hunnam) et sa bande de bikers du SAMCRO, « Papa’s Good »

la série tire sa révérence avec suspense et explosion dans

clôture la série par un dénouement logique. La ­particularité

« Felina ». Cet épisode apporte une bonne conclusion à la

de ce final est que sa morale ressemble ­beaucoup à celle de

série et à ses personnages. Il offre également des scènes

The Shield, autre série de Kurt Sutter, le c­ réateur de Sons

parmi les plus mythiques de la série. Walter White (Bryan

Of Anarchy. Les personnages principaux sont des ­hommes

Cranston) ­utilise une dernière fois son génie pour le plus

qui ont lourdement péché durant toutes ces saisons et qui

grand plaisir de tous, avec une ultime scène émouvante

doivent maintenant répondre de leurs actes. La f­ inalité est

sur fond de Baby Blues. Mais pour les fans en manque des

différente entre les deux fictions, mais elle peut se r­ essentir

personnages de la série, le spin-off Better Call Saul montre

de la même façon. De plus, Michael Chiklis, l’interprète de

le passé de Saul (Bob Odenkirk), l’avocat véreux de Walter.

Vic Mackey, le personnage central de The Shield, ­apparaît

This finale was good dope, bitch.

dans ce dernier épisode dans un rôle assez ironique.

parks and recreation (one last ride)

« One Last Ride », il s’agit du titre

Recreation a vraiment réussi ses

du dernier épisode de ­l’hilarante

adieux. Après une ultime saison

série Parks & ­Recreation, après

qui se passe trois ans dans le futur,

sept saisons passées au coeur du

le series finale clôture les histoires

­service des parcs de la mairie de la

de chaque ­personnage à ­travers

­charmante ville de Pawnee. Finir

des flashforwards t­ouchants et

une série comique est toujours

remplis d ­ ’humour. On y voit

­délicat. Il est s­ urtout question de

même le retour de ­personnages

dire adieu aux ­personnages en

­e mblématiques. Bye bye, Li’l

bonne et due forme, et Parks &

­Sebastian !

7


six feet under (everyone’s waiting)

Il y a dix ans était diffusé un des series finale les plus originaux du network HBO. Comment finir en beauté une série qui parle littéralement de la mort ? La réponse est dans la question. Comme Parks and Recreation, la série se termine sur un flashforward montrant non seulement le futur des personnages, mais aussi les tous derniers instants de leur vie. De manière très émotionnelle et philosophique, la série nous montre qu’au final tout le monde est humain, vit et meurt, la famille Fisher et son entourage compris.

the sopranos (made in america)

8

house M.D. (everbody dies)

Un des series finale les plus audacieux et débattus de ces

Après huit saisons, le clown satirique préféré de

dernières années, laissant les fans sur un cliffhanger très

la ­télévision américaine a quitté nos petits écrans avec

filmique. Alors que Tony Soprano, joué par James G ­ andolfini,

« ­Everybody Dies ». Une ode à l’amitié comme on en

est sous tension durant cette sixième et ultime saison, le final

avait encore jamais vu à la télévision, ramenant ce cher

apporte une conclusion jamais osée auparavant, laissant

Gregory House (Hugh Laurie) à ses relations humaines

aux spectateurs le choix de la fin selon leur ­interprétation

­mouvementées de ces huit dernières années. La petite larme

de la dernière scène de la série.

à l’oeil est de mise pour finir en beauté avec un one last ride.


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 


10

questions avec

Allen

maldonado par Prutha S. Patel photo Joseph Rene Briscoe 10


Prutha S. Patel : Qu’est-ce qui vous plaît le plus, dans votre

Vous avez participé à divers films et séries, que ce soit en

participation à Black-ish ?

tant qu’acteur, scénariste, producteur ou réalisateur, y

Allen Maldonado : L’amitié avec les autres acteurs et toute

a-t-il une profession que vous imagineriez excercer à vie ?

l’équipe, c’est ce qui me plaît le plus. On est comme une famille.

À vie ? Wow. Être acteur est mon premier amour, donc c’est

On est tous heureux de faire partie de cette série, et je pense

le numéro 1. Tout le reste, ce sont des moyens d’arriver à

que cela se ressent à l’écran. C’est une série intelligente, s­ incère

tourner en tant qu’acteur. Bien sûr, j’apprécie tous les autres

et qui attire les gens.

postes, car ils m’ont amené jusque-là, mais être acteur est vraiment ma passion.

Parlez-nous de votre rôle dans la série. Curtis est le nouvel assistant de Dre, joué par Anthony Anderson. Il représente le lien entre Dre et ses enfants, qui sont de la nouvelle génération, avec les réseaux sociaux et les textos. J’affronte le problème avec une vision plus jeune que le personnage d’Anthony. En dehors de ça , je passe la plupart du temps à m’amuser avec Dre au sujet de sa façon de voir la vie, et à me moquer de son côté vieux jeu. C’est comment, de jouer avec Anthony Anderson ? Il

“ En tant que jeune acteur, j’adore jouer et apprendre aux côtés d’un acteur aussi talentueux que Anthony Anderson. ”

parait très gentil et drôle. Il faut sans cesse rester sur ses gardes, c’est instructif. En tant que jeune acteur, j’adore jouer et apprendre auprès d’un

Vous avez incarné Fletcher Heggs dans Marvel One-Shot,

acteur talentueux comme Anthony. J’ai grandi en ­regardant

si vous pouviez incarner un super-héros, ce serait lequel ?

chacun de ses films et en observant sa carrière devenir ce

J’étais un immense fan des Tortues Ninja et de X-Men, donc je

qu’elle est maintenant.

choisirais sûrement Raphael des Tortues Ninja ou W ­ olverine de X-Men. C’était mes deux personnages préférés quand j’étais

Vous pouvez nous dire une chose que peu de personnes

plus jeune.

savent ? Le monde ne se rend pas encore compte à quel point ­Tracee

Dans quel film voudriez-vous tourner ?

Ellis Ross est géniale. Elle est vraiment spéciale et le monde

Facile. Bad Boys, boom boom.

­commence juste à remarquer son extraordinaire et ­phénoménal talent. En tant que comédienne, elle est toujours à l’affût et sa

Pourquoi ce film en particulier ?

façon d’interagir avec Anthony est vraiment excellente. C’est

Rien que pour appartenir au monde de Will Smith et Martin

ça la recette du succès. Je pense que c’est son plus grand secret

Lawrence. Je pourrais jouer un fils illégitime ou quelque chose

et elle va devenir une grande comédienne.

comme ça. Ce serait extrêmement drôle, ils sont magiques. Et leur relation et leurs interactions sont fantastiques.

Pourquoi les téléspectateurs devraient regarder Black-ish ? C’est une série que tout le monde, les familles en particu-

Une dernière chose à dire à nos lecteurs ?

lier, peut regarder et apprécier. Elle dépeint des situations

J’aimerais leur dire mon mantra, « Sois obsédé par le succès »

que l’on rencontre tous, pas seulement la communauté afro-­ et aussi « Le succès n’arrive pas tout seul, il s’exige ». Ce sont américaine. La série dépasse beaucoup de barrières, ce qui

deux phrases qui me tiennent à coeur, et quoi que vous ­vouliez

a contribué à son succès, à mon sens. On peut tous s’identi-

accomplir, ces phrases vous aideront. Il y a aussi « Crois en tes

fier aux problèmes rencontrés par les personnages. La série

rêves ». J’ai grandi dans la pauvreté, entouré d’un ­voisinage

offre un point de vue amusant sur la vie de tous les jours et

difficile, donc je ne pensais vraiment pas arriver où j’en suis

­comment un personnage comme celui d’Anthony réagirait

maintenant. Garder ces phrases en tête, c’est ce qui m’a ­permis

dans certaines situations. La vie peut être comique, avec un

d’avancer dans la vie et dans ma carrière.

père si proche de ses enfants.

11


12


intemporelle

Mad Men par yann k. photo doug hyun

13


la fin d’une ère

14

Dans le premier épisode de la série,

plan durant lequel on aperçoit la pile de

Positionnée sur le câble basique, elle

Don Draper entre dans son bureau en

chemises propres soigneusement rangée

ne disposait pas dans son catalogue

compagnie de Roger Sterling. Draper a

dans un tiroir. Cette insertion qui pour-

­d’exclusivités comme sa concurrente

passé la nuit chez sa maîtresse d’alors et il

rait ­sembler superflue témoigne ­pourtant

TCM, par exemple. L’obligation de créer

commence sa journée par un c­ hangement

d’une sensibilité fortement ancrée de

son propre contenu est donc devenue

de chemise. De passage à Séries Mania

l’auteur pour le septième art.

nécessaire à l’heure où la multiplication

cette année, Matthew ­Weiner, le créateur,

Mad Men débute en juillet 2007 sur AMC.

des diffuseurs menaçait de la voir isolée

expliquait qu’il avait longuement insisté

American Movie Classics est, comme son

au sein de cette liste de chaînes toujours

pour que la séquence contienne un bref

nom l’indique, une chaîne de cinéma.

plus conséquente.

doug Hyun / amc networks

À l’occasion du final de Mad Men, nombreux furent les observateurs à reprendre l’expression « la fin d’une ère » habilement ­suggérée par la communication de la chaîne. Comment une série qui n’a ­pourtant ­jamais atteint des taux d’audience exceptionnels a-t-elle pu m ­ arquer le format sériel à ce point ? Voici quelques éléments de réponses ­rassemblés au sein des trois directions fondamentales de la série : ­l’influence ­cinématographique, la publicité et l’emprise temporelle.


Dès 2001, Weiner propose un peu ­partout un script qu’il a déjà longuement préparé sur le milieu p ­ ublicitaire des années 60. Son projet n’attire p ­ ersonne hormis David Chase. Séduit par le style de ­Weiner, le showrunner des Sopranos s’empresse de l’embrigader dans sa ­writers room et le propulse scénaristeproducteur. Le script de Weiner dort alors dans un tiroir. Chase a bien essayé de le proposer à HBO en vain, et ce n’est qu’en 2005 qu’il accède à la lumière grâce à AMC. La continuité est évidente. La chaîne affectionne tout particulièrement les films dits c­ lassiques, avec ses héros masculins omniprésents. Le ­quotidien

amc networks

de publicitaires durant les sixties et la présence de ce personnage sombre et

pourrait s­ embler relativement ordinaire,

du peintre Edward Hopper. En plus de

séduisant à la fois trouvent naturelle-

mais en réalité, il s’agit d’une véritable

la composition, Manley se distingue par

ment leur place sur un network encore

singularité, et c’est précisément ce qui

son talent sur l’éclairage. Grâce à lui, la

bien loin ­d’envisager ­sérieusement le

séduira AMC.

série, qu’il ne quittera plus jusqu’à son

concept du zombie.

Pour bien comprendre cette filiation, il

terme, va évoluer et proposer les plus

Paradoxalement, Weiner a vu peu de

suffit de bien observer le tout début de

beaux plans en faible luminosité (clair

programmes sur le petit écran durant

la série. Lorsque Draper nous a ­ pparaît

obscur, chaud/froid) de toute l’histoire

son enfance, ses parents étant très stricts

de dos, le plan de caméra s’arrête sur

du format sériel.

sur l’usage de la télévision. Par contre,

sa silhouette, sa nuque et son bras

il fréquente dès que possible les salles

­nonchalamment posé à côté. L’image,

de cinéma et garde un souvenir ému

qui sera reprise dans le générique

des sorties familiales le week-end au

­d’ouverture, est éloquente, mais le pro-

drive-in. Il fait des études de cinéma à

cédé est alors inexistant sur le format

l’université (USC), sans se distinguer. Il

télévisuel. Pas question à l’époque de

se retrouve ensuite sans emploi durant

perdre du temps avec une scène sans

ses premières années post-études, mais

visage ni dialogue.

trouve l­’énergie ainsi que l’inspiration

De manière un peu plus subtile, les

pour créer un ­premier film indépendant

angles de caméras sont travaillés par

après avoir vu les Clerks de Kevin Smith.

­abaissement de la caméra. Le dispositif

Il ne ­parviendra pas à vendre son film,

permet d’accentuer la stature imposante

mais l’expérience, et le résultat, dont il

du personnage de Don Draper. Mais Mad

est fier, le transforment profondément.

Men va dévoiler sa plus grande touche

Sa carrière décolle justement dans la

cinématographique en saison 2 : Matthew

foulée, alors qu’il se fait engager pour

Weiner trouve enfin le regard ­extérieur

devenir s­ cénariste pour des comédies

qui lui manquait en la p ­ ersonne de

Mad Men ne s’est pas servie de la p ­ ublicité

(Becker pour CBS). Malgré des journées

­Christopher Manley. Le chef opérateur

comme d’un marche-pied. Malgré un

très chargées, Weiner trouve le temps

va tirer la quintessence des plans larges

final qui amène Don au détachement

d’avancer sur son propre script qui

­voulue par son showrunner. La série

de soi au contact d’une communauté

­deviendra par la suite Mad Men. Centré

offre notamment de nombreux points

hippie – c’est à dire aux antipodes de la

sur le milieu de la publicité, son projet

de vue sur la solitude, et Manley insuffle

culture de la consommation – Weiner

est p ­ rofondément marqué par son amour

une ambiance saisissante à ces séquences

admire le métier et respecte sincèrement

du cinéma au sens large. Cette influence

qui ne sont pas sans rappeler le travail

la plupart des marques qu’il cite.

Some people think money is our ­n ational religion, I think it's selling, and it's beautiful, and

we do it better than anyone

Matthew Weiner

15


Souvent, la présentation du concept face aux clients éclipse en partie l’intelligence, la simplicité ou l’efficacité (voire les trois à la fois) du slogan, mais le travail qu’il a fallu fournir pour le créer n’est jamais occulté au fil des épisodes. Même si le décalage temporel place une ­distance avec notre perception de la série, Mad Men réhabilite singulièrement la magie d’une profession que nombre d’entre nous dédaignent aujourd’hui. Le t­ ravail de Weiner et de ses scénaristes remet Présentation du projecteur de diapositives Kodak (le Carrousel)

complètement en question notre cynisme vis-à-vis d’une publicité dont l’intensité des flux qui nous entoure nous empêche

16

Quand on la rapproche des oeuvres

durablement dans l’imaginaire collectif.

de ­distinguer le bon grain de l’ivraie.

­plébiscitées sur le genre, on constate que

C’est pourquoi dans le premier épisode,

De Lucky Strike à Coca-Cola, quoi que

Mad Men dénote par sa ­simplicité. Pas

Matthew Weiner ne choisit pas Lucky

l’on pense des marques et produits

de gangsters comme dans les Sopranos,

Strike par hasard. Voila un secteur aux

en ­question, Mad Men s’est attachée

pas de flics ni de gangs comme dans The

prises avec ses premiers démêlés de santé

à remettre en lumière une démarche

Wire, pas de président et son entourage

publique. Les cigarettiers se trouvent jus-

authentique, l’expression d’une sincérité.

comme dans The West Wing. Don Draper

tement au devant d’un enjeu ­publicitaire

n’est qu’un publicitaire, ponctuellement

d’importance. Et c’est in extremis que

­brillant dans son métier, mais désespé-

Don va trouver l’idée (« It’s toasted »,

rément normal jusqu’au final de la série

un ­slogan qui a réellement existé même

qui évite le dénouement ­dramatique

s’il date de 1917) à même de déclencher

que son ­générique semblait annoncer !

­l’émotion. En ­substance, Don décrit son

C’est comme si les personnages de Mad

métier comme la création du bonheur,

Men s’effaçaient devant un idéal plus

une idée de liberté qui prend le pas sur

­important, au fond l’exercice de leur

la peur. Autant dire que la profession

métier, qui se trouve justement, à l’orée

est ­rapidement conquise, oubliant ainsi

des années 60, en pleine évolution.

les ­imperfections de la reconstitution.

l’un de leurs plus fameux concerts au

Alors que l’après-guerre est une

Si Draper cristallise dans un premier

Shea Stadium (stade de base-ball dans

période encore obsédée par la seule

temps la dimension créative de la série,

le quartier du Queens, NY). Plus de 55

finalité de la vente et par le discours

Mad Men va également introduire le

000 personnes y assistent dont Don

stéréotypé qui vient avec, la période

collectif nécessaire pour exploiter les

Draper et sa fille Sally. Dans la réalité

Mad Men coïncide avec l’émergence

concepts publicitaires. Mais ce qui

­fictionnelle de Mad Men, on ne verra

de campagnes conceptuelles et imagi-

fait ­l’authenticité de la ­représentation

pas cette ­dernière criant de toutes ses

natives. Les objectifs deviennent plus

du métier dans la série, c’est le soin

cordes vocales au milieu des ­groupies,

­ambitieux. La notion de marque prend

qu’elle apporte à décrire la création

mais ­ l ’évènement est adroitement

toute son importance sur le long terme

d’une accroche, d’une idée, ce qu’il

intégré dans le récit. Il ­constitue un

et la mise en valeur du produit ne suffit

faut bien q ­ ualifier d’invention d’une

­passage crucial dans l’évolution de

plus. Les « Think Small » et « Lemon »

f ormule magique. Lorsque Kodak ­

Sally. ­L’adolescence et la ­séparation de

pour ­Volkswagen, ­rapidement entrevus

cherche à ­commercialiser un ­projecteur

ses parents la poussent à contester plus

dans la série, constituent à ce titre des

de ­diapositives équipé d’un banc de

que jamais ­l’autorité. Don tente ainsi

­campagnes inventives et avant-gardistes.

­chargement ­circulaire, on assiste au

de la r­ econquérir en lui d ­ égotant des

Le slogan doit ­également provoquer une

processus de réflexion qui conduit Don

­­billets pour ce concert exceptionnel. Mais

­réaction et apporter une solution. Il doit

à ressentir l’émotion et à la traduire

­l’inclusion de cet ­évènement culturel sert

­suffisamment se démarquer pour entrer

sous forme d’appellation (le Carrousel).

aussi de m ­ arqueur temporel.

keep it up, you’ll be creative director by 1980

pete campbell

amc networks

Le 15 août 1965, les Beatles donnent


parce qu’elle oppose toujours ­tradition et révolution. Lorsqu’il découvre pour la première fois le « Think Small », Don s’en moque, persuadé que la teneur ­présupposée en humour sera mal reçue. Lorsque l’un des premiers ­ordinateurs (IBM) est installé à l’agence, le ­bouleversement pourtant encore flou qu’il implique en trouble plus d’un (­surtout le pauvre ­Ginsberg). Ce décalage entre passéisme et modernité traverse ­massivement la série et nous rappelle

Jamie Trueblood / amc networks

avec force ­combien il peut être futile de Au milieu des années 60, la société

noir et convoque pour sa conclusion une

se priver d’une remise en question.

a méricaine est traversée par une ­

vision ­d’optimisme et de partage.

Rarement une série n’aura autant

influence anglaise d’importance et Mad

Mais outre la trajectoire de Draper,

épousé le passage du temps. Le genre

Men n’y échappe pas. Cela se traduit

tous les personnages distillent un

sériel affectionne pourtant le statu

par le rachat de l’agence qui bascule

va-et-vient dans le temps, comme le

quo. Même l­orsqu’une série accède à

­justement sous la coupe d’une entreprise

père sénile de Betty, par exemple, qui

la longévité, elle masque la plupart du

britannique (Putnam, Powell & Lowe).

vide le whisky de Don dans l’évier,

temps les marques du ­vieillissement

Au cours de la décade parcourue par la

croyant que c’est toujours la prohibi-

de ses acteurs. Avec Mad Men, c’est

série, d’autres évènements ­jalonneront

tion. Ces petits détails servent toujours

tout ­l’inverse, la ­transformation de

le parcours des protagonistes. C ­ ertains

à observer l’évolution des mentalités,

Peggy est spectaculaire, les hommes

d’importance comme les assassinats de

à ­interroger sur des c ­ omportements

prennent de l’embonpoint et que dire

Kennedy et du révérend King, d’autres

sociaux et, in fine, à ­provoquer une

des enfants. Le personnage de Bobby

plus symboliques comme les premiers

réflexion sur des enjeux qui traversent

aura connu quatre acteurs alors que

pas de l’homme sur la Lune, et enfin, une

les époques. Ce que c ­ ertains auront

Sally (Kiernan Shipka) est devenue une

kyrielle de divers autres faits comme le

peut-être trop ­rapidement associé à un

adolescente sous nos yeux ­ébahis. Cette

combat de boxe entre Liston et Clay ou

regard condescendant, ­l’impression de

­propension à ­embrasser les ­stigmates du

bien encore les assassinats du ­serial-killer

subir une r­ eprésentation ­biaisée par les

temps qui passe traduit bien le caractère

Charles Manson.

­certitudes de notre époque, n’est au fond

­remarquable d’une série qui s’est plei-

Au centre de cette description d’une

qu’un renvoi vers des p ­ roblématiques

nement servie du p ­ aramètre temporel

époque, Don Draper aura été un miroir

­intemporelles. Alors bien sûr, il n’est

pour son propos.

social. Rescapé de la guerre de Corée, il

plus q ­ uestion aujourd’hui qu’un ­médecin

en sera revenu dédoublé. Dédaignant

réclame en premier lieu la présence du

Dans le premier épisode, Don séduit

son identité originelle, il devient Donald

mari pour a ­ nnoncer à sa femme un

les pontes de Lucky Strike avec son

et refoule Dick Whitman. On le quitte

­diagnostic sévère qui la concerne. Mais

­inspiration soudaine. L’épisode suivant

alors qu’il semble avoir ­succombé à

comment ne pas ­penser aux ­inégalités

aurait pu être une autre réclame, une

l’hédonisme de la méditation, une

homme/femme – ­notamment sur le

autre équation publicitaire à résoudre ou

dizaine ­d’années plus tard. C’est le

lieu de t­ ravail – lorsque l’on assiste aux

un autre client à convaincre. Mad Men

début des années 70, une époque que

combats ­quotidiens de Joan et Peggy

serait devenue une sorte de House sur

certains ­associent à l’émergence des

dans la série et de constater que ces

la Madison Avenue des années 60. Les

­individualismes, mais W ­ einer opte

mêmes ­carcans entravent encore la

audiences auraient même pu s­ urpasser

pour le contre-pied et conclut avec une

cause ­féminine ? Mad Men offre ainsi

ce qu’elles ont été. Au lieu de cela, la

image c ­ ollective, cette publicité cos-

une p ­ ossibilité de mieux appréhender

série a trouvé sa voie avec une s­ tructure

mopolite pour ­Coca-Cola. Au lieu de

les défis actuels en mesurant le chemin

singulière, épisodique, tout en étant

­s’appesantir sur la perte ­prolongée de

parcouru depuis les années 60.

pleinement f­ euilletonnante, à l’image

repères subie par son personnage au

D’ailleurs, cette fidélité envers une

d’une fiction fidèle à son époque tout en

cours des sept saisons, il réfute l’écran

transition historique trouve sa justesse,

­s’affranchissant des limites temporelles.

17


L a grande inter view

Fanny Herrero

Sous le soleil rochelais, alors que Dix Pour Cent, a été ovationnée ­pendant cinq minutes à l’issue de la projection, More TV a eu ­l’occasion de rencontrer Fanny Herrero, la créatrice et scénariste de la série. ­Passée par Un village français, Les Bleus, Fais pas ci, fais pas ça ou ­encore ­Kaboul Kitchen, la scénariste plonge dans le grand bain avec sa création Dix pour cent où elle collabore avec l’agent français le plus connu, Dominique Besnehard. Fanny Herrero s’est confiée à nous sur son expérience Dix Pour Cent, sur son rôle de créatrice et scénariste en chef et sur cette série qui lui tient à cœur. par stéphane bernault photo Hervé Lassïnce

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Stéphane Bernault : On sait que la ­création de Dix pour cent n’a pas été de tout repos. Vous pouvez nous r ­ aconter comment s’est déroulé le processus de développement de la série ?

« Il fallait que je m’approprie la série et les personnages, mais je devais prendre suffisamment confiance en moi pour m’imposer »

Fanny Herrero : Dix pour cent, à l­ ’origine, c’est une idée de Dominique ­Besnehard

La chaîne était plutôt contente de notre

auteurs et les producteurs, j’ai ­retravaillé

qui a longtemps exercé le métier

épisode. Si bien qu’à un moment, il est

la c ­ aractérisation des p ­ ersonnages,

d’agent. Quand il a arrêté, il est devenu

apparu que cet épisode-là était un peu

­approfondi les thématiques, créé le

­producteur et dès le début, il a eu envie

l’étalon du ton qu’ils cherchaient : un

­personnage de Camille, repensé les

de faire une série sur ce métier d’agent

mélange de drama et de comédie, le tout

intrigues et défini un nouveau registre...

de stars. Pour lui, comme pour moi, il y a

sans être trop cynique. Quand Nicolas est

Les sujets des deux premiers épisodes

là un vivier d’histoires inépuisable, une

parti pour faire son film, les ­producteurs

étaient déjà posés par Nicolas, mais on a

comédie humaine à écrire. Au départ, il

– en accord avec la chaîne – ont donc

changé t­ otalement le traitement. Je dois

a demandé à ­Nicolas ­Mercier, l’auteur

proposé à Quoc et moi de reprendre la

­remercier Nicolas du travail accompli,

de Clara Sheller, la série de France 2,

­direction d’écriture de la série, ce que

car il y avait de très bonnes choses. Avec

de se lancer sur le ­projet. Canal+ était

nous avons fait. L’histoire aurait pu

cette remise à plat, l’idée n’était pas de

intéressé, mais voilà, ça a patiné. Des

­s’arrêter là, mais non. Quoc est parti

tout bazarder pour le plaisir, c’était plus

­problèmes de délais, des problèmes pour

­diriger la saison 3 de Kaboul Kitchen et je

de capitaliser sur ce qui était bon.

trouver la ligne. Tout le monde s’est un

me suis retrouvée seule aux manettes. En

J’ai repris le pilote avec Sabrina B. Karine.

peu lassé, je crois. Dominique a remis le

gros, j’ai été promue par la petite porte.

On a mis du temps, on s’est ­arraché les

projet dans son tiroir.

On n’est pas venu me ­chercher en me

cheveux. Entre le moment où je suis

Plus tard, il s’est associé avec Harold

disant : « Fanny, viens faire Dix pour cent,

­arrivée sur la série comme simple auteur

Valentin, un ancien conseiller de

s’il te plaît ». Une fois seule, il a fallu que

et le moment où on a eu un pilote finalisé

­programme de France 2, qui venait de

je gagne la confiance de la chaîne au

et validé, il s’est passé environ un an. À

monter sa boîte de production et qui avait

plus vite, car il y avait des contraintes

ce moment-là, chaîne, producteurs, moi,

déjà l’expérience des séries (notamment

de temps assez serrées. Je dois avouer

on était tous d’accord : on savait qu’on

Clara Sheller et Fais pas ci, fais pas ça

que j’ai traversé des zones de grandes

voulait faire la même série. C’était très

qu’il suivait lorsqu’il était chez France 2).

turbulences. Des moments très durs. Je

important. On avait trouvé un ton, des

Harold pensait que Dix pour cent ­pouvait

sentais qu’il fallait que je ­m’approprie la

personnages, un registre, on avait notre

intéresser la chaîne de service public,

série et les personnages, mais je devais

ligne. Après, ça a été plus simple : avec

dont il connaissait bien la ligne édito-

prendre suffisamment confiance en moi

toute l’équipe, on a planché un an pour

riale. Voilà donc le projet relancé, tou-

pour m’imposer. J’ai donc décidé de tout

écrire les cinq épisodes suivants. Tout

jours avec Nicolas Mercier aux manettes.

remettre à plat, la méthode comme le

est allé beaucoup plus vite.

Mais là encore, il y a eu des difficultés

contenu. C’est à ce moment-là qu’en

pour t­ rouver la bonne ligne à l’écriture...

­c oncertation avec Harold Valentin,

Comment s’est passée l’écriture de Dix

Nicolas, entre temps, a c ­ ommencé à

nous avons recruté une nouvelle équipe

pour cent ? Comment la gériez-vous ?

­développer son ­long-métrage. Il a alors

d’auteurs : Sabrina B. Karine, Camille

Comme la série s’est définie au fur et à

décidé d’arrêter l’écriture de Dix pour

­Chamoux, Cécile Ducrocq, Anaïs Carpita,

mesure et qu’on était pressés par le temps,

cent.

Benjamin Dupas et Eliane Montane.

je n’ai pas pu mettre en place un vrai ­atelier d’écriture. C’est en revanche ce

En ce qui me concerne, je suis rentrée sur

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le projet à cette période comme simple

Avez-vous changé beaucoup de choses

que nous faisons pour la saison 2. Je viens

auteur. Nicolas ne voulait pas écrire seul,

entre le projet de Nicolas et le vôtre ?

de l’école Un Village Français, où il y a un

et il s’était entouré de quatre ou cinq

Énormément, même si Nicolas avait

atelier très fort, très bien géré, bien mis

auteurs dont moi. J’étais en duo sur un

déjà posé des bases. On avait le format

en place. Sur une série comme Dix pour

épisode avec Quoc Dang Tran, un des

(6x52 minutes), l’arène (une agence

cent, c’est peut-être moins i­mportant,

auteurs phares de Fais pas ci, fais pas

artistique), on avait ces trois agents

car on est sur du semi-bouclé, chaque

ça et de Kaboul Kitchen. Il se trouve que

et la mort du fondateur en début de

épisode a son intrigue guest, donc on

pour nous, ça se passait plutôt bien.

­saison. Après, en collaboration avec les

peut avoir des auteurs assez autonomes.


Gregory Montel (Gabriel), Camille Cottin (Andréa), Thibault De Montalembert (Mathias), Liliane Rovere (Arlette)

En gros, en saison 1, j’étais présente sur l’humour, donc il faut bien que quelqu’un n’est pas du câble, ce n’est pas étroit, ce tous les épisodes : avec les auteurs, on se tranche. Après, je n’étais pas totalitaire n’est pas branchouille. Au départ, cela ­racontait ce qui allait arriver de bout en non plus. Si l’auteur l’a écrit, c’est qu’il ­m’effrayait un peu car nous devions bout, les intrigues concernant les guests voulait dire quelque chose, donc ­j’essayais raconter la vie d’agents artistiques, donc (les stars qui viennent jouer leur propre de comprendre. Mais je gardais toujours un métier assez atypique, peu connu du rôle), comme les ­intrigues personnelles en tête : « Est-ce que c’est du Dix pour cent grand public, dans un milieu parisien et sur la vie intime des agents. Je suis res- ou pas ? » et j’ajustais en ­fonction de cette favorisé... tout en veillant à ne jamais être ponsable de la ligne feuilletonnante de la conviction-là.

trop « ­boutique » ni excluants ! Mais je

série, c’est moi qui veille à la cohérence

l’ai tout de suite accepté, je n’ai pas lutté

d’un épisode à l’autre. Donc on ­définissait Quand on voit un tel projet, on se dit contre, je savais que c’était la bonne idée. ensemble la structure de l’épisode, puis que la chaîne a dû s’impliquer dans le Je me suis dit justement qu’on tenait là les auteurs allaient travailler de leur processus de développement. ­Comment une fenêtre très spécifique pour parler côté, avec des allers-retours constants cela s’est passé ?

de choses très universelles : et ça, ça me

entre eux et moi, jusqu’à une version 1 On ne va pas se mentir, la chaîne est ­plaisait beaucoup. Emmanuelle Jacobson / FTV

­dialoguée. À p ­ artir de là, je faisais toutes ­présente dans le processus, c’est elle le La collaboration avec la chaîne a donc les versions finales, je r­ eprenais les client. C’est normal qu’elle s’implique. été très saine. Fanny Rondeau n’était pas ­dialogues pour donner une h ­ omogénéité Mais on a eu beaucoup de chance, intrusive, elle ne venait pas nous dire ce dans le ton et dans l’humour. C’est de la car Fanny Rondeau, la conseillère de qu’on devait écrire ou raconter. Il y a des ­comédie, c’est une affaire de musique, ­programme qui nous a suivis chez France chaînes qui le font – Canal+ par exemple de style. Les auteurs peuvent écrire une 2, a su nous proposer un vrai partenariat. est connue pour être e ­ xtrêmement vanne qui les fait rire, mais parfois elle Elle, sa fonction, c’est de garantir le cadre ­intrusive dans l’écriture. On peut se ne marche pas sur moi, donc je décide de « France 2 » : une fiction grand public, ­retrouver avec des notes de plusieurs ne pas la garder. C’est un peu ­subjectif assez universelle, moderne. France 2, ce pages sur un épisode.

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Parfois, c’est utile, mais c’est ­souvent trop, ça finit par être étouffant. On a envie de dire à ces c ­onseillers de ­programme : « Je veux bien un ­diagnostic, mais n’essaie pas de t­ rouver les solutions, c’est mon métier ça ! ». La trop grande ­implication d’une chaîne dans ­l’écriture oriente, contraint, et au bout du compte, le risque c’est de finir par écrire quelque chose que l­’auteur ne ressent même pas ­lui-même. Cela dilue le propos, le ton, et l’on aboutit parfois comme ça à des fictions qui

Fanny Sidney (Camille) et Cécile De France (Elle-même)

n’ont plus vraiment d’âme, parce que trop de gens – pourtant tous de bonne foi ! – sont intervenus pour d ­ onner leur avis, et y mettre d ­ ’eux-mêmes. Sur Dix pour cent, Fanny Rondeau ne nous impose rien. Elle ne rentre pas dans les

« Il y a eu des moments assez difficiles, parce qu’en cas de refus, il fallait réécrire beaucoup de dialogues, parfois même complètement le thème de l’épisode »

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problèmes, mais ­toujours avec une vision

particuliers. Ils peuvent être enfermés

­concentré sur un ou deux épisodes,

globale, le fameux « cadre France 2 ». Elle

dans un schéma de pensée qui nous est

­tandis que certains acteurs nous ont

suit ­l’écriture à toutes les étapes, mais

certes très utile pour la série, mais dans

donné d’emblée un oui franc et massif,

aussi toute la fabrication de la série,

la ­réalité, c’est compliqué...

ce qui nous réjouissait et nous donnait

jusqu’au montage final. Elle est là pour

Malgré la présence de ­Dominique Besne-

du courage.

nous accompagner à faire émerger les

hard et de Cédric K ­ lapisch, c ­ ertains

épisodes, en veillant à ce qu’on reste

acteurs ont donc refusé de venir jouer

Quels étaient les choix vers lesquels

­toujours dans la ligne de la chaîne.

dans Dix pour cent. On se ­prenait tous

vous vous portiez ?

ces refus dans les dents ! Dix pour cent

Les comédiens que l’on visait, ce sont des

Avez-vous pensé aux guests avant

devenait, pendant l’écriture, la série dans

gens qui ne viennent pas ­habituellement

d’écrire les épisodes ?

la série ! On vivait ce qu’on ­écrivait sur

jouer à la télé. Mais l’image de France

Exactement. Notre chance, c’était d’avoir

les comédiens. Des doutes, des v ­ olte-face,

2 est a priori moins « chic » que celle

Dominique Besnehard à nos côtés. Il

des exigences... Parfois ce qu’on avait

de Canal+, donc c’est plus difficile de

connaît tout le monde, il a des amitiés

écrit pour eux ne les amusait pas du

les attirer ! On comptait sur le carnet

très fortes dans le milieu du cinéma, il

tout... On s’est tous mis à douter : moi

d’adresses de Dominique, tout en pre-

a en réserve des tonnes d’histoires dont

des textes, K ­ lapisch et B ­ esnehard de leur

nant en compte les envies de la chaîne

on s’est inspiré. Au départ, il nous a

réseau ou de leur pouvoir ­d’attraction !

et nos envies d’auteurs, ce qui parfois

donné des noms, ceux des comédiens

Il y a eu des moments assez ­compliqués,

tirait dans des directions contraires. Pour

qu’il connaissait bien, certains qu’il

parce qu’en cas de refus, il fallait

France 2, un acteur de films d’auteur un

avait découverts ou révélés, en étant

­réécrire pour quelqu’un d’autre, donc

peu pointu, c’est « segmentant »... Donc

­persuadé que ces gens viendraient jouer

­réinventer des morceaux d’histoire,

on avait des listes et on rêvassait sur des

dans Dix pour cent. Du coup, nous, les

­réécrire ­beaucoup de ­dialogues, parfois

noms. Et à la fin, on a trouvé je crois un

auteurs, avons écrit sur mesure pour

même revoir c ­ omplètement le thème

juste équilibre, avec des comédiens qui

ces acteurs-là... Or nous nous sommes

de ­l’épisode. Or les auteurs ne sont pas

racontent des ­territoires de cinéma assez

rendu compte que malgré les amitiés,

des machines à écrire des ­scénarios, s’il

variés : Cécile de France, Line Renaud,

les liens... (Elle ­réfléchit). Les comédiens

­fallait tout r­ éinventer à cause des refus,

Françoise Fabian, Nathalie Baye, Laura

sont des personnes particulières. Plus

on n’allait pas tenir. On a eu peur...

Smet, Audrey Fleurot, Joey Starr, Julie

ils sont célèbres, plus ils deviennent

Mais ­heureusement, le ­problème s’est

Gayet et François Berléand.

Christophe brachet / FTV

détails. Elle donne son avis, signale des


c’est ­inépuisable ! Les acteurs incarnent un miroir grossissant de nos folies ­ordinaires, on est loin d’en avoir fait le tour. Et puis, nous avons des héros – nos ­personnages récurrents – ­suffisamment angoissés et névrosés pour que leur vie soit toujours semée d’obstacles : ceux qu’ils se créent eux-mêmes étant ­souvent les plus intéressants d’ailleurs... Nos ­personnages ­secondaires méritent aussi d’être ­développés. En veillant à être ­toujours i­nventifs et sincères, je pense qu’on peut se projeter sur quelques ­saisons. Mais il faut maintenant que le Joey Starr (Lui-même) et Camille Cottin (Andréa)

« Le nom de Camille a plané très vite, dès que le personnage d’Andréa a eu la consistance qui nous plaisait »

public soit au r­ endez-vous ! Parlons des acteurs de la série maintenant. Comment votre choix s’est porté sur Camille Cottin ? Le nom de Camille a plané très vite, dès que le personnage d’Andréa a eu la

De qui rêvez-vous pour la suite ? Qui

Si on arrive à avoir Scarlett Johansson, on

­consistance qui nous plaisait. Camille,

voudriez-vous avoir dans la saison 2 ?

ne touche plus terre pendant au moins

je la connais un peu dans la vie, donc

Si on peut rêver grand, j’adorerais avoir

deux ans après !

quand la ­directrice de casting l’a ­proposé aussi et que les essais étaient ­excellents,

une icône au féminin, comme Catherine Y a-t-il des comédiens de télévision qui

cinéma, la Dame Française. J’adorerais

vous intéressent ?

aussi un grand acteur populaire, Omar

Oui, mais la spécificité de Dix pour

C’était avant le succès de Connasse, le

Sy ou Jean Dujardin. Ou Luchini ! Ou

cent, c’est justement le cinéma, c’est de

programme court sur Canal+ ?

encore des comédiens plus jeunes, moins

faire venir des gens qui sont rares à la

Le programme court existait déjà, mais

connus, frais et intéressants comme Adèle

­télévision... Ceci étant dit, j’adore Thierry

pas encore le film Connasse, ­princesse

Haenel ou Vincent Lacoste. Des jeunes en

Godard (Engrenages, Un Village français),

des coeurs. Toute l’équipe artistique de

devenir. Si je pouvais, si on en avait en

Philippe Duclos (­Engrenages), Simon

Dix pour cent était très fan de Camille

France, j’aimerais aussi écrire un épisode

Abkarian (Kaboul Kitchen, ­Malaterra),

Cottin. Mais on ne voulait pas q ­ u’Andréa

sur un enfant star. ­Malheureusement, ça

ou encore Constance Dollé (Un ­Village

­ressemble à « Connasse », même si

va être compliqué... On ­aimerait aussi

­français, Les Revenants), il y a vraiment

­parfois, il y a des petits clins d’oeil.

avoir une star internationale !

des noms bien servis par la télévision et

Dans Connasse, le personnage n’a pas

qui y font une belle carrière. Pourquoi

de vie privée, pas de sentiments, alors

pas après tout !

­qu’Andréa est ­bourrée de failles, de

Une star internationale qui parle

doutes, c’est une femme nerveuse et

­français ? christophe brachet / FTV

c’était normal qu’elle devienne Andrea.

Deneuve ou Isabelle Huppert. Le grand

Oui, Nathalie Portman habite en France,

Vous parlez déjà d’une saison 2 et

intense. Elle est touchante. Dix pour

elle est mariée à un Français, elle doit

même d’une saison 3, vous vous voyez

cent est une série très chorale : même si

parler français, alors pourquoi pas. On

durer longtemps ?

les guests de chaque épisode polarisent

peut rêver.

Je pense qu’on a suffisamment de matière

­l’attention, la série raconte avant tout

humaine et dramatique pour écrire

la vie ordinaire des agents, ces person-

Scarlett Johansson est aussi mariée à

­plusieurs saisons. C’est de la c ­ omédie

nages au métier g ­ lamour mais pas que,

un Français !

de moeurs, de la comédie humaine,

qui sont incarnés par de super acteurs.

23


« Mes plus grands modèles, ce sont Friday Night Lights et Six Feet Under. Ce sont des séries très émotionnelles, très empathiques, très fortes sur les personnages »

24

Les premiers épisodes [vus au Festival

le titre, car il n’existe pas vraiment en

balbutiements, à la préhistoire comme

de la Rochelle], montrent de la sensi-

France, que d’être considéré comme un

dit Frédéric K ­ rivine ! Quelques auteurs

bilité chez ces personnages...

pilier i­ndispensable de la f­ abrication

­commencent à « tenir » leur série, dans le

C’est comme ça que je réfléchis quand

de la série. En France, il est encore

sens où ils sont les garants de la c­ ohérence

j’écris une série. La série, par e ­ xcellence,

­fréquent que le ­scénariste qui ­développe

artistique : Eric Rochant pour Le Bureau

est un genre où on doit aimer les

son ­projet pendant des années, qui en

des Légendes, Frédéric Krivine sur Un

­personnages, parce que c’est ce qui nous

est donc le créateur, se retrouve exclu

Village Français, Fanny Robert et Sophie

donnera envie de revenir épisode après

de tout le ­processus de ­fabrication

Le Barbier pour Profilage, Anne Landois

épisode. Ils doivent fasciner par leurs

à partir du moment où l’écriture est

pour Engrenages, Fabrice Gobert pour

bons et leurs mauvais côtés. Je n’aime

­terminée. ­L’autorité passe de fait aux

Les Revenants... Dans le cas de Rochant et

pas beaucoup les héros, je leur préfère

mains du r­éalisateur qui pourtant

de Gobert, ce sont aussi des ­réalisateurs,

les anti-héros. Pour moi, dans une série,

vient ­d’arriver, n’a pas de c­ onnaissance

ce qui facilite les choses pour être

le maître-mot c’est l’empathie. On a fait

intime du projet, des ­personnages, etc.

­showrunner. La ­question la plus ­sensible

attention à ce que cela soit ce qui nous

Le nom du ­scénariste est souvent oublié

est celle du p ­ assage de l­’écriture à la

anime dans l’écriture de Dix pour cent,

des ­programmes, des affiches, tout le

réalisation. Quand tu cumules ces deux

ce n’est pas dit qu’on y arrive, mais c’est

monde présente la série sauf lui... J’ai

­fonctions, tu évites pas mal de tensions.

ce qu’on cherchait en tout cas. Dans mon

été choquée lors de la ­présentation de

Un s­ howrunner tel que ça existe aux

expérience de sériephile, les ­meilleures

­Trepalium [nouvelle série d’Arte à venir

États-Unis, un auteur présent p ­ artout,

séries sont les plus empathiques. Des

en 2016] au Festival [de la Rochelle] : il y

c’est très rare en France. Sur Dix pour

­personnages auxquels tu t’attaches

a tout le monde sur scène, ­producteurs,

cent, je n’avais pas ce rôle, du fait de la

comme à une famille ou des amis, dont

­réalisateur, scénaristes, quelques acteurs

présence de Cédric ­Klapisch, mais j’ai

le destin te touche en profondeur. Mes

si je me souviens bien. Bref, tout le

lutté pour rester présente à toutes les

plus grands modèles, ce sont Friday Night

monde est là. Qui ­présente la série ? La

étapes. Ce qui nous semble fou, à nous

Lights et Six Feet Under. Ce sont des séries

­productrice, le représentant de la chaîne

les scénaristes, c’est de devoir autant se

très é ­ motionnelles, très empathiques,

et le ­réalisateur. Et les deux ­scénaristes

battre pour être écoutés alors même que

très fortes sur les ­personnages. On a

qui ont eu l’idée originale, qui ont

nous sommes créateurs. Il y a en France

envie de voir ces gens vivre. Je voulais

­développé ­l’écriture ­pendant ­plusieurs

une culture très forte du ­réalisateur de

que cela soit le cas pour Dix pour cent

années ? On ne leur tend même pas le

cinéma autocrate, souvent co-auteur

aussi.

micro. Je trouve ça insensé !

de ses films, habitué à diriger tout le

Le modèle américain, où les ­scénaristes

monde. Or sur une série, le ­réalisateur

Puisqu’on parle de séries US, est-ce

sont devenus les patrons de leurs séries,

arrive le plus souvent quand la série

qu’on peut dire que vous êtes une

nous prouve que ce n’est pas possible

est déjà écrite ! Sur Dix pour cent par

showrunner à la française ? Aimez-

de couper une série de sa source :

exemple, il y avait cinq épisodes sur six

vous ce terme ?

­l’auteur. C’est une aberration, c’est

déjà écrits quand l’équipe de ­réalisateurs

Ce que j’aime bien, c’est que ce terme

très ­contre-productif. Les mentalités

est ­arrivée... Et souvent encore, les

­permet au scénariste d’affirmer une

changent tout ­doucement sur ce sujet

­réalisateurs changent au gré des saisons,

autorité. L’idée n’est pas tant d’avoir

en France, mais on en est encore aux

tandis que le ­scénariste-créateur reste.


christophe brachet / FTV

Cédric Klapisch (réalisateur)

Donc sur une série bien plus que sur un

En ce qui concerne Dix pour cent, on

de Fanny Herrero » ! C’est plus v ­ endeur,

film, l’autorité doit se partager de fait

parle et on lit beaucoup d’articles qui

c’est ­normal. Cela ne me fait pas rien,

entre le producteur, l’auteur-créateur et

vendent la série comme celle de Cédric

mais c’est une lutte un peu vaine que

le réalisateur. Je n’en reviens même pas

Klapisch et/ou de Dominique Besne-

je ne veux pas mener f­rontalement.

qu’il existe des projets où ça ne se passe

hard. Ça doit vous frustrer ?

J’essaie ­plutôt de faire de la pédagogie,

pas comme ça. Il faut le revendiquer, ce

C’est une affaire de communication.

auprès des ­producteurs, des gens dans

statut de « s­ howrunner ». Cependant,

Je sais ce qu’on doit à Cédric et je l’en

les chaînes, des ­journalistes, des attachés

il faut en avoir envie aussi. Moi, j’aime

remercie. Il arrive avec un savoir-faire,

de presse, du public, je ne manque pas

ça, j’aime ­transmettre ce que j’ai voulu

des t­echniciens formidables, un c ­ hef

une occasion de parler des scénaristes

mettre dans les ­scénarios, en discuter

­opérateur génial, et il r­ éussit à d ­ onner

et du travail de création ­fondamental

avec les ­réalisateurs et les ­comédiens,

vie à nos scénarios avec ­beaucoup

qu’ils font... dans l’ombre, mais plus pour

j’aime me confronter aux autres pour

­d’élégance. La série ne serait pas ce

longtemps !

être le plus précis et juste possible. Je

qu’elle est sans lui. Ce qui me fait un peu

pense que c’est très utile pour que la série

mal, c’est le raccourci qui est fait parfois.

garde sa c­ ohérence et sa ­qualité.

Ce n’est pas très compliqué d’écrire, ou

J’ai amorcé ce travail en saison 1, et je

de dire : « Écrit par..., r­ éalisée par... » ou

­souhaite ­l’approfondir en saison 2.

« Créée par..., direction ­artistique de... ». Heureusement, l’écriture est ­remarquée,

La réalisation, ça vous intéresse ?

elle apparaît dans les critiques comme

Pas pour Dix pour cent, ce serait une folie.

un des vrais atouts de la série, donc

C’est un autre métier. Non, j’aime la place

ça me fait plaisir. Il faut se mettre à la

à laquelle je suis, tout en étant très ferme

place de France 2 aussi. Ils préfèrent

et très combative pour que cette place

­évidemment ­promouvoir « une série de

soit valorisée à sa juste mesure.

Cédric Klapisch » ­plutôt qu’« une série

Retrouvez Dix pour cent tous les mercredis sur France 2. Premier épisode sur france2.fr 25


Le voyage dans le temps À l’occasion des dix ans de la reprise de Doctor Who, faisons un ­petit point sur les différentes approches prises par les ­séries en ce qui concerne le voyage dans le temps. par julien lesbegueries

Le voyage dans le temps a toujours

lui-même (oui je sais, c’est sale). On se

dans lesquelles les évènements s’en-

fasciné l’être humain. On retrouve ce

trouve au sein d’un paradoxe où un

chaînent de façon linéaire. La ­plupart du

thème dans de nombreux médias, et les

­évènement se créé de lui-même, alors

temps, les s­ cénaristes résolvent les pro-

séries n’y échappent pas. Qu’il s’agisse de

qu’il ne devrait rationnellement pas

blèmes de paradoxe grâce à un d ­ iscours

romans, de films, de comics et même de

exister. Prenez Interstellar par exemple

­pseudo-scientifique. On retrouve souvent

théâtre, il y a là une opportunité de créer

(ceux qui ne l’ont pas vu peuvent sauter

ce genre de pirouette dans Doctor Who.

des histoires et des intrigues ­différentes,

le paragraphe). Cooper réussit à s­ auver

Par exemple, nous parler d’histoires

sans tomber dans les nombreux pièges

les ­habitants de la Terre grâce à une

de t­ ranspondeurs galactiques ­positifs

que cela implique. Un retour dans le

­technologie que les humains du futur

­permet de ne pas rendre l’intrigue

temps lors d’une intrigue à suspense peut

ont mis à sa d ­ isposition. Jusque-là, tout

confuse en ne se consacrant qu’à une

vraiment ajouter de la tension à un épi-

va bien. Mais si l’on creuse un peu plus,

seule timeline, même si techniquement,

sode ou une saison, mais toutes les séries

on réalise que si Cooper avait échoué, il

il peut y en avoir plusieurs. ­L’intrigue se

n’y ont pas recours de la même manière.

n’y aurait pas eu ces humains du futur

concentre sur un seul univers et sur les

On peut observer trois grandes ­catégories

pour créer la technologie. On est donc

­conséquences des voyages dans le temps

de voyage dans le temps.

là encore en ­présence de ce fameux

au sein de ce même univers.

« ­paradoxe du père ».

Prenons l’exemple du mariage de River

Quelles sont les séries qui utilisent

Song dans Doctor Who : les évènements

ce paradoxe ? On peut citer Doc-

du dernier épisode se déroulent dans

Il y a tout d’abord ceux qui respectent

tor Who bien entendu, mais aussi

un univers en fin de vie où « toute

le « paradoxe du père ». Je m’explique :

­Supernatural. J’aurais aussi tendance

­l’histoire a lieu en même temps ». Une

imaginez qu’un personnage revienne

à inclure Torchwood dans cette caté-

fois ­l’intrigue résolue et le monde sauvé,

dans le passé et épouse sa mère et qu’un

gorie, mais le thème des paradoxes n’y

les ­personnages sont retournés dans leur

enfant naisse de cet union, cet enfant ne

est pas v ­ raiment abordé. Ces séries ne

univers normal et l’on n’a plus jamais

sera autre que notre personnage original

parlent pas de timelines ­différentes

reparlé de cet univers parallèle.

Les séries linéaires mais paradoxales

26


« Le temps peut se réécrire nous dit-on souvent dans Doctor Who »

Dans ­Supernatural, c’est un peu plus drastique : on a recours au « ­paradoxe du père ». Souvenez-vous quand Dean revient dans le passé pour sauver sa mère. Non ­seulement il échoue, mais en plus il devient celui qui aura permis aux ­évènements qu’ils tentaient d’empêcher de se réaliser. Pour justifier ce ­paradoxe, on a droit à une phrase m ­ ystique de ­Castiel : « Time is fluide » [Le temps file]. Nouvelle pirouette. Dans ces séries, le voyage dans le temps n’influence pas la réalité du monde. Lors d’un épisode des Simpsons, Homer tue un moustique dans la préhistoire, ce qui a pour incidence dans le futur de faire de son voisin le maître suprême de l­ ’univers. Ce genre de choses ­n’arrivera pas dans ces séries. « Time can be rewritten » [Le temps peut se réécrire] nous dit-on souvent dans Doctor Who. À chaque ­réécriture du temps, il n’est plus question de réalités parallèles existant simultanément dans le même univers. Au mieux, un nouvel univers est créé, comme celui où Rose Tyler est ­bloquée, pour notre plus grand ­malheur. On ­considère que les changements e ­ ffectués dans le passé vont changer le futur, sans que l’on puisse ­voyager dans le futur o ­ riginel. C’est une des r­ aisons pour ­lesquelles le Docteur voyage : il court vers les é ­ vènements et vers les personnages, avant qu’ils ne

bbc network / warner Bros.

changent.

Doctor Who

Supernatural

Les séries non-linéaires, la réalité parallèle

faire a ­ pparaître de nouveaux, de faire se rencontrer deux ­versions d’un même

Ces séries se basent sur des timelines

­personnage. C’est ­vraisemblablement

différentes pour faire avancer leurs intri-

cette dernière ­ p ossibilité qui sera

gues ou faire apparaître un ­personnage.

­d’ailleurs utilisée pour ­introduire Killer

C’est le cas de Fringe, ­Stargate et b ­ ientôt

Frost dans The Flash.

de The Flash. Dans cette dernière,

C’est une solution qui peut être qualifiée

(sans spoiler), la saison 2 sera faite de

de facile. On fait sortir un personnage de

­rencontres avec des p ­ ersonnages qui

nulle part avec une justification un peu

se sont échappés du trou noir. Un peu

bancale, un peu « timey-wimey ». Mais si

comme la première saison qui était, elle,

elle est bien amenée, la pirouette scéna-

basée sur les personnages frappés par la

ristique est intéressante. ­Cependant, la

foudre. Cette année, nous aurons

non-altération de timeline peut ­s’avérer

des ­p ersonnages ­p rovenant

être intéressante. Prenez le dernier

de r­ éalités ­parallèles, soit des

épisode de la saison 1 de The Flash où

­timelines différentes.

Barry remonte le temps pour ne sauver

Il faut toujours expliquer de

­personne au final. On passe la moitié de

manière plus ou moins scien-

l’épisode à se demander si modifier le

tifique d’où sortent les réalités

passé est une bonne idée ou non, pour au

­alternatives, mais comme nous

final ne pas le faire. On peut considérer

venons de le voir avec Doctor

ceci comme un manque d’ambition ou

Who, la science n’est pas vraiment

comme un coup de génie. On nous tease

reine dans une série télé, mais

pendant tout l’épisode que rien ne sera

ce genre de technique ­narrative

plus comme avant, tout ça pour qu’on soit

permet de ­ramener des person-

soulagé au final puisque rien n’a changé,

nages qui auraient ­disparu, d’en

ou presque.

27


Les séries flashbacks Enfin, nous avons bien entendu les séries utilisant la technique des flasbacks, qui se déroulent dans le passé ou le futur. Ce sont souvent les séries ­historiques comme The Tudors, Downton Abbey et bien d’autres encore, Revolution ou Star Trek et même Forever. Ces séries ne font pas voyager leurs ­personnages dans le temps, mais leurs téléspectateurs. Elles nous emmènent dans des époques ­révolues ou imaginées pour nous faire ­voyager et nous émerveiller. C’est après tout, le but d’une série ou d’un film : nous

The Flash

faire oublier pendant quelque temps notre vie pour nous distraire et p ­ ourquoi pas nous instruire. Selon moi, c’est le rôle de ces séries : nous raconter une histoire passée ou future, parfois une histoire vraie, pour nous divertir tout en faisant en sorte que l’on apprenne des choses. C’est en partie pour cela que j’avais adoré The Tudors, qui nous raconte la vie d’Henry VIII, l’un des rois anglais les plus connus sans vraiment que l’on sache pourquoi. Après avoir vu la série, on connaît la raison de sa notoriété : les mariages en chaîne, les nombreuses guerres et s­ urtout le schisme avec le pape. Tout ça filmé dans des décors authentiques et avec des costumes magnifiques. Si vous avez la chance d’aller à Dublin un jour, vous trouverez les costumes de la série dans la

Forever

« Le voyage intervient au coeur d’une vision scénaristique précise »

cathédrale, le tournage s’y étant installé a emmenés au Pays de Galles des années temps, celui-ci intervient à chaque fois quelques jours.

1890, à New York lorsque tout le monde au coeur d’une vision scénaristique claire

Mais il y a aussi les séries où on assiste passait par Ellis Island et même dans et précise. On n’y a pas recours à la légère, simplement aux flash-backs d’un le futur dans une galaxie lointaine. Ces c’est quelque chose qui se ­réfléchit. Il ­personnage ayant vécu longtemps. Je moments ne font pas particulièrement faut trouver une raison, un but, mais pense par exemple à Henry Morgan dans avancer les intrigues, mais nous aident à aussi une explication scientifique. Cette Forever ou au Captain Jack Harkness comprendre les personnages. On explore dernière peut soit sortir de nulle part, dans Torchwood / Doctor Who. Ces per- leur passé (qui peut être notre futur, comme pour Supernatural, soit être être des prétextes pour nous emmener d’où ils viennent et leurs choix.

pour The Flash. Une chose est sûre, ce

vers des temps révolus. Forever nous

voyage, quand il est bien construit, fait

plonge surtout dans l’Angleterre lors de la période esclavagiste ou lors des deux

Un même constat d’ingéniosité

le bonheur des ­téléspectateurs et ­permet

Quelle que soit la technique utilisée à de ­nombreuses séries de pouvoir se

guerres mondiales, tandis que Jack nous pour avoir recours au voyage dans le diversifier.

28

warner bros

sonnages, immortels tous les deux, vont ­comprenez-vous ?) pour nous expliquer menée tout au long d’une saison, comme


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interview

Laura Regan par prutha s. Patel photo michael becker

Prutha S. Patel : La diffusion de

concerne la vie privée, en lien avec

Minority Report vient de commen-

les forces de police. Est-on prêt ou

cer, qu’est-ce qui vous enthousiasme

doit-on abandonner notre vie privée,

le plus dans la saison à venir ?

en faveur de notre sécurité ? À partir

Laura Regan : Je suis très enthousiaste

de quel moment la surveillance change

du chemin que prend Agatha à ­partir

notre ­comportement et la société en

de l’épisode 3. Elle se lance dans une

elle-même ? Est-ce pour le meilleur

mission personnelle et va utiliser son

ou pour le pire ? J’espère que la série

pouvoir sans pitié pour a ­ rriver à ses

continuera de développer ce sujet,

fins.

comme le libre arbitre par r­ apport à la destinée. La série ­abordera aussi le

Selon vous, qu’est-ce qui va plaire aux ­téléspectateurs ?

problème du c­ hangement c­ limatique. Vous allez d ­ écouvrir que l’île sur

Les téléspectateurs vont être

laquelle vit Agatha ­faisait, ­autrefois,

impressionnés par les techno-

partie du c ­ontinent. La ­ m ontée

logies du futur employées sur

des eaux a immergé un ­cimetière

la série. Ce que j’ai ­préféré,

­industriel et créée une île.

ce sont les araignées, comme dans le film, qui sont

La série se base sur le film reconnu

­utilisées pour arrêter le

de Steven Spielberg (qui produit la

coupable dans ­l’épisode

série), est-ce quelque chose qui vous impressionne ? Ça pourrait être intimidant, mais avec

Quels sont les sujets

la présence de Steven Spielberg, qui

que vous voudriez voir

est impliqué dans la série, c’est juste

la série aborder ?

enthousiasmant d’évoluer dans ce

Un des grands points abordés dans Minority Report

30

monde qu’il a créé.

fox broadcasting

pilote.


tourné qu’en extérieur ou sur des plateaux. Avec en plus des extérieurs magnifiques, sachant que le chalet d’Agatha se trouve dans un lieu superbe. Cela dit, les fonds verts ne me gênent pas, c’est un challenge amusant, surtout lorsque c’est ponctuel. Stark Sands et Nick Zano incarnent les frères d’Agatha, comment est-ce de travailler avec eux ? Comment sera la relation dans la fratrie, cette saison ? Cet été, Stark, Nick et moi avons passé une journée à tourner une scène flashback dans le bassin des Précogs. Rien de mieux qu’être allongée dans de l’eau chaude, avec une c­ ombinaison en élasthanne, pour se lier avec ses collègues. On a commencé à créer des dialogues pour une comédie musicale des Précogs. Désormais, Nick et Stark se lancent là-dedans, dès qu’on est réunis tous les trois. Ils me font constamment rigoler. ­Travailler avec eux est tellement un plaisir que je ne considère pas ça comme du travail. Mais dans la série, Agatha essaie sans cesse de contrôler ses frères ou de magouiller derrière leur dos. Il y a b ­ eaucoup En quoi le rôle d’Agatha est intéressant pour vous ?

d’amour dans la fratrie, mais différentes idées pour préser-

Agatha a un passé rêvé pour un acteur. Son passé étrange et

ver leur liberté. Arthur (Nick Zano) et Dash (Stark Sands) se

unique, ajouté au fait qu’elle peut voir le futur, font d’elle une

tournent vers Agatha pour certaines choses, parce qu’elle

personne très complexe. C’est une adulte, mais elle demeure

possède un plus grand pouvoir de vision, mais ce n’est

très innocente. Mais d’un autre côté, elle paraît insensible au

­certainement pas assez souvent pour elle.

sujet de la vie, sachant toutes les morts qu’elle a vues. Elle est déterminée à protéger sa liberté. Elle ne doute jamais d’elle,

Vous semblez proche des autres acteurs et de l’équipe vous

car ses visions lui donnent de la confiance. J’aime incarner

voyez-vous en dehors du tournage ? Vous communiquez

ce personnage !

tous ensemble (Textos, mails ...) ? On adore se réunir, mais on manque de temps pour le faire.

Récemment sur Twitter, il y avait une photo de vous, alors

On a fait quelques bonnes soirées à Vancouver et fêté des

que vous alliez « devenir une piñata », vous pouvez nous

anniversaires. Avec Meagan et Li Li, on communique par SMS

expliquer le processus ?

lorsque l’on ne tourne pas ensemble. Sinon, on communique

Ils ont dû faire un masque de mon visage, comme une sorte

tous par mail, ceux de Nick sont les plus courts et fous, tandis

de moule de ma tête et de mon cou. D’abord, ils ont collés des

que ceux de Wilmer sont longs et tordants.

katie yu / fox broadcasting

cheveux à certains endroits, pour que cela adhère au plus près du visage. Ensuite, ils ont méticuleusement mis du papier

Quelles sont les choses qui vous occupent quand vous ne

mâché sur mon visage, avec deux petits trous pour les narines,

tournez pas ?

afin que je puisse respirer. Puis, ça chauffe pendant quinze

Lorsque je ne tourne pas, je passe du temps avec mes enfants. En

minutes. Quand je ne supportais plus la claustrophobie et la

dehors de ça, je m’implique dans la préparation de la c­ onférence

chaleur, ils ont coupé derrière et l’ont retiré. Ils ont fait ça,

des Nations Unies sur le réchauffement c­ limatique qui se

pour créer une prothèse de ma tête, pour les flashbacks dans

­tiendra à Paris à la fin de l’année. Les ­énergies ­renouvelables

lesquels on voit les Précogs émerger du lait de photon. Ils ont

­m’intéressent beaucoup, et leur utilisation devrait se faire au

un moule parfait de ma tête en cas de besoin.

plus vite, pour la santé de tous.

La série fait appel à de nombreux effets spéciaux, ce n’est

Une dernière chose à dire à nos lecteurs ?

pas trop difficile de travailler devant un fond vert ?

Commencez à regarder la série dès maintenant, parce que ça

Là-dessus j’ai eu de la chance jusqu’à maintenant, car je n’ai

va être complètement fou !

31


critique

p i lot e

Minority Report visions futuristes

En choisissant d’adapter Minority Report à la télévision, FOX fait le pari du ­procédural d’anticipation. Un mélange des genres pas tout à fait réussi dans ce ­pilote m ­ alheureusement mal équilibré.

32

Après Sleepy Hollow il y a deux ans,

puisque cela empêche de véritablement

plusieurs épisodes avant de constater s’ils

FOX a décidé d’adapter un autre film

poser les bases d’une série aussi com-

sortiront des clichés imposés.

en série. Le pari est osé, puisque c’est

plexe que M ­ inority Report. Il est alors

Minority Report tente tout de même

l’univers assez complexe de Minority

frustrant de voir que les ­éléments les

d’instaurer un fil rouge dès ce pilote

Report, film de Steven Spielberg (adapté

plus originaux et ­intéressants de la série

avec une scène finale « à suspense ».

du roman de Philip K. Dick) sorti en

sont expédiés de manière t­ otalement

­M alheureusement, comme tous les

2002 avec Tom Cruise en tête d’affiche,

­paresseuse (en voix-off le héros nous

­amateurs de séries le savent, dans ce

qui devra s’affirmer ici, semaine après

raconte toute son histoire, comme un

genre de série, le fil rouge n’est qu’une

semaine.

« previously » d’un épisode qu’on aurait

excuse : cette intrigue principale ne

La série suit trois enfants, Agatha, Dash

manqué).

risque d’être évoquée que de temps en

et Arthur, travaillant pour Precrime,

Au final, le principe de la série n’est pas si

temps et ne sera vraiment développée

une organisation pouvant empêcher les

compliqué que ça : le héros a des visions

qu’en toute fin de saison.

meurtres avant qu’ils ne se produisent

de crimes et va tenter de les empêcher

Pourtant, tout n’est pas négatif dans cet

grâce aux visions de ces derniers. Par

avant qu’ils n’aient lieu. Un procédural

épisode, car l’univers instauré est tout de

la suite, Precrime sera démantelée et

qui s’annonce, en somme, assez c­ lassique.

même assez dense avec un potentiel qui

­Agatha, Dash et Arthur (maintenant

Il s’agit là du plus gros défaut de la série.

semble plutôt énorme. La série a aussi la

­devenus des adultes) devront vivre leur

Si la première partie de l’épisode est

bonne idée de ne pas se prendre trop au

vie cachés de tous.

assez intéressante (on se retrouve face

sérieux et quelques éléments font même

En 2065, Dash, toujours hanté par les

à un mélange assez habile de Person Of

plutôt rire comme lorsque l’on découvre

visions des crimes à venir, fera tout pour

Interest et de Fringe), la seconde moitié

que The Simpsons en est à sa saison 75

les empêcher, mais malheureusement,

montre déjà les limites de la série : une

ou quand la mère de Lara déclare qu’à

ses visions sont incomplètes sans l’aide

histoire policière peu originale.

son époque on rencontrait sa moitié sur

de son frère. Il va donc collaborer avec

Au niveau des personnages, on souligne

­Tinder ! C’est plutôt le côté procédural qui

une policière, Lara Vega. Ensemble, ils

le côté caricatural et peu imaginatif de la

ne donne pas forcément envie de revenir,

vont tout faire pour arrêter ces actes

composition du casting. Le héros, Dash,

d’autant plus que ­l’intrigue ­policière de

­criminels à temps.

est blanc, la policière badass, Lara Vega,

ce premier épisode est vraiment banale

Il faut l’avouer, le postulat de départ

est afro-américaine, son collègue sur le

(et sa résolution est t­ otalement honteuse).

n’est pas des plus évidents, et il faut

terrain, Will Blake, est un latino musclé et

Une bonne surprise à la Sleepy ­Hollow

­s’accrocher pour suivre. En effet, tout

la geek en informatique, Akeela, est asia-

(alternance entre stand-alone de qualité

va très vite et l’explication du concept

tique. Nous sommes donc face au cliché

et mythologie) pourrait tout de même voir

est éjectée en deux minutes, avant que

assez consternant du casting multiracial

le jour. Cela dit après trois ­épisodes, le

l’on ne passe directement dans le vif

rappelant les castings des séries d’antan.

succès public n’est pas au rendez-vous, le

du sujet. C’est s­ ouvent le cas avec les

C’est encore plus aberrant lorsque l’on

procédural étant un genre ­sur-représenté

séries ­diffusées sur les networks : il faut

sait que l’intrigue se déroule en 2065 ...

à la télévision. ­D’ailleurs, la chaîne a

­capter le ­téléspectateur dès les ­premières

D’autre part, les personnages sont des

réduit sa commande et la ­saison 1 ne

secondes sous peine de le voir partir sur

plus classiques et ne sont donc pas

comptera que dix épisodes.

une autre chaîne. C’est plutôt dommage,

­attachants. Il faudra sans doute attendre


33

fox broadcasting


interview

Mozhan Marnò par prutha s. Patel photo Ryan Pfluger

34


Prutha S. Patel : Vous participez à deux séries plutôt sérieuses, House of Cards et Blacklist, vous pouvez nous décrire les deux personnages que vous incarnez ? Mozhan Marnò : Ayla est très intelligente et obstinée. Elle n’hésite pas à intimider le personnel de la Maison-Blanche, voire le président lui-même, pour arriver à ses fins. Samar a subi beaucoup d’épreuves, ce qui l’a rendu très forte. C’est aussi une très bonne espionne, elle est très coriace. Qu’est-ce qui les rend uniques et intéressantes à incarner ? Elles n’existent pas par rapport à un homme, elles ne sont ni l’épouse ni la petite amie de quelqu’un. Ce sont deux ­professionnelles très compétentes, donc deux personnages très plaisants à jouer. Est-ce que votre passé, votre éducation ou un précédent rôle vous a aidé à mieux appréhender ces deux rôles ? Ayla est très éduquée, ce que je suis aussi, donc ça aide. Pour

Que pouvez-vous nous dire sur les nouvelles saison à venir ?

Samar, j’ai dû faire des recherches sur l’espionnage. Des

Dans la saison 3, la structure préalable de Blacklist n’existe

­entraînements, comme ceux du FBI et du Mossad, m’ont aidé

plus, et nous sommes divisés en petit groupe. Red est en fuite

à mieux comprendre ce qu’elle avait vécu par le passé et

avec Liz, Cooper a perdu sa place de chef, Ressler est devenu

­l’impact sur sa vie présente.

le nouveau chef. Nous sommes tous confrontés à ces nouvelles circonstances, cela amène une nouvelle dynamique, donnant

Félicitations pour votre nomination au SAG Awards pour

de bonnes scènes.

votre rôle dans House of Cards. Vos relations avec le ­casting se passe bien ?

Vous allez prêter votre voix au jeu 1979 Revolution, ce

À chaque nouvelle participation à un projet, on trouve toujours

que vous aviez déjà fait pour le jeu The Elder Scrolls V:

quelqu’un avec qui on s’entend parfaitement, mais c’est rare

Skyrim. Est-ce quelque chose que vous aimez faire et qui

que l’on trouve des personnes qui deviennent de vrais amis,

vous amuse ?

avec qui on reste amis après la fin du tournage. Pour cette

C’est très marrant, car je ne suis plus limitée à la réalité. ­Parfois,

série, je suis tombée sur de véritables amours, Derek Cecil (Seth

on se retrouve à faire la voix d’un enfant ou d’un monstre,

Grayson) et Jimmi Simpson (Gavin Orsay), qui sont adorables.

c’est très drôle.

Beau Willimon, le créateur, est également un très bon ami. Il sait être très disponible et à l’écoute, à propos des scènes et

D’ailleurs, à ce propos, jouez-vous à des jeux vidéos ?

du travail. Cela rend le travail très plaisant.

Pas vraiment, j’ai fini Super Mario Bros. 3, et depuis, je n’ai plus joué.

the blacklist / NBC Universal

Vous venez d’obtenir un statut de régulière pour Blacklist, bravo. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce rôle ?

Que ce soit dans une série ou film, y a-t-il un personnage en

Je ne travaille sur la série que depuis un an, mais avant ça, je

particulier, que vous voudriez incarner ? Ou une époque

la regardais en tant que spectatrice et j’adorais. De plus, j’étais

que vous voudriez dépeindre ?

vraiment enchantée de pouvoir travailler avec James Spader.

J’adorerais faire un film d’époque. Donnez-moi un corset et une perruque, je serais la plus heureuse.

A-t-il été difficile de vous intégrer dans ce casting ? Lorsque l’on arrive sur une série, on est toujours la petite

Une dernière chose à dire à nos lecteurs ?

­nouvelle. Mais dès le début, Harry Lennix (Harold Cooper) m’a

J’adore manger les fromages français très odorants. Plus ça

très bien accueillie et m’a fait ressentir que je faisais p ­ artie

sent fort, meilleur c’est. Il faut que l’on m’engage pour un

du groupe. C’est un petit groupe, donc nous avons pris un bon

film en France, afin que j’y passe du temps et que je puisse

rythme très rapidement.

­manger du fromage.

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More TV bientôt de retour

 


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