paperJam Economie & Finance - Juillet-août 2007

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A C T U A L I T E · lu x e m b ou r g

Rola n d K u h n

« Le

capital de l’entreprise, c’est sa main-d’œuvre » Le nouveau président de la Chambre des métiers place la qualité de la relation avec le personnel au cœur des préoccupations de l’entreprise. Un défi qui passe aussi par une amélioration constante des formations initiale et continue.

Monsieur Kuhn, quelles sont vos priorités, en tant que nouveau président? «Le moment est prématuré pour répondre à cette question. Ce n’est pas le président, seul, qui décide. En tant qu’institution aux bases démocratiques, chaque décision prise à la Chambre des métiers est une décision collective. J’entends donc discuter de la future orientation de nos priorités pour le secteur lors de notre premier conseil d’administration. Vous avez toutefois des idées sur ce que vous aimeriez voir développer… «Bien sûr! Le souci de la compétitivité de nos entreprises prime dans toutes nos réflexions, que ce soit tant au niveau de la Chambre des métiers que de la Fédération des artisans ou de l’Union des entreprises luxembourgeoises et des autres organisations patronales. Si l’on parle compétitivité au niveau de l’artisanat à forte composante de main-d’œuvre, la formation, la qualification et la motivation des collaborateurs sont autant d’éléments essentiels du succès de chaque entreprise. En 20 ans, les mentalités ont évolué. L’entreprise est confrontée à un client qui est mieux informé et surtout plus critique sur les prestations fournies. Partant de ce constat, l’entreprise doit absolument s’adapter à sa clientèle, voire anticiper les attentes et les tendances de demain. Pour moi, la clé de cette approche doit se caractériser par une démarche proactive envers le client et il ne faut surtout ne pas se contenter d’attendre d’être approché.

Les entreprises artisanales affrontent aussi une concurrence étrangère de plus en plus vive. Comment y réagir? «Cette concurrence d’entreprises étrangères est, en effet, substantielle. Nous comptons autant d’entreprises étrangères qui traversent la frontière chaque jour que d’entreprises établies sur notre territoire. Leur part de marché se situe à 12%, soit quelque 250 millions d’euros par an. Vu la situation économique défavorable en Allemagne, il ne faut pas s’étonner que ce soient précisément ces entreprises qui soient particulièrement attirées par un marché luxembourgeois en plein essor. Il appartient à la Chambre des métiers de faire l’analyse détaillée de cette situation, afin de pouvoir développer une stratégie à long terme permettant de contrecarrer cette percée étrangère et, si possible, de récupérer ces parts de marché. Cette stratégie devra s’articuler autour d’une approche résolument orientée vers le client. Si les entreprises luxembourgeoises sont bien connues pour la qualité de leurs services et produits, elles devront faire un effort supplémentaire dans le domaine commercial, en particulier en ce qui concerne le marketing. Je vous rappelle, dans ce contexte, la phrase suivante: «Moi, je ne suis pas assez riche pour me permettre de ne pas acheter de la qualité». Il faut le faire savoir à nos clients. Les entreprises luxembourgeoises doiventelles aussi cibler les marchés à l’étranger? «Sans aucun doute. Notre marché est celui de la Grande Région qui, pour l’instant, compte tenu de la forte demande émanant de la clientèle luxembourgeoise, fonctionne essentiellement à sens unique. Je suis convaincu que cette situation va évoluer dans les prochaines années. De plus en plus d’entreprises luxembourgeoises poursuivent déjà une activité prometteuse dans la Grande Région. Il revient à la Chambre des métiers d’encourager et d’assister ses ressortissants dans l’exportation de leurs produits et services vers la Grande Région. Vous dites que le coût de la main-d’œuvre n’est pas le critère déterminant. Pourquoi?

«Si le coût de la main-d’œuvre se tient en équilibre, c’est surtout à cause des charges salariales indirectes qui sont plus favorables au Grand-Duché qu’ailleurs. Donc, ce n’est pas le coût de notre main-d’œuvre qui gênerait l’entreprise luxembourgeoise pour aborder les marchés étrangers, mais plutôt les situations de concurrence déloyale qui persistent. Dans le cas, par exemple, des cotisations à prester au profit d’une caisse de congés en Allemagne, nous sommes en situation défavorable par rapport à nos concurrents allemands. Je tiens à signaler que ce problème précis fait l’objet de pourparlers au niveau politique. Un des problèmes ne réside-t-il pas aussi dans la pénurie de main-d’œuvre qualifiée? «L’artisanat crée en moyenne 2.000 emplois supplémentaires par an. Près de la moitié des salariés occupés dans le secteur sont des frontaliers. Le recrutement d’un personnel qualifié est un grand défi pour chaque entreprise et explique le grand engagement de la Chambre des métiers pour tout ce qui concerne la formation initiale et continue. Dans le contexte de la réforme de la formation professionnelle, actuellement débattue, nous espérons que cette initiative se soldera par davantage de jeunes gens mieux formés, qui envisagent une carrière dans l’artisanat. Dans ce contexte, il faut sensibiliser les jeunes, mais surtout leurs parents, pour qu’il y ait plus de jeunes amenés à faire un choix positif, connaissant les possibilités que leur réserve la maîtrise d’un métier, au lieu de n’envisager un apprentissage qu’en dernier recours. N’y a-t-il pas aussi une concurrence de la fonction publique? «Oui, c’est clair. Beaucoup de jeunes, bien formés dans les entreprises artisanales, s’engagent plus tard dans la fonction publique. Ceci est une situation regrettable et malsaine, qui constitue une concurrence déloyale de la part de l’Etat et des communes. Cette situation prive ainsi les entreprises d’une partie de leur main-d’œuvre qualifiée et démotive, par la même occasion, les entreprises de s’investir dans la formation des jeunes.

Photo: Luc Deflorenne

Pour succéder à Paul Reckinger, qui fait ses adieux à la Chambre des métiers en ce mois de juin, les membres de l’institution, issus de l’élection de mars dernier, se sont réunis en assemblée constituante, le 14 juin 2007, et ont porté à leur présidence Roland Kuhn, fondateur et directeur de l’entreprise de construction du même nom. La compétitivité des entreprises, les défis de l’emploi et de la concurrence étrangère, la question de la neutralité financière au sujet du statut unique: autant de dossiers dont il aura la charge durant un mandat dont il a bien voulu nous exposer les grandes lignes.

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